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AVRIL 2002
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PRESENTATION DE LA SNAV.
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° La production:
- un atelier de mécanique;
Dans ces ateliers se déroulait tout le processus de fabrication : réalisation des pièces
à l'aide de toutes sortes de machines-outils puissantes (cisailles à guillotine, poinçonneuses,
rouleuses, oxycoupage, meulage…), manutention et transport des pièces (fenwicks, ponts
roulants, treuils…), assemblage des pièces (soudure, meulage, perçage, …), certains postes de
travail étant fixés aux machines, d'autres étant positionnés sur les chaînes de montage.
Des magasins se trouvaient dans chaque atelier (outils, gants, guêtres et tabliers de soudure,
masques ou lunettes pour l'oxycoupage, la soudure, le meulage…).
Des manœuvres assuraient le nettoyage général des ateliers, même si la plupart des ouvriers
étaient tenus de nettoyer leur place de travail au moins une fois par semaine.
Maîtrise: chefs d'équipe, chefs d'atelier.
° Les ouvriers :
:
Environ la moitié des ouvriers étaient immigrés, principalement d'origine
maghrébine, puis au milieu des années 70 d'origine asiatique ( ceux-ci embauchés presque
exclusivement dans l'atelier de fabrication de containers). De ce fait, une grande partie des
ouvriers d'origine autochtone pouvait, comme dans le reste des entreprises de l'agglomération
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lyonnaise d'ailleurs, nourrir des espoirs d'ascension sociale (devenir chef d'équipe, voire plus
si fortes capacités).
° Les bureaux:
- les bureaux d'études (ingénieurs, dessinateurs, traceurs…) et le bureau des méthodes (40
personnes),
° Le PDG: LOUWET.
° Répartition du personnel en 78 :
33 cadres, 217 employés et techniciens et agents de méthodes, 200 ouvriers indirects et agents
de maîtrise, 543 ouvriers (dont une trentaine d'intérimaires).
° Les syndicats.
- La CGT :
très majoritaire dans tous les secteurs (3 représentants au CA, 5 sur 6 au CHS, 7 Délégués du
Personnel sur 11, secrétaire du CE).
Certains responsables syndicaux (le secrétaire du CE Louis Courtial, le délégué
syndical Gérard Happe, et plusieurs autres sont adhérents du PCF, cellule Dumas-Barbusse).
Si les représentants du CE sont très orthodoxes, le délégué syndical et les délégués du
personnel sont plutôt (voire très, pour certains) combatifs.
- La CFDT :
minoritaire elle est cependant présente dans les bureaux comme dans les ateliers. Elle
regroupe plutôt les travailleurs immigrés. Le délégué syndical, Roland Deligant est un
militant marxiste-léniniste de l'organisation PCR-ml.
- La CGC :
faible, dispose pourtant d'un représentant au CA et d'un autre au CHS.
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LA SITUATION SOCIALE EN 78.
23 mai 78
26 juin 78
Septembre 76
Le plan de liquidation tenu secret alors (nous ne l'avons vérifié que durant
l'occupation de la boîte en fouillant dans les tiroirs de la Direction) de la SNAV, ou tout au
moins de cession de cette filiale RENAULT à une entreprise privée coïncide avec mon
embauche. Or, quelque temps avant, BERLIET m'avait éconduit après enquête de police ou
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recoupement avec les "listes noires" du patronat, malgré mes résultats parfaits à toute une
batterie de tests (psychomoteurs, maths, technologie, français), entretien avec un psychologue
d'entreprise qui m'avait fait miroiter une progression fulgurante, et alors qu'on m'avait déjà
montré mon futur poste de travail. Je savais par ailleurs, et j'en avais eu la preuve à la
SAVIEM de Caen où, embauché j'avais été renvoyé au bout de 15 jours pour "fausse
déclaration" par le grand Chef du personnel ("On ne dit pas qu'on n'a que le BEPC quand on
a fait des études supérieures ; Au revoir Monsieur, la porte est derrière vous, c'est aussi facile
de sortir que d'entrer.") que j'étais sur la "liste noire " des entreprises de la métallurgie de
l'Ouest, de l'automobile et du ferroviaire. D'autre part, deux autres camarades de l'organisation
révolutionnaire à laquelle j'avais adhéré à l'époque (l'OCT) et trois autres "gauchistes"
appartenant à l'OCB (Organisation Communiste Bolchevique) furent embauchés à peu près en
même temps que moi. Le chef du personnel de la SNAV, BONNAMOUR, m'a affirmé lors
d'une de nos rencontres ultérieures, lire quotidiennement l'Humanité qui expliquait à
longueur de colonnes que les "gauchistes" étaient des "agents provocateurs" à la solde du
patronat, téléguidés pour affaiblir l'action syndicale et celle du PCF. Nous pouvons donc
penser que lui et d'autres dirigeants de l'entreprise aient été victimes d'une intoxication
"Humanitaire" et aient donc cru, sur la base de ces délires pseudo-communistes, que notre
présence les aideraient à réaliser leurs plans.
L'OCT, qui encourageait "l'établissement" dans les entreprises, prônait par ailleurs
(ce qui n'était pas mon point de vue) le militantisme à l'intérieur des syndicats. J'ai donc
adhéré à la CGT, étant déjà connu par la section syndicale comme militant maoïste. (Les
responsables CGT de la SNAV, et notamment ceux qui étaient également adhérents du PCF
avaient une autre lecture de leur quotidien l'Humanité, puisqu'ils ont considéré que dans la
période de crise sociale ouverte par le Plan Barre de 1975, aggravée en ce qui concernait la
SNAV par la volonté affichée par un représentant du Ministère de l'Industrie en réunion de
CA du Groupe Renault de se débarrasser de la SNAV, il était nécessaire de renforcer la
section syndicale avec des militants "aguerris" de mon genre). La CGT m'a présenté aux
élections de Délégué du Personnel en juin ou juillet 1978 et j'ai été élu au titre de D.P.
suppléant.
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26 septembre 1978 : cession de la SNAV à FAUVET-GIREL.
Une remarque : les salaires des OS sont équivalents dans les deux entreprises. Ce n'est qu'à
partir de l'OP (ouvrier professionnel) et jusqu'aux cadres que les rémunérations sont
supérieures à la SNAV.
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6 octobre 1978 : licenciements programmés, unité syndicale cahotante.
° 24 octobre : débrayage dans les ateliers avec défilé dans toute l'entreprise.
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° vendredi 10 novembre :
Grève des ouvriers de l'entretien contre la réduction d'horaire avec perte de salaire.
La CGT appelle à un débrayage d'une demi-heure.
° 15 novembre :
Débrayage à 8 heures 30, défilé dans les ateliers et bureaux, manifestation sur le
parking de la SNAV en compagnie des ouvriers en difficulté de la Rhodiacéta, Sigma, Berliet,
Saviem, Rhône-Poulenc, Maréchal, Feudor…et ensuite défilé dans Vénissieux.
° Vendredi 15 décembre :
Grève toute la journée avec occupation de l'usine.
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° Avant même l'avis de l'Inspection du travail, la Direction annonce un
calendrier de licenciement :
- 84 personnes à réception de l'autorisation administrative
- 8 au jour de leur 58 ème anniversaire
- 18 le 28/2/79
- 20 autres le même jour si leur mutation n'est pas réalisée.
Pas de dates pour les autres.
° 10 janvier 1979 :
L'Inspecteur du Travail, RADIX refuse les "licenciements collectifs pour motif
économique".
Il est dessaisi du dossier par sa hiérarchie qui décide de ne pas envoyer de réponse, ce qui
entraînera automatiquement, à expiration du délai légal de 30 jours, et légalement acceptation
des licenciements le 15 janvier.
° 12 janvier :
Débrayage tout l'après-midi après l'occupation de l'Inspection du Travail le matin par
une centaine de salariés à l'appel de la CGT.
° Vendredi 13 janvier 79 :
L'intersyndicale CGT-CFDT organise un vote à bulletin secret sur sa proposition de
grève avec occupation de 24 heures reconductible tous les jours, accompagnée d'actions à
l'extérieur de l'usine. Proposition acceptée par les 2/3 des votants.
La Direction tente de faire avorter l'occupation votée majoritairement en faisant
démonter le portail principal et en subtilisant les clefs des fenwicks.
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Lundi 15 janvier - dimanche 28 janvier 1979.
° Lundi 15 janvier :
Dès 5 heures du matin, l'occupation de l'entreprise est organisée avec blocage des
accès à l'aide de containers, de palettes, de chaînes… et slogans peints sur les murs.
La Direction et les non-grévistes qui se présentent à la porte sont arrosés à coups de
lance d'incendie et repoussés par des lanceurs de pierre et de boulets de charbon.
Vote en AG pour la poursuite de la grève avec occupation : 527 votants, 327 pour,
200 contre.
Constat d'huissier.
° Mardi 16 janvier :
Dans la nuit du lundi à mardi, un énorme Engin Porte Grues est immobilisé Place de
la République, dans le centre lyonnais, et des tracts d'information sont distribués à la
population. Constat d'huissier. Interpellation de deux salariés par la police.
° Mercredi 17 janvier :
Nouveau vote reconduisant l'action (450 votants, 253 pour, 197 contre)
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Une centaine de grévistes bloquent à nouveau le périphérique en manifestant avec
tracts et banderoles durant une heure et demie
Décision d'envoyer une lettre aux salariés appelant à une AG le 22, de rédiger un
tract pour les entreprises de Vénissieux et un autre en direction des filiales Renault.
Jeudi 18 janvier :
Début de collectes, interventions auprès des services sociaux des mairies, recours
auprès du Tribunal Administratif…
Vendredi 19 janvier :
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Samedi 20 janvier :
Début de tensions entre les Délégués du Personnel SNAV et les permanents de l'UL
et de l'UD CGT, les premiers voulant que soit organisée la coordination des boites en lutte
contre les licenciements, les seconds commençant à faire pression pour faire cesser
l'occupation.
Dimanche 21 janvier :
Lundi 22 janvier :
Après la lecture des résultats du vote, vers midi, une bonne centaine de grévistes
partent en manifestation jusqu'à la gare de Vénissieux et occupent les voies durant plus d'une
heure avec banderoles et tracts. Les trains régionaux Lyon-Grenoble, Grenoble-Lyon, et le
train international Milan-Lyon restent bloqués en gare. Distribution de tracts aux passagers,
discussions, collage d'affichettes sur les wagons. Interpellation publique de la SNCF, de son
refus de s'équiper de wagons neufs (communiqué de l'intersyndicale).
L'intersyndicale "sollicite tous les appuis possibles de la part des sections syndicales
d'entreprise de la région pour parer à toute éventualité d'expulsion par les forces de police".
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Mardi 23 janvier 1979 :
Lettre envoyée par le PDG, Louwet, à tous les salariés les incitant à agir contre les
sections syndicales ("Il est temps que tous ceux qui refusent ce désordre se manifestent
clairement"), agitant la menace d'un dépôt de bilan ("l'attitude des organisation syndicales
…porte un préjudice incalculable pour l'avenir immédiat de la Société … et donc pour le
maintien de l'emploi du personnel non licencié".) Affirmations mensongères également dans
cette lettre : "l'attitude des organisations syndicales… risque enfin de porter un préjudice à
tous ceux qui sont licenciés, compte tenu du mode de calcul adopté pour l'indemnisation du
chômage".
Lettre envoyée par l'intersyndicale à tous les salariés récapitulant les mensonges, la
fuite devant les responsabilités, l'intransigeance et le chantage de la Direction de Juin 1978
jusqu'au 23 janvier 79. Elle rappelle que le rapport de l'expert-comptable du CE conclut à la
situation bénéficiaire de la SNAV pour l'exercice 78, affirme que "le droit du travail est
supérieur et plus légitime que le droit de propriété" et que "les piquets de grève ou les
occupations peuvent être reconnus comme moyens d'exercer ce droit (de grève)". Elle récuse,
en citant les sources réglementaires, les mensonges de la Direction concernant les allocations
de chômage des licenciés qui ne peuvent être amputées du fait de la grève.
Enfin elle appelle tous les salariés à un nouveau vote sur la continuation de la lutte le vendredi
26 janvier.
Cette lettre ne parviendra pas à temps en raison d'une grève des PTT lyonnais.
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Contacts avec les entreprises lyonnaises pour riposter à une intervention éventuelle
des CRS.
Jeudi 25 janvier :
A 17 heures , manif organisée par la section Vénissieux-Nord du PCF contre les licenciements
à la SNAV, Berliet (500), Rhône-Poulenc Textile (687), Feudor (100), Compresseurs
Bernard, Sigma, RVI (Renault-Véhicules Industriels)( 950 en décembre 78, 938 annoncés
pour fin janvier). Une cinquantaine de participants. Le PC engueule l'Intersyndicale SNAV
qui repart aussitôt.
Vendredi 26 janvier.
L'union Locale CGT diffuse en AG des salariés de la SNAV, avant le vote, un tract
contourné appelant à la fin de l'occupation.
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Lundi 27 mars : Après l'occupation, la lutte continue.
Reprise du travail avec distribution de deux tracts offensifs ("Le chômage, c'est
comme la bombe atomique, quand la masse critique est atteinte, c'est l'explosion" le lundi 27
janvier, "Selon la façon dont on termine une grève, on prépare la suivante "le mercredi 29
janvier).
Mercredi 29 janvier :
Assemblée générale.
Vendredi 31 janvier 79 :
Lundi 5 février :
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Mardi 6 février :
Mercredi 7 février :
Jeudi 8 février :
Vendredi 9 février
Nous sommes 18 à recevoir une lettre de mise à pied de 3 jours pour faute grave
(séquestration de DOLVECK).
Mardi 12 février :
Une pétition signée par plusieurs centaines d'ouvriers et même d'employés réclame la
levée de cette sanction.
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Mercredi 13 février 1979 :
Débrayage à 8 heures trente avec rassemblement devant les bureaux pour porter les
pétitions contre les sanctions consécutives à la séquestration de DOLVECK au chef du
personnel, J BONNAMOUR.
22 février :
Vendredi 2 mars 79 :
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16 mai 1979 :
4 juillet 1979 :
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Les retombées syndicales de la lutte.
Juillet 1979- juillet 1981.
Ils ont commencé par prendre l'initiative de l'enterrement de l'unité intersyndicale CGT-
CFDT.
Ensuite, ils ont entrepris une campagne de dénigrement contre un certain nombre de délégués
du personnel (Cf. lettre de réponse à ces rumeurs co-signée au début par 4 délégués du
personnel dont j'extrais ces quelques phrases :
"- Que l'on condamne sans appel des militants sur leurs simples positions politiques,
- Que, par un dénigrement systématique, on rejette ce qui a été réalisé en intersyndicale,
- Que l'on critique par derrière les idées ou convictions des camarades responsables,
- Que l'on reproche aux militants les plus actifs de céder ou même de favoriser avec passions
d'autres organisations, en clair, l'accusation de se "déculotter",
- Que l'on taxe, sans analyse préalable, d'erreurs répétées, la forme qu'a revêtue la lutte
contre les licenciements,
- Que l'on décourage, par la critique négative, ceux qui malgré les sanctions (salaires
amputés, mises à pied, avertissement, plaintes…etc. ) du patronat, restent à la pointe de
combat…
Tout cela nous ne pouvons l'accepter…")
Enfin, ces "militants" du PCF ont décrété que dorénavant aucun tract, aucune initiative ne
pourraient se faire sans le contrôle et l'accord préalable des délégués du Comité d'Entreprise.
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° Devant cette censure antidémocratique, anti-unitaire, anti-combative, la moitié des
Délégués du personnel CGT élus l'année précédente ont refusé de représenter la CGT aux
élections professionnelles du 4 juillet 79.
° Quelques mois plus tard, un de ces délégués les plus combatifs, Jean-Pierre
GOMEZ, qui avait renoncé à se représenter aux élections, a été licencié par la Direction pour
"faute grave", sous le prétexte le plus fallacieux possible (récupération dans une benne à
ordures de l'usine d'une boite en plastique servant à ranger des vis, destinée à être enfouie
dans une décharge qu'ils ont qualifié de "vol"). Malgré un baroud d'honneur de ses copains au
Commissariat de Police de Vénissieux, puis au Tribunal d'Instance de Lyon, le licenciement a
été confirmé, sans indemnité et même (pour rendre encore plus évidente la collusion entre le
patronat et l'appareil judiciaire de l'époque), Jean-Pierre a été condamné à une peine
d'amende…!
° Quant à moi, pour le "fun", pour faire un pied de nez au PCF, pour prouver aux
salariés que les étiquettes syndicales n'avaient pas de valeur (et surtout pas celle d'un label de
combativité ou de représentativité des intérêts ouvriers), j'ai adhéré un an plus tard à la section
SNAV CFDT et, considéré par presque tout le monde dans la boite comme "le délégué des
immigrés", j'ai été présenté par la CFDT, et élu, en tant que Délégué au Comité d'Entreprise.
Anecdotiquement, j'ai même été désigné par la Fédération Métaux Sud-Est Lyonnais pour
participer au 38 ème Congrès de la Fédération Générale de la Métallurgie CFDT tenu à la
Rochelle en février 1981, où j'ai fait partie de la minorité opposée aux orientations droitières
défendues par CHEREQUE (personnage qui deviendra agent du Gouvernement, Préfet de la
restructuration de la sidérurgie lorraine deux ans plus tard !)
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25 APRES, QUELQUES REFLEXIONS SUR CETTE BELLE BATAILLE
OUVRIERE.
La solidarité est une des vertus générées par les conditions de vie et de travail de la
classe ouvrière. Il est souvent nécessaire de coopérer au cours du procès de travail. Il est
naturel de s'entr'aider entre proches (proximité physique, proximité objective de statut,
proximité subjective de galériens attachés jour après jour à la même chaîne…).
Sauf à renier une de ses valeurs essentielles, la classe ouvrière ne peut que combattre
les licenciements individuels ou collectifs.
Quand il s'agit d'une fermeture totale, brutale d'une entreprise, la réaction ne peut être
que plus violente encore, puisqu'il s'agit là d'un basculement de tout un groupe du statut de
salarié à celui qui lui est encore inférieur, celui de chômeur, avec toutes les conséquences
imaginables (perte de salaire, précarité sociale et familiale, risque de perte de logement,
isolement succédant à la camaraderie d'atelier, dévalorisation progressive du savoir-faire…).
A cela s'ajoute l'identification subjective, non fondée objectivement, de l'ouvrier(ère) à "son"
entreprise. Si celle-ci disparaît, il (elle) se sent orphelin(e), ou pire, rejeté(e)par l'institution-
mère.
La lutte contre les licenciements est donc inévitable, même si on sait aujourd'hui
qu'elle ne peut les empêcher et qu'il faudrait imaginer la construction de rapports de force
assez puissants pour imposer des réorganisations socio-économique locales ou régionales
fiables sur le long terme, n'oubliant personne et assurant le maintien (voire l'amélioration ) du
statut social des intéressés et la conservation des relations sociales, familiales, amicales
établies auparavant.
En 1978-79, la SNAV n'a pas connu une grève passive, révélatrice d'une résignation
devant le mauvais coup du plus fort.
Au mépris de tout légalisme, de toute révérence face à la Direction, les formes d'action les
plus variées, les plus spectaculaires, les plus agressives (à part le "luddisme", le sabotage des
machines ou des fabrications, et le chamboulement des bureaux très prisé à Nantes avant et
après 1968) ont été utilisées.
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Après la montée progressive de la mobilisation (débrayages, puis journées entières de grève,
puis piquets de grève interdisant le recours aux heures supplémentaires de travail…), est
venue l'occupation de l'usine avec blocage par des moyens de fortune des divers accès à
l'entreprise, l'utilisation de lances à incendie contre l'arrivée de la Direction et des non-
grévistes, accompagnée de "caillassage" à l'aide de boulets de charbon et de pierres. La
direction de l'entreprise a été harcelée téléphoniquement jour et nuit durant la première
semaine d'occupation. l'atelier de sérigraphie, son matériel et ses matériaux ont été
réquisitionnés au profit de l'information de la population de l'agglomération lyonnaise. Des
productions de l'entreprise (les Engins-Porte-Grues) ont été utilisés indûment pour bloquer la
circulation et attirer l'attention des passants. Boulevards périphériques et voies ferrées ont été
bloqués sans préavis. Le Directeur Général a été séquestré huit heures durant…
Depuis, les ouvriers de Cellatex menaçant de déverser des flots d'acide dans la rivière
avoisinante, ceux de Kronenbourg annonçant qu'ils pouvaient faire sauter leur usine en
utilisant les bonbonnes de gaz qui s'y trouvaient, et bien d'autres encore ont utilisé des moyens
encore plus frappants pour faire plier leurs patrons respectifs, sans parvenir pourtant à annuler
les licenciements.
Toutes ces révoltes illégalistes, à défaut de régler de manière positive les conflits
entre Capital et Travail ont reçu un soutien populaire et ont très certainement freiné les
offensives du Capital financier dans ce pays, aidé même indirectement les travailleurs d'autres
entreprises. Ce n'était donc pas inutile en fin de compte.
Dès le début des années 70, secrètement, les leaders (dont certains émergeants
comme les gérants des Fonds de Pension américain) du Capital avaient entrepris une profonde
réorientation du capitalisme, une mutation décisive concertée à l'échelon planétaire. Le
Capital financier s'emparait du pouvoir économique, subordonnant (voire supplantant) le
Capital industriel à ses objectifs, à ses intérêts.
Les logiques de développement industriel obéissant à certaines contraintes consubstantielles
(géographiques, humaines, …) devaient s'effacer devant les impératifs des marchés financiers.
La main-mise du capital financier international commençait à transformer les unités de
production en pions déplaçables ou sacrifiables sur l'échiquier du profit. C'était le début des
grandes opérations boursières, des fusions-acquisitions de grands groupes industriels, des
délocalisations répétées, des fermetures incessantes d'entreprises, de la sous-traitance de
grandes marques à des entreprises plus ou moins éphémères (construites à la va-vite dans une
partie du monde où le taux de profit, calculé sur la base du rapport salaire /productivité /
qualification professionnelle optimum/ infrastructures locales…, est à un moment donné le
plus élevé ; puis démantelées pour être remontées aussi rapidement ailleurs quand les taux de
change, la stabilité politico-sociale y est plus favorable).
Cette prise de contrôle de l'économie mondiale par le Capital financier s'est bien
gardée de toute publicité intempestive, de déclarations triomphalistes qui auraient pu susciter
des résistances populaires éventuelles et des contre-attaques d'un Capital industriel encore
puissant malgré son émiettement en aires géographiques (plus ou moins nationales)
concurrentes. Le processus a été progressif, probablement empirique au début. Les ambitions
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initiales devaient être moins totalisantes et moins théorisées qu'aujourd'hui
("marchandisation" de la totalité du social, de l'environnement naturel et culturel, des services
publics…, soumission des instruments politiques nationaux…).
Mais dès l'élection présidentielle de Giscard d'Estaing en 1974, le choix de Raymond
Barre comme Premier Ministre s'inscrivait dans ce processus. Inconnu du grand public, R.
Barre n'était pas un simple professeur d'économie politique auteur de manuels pour les
étudiants en Droit. Il participait depuis plusieurs années à un club très fermé et discret, ancêtre
des "Rencontres de Davos", où les représentants du Capital financier élaboraient leur tactique
et leur stratégie. C'est à ce titre que Giscard l'avait qualifié alors de "meilleur économiste de
France". Sous sa conduite (le fameux "Plan Barre" de 1975) les "nouvelles règles du jeu
économique" ont été introduites, institutionnalisées en France.
Quand la SNAV est "larguée par la Régie Renault, fusionnée avec l'entreprise
FAUVET-GIREL, et qu'est annoncé un plan de licenciement collectif, l'air ambiant ne distille
pas l'euphorie, les appareils politiques et syndicaux naviguent dans le brouillard alors que le
patronat joue sa partie très adroitement.
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4. Une tactique patronale adroite.
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combatifs et une information constante, relativement intelligente des travailleurs) que ce
wagon de licenciement n'ait pas dévalé la pente dans l'indifférence générale.
La section CFDT était très minoritaire mais disposait néanmoins de quelques atouts
(un bon contact avec la fraction immigrée de la boite, des adhérents combatifs dans les
bureaux et un responsable, militant de l'organisation maoïste PCR-ml, très solide).
Sa position sur l'expulsion de la SNAV du Groupe Renault a eu le mérite de la clarté et de la
cohérence.
Elle a su prendre l'initiative du rapprochement avec la CGT et finir par imposer la création
d'une intersyndicale durant la lutte.
En ce qui concerne la section CGT, la situation était plus complexe. Sentant advenir
"le temps de la catastrophe", elle a admis de renforcer son potentiel offensif en laissant la
bride sur le cou à son délégué syndical, Gérard Happe, très explosif, en incorporant et
donnant des responsabilités à de jeunes délégués du personnel audacieux et compétents et
même en incorporant un "gauchiste" reconnu comme tel (Christiane, ma femme, était à ce
même moment présentée par notre organisation révolutionnaire aux législatives) .
Cependant, discrets durant la lutte, mais reprenant brutalement le contrôle de la section
quelques mois plus tard, les cégétistes regroupés dans la cellule Dumas-Barbusse du PCF,
généralement délégués au Comité d'Entreprise, étaient et restaient les détenteurs du pouvoir
dans la section syndicale. Avant les élections de délégué du personnel suivant l'occupation de
l'usine, ils ont décidé qu'aucune initiative, qu'aucun texte ne pourrait advenir sans l'aval des
délégués au C.E. et ont poussé la moitié la plus combative des délégués du personnel à ne pas
se représenter (y compris des militants de longue date comme "la Maria").
L'intersyndicale a fonctionné efficacement, sans heurts durant la phase aiguë de la
lutte, mais elle n'a pas survécu longtemps après l'occupation de l'usine, ceci à l'initiative de la
CGT.
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Anecdotiquement, j'ai pu constater l'évolution parallèle de l'appareil de la CFDT en
participant au 38° congrès de la Fédération Métallurgie de ce syndicat en 1981, régression
qui préfigurait le visage actuel de la CFDT devenue interlocuteur-partenaire privilégié du
MEDEF (patronat).
Je dirais bien que les ouvriers n'ont pas les syndicats qu'ils méritent, mais qu'ils sont
le jouet, l'instrument de forces qui poursuivent des buts de promotion personnelle et
d'appareils.
En tout cas, les ouvriers de la SNAV ont mené un beau combat sans savoir qu'ils
n'avaient aucune chance de gagner face au machiavélisme du Capital et en faisant trop
confiance à des forces syndicales aux analyses théoriques anachroniques et trop soumises au
système dominant.
Je n'ai jamais été favorable à cette forme d'action. L'"entrisme" comme on l'appelle
dans les milieux trotskistes m'a toujours semblé devoir aboutir à une soumission de l'exigence
révolutionnaire à la force des appareils réformistes.
J'ai toujours considéré qu'il était impérieux de regrouper les ouvriers les plus rebelles
autour de l'objectif de constitution d'une force révolutionnaire conséquente et
internationaliste, et qu'une fois cet objectif atteint, il était possible de constituer un "Front uni"
avec les forces syndicales quand les circonstances le permettaient, l'exigeaient, emmenant ces
appareils traditionnels le plus possible au-delà de leurs limites réformistes.
L'organisation politique à laquelle j'avais adhéré bien avant d'entrer à la SNAV,
composé instable et éphémère de militants (tes) trotskistes et maoïstes prônait l'intégration
dans les syndicats. Je me suis plié à cette consigne et j'ai expérimenté, exploré cette piste.
Globalement cela n'a fait que renforcer mes convictions premières.
Mais plusieurs éléments entachent la viabilité, la fiabilité de mon jugement.
Premièrement mes faiblesses intellectuelles (que ne compensaient pas mes énormes facilités
de me lier avec toutes sortes de gens) ne m'ont peut-être pas permis d'exploiter au mieux cette
situation de "responsable" dans un appareil syndical.
Deuxièmement, mon détachement progressif de l'organisation révolutionnaire à laquelle
j'avais adhéré à cette époque (et qui a fait faillite bien avant que je quitte la SNAV), m'a placé
dans une situation de solitude politique dans l'entreprise et dans les syndicats (puisque j'ai été
successivement délégué du personnel CGT et délégué CFDT au Comité d'Entreprise de la
SNAV). Je n'avais donc pas de perspectives de construction politique très claires à proposer à
mas copains (copines) les plus proches.
Mais en tous cas, et dans ce cadre, je constate que l'appareil est plus puissant que
l'individu, que j'ai été utilisé plus que je n'ai transformé ces sections syndicales, que j'ai perdu
toute autonomie de jugement en m'incorporant à un groupe chaleureux, enthousiaste (en 78-
79) mais qui ne s'interrogeait pas sur les finalités des organisations auxquelles il adhérait.
Bien sûr, il me semble que j'ai contribué à la dynamique du groupe, à radicaliser la
lutte, à favoriser le rapprochement intersyndical, à radicaliser la rupture entre les plus
combatifs (ves) et les appareils syndicaux.
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Mais il me semble que la capitalisation de ces acquis, impossible dans les conditions
politiques de cette période, aurait pu se faire presque aussi bien en œuvrant pour la
constitution d'un noyau révolutionnaire dans l'entreprise, et qu'en outre cela m'aurait obligé à
m'intéresser encore davantage aux copains d'atelier en passant moins de temps dans les locaux
syndicaux en utilisant les "heures de délégation" octroyées par le patronat.
Cette question est peut-être aujourd'hui obsolète. Mes conclusions sont peut-être
fausses. Mais je ne peux pas ne pas l'évoquer.
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