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Robert Linhart (Swann Arlaud, au centre) dans « L’Etabli » (2023), de Mathias Gokalp.
KARÉ PRODUCTIONS/JULIEN PANIÉ
Une génération et demie plus tard, en amont et en aval de Mai 68, l’expérience fut reconduite par des
militants maoïstes s’engageant comme ouvriers volontaires dans les usines. Cette mouvance, dite
« des établis », fut racontée par l’un de ses principaux acteurs, Robert Linhart, normalien, élève de
Louis Althusser, dans un livre autobiographique et mémorable, L’Etabli (Les Editions de Minuit, 1978),
qui témoignait à la première personne de cette démarche.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/01/22/l-etabli-sur-canal-cinema-s-quand-mai-68-mene-a-l-usine_6212331_3246.html 1/3
23/01/2024 18:19 « L’Etabli », sur Canal+ Cinéma(s) : quand Mai 68 mène à l’usine
C’est ce haut fait de l’histoire militante que porte à l’écran Mathias Gokalp, poursuivant le sillon social
creusé avec Rien de personnel (2009). Le récit s’ouvre à la rentrée 1968, au cours de l’examen médical à
l’issue duquel Robert, double de fiction de Linhart, interprété par l’excellent Swann Arlaud, est
déclaré, sous une identité d’emprunt, apte à l’embauche dans l’usine d’assemblage Citroën de la porte
de Choisy, à Paris.
Cadence infernale
Sur place, les choses sont plus difficiles que prévu. Sur la chaîne d’assemblage des 2CV, Robert se
montre malhabile, s’abîme les mains, s’intègre mal. La cadence infernale de l’usine, les gestes
répétitifs, la pression et les brimades exercées par les contremaîtres produisent sur l’intrus une sorte
d’écrasement massif, un abrutissement de toute volonté, qui renvoie aux calendes grecques son
projet de mobilisation des employés.
C’est du patron en personne, Junot (Denis Podalydès), qu’en viendra l’occasion, servie sur un plateau :
décidant de récupérer les heures perdues durant les événements du printemps, celui-ci étire
abusivement la journée de travail sans répercussion de salaire. Avec l’aide des forces syndicales en
présence (CFT, CGT, dont un prêtre-ouvrier joué par Olivier Gourmet), un collectif ne tarde pas à
s’agréger, réunissant des ouvriers aux profils variés (exilés tchèques, immigrés maghrébins ou
subsahariens, ruraux montés à la capitale…).
Du livre de Linhart, Mathias Gokalp retient la promesse, l’élan fédérateur, l’idéal émancipateur, une
pente moins désillusionnée que le texte, dont il oblitère la dépression, l’écrasement et le silence. On
peut voir là une forme d’édulcoration, jusque dans la reconstitution qui lisse le décor de l’usine sous
le vernis d’époque. Il n’en demeure pas moins que L’Etabli tranche dans le tout-venant de la fiction
sociale et, malgré une certaine patine, fait preuve d’une grande souplesse didactique. Ce qui, dans ce
domaine bien balisé, est déjà une forme de réussite.
¶ L’Etabli, film de Mathias Gokalp (Fr., 2023, 117 min). Avec Swann Arlaud,
Mélanie Thierry, Olivier Gourmet, Denis Podalydès.
Mathieu Macheret
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23/01/2024 18:19 « L’Etabli », sur Canal+ Cinéma(s) : quand Mai 68 mène à l’usine
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