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Chapitre I.

L’impact du droit comparé sur l’évolution du


statut personnel (Cas du Maroc)

Le législateur marocain a choisi de promulguer un code depuis l’indépendance pour


tous les musulmans marocains nommé « Moudawana ». Des modifications ont été apportés
dans ce nouveau code, qui doivent être traitées, en particulier, dans certains aspects liés au
mariage, divorce, enfant, garde et pension (Section 1), pour ensuite traiter l’impact du droit
comparé sur la réforme de la moudawana (Section 2).

Section 1. Les réformes de la Moudawana


Le 10 octobre 2004, la promulgation de la loi n° 70.03 constituant code de la famille au
Maroc a été perçue comme une véritable révolution législative et sociale 1. Or, en 2022, soit
18ans après, ce texte est considéré comme étant insuffisant, voire dépassé.
Dans son discours prononcé le 30 juillet dernier à l’occasion du 23éme anniversaire de la
fête du trône, le Roi Mohamed VI a appelé à une réforme de la Moudawana, de façon à
garantir les droits de tous hommes et femmes.
Entrée en vigueur le 5 février 2004, le code de la famille (La Moudawana) avait pour
promesse ultime de mettre la société marocaine sur les rails de la modernité. Ce nouveau
code a été considéré comme étant une véritable avancée vers l’émancipation de la femme
marocaine notamment en plaçant les droits des deux sexes sur un même pieds d’égalité.
Ayant une influence décisive sur le quotidienne de la vie familiale, ce code adoptés à
l’unanimité par les deux chambres du parlement a apporté un lot non négligeable de
changements en ce qui concerne :
1. Le Mariage :
L’âge légal de ce dernier, qui pour la femme était de 15ans, est relevé à 18ans. Dans le texte
précédent, la tutelle (Wilaya) pour le mariage était exigée pour les femmes quel que soit leur
âge. Désormais, elle n’est plus obligatoire pour les femmes majeures.
Le nouveau code établi également le principe de la coresponsabilité et l’égalité des droits et
des devoirs entre les deux époux, alors que, dans la Moudawana, le mari était le chef de la
famille. Dans cette même prescriptive, le principe de l’obéissance de la femme à l’homme
est abandonné. Il est remplacé par des notions comme l’union, le dialogue, le partage et le
respect mutuel. Le nouveau code recommande aussi, lors de la rédaction de l’acte du
mariage, d’insérer une clause sur le partage des biens acquis pendant le mariage.
2. Le divorce :
1
Au Maroc: la première Moudawana vit le jour en 1957/1958. Le Roi Hassan II, en 1993, permit qu’une réforme
minime se produise. En 2004, la nouvelle Moudawana a vu le jour. Voy. R. NAJI EL MEKKAOUI, op.cit., t. I, p. 37.
Le droit familial marocain - contrairement à la Belgique - fait rarement l’objet de réformes. D’après J. FIERENS :
on estime que le droit familial belge est recensé en sa totalité tous les huit ans.
Le thème du divorce, par le passé, les procédures étant nettement en défaveur des femmes,
obtenir pour elles le divorce était un réel parcours du combattant tant les démarches
judiciaires étaient complexes. Par ailleurs, les femmes et les enfants subissaient tant sur le
plan économique que symbolique et social les conséquences du divorce.

Section2. L’impact du droit comparé par rapport au statut


personnel

Le Maghreb constitue le premier ensemble francophone au monde, dont les pays 2


présentant un nombre important de similitudes. Tant du point de vue religieux, historique,
culturel ou encore linguistique. Les trois pays qui le forment se retrouvent au carrefour de la
mer Méditerranée. Cette position stratégique est, à bien des égards, déterminante dans la
prescriptive comparé tant de leurs droits entre eux, que de leur droit avec celui d’un autre
système juridique. Dans ce contexte, le système français, de tradition juridique civiliste
faisant partie de la famille des droits romanogermaniques, offre d’importantes opportunités
de comparaison avec le système juridique Maghrébin.
Bien que ces pays fassent partie de ce qu’on appelle communément en droit comparé « le
système islamique »3 que tout semble éloigner du droit français, force est de constater que
la structure du système juridique français n’est pas totalement étrangère au pays du
Maghreb4. Les trois pays ont été, au début du siècle dernier, soit sous protectorat français
(Le Maroc et La Tunisie), soit purement et simplement un département français (L’Algérie).
Surtout, au lendemain des indépendances, les structures juridiques françaises mises en place
y ont, pour la plupart, été conservées5 malgré quelques réticences dues au sentiments
nationaliste6. Il est vrai que le domaine des relations familiales n’a pas, à cette époque, fait
l’objet de changements substantiels du fait de son attachement étroit à la religion
musulmane. Pourtant, le simple contact entre un droit d’inspiration religieuse et un droit
totalement laïcisé n’est pas sans conséquences. Pour toutes ces raisons, l’aire géographique
privilégiée dans cette étude est celle du Maghreb, le choix ayant été fait de privilégier le
droit marocain dans le processus même de comparaison.

2
Le cadre de l’étude se limitera au « petit » Maghreb, en opposition au « grand Maghreb arabe » lequel inclut
la Libye et la Mauritanie.
3
A. GAMBARO, R. SACCO, L. VOGEL, Le droit de l’Occident et d’ailleurs, Paris, LGDJ-Lextenso, 2011 ; G.
CUNIBERTI, Grands systèmes de droit contemporains, Paris, LGDJ, 2ème éd., 2011. D’autres ouvrages parlent
également de « droit musulman » : R. DAVID, C. JAUFFRET-SPINOSI, Les grands systèmes de droit
contemporains, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2002
4
Pour tout ce qui concerne le droit des obligations notamment, le fond du droit y est similaire, et la
jurisprudence n’hésite pas à interpréter les textes locaux à la lumière des décisions de la Cour de cassation
française. R. LEGEAIS, Grands systèmes de droit contemporain, Approche comparative, Litec LexisNexis, 2ème
éd., 2008, p. 244.
5
V. M.J. ESSAID, Introduction à l’étude du droit, Rabat, Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le
développement Socio-Économique, avec le concours de la Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque
Populaire, 4ème éd., 2010.
6
Notamment le processus d’arabisation de la justice au Maroc.
En effet, le Maroc, s’est doté en 2004 d’un code modernisé de la famille qui promet
l’égalité conjugale, chose jusque-là interdite dans le droit des pays arabes.
Ainsi, le Maroc comme partout ailleurs, les réformes législatives sont accompagnées d’étude
comparative de droit. La valeur de ces études est grande dans les pays qui souhaite réformer
leur législation, car elle permet de se tourner vers l’expérience juridique des pays qui ont
connu les mêmes problématiques plus tôt au regard du développement socio-économique.
Une certaine communicabilité est donc inéluctable entre systèmes juridiques 7. Même
indirecte, elle est bien la preuve de l’existence de concordances entre les systèmes
juridiques ayant à la finalité du droit8. Or, l’attention n’a que trop été portée sur les
discordance entre le système juridique islamique et le système juridique occidental par des
examens superficiels et trop hâtifs. Dans ce contexte, DEL VECCHIO a démontré qu’il peut y
avoir des ressemblances et des identités très grande en réalité 9. Pour l’auteur, c’est bien la
preuve de notre commune condition humaine, que la philosophie avait depuis longtemps
entrevu : à savoir l’unité de l’esprit d’où nait le droit10. Bien que les phases du
développement des systèmes juridiques ne soient pas similaires- en raison notamment des
circonstances particulières de la vie de chaque peuple.
Il n’est néanmoins pas rare de lire au sein des traités de droit comparé que la comparaison
suppose un degré minimum d’homogénéité. A notre sens, il serait dérisoire de renoncer à
comparer le droit français de la famille au droit marocain sous prétexte que le premier
trouverait sa source dans la volonté d’un législateur humain tandis que le second est lié par
une source supra humaine. Outre que ce raisonnement aboutirait à limiter de façon
inadmissible le domaine du droit comparé en présentant le droit musulman tel un droit
immobile, incapable de s’adapter aux réalités sociales, il présenterait également
l’inconvénient d’être anti-scientifique.

7
Pour preuve, cf. G. KADIGE, D. DEROUSSIN, S. JAHEL et alii (dir. de) Le Code civil français et le dialogue des
cultures juridiques, Colloque de Beyrouth, 3, 4 et 5 mai 2004, Centre d’études des droits du monde arabe,
Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, Bruxelles, Bruylant, 2007.
8
G. DEL VECCHIO, Humanité et unité du droit, Paris, LGDJ, 1963.
9
G. DEL VECCHIO, « Les bases du droit comparé et les principes généraux du droit », in Humanité et Unité du
droit. Essais de philosophie juridique, Paris, LGDJ, 1963, pp. 11-19.
10
Ibidem, p. 13.

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