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Tjouen Alex-François. La condition de la femme en droit camerounais de la famille. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 64 N°1,2012. pp. 137-167;
doi : https://doi.org/10.3406/ridc.2012.20179
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2012_num_64_1_20179
Abstract
For quite a long time, the Cameroonian woman has been subjected to discrimination. These
difficulties are due, among other things, to the influence of ancestral customs. But whatever her
status, her rights have not ceased to increase both nationally and internationally, with a lot of
hope, based on the project of family and people code. However, by being too concerned with the
promotion of woman’s rights, does the Cameroonian legislation not run the risk of getting mixed up
with certain inequalities at the detriment of her male counterpart ? It is only a legislation that is well
adapted to the local context and which integrates elements of modernism that would avoid falling
into the snare of excessive favour of one sex or the other. This will end up creating room for a
better handling of the Cameroonian woman.
R.I.D.C. 1-2012
Alex-François TJOUEN*
For quite a long time, the Cameroonian woman has been subjected to
discrimination. These difficulties are due, among other things, to the influence of
ancestral customs. But whatever her status, her rights have not ceased to increase both
*
Docteur en droit privé de l’Université de Paris II (Panthéon Assas), Enseignant à la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Yaoundé II (Cameroun).
138 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
nationally and internationally, with a lot of hope, based on the project of family and
people code.
However, by being too concerned with the promotion of woman’s rights, does the
Cameroonian legislation not run the risk of getting mixed up with certain inequalities at
the detriment of her male counterpart? It is only a legislation that is well adapted to the
local context and which integrates elements of modernism that would avoid falling into
the snare of excessive favour of one sex or the other. This will end up creating room for a
better handling of the Cameroonian woman.
INTRODUCTION
1
Martin Luther (moine allemand, fondateur de la religion protestante) cité par Ney
BENSADON : Les droits de la femme, des origines à nos jours, « Que sais-je ? », PUF, 1980, p. 36.
2
N. BENSADON, op. cit.
3
Mme A. ROUHETTE (spécialiste des questions de droit coutumier des pays du tiers monde)
a ainsi pu dire que « la femme constitue sans équivoque l’objet du contrat d’échange : prix contre
femme », v. « La dot à Madagascar », Encyclopédie Universelle, t. I, Annales malgaches, 1965. Lire
également dans ce sens : M. NKOUENDJIN YOTNDA, Le Cameroun à la recherche de son droit
de la famille, Paris, LGDJ, 1975, p. 60 et s. ; C. VON MORGEN, À travers le Cameroun du Sud au
Nord, 1889-1891, ouvrage publié en Allemagne, tiré en offset par l’Université de Yaoundé ; J. C.
BAHOKE, La famille chez les Banan, thèse de 3e cycle en Lettres, Sorbonne, 1963.
4
Le lévirat et le sororat sont des pratiques coutumières. La première consiste pour la veuve à
rester dans la famille du défunt afin qu’elle épouse son héritier ou un autre membre de sa famille
parmi les aînés. La seconde est une pratique qui consiste à pérenniser l’union des deux familles en
remplaçant l’épouse décédée par l’une de ses sœurs.
5
Loi no 6 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, JO numéro
spécial, 30 janvier 1996, modifiée le 14 avril 2008. Il est ainsi écrit dans le préambule : « Le peuple
camerounais … affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme, la Charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées … ».
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 139
de l’Homme (DUDH) aux termes duquel : « Tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits ». Dans le même sens, l’article 6 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 dispose
que : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle
punisse. Tous les citoyens étant égaux, sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction
que celle de leurs vertus et de leurs talents ». La Charte Africaine des Droits
de l’Homme et des peuples6, quant à elle, dispose plus simplement en son
article 3(1) que : « Toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant
la loi ».
Mais le texte fondateur de la liberté nuptiale est l’article 16(1) de la
DUDH qui dispose qu’ « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans
aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de
se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du
mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ». L’article 16(1)(a) de la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (CEDEF) 7 insiste davantage sur la nécessité pour la femme
d’avoir « le même droit de contracter mariage » que l’homme.
Depuis quelques années, les droits de la femme n’ont donc cessé de croître
sur le plan international. Mais des entraves existent quant à leur appropriation
par le droit interne camerounais8. Ainsi, par exemple, conformément à l’article
6(6) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
relatif aux droits des femmes dit Protocole de Maputo9, « l’âge minimum de
mariage pour la fille est de 18 ans ». Pourtant aux termes de l’article 52(1)
de l’Ordonnance camerounaise no 81-2 du 29 juin 1981 portant organisation
de l’état civil10 : « Aucun mariage ne peut être célébré si la fille est mineure
de 15 ans ou le garçon mineur de 18 ans ».
La question qui se pose est alors de savoir quelle est la condition de la
femme en droit camerounais de la famille ?
Sur le point de la hiérarchie des normes, l’article 45 de la Constitution
dispose clairement que « les traités ou accord internationaux régulièrement
approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à
6
Cette charte a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi au Kenya, lors de la 18e Conférence de
l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
7
La CEDEF a été adoptée en septembre 1981 et ratifiée par le Cameroun le 23 août 1994.
8
V. AKOMNDJA AVOM, « L’énonciation de la coutume en droit camerounais de la famille:
leurre ou réalité ? », Penant, no 854, janvier-mars 2006, p. 60 et s. ; J. ZATCHONG, Les
discriminations à l’égard des femmes en droit camerounais, Mémoire de DEA en droit privé,
Université de Yaoundé II-Soa, 2004-2005.
9
Ce Protocole a été adopté le 11 juillet 2003, lors du second sommet de l’Union africaine à
Maputo, au Mozambique. Le Cameroun l’a ratifié par Décret du Président de la République
o
n 2009/143 du 28 mai 2009.
10
Cette ordonnance a été modifiée le 9 mai 2011.
140 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
celle des lois … ». C’est donc à juste titre que le projet de code des
personnes et de la famille équilibre la capacité nuptiale à 18 ans pour le
garçon et la fille11. L’on peut tout de même se demander si « l’âge nubile »
recommandé par l’article 16(1) de la DUDH doit être quantitativement le
même ou alors devrait-il tenir compte des différences biologiques et
psychologiques des deux sexes ? Quoiqu’il en soit, la tendance qui se
dégage des textes internationaux est une égalité parfaite des droits entre
l’homme et la femme. Ainsi, le mariage célébré alors que la fille est mineure
de 18 ans pourrait 12 être contesté devant le juge sur la base de l’anti
conventionalité de l’Ordonnance de 1981, le juge camerounais s’appuyant
de plus en plus (bien qu’encore timidement) sur cet argument 13 grâce à
l’influence de la doctrine14.
Les problèmes auxquels la femme camerounaise fait face ne datent pas
d’aujourd’hui 15 et vont au-delà de l’accès au mariage. Pendant la vie
conjugale, à la dissolution ou en dehors de celle-ci, elle subit des
discriminations qui remettent en cause non seulement l’égalité prônée par
les textes internationaux, mais aussi et surtout sa propre dignité16.
11
Art. 228. Le projet suit ainsi les traces du droit malien par exemple dont l’article 282 du
Code des personnes et de la famille dispose : « L’âge minimum pour contracter mariage est fixé à
dix huit ans ».
12
La nuance est utile à cause du processus d’intégration du Protocole de Maputo : sur le plan
international, il ne peut avoir de valeur juridique que 30 jours après le dépôt du 15e instrument de
ratification. Sur le plan interne, en plus de la ratification, il doit être publié. Or si le Cameroun l’a
déjà ratifié, il ne serait pas encore opposable aux citoyens à cause du défaut de sa publication.
13
Ex. : TPI de Ngaoundéré, jugement correctionnel no 404 du 12 mai 2003, aff. Ministère
public c/ Mohamadou Sani, Zainabou, Balla Seidou ; TGI du Mfoundi, jugement civil no 224 du 17
janvier 2007, aff. Dame Njomou c/ Zebaze Jules ; CA du Centre, arrêt du 17 octobre 2007, aff.
Dame Yonkeu Christine c/ Liman Saibou et Mamoudou Saibou, in Y. L. AKOA (Magistrate, Juge au
TPI de Yaoundé, Centre administratif), « La mise en œuvre de la convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) », première partie, Miroir du
Droit, no 002, juil.-août-sept. 2009, p. 49 et s.
14
A. D. OLINGA, « Réflexion sur le droit international, la hiérarchie des normes et l’office du
juge au Cameroun », Juridis périodique, no 63, juil.-août-septembre 2005, pp. 3-19 ; EYIKE-
VIEUX, « Le droit international devant le juge camerounais : regards d’un magistrat », Juridis
périodique, no 63, juil.-août-sept. 2005, pp. 100-106 ; M. R. NGUEFACK, « Le droit international,
instrument pour la défense devant le juge camerounais : regard de l’avocat », Juridis périodique, no
63, 2005, pp. 107-117 ; Y. L. AKOA, « La mise en œuvre de la convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) », seconde partie, Miroir du
Droit, no spécial, janv.-fév.-mars 2010, pp. 79-94.
15
N.-C. NDOKO, « Le statut juridique de la femme camerounaise », RDA, 1985, CREJA,
p. 30 et s.
16
D’après le Dictionnaire Le Petit Robert de la langue française, la dignité est définie comme
le respect que mérite quelqu’un. La définition juridique n’est pas si différente car le Droit entend la
dignité comme étant la considération due à la personne humaine (R. GUILLIEN et J. VINCENT, Le
lexique des termes juridiques, 14e éd., Dalloz, 2003, v. Atteinte à la dignité).
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 141
17
J. SALMON (dir.), Dictionnaire de Droit international public, Université francophone,
Bruylant/AUF, 2001, p. 414.
18
T. ATANGANA MALONGUE, « Le principe d’égalité en droit camerounais de la
famille », RIDC, 3-2006, p. 835.
19
F. TERRÉ, Introduction générale au droit, 5e éd., Dalloz, 2003, p. 230.
20
En d’autres termes et toujours selon l’auteur, une discrimination n’est licite que si elle tend
vers un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre moyens et fins.
21
V. A. MARTICOU RIOU, « L’organisation judiciaire du Cameroun », Penant, 1969, p. 33
et s. ; B. BANAMBA, « Regard nouveau sur un texte déjà trentenaire : le cas du décret du 19
décembre 1969 portant organisation et fonctionnement des juridictions traditionnelles de l’ex-
Cameroun oriental », RASJ, 2000, pp. 102-140 ; S. MELONE, « Les juridictions mixtes de droit
écrit et de droit coutumier dans les pays en voie de développement. Du bon usage du pluralisme
judiciaire en Afrique », RIDC, no 2-1986, pp. 327-346.
22
Lire dans ce sens, l’article 1er de la CEDEF.
23
Décret no 69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure
devant les juridictions traditionnelles du Cameroun Oriental.
24
Cet article dispose expressément que : « … Nonobstant toutes dispositions contraires, la
juridiction de droit moderne devient compétente dans le cas où l’une des parties décline la
compétence d’une juridiction de droit traditionnel ». Lire aussi utilement S. MELONE, « Le code
civil contre la coutume : la fin d’une suprématie ; à propos des effets patrimoniaux du mariage »,
RCD, 1972, no 1, p. 12 et s. ; V. AKOMNDJA, « L’énonciation de la coutume … », op. cit., p. 59
et s.
142 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
indépendance lui accorde à peu près les mêmes droits 25 que les autres
membres de la famille mais dans la limite du respect de ceux-ci 26 et de
l’intérêt de ses éventuels enfants. Par contre la femme accompagnée ne subit
pas les mêmes règles même si sa condition est différente selon qu’elle est
mariée ou qu’elle ne l’est pas.
La femme non mariée est celle qui ne l’a pas encore été. Elle peut être
concubine ou fiancée. Si l’une est juridiquement marginalisée, l’autre par
contre semble bénéficier d’un minimum de protection.
A. – La marginalisation de la concubine
25
En droit coutumier musulman par exemple, la règle du privilège de masculinité interdit
encore à la femme d’avoir les mêmes droits que l’homme.
26
R. CHEMMENGUE, La femme camerounaise et le droit civil, Mémoire de maîtrise,
Université de Yaoundé, 1986, p. 31 et s.
27
Comme l’a relevé le Doyen Gérard CORNU : « Certaines unions sont résolument formées,
dans le refus de l’institution, comme une compagnie sauvage, d’autres plutôt vécues, par négligence
ou habitude, sous l’effet des circonstances, d’autres subies, fautes d’en pouvoir sortir … »
(G. CORNU, Droit civil, la famille, 9e éd., Montchrestien, 2006, p. 85).
28
À défaut de statistiques fiables, le fait pour le gouvernement camerounais de célébrer des
mariages « collectifs » en série traduit son inquiétude face à l’augmentation du nombre de couples
vivant en concubinage. S. MBOMBACK, alors Ministre de la promotion de la femme et de la
famille, a d’ailleurs déclaré que « l’objectif de ces cérémonies est d’éveiller les consciences des
populations sur l’importance du mariage légal, élément qui sécurise et stabilise la famille, car il n’y
a pas de société stable sans famille stable ». Extrait de A. NKWIDJA : Cameroun : mariages en
séries pour lutter contre le concubinage, mars 2007, www.fasopresse.net/index.php3.
29
C. ATIAS et D. LINOTTE, « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D. Sirey, 1977,
chron. 34.
30
Le débat relatif à l’union libre ne date pas d’aujourd’hui. Lire dans ce sens :
L. JOSSERAND, « L’avènement du concubinat », D. 1932, chron., p. 35 et s. ; P. ESMEIN, « Le
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 143
problème de l’union libre », RTDciv., 1935, p. 749 et s. ; M. NAST, « Vers l’union libre ou le
crépuscule du mariage légal », D.H. 1938, chron., p. 37.
31
Loi no 99-944 du 15 novembre 1999 (JO 16 nov.), JCP 1999, III, 20172 ; D. 1999, L. 515.
32
S. MELONE, « La technique de la codification en Afrique : pratique camerounaise », Revue
juridique et politique indépendance et coopération, no 3 et 4, 1986, p. 312.
33
B. MEGNE FONKOUA, Le concubinage en droit camerounais, Mémoire de DEA,
Université de Yaoundé II-Soa, 2005-2006, p. 65 et s.
34
R. MEVOUNGOU NSANA, Travaux dirigés de droit des obligations, 1ère éd., Yaoundé,
Camup, 2004, p. 71.
35
G. CORNU, Droit civil, la famille, op. cit., p. 92, note 24.
36
B. MEGNE FONKOUA, op. cit., pp. 64-65.
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37
J. CARBONNIER, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 1re éd., LGDJ,
2001, p. 26.
38
Comme l’a justement rappelé le Doyen CORNU (op. cit., p. 92) : « La liberté qui est de
l’essence de [l’union libre] en marque la sortie autant que l’entrée ».
39
Le TPD New-Bell Bassa à Douala l’a confirmé en ces termes : « Les tribunaux de premier
degré n’ont aucune qualité pour prononcer les dissolutions de l’union de fait que constitue le
concubinage, que la loi ignore » (TPD New-Bell Bassa Douala, jugement no 756 du 8 septembre
1977, aff. Ngo Nyemeck c/ Kolong).
40
Lire utilement, CS, arrêt no 2/L du 29 octobre 1998, aff. Sintcheu Isaïe c/ Mafowa, in
F. ANOUKAHA (dir.), Les grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise, coll. « Les
grandes décisions », éd. Lerda, 2008, p. 131 et s., note S. OMBIONO.
41
S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (dir.), Lexique des termes juridiques, 14e éd.,
Dalloz, 2003, V. fait juridique.
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 145
42
CSCO, arrêt no 70 du 18 juin 1963, Bull. no 8, p. 556 ; CS, arrêt no 198/P du 21 mars 2002,
in F. ANOUKAHA (dir.), Les grandes décisions…, op. cit., p. 316, note J. P. TCHOU-BAYO.
43
C’est-à-dire une semi réglementation comme en France ou une réglementation complète
comme au Gabon.
44
Art. 379 de la loi gabonaise : « L’union libre ne produit d’effets juridiques que si elle a duré
au moins deux années consécutives… ».
45
Art. 378 de la loi gabonaise.
46
Art. 377 de la loi gabonaise.
47
Nous inclurions aussi le concubin par respect du principe d’égalité.
48
J. C. JAMES, « Les unions para-matrimoniales en droit gabonais de la famille », Afr. jur. et
pol., Cerdip, vol. 2, no 1, janvier-juin 2003, p. 124.
49
Le titre IV du Code civil gabonais dont le chapitre II traite de cette question, est ainsi
intitulé : « De l’union libre et de la liaison irrégulière ».
50
Précisons que certains couples préfèrent rester en concubinage pour justement éviter de
remplir l’obligation de vivre sous le même toit à cause des risques de disputes constantes dues à la
présence permanente de l’autre.
51
Loi précitée no 99-944 du 15 novembre 1999.
52
Le Pacs est un contrat sui generis, une modalité conventionnelle d’organisation de la vie
commune hors mariage entre deux personnes mais qui, dans ses règles (excepté par exemple
l’indifférence de sexe), se rapproche beaucoup du mariage. En un mot, « le Pacs n’est ni le mariage,
ni l’union libre » (G. CORNU, op. cit., p. 106).
146 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
sont faits par la doctrine. D’une part, elle constate un amalgame. « Donner
un statut à l’union libre n’est pas seulement une contradiction dans les
termes, c’est fabriquer un mariage parallèle, un ‘‘mariage bis’’ et par effet
pervers, placer un sous-mariage en position d’attraction dominante »53. Si
donc le Pacs « n’est pas ‘‘le mariage’’, [c’est] ‘‘un mariage’’ »54 qui ne dit
pas son nom car « il obéit à un régime juridique de plus en plus proche de
l’institution de référence »55. D’autre part, si la forme diffère, les règles de
fond relatives au Pacs, bien que sensiblement les mêmes que celles du
mariage56, sont très critiquées. Pour le Doyen Cornu par exemple, « c’est un
bricolage d’amateur [car] les règles qui gouvernent [sa] formation
amalgament les conditions de fond et les formalités »57.
Autant d’éléments suffiraient à attirer l’attention du législateur
camerounais sur les risques d’une réglementation du concubinage. Cette
éventuelle initiative serait dangereuse car bien que de portée générale, elle
n’aurait pour but que de satisfaire une frange de la société qui manque souvent
de courage pour s’engager dans une institution pourtant historiquement forte
en symboles.
59
Le caractère solennel se manifeste d’une manière particulière en Afrique. C’est ainsi que
l’article 279 du Code malien des personnes et de la famille précise que : « Les fiançailles sont une
convention par laquelle un homme et une femme, en accord avec leur famille, se promettent
mutuellement le mariage ».
60
Telle est aussi la conception du droit malien dont l’article 280 du Code des personnes et de
la famille dispose expressément : « La rupture, sans motif légitime, peut donner droit à réparation en
application des dispositions de la loi portant Régime Général des Obligations ».
61
Lire dans ce sens M. F. BIYEMBE, Les fiançailles dans l’avant-projet de loi portant Code
des personnes et de la famille, Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 2005-2006.
62
Dans l’ancien système français, la nature juridique des fiançailles a connu une évolution.
D’abord dans le droit canonique, elles étaient considérées comme un acte juridique (Encyclopédie
Dalloz, Droit civil IV – Mariage, no 70, p. 6.). Plus tard, le Code civil de 1804 est resté muet sur la
question. Mais depuis un arrêt de la Cour de cassation française de 1838 (Cass. civ., 30 mai 1838,
Sirey, 1838, I, 492), les fiançailles ont cessé d’être un acte juridique pour devenir un fait juridique ;
conception demeurée admise par le droit camerounais qui a hérité du droit français d’avant 1960.
63
G. CORNU, op. cit., p. 150.
64
Cela est d’autant plus vrai que dans les précédentes moutures, notamment l’Avant-projet, au
lieu d’« engagement », c’est plutôt le mot « convention » qui avait d’abord été utilisé, faisant
148 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
référence à l’acte juridique. S’agit-il alors dans le texte actuel d’une hypocrisie ou d’une simple
prudence des rédacteurs ? La seconde hypothèse nous parait la plus vraisemblable.
65
Le certificat de fiançailles pose cependant un problème : le texte ne précise pas quelle est
l’autorité habilitée à l’établir. S’agit-il des représentants des deux familles ou alors du maire comme
en France (dans ce sens, lire le Méga Code civil, 7e éd., Dalloz, 2007, p. 269) ? Dans ce dernier cas,
la procédure de transcription s’avère nécessaire conformément à l’article 81 de l’Ordonnance du 29
juin 1981 portant organisation de l’état civil.
66
Ce certificat est-il une condition de validité des fiançailles ou alors a-t-il une simple valeur
de preuve ? À notre avis, c’est la seconde hypothèse qui doit être retenue. (Sur la preuve des
fiançailles, lire par ex. B. DJUIDJE CHATUE, La rupture des fiançailles, PUA, Yaoundé, 2010,
p. 87 et s.).
67
Cette promesse se définit comme une situation dans laquelle deux personnes s’engagent
l’une envers l’autre à passer plus tard tel ou tel contrat. (L. BOYER, « Les promesses
synallagmatiques de vente. Contribution à l’étude des avant-contrats », RTDciv., 1989, p. 1 et s.)
68
F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, 8e éd., Dalloz, 2002,
p. 188.
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 149
69
G. CORNU, op. cit., p. 268.
150 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
70
Il arrive en effet que le futur gendre n’achète que les ¾ ou 90% de ce qui lui est demandé.
Dans ce cas, certaines familles acceptent ces biens comme de simples cadeaux le renvoyant, fou de
rage, exécuter la commande à 100%.
71
« La femme qui n’a pas été achetée, ou qui l’a été, mais pour un prix peu élevé se sentira
méprisée ». Tel avait été le constat fait par M. NKOUENDJIN, op. cit. p. 75. L’auteur a pu rapporter
ces propos parfois entendus dans des disputes de femmes : « Je te méprise toi qui n’a été achetée que
pour le prix d’une paire de chaussures, voilà ce que tu es, une semelle… ».
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 151
72
Aux termes de l’article 289 dudit Code : « La dot a un caractère symbolique. Elle ne peut en
aucun cas excéder la somme de 15 000 francs ».
73
Convenons qu’une telle hypothèse reste très difficilement admissible par les familles.
74
En plus de la volonté de conserver les coutumes locales, les mariages coutumiers auraient
été maintenus afin de combattre les unions libres en permettant aux familles résidant dans des
localités très enclavées et dépourvues de centre d’état civil de pouvoir célébrer coutumièrement leur
mariage avant la transcription prochaine dans un registre d’état civil.
75
Art. 7 Ord. 1981.
76
R. DECOTIGNIES, « Requiem pour la famille africaine », Annales africaines, 1965, p. 251
et s. ; B. DJOBO, « La dot chez les Kotokoli de Sokodé », Penant, 1962, no 693, p. 546 et s.
152 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
77
S. MELONE, « La technique de la codification en Afrique », op. cit., p. 313.
78
C’est le cas du Sénégal. Lire par ex. A. SOW SIDIBE, « L’évolution de l’autorité dans les
familles sénégalaises », Afr. jur. pol., Cerdip, vol. 2, no 1, 2003, p. 125 et s.
79
A. MIGNOT, « Droit coutumier et anthropologie juridique », Penant, no 755-758, 1977,
p. 355.
80
Le droit de retraite a été défini comme celui dont dispose « la femme qui s’estime
maltraitée, malmenée ou malheureuse dans son ménage du fait du comportement de son mari – voire
de sa belle famille – (…) de se retirer provisoirement pour échapper à son sort en attendant des jours
meilleurs, par exemple que son mari revienne à la raison et se calme, ou qu’on – amis, parents – l’y
fasse revenir. » (G. B. DZEUKOU, « Un droit coutumier de la femme mariée : le droit de retraite »,
Penant, no 856, juill.-sept. 2006, p. 353).
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 153
relativement efficace dont elle dispose pour contraindre son mari à respecter
sa dignité81 ou à agir dans l’intérêt de la famille.
Contrairement aux mentalités, le droit camerounais ne semble pas avoir
évolué sur certaines questions dont principalement le droit de correction
dont dispose le mari sur son épouse. Pourtant la raison des juges, influencée
par le législateur82 et la doctrine83 mais s’adaptant surtout à la modernité,
devrait de plus en plus l’emporter sur la force de la coutume africaine
déshumanisante. La jurisprudence sur le droit de correction84 devrait donc, à
moins de l’avoir déjà été85, connaître un revirement d’ailleurs très attendu
afin de respecter les droits de l’Homme dont les principes ont été intégrés
dans la Constitution du 18 janvier 1996. Il est prévu dans son préambule
que : « Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale.
Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle
ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants ».
Mais cette évolution serait insuffisante car des souhaits restent formulés
dans le sens de l’amélioration de la condition de l’épouse. Le premier est de
contenir la polygynie qui est le fait pour l’époux d’avoir plusieurs femmes86.
Bien qu’accordant d’importants privilèges au mari 87 , la polygynie est
permise parce qu’elle aurait un intérêt économique 88 . Cependant, sur le
81
Selon G. B. DZEUKOU (op. cit. pp. 368-369) : « Le droit de retraite serait ainsi le pendant
ou la contrepartie nécessaire du droit de correction que le droit coutumier reconnaît exclusivement
au mari sur sa femme ».
82
C’est le cas des articles 276 et s. du Code pénal qui ne font aucune distinction entre les
violences et coups infligés par le mari ou un tiers.
83
M. NKOUENDJIN-YOTNDA, « Du droit de « boxer » sa femme », Penant, no 755, 1977,
pp. 5-9 ; T. ATANGANA MALONGUE, op. cit., p. 838 et s.
84
V. par ex. CS arrêt no 42/L du 4 janv. 1972, BACS, no 26, p. 3463. Dans le cas d’espèce,
l’épouse demandait le divorce pour avoir été « sauvagement » battue par son mari. Son action fût
rejetée au motif que la coutume des époux reconnaît au mari un droit de correction sur sa femme.
V. aussi CS arrêt no 17/L du 5 déc. 1967, BACS, no 17, p. 1901 : dans cette affaire, la Cour suprême,
reconnaissant le droit de correction du mari sur sa femme, avait débouté celle-ci de sa demande de
divorce au motif que « les sévices dont l’intimée fait état n’ont été que de justes corrections que le
droit et la coutume permettent au mari bafoué d’infliger à l’épouse infidèle ».
85
En l’état actuel de nos recherches, il nous apparait que les juridictions de droit coutumier
reconnaissent toujours le droit de correction au mari. Par contre, sur la base des sévices ou
d’infractions telles que les blessures par exemple, la jurisprudence de droit écrit condamne
régulièrement les époux qui ont usé de leur droit de correction pour porter la main sur leur femme.
86
Dans le système polygamique camerounais, la polyandrie (c’est-à-dire le fait pour la femme
d’avoir plusieurs époux) est interdite.
87
Il a le pouvoir de choisir soit une résidence commune (qui impliquerait la cohabitation des
épouses), soit des résidences séparées. Quant au devoir de fidélité, il crée un « système de
roulement » (P.-G. POUGOUE, op. cit., p. 211) qui oblige les co-épouses à se répartir les nuits à
passer avec leur mari parfois selon un calendrier préalablement établi et connu de toutes (TGI
Mfoundi, 3 juin 1987, no 268 ; TGI Wouri, 6 déc. 1991, no 134).
88
En effet dans certaines coutumes, la richesse et la puissance semblent être fonction du
nombre de femmes d’un individu ; d’autres familles, à défaut de trouver un prétendant célibataire, se
154 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
résignent à proposer leur fille en mariage à des polygames afin d’être débarrasser d’une charge et
dans l’espoir d’en tirer des avantages. Lire aussi S. TEPI, Le droit traditionnel dans le droit positif
camerounais, Thèse de doctorat en droit, Univ. Yaoundé II, nov. 1996, p. 149 et s.
89
S. MELONE, La parenté et la terre dans la stratégie du développement, Paris, éd.
Klincksieck, 1972, p. 119.
90
Pour le Pr T. ATANGANA MALONGUE (op. cit., p. 844) par exemple, « il est difficile de
se réjouir du travail prétorien d’adaptation des dispositions du Code civil au mariage polygamique.
La question est de savoir si cette élaboration prétorienne œuvre dans le sens de l’égalité. Force est de
constater qu’intrinsèquement, la polygamie crée l’inégalité et l’insécurité juridique dans la famille ».
91
F. ANOUKAHA, L’apport de la jurisprudence… op. cit., p. 412.
92
T. ATANGANA MALONGUE, op. cit.
93
La « polygamie intégrale » consisterait à légaliser la polyandrie tout en conservant la
polygynie.
94
L’article 255(2) dispose que « lorsque ce choix n’a pas été expressément opéré par les
époux, l’option qui leur est appliquée est la monogamie ». Lire dans le même sens T. ATANGANA
MALONGUE, op. cit.
95
Actuellement en droit camerounais, la polygamie est le principe et la monogamie
l’exception.
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 155
96
Dans le premier cas, le mari exerce pleinement cette fonction tandis que dans le second, elle
est « conjointement exercée par la mère et par le père à l’égard duquel la filiation a été légalement
établie » (art. 47 ord. 1981).
97
Entre autres : F. ANOUKAHA, « La filiation naturelle au Cameroun après l’ordonnance
n° 81-02 du 29 juin 1981 », Penant, 1987, n° 793, p. 7 et s. ; L. ELOMO NTONGA, L’enfant
naturel en droit camerounais, Mémoire Master’s degree, Université de Yaoundé, 1979.
98
Selon le Professeur ANOUKAHA par exemple (op. cit., p. 30) : « n’est-il pas paradoxal de
parler de puissance paternelle dans une hypothèse où la mère est appelée à intervenir bien plus
souvent que le père. Le qualificatif de ‘‘parentale’’ n’aurait-il pas mieux valu ? ».
99
Il a le droit de garder l’enfant au lieu de résidence qu’il a choisi pour la famille. Il est aussi
seul à pouvoir permettre ou empêcher les atteintes aux attributs de la personnalité de l’enfant.
100
Incapacité, déchéance ou absence du père, séparation de corps, etc.
101
L’épouse-mère camerounaise est très active mais est longtemps restée discrète. Elle est
autant responsable de ses enfants que son mari si bien que les décisions ne sont pas toujours prises
par lui de façon unilatérale. Elles devraient être le fruit d’une concertation entre les deux époux.
Mais en cas de désaccord profond conduisant à une impasse, le mari a le dernier mot en vertu des
articles 213 et 373 du Code civil à condition que sa solution prenne en compte l’intérêt de l’enfant.
Dans le cas contraire, son épouse devrait pouvoir s’y opposer (soit devant le juge, soit en usant de
son droit de retraite) autant que lorsqu’il a décidé seul sans la consulter.
156 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
102
Art. 152 du Code de la famille. Lire dans ce sens A. SOW SIDIBE, L’évolution de
l’autorité dans les familles sénégalaises, op. cit.
103
Art. 277(2) du Code de la famille.
104
Pour elle, « il convient d’enlever au mari sa qualité de chef de famille et d’attribuer
conjointement aux deux époux la direction du ménage ». T. ATANGANA MALONGUE, op. cit.,
p. 839.
105
Art. 342 et s.
106
T. ATANGANA MALONGUE, op. cit.
107
Selon STENDHAL, « l’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus
sûre de la civilisation et doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». STENDHAL cité par
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 157
parfaite dans le couple est utopique108. La question qui se pose est de savoir
ce qu’il adviendrait si les époux titulaires des mêmes droits et
responsabilités conformément à la CEDEF, se trouvaient dans une impasse
due à une mésentente profonde. Certes l’assistance sociale voire le juge
serait sollicité, mais le couple serait du même coup exposé à une influence
extérieure. Les problèmes conjugaux doivent autant que possible demeurer
dans le foyer conjugal sinon dans la famille au sens large du terme109. Aussi
à défaut de consensus, l’un des conjoints doit-il avoir le dernier mot dans
l’intérêt du ménage. L’inégalité semble donc inévitable. Même si l’écart se
réduit constamment, il en serait toujours ainsi : aujourd’hui elle profiterait à
l’homme, demain profitera-t-elle peut-être à la femme.
Pourtant la règle de l’inégalité est contraire à tous les principes énoncés
par le droit international des droits de l’Homme car « dans un État laïc et
démocratique comme le Cameroun, les droits des conjoints ne peuvent se
fonder sur le droit religieux (…), mais sur les principes énoncés par [les
conventions internationales dont] la CEDEF » 110 . Cependant la lettre des
textes internationaux aurait elle-même un défaut car elle semble établir une
égalité parfaite entre les époux. En réalité les dispositions des conventions
internationales doivent être interprétées non pas littéralement mais
téléologiquement (c’est-à-dire selon leur esprit). Au lieu d’une impossible
égalité parfaite, elles prôneraient plutôt l’idée plus réaliste d’une égalité
dans la différence. En effet, comme l’a relevé le professeur Léopold
Donfack Sokeng, « la femme et l’homme ne peuvent avoir une condition
sociale identique parce que la société ne leur assigne guère le même rôle.
Naturellement différents l’un de l’autre, ils jouissent cependant des mêmes
droits parce que partageant la même dignité d’être humain (…). L’important
est que l’un et l’autre soient également épanouis en vue du bien-être de la
famille ... »111.
112
C. GUIMBANG A KEDI, Sexualité et droit pénal, Mémoire de DEA, Université de
Yaoundé II-Soa, 2001-2002.
113
En droit camerounais comme en droit français, le principe a longtemps été qu’il n’y a pas
viol entre époux sauf si les rapports sexuels non consentis, sont anormaux (Cass. crim. 25 juin 1857,
Bull. crim. 240). Mais la jurisprudence française a évolué considérant par la suite qu’il y a viol entre
époux (Grenoble, ch. d’accus., 4 juin 1980, Min. publ. c/ Pongi et autres).
114
L’article 296 Cp dispose expressément : « Est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans
celui qui à l’aide de violences physiques ou morales contraint une femme, même pubère, à avoir
avec lui des relations sexuelles ».
115
P. BOURDIEU, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998 ; J. C. MEBU CHIMI, Le
genre au Cameroun : diagnostic, politiques et stratégies de valorisation du potentiel féminin,
GTZ/BC, Yaoundé, 1996, dactyl.
116
R. VOUIN et M. L. RASSAT, Droit pénal spécial, 6e éd., Dalloz, 1988, p. 450.
117
R. VOUIN et M. L. RASSAT, loc. cit., p. 449.
118
Art. 332 al. 1er, C. pén.
119
D. MAYER, « Le nouvel éclairage donné au viol par la réforme du 23 décembre 1980 », D.
1981, chron. 283.
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 159
120
Le Professeur Henri Mazeaud observait que « si la nature a fait l’homme plus apte que la
femme à la direction du foyer, il existe des ménages où le sexe faible est le sexe fort. Mais la loi est
faite pour la situation normale et elle prévoit, pour les cas exceptionnels, la possibilité de
dérogations. » (H. MAZEAUD, « Une famille sans chef », D. 1951-1, chron. 33, p. 143).
121
H. MAZEAUD, op. cit., p. 141.
122
Une précision s’impose à ce sujet à propos des dispositions du Code civil et de
l’Ordonnance de 1981. Selon le premier texte, le délai de viduité est de 300 jours aussi bien pour la
femme divorcée que pour la veuve. Mais d’après l’Ordonnance de 1981, ce délai est de 180 jours
160 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
Code des personnes et de la famille (art. 278), le délai de 300 jours est à la
fois logique et raisonnable parce qu’il permet d’éviter la confusion des pères
d’un enfant qui viendrait à naître au cours de cette période. En droit
camerounais, si l’enfant légitime a pour père le mari de sa mère, encore faut-
il qu’il soit conçu ou né pendant leur mariage123 . Or il peut arriver que,
conçu dans le premier mariage de sa mère, il naisse dans un second après la
dissolution du premier parce qu’elle n’a pas respecté le délai de viduité. La
période de 300 jours accorde donc suffisamment de temps à la femme
enceinte de son premier mari pour accoucher avant de s’engager dans un
nouveau mariage.
Sur le plan patrimonial, si la femme divorcée peut réclamer une pension
alimentaire pour elle-même et ses enfants, la situation est plus compliquée
lorsqu’il s’agit du partage des biens de la communauté. Dans un système
fondé sur le pluralisme juridique, le problème porte sur la difficulté à
appliquer à la fois les règles de droit écrit et celles de droit coutumier. Le
droit écrit ne reconnaît que le mariage monogamique dont la dissolution par
le divorce entraine le partage par moitié des biens de la communauté
(art. 1474 du Code civil). En droit coutumier par contre, la règle est la
polygamie et aux conjoints s’appliquent en principe le régime de la
séparation des biens. Mais lorsque les parties ont opté pour le régime de la
communauté, la jurisprudence a réussi à consacrer dans ce cas un régime dit
de communauté sous condition de participation de l’époux demandeur qui
est bien souvent la femme124.
En vertu de la règle établie par la Cour suprême selon laquelle
« l’option de juridiction emporte option de législation »125, la juridiction de
droit écrit (c’est-à-dire le tribunal de grande instance) doit appliquer les
règles du Code civil et celle de droit coutumier (en l’occurrence le tribunal
de premier degré) doit se référer à la coutume des parties. Pourtant au fil du
temps, cette règle a été remise en cause en matière de partage de la
communauté. Jusqu’à nos jours, la Chambre civile et commerciale126 de la
pour la veuve. Sur la base de la règle selon laquelle specialia generalibus derogant, cela signifie que
ce délai est de 180 jours pour la veuve.
123
Aux termes de l’article 312 du Code civil : « L’enfant conçu pendant le mariage a pour
père le mari de sa mère ». Mais la jurisprudence a élargi cette conception de l’enfant légitime en
décidant qu’est également légitime : l’enfant conçu avant mais né pendant le mariage (Cass. civ.,
8 janv. 1930, aff. Degas, Sirez 1930, I, p. 257) et celui conçu pendant le mariage mais né après
celui-ci (C.S., arrêt no 65 du 4 juin 1963, aff. Ogez, Bull., p. 552).
124
C.S., arrêt no 30/L du 12 janv. 1971, Rev. Cam. Droit, no 1, p. 64 ; arrêt no 87/L du 28 mars
1972, Rev. Cam. Droit, no 5, p. 71, arrêt no 41/L du 2 mai 1985, Juridis infos, no 2, 1990, p. 49.
125
C.S., arrêt no 28/CC du 10 déc. 1981, aff. Angoa Parfait c/ Beyidi Pauline, Rev. Cam.
o
Droit, n 21-22, p. 301.
126
Actuelle Section civile et commerciale de la chambre judiciaire conformément à la dernière
réforme de la Cour suprême (loi no 2006/016 du 29 décembre portant organisation et fonctionnement
de ladite Cour).
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 161
Cour suprême juge que pour bénéficier d’une partie des biens du mariage
dissout, la femme doit démontrer avoir contribué à leur acquisition127.
Alors que l’on observe une évolution vers « l’unification du droit par la
neutralisation de la coutume »128, s’agissant du partage de la communauté,
c’est plutôt la tendance contraire : « C’est la transposition devant la
juridiction de droit écrit du régime de communauté sous condition de
participation naguère appliqué devant les juridictions traditionnelles
seulement. L’application du Code civil recule donc sur cette question »129.
Entre la solution de moitié prévue par le Code civil et « rien » pour la
femme selon le droit traditionnel, le juge suprême a préféré une solution
intermédiaire jugée plus équitable. Mais, comme l’avait prédit la doctrine130,
les juges ne savent plus aujourd’hui quel droit appliquer si bien que la
solution semble être prise au cas par cas. À notre avis, la solution de la
Haute cour ne serait pas critiquable en soit si les juges ne faisaient que
l’adapter à chaque espèce. Mais encore faudrait-il qu’ils restent objectifs
dans leurs analyses.
127
C.S., arrêts nos 88/CC du 15 juillet 1985 et 64/CC du 16 janv. 1987, Rev. Jurid. Afr., 1990,
no 3, p. 75, note ANOUKAHA ; arrêt no 24/CC du 14 oct. 1993, Juridis Infos, no 20, 1994, p. 72,
obs. J. M. TCHAKOUA.
128
T. MBENG, « Où en est-on avec le droit de la famille au Cameroun ? », Penant, no 852,
juil.-sept. 2005, p. 351.
129
F. ANOUKAHA, « L’apport de la jurisprudence à la construction d’un droit de la famille
au Cameroun », in D. DARBON et J. DU BOIS DE GAUDUSSON (dir.), La création du droit en
Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 415.
130
Selon le Pr ANOUKAHA (op. cit.), la solution intermédiaire « ne manque pas de génie
sauf qu’à la longue on ne sait plus de quel droit il est fait application ».
131
En réalité, le lévirat avait déjà été supprimé par l’article 16 de la loi no 66-2-COR du 7
juillet 1966 portant diverses dispositions relatives au mariage. On peut cependant regretter que seul
le lévirat soit concerné contrairement au sororat qui semble emporter une légitimation implicite par
le législateur de 1981. Le projet devrait fermement et explicitement marquer l’interdiction de ces
deux pratiques coutumières.
132
Art. 767 du Code civil : « Lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré successible, ni
enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent en pleine propriété au conjoint non divorcé
qui lui survit et contre lequel n’existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de
chose jugée ».
162 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
133
A.-D. TJOUEN, « Les droits successoraux », Encyclopédie juridique de l’Afrique, t. 6,
Dakar, Les nouvelles Éditions Africaines, 1982.
134
L’expression « héritier irrégulier » n’est que trompeur.
135
Il ressort des termes de l’article 767 du Code civil précité que la loi camerounaise actuelle
écarte hypocritement le conjoint survivant du partage de la succession du défunt puisque la société
africaine conçoit la famille dans un sens très large qui intègre tous les ascendants, tous les
descendants et tous les collatéraux. Ce n’est donc que dans le cas impossible où toutes ces personnes
n’existent pas ou bien, vivantes, sont toutes frappées d’indignité (art. 725 et 726 C. civ) que le
conjoint survivant non séparé de corps pourra accéder à la pleine propriété des biens du decujus. Le
Pr Alexandre-Dieudonné TJOUEN a justement dit que : « la notion de famille, au sens large en
Afrique, contraint que l’on puisse toujours trouver un successeur ». (A.-D. TJOUEN, op. cit.,
p. 457).
136
Lire entre autres : BOISSONADE, Histoire des droits de l’époux survivant, Paris 1873 ;
BOURSEAU, Les droits successoraux du conjoint survivant, Bruxelles, 1982 ; R. RODIÈRE,
« Évolution comparative des droits successoraux du conjoint survivant », Bull. Société législation
comparée, 1937 ; L. BACH, « Contribution à l’étude de la condition juridique du conjoint
survivant », RTDciv., 1965, p. 545 et s.
137
Lire entre autres : C. MEKE-ME-ZE, La problématique des biens de la femme mariée en
droit positif camerounais, Thèse de doctorat de troisième cycle en droit, Univ. de Yaoundé, 1981 ;
G. A. PUATI, « La vocation héréditaire du conjoint survivant en droit congolais de la famille »,
Penant no 854, janvier-mars 2006, p. 29.
138
Deux tendances se dégagent de la jurisprudence : l’une est hostile à la vocation
successorale de la veuve. Elle se fonde sur la règle traditionnelle de l’« exhérédation » de la femme
pour l’écarter de la succession de son mari (TPD Nsangmelima, jugement n° 79 du 15 mars 1978,
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 163
d’injustice pour certains conjoints et surtout les veuves lorsque ce sont les
juridictions de droit traditionnel qui sont saisies car les juges décident sur la
base du droit coutumier largement défavorable à la femme. Par contre,
devant les juridictions de droit écrit, c’est l’article 767 qui s’applique
conformément au principe établit par la Cour suprême selon lequel l’option
de juridiction emporte l’option de législation139.
L’incertitude semble persister dans l’élaboration du Code des personnes
et de la famille car les règles prévues dans la première mouture du projet
sont différentes de celles contenues dans la dernière. Aux termes de l’article
490 de la première mouture : « (1) Le testateur est libre de disposer de tout
ou partie de son patrimoine ». Mais, précisait l’alinéa 2, « cette liberté est
limitée par la réserve héréditaire au profit du conjoint du défunt ». Loin de
faire l’unanimité, cette disposition avait déjà suscité des réactions. Pour les
partisans de la réserve héréditaire du conjoint survivant, cette vocation se
justifierait par la position et le comportement de la femme140 mais surtout
par le caractère et le rôle moral du mariage. Il se crée entre les époux une
association qui les oblige réciproquement : « l’union des corps
s’accompagne de l’union des patrimoines et les liens qui unissent les époux
paraissent aussi respectables et puissants que les liens de sang, car ceux-ci
sont formés par la volonté, fortifiés par le temps et consacrés par le
devoir »141.
Pour les opposants à la réserve héréditaire du conjoint survivant, les
arguments sont nombreux : la précarité du mariage qui demeure frappé du
vice de dissolubilité142 , l’atteinte à la réserve héréditaire traditionnelle143 .
Pour le professeur Catala, le seul droit intangible devant être reconnu au
conjoint survivant devrait se limiter à une maintenance. Il n’y aurait donc
TPD Bafoussam, jugement n° 74 du 19 mai 1982). L’autre reconnaît des droits à la veuve mais
aboutit à des solutions diverses : elle est tantôt gérante de la succession (TPD Sangmelima, jugement
n° 68 du 17 janv. 1972), tantôt administratrice des biens du défunt (TPD New – Bell et Bassa –
Douala, jugement du 17 mai 1979), tantôt usufruitière (CA Yaoundé, arrêt no 49 du 19 oct. 1983) ou
héritière (CA Yaoundé, arrêt n° 666/C du 27 sept. 1972, RCD 1976, n° 8, p. 83).
139
CS, arrêt du 10 déc. 1981, aff. Angoa Parfait c/ Beyidi Pauline. Il semble cependant que ce
principe réglant le pluralisme judiciaire, sera prochainement abrogé par le Nouveau Code de
Procédure Civile (actuellement à l’étude) au profit d’une unité de juridictions.
140
La réserve héréditaire doit être accordée à la veuve « surtout si [elle] se considère comme
membre de la famille du défunt, passant outre le régime matrimonial ». (R. CHEMMEGNE, La
femme camerounaise et le droit civil, Mémoire de Maîtrise en Droit, Univ. de Yaoundé, sept. 1986,
p. 67).
141
F. BAWA TOUZOU, Le conjoint survivant dans l’avant projet de loi portant code
camerounais des personnes et de la famille, Mémoire de DEA, Yaoundé II, 2005-2006. V. dans le
même sens E. L. BACH, « Contribution à l’étude de la condition juridique du conjoint survivant »,
RTDC, 1965, p. 555 et s.
142
T. OLOMO-BESSOMO, Le droit des successions au Cameroun, entre tradition et
modernité, Thèse de Doctorat, Yaoundé II Soa, 2003.
143
Lire les articles 913, 914 et 915 du C. civ.
164 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
144
P. CATALA, « Le problème du droit successoral », Droit de la famille hors série, déc.
2000, p. 35.
145
Pour éviter la caducité du legs, son attribution doit cependant être possible : par exemple, le
testateur doit être vivant au décès du testateur, le légataire doit avoir accepté le legs, etc.
146
Le but de cette opération préalable est d’éviter que les biens qui reviennent de droit au
conjoint survivant du fait du mariage, ne rentrent dans la masse successorale à partager aux
successibles dont il (elle) ne fait en réalité pas partie. Sa volonté, manifestée par la signature d’un
contrat ou la célébration du mariage, doit d’abord être respectée.
147
Selon Françoise KAUDJHIS-OFFOUMOU, « lorsque [la veuve] sait qu’au décès de son
mari, elle participera étroitement au partage de la fortune du ménage, elle ne peut que sentir la
solidité de son lien avec son conjoint pendant le mariage ». (F. KAUDJHIS-OFFOUMOU, op. cit.,
p. 94). D’après une étude statistique du taux de divorce devant les tribunaux de Douala, il apparaît
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 165
que bon nombre sont prononcés à l’encontre des couples démunis. À l’inverse, les couples qui ont
des moyens, résisteraient plus longtemps.
148
Communauté universelle, des meubles et acquêts, réduite aux acquêts, …
149
Deux hypothèses peuvent permettre d’augmenter le patrimoine de la veuve : la possibilité
des récompenses par la communauté qui a tiré profit de ses biens propres (art. 1433 C. civ.) et
l’application du régime légal de la communauté des meubles et acquêts qui oblige à lui ajouter la
moitié des meubles acquis par le défunt avant leur mariage.
150
F. KAUDJHIS-OFFOUMOU, op. cit.
166 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-2012
151
G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, PUF, 2e éd., 1977, p. 33.
152
A. RIEG, F. LOTZ et J. PATARIN, Technique des régimes matrimoniaux, Litec, 1977,
p. 26.
153
A. SERIAUX, Les successions, les libéralités, 1ère éd., PUF, 1986, p. 94.
154
Ils occupent actuellement le troisième ordre successoral, c’est-à-dire qu’ils ne sont appelés
qu’après les descendants, puis les ascendants et collatéraux privilégiés.
A.-F. TJOUEN : LA FEMME AU CAMEROUN 167
CONCLUSION
155
Ils occupent le quatrième ordre.
156
G. CORNU, op. cit., p. 485.
157
À cause du lien d’alliance qui peut être rompu contrairement au lien de sang qui est naturel.