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Titre II : L’approche critique des règles juridiques sur le mariage forcé au Pakistan

Comme le disait Madame Asma Jilani Jahangir* :« The morality of a society is not judged by
the behaviour of an oppressed class but by the rules and laws made by the state, which either
protect or exploit an already depressed section of society »1.

1. Si l’existence de la religion et d’une culture commune a permis de concevoir un État


musulman, nous déduisons que l’idée d’unifier les musulmans du Pakistan n’a pas
résolu les conflits préexistants qui ont continué après la création du pays. Le
législateur pakistanais s’est contenté d’édicter de nouvelles règles juridiques afin de
lutter contre les unions imposées de force. Toutefois, les récentes études ont révélé
qu’il y a environ 82% de femmes qui ont été confrontées à des difficultés à propos du
choix dans sa situation maritale et plus particulièrement, en matière de divorce 2.

2. Si nous regardons de plus près, nous remarquons que parmi la population du pays, ce
sont généralement les femmes et les filles qui ont continué d’être désavantagées en
termes de mariage et de divorce. Les interprétations divergentes de la loi islamique et
la faible application des lois existantes font partie des raisons invoquées par la
doctrine3. Ainsi comme le souligne Madame Rude-Antoine : « Les textes juridiques
sont nombreux. Pour autant, on n’est pas convaincu de voir dans cette action
législative une efficacité et une adéquation avec la réalité sociale de ces mariages
forcés qu’elle prétend combattre »4.

3. Pour analyser l’efficacité des mesures législatives mises en œuvre contre les mariages
forcés, il est nécessaire d’examiner les lois et les différentes approches critiques pour
répondre aux besoins de lutte contre les cas de mariages forcés. En effet, les premiers
efforts législatifs ont commencé par l'encadrement des conditions du mariage en
insérant des mesures civiles au sein du système judiciaire. Par la suite, des mesures
pénales ont été mises en place afin de pénaliser les mariages forcés, mais l’on
s’interroge sur l’efficacité de ces moyens législatifs contre le mariage forcé ? Sont-

1
« La moralité d'une société n'est pas jugée en fonction du comportement d'une classe opprimée, mais en
fonction des règles et des lois adoptées par l'État, qui protègent ou exploitent une partie déjà défavorisée de la
société. » [Traduction]
2
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.
3
Ibid.
4
RUDE-ANTOINE Edwige, « La réponse du droit », in Mariage libre, mariage forcé ?, Presses Universitaires de
France, 2011, [consulté le 2 janvier 2023].

1
elles suffisantes pour faire valoir les intérêts de la victime ? Souvent, les mariages ont
lieu entre les individus de même caste, ou entre cousins et cousines de la même
famille, considéré comme une garantie pour assurer une vie de mariage réussi. En
effet, les mariages en dehors des castes y compris ceux célébrés en dehors de la
famille sont des mariages très souvent mal vu, les doutes sur une liaison entretenue
avant le mariage sont souvent l’une des causes valant des critiques de la part de la
société pakistanaise. Seul le refus de la femme peut permettre de s’échapper à un
mariage forcé, mais l’image qu’elle incarne vis-à-vis de la société les empêche
d’exprimer leurs droits et leurs besoins en termes de mariage. Une fois le mariage
conclu, toute personne victime d’un mariage forcé se trouve prisonnière à vie par cette
relation imposée souvent par sa famille.

Si les faits débutent avant la célébration du mariage, les femmes deviennent généralement de
nouvelles victimes d’infractions postérieurement au mariage (Chapitre 1).

L’on pourrait amener à conclure que les sanctions législatives contre le mariage forcé seraient
un effort suffisant. Toutefois, seule une analyse des lois et le ressenti des victimes pourront
nous permettre de comprendre sur l’ampleur des conséquences et la réalité sociale, ainsi que
sur l’adaptation de la loi face à ces situations au sein de la société pakistanaise (Chapitre 2).

Ainsi, un questionnaire a été établi à l’attention :

- des jeunes filles et femmes victimes de mariages forcés dans le but a été de déterminer
leur ressenti sur leur vécu et sur les lois actuelles du pays. Il s’agit de questionnaires
individuels avec plusieurs participantes confrontées différemment à un mariage forcé ;
- des professionnels du droit et travailleurs sociaux afin de relever les défauts et
l’insuffisance des moyens légaux et sociaux pour lutter contre les unions forcées
(Chapitre 3).

2
Chapitre 1 : Les restrictions à la liberté du mariage

« Le mariage, quels que soient les contractants, mineurs ou majeurs, suppose leur
consentement. Or, point de consentement proprement dit sans liberté : requise dans tous les
contrats, elle doit être surtout parfaite et entière dans le mariage; le cœur doit, pour ainsi
dire, respirer sans gêne dans une action à laquelle il a tant de part ; ainsi l'acte le plus doux
doit être encore l'acte le plus libre. »5

4. La liberté du mariage repose non seulement sur la liberté se marier mais également sur
la liberté de ne pas se marier6. Ce qui signifie que toute personne a le droit de choisir
de se marier avec la personne de son choix mais également le droit de refuser de se
marier avec la personne proposée par les parents, un tiers ou bien l’entourage.

5. Au sein de la société pakistanaise, si la tradition impose aux femmes et aux hommes


pakistanais l’obligation de se conformer aux exigences des parents et de leur
entourage, ils cherchent également à faire promouvoir cette pratique qui fait partie des
attentes sociales. Le choix de la famille d’un mariage consanguin ou d’un mariage au
sein de la caste, le règlement d’un litige au sein des communautés et l’interprétation
stricte de la religion comme moyen de pression sont tout autant des causes qui
contredisent cette liberté. Ainsi, puisque la liberté du choix du futur marié ou de la
future mariée dépend de ses exigences, la liberté de se marier est perçu comme un
concept relatif au Pakistan.

6. Théoriquement, cette liberté n’est pas expressément prévue dans les lois du Pakistan.
Cependant, l’article 35 de la Constitution prévoit : « The State shall protect the
marriage, the family, the mother and the child. »7, l’on peut considérer qu’une
obligation est imposée à l’État pour la faire respecter. Or, ce n’est en effet que dans la
pratique que l’on peut regretter son absence. Lors du mariage, souvent les enfants sont
contraints de répondre par « Oui » à la demandé imposée par leurs parents ou
l’entourage, ils ont un devoir de loyauté qui préconise l’obéissance et le respect vis-à-
vis des parents et dont le non-respect risque d’engendrer des conflits voire des
5
D’ÉTAT France Conseil, Recueil complet des descours prononcés lors de la présentation du code civil, Librairie
de Firmin Didot Frères, 1838.
6
RUDE-ANTOINE Edwige, « La liberté du mariage », in Mariage libre, mariage forcé ?, Presses Universitaires de
France, 2011, [consulté le 2 janvier 2023].
7
« Chapter 2: “Principles of Policy” of Part II: “Fundamental Rights and Principles of Policy” », [consulté le
2 janvier 2023].

3
répercussions par leurs parents dans l’avenir. Lors du mariage, les futurs mariés ont
souvent la pression répondre immédiatement et se soumettre aux demandes des
familles. Une décision souvent regrettée plus tard, une conséquence de la violation de
leurs droits (Section 1). L’interprétation rigoureuse de l’islam depuis la période de
l’ancien Président Zia* jusqu’à présent a eu une incidence considérable
particulièrement sur les droits des femmes, que lorsqu’elles ont osées désirer exprimer
leur choix de leur futur partenaire, elles ont été assujetties à de diverses formes de
violences (Section 2).

Section 1 : Une violation des droits fondamentaux de la personne humaine

Du fait de la faible importance accordée aux lois, les pratiques coutumières ont plus
d’importance que les droits accordés par les lois, ce qui a pour conséquence que les normes
culturelles et les interprétations divergentes de la religion l’emportent souvent sur les lois
statutaires interférant avec les droits des femmes à la protection dans le mariage et le divorce 8.

Bien que l’absence de consentement au mariage est une réalité non négligeable aussi bien
pour les hommes que pour les femmes (§1). Les principales victimes sont souvent les femmes
qui ont plus de difficulté pour quitter une union imposée en raison de la faiblesse des voies de
droits (§2) et contre lesquelles la société pakistanaise a adopté une vision discriminatoire et
inégalitaire vis-à-vis des hommes (§3).

§1. L’absence du consentement au mariage

7. La notion de refus est souvent impensable pour les femmes et hommes bien que ces
derniers ont généralement plus de latitude pour faire valoir leurs souhaits. Les femmes
se trouvent contraintes de se plier aux exigences de la famille, elles finissent par
devenir victimes d’abus verbaux et physiques et de rejet de la part des familles pour
avoir mis fin à un mariage non souhaité, souvent arrangé par les familles9. L’entourage
familial, l’atmosphère et la pression exercée par les parents ou la partie adverse sont

8
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.
9
Ibid.

4
toutes autant des situations pour lesquelles les victimes se font facilement manipulées
et finissent par se soumettre.

8. Les causes d’opposition à la liberté des femmes de choisir un conjoint de leur choix
reposent sur un noyau de croyances tribales qui méconnaissent et interprètent la
religion selon leur propre conviction10. Les mariages sont généralement arrangés par
les familles, d’où la difficulté pour un garçon et pour une fille de connaître et
d’exprimer son choix au mariage ouvertement est difficile, l’âge minimum n’est pas
respecté et le consentement mutuel demeure absent dans ses unions qui sont en réalités
forcés11. Le mariage forcé engendre des actions irréprochables aux victimes elles-
mêmes, c’est le cas d’une femme qui avait empoisonné son mari et sa belle-famille
pour se sauver d’un mariage qui lui avait été imposé par sa propre famille12.

9. Le Muslim Family Law Ordinance de 1961 règlemente les procédures de mariage et


non sur les exigences formelles de fond tel que le consentement, l’âge et le lieu, la loi
ne prévoit pas clairement le droit d’une femme d’épouser la personne de son choix. En
outre, l’enracinement des pratiques coutumières au sein des communautés constituent
également une crainte d’imposition de mariages forcés puisque les communautés sont
libres de choisir leurs propres pratiques coutumières13.

10. L’on considère qu’un mariage à un jeune âge ne permet pas de faire un choix éclairé
des enfants qui finissent souvent pas se faire exploiter14. Ainsi, dans un mariage avec
un enfant le consentement est considéré comme étant absent puisqu’un enfant n’a pas
la capacité à exprimer « son consentement plein, libre et éclairé au mariage »15. Le
but du mariage est selon la loi islamique, la procréation d'enfants et l'accomplissement
d'un désir sexuel qui ne peut être atteint dans un mariage avec un enfant16. Un tuteur
peut être amené à marier son enfant avant qu’il n’atteigne la puberté, mais le mariage

10
AKHTAR Nasreen et MÉTRAUX Daniel A, « PAKISTAN IS A DANGEROUS AND INSECURE PLACE EOR WOMEN »,
INTERNATIONAL JOURNAL ON WORLD PEACE, 2013.
11
« Child, Early and Forced Marriage: A MultiCountry Study », [consulté le 9 décembre 2020].
12
MASOOD Salman et SPECIA Megan, « Pakistani Newlywed Accused of Poisoning Her Husband and 16
Others » [en ligne], The New York Times, 3 novembre 2017, [consulté le 19 février 2021].
13
JAY Jason, « It’s Not about Enactment - It’s about Enforcement », Gonz. J. Int’l L., 24, 2020.
14
WARNER Elizabeth, « Behind the Wedding Veil: Child Marriage as a Form of Trafficking in Girls », Social Policy,
12, 2004.
15
« Droit international - L’universalisme au service de la protection contre les mariages forcés - Focus par Marie
LAMARCHE - Lexis 360® », sur Droit de la famille [en ligne], LexisNexis SA, publié le 1 janvier 2019, [consulté le
20 février 2021].
16
« Sawara Marriages and Related Legal Issues, Sabreen MUDADRA, Islamabad Law Review (ILW) Volume 1,
Number 1, January – March 2017, P. 39-65 », [consulté le 28 février 2021].

5
ne peut être consommé qu’après la puberté. Cependant, une jeune fille mineure mariée
peut être emmené dans la maison de son mari lors du mariage17. Les enfants
apparaissent être dans une position plus faible qu’un adulte pour donner un
consentement libre, complet et informé, ils ne sont pas informés de la nature ou des
conséquences du mariage18. Les enfants ont donc moins de chance d’exercer leurs
droits au consentement du mariage lorsque la pression exercée provient des membres
de leurs familles, là où le pouvoir et l’influence reposent fermement sur les parents ou
les tuteurs19.

11. Les mariages consanguins font partis de ceux qui sont souvent assimilés à des cas de
mariages forcés, les femmes se trouvent souvent coincés à épouser leur cousin
germain même en cas d’incompatibilité. Le Khyber Pakhtunkhwa Elimination of
Custom of Ghag Act de 2013 a été adoptée afin d’éliminer les mariages forcés selon la
coutume du Ghag dans la région toutefois cette loi a une portée limitée
géographiquement et n’est pas valable dans la région frontalière où la coutume est la
plus répandue et a ruiné de nombreuses vies de jeune filles20. Ainsi et malgré les
interdictions prescrites par les lois, les traditions et pratiques coutumières persistent et
aucune sanction n’est imposé aux auteurs.

§ 2. Les obstacles au droit de mettre fin au mariage pour la femme

12. Le droit de quitter ou de mettre fin au mariage fait également partie intégrante de la
liberté de mouvement d’une personne21. Même si la loi donne le droit aux femmes de
mettre fin à leur mariage, il s’agit en réalité d’une démarche très difficile d’accès pour
les femmes qui se retrouvent dépourvues de tout soutien familial22. Les femmes
finissent par être pénalisées, la perte de la valeur de leurs biens est une conséquence
fréquente pour les femmes, elles deviennent plus vulnérables et avec peu de ressources
pour subvenir à leurs besoins, ce qui représentent des défis considérables pour les
femmes qui souhaitent réussir de manière indépendante au Pakistan. Les femmes se
17
« Child Marriages International Laws and Islamic Law - E-ISSN 2240- ISSN 2239-978X Journal of - StuDocu »,
[consulté le 29 novembre 2022].
18
« Out of the shadows », sur Resource Centre [en ligne], publié le 15 mai 2013, [consulté le 15 février 2021].
19
Ibid.
20
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, « Violence on Women », 20, 2020.
21
« Out of the shadows », sur Resource Centre [en ligne], publié le 15 mai 2013, [consulté le 15 février 2021].
22
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.

6
trouvent par être terrorisées par les menaces de famille, et perdent leurs droits vis-à-vis
des enfants du fait de faibles ressources financières23. Par ailleurs, s’agissant de
l’exercice du droit de mettre fin au mariage par l’option of puberty reste très difficile :
d’une part, il existe des obstacles procédurales puisque la loi permet à une fille mariée
de demander l’annulation du mariage avant l’âge de 16 ans, cette condition doit être
respectée avant que la fille atteint ses 18 ans et que le mariage n’ait pas été consommé,
néanmoins, ces conditions sont très restreintes et difficile à être replies pour les
femmes qui rencontrent des obstacles quotidiens pour demander la dissolution du
mariage24. D’autre part, les mariages d'enfants sont souvent arrangés par les familles,
ce qui rend difficile la faculté d’exercer ce droit pour les filles25. En outre, selon
l’école Hanafi il existe une présomption selon laquelle le mariage est un acte décidé
par le tuteur pour le bien-être de l’enfant, pour cela il ne donne pas le droit d’exercer
l’option of puberty dans le cas où le mariage de la fille a été contracté par le père ou
grand-père de la mariée26.

13. La Federal Shariat [Charia] Court a élargi en 1983 le droit au Khula pour la femme
« within the limits prescribed by Allah »27, ce droit englobe les situations dans
lesquelles la femme parvient à démontrer qu’il lui est impossible de vivre avec son
mari28, la juridiction islamique avait confirmé sa position notamment dans l’arrêt Jan
Ali v. Gul Raja, 1994 PLD 245 en admettant qu’une femme trompée par son mari peut
solliciter une demande de Khula29. En ce sens, les tribunaux admettent que le droit au
divorce pour l’homme et le droit au Khula pour la femme sont des droits de même
égalité. Toutefois l’incertitude demeure quant au critère exact de la conscience des
tribunaux qui reste variable30. Toutefois, les positions sont divisées sur la question de
savoir si le droit de la femme au Khula a une valeur juridique égale au droit unilatéral
de l’homme de pouvoir divorcer, certains considèrent que l’homme a le droit sans
aucune limitation de pouvoir divorcer de sa femme, tandis que la femme doit saisir le
23
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.
24
« Ending Impunity for Child Marriage in Pakistan: NORMATIVE AND IMPLEMENTATION GAPS, Center For
Reproductive Rights, 2018 », [consulté le 4 juin 2022].
25
« Sawara Marriages and Related Legal Issues, Sabreen MUDADRA, Islamabad Law Review (ILW) Volume 1,
Number 1, January – March 2017, P. 39-65 », [consulté le 28 février 2021].
26
Ibid.
27
« dans les limites prescrites par Allah (Dieu)» [Traduction]
28
Ibid.
29
HAIDER Nadya, op. cit.
30
HAIDER Nadya, « Islamic Legal Reform: The Case of Pakistan and Family Law », Yale Journal of Law and
Feminism.

7
tribunal et démontrer que le mariage est irrémédiablement rompu ; les tribunaux
n’accordent pas automatiquement le droit au divorce à la femme seulement si elle
parvient à démontrer que le refus non justifié du mari de vouloir divorcer impose les
parties à vivre dans une union détestable (Muhammad Yasin v. Mst Razia Begum and
another, 1986 CLC 1996)31.

14. Le Child Marriage restraint Act de 1929 ne restreint et ne punit que les mariages
d'enfants et il ne déclare pas un mariage d'enfants nul malgré les condamnations
pénales ordonnées par les tribunaux32. La loi a ainsi peu d’effet dissuasive puisqu’elles
visent simplement à règlementer les mariages d’enfants en imposant des sanctions
pénales contre les auteurs et les complices facilitateurs, outre l’octroi par le tribunal
d’une injonction de suspendre un tel mariage s’il n’a pas encore eu lieu, la loi reste
silencieuse quant à la validité d’un tel mariage qui peut avoir lieu en violation des
dispositions de la loi, ce qui signifie que le statut juridique d’un mariage contracté en
violation de la loi reste valide et ne peut être annulé mais une demande de divorce sur
le fondement du Khula reste possible outre les sanctions pénales33.

15. De même, il existe une disparité considérable entre l'enregistrement de l'identité des filles
et des garçons. Les filles ne sont pas considérées comme suffisamment importantes ou
comme un membre employable d'un ménage. Les enregistrements de naissance des filles
sont disproportionnellement inférieurs à ceux des garçons, l'obtention de leur document
d'identité a été jugée inutile34. Pourtant le Muslim Family Law Ordinance de 196135
impose de l’enregistrement du mariage, une telle méconnaissance ne le rend pas nul. Cette
loi prévoit seulement trois mois de prison et milles roupies d’amende, ou soit l’une de
ces deux peines. Aucune sanction dissuasive n’est prévue qui permettrait de
sanctionner l’auteur d’un mariage non déclaré dans les registres de l’état civil du

31
Ibid.
32
Le High Court de Karachi a déclaré en 1962 dans l'affaire Mushtaq Ahmad v. Mirza Muhammad Amin and
another que le Child Marriage Restraint Act de 1929 ne fait que restreindre et punir les mariages d'enfants et
qu'il ne déclare pas un mariage d'enfants nul.52 Cela signifie qu'un mariage célébré avant l'âge de seize ans
pour une femme et de dix-huit ans pour un homme est un mariage d'enfants qui peut être puni mais qui reste
valide.
33
« “Understanding” to determine ‘marriageable age’ to curb child marriages | Dialogue | thenews.com.pk »,
[consulté le 2 février 2021].
34
Ibid.
35
Section 5 du Muslim Family Law Ordinance de 1961, http://punjablaws.gov.pk/laws/777a.html

8
pays36. En outre, à défaut d’enregistrement du mariage, il devient difficile pour une partie
de mettre fin au mariage si la preuve ne peut être apportée37. L’absence de déclaration
des naissances rend difficile l’établissement de l’âge du mariage et facilite ainsi les
mariages d’enfants, alors que cette formalité peut permettre la capacité d’exercer des
recours juridiques contre les mariages d’enfants38. Toutefois, le Muslim Family Law
Ordinance du 2 mars 1961

§ 3. Une vision discriminatoire et inégalitaire du genre féminin

16. Initialement, les femmes représentaient déjà une menace pour le système patriarcal, en
étant une présence visible dans la sphère publique face à un État dont la légitimité
reposait sur la tradition, le patriarcat et le sentiment anti-occidental. Leur sexualité a
toujours été une force négative, destructive et omniprésente qui doit être restreinte, les
femmes ont toujours été dépositaires de l’honneur de la famille, elles sont considérées
comme étant la propriété des hommes39.

17. Les raisons principales pour lesquelles la discrimination sexuelle est répandue dans la
société pakistanaise sont mal comprises. Il n'est pas particulièrement affilié à la
religion Islam. La pauvreté oblige les gens à fixer leurs priorités. En raison de ces
priorités, nous voyons différence entre les hommes et les femmes en termes de
chances d'éducation, de santé, d'emploi et de participation à la vie sphère. Cette
différence est due à la pauvreté, au manque d'éducation et de sensibilisation à la
religion, ce qui est courant dans tous les pays pauvres. Dans les sociétés riches, cette
différence est étroite. C'est la société qui choisit les priorités dans le rôle de genre et
non la religion40 et l’image que la société pakistanaise donne des femmes les considère
comme un produit de la famille qui sert à échanger pour régler des différends, à
obtenir un gain financier à cela s’ajoutent d'autres raisons sociales et culturelles 41.
36
ROUSSIER Jules, « L’ordonnance du 2 mars 1961 sur le droit de la famille au Pakistan », Revue internationale
de droit comparé, 13, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, 1961.
37
HAIDER Nadya, « Islamic Legal Reform: The Case of Pakistan and Family Law », Yale Journal of Law and
Feminism.
38
« Ending Impunity for Child Marriage in Pakistan: NORMATIVE AND IMPLEMENTATION GAPS, Center For
Reproductive Rights, 2018 », [consulté le 4 juin 2022].
39
JAFAR Afshan, « Women, islam, and the state in Pakistan », Gend. Issues, 22, 2005.
40
FARAH YASMIN BUKHARI Farah Yasmin Bukhari, « Gender Discrimination », IOSR-JBM, 8, 2013.
41
« FMN17 v Minister for Immigration, Citizenship, Migrant Services and Multicultural Affairs | International -
Cases | Australia | Westlaw », [consulté le 25 janvier 2021].

9
18. Les hommes sont considérés par la société comme forts et justes, et ont une autorité
supérieure aux femmes, le sentiment d’importance inculqué aux hommes en tant que
protecteurs se manifeste souvent de manière négative dans la détermination de leurs
relations avec les femmes. La culture patriarcale publique et privée donne aux
hommes le pouvoir de contrôler les femmes, car elles sont considérées comme
inférieures et subordonnées dans tous les aspects de la vie42. Cette situation affecte
généralement et le plus souvent les femmes contrairement aux hommes, car elles
restent les principales victimes. Cette question est liée non seulement aux droits
démocratiques, mais aussi à la discrimination fondée sur la classe sociale et le sexe.

19. La société féodale et patriarcale qui prévaut au Pakistan rend les femmes plus. Elles
sont pauvres, considérées comme subordonnées aux hommes et, dans de nombreux
cas, leurs documents d'identité ne sont pas en règle43. En outre, l’absence d’une
définition de la discrimination à l’égard des femmes est regrettable dans la
Constitution du Pakistan44 et est déplorée45 également par la Convention sur
l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes46.

20. Le mariage des jeunes filles affecte de manière disproportionnée les filles de faible
statut et ceux résidant dans les régions Rurales, dès leur naissances, les femmes sont
désavantagées et victime de discrimination par rapport aux garçons, elles sont
considérées comme un poids économique considérable pour la famille en raison du
montant de la dot, ce qui en est la cause liée à l’augmentation de la probabilité pour les
femmes d’être mariés à un jeune âge, ainsi dans la Province du Punjab il y a un
pourcentage de 53.1% de filles qui sont mariées prématurément47. Pour les femmes,
elles restent les plus assujetties à un mariage forcé d’enfant et de nombreux plaident
pour avancer l’âge légal au mariage à au moins 18 ans et donc pour une réforme du
Child Marriage Restrainct Act (1929) en instaurant de nouvelles mesures qui seraient
nécessaires pour assurer la lutte des mariages forcés, à savoir l’obligation de déclarer
42
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, « Violence on Women », 20, 2020.
43
Ibid.
44
« Gulnaz Zahid, Legislation and its Implementation to Protect Girl Children under 18 from Harmful Traditional
Practices: Importance of the Holistic Approach », [consulté le 24 mars 2021].
45
« OHCHR | Committee on the Elimination of Discrimination against Women warns against “uneven”
application of policies and programmes in Pakistan », [consulté le 13 décembre 2020].
46
KHAN Anoosh, op. cit.
47
NASRULLAH Muazzam, MUAZZAM Sana, BHUTTA Zulfiqar A. et al., « Girl Child Marriage and Its Effect on
Fertility in Pakistan », Matern Child Health J, 18, 2014.

10
les naissances. Cette même loi prévient des punitions qui n’ont d’effet dissuasives
dans la mesure où les sanctions sont moindres. La cause la plus pertinente mise en
avant dans ces types de pratiques est l’honneur. En effet, il y a une pression marquée
par les parents de marier leurs filles très jeune afin de réduire les risques et impacts
négatifs pouvant porter atteinte à l’honneur de la famille48. Pourtant, le Coran a fait des
femmes une partie légale égale au contrat de mariage. Les pratiques coutumières,
religieuses et tribales sont pratiquées à l’encontre des femmes et sont considérées
comme étant contraires à la loi islamique.

21. Le Child Marriage Restraint Act de 1929 interdit le mariage des filles de moins de 16
ans et des garçons de moins de 18 ans. Des tentatives de réformes ont eu lieu par le
biais de l’adoption d‘une loi en 2009 ont eu lieu pour augmenter l’âge légal au
mariage à 18 ans pour les filles mais elles se ont avérées être un échec. Toutefois, la
Charia considère que la puberté pour les filles et la pilosité faciale pour les garçons
définit le moment idéal pour se marier. Or, en raison d’un manquement de
sensibilisation et de connaissances et de la prévalence des coutumes dans les zones
rurales en particulier, la condition du consentement mutuel est bien souvent négligée,
ce qui est souvent le cas dans les mariages d’enfants49.

22. Les femmes mariées à un jeune âge sont plus susceptibles d’être contrôlées par leur
mari et belle-famille, ce qui est courant au Pakistan en raison de leur dépendance et du
statut inférieur des jeunes femmes dans les zones rurales50. La Supreme Court s’est
toujours référé aux principes du droit musulman et affirmé qu’une personne était
autorisé à se marier dès lors qu’elle a atteint la puberté (Bakhshi v Bashir Ahmed
(PLD 1970 SC 323 et Mauj Ali v. Safdar Syed Hussain Shah (1970 SCMR 437),
toutefois dans l’arrêt Allah Dad v. Bakhsh (1985 SCMR 942) la Supreme Court avait
au contraire déclaré la nullité du mariage, la fille était âgée de 14 ans lorsqu’elle était

48
NAVEED Sofia et BUTT Khalid Manzoor, « Causes and Consequences of Child Marriages in South Asia », South
Asian Studies (1026-678X), 30, 2015.
49
NASRULLAH Muazzam, MUAZZAM Sana, BHUTTA Zulfiqar A. et al., « Girl Child Marriage and Its Effect on
Fertility in Pakistan », Matern Child Health J, 18, 2014.
50
Ibid.

11
mariée51. Dans un pays comme le Pakistan où la puberté est atteinte si tôt il serait
nécessaire de fixer un âge au mariage pour décourager les mariages d'enfants52.

23. Les récentes situations des conversions forcées suivies de mariages forcés53
démontrent les abus subis par les victimes, qui deviennent vite la cible d’enlèvement,
de viol, et sont converties par la force54. la récente affaire de la jeune Aarzoo Raja,
mineure de 14 ans qui a été kidnappée et forcée de se marier avec un homme de
quarantaine démontre que de nombreuses femmes et personne issues de minorités
religieuses sont encore aujourd’hui victime de mariage forcé55. L’usage de la violence
physique, émotionnelle et/ou psychologique afin de faire pression sur la femme de
changer sa religion. Les victimes sont enlevées et soumises à l’intimidation ou aux
menaces et contraintes de choisir à subir des abus et la violence ou à se soumettre à
leur conversion. Les violences ne sont pas uniquement subies par les victimes mais
également leurs proches, soit les victimes indirectes ou par ricochet.

24. Les chiffres indiquent qu’il y a actuellement 1000 jeunes filles qui sont enlevés et
converti de forcé à l’islam pour ensuite être mariés à leur auteur. Cependant, l’auteur
attire notre attention que trouver des données fiables sur cette question reste difficile 56.
Pour les personnes victimes de conversions forcées, il devient également difficile pour
elles de quitter une union forcée. Lorsqu’un mariage est contracté selon la loi
musulmane, les lois personnelles des musulmans prévalent sur les lois personnelles
des non-musulmans, ce qui signifie qu’un mariage précédent non-musulman va cesser
de produire ses effets dès lors qu’une partie se convertira et se déclarera de confession
musulmane57. D’autant plus qu’il est difficile d’établir la légalité de la conversion,
puisque les conversions sont généralement enregistrées au sein des lieux religieux58.

51
« Ending Impunity for Child Marriage in Pakistan: NORMATIVE AND IMPLEMENTATION GAPS, Center For
Reproductive Rights, 2018 », [consulté le 4 juin 2022].
52
« Sawara Marriages and Related Legal Issues, Sabreen MUDADRA, Islamabad Law Review (ILW) Volume 1,
Number 1, January – March 2017, P. 39-65 », [consulté le 28 février 2021].
53
Amna vs Mohammad Arshad Arif Masih ; Nadia bibi w/o Yousaf Masif ; Shamim Bibi vs Muhammad Ashfaq

54
ANTHONY Naseem, « ANNUAL REPORT CLAAS 2011 », CLAAS-Pakistan, 2011.
55
« Our forgotten children », sur The Express Tribune [en ligne], publié le 16 novembre 2020, [consulté le
10 décembre 2020].
56
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, op. cit.
57
« Movement for Solidarity and Peace (MSP), “Forced Marriages & Forced Conversions In the Christian
Community of Pakistan”, 2014 », [consulté le 5 janvier 2021].
58
Faire un renvoi au paragraphe du Titre I, Chapitre 1, Section 2, paragraphe F n° 21

12
Section 2 : L’enchaînement des victimes du mariage forcé

Les mariages forcées engendrent différentes formes de violences à l’égard des femmes (§1),
elles n’ont été pas été à l’abri de poursuites contre le crime de Zina* (§2).

§ 1. Les femmes en tant que cible de violences

25. Au sein de la société patriarcale pakistanaise, chaque fois qu’une femme refuse un
mariage forcé, elle devient plus vulnérable au crime d’honneur59. Il s’agit d’une
pratique qui consiste à tuer une femme et parfois son partenaire pour effacer la honte et
restaurer l’honneur. C’est un acte accepté comme un mal nécessaire par la société mais il
s’agit également d’une défense invoquée pour le crime de meurtre60. Le concept
d’honneur signifie que la place de la femme est à l’intérieur du « chaardivari »61 et que
lorsqu’elle sort, elle doit être couverte de la tête aux pieds dans un « chaadar »62.

26. Un meurtre peut être qualifié de crime d’honneur lorsqu’un homme ôte la vie à une
femme et affirme qu’il la fait parce qu’elle était coupable d’un conduite sexuelle
immorale. Pour les auteurs, ce crime vise à effacer la honte et à restaurer l’honneur
afin de faire respecter un code social qui définit et contrôle la vie des femmes. En cas
de refus à une demande en mariage, les femmes sont également sous la menace d’une
attaque à l’acide considéré comme un crime d’honneur, souvent commis pour se
venger par un homme63. Le vécu des femmes victimes notamment celui de Kaneez
Fatima, victime d’une défiguration démontre l’atrocité des violences subies pour avoir
refusé une proposition de mariage64.

27. La définition de cette conduite s’est élargie progressivement au-delà de l’adultère


supposé ou avéré ce qui englobe toutes les décisions relatives au choix de la femme
donc y compris en matière de choix au mariage65. C’est l’article 299 du code pénal

59
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.
60
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, « Violence on Women », 20, 2020.
61
Les coins des quatres murs de la maison
62
Le Voile
63
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, « Violence on Women », 20, 2020.
64
ZAKARIA Rafia, « Case pending », sur DAWN.COM [en ligne], publié le 8 mars 2015, [consulté le
25 juillet 2022].
65
« Rabia Ali, The Dark Side of “Honour”: Women Victims in Pakistan, Shirkat Gah,. Lahore, 2001 », [consulté le
19 novembre 2022].

13
qui définit le meurtre d’honneur : « any offence committed in the name or on
the pretext of karo kari, siyah kari or similar other customs or practices »66.
Cette définition n’inclut pas les mots « due to grave or sudden provocation »67,
laissant une marge d’appréciation aux juges pour décider si ce critère peut être
retenu68. L’appellation du crime d’honneur varie selon les régions. Il est connu sous
les noms de karo-kari au Sindh, siyah-kari au Baluchistan, kala-kali au Punjab et tor-
tora dans les zones tribales du nord-ouest69.

28. L’Ordonnance sur le Qiyas70 and Diyat71 de 1990 a permis aux auteurs de crimes
d’honneur de parvenir à se libérer, cette loi est justifiable islamiquement selon la
doctrine à la lumière du concept de « equal retribution and compensation »72 : Cette
loi est fondée sur le principe de la proportionnalité et l’égalité de traitement qui est
énoncé également dans le Coran et dont l’objectif est d’assurer un équilibre entre la
balance de la justice73. Elle met en œuvre trois facteurs sociétaux importants de la loi
islamique dans le code pénal qui sont : le concept du Wali*, l’Ordonnance Qiyas and
Diyat*74 . Ainsi, les crimes d’honneur sont justifiés par des motifs religieux et restent
rarement punis ou les peines sont généralement légères75 .

29. Les mariages fondés sur la coutume de watta satta offrent une certaine garantie aux
familles, toutefois un mari qui abuse ou maltraite sa femme peut dégénérer la riposte
commise par son frère contre sa sœur76 , ce qui signifie « that you will give a daughter
and receive the same in return. It also implies that if our daughter will be in pain, we
will treat your daughter the same way. »77. Il s’agit également d’une forme de menace
mutuelle en cas de mésentente entre les mariés, un mari qui maltraite sa femme dans le
66
« toute infraction commise au nom ou sous le prétexte de karo kari, siyah kari ou autres coutumes ou
pratiques similaires » [Traduction]
67
« en raison d'une provocation grave ou soudaine » [Traduction]
68
LARI Maliha Zia, « ‘Honour Killings’ in Pakistan and Compliance of Law ».
69
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, op. cit.
70
Signifie punition
71
Signifie prix du sang/le pardon.
72
« L’égalité de rétribution et de compensation » [Traduction].
73
« Qisas and Diyat laws », sur Daily Times [en ligne], publié le 25 avril 2016, [consulté le 16 juillet 2023].
74
« Decoding the Anti-Honour Killing Law in Pakistan », sur Blackstone School of Law & Business [en ligne],
[consulté le 18 novembre 2022].
75
Ibid.
76
BHUTTA Roomana Naz, WARICH Imtiaz Ahmad, BHUTTA ArslanIjaz et al., « Dynamics of Watta Satta
Marriages in Rural Areas of Southern Punjab Pakistan », Open Journal of Social Sciences, 03, Scientific Research
Publishing, 2015.
77
« “Watta Satta”: Bride Exchange and Women’s Welfare in Rural Pakistan on JSTOR », [consulté le
2 novembre 2022].

14
cadre du mariage peut s’attendre à une riposte de la part de son beau-frère de la même
manière contre sa sœur78. La probabilité d’un mariage watta satta augmente dès lors
que la femme a un frère plus âgé que la sœur de son mari, mais diminue s’il existe
plusieurs sœurs dans la famille, ce type de mariage est favorisé par les familles qui
considère qu’il s’agit de s’offrir une certaines garantie contre tout abus commis envers
leurs enfants.

30. Les hommes exercent un pouvoir de coercition envers les femmes à travers des actes
d’intimidation physiques et émotionnelles, en outre, les parents peuvent certes
empêcher leur fils d’exercer ces agissements seulement s’ils sont assures que les
beaux-parents de leur fils l’empêcheront de la même façon79.En cas de violences, les
femmes se trouvent contraintes de rester avec leur mari et sont donc dispensés
d’éloigner de leur maison natale sous peine de subir des représailles de la part de leur
famille et entourage, et finissent par devenir des femmes victimes de violences
conjugales et souffrent de dépression ce qui devient inévitable. Il est admis que des
décisions d’éloignement sont prises dans le cadre des mariages de watta satta, un
homme marié dans le cadre d’un mariage de watta satta répliquera au soutien de sa
sœur renvoyé dans sa famille natale80. Ces mariages sont fréquents chez les frère-
sœurs qui sont mariés nécessairement en même temps chez des cousins germains81.

§ 2. L’accusation de Zina*

31. L’ordonnance sur le Zina* de 1979 a introduit de nombreuses complexités sur le


statut personnel des femmes et leurs droits également celui de contracter un mariage
de leur choix82. L’article 4 de l’ordonnance Zina* * de 1979 définit le crime de Zina* :
« A man and a woman are said to commit 'Zina* ' if they wilfully have sexual
intercourse without being married to each other. »83.

78
Ibid.
79
Ibid.
80
Ibid.
81
Ibid.
82
HOSSAIN Sara et WELCHMAN Lynn, « A HANDBOOK FOR LAWYERS », 2014.
83
« On dit d'un homme et d'une femme qu'ils commettent la "Zina* " s'ils ont volontairement des rapports
sexuels sans être mariés l'un à l'autre. » [Traduction]

15
Il s’agit des situations dans lesquelles un homme et une femme ont des rapports
sexuels hors mariage, ce qui englobe le concubinage, l’adultère, ou toute relation
sexuelle interdite selon la religion islamique.

Le paragraphe (2) de l’article 5 de la loi prévoit :

« Whoever is guilty of Zina* * liable to hadd shall, subject to the provisions of this
Ordinance, - (a) if he or she is a muhsan, be stoned to death at a public place; or

(b) if he or she is not muhsan, be punished, at a public place; with whipping


numbering one hundred stripes »84

32. Cette loi a été un outil pour les hommes dans le but de contrôler et punir les femmes
qui ont refusé de se marier selon la volonté des parents, ou qui souhaitaient se séparer
et mettre fin à leur mariage85. En effet, le Muslim Family Law Ordinance de 1961
règlemente les procédures de divorce et prévoient l’obligation pour le mari
d’enregistrer le divorce auprès de l’Union Council, faute de quoi le divorce est
considéré sans effet. Lorsque les femmes se remariaient en croyant qu’elles étaient
divorcées, leurs précédents conjoints les accusaient d’avoir commis le crime de Zina*
en faisant valoir du défaut ou de l’absence de la notification du divorce86. Des
poursuites pénales peuvent être exercées contre le futur marié, et la femme a pu
devenir un témoin à charge contre ce dernier. Les autorités de police ont la possibilité
de modifier la qualification juridique des faits (par ex. viol) en une accusation de
Zina* ou à de simples relations sexuelles illicites, ce qui constituent une menace
sérieuse pour de nombreuses femmes87.

33. Les Ordonnances Hudood* et l’Ordonnance Qiyas and Diyat* ont engendré des
conséquences dévastatrices pour les femmes : les accusations de Zina* * avaient
considérablement augmenté et occupaient 80% des cas enregistrés selon les données

84
« Quiconque est coupable de Zina* passible de hadd doit, sous réserve des dispositions de la présente
ordonnance,
- (a) s'il est muhsan, être lapidé à mort dans un lieu public ; ou
(b) s'il n'est pas muhsan, sera puni, dans un lieu public, d'un fouet de cent coups. » [Traduction]
85
« Never-Wear-Your-Shoes-After-Midnight-Julie-Dror-Chadbourne-PLR-Vol-I.pdf », [consulté le
23 octobre 2021].
86
« H. Bajwa, Adequacy of Protection of Women Act 2006 to Protect against the Mischief of Zina* Ordinance
1979, Pakistan Law Review, Vol: VIII, 2017 », [consulté le 5 juin 2022].
87
ABBASI Muhammad Zubair, « Sexualization of Sharīʿa », Islamic Law and Society, 1, Brill, 2021.

16
de la police du sud de Karachi88. La doctrine considère que l’augmentation des
poursuites pour Zina* n’était pas seulement due aux abus de procédures ou aux
conditions socio-économiques mais c’est un résultat liée à la substance de
l’ordonnance Zina* et l’ordonnance de Qazf* nommée : The Offense of Qazf
(Enforcement of Hadd) Ordinance, 1979 qui comportaient des éléments susceptibles
d’être exploités faisant de la loi un outil permettant un contrôle patriarcal des femmes,
si le Zina* ne pouvait être prouvé, l’accusé pourrait toujours être puni en vertu du
ta’zir*, la loi ne distinguait pas entre les rapports sexuels consensuels (Zina*) et le viol
(Zina* bi-l-jabr*) avec pour conséquence que faute d’avoir prouvé un rapport sexuel,
l’une des parties était sûrement poursuivie pour l’un des deux ; l’ordonnance sur le
Qazf* aurait dû dissuader les fausses accusations de Zina*, au contraire ladite
ordonnance a encouragé les fausses plaintes tout en offrant aux plaignants la
possibilité de se défendre en invoquant d’autres moyens de défense89 tel que : « good
faith »90 et/ou « public good »91.

34. Cette ordonnance avait également criminalisé l’infraction de Zina bil Jabr* : un acte
de viol commis en dehors du mariage. L’absence de distinction entre le viol et le
rapport sexuel consensuel a eu pour conséquences d’engendrer des jugements
contradictoires dans les affaires dans lesquels une femme devient enceinte, la
grossesse d’une femme était une présomption de culpabilité que la femme s’était
engagée dans un rapport sexuel consenti, Mst Gul Hamida v The State92. Toutefois,
cette infraction fut retirée par le Protection of Women (Criminal Laws Amendment)
Act de 200693, désormais c’est le code pénal qui prévoit une peine d’emprisonnement à
vie, en outre l’exigence de la preuve par quatre hommes n’étaient plus nécessaires en
tant que témoins pour prouver l’accusation de viol, d’autres éléments de preuve
peuvent permettre de prononcer les condamnations94. La loi fournie une protection
contre toute forme d’abus, aucun cas de Zina* ne peut être converti en un cas de
fornication ou une plainte pour viol en un cas de fornication, de même aucun cas de
fornication ne peut être converti en un cas de Zina* ou par toute infraction de nature

88
« Rabia Ali, The Dark Side of “Honour”: Women Victims in Pakistan, Shirkat Gah,. Lahore, 2001 », [consulté le
19 novembre 2022].
89
ABBASI Muhammad Zubair, op. cit.
90
« bonne foir » [Traduction]
91
« intérêt public » [Traduction]
92
ABBASI Muhammad Zubair, « Sexualization of Sharīʿa », Islamic Law and Society, 1, Brill, 2021.
93
Section 13
94
HOSSAIN Sara et WELCHMAN Lynn, « A HANDBOOK FOR LAWYERS », 2014.

17
similaire, la loi a toutefois une application qui reste limitée géographiquement, celle-ci
n’a pas été étendu aux FATA (Il s’agit des zones tribales disparues en 2018 suite à
leur fusion avec la région de Khyber Pakhtunkhwa95) et PATA (Il s’agit des régions
tribales administrées provincialement (Swat, Kohistan, Chitral etc.), au Baloutchistan
et au Cashemire également, ce qui laisse le champ libre aux abus de cette loi 96.

35. Suite à la réforme de 2006, le nombre de cas de Zina* et de fausses accusations de


relations sexuelles contre les femmes a diminué97. Toutefois, les femmes continuent à
être signalées et poursuives en justice. En outre, les rapports continuent soulignent que
les progrès réalisés se sont avérés être en réalité insuffisants, et qu’une suppression
entière des ordonnances Hudood était nécessaire, ce qui inclut l’ordonnance de Zina*
qui criminalise l’adultère et la fornication.

36. Les lois discriminatoires ont permis à de nombreux hommes de perpétuer des
violences contre les femmes tout en ayant la possibilité de s’acquitter des
conséquences de leurs actes. Les abus contre les femmes continuent d’être acceptés au
sein de la société pakistanaise, même après la réforme de 2006, les cas de violences
ont continué à être déclarés, et les crimes contre les femmes à être augmenté 98. Les
réformes entamées par le Protection of Women Act de 2006 ont été jugées faibles et la
doctrine a relevé trois problèmes99 : le premier concerne l’absence de définition du
terme « adult » tel qu’il figurait dans l’ordonnance sur la Zina* qui définit comme :
« a person who has attained, being a male, the age of eighteen years or, being a
female, the age of sixteen years, or has attained puberty »100. Cette absence de
définition contredit les lois en vigueur dans le pays puisque si l’âge de la majorité pour
les femmes est de seize ans et pour les hommes de dix-huit ans et dans le Majority
Law Act de 1875 l’âge de la majorité pour les hommes et les femmes il est de dix-huit
ans, ; deuxièmement, le statut de la femme en tant que témoins ou demi-témoins dans
l’ordonnance sur la Zina* reste maintenu, ce qui signifie que les femmes ne sont
toujours pas autorisées à témoigner devant les tribunaux dans les affaires de Zina*
95
Pakistan : Fusion des zones tribales fédérales avec la province du Khyber-Pakthunkhwa – Asie21. Consulté le
18 juillet 2023 : http://prr.hec.gov.pk/jspui/handle/123456789/12574
96
Ibid.
97
ABBASI Muhammad Zubair, « Sexualization of Sharīʿa », Islamic Law and Society, 1, Brill, 2021.
98
RATHORE Minah Ali, « Women’s Rights in Pakistan: The Zina* Ordinance & the Need for Reform ».
99
« H. Bajwa, Adequacy of Protection of Women Act 2006 to Protect against the Mischief of Zina* Ordinance
1979, Pakistan Law Review, Vol: VIII, 2017 », [consulté le 5 juin 2022].
100
« Une personne qui a atteint, pour un homme, l'âge de dix-huit ans ou, pour une femme, l'âge de seize ans,
ou qui a atteint la puberté » [Traduction]

18
passibles de hadd*, et les affaires relatives au crime de Zina* ne peuvent être entendu
que par la Federal Shariat [Charia] Court et par un juge musulman ce qui est
préjudiciable pour les minorités qui risquent d’être discriminés ; troisièmement, est
déploré la conservation de la punition par le châtiment corporel de la lapidation à mort
(hadd) ce qui soulève des inquiétudes pour les personnes qui risquent d’être
sanctionné par ces châtiments101.

37. L’opposition constante des partis politiques religieux a découragé l’abrogation totale
de l’ordonnance de Zina*, ce qui s’avère être une tâche difficile voire impossible102.
Les tentatives d’abroger les Ordonnances Hudood* rencontrent des obstacles
juridiques : le huitième amendement à la Constitution qui prévoit l’obligation pour
toute gouvernement d’obtenir le vote des deux tiers des eux chambre parlementaire
pour pouvoir les abroger et accordait des pouvoirs au Président de révoquer le Premier
ministre et de dissoudre l’assemblée nationale, ainsi les lois islamiques étaient
protégées de toute modification législative ordinaire et de toute révision ordinaire 103.

38. Les sections 11104 et 16105 utilisées autrefois pour criminaliser de nombreuses
personnes s’engageant dans des mariages de choix n’ont pas été abrogées mais
incorporées dans le code de procédure pénale pakistanais et continuent selon la
doctrine106 de servir d’outil potentiel d’harcèlement, Il s’agit des articles 365-B qui a
remplacé la section 11 et l’article 496-A ou l’article 375 du même code qui ont replacé
la section 16107. Les victimes cherchent rarement à invoquer ces dispositions qui sont
au contraires détournées par les parents ou les tuteurs agissant souvent en complicité
avec la police afin de restreindre les jeunes à exercer leur choix du mariage, les
parents accusent souvent l’homme d’avoir incité leur fille à vouloir l’épouser en ayant
une intention criminelle ou d’avoir commis un viol, ou bien la femme peut également
se voir reprocher le crime de Zina*, la femme se retrouve place dans un foyer, bien
que les parties peuvent être exemptés de toute accusation de Zina* s’ils se comportent
comme étant mariée l’un à l’autre, toutefois ils subissent le harcèlement de la part des

101
« H. Bajwa, Adequacy of Protection of Women Act 2006 to Protect against the Mischief of Zina* Ordinance
1979, Pakistan Law Review, Vol: VIII, 2017 », [consulté le 5 juin 2022].
102
RATHORE Minah Ali, « Women’s Rights in Pakistan: The Zina* Ordinance & the Need for Reform ».
103
JAFAR Afshan, « Women, islam, and the state in Pakistan », Gend. Issues, 22, 2005.
104
Enlèvement dans le but de contraindre la personne au mariage
105
Contraindre une femme avec l’intention criminelle
106
Ibid.
107
HOSSAIN Sara et WELCHMAN Lynn, « A HANDBOOK FOR LAWYERS », 2014.

19
autorités dès lors qu’une plainte est déposée par des personnes qui contestant la
validité du mariage108.

39. Avec le Women’s Protection Act de 2006, bien que les accusations restent moins
invoquées que dans le passé et des procédures spécifiques ont été introduites pour
rendre plus difficile le dépôt de plaintes concernant le crime de Zina* et le délit de
fornication109. En effet, désormais une plainte ne peut être déposée qu’à condition
d’avoir au préalable saisit le Session Court qui va interroger sous serment le plaignant
et au moins quatre témoins oculaires adultes, faute d’éléments suffisants pour
poursuivre les accusés, le plaignant et les témoins risquent une condamnation pour
accusation mensongère de Zina*.

40. La peine varie en fonction des considérations religieuses des personnes reconnus
coupables de Zina*, ainsi si un homme ou une femme musulmane mariée est reconnu
coupable de Zina* la peine est la lapidation à mort; pour un(e) musulman(e) non
marié(e) ou un(e) musulman(e) marié(e) la peine est de cent coups de fouet110.
Néanmoins, les femmes sont toujours accusées selon les ordonnances Hudood*,
d’adultère ou d’autres inconduites sexuelles résultant d’affaires de viol ou de
prétendues liaisons ex-conjugales. En 2007, il a été estimé qu’il y a eu environ 20 000
femmes qui sont toujours en prison pour avoir été accusées à tort111.

41. D’autres112 considèrent que si la loi a su soulager les femmes elle introduit toutefois
des mesures discriminatoires à l’encontre de la population masculine qui risque de se
faire exploiter par des femmes qui peuvent avoir une arrière-pensée derrière un certain
scénario, si une femme et un homme se trouvent accusés pour le crime de fornication,
la femme risque de devenir une victime de viol selon la section 375 du code pénal qui
prévoit le crime de viol commis contre la femme exclusivement, contrairement à
l’homme qui restera accusé sous le coup de la loi113.

108
HOSSAIN Sara et WELCHMAN Lynn, « A HANDBOOK FOR LAWYERS », 2014.
109
HOSSAIN Sara et WELCHMAN Lynn, « A HANDBOOK FOR LAWYERS », 2014.
110
Ibid.
111
CRITELLI Filomena M, « Between Law and Custom », Journal of Comparative Family Studies, 43, 2012.
112
Tasneem Kausar, Substantive Changes Introduced by Protection of Women Act 2006, PAKISTAN
COLLEGE OF LAW NEWSLETTER, LEGAL MAXIM, 2-3 (2007)
113
« H. Bajwa, Adequacy of Protection of Women Act 2006 to Protect against the Mischief of Zina* Ordinance
1979, Pakistan Law Review, Vol: VIII, 2017 », [consulté le 5 juin 2022].

20
Chapitre 2 : L’Impuissance du droit pakistanais face au mariage forcé

42. Classé parmi les pays les plus dangereux pour les femmes, le Pakistan reste une
société dominée par les hommes114. À première vue, les récentes nouvelles législations
mises en œuvre contre les cas de mariages forcés ne requièrent pas la nécessité
d’élaborer de nouveaux textes. L’arsenal législatif accumulé à la suite des différentes
phases de changements législatifs semble offrir au gouvernement fédéral et aux
gouvernements provinciaux les moyens pour empêcher les mariages conclus en
méconnaissance des exigences nationales.

43. Le constat est pourtant différent de cette appréhension, puisque l’ordonnancement


juridique pakistanais s’est avéré être impuissant pour prévenir les mariages forcés
ainsi que les conséquences qui se sont aggravées au fil des années. Afin d’assurer son
image à l’échelle internationale, il a fallu pour le Pakistan de faire partie des États
ayant adopté un grand nombre de textes internationaux visant à assurer la protection
des droits humains fondamentaux et l’égalité entre homme et femme.

Toutefois, l’impuissance du droit pakistanais reste relative et remet en cause la légitimité de


plusieurs lois et procédures qui se sont avérées être inefficaces. La faible réponse du droit
s’explique ainsi par l’affaiblissement des instruments juridiques nationaux (Section 1) et
d’autre part, par l’affaiblissement des instruments juridiques internationaux s’avèrent
également être insuffisants pour lutter contre les cas de mariages forcés (Section 2).

L’on s’amène à réfléchir sur la nécessité d’une réforme ou d’un changement qui aurait pour
conséquence de prévenir et de lutter efficacement contre les mariages forcés.

Section 1 : L’affaiblissement des instruments juridiques nationaux

§ 1. L’ingérence des opinions traditionnalistes dans les lois

A) La continuité des crimes d’honneur

44. Le Criminal Law Act de 2004 a modifié le Code pénal et rendu illégaux la pratique des
crimes d’honneur connu également sous le nom de karo kari, et siyah kari. La loi a

114
AKHTAR Nasreen et MÉTRAUX Daniel A, « PAKISTAN IS A DANGEROUS AND INSECURE PLACE EOR WOMEN »,
INTERNATIONAL JOURNAL ON WORLD PEACE, 2013.

21
toutefois laissé la place aux préjugés sexistes, ce qui a résulté à des peines clémentes
et la mise à l’abri contre des poursuites avec taux maximale 70% des auteurs qui
restent impunis115. Ses effets n’ont pas connu de succès sur le long terme et la loi est
restée inefficace, elle n’a pas pu sceller de réelle différence pour les victimes comme
la société civile et les militants des droits de l’homme l’avaient souhaité.

45. La répression pour les crimes d’honneur n’est plus obligatoire, la loi permettait aux
auteurs souvent eux-mêmes membres de la famille de la victime de tenter de
s’échapper en faisant des compromis avec les familles116. Elle ne prévoit pas de
sanctions pour tous les auteurs y compris les personnes qui auraient participé
indirectement ou directement (les complices)117. En outre, la loi contre les crimes
d’honneur modifiée en 2016 permet toujours aux auteurs de ces crimes d’être
pardonnés et est considéré comme une négation de la justice118.

46. L’existence de deux systèmes judiciaires parallèles au Pakistan complique les cas de
crime d’honneur qui sont traités au niveau local par le conseil du village ou de la
tribu119. Le choix du système de justice informel des lois coutumières qui permettent
aux personnes matures de prendre des décisions basées sur leur sagesse et traditions
locales est le plus sollicité que le système juridique formel, qui serait plus coûteux 120.
L’attitude sociétale conservatrice traditionnelle et religieuse, les mentalités patriarcales
et religieuses défavorables aux femmes et filles y compris pour les minorités
minimisent les effets de la loi121.

47. Malgré l’adoption de nouvelles mesures, les crimes d’honneur n’ont cessé de
continuer au sein du pays, Ils ont continué à être signalé au sein de certaines provinces
y compris au Sindh, les femmes et également les hommes ont été concernés, 108
femmes ont été tué au nom de l’honneur122. Lorsqu’ils sont commis au sein des
familles, ils sont rarement signalés mais souvent ignoré, et les familles des victimes

115
« Violence in Pakistan », sur Research Society of International Law | RSIL [en ligne], publié le 20 juin 2017,
[consulté le 26 février 2021].
116
Ibid.
117
LARI Maliha Zia, « ‘Honour Killings’ in Pakistan and Compliance of Law ».
118
« The Implementation Challenges to Women Protection Laws in Pakistan », Global Regional Review, 3, 2018.
119
BHATTACHARYA Dr. Sanchita, « Violence on Women », 20, 2020.
120
Ibid.
121
« The Implementation Challenges to Women Protection Laws in Pakistan », Global Regional Review, 3, 2018.
122
« REPORT_State-of-Human-Rights-in-2019-20190503.pdf ».

22
sont souvent contraints d’abandonner les poursuites et accorder le pardon à l’auteur
sous craintes de représailles, les lois ne sont pas souvent connues du public123.

B) Les lois contre les mariages forcés

48. Les réformes en matière de mariage se sont souvent retrouvées bloquées par les
musulmans traditionalistes, l’influence des conservateurs traditionalistes a été très
présente dans les lois124. En effet, un projet de visant à modifier le Child Marriage
Restraint Act de 1929 visait à imposer l’âge légal au mariage à dix-huit ans afin de
limiter contre la pratique des mariages avec un enfant125. Toutefois, l’opposition
constante des sénateurs religieux et notamment du conseil de l’idéologie islamique du
Pakistan a rendu impossible cette réforme126.

49. Les opposants religieux traditionalistes siégeant au sein de l’assemblée nationale du


Pakistan exigent la compatibilité de la loi selon leur interprétation de la Charia 127. Il
s’agit de la jurisprudence islamique relative à l’âge du mariage souvent assimilé à
l’âge de la puberté qui peut être de 9 ans128. Cette interprétation étroite de l’âge du
mariage en référence au début du cycle menstruel ne tient pas compte de la notion de
l’âge de la majorité qui englobe non seulement le développement biologique du corps
humain mais aussi le développement des facultés mentales et de la compréhension au
point d’exercer un jugement rationnel129.

50. Pourtant, le Coran ne traite pas la question de l’âge au mariage130. En effet, en se


basant sur le verset 6 de la Sourate 4 : «And test the orphans [in their abilities] until
they reach marriageable age. Then if you perceive in them sound judgment, release
their property to them »131, la doctrine considère qu’il existe une proximité entre l’âge
123
Ibid.
124
AKHTAR Nasreen et MÉTRAUX Daniel A, « PAKISTAN IS A DANGEROUS AND INSECURE PLACE EOR WOMEN »,
INTERNATIONAL JOURNAL ON WORLD PEACE, 2013.
125
« Child Marriage Restraint (Amendment) Bill 2018 », [consulté le 6 janvier 2023].
126
« Comments from the Center for Reproductive Rights in response to the call for submissions from the Office
of the High Commissioner for Human Rights on child, early, and forced marriage. November 3, 2017 ».
127
« Why underage marriages are still prevalent in Pakistan – DW – 11/27/2022 », sur Dw.com [en ligne],
[consulté le 27 novembre 2022].
128
« “Understanding” to determine ‘marriageable age’ to curb child marriages | Dialogue | thenews.com.pk »,
[consulté le 2 février 2021].
129
Ibid.
130
Ibid.
131
« Et éprouvez (la capacité) des orphelins jusqu’à ce qu’ils atteignent (l’aptitude) au mariage ; et si vous
ressentez en eux une bonne conduite, remettez-leur leurs biens » [Traduction]

23
auquel un individu devient mariable et l’âge auquel il est capable d’exercer un
jugement rationnel132.

La diversité des interprétations des lois islamiques varie en fonction des différentes
écoles juridiques islamiques selon leur propre perception de la religion, leur vision et
l’enseignement, ses divers points de vue traditionnels ont grandement affecté la vie
des femmes133. Pourtant, le Child Marriage Restraint Act de 1929 vient heurter le
principe de l’âge de la puberté pour le mariage, puisqu’il prévoit l’âge légal au
mariage à 16 ans, il s’agit d’une loi qui a une portée relative puisque les interprétations
de la loi islamique prévaut selon laquelle c’est l’âge de la puberté qui est retenu pour
déclarer valable la capacité dans le cadre du mariage. Un préjudice dont subissent
généralement les femmes pakistanaises, souvent le mariage a lieu en raison d'un
engagement familial de longue date ou pour apaiser un membre de la famille lésé 134.

51. La doctrine soutient que le Pakistan a l’obligation de protéger les jeunes contre toutes
pratique traditionnelle nuisible, un mécanisme juridique et administrative approprié
doit être mise en œuvre afin d’assurer la sécurité et les moyens de défense sociale pour
assurer la garantie que la loi nationale protège l’enfant contre toute forme de
discrimination, de mauvais traitements, de négligence, d’exploitation, de torture ou de
traitement dégradant, de traite et de violence135.

52. Le Pakistan n’a pas pu développer un consensus national puissant pour permettre aux
projets de lois d’acquérir force de loi. En outre, l’incapacité du gouvernement de faire
respecter l’enregistrement des naissances en est également un obstacle à surmonter
puisque cela permet aux officiers d’enregistrer des âges plus élevés que les âges réels
des mariées136. L’âge d’une fille fait l’objet de modifications sur son certificat de
mariage afin d’éviter les interrogations relatives à son âge de minorité137.

132
HUDA Taqbir, « Minor Marriages in Islam and Bangladesh », SOAS L.J., 4, 2017.
133
AKHTAR Nasreen et MÉTRAUX Daniel A, « PAKISTAN IS A DANGEROUS AND INSECURE PLACE EOR WOMEN »,
INTERNATIONAL JOURNAL ON WORLD PEACE, 2013.
134
« FMN17 v Minister for Immigration, Citizenship, Migrant Services and Multicultural Affairs | International -
Cases | Australia | Westlaw », [consulté le 25 janvier 2021].
135
NAVEED Sofia et BUTT Khalid Manzoor, « Causes and Consequences of Child Marriages in South Asia »,
South Asian Studies (1026-678X), 30, 2015.
136
« Child Marriages submission- Shirkat Gah - Women’s Resource Centre - Pakistan.pdf », [consulté le
13 décembre 2020].
137
« Child, Early and Forced Marriage: A MultiCountry Study », [consulté le 9 décembre 2020].

24
53. Le pourvoir judiciaire est également affecté par l’influence des groupes religieux, ils
se trouvent contraints de rendre des décisions en faveur des groupes religieux et
extrémistes, sous peine de subir des violences et des représailles lorsqu’ils sont
amenés à statuer sur des cas de conversions forcées et mariages forcés138. L’absence
d’enquête sur les cas de conversions forcées à l’islam et les circonstances de ses faits
pour déterminer si la victime n’a pas agi sous la contrainte dès lors qu’elle était sous la
garde de son ravisseur démontrent un jugement partial du pouvoir judiciaire à
l’encontre de la personne convertie de force sous la pression de la communauté
majoritaire139.

54. Monsieur Hassan Niazi140 considère d’une part, que l'âge moyen de la puberté est très
évolutif ; d’autre part, autoriser la conversion des personnes sans imposer de limitation
d’âge peut amener les instigateurs à inciter des jeunes filles vulnérables, faibles et
manipulables à se convertir, d’autant plus que la preuve de l’absence de consentement
est très difficile à être rapportée141. Les autorités omettent d’enquêter sur les
circonstances dans lesquelles les conversions ont eu lieu et notamment sur l’âge réel
de la jeune fille concernée qui est généralement laissée sous la garde de son ravisseur
tout au long du procès et subit une pression intense pour nier tout enlèvement ou viol
et prétendre que la conversion a eu lieu de son plein gré. Il y a environ 76% des
victimes qui sont mineurs, et les chiffres démontrent l’augmentation de ses incidents
notamment en 2021 on observe un pourcentage de 80% par rapport à 2020, et de 50%
en 2019, de nouveaux cas sont également signalés pour l’année 2022142.

55. L’assemblée provinciale du Sindh avait présentée en 2016 le projet de loi connu sous
le nom de Sindh Criminal Law (Protection of Minorities) Bill qui érige en infraction
pénale la conversion forcée d’un mineur et prévoyait une peine de cinq ans
d’emprisonnement pour les auteurs et trois ans pour les complices143. Les projets de loi
ont été présentés devant le parlement pakistanais demandant une limitation d’un âge

138
« J. REHMAN, M. JOHNS, A. HUSSAIN, “Religious Minorities of Pakistan: Report of a Parliamentary visit”,
2019 », [consulté le 23 décembre 2020].
139
« Movement for Solidarity and Peace (MSP), “Forced Marriages & Forced Conversions In the Christian
Community of Pakistan”, 2014 », [consulté le 5 janvier 2021].
140
Avocat pakistanais
141
« Our forgotten children », sur The Express Tribune [en ligne], publié le 16 novembre 2020, [consulté le
10 décembre 2020].
142
Voir Annexe n°3 : rapport du CSJ
143
« The_Criminal_Law_(Protection_of_Minorities)_Bill,_201-6.pdf », [consulté le 6 janvier 2023].

25
minimum et de l’adoption d’une procédure judiciaire pour une conversion religieuse
mais se sont heurtées à un rejet à plusieurs reprises144. Chaque tentative a connu un
échec dans la mesure où une telle loi serait jugée comme étant en contradiction avec
les principes et valeurs de l’islam145. L’opposition des partis politiques religieux a
bloqué le processus d’adoption définitive des lois146.

56. Les divergences dans l’interprétation de la Charia porte donc atteinte à au Child
Marriage Restraint Act. D’autres lois importantes telles que la loi sur le mariage des
hindous (Hindu Marriages Act 2017) et la loi sur le mariage des hindous du Sindh
2016 (Sindh Hindu Marriage Act 2016) prévoient la dissolution du mariage en cas de
conversion à l’islam, ce qui ne permet pas de protéger contre la menace d’une
conversion forcée suivi d’un mariage forcé. En outre, ces lois prévoient que le
changement de religion aura une incidence directement sur la situation matrimoniale
d’un individu147.

§ 2. L’ambiguïté des lois

57. L’imprécision et le manque de clarté des lois sont regrettables. La loi demeure flou,
obscure, il devient difficile de déterminer l’esprit même des lois. Une incohérence
subsiste entre les lois fédérales et les lois provinciales. En effet, selon la Constitution
du Pakistan, la compétence du pouvoir législative est partagée entre le Majlis-e-
Shoora (Parlement Fédéral) et le Provincial Assembly (Assemblée Provinciale) ils ont
sont souverains des lois et détiennent la liberté de légiférer librement, toutefois le droit
de la famille148.

58. Le dix-huitième amendement à la Constitution prévoient que les lois régissant le


mariage, les contrats, la possession d'armes à feu, la possession d'armes à feu, le
travail, les programmes d'enseignement, la pollution environnementale, la faillite, et

144
« Senate panel rejects bill for minorities », sur The Express Tribune [en ligne], publié le 24 septembre 2020,
[consulté le 1 janvier 2023].
145
« R. ACKERMAN, Forced Conversions and Forced Marriages in Sindh. 2018 », [consulté le
18 décembre 2020].
146
« J. REHMAN, M. JOHNS, A. HUSSAIN, “Religious Minorities of Pakistan: Report of a Parliamentary
visit”, 2019 », [consulté le 23 décembre 2020].
147
Ibid.
148
« Chapter 1: “Distribution of Legislative Powers” of Part V: “Relations between Federation and Provinces” »,
[consulté le 6 janvier 2023].

26
40 autres domaines divers sont maintenant dévolus aux provinces et chaque assemblée
provinciale sera chargée de rédiger ses propres lois sur ces questions149. Cet
amendement supprime le mariage en tant que domaine de compétence fédérale
concurrente et en faisant de la seule responsabilité des provinces sur ce sujet, seules
deux provinces150 ont adopté leurs propres législations, ce qui fait que le Child
Marriage Restrainct Act de 1929 est toujours applicable pour le reste des parties des
provinces du pays. En outre, le Child Marriage Restraint Act de 1929 s’applique à
tous les enfants, peu importe les droits que leur accorde leur propre croyance ou
religion, cet absence de clarification est regrettable et donc susceptible d’abus. 151.

59. Le Prevention of Anti-Women Practices [Criminal Law Amendment] Act de 2011 a


modifié l’article 310-A du code pénal et adopté de nouvelles mesures pénales contre le
mariage forcé152. Cet article prévoit des peines aggravées en cas de mariage forcé selon
la pratique du « badla-e-sulh », « wanni » ou « swara » :

« Whoever gives a female in marriage or otherwise compels her to enter into


marriage, as badal-e-sulh, wanni, or swara or any other custom or practice under any
name, in consideration of settling a civil dispute or a criminal liability, shall be
punished with imprisonment of either description for a term which may extend to
seven years but shall not be less than three years and shall also be liable to fine of five
hundred thousand rupees. ».

60. L’application de cet article est assez restrictive car elle exige qu’une femme soit
donnée en mariage dans le but de régler un litige civil ou pénal, dans le cas contraire la
disposition ne sera pas applicable. En outre, cet article est applicable aux personne qui
« donnent » la femme en mariage, il s’agit généralement de la famille de la femme,
mais le texte ne pénalise pas nécessairement les autres personnes qui ont participé en

149
« The 18th Amendment and Pakistan’s Political Transitions », sur Center for American Progress [en ligne],
[consulté le 6 janvier 2023].
150
Il s’agit d’une part de la province du Punjab a passé un amendement en 2015 au Child Marriage restraint Act
de 1929 en reprenant le même texte mais en alourdissant les sanctions pénales avec six mois
d’emprisonnement et une amende de 50 000,00 PKR, toutefois ses peines sont considérées comme étant pas
assez répressives et donc légères vu que la loi ne modifie pas l’âge legal au mariage et les règles d’applications
demeurent absentes ; d’autre part, il s’agit du Sindh Child Marriage Restraint Act de 2013 a permis d’avancer
l’âge legal au mariage à dix-huit ans dans la province du Sindh, toutefois, aucune disposition de la loi ne prévoit
sur le sort de ces types de mariage.
151
« R. ACKERMAN, Forced Conversions and Forced Marriages in Sindh. 2018 », [consulté le
18 décembre 2020].
152
ISLAM Sania, « Forced Marriage », Social Science Research Network, 2021, [consulté le 24 octobre 2021].

27
facilitant le mariage, les témoins, les autres membres de la famille en tant que
complices et surtout l’époux et sa famille, c’est-à-dire les personnes qui ont bénéficié
de cette union forcée à la femme, ou l’homme. Il ne prévoit pas de sanctions pénales
pour les cas de complicité.

61. la doctrine déplore le manque de définition des termes « wani », « swara » ou même
« custom » ou également « practice », les définitions générales peuvent être données
par les tribunaux mais celles-ci risquent de ne pas inclure certains actes dans cet article
ce qui serait un avantage pour les auteurs de crimes qui ne vont pas s’inquiéter d’être
poursuivis153. Le terme de « badl-e-sulh » n’est également pas défini comme une
violation des droits mais est abordé simplement comme le fait de donner ou d’accepter
quelque chose en compensation154. En outre, le sort de ces types de mariage forcé n’est
pas non plus déterminé par la loi155. L’adoption de cet article n’a pas empêché les
coutumes tel que le « swara » de continuer à être pratiqué dans les zones rurales156.

62. Le Criminal Law Amendment Act de 2016157 a modifié l’article 498B du code
pakistanais afin de prévoir des peines aggravées en cas de mariage forcé d’un enfant
en ajoutant le paragraphe suivant :

« 3) in section 498 B, for full-stop at the end, (..) ‘Provided that in case of a female child as
defined in the Child Marriage Restraint Act (1929),(...) or a non-Muslim woman, the
accused shall be punished with imprisonment of either description for a term which may
extend to ten years but shall not be less than five years and shall also be liable to fine which
may extend to one million rupees ». L’ajout du terme « femme non-musulmane » est
problématique dans la mesure où il ne traite pas le cas d’un enfant non-musulman158. De plus,
il n’est pas certain cet article généralise l’infraction de mariage forcé y compris pour le cas
d’un mariage avec un enfant.

153
LARI Maliha Zia et BILL A, « A critical appreciation of the Prevention of Anti-Women Practices (Criminal Law
Amendment) Bill 201 », 2011.
154
« Gulnaz Zahid, Legislation and its Implementation to Protect Girl Children under 18 from Harmful
Traditional Practices: Importance of the Holistic Approach », [consulté le 24 mars 2021].
155
LARI Maliha Zia et BILL A, op. cit.
156
« 20-2013-PCrLJ-950.pdf », [consulté le 24 décembre 2022].
157
Criminal Law Amendment Act 2016, https://na.gov.pk/uploads/documents/1463738605_158.pdf
158
« Criminal Law (Amendment Act) 2016 », [consulté le 20 décembre 2020].

28
63. La doctrine souligne la nécessité d’apporter une clarification du droit applicable et de
consolider autant que possible les dispositions législatives, les sanctions doivent être
élargies, les mariages avant l’âge minimum légal doivent être déclarés nul et sans effet
juridique159. Ses efforts de modifications se sont avérés être insuffisants puisque la loi
est restée inconnue et inappliquée par les autorités judiciaires, les mariages forcés ne
sont pas toujours signalés puisque les femmes subissent des pressions familiales au
sein des familles et le fait d’exprimer leur refus risqué de porter atteinte à l’honneur
familiale dont elles incarnent l’image en tant que femme, elles finissent par subir des
violences à la fois physique et psychologique160.

64. En outre, les peines prêtes à confusions puisqu’elles sont prévues différemment selon
les articles, par exemple la peine maximale dans la Section 498B du code pénal est de
10 ans d’emprisonnement alors que la section 310A du même code prévoit 7 ans, les
articles ne prévoient également pas le sort des mariages ; le divorce sous la forme du
Khula n’est pas une réponse suffisante pour la doctrine qui admet qu’en déclarant un
mariage nul ou annulable la femme aura la dignité d’admettre qu’il ne s’agissait pas
d’un mariage valide du fait de l’absence d’un consentement éclairé venant de sa
part161.

65. Si les efforts réalisés aux seins de certaines provinces du pays dans le but
d’harmoniser l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes, se sont heurtés à un
refus de la part des opposants religieux du pays, le Sindh avec le Child Marriage
Restraint Act de 2013 reste la seule province où l’âge au mariage a été imposé à l’âge
de 18 ans. Toutefois, certaines affaires médiatiques se sont révélés au sein même de la
province du Sindh, notamment le cas de la jeune Huma Younas, une fille de
confession catholique qui aurait été enlevée à l'âge de 14 ans et mariée à un
musulman. Cette affaire a révélé les lacunes flagrantes dans la loi qui continue de
décevoir les femmes en général et opprime les minorités en particulier en utilisant le
mariage comme une arme contre leurs communautés.
66. Les lois pakistanaises prévoient des sanctions pénales, toutefois aucune loi ne
détermine sur le sort des mariages qui seraient illégales162. Par ailleurs, le Sindh Child
159
« Comments from the Center for Reproductive Rights in response to the call for submissions from the Office
of the High Commissioner for Human Rights on child, early, and forced marriage. November 3, 2017 ».
160
ISLAM Sania, « Forced Marriage », Social Science Research Network, 2021, [consulté le 24 octobre 2021].
161
LARI Maliha Zia et BILL A, op. cit.
162
« “Understanding” to determine ‘marriageable age’ to curb child marriages | Dialogue | thenews.com.pk »,
[consulté le 2 février 2021].

29
Marriage Restraint Act de 2013 supprime la condition temporelle pour déposer une
plainte, le délai prévu dans le cadre du Child Marriage Restraint Act de 1929 est d’un
an à compter de la célébration du mariage, un temps jugé très court et donc pas assez
suffisant pour entamer une action judiciaire163.

§ 3. Le vide juridique

A) Le viol conjugal

67. Aucune loi ne prévoit une disposition spécifique qui sanctionne le viol conjugal, y
compris le Child Marriage Restraint Act de 1929 qui ne réprime pas les actes sexuels
non consentis et qui seraient imposé à l’égard des personnes mineurs, considérés
comme étant des personnes vulnérables face à un homme plus âgé.

68. Initialement, la loi pakistanaise définissait le viol comme « forced sex outside of a
marriage »164, le viol n’était donc pas sanctionné lorsqu’il avait lieu dans le cadre du
mariage.165. Le Protection of Women (Criminal Laws Amendment) Act de 2006 a
redéfinit le viol à l’article 375 du Code pénal qui prévoit : « a man is said to commit
rape who has sexual intercourse with a woman without her consent and there is
penetration »166. Cependant, il n’y a aucune mention explicite du viol conjugal dans la
définition. En outre, même si le viol conjugal est signalé, les poursuites sont rares et il
n’est pas considéré comme un motif de séparation ce qui explique le faible taux de
plainte167. Cet article laisse planer le doute et l’imprécision sur la répression du viol
dont beaucoup de jeunes filles et femmes risquent de subir durant le mariage168.

163
« Ending Impunity for Child Marriage in Pakistan: NORMATIVE AND IMPLEMENTATION GAPS, Center For
Reproductive Rights, 2018 », [consulté le 4 juin 2022].
164
« Rapport sexuel forcé en dehors d’un mariage » [Traduction]
165
GHRD, op. cit.
166
« On dit qu'un homme commet un viol lorsqu'il a des rapports sexuels avec une femme sans son
consentement et qu'il y a pénétration » [Traduction]
167
GHRD, op. cit.
168
Ibid.

30
69. Les femmes se trouvent souvent être imposées par des relations sexuelles non
consenties par leurs maris qui considèrent qu’il s’agit d’une obligation religieuse et
puisque la loi ne prévoit pas expressément de sanction contre le viol conjugal169. Les
femmes sont confrontées à des difficultés pour qualifier des relations sexuelles forcées
dans le cadre du mariage de viol. En raison de cette mauvaise interprétation culturelle,
les cas de viol conjugal sont souvent invisibles et non enregistrés170.

B) Les violences conjugales

70. Les femmes victimes de mariages forcés deviennent plus vulnérables aux violences
conjugales171. Plusieurs lois provinciales ont été adoptées contre les violences
conjugales172, mais la doctrine regrette l’absence de loi au niveau fédéral173. Les
femmes sont souvent réticentes à signaler les cas de violences par crainte de
déshonorer la famille et subir des représailles violentes174. En effet, selon une étude
menée en 2002, seulement 7 femmes sur 216 ont déclaré n'avoir jamais subi de
violences conjugales175.

71. Il y a environ 90% des femmes qui sont confrontées aux violences conjugales de la
part de leur mari ou belle-famille et environ 52% des femmes victimes de violence
n’osent jamais dénoncer des violences subies et demander de l’aide176. Depuis le
passage du dix-huitième amendement à la Constitution, les violences conjugales
dépendent des provinces qui doivent légiférer en ce sens, le gouvernement fédéral n’a

169
GHRD, « Marital Rape in Pakistan », [consulté le 16 août 2022].
170
« ‘Marital Rape’ - Where Does It Stand In The Islamic Legal System? », sur Courting The Law [en ligne], publié
le 20 juin 2016, [consulté le 27 février 2021].
171
« Circumstances leading to intimate partner violence against women married as children: a qualitative study
in Urban Slums of Lahore, Pakistan | SpringerLink », [consulté le 15 février 2021].
172
Pour rappel, il s’agit notamment du Domestic Violence (Prevention and Protection) Act 2013 de la
Province du Sindh ; Baluchistan Domestic Violence (Prevention and Protection) Act 2014 ; Punjab
Protection of Women against Violence Act 2015 ; KPK (Khyber Pakhtunkwa) Violence Act 2014
173
Un projet de loi en 2009 sur les violences conjugales fut entravé par le Conseil de l’idéologie islamique.
174
ISLAM Sania, « Forced Marriage », Social Science Research Network, 2021, [consulté le 24 octobre 2021].
175
GHRD, « Marital Rape in Pakistan », [consulté le 16 août 2022].
176
SHAH Niaz A., Judicial Resource Book on Violence Against Women for Asia [en ligne], Commonwealth
iLibrary, 2018, [consulté le 22 décembre 2022]. p.123

31
pas pu adopter une loi au niveau national, les oppositions du Conseil de l’idéologie
islamique s’y oppose sous crainte de subir l’influence du monde occidental177.

C) Les difficultés liées à la détermination des faits de conversions forcées à l’islam


suivies de mariages forcés

72. Les rapports récents démontrent la situation préoccupante des femmes et de jeunes
filles178 issues des minorités qui sont devenu victimes de mariage forcé179. Souvent,
lorsqu’une fille est invitée à témoigner en tant que victime, il devient difficile d’établir
sur la réalité des faits car dans la plupart des cas la fille reste sous la garde de son
ravisseur pendant la procédure judiciaire et fait donc souvent l’objet de menaces,
d’actes d’intimidations et de coercition, elle se trouve contrainte de témoigner en
faveur du ravisseur180.

1. L’article 498B du code pénal62 n’a jamais été appliqué pour enregistrer et enquêter sur
les cas des conversions et mariages forcés de filles issues des communautés de
minorités, d’autres qualifications pénales sont utilisées dans ses situations, que le
crime d’enlèvement de l’article 375 du code pénal lorsque la victime a été enlevée
avant son mariage forcé, il s’agit donc des infractions liées aux situations de mariage
forcé mais qui requièrent des éléments de preuves distincts pour prouver les faits181. Le
récent rapport du Center of Social Justice de 2022 souligne la nécessité d’introduire
les lois contre les conversions forcées en assurant leur exécution par l’autorité
judiciaire si elle est légale, entreprendre des mesures éducationnelles afin de
sensibiliser et protéger les minorités religieuses contre les conversions involontaires182.

177
SALEEM Raja M. Ali, « Islamization and Family Law », in State, Nationalism, and Islamization: Historical
Analysis of Turkey and Pakistan, Springer International Publishing, 2017.
178
ALI Sulman, « Child marriages continue unabated », sur Child marriages continue unabated [en ligne], publié
le 17 décembre 2020, [consulté le 18 décembre 2020].
179
« REPORT_State-of-Human-Rights-in-2019-20190503.pdf ».
180
« R. ACKERMAN, Forced Conversions and Forced Marriages in Sindh. 2018 », [consulté le
18 décembre 2020].
181
Voir Annexe n°3 : Rapport du CSJ
182
Voir Annexe n°4 : Rapport du CSJ

32
33

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