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CHAPITRE I - LA FORMATION DU LIEN MATRIMONIAL

Objectifs pédagogiques

- L’étudiant doit être capable de distinguer les conditions de fond des


conditions de forme
- L’étudiant doit être capable, dans les conditions de fond, de
distinguer la place de la dot
- L’étudiant doit être capable, dans les conditions de fond, de
connaitre la réglementation de la polygamie
- L’étudiant doit savoir que la coutume fait le lien matrimonial de
même que la loi
- L’étudiant doit distinguer le mariage coutumier du mariage célébré
- L’étudiant doit connaitre les effets de la constatation et de la
célébration du mariage
- L’étudiant doit connaitre les cas de nullité du lien matrimonial

Le mariage par lequel se crée et se forme le lien matrimonial est un acte


de volonté qui consacre l'union solennelle de deux personnes juridiquement
aptes à fonder une famille légitime socialement permise.
Cet acte, pour être valable, doit satisfaire à un certain nombre de
conditions dont l'inobservation est sanctionnée par la nullité. De sa validité,
découle celle du lien matrimonial (Sect. I) et de sa nullité, celle du même lien
(Sect. II).
SECTION I - LA VALIDITE DU MARIAGE

La validité du lien matrimonial est tributaire du respect d'un certain


nombre de conditions aussi bien de fond (sous sect. I) que de forme (sous sect.
II).

Sous Sect. I - Les conditions de fond

Pour comprendre les conditions exigées par la loi, il faut rappeler un


certain nombre de considérations :
D’abord le mariage est un acte de volonté. Certains en ont conclu qu'il
s'agissait d'un contrat particulier, il crée une famille, l'état d'époux, la légitimité
des enfants. C'est pourquoi, d'autres y voit une institution qui dépasse les
volontés individuelles. Mais il reste qu'en tant qu'acte de volonté, le mariage
demeure soumis à des impératifs psychologiques (paragraphe 1).
Ensuite, le mariage consacre l'union de deux personnes aptes à fonder une
famille. L'aptitude au mariage ne s'apprécie pas comme on apprécie la capacité
juridique en général ; elle obéit à des impératifs biologiques (paragraphe2).
Enfin la famille créée par le mariage est une famille socialement permise. La
société exprime sa permission de façon négative en posant un ensemble
d'interdits et soumet ainsi le mariage à des impératifs sociologiques
(paragraphe3).

Paragraphe I - Les impératifs psychologiques

En déterminant la place de la volonté dans le mariage, le législateur


sénégalais a consacré la philosophie individualiste et spiritualiste du code civil
français. Il a presque supprimé l'intervention autoritaire de la famille dans le
mariage et a fait de la volonté des futurs époux et de leur liberté, le centre de
gravité du mariage.
Seul le consentement fait le mariage ; non l’œuvre chère ni la volonté
effective d’un foyer (A) ; même la dot qui avait et qui a encore un soubassement
familial est maintenant une affaire de volonté (B).

A- Le consentement au mariage

Le consentement au mariage est la rencontre de deux manifestations de


volonté, celle des futurs époux. Le consentement doit exister et être intègre.

1°) L'existence du consentement

Pour qu'il soit considéré comme un consentement existant, il doit être personnel,
conscient et sérieux.

a. - Un consentement personnel
Aux termes de l’art. 108 : "Chacun des futurs époux, même mineur, doit
consentir personnellement au mariage".
Cette exigence était sous-tendue par deux considérations : d'une part
l'émancipation de la femme et partant la renonciation à certaines pratiques
coutumières qui ne reconnaissaient pas sa personnalité pleine et entière; d'autre
part, l'abolition du mariage forcé d'une manière générale des femmes et des
enfants. Le consentement du mineur au mariage est exigé même si celui du
titulaire de la puissance paternelle est indispensable.
Cependant, il est permis de se marier par procuration (art. 108 al 2) sous
réserve du respect de certaines formalités afin d’éviter le détournement de la
règle (art.108 al 2).

b) - Un consentement conscient
Sans consentement, point de mariage. Ainsi les mariages conclus par des
déments ou un dément sont nuls du fait de l'absence de consentement (art. 341).
Seulement, la démence habituelle n'empêche pas la validité des actes accomplis
dans un intervalle de lucidité.
Le majeur interne n'a pas de consentement ; s'il est en tutelle ou en curatelle. Ici
l'exigence du consentement familial s'ajoute à l'exigence de la volonté
personnelle.

c) - Un consentement sérieux

Cette exigence commande deux solutions pratiques :

- La nullité des mariages simulés ou fictifs : par fraude à la loi, des


personnes concluent mariage sans intention d'union durable et effective
mais l'unique but de profiter d'avantages juridiques que le mariage
procure indirectement. Exemple : acquérir la nationalité de l'époux.
- La nullité des mariages célébrés pour rire et plus généralement au théâtre,
cinéma etc.

2°) L'intégrité du consentement

Le consentement ne doit pas être vicié. C’est l’adaptation de la vie des vices
du consentement à l'acte de mariage. En droit des obligations on connait trois
violations du consentement : l’erreur qui est une fausse représentation de la
réalité, quant à la violence, il s’agit de la contrainte physique ou morale exercée
sur une personne pour l’amener à donner son consentement à un acte. Quant au
dol, il s’agit de tromperie par l’usage de manœuvres et artifices divers. Lorsque
le consentement a été donner suite à une erreur, une violence ou un dol, la loi
considère l’acte ainsi formé n’est pas valable. Il sera frappé de nullité. C’est
cette théorie de vice du consentement que reprend le droit de la famille. Par
contre vue les spécifiques de la matière, le droit de la famille ne retient que deux
vice du consentement : l’erreur et la violence. Le dol a été écarté du fait de la
difficulté de distinguer les manœuvres et artifices des mariages qui ne sont
qu'art de plaire. "En matière de mariage, trompe qui peut".
a. - La violence
La violence en mariage existe même si elle se présente rarement. La
violence morale, physique sont des hypothèses que l’on peut retrouver dans le
mariage forcé. C'est-à-dire le mariage conclu sans le consentement de la
personne. La contrainte est donc plus fréquente mais plus difficile à retenir par
le juge. Exemple : Menaces de malédiction.

b. - L'erreur
L'art. 138 CF parle de l'erreur sans autre précision et la jurisprudence n'est
pas notamment riche pour permettre une réflexion au-delà de ce qui est connu en
droit des obligations.

Le recours au droit français permet de distinguer deux cas d'erreur :

- D’abord l'erreur sur la personne inspirée du droit canonique, qui visait


de prime abord l'erreur sur l'identité physique. Si elle apparaît comme une
hypothèse de roman dans certaines sociétés, elle peut conserver toute son
importance dans certains milieux ou du fait de certaines pratiques tel que
la chirurgie esthétique. Cette erreur a été étendue par la suite à l'erreur sur
l'identité civile concernant l’âge et la nationalité.

• Ensuite l'erreur sur les qualités essentielles de la personne. Cette forme


d'erreur est admise par les tribunaux français lorsque par exemple l’époux
découvre que son partenaire est un ancien bagnard ou bien lorsque le mari
découvre que la femme qu’il a mariée n’est pas vierge.
En effet, un tribunal français de premier degré a dit pour droit que la non
virginité de l’époux est un motif valable pour demander l’annulation du mariage
sur le fondement de l’erreur sur les qualités essentielles de la personne. Ce
mariage concernait un couple français d’origine maghrébine. Le juge a donc pris
en compte le motif que la virginité de la femme était le motif déterminant de la
volonté de l’époux, donc en son absence, le mari est fondé à demander
l’annulation du mariage.
Déféré au juge d’appel, cette décision a été censurée ; la cour d’appel se
fondant principalement sur le principe d’égalité entre l’homme et la femme.
Pour la cour d’appel, la décision de première instance est contraire à la dignité
de la femme.

B - La dot

La dot est une libéralité en faveur du mariage consacrée par des coutumes
très anciennes. Il s'agit d'une donation faite par le futur mari à sa future épouse.
Elle procure un avantage purement gratuit puisqu'en principe "elle est propriété
exclusive de la femme qui en a la libre disposition" (art. 132 al 2). Son montant
est fixé à un maximum de 3 000 F. Elle peut être payée intégralement lors de la
conclusion du mariage ou partiellement, le reliquat sera versé ultérieurement.
Le fondement de la dot est toujours l'objet de controverses renforcées de
nos jours par son utilisation et ses avatars quelles procures à la femme et sa
famille. Malheureusement, elle constitue un supplice pour les hommes en raison
de son coût élevé, fait l'objet de surenchères entre les familles, n'est jamais la
propriété exclusive de la mariée mais celle de sa famille. Certains y ont vu tout
simplement "le prix d'achat de la femme".
D'autres n'y ont vu que "la clef qui ouvre l'utérus" réduisant par là le
mariage à une banale conjonction des sexes en vue de la reproduction de surcroît
monnayée.
Devant le caractère insoutenable de ces appréciations, certains ont vu dans
la dot une compensation pour la famille du départ de la jeune fille et pour la
mère qui l’a douloureusement engendrée (K. Mbaye). Cependant, cette idée de
compensation ne correspond pas à l'esprit du législateur qui fait de la dot la
propriété de la femme et non celle de la famille.
Le législateur, non convaincu de tous ses arguments a adopté une position
de juste milieu : il n'est pas allé jusqu'à abroger la dot mais il en a fait une affaire
personnelle relevant strictement de la volonté des futurs époux, libre à eux d'en
faire ou non une condition de fond de leur mariage. Et suivant la volonté des
futurs époux, la dot pourra être écartée et le mariage s'accomplir valablement
sans elle. Si tel est le cas, la violation de cette obligation peut être une cause de
nullité relative du mariage (138 CF) ou une cause de divorce (art. 166-5).

Paragraphe. II - Les impératifs biologiques

Ces impératifs conditionnent l'aptitude au mariage. Cette capacité au


mariage déroge aux conditions générales de la capacité juridique. Deux critères
permettent de mesurer sa spécificité : l'un est tiré du support de la personnalité
juridique (le corps) et de la classification binaire des populations qui résulte de
la nature humaine c'est-à-dire la différence de sexe (A) ; l'autre est lié au critère
de base du droit des incapacités avec une application propre au mariage, il s’agit
de l'âge, qui présume ici l'aptitude physiologique au mariage : la puberté (B).

A- La différence de sexes

Au Sénégal, le mariage ne se conçoit qu'entre un homme et une femme,


c'est-à-dire deux individus de sexes opposés tel qu'il ressort dans des
dispositions de l'art 100 CF. Aujourd'hui dans certains pays on reconnaît le
mariage entre individus du même sexe, c'est le mariage entre homosexuels. La
différence de sexe est un fait perceptible et reconnaissable grâce à différents
signes extérieurs chez la personne. Cependant, des difficultés peuvent se
présenter en cas de malformations par exemple l'hermaphrodite (personne sur
laquelle est visible les deux sexes) comme le doute peut s'installer lorsque les
deux sexes sont reconnaissables chez la même personne.

B - La puberté
Elle concerne le minimum nécessaire pour établir l'aptitude physiologique
au mariage. Mais cette aptitude est seulement présumée. Pour établir cette
présomption, le législateur se réfère à l'âge. Aux termes de l’article 111 du code
de la famille "le mariage ne peut être contracté qu'entre un homme âgé de plus
de 18 ans et une femme de plus de 16 ans". A ces âges respectifs, l'homme et la
femme sont présumés aptes au plan physiologique à se marier. La différence de
régime s'explique par la différence de sexe et non par une discrimination
purement arbitraire.
Il peut arriver cependant que l'âge légal soit contredit par l'âge réel : c'est
lorsque par exemple les futurs époux n'ont pas atteint l'âge légal mais prouvent
par leurs œuvres leur aptitude physiologique au mariage. Dans cette situation, la
loi a prévu une solution réaliste. Le mariage pourra être conclu avec une
dispense d'âge accordée pour motif grave par le Président du tribunal régional
après enquête.
La question qui se pose est celle de savoir si le seul critère de l'âge est
suffisant pour juger de l'aptitude physiologique ? La puberté est-elle le seul
élément à prendre en considération ? Quels sont les autres critères susceptibles
d'être retenus ? Peut-on se marier si on ne dispose pas de l’intégrité de son corps
ou de ses membres ?
La deuxième question est de savoir si la santé des futurs conjoints est
prise en compte pour éviter ou prévenir le mariage de personnes atteinte de
maladie contagieuse. Avec le virus du VIH SIDA la question se pose de savoir
si une personne infectée par le VIH SIDA peut librement se marier. Le code de
la famille reste muet sur la question. Cependant en se référant à la constitution
du Sénégal qui dans son préambule pose un principe général de non-
discrimination et la loi n°2008-11 sur le VIH SIDA ; on ne peut discriminer une
personne sur le fondement de son infection au VIH SIDA. En outre, on peut
relever également que le code de la famille faisant du mariage une affaire
purement individuel où seuls les futurs époux peuvent décider sous réserve des
conditions édictées par la loi du choix de leur futur époux.
Les futurs époux peuvent exiger un certificat médical prénuptial. Même si le
certificat est exigé, il ne fait pas obstacle à la volonté des futurs époux de se
marier et leur laisse la liberté de se marier toute en connaissance de cause.
Enfin, le critère de l'expérience et de la lucidité n’est pas seulement
physiologique. On le sait avec le mariage du mineur. Il se pose un problème de
lucidité concernant les majeurs incapables. Par exemple la loi admet qu’il faut
moins de ressources intellectuelles pour se marier que pour vendre. La loi exige
du majeur incapable qu’il conclu le mariage durant ses moment de lucidité. Son
consentement est indispensable ainsi que celui de son tuteur ou de son curateur.

Paragraphe III - Les impératifs sociologiques

Le mariage est une union socialement permise. La société exprime sa


permission de façon négative, par des interdits. Ainsi elle limite les futurs époux
dans le choix du partenaire : c'est la prohibition de l'inceste (A). Elle limite
également leur volonté de mariage lorsqu'ils sont déjà mariés : l'existence d'un
lieu matrimonial antérieur (B) et parfois cette interdiction est seulement
temporaire lorsque, concernant la femme, son mariage est dissout : le délai de
viduité (C).

A- La prohibition de l'inceste

La prohibition de l'inceste est l'un des tabous les plus puissants et les plus
profonds de l'humanité. Elle exprime positivement le besoin d'échanger les
femmes c'est-à-dire l'exogamie. Elle se justifie pour plusieurs considérations :
l'instinct naturel, le sentiment du sacré, une considération rationnelle
d'eugénique (belle naissance). La prohibition de l'inceste se traduit par la
prohibition de l'endogamie mais cette prohibition n'est pas absolue c’est
pourquoi il est nécessaire de connaître ses limites. La loi interdit pour cause
d'alliance et de parenté le mariage de toute personne avec :
- ses ascendants ou ceux de son conjoint ;
-ses descendants ou ceux de son conjoint ;
- jusqu'au 3è degré, les descendants de ses ascendants ou de ceux de son
conjoint. Toutefois, il n'y a plus prohibition pour cause d'alliance entre beau-
frère et belle-sœur lorsque l'union qui provoquait l'alliance a été dissoute par le
décès".
En outre, les prohibitions au mariage subsistent entre l'adopté et sa famille
d'origine. De même le mariage est prohibé entre :

l'adoptant, l'adopté et ses descendants ;


• l'adopté et le conjoint de l'adoptant et réciproquement entre l'adoptant et le
conjoint de l'adopté ;
• les enfants adoptifs du même adoptant ;
• l'adopté et les enfants de l'adoptant (art. 248 CF).

B - L'existence d'un lien matrimonial antérieur

L'obstacle du lien matrimonial antérieur ne s'apprécie pas de la même


manière selon que l'on est en présence d'une femme ou d'un homme.

Concernant la femme, l'appréciation est sous-tendue par l'interdiction de


la polyandrie (bigamie personne : personne qui à plusieurs conjoints pour le
code pénal). Ainsi "la femme ne peut contracter un nouveau mariage avant la
mention sur le registre de l'état civil de la dissolution du précédent (art. 113).
Pour contracter mariage, la femme doit impérativement être célibataire, divorcée
ou veuve.
Concernant l'homme, la situation s'apprécie en fonction de la
réglementation du mariage. Aux termes de l'art. 113 al 2 "l'homme peut
contracter un nouveau mariage s'il a un nombre d'épouses supérieur à celui
autorisé par la loi, compte tenu des options de monogamie ou de limitation de
polygamie souscrites par lui".
La loi sénégalaise admet par conséquent la polygamie simultanée c'est-à-
dire le fait d'avoir plusieurs épouses à la fois et a fortiori la polygamie
successive est reconnue même si le mariage monogamique demeure le principe.
Au Sénégal, la pluralité de liens est soumise à la liberté de choix de l'homme qui
peut opter en vertu de l'art. 133.

Trois régimes sont possibles :

• le régime de la polygamie auquel cas l'homme peut avoir simultanément


quatre épouses ;
• le régime de la limitation de polygamie : bigamie ou polygamie au premier
stade ;
• le régime de la monogamie.
La polygamie constitue le régime de droit commun puisqu'à défaut d'option,
c'est le régime de la polygamie qui est retenu. Mais en réalité, il s'agit d'une
règle supplétive de volonté qui a sa logique en ce sens qu'elle permet à l'homme
qui n'a pas opté de garder intacte sa liberté de choix.
Les options sont en principe définitives. Mais dans le souci d'encourager les
mariages monogamiques, la loi permet la possibilité pour l'homme de restreindre
par une nouvelle option une limitation antérieure de polygamie (4 - 3 - 2 - 1 et
non l'inverse).
Les options engagent l'opérant pour toute la durée de son existence même
après dissolution de l'union à l'occasion de laquelle elles avaient été souscrites
art. 134. La femme n'est pas liée par l'option en cas de dissolution du mariage,
elle peut se remarier sous un régime différent de celui souscrit pour son mariage
antérieur. Mais en tout état de cause et compte tenu des options, la bigamie et la
polygamie non autorisées constituent un délit pénal (333 C. Pen.).
C - Le délai de viduité

Cet impératif ne concerne que la femme et est dicté par le souci d'éviter les
risques d'incertitudes sur la paternité.1 C'est ainsi qu'un délai dit de viduité est
imposé à la femme dont l'union est dissoute, délai avant l'expiration duquel il
n'est pas permis à la femme de se remarier.
Ce délai est de 300 jours au maximum après le décès du premier conjoint
ou le divorce. Le but est d'éviter qu'un même enfant né à la suite du remariage
de la mère, ne soit susceptible d'être attribué aux deux maris successifs. Cette
règle est inspirée du droit français qui prévoit d'ailleurs la possibilité d'abréger
les délais lorsque la confusion de paternités n'est pas à craindre suite à
l’accouchement de la femme ou la production d'un certificat médical attestant
qu'elle n'est pas enceinte. Au Sénégal, l'abréviation du délai est prévue en
application des règles du droit musulman : 3 mois en cas de dissolution du
mariage par divorce ou par annulation ou à 4 mois 10 jours après dissolution du
mariage par décès. Cependant lorsque la femme est enceinte, le délai de viduité
prend fin par sa délivrance.

Sous-section II - Les conditions de forme

Le mariage consacre l'union solennelle de deux personnes. La solennité fait


partie intégrante du mariage et se traduit par l'exigence de certaines conditions
de forme. Au Sénégal, malgré la laïcité, ces aspects ont survécu et le mariage
civil lui-même obéit à un certain rituel. Au Sénégal, la loi consacre la dualité
des formes du mariage (Art. 14 CF). Aux termes de l'art. 114 CF "selon le choix
des futurs époux, le mariage peut être célébré pour l'officier de l'état civil ou
constaté par lui ou son délégué dans les conditions prévues par la loi. Le
mariage ne peut être constaté que lorsque les futurs époux observent une
coutume matrimoniale en usage au Sénégal".

1
V. art. 112 CF.
Si le mariage constaté par l'officier de l'état civil vaut au même titre que le
mariage célébré par l'officier de l'état civil, force est de constater la primauté de
celui-ci sur celui-là. En effet, le mariage célébré par l'officier de l'état civil se
suffit à lui-même tandis que le mariage célébré selon la coutume doit
nécessairement être constaté par l'officier de l'état civil. Cela s'explique par la
primauté de la loi sur la coutume. Le mariage célébré a une prééminence sur le
mariage coutumier.
Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de mariage. Ces formes apparaissent
d'abord dans la phase préparatoire à la formation du mariage (paragraphe I) et se
prolongent lors de la célébration (paragraphe II). La similitude entre les deux
formes de mariage existe également pour le mariage constaté par l’officier d’état
civil (paragraphe III).

Paragraphe I - Les formalités préparatoires à l'acte de mariage

Ces formalités sont dictées par le souci de prévenir l'Etat et le milieu social
intéressé dans la formation d'une nouvelle famille et, le cas échéant, à provoquer
leurs réactions.
Trois formalités seront envisagées :

• l'avis préalable à l'officier de l'état civil (A)


• le dépôt des pièces et l'établissement du formulaire (B)
• la publication du mariage (C)

A - L'avis préalable à l'officier de l'état civil

Les futurs époux sont tenus d'informer l'officier de l'état civil de leur
projet un mois à l'avance dans le cas où le mariage doit être conclu dans une
commune ou dans une localité où se trouve un centre d'état civil. Cependant,
l'avis de projet de mariage est donné au chef de village ou à une personne
désignée dans le village par l'officier de l'état civil, si le mariage doit être célébré
en tout autre lieu.

B - Le dépôt des pièces et l'établissement du formulaire

Cette condition est posée par l’article 115 du CF. Cette disposition enjoint
aux futurs époux de remettre personnellement à l'officier de l'état civil de leur
domicile ou à l'autorité qui le représente les pièces suivantes : une copie du
certificat de naissance datant de moins de trois mois, une copie des actes
accordant des dispenses dans les cas prévus par la loi. Chacun doit remettre
personnellement une copie de son acte de naissance datant de moins de 3 mois et
la copie des actes accordant des dispenses dans les cas prévus par la loi. Lorsque
l’un des époux l'impossibilité de se procurer un acte de naissance, le futur
époux concerné se fera délivrer par le juge du tribunal départemental un acte de
notoriété. Cependant, si la naissance n'a pas été déclarée à l'origine, un
jugement d'autorisation d'inscription sera nécessaire (art. 115 - 87 CF).
A l'occasion de la remise des pièces, la loi permet à l'officier de l'état civil
de poser des questions aux futurs époux. Il doit en effet demander aux futures
époux s’ils ont déjà été mariés et leur enjoint dans l’affirmative d’indiquer à
quelle date et sous quelle forme l’union précédente a été contractée ainsi que la
date et les cause de sa dissolution. Le futur époux devra justifier le cas échéant
de ce que les liens matrimoniaux déjà contractés ne constituent pas à son égard
un empêchement au mariage projeté.

Lorsque l’un des futurs époux ou les deux sont mineur, il lui rappelle la
nécessité de fournir la preuve du consentement de la personne habilitée à le
donner ou de l'autorisation judiciaire en tenant lieu (Art. 116, 115 du CF).
L'ensemble de ces questions et réponses est consigné sur un formulaire-
type, établi en trois exemplaires dont l'un est envoyé sans délai à l'officier de
l'état civil du lieu de conclusion du mariage accompagné des pièces déposées par
les époux (art. 127.3).

C - La publication du mariage

Cette publication est inspirée de la tradition canonique des bans. Elle se


fait, selon l'art. 117 CF, au moyen d'une affiche pendant quinze jours continus à
la porte du centre d'état civil et au centre du lieu où chacun des futurs époux a
son domicile ou à défaut sa résidence secondaire. Cette publication doit
énoncer : les noms, prénoms, filiation, âge, profession, domicile, résidence, lieu
et date du mariage projeté. Elle est faite au centre d’état civil du lieu du mariage
et à celui du lieu où chacun des futurs époux a son domicile. Le procureur de la
République a le pouvoir d'accorder une dispense, pour des causes graves, de la
publication et de tout délai.

Paragraphe II - La célébration du mariage par l'officier de l'état civil

Le mariage civil est célébré avec solennité (A) dans un lieu déterminé par la loi
(B).

A- La solennité du mariage (ou le rituel)

La solennité tient essentiellement de la présence et du rôle de l’officier


d’état civil agissant en représentant de l'Etat.
Les époux doivent également se présenter personnellement devant
l’officier d’état civil au jour choisi par eux et à l’heure déterminée par lui
assistés chacun d'un témoin majeur, parent ou non. Si l'un des futurs époux est
mineur, il doit justifier de son consentement et du consentement de la personne
exerçant sur lui la puissance paternelle.
L'échange des consentements intervient à l'occasion de manière
solennelle, précédé et suivi d'un certain cérémonial. Ainsi, l'officier de l'état civil
complète éventuellement le projet de mariage par l'indication de la dot et de ses
modalités de versement et donne lecture dudit projet conformément à leurs
déclarations. Il interpelle le parent dont le consentement est requis si l'un des
époux est mineur et s'il n'est pas présent, il donne lecture de l'acte par lequel ce
consentement est exprimé.
Après quoi, il demande à chaque partie l'une après l'autre, si elles veulent
se prendre pour mari et femme. Après que chacune d'elles a répondu par "oui", il
les déclare au nom de la loi unie par les liens du mariage et signe l'acte sur-le-
champ avec les époux, les parents consentant s'ils sont présents et les témoins.
Par la suite, il délivre à l'épouse un exemplaire de l'acte de mariage et au mari un
livret de famille.

B - Le lieu de célébration du mariage

Contrairement au mariage coutumier célébré dans les lieux de culte ou les


maisons, le mariage civil est célébré au centre d'état civil, lieu public par
excellence de la cité. Cela s'explique par le fait que le mariage est célébré
publiquement.
L'officier de l'état civil compétent est celui du centre du domicile ou de la
résidence de l'un des futurs époux. S'il existe de justes motifs, le mariage peut
être célébré dans un autre lieu.

Paragraphe III - La constatation du mariage coutumier par l'officier de l'état civil

Le mariage coutumier a la même valeur juridique que le mariage célébré


par l'officier de l'état civil lorsqu'il est constaté par ce dernier (A). En revanche,
il est inopposable aux pouvoirs publics en cas de non constatation (B).

A- La valeur du mariage constaté


La valeur du mariage constaté tient au respect de certaines formalités. A la
différence du mariage civil où l'officier de l'état civil joue un rôle actif en
célébrant le mariage, l'officier de l'état civil, dans le mariage coutumier assiste
aux formalités du mariage ; il joue un rôle passif. Il constate une situation
préalablement créée. La loi impose aux époux selon la coutume, lorsqu’ils
doivent constater leur mariage devant l’officier d’état civil de se présenter à lui
avec deux témoins majeurs pour chacun des deux époux, parent ou non.

B - L'inopposabilité du mariage non constaté

La coutume à elle seule fait le lien matrimonial. Les conditions liées à la


constatation ne sont pas des conditions de validité du mariage. Le législateur a
tenu compte de l'état psychologique des citoyens sénégalais, des conséquences
qui résulteraient de l'annulation du mariage coutumier au plan social et religieux.
Cependant à titre de sanction, il a prévu l'inopposabilité du mariage
coutumier non constaté à l'Etat, aux collectivités publiques et aux établissements
publics ou privés notamment en ce qui concerne le bénéfice des avantages
sociaux et fiscaux. Mais pour qu'il retrouve toute sa plénitude, le mariage non
constaté pourra faire l'objet d'une déclaration tardive ou d'un jugement
d'autorisation d'inscription (art. 147, 87 CF).

SECTION II - LA NULLITE DU LIEU MATRIMONIAL

La nullité intervient comme un contrôle a posteriori du mariage par les


pouvoirs publics. En effet, lorsque tous les moyens de prévention (conditions
diverses, oppositions) n'ont pas pu empêcher la conclusion d'un mariage qui ne
devait pas être conclu, la nullité est prévue à titre de sanctions.

Paragraphe I - Les causes de la nullité


La nullité n'a pas toujours la même portée ; elle peut être absolue ou
relative selon l'importance et la gravité de la règle violée et de l'intérêt protégé.
C'est la raison pour laquelle il est indispensable de distinguer les causes de la
nullité absolue (A) des causes de la nullité relative du mariage ( B).

A- Les causes de la nullité absolue du mariage

Ces causes concernent les irrégularités les plus graves qui portent atteintes
à l'ordre public. Quelle que soit la forme du mariage, sa nullité doit être
prononcée (art. 141) en cas de non-respect des impératifs physiologiques (sexe,
âge), psychologiques (absence de consentement de l'un des époux) ou
sociologiques (inceste, lien matrimonial antérieur non dissout) ou bien encore en
cas d'incompétence de l'officier de l'état civil qui a célébré le mariage. (art. 137
in fine CF).

B - Les causes de nullité relative du mariage

La nullité relative est une nullité de protection qui sanctionne les atteintes
à des intérêts privés. Par exemple la forme du mariage. Ainsi la nullité sera
prononcée en cas de non-respect des mêmes impératifs mais à un degré moindre.
Pour les impératifs psychologiques, le mariage peut être annulé pour vice du
consentement (erreur, violence), ou pour non-paiement de la dot lorsqu'elle est
une condition de fond ou pour défaut d'autorisation familiale ; et pour les
impératifs physiologiques pour impuissance du mari ou pour maladie grave et
incurable à condition qu'elle rende la cohabitation préjudiciable lorsque le
conjoint l'a sciemment dissimulée au moment du mariage (art. 138).

Paragraphe II - L'action en nullité

Deux questions seront envisagées : l'ouverture de l'action (A) et les fins de


non-recevoir (B).
A - L'ouverture de l'action en nullité

Elle s'ouvre lorsqu'elle est exercée par son titulaire. Celui-ci varie selon
qu'il s'agit de nullité absolue ou de nullité relative. L'action en nullité absolue
peut être exercée par les époux eux-mêmes, par le ministère public et par toute
personne qui y a intérêt. Elle est imprescriptible (142). S’agissant de la nullité
relative, elle appartient (art. 139) :
- à celui des époux dont le consentement a été vicié ;
- à celui dont le consentement était requis ou à l'époux qui avait besoin de
ce consentement en cas de défaut d'autorisation familiale ;
- à la femme en cas de non paiement de la portion exigible de la dot ou en
cas d'impuissance du mari ;
- au conjoint de l'époux atteint de maladie grave et incurable.

B – Les fins de non-recevoir

Dans certaines circonstances, l’action en nullité cesse d’être recevable


pour vice de consentement lorsqu’il a eu une cohabitation pendant six mois
depuis que l’époux a acquis sa pleine liberté, pour défaut d'autorisation
familiale, en cas d'approbation expresse ou tacite du mariage par celui dont le
consentement était nécessaire ; au cas où l'époux n'a pas fait de réclamation
après avoir atteint l'âge de 18 ans révolus ; si celui dont le consentement était
nécessaire a laissé s'écouler une année sans exercer l'action, en cas
d'impuissance du mari ou de dissimulation de la maladie grave et incurable,
lorsque la cohabitation s'est poursuivie pendant plus d'un an.

Paragraphe III - Les effets de la nullité

La nullité du mariage ne peut être prononcée qu'en vertu d'une décision


judiciaire (art. 137). Se pose la question de l'autorité de la décision (A) ainsi que
celle de l'incidence de la bonne ou mauvaise foi des époux sur les effets du
mariage (B).

A - L'autorité de la chose jugée de la décision d'annulation

Le jugement définitif prononçant la nullité du mariage possède l'autorité


de la chose jugée à l'égard de tous (parties et tiers) à partir de sa mention en
marge des actes d'état civil.
C'est le jour où la décision est devenue définitive qui constitue le point de
départ des effets de la nullité. Le mariage est réputé dissout à partir de ce jour.
Mais auparavant, le mariage nul produit ses effets comme s'il avait été valable
(art. 144 al 1) : la spécificité de la nullité du mariage réside dans son caractère
non rétroactif.

B - L'incidence de la bonne ou mauvaise foi des époux

Le code de la famille impose qu'il soit statué en toute hypothèse sur la bonne
foi de l'un ou l'autre des époux hors du jugement prononçant la nullité. La bonne
foi, comme le veut le principe, est toujours présumée. Deux situations sont à
distinguer :
• la première situation c’est lorsque les deux époux sont déclarés de mauvaise
foi, le mariage est réputé n'avoir jamais existé tant dans les rapports des
époux que dans les rapports avec les tiers.
La deuxième situation c’est lorsque l'un des époux est seulement réputé de
mauvaise foi, le mariage est réputé n'avoir jamais existé à son égard.
Cependant l'autre conjoint pourra se prévaloir des dispositions de l'art. 144
c'est-à-dire la nullité ne rétroagit pas et le régime des biens est déterminé à
partir de la date d'introduction de la demande. Concernant les enfants
légitimes et ceux issus du mariage, ils conservent leur qualité à l'égard de
leurs auteurs et des tiers mais l'époux de mauvaise foi ne pourra pas se
prévaloir de la nullité à leur égard (art. 145 in fine).

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