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Le divorce en Droit malgache

Lydia Randrianja, UNIVERSITE CATHOLIQUE DE MADAGASCAR, mai 2021 [Tapez ici]


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LE DIVORCE

Le mariage prend fin de différentes manières dont la fin normale étant le décès de l’un des
époux. Des fins exceptionnelles du mariage existent : annulation par voie judiciaire pour causes
prévues par la loi et le divorce.

Le divorce peut être défini comme la dissolution du mariage du vivant des époux à la suite
d’une décision judiciaire rendue à la requête de l’un d’eux, ou de l’un et de l’autre pour les
causes établies par la loi.

Une question se pose celle de savoir s’il faut ou non admettre le divorce.

Les adversaires du divorce soutiennent l’Eglise catholique dont la doctrine est l’indissolubilité du
mariage, celui-ci étant un sacrement. Et à Madagascar, il existe un proverbe ‘ Ny fanambadiana
dia toy ny lamban’akoho, ka faty no hisarahana’ 1, sans oublier le dicton ‘ Ny tokantrano
fiafiana’2.

Pour les tenants du divorce, ils soutiennent que celui-ci permet de corriger les désavantages
d’un mariage perpétuel alors que la vie commune est devenue impossible. La séparation de fait
est insuffisante car elle ne permet pas au conjoint/ à la conjointe de refaire sa vie, sinon, ce
sera le développement du concubinage. De plus, il s’agit d’un lien contractuel qui peut à tout
moment être rompu par le seul fait de la volonté de l’un ou de l’autre ou des deux époux ; dans
ce dernier cas, ce serait le divorce par consentement mutuel.

Le Droit malgache admet le divorce. Cependant, il a tenté de concilier deux impératifs sociaux :
d’une part, permettre aux époux de mettre fin à une union définitivement compromise, et d’autre
part, désencourager le divorce en donnant une chance de conciliation aux époux en leur
donnant un délai de réflexion et d’apaisement.

Ainsi, il convient de voir les causes, la procédure et les effets du divorce.

Section 1ere : Les causes du divorce

Il faut noter au préalable deux conceptions sur le divorce :

1. le divorce sanction dans lequel le divorce ne peut être admis que si l’un des époux a commis
une faute laquelle sera sanctionnée par le divorce à l’encontre de l’époux coupable ;
2. le divorce remède dans lequel le divorce est admis dans tous les cas où la vie commune est
impossible entre les époux. Tel est le cas d’un divorce en cas d’aliénation mentale de l’un des
époux.

Dans le Droit positif malgache, les causes du divorce sont prévues par les articles 66 et 67 de la
Loi 2007-022 du 20 aout 2007 sur le mariage et les régimes matrimoniaux.

1
Traduction littérale; le mariage est comme les plumes de la poule, celles-ci ne s’en détachent qu’à sa mort
2
Traduction littérale: dans le mariage, les époux doivent tout supporter pour le faire perdurer
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I-LES CAUSES DU DIVORCE PREVUES PAR L’ARTICLE 66

Aux termes de l’article 66, ‘ Lorsqu’un des époux a gravement manqué aux obligations et
devoirs réciproques des époux résultant du mariage, et que ce manquement a rendu intolérable
le maintien de la vie commune, l’autre époux peut demander le divorce au Tribunal de
Première Instance compétent’. Il est donc exigé ici un manquement, soit une faute conjugale, ce
qui signifie que la loi opte pour le divorce sanction. Toutefois, il y a une condition sur ce
manquement.

A- Un manquement aux obligations et devoirs résultant du mariage

Les obligations et devoirs sont, à titre de rappel, la cohabitation, la fidélité, le secours,


l’assistance et le respect.

Le manquement à ces diverses obligations peut donc être retenu comme cause de
divorce ; seulement, ce manquement doit revêtir un certain nombre de caractères.

B- Les caractères du manquement

Le manquement doit :
- être d’une certaine gravité
- rendre intolérable le maintien de la vie commune.

Ces exigences traduisent le souci du législateur de préserver le ménage contre une


éventuelle dislocation. Le juge saisi doit ainsi rechercher si malgré les faits allégués, la vie
conjugale ne serait pas possible et supportable. En d’autres termes, le divorce n’est pas
prononcé du seul fait qu’il y a eu manquement ; il faut que ce manquement ait rendu intolérable
la poursuite de la vie commune.

II-LES CAUSES DU DIVORCE PREVU PAR L’ARTICLE 67

L’article 67 prévoit deux cas : l’adultère du conjoint ou sa condamnation à une peine afflictive et
infamante.

A-L ’adultère du conjoint

Une question se pose sur l’adultère en tant que violation de l’obligation de fidélité prévue
par l’article 66. Il faut comprendre le terme adultère sous deux aspects :

- au sens large, il s’agit de toute conduite d’un conjoint en contradiction avec la dignité ou
la réserve que doit avoir une personne mariée constitue l’adultère ; c’est le cas des familiarités
de nature à éveiller des soupçons. C’est ce sens large de l’adultère que vise l’article 66  ;
- au sens plus étroit, l’adultère suppose des relations sexuelles avec une personne autre
que le conjoint ; ces actes constituent le délit d’adultère sanctionné par le Droit pénal. C’est
dans ce sens qu’a été prévu l’article 67.

B- La condamnation à une peine afflictive et infamante

En matière pénale, rentrent dans le cadre des peines afflictives et infamantes, les peines
criminelles ; le législateur estime que l’époux condamné à une peine afflictive et infamante a
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manqué à l’obligation de respect, c'est-à-dire, ne s’est pas conduit honorablement et
dignement ; de ce fait, son conjoint ne doit pas être contraint de partager son déshonneur, ce
qui va lui permettre de demander le divorce.

La condamnation judiciaire doit être définitive et doit être prononcée au cours du mariage.

Il y a lieu de remarquer qu’en principe, le divorce est prononcé lorsque l’une de ces causes a
été établie. Toutefois, l’époux défendeur pourra démontrer que celle-ci n’a pas rendu intolérable
le maintien de la vie commune (alinéa 2 de l’article 67), et il appartient au juge d’apprécier.
D’ailleurs, en Droit malgache, il n’y a pas de causes péremptoires de divorce.

Section 2 : La procédure de divorce

Avant que le juge examine le bien-fondé de la demande en divorce, il vérifie l’existence ou non
d’une fin de non-recevoir, c'est-à-dire des obstacles à la recevabilité de la demande. La fin de
non-recevoir est d’ordre public, et peut être invoquée à n’importe quel moment de la procédure,
et le juge peut la relever d’office en cas de silence des parties.

La loi de 2007 prévoit deux cas de fin de non-recevoir en ses articles 68 et 69 qu’il convient de
voir avant de décrire la procédure de divorce proprement dite

I-LES FINS DE NON RECEVOIR

A- La réconciliation des époux

Elle est prévue par l’article 68. Il s’agit d’un acte bilatéral en ce sens qu’il faut un pardon
de l’époux innocent, et l’acceptation de ce pardon par l’époux coupable. La preuve de cette
réconciliation se fait par tous moyens ; le plus souvent, elle résulte de la reprise de la vie
commune.

Cependant, la réconciliation n’empêche pas l’époux d’intenter une nouvelle demande en


divorce s’il découvre des faits qu’il ignorait quand il a pardonné, ou lorsque le conjoint sera
coupable d’une autre faute ; en effet, la jurisprudence consacre la formule suivante : ‘ Les faits
nouvellement commis ou découverts font revivre les faits antérieurs’.

Il faut noter que la réciprocité des torts n’est pas une fin de non-recevoir ; ainsi, le divorce
sera prononcé aux torts réciproques des époux.

B- Le décès de l’un des époux

Aux termes de l’article 69, ‘ L’action s’éteint par le décès de l’un des époux survenu avant
que soit prononcé définitivement le divorce’.  En d’autres termes, l’action en divorce ne saurait
donc être intentée :
-après le décès de l’un des époux, ni par le conjoint survivant, ni par les héritiers du
prédécédé puisqu’il s’agit d’une action personnelle
-si le décès se produit en cours d’instance, c'est-à-dire, pendant la procédure, ou avant
que le jugement ou l’arrêt ne soit prononcé définitivement.
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II-LA PROCEDURE DU DIVORCE

Avant de saisir le juge du divorce, la loi a offert aux époux la faculté de soumettre leur différend
à certaines autorités pour les tenter de concilier ; il s’agit, aux termes de l’article 79 du Chef du
Fokontany, du Maire ou d’un Conseiller par lui désigné. Un procès-verbal va être établi et liera
les parties.

La procédure du divorce devant les instances judiciaires se déroule en deux phases : la


réconciliation et le jugement.

A- La phase de réconciliation

Les époux sont convoqués par le Président du tribunal ou le juge désigné à cet effet par
lui ; ils doivent comparaitre personnellement, et ne peuvent ainsi se faire représenter ni être
assistés de leur conseil. De plus, la phase de réconciliation se déroule à huis clos (le greffier ne
peut pas être présent). Deux situations peuvent se poser : le demandeur en divorce ne
comparait pas, de même pour le défendeur.

1. Le demandeur en divorce ne comparait pas


S’il invoque un empêchement qui apparait justifié, la tentative de conciliation est
reportée à une autre date. Si toutefois, il n’invoque aucun empêchement, il est alors présumé
abandonner sa demande, et la demande sera donc classée.

2. Le défendeur ne comparait pas


S’il justifie son absence, la date de conciliation sera renvoyée à une autre date, ou
une commission rogatoire3 sera délivrée au juge du tribunal du lieu de résidence du défendeur
pour l’entendre puisque la confrontation des époux n’est pas possible. S’il ne justifie pas de son
absence, il est alors statué comme s’il n’y avait pas de conciliation entre les époux, c'est-à-dire,
que la procédure de divorce va suivre son cours normal.

En cas de comparution des deux époux, deux situations peuvent se produire ;


-les époux se concilient : un procès verbal de conciliation est dressé par le juge
conciliateur, et la procédure de divorce s’arrête. En cas de renouvellement de la demande en
divorce, copie du procès-verbal peut être délivrée à l’époux qui veut se prévaloir de la fin de non
recevoir prévue par l’article 68
-les époux ne se concilient pas : une Ordonnance de non conciliation est rendue, et
le dossier est transmis au tribunal qui statuera sur la demande en divorce. Cette ordonnance de
non conciliation peut autoriser les époux à avoir une résidence séparée, confier à l’un ou à
l’autre des époux la garde des enfants, statuer sur les demandes relatives aux aliments pour la
durée de l’instance, et prescrire toutes mesures provisoires jugées utiles dans l’intérêt des
époux et des enfants ainsi que pour la conservation du patrimoine familial.

B- La phase de jugement

L’affaire est inscrite au rôle d’audience. La phase de jugement est très particulière en ce
qui concerne notamment la preuve, la procédure et le jugement lui-même.
3
Il s’agit d’une délégation faite par un tribunal ou par un juge à un autre tribunal ou à un autre juge d’une autre
juridiction pour accomplir un acte de procédure ou d’instruction.
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1. La preuve
Les causes du divorce peuvent être prouvées par tous moyens, mais :
-l’aveu du défendeur n’est pas à lui seul pertinent
-en cas d’enquête, les parents et alliés sont admis comme témoins car font partie du
cercle familial. Cependant, le témoignage des descendants n’est pas admis.

2. La procédure de jugement
Les débats ne sont pas publics, en ce sens que le juge statue en chambre de
conseil, mais la décision rendue (jugement ou arrêt) est rendue en audience publique.

En cas d’enquête ou d’audition des témoins, ils sont entendus à la barre du tribunal
en présence des époux dument convoqués.

Les demandes reconventionnelles en divorce sont admises.

3. Particularités de la décision de justice


Le jugement ou l’arrêt prononçant le divorce doit indiquer l’époux aux torts desquels
le divorce est prononcé ainsi que la date de l’ordonnance ayant autorisé les époux à résider
séparément. Par ailleurs, les délais des voies de recours sont suspensifs

Section 3 : Les effets du divorce

L’effet essentiel du divorce est la rupture du lien conjugal qui affecte la personne des époux,
leurs biens. La rupture intéresse également les tiers.

I-LE POINT DE DEPART DES EFFETS DU DIVORCE

A- Entre les époux

Les effets remontent à la date de la décision devenue définitive, c'est-à-dire que les voies
de recours sont expirées ou épuisées (article 71, alinéa 1er). Quant à leurs biens, les effets de
la décision remontent à la date de la demande en divorce (article 71, alinéa 2).

B- A l’égard des tiers

Aux termes de l’article 71 alinéa in fine, la décision prononçant le divorce n’est opposable
aux tiers que du jour de la transcription de ladite décision sur les registres d’état civil.

Toutefois, cette règle ne saurait se retourner contre eux, c'est-à-dire que si les tiers, ayant
appris que le divorce n’a pas encore été publié, ont tenu compte de la dissolution du mariage,
les époux ne peuvent se prévaloir contre eux du défaut de publicité. La transcription est faite à
la diligence des époux ou du Ministère public sur le registre de l’état civil du lieu où le mariage a
été célébré. Elle doit avoir lieu dans le mois qui suit le jour où la décision est devenue définitive.

II-LES EFFETS DU DIVORCE ENTRE LES EPOUX

Contrairement à la nullité du mariage, le divorce dissout le lien matrimonial pour l’avenir. Ses
conséquences se répercutent au niveau de la personne des époux, et au niveau de leurs biens.
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A- Les conséquences personnelles du divorce

Les devoirs de cohabitation, de fidélité, de secours, d’assistance et de respect prennent


fin. Le remariage est possible à tout moment sous réserve du respect du délai de viduité. Les
liens d’alliance disparaissent. Même s’il y a des enfants communs, l’époux divorcé n’a plus
aucune obligation alimentaire à l’égard de ses anciens beaux-parents.

Aux termes de l’article 72,’ L’époux divorcé cesse d’utiliser le nom du conjoint’. Toutefois,
il peut requérir du tribunal l’autorisation de continuer à porter ce nom en prouvant son intérêt
capital dans l’exercice de sa profession.

B- Les conséquences pécuniaires du divorce

L’époux fautif, c'est-à-dire que la décision a été prononcée à ses torts, perd de plein droit,
tous les avantages qui lui ont été conférés par l’autre époux, soit par convention matrimoniale,
soit pendant le mariage.

Si le divorce est prononcé aux torts et griefs réciproques, les deux époux perdent les
avantages ainsi consentis.

Aux termes de l’article 126 de la Loi du 04 juillet 1968, la donation faite par l’un des époux
à l’autre peut être annulée si les liens du mariage ont été rompus par un divorce prononcé sur
demande du donateur ou de ses héritiers par le tribunal civil.

L’époux qui a gagné le procès peut obtenir réparation (dommages et intérêts) pour le
préjudice matériel et moral subi par le divorce (article 74).

III-LES EFFETS DU DIVORCE A L’EGARD DES ENFANTS

Ils sont prévus par les articles 75 à 78 de la Loi de 2007. D’une manière générale, le divorce ne
modifie pas la situation des enfants :

-les avantages qu’ils tiennent de leur père et mère par la loi ou par le contrat de mariage ne
sont pas modifiés
-ils continuent d’avoir le droit d’être entretenus ; c’est ainsi qu’il y a une obligation de verser une
pension alimentaire à l’ancien conjoint pour l’aider à nourrir et à éduquer les enfants communs
-ils ont le droit d’être gardés par l’un ou l’autre des parents, soit à une tierce personne selon la
décision du tribunal qui a statué conformément à l’intérêt supérieur des enfants. Il en est de
même de leur droit d’être visités par celui des parents qui n’a pas eu leur garde.

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