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Chapitre 2 : La désagrégation du mariage : désunion

L’article100 CF fait une nette distinction entre le divorce et la séparation de corps dans les
termes suivants : « [le lien matrimonial] n’est détruit que par le décès de l’un des époux ou par
le divorce. La séparation de corps en réduit seulement les effets. » . Ainsi donc, alors que le
divorce met fin au mariage (section II), la séparation de corps le fragilise (section I).

Section I : Mésentente et maintien du Mariage : la séparation de corps

La séparation de corps ne met pas fin à l’union matrimoniale, elle en réduit seulement les effets.
Mais les époux ne sont pas libres de déterminer les effets du mariage auxquels la séparation de
corps va mettre fin, ni les conditions dans lesquelles elle peut avoir lieu. C’est le législateur qui
dans les deux cas a énoncé les dispositions à appliquer par le juge car, tout comme le divorce,
la séparation de corps doit être prononcée par un juge pour produire tous ses effets. Les époux
qui vivent séparés sans que cette séparation ait été judiciairement constatée ou prononcée sont
dans une situation de séparation de fait qui ne les délie d’aucun des effets du mariage. L’article
181 du Code de la Famille résume le régime légal de la séparation de corps dans les termes
suivants : « La séparation de corps met fin à l’obligation de cohabitation, impose aux époux le
régime de la séparation des biens s’ils n’y étaient pas déjà soumis et maintient les autres effets
du mariage entre époux. La séparation de corps peut résulter du consentement mutuel des époux
constaté par le tribunal départemental ou d’une décision judiciaire la prononçant à la demande
de l’un des époux. »

Les conditions et la procédure sont les mêmes pour la séparation de corps et pour le divorce,
tandis que la séparation de corps contentieuse obéit aux mêmes règles que celles du divorce
contentieux (art. 183 CF), la séparation de corps par consentement mutuel est régie par les
dispositions relatives aux conditions et à la procédure du divorce par consentement mutuel
(parag.1). Mais si la séparation de corps est assimilable au divorce pour ce qui est des conditions
et de la procédure, en revanche les effets de la séparation de corps et du divorce doivent être
étudiés séparément car ils sont fort différents (parag.2). Toutefois la séparation de corps peut
conduire au divorce (parag.3).

§1er : Les conditions de la séparation de corps

La procédure de la séparation de corps par consentement mutuel est la même que celle du
divorce par consentement mutuel (art. 182 CF). Comme son nom l’indique, elle repose sur le
consentement de chacun des époux qui doit être pour cette raison exempt de vice. Le contrôle

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de la validité du consentement va être opéré par le juge qui doit également s’assurer du dépôt
de toutes les pièces requises.

Par ailleurs, la séparation de corps contentieuse obéit aux mêmes cas d’ouverture et à la même
procédure que le divorce contentieux (art. 168 à 171 et 173 CF).

§2 : Les effets de la séparation de corps

Le jugement de séparation de corps ne met pas fin au mariage, il constate ou prononce


judiciairement le relâchement du lien conjugal et entérine les décisions prises par les époux
concernant leurs enfants et leurs biens ou, en cas de séparation contentieuse, statue lui-même
sur ces questions. Quel que soit le type de séparation de corps, certains effets sont imposés par
la loi, c’est-à-dire qu’ils sont soustraits à la volonté des intéressés qui ne peuvent pas les
modifier dans leur accord, ni demander au juge de le faire. L’article 181 du Code de la Famille
résume le régime légal de la séparation de corps dans les termes suivants : « La séparation de
corps met fin à l’obligation de cohabitation, impose aux époux le régime de la séparation
des biens s’ils n’y étaient pas déjà soumis et maintient les autres effets du mariage entre
époux. Il en est ainsi autant pour les effets patrimoniaux (II) que pour les effets
extrapatrimoniaux de la séparation de corps (I).

I. Les effets extrapatrimoniaux de la séparation de corps

La séparation de corps met fin à l’obligation de cohabitation mais maintient l’obligation de


fidélité, ainsi que le devoir de secours et d’assistance. La séparation de corps remet aussi en
cause l’attribution automatique de la garde de l’enfant et de la puissance paternelle au père,
mais non le droit pour la femme d’utiliser le nom de son mari.

II. Les effets patrimoniaux de la séparation de corps

Le sort des biens des époux (A) les sanctions pécuniaires éventuelles (B) et la pension
alimentaire (C) sont autant de questions que soulèvent la séparation de corps et auxquelles le
législateur a donné des réponses.

A- Le sort des biens des époux


En cas de séparation de corps par consentement mutuel, les époux auront prévu dans leur accord
la répartition de leurs biens respectifs. L’accord produit ses effets à l’égard des époux à compter
du jour où le jugement a été rendu et, à l’égard des tiers, à compter de sa mention sur les registres
de l’état civil art. 164 al. 1er et 2.

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Lorsque l’un des époux est commerçant, les dispositions de l’accord de séparation de corps
concernant les biens ne sont opposables à ses créanciers que passé un délai de trois mois, à
compter de la mention du jugement au registre du commerce et de l’insertion d’un avis du
jugement dans un journal d’annonces légales paraissant dans le ressort du tribunal
départemental. (art. 164 dern. al. CF)

En cas de séparation de corps contentieuse, c’est le juge qui va procéder, le cas échéant, à la
dissolution du régime matrimonial afin de mettre en place le régime de la séparation de biens.

Si les époux avaient opté pour le régime dotal, les biens donnés à la femme à l’occasion de son
mariage (à ne pas confondre avec la dot donnée par le mari) sont restitués en nature (ou en
valeur lorsqu’ils ont été aliénés) et sans délai par le mari (art. 388 CF). Les autres biens des
époux étaient déjà soumis à la séparation de biens (art. 384 dern. al. CF).

En cas de choix du régime communautaire de participation aux meubles et acquêts, sont exclus
de la liquidation les immeubles immatriculés dont chacun des époux était propriétaire avant le
mariage, ceux qui leur sont advenus personnellement pendant le mariage, par succession ou
libéralités, les biens qui par leur nature ou leur destination ont un caractère personnel, les droits
exclusivement attachés à la personne. (art. 393 CF).

Le régime de séparation des biens n’exclut pas de devoir faire la preuve de la propriété des
biens de chacun. La règle est que, sauf pour les immeubles immatriculés, la preuve de la
propriété des biens se fait par tous moyens. Toutefois les biens meubles qui ont un caractère
personnel sont présumés appartenir à l’un ou l’autre des époux. Quant aux meubles meublants,
ceux de la principale habitation du mari sont présumés appartenir au mari, tandis que ceux des
habitations fixées par lui à ses autres épouses sont présumés leur appartenir. (art. 381 CF)

B- La perte éventuelle des avantages matrimoniaux et le paiement de dommages et


intérêts, en cas de séparation contentieuse
L’époux aux torts duquel la séparation a été prononcée va perdre tous les avantages que son
conjoint lui avait faits soit à l’occasion du mariage, soit depuis sa célébration. En revanche
l’autre époux conserve tous les avantages qui lui avaient été consentis par son conjoint (art. 177
CF).

C- La substitution de la pension alimentaire à l’obligation d’entretien


La séparation de corps met fin à l’obligation de vivre ensemble, mais elle ne met pas totalement
fin à l’obligation des époux de participer aux charges du ménage et de se porter mutuellement

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aide et assistance. L’article 262 al. 2 CF rappelle le maintien de cette obligation dans les termes
suivants : « En cas de séparation de corps, la pension alimentaire telle qu’elle est fixée, suivant
le mode de séparation, par le juge ou par les parties, se substitue à l’obligation d’entretien. »

§3- La fin de la séparation de corps

L’article 185 du Code de la Famille prévoit que la séparation de corps prend fin lorsque l’une
des conditions suivantes est remplie : les époux ont repris la vie commune après réconciliation
(I), le mariage a été dissout par le décès de l’un des conjoints, ou le divorce des époux a été
prononcé (II).

Par la conversion prononcée obligatoirement par le juge à la demande de l’un des époux
après que trois ans se soient écoulés depuis l’intervention du jugement (art. 185 dern. al CF)

I. La procédure de la réconciliation des époux

Les époux doivent se présenter devant le tribunal départemental de leur résidence pour faire
une déclaration conjointe de réconciliation. Le procès-verbal de cette déclaration devra ensuite
être mentionné sur le livret de famille, il devra aussi être mentionné en marge des actes de
mariage et de naissance des époux.

Les époux réconciliés demeurent séparés de biens (art. 186 CF).

II. La conversion de la séparation de corps en divorce

L’époux demandeur en divorce doit saisir le tribunal départemental du domicile de son conjoint.
Le juge transforme le jugement de séparation de corps en jugement de divorce pour les mêmes
causes et motifs. Il pourra également allouer des dommages-intérêts complémentaires, le cas
échéant, pour tenir compte de la disparition de l’obligation d’entretien (art. 187 dern. al. CF).

Section II : Mésentente et rupture du mariage : le divorce

L’article 157 du CF énonce que le divorce peut résulter du consentement mutuel des époux
constaté par le tribunal départemental (parag. 2), ou d’une décision judiciaire prononçant la
dissolution du mariage à la demande de l’un des époux (parag.3). Toutefois des dispositions
communes régissent tous les types de divorce (parag. 1).

Parag. 1. Les dispositions communes à tous les types de divorce

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Quel que soit le type de divorce en cause, l’acte de mariage des époux doit impérativement être
déposé au préalable au greffe du tribunal. Il y aussi ce que l’on pourrait appeler les effets de
base du divorce dans la mesure où ils sont totalement indépendants de la cause du divorce ou
du type de divorce

A- En matière de procédure : La nécessaire présentation d’un acte de mariage

Pour divorcer, il faut d’abord apporter la preuve que l’on est marié. Or cette preuve ne peut se
faire qu’avec un acte de l’état-civil (art. 29 CF) ; d’où la nécessité de présenter un acte de
mariage à de rares exceptions près.

I- Le principe : le dépôt obligatoire d’un acte de mariage


Que le divorce soit un divorce contentieux ou un divorce par consentement mutuel, les époux
sont tenus d’accompagner leur demande de la présentation de leur acte de mariage (art. 159,
168 al.2 CF). S’ils ne disposent pas de cette pièce d’état-civil, ils peuvent se la procurer en
suivant, selon les cas, la procédure de la déclaration tardive, ouverte six mois après la
célébration coutumière du mariage (art. 147 CF), ou celle du jugement d’autorisation
d’inscription lorsque le délai de six mois est dépassé (art. 87 CF).

II- Les exceptions


Lors d’une procédure en divorce ou en séparation de corps, les époux sont dispensés de produire
leur acte de mariage dans les conditions suivantes, énoncées à l’article 833 alinéas 6 et suivants
(loi n°79-31 du 24 janvier 1979) : d’abord le mariage doit avoir été célébré en la forme
coutumière, en outre il doit avoir eu lieu avant l’entrée en vigueur du Code de la famille, enfin
aucun acte ne doit avoir été dressé de cette union.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, le juge est autorisé à établir l’existence du mariage
en se fondant sur les déclarations concordantes des conjoints relativement à la date et aux
modalités du mariage.

Lorsque l’époux défendeur conteste l’existence du mariage, le tribunal départemental doit


statuer au préalable sur cette question (qui devient une question préjudicielle, c’est-à-dire que
la procédure de divorce est suspendue jusqu’à ce qu’une décision sur l’existence du mariage
soit rendue).

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Lorsque le conjoint défendeur est défaillant (il ne se présente pas à l’audience), l’époux
demandeur peut prouver l’existence du mariage par la possession d’état suite à une enquête du
tribunal.

B- Sur le plan des effets du divorce

Quel que soit le type de divorce, le prononcé du jugement de divorce dissout le lien matrimonial
et met fin à toutes les obligations patrimoniales et extrapatrimoniales nées du mariage:
obligation d’assistance et de secours, charges du ménage, devoir de fidélité et de cohabitation.
Il met également fin au régime matrimonial, ainsi qu’à l’interdiction de contracter une nouvelle
union. Seules les obligations vis-à-vis des enfants demeurent car les époux divorcés n’en restent
pas moins, s’ils ont des enfants, un père et une mère.

I- La dissolution du régime matrimonial et la fin des devoirs réciproques nés du mariage


Le divorce met un terme au devoir de cohabitation et de fidélité. La femme redevient libre de
fixer elle-même son domicile, et retrouve le droit d’avoir des relations charnelles avec un autre
partenaire. Sur ce dernier point il en va de même pour l’homme qui s’était marié sous le régime
de la monogamie. Le devoir réciproque de secours et d’assistance disparaît, ainsi que
l’obligation d’entretien. L’obligation d’entretien peut être maintenue par convention (divorce
par consentement mutuel) ou subsister de manière limitée dans le temps avec le droit pour la
femme de réclamer une pension alimentaire dans certains cas de divorce (art. 178 et 262 al. 3
CF, incompatibilité d’humeur et maladie grave et incurable). Enfin le divorce met fin au régime
matrimonial qui va être dissout conformément aux règles exposées en cas de dissolution du
régime matrimonial pour cause de séparation de corps. (art. 176 CF)

II- Le droit de contracter une nouvelle union


En principe, dès le prononcé du jugement en cas de divorce par consentement mutuel, et dès le
jour où le jugement n’est plus susceptible de voies de recours en cas de divorce contentieux,
l’homme et la femme deviennent libres de contracter une nouvelle union (176 al. 2 CF). Cette
liberté n’a d’intérêt pour l’homme polygame qu’à partir du moment où il a atteint le nombre
d’épouses pour lequel il a opté. Quant à la femme, la loi l’oblige à respecter un délai de viduité
qui dure en principe 300 jours ((art. 112 alinéa 1er CF)) mais la femme est autorisée à le réduire
à 3 mois. Dans le cas où la femme opte pour la réduction du délai l’enfant qui va naître quatre
mois et dix jours après la dissolution du mariage de sa mère sera considéré, sans possibilité
d’apporter la preuve contraire, comme n’ayant pas pour père le précédent mari (art. 112 alinéa

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2 CF). Dans tous les cas le délai de viduité prend fin avec l’accouchement de la mère (art. 112,
dernier alinéa CF).

III- Le droit pour le mari de s’opposer à l’utilisation de son nom par la femme
La femme peut continuer à ajouter ou à substituer le nom du mari dont elle a divorcé au sien,
mais seulement à condition que ce dernier ne s’y soit pas expressément opposé, soit dans la
convention établie lors du divorce par consentement mutuel, soit lors des déclarations faites en
audience dans le divorce contentieux (art. 176 dern. al. CF).

IV- L’attribution de la garde à l’un des parents ou à un tiers


La dissolution du mariage mettant fin à l’obligation de communauté de vie, le jugement de
divorce doit statuer sur la question de l’attribution de la garde des enfants. La garde sera
accordée à l’un ou l’autre des parents, mais elle peut aussi être accordée à un tiers (article 278
CF). En cas de divorce contentieux, le juge va décider conformément à ce qu’il considère être
l’intérêt de l’enfant (art. 180 CF). Dans le divorce par consentement mutuel, ce sont les époux
eux-mêmes qui vont décider par accord du sort des enfants, sauf pour le juge à vérifier que cet
accord est conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art. 162 CF).

Le divorce par consentement mutuel est en effet entièrement fondé sur l’accord des époux.

Par. 2 La rupture constatée par le juge : le divorce par consentement mutuel

Il faut étudier les conditions de fond et la procédure

A- Conditions de fond

Le divorce par consentement mutuel est, comme son nom l’indique, fondé sur l’accord des
époux sur tous les points relatifs à la rupture de leur union. Leur accord étant suffisant, les
causes de leur divorce n’ont pas à être révélées au juge. Ce dernier est uniquement tenu de
s’assurer que l’accord existe, qu’il est conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs et que la
volonté des deux époux est libre, éclairée et exempt de vices.

B- La procédure

La procédure du divorce par consentement mutuel impose des contraintes aux époux tout en
accordant un rôle minimal au juge .

I- Les obligations des époux


1) Comparution personnelle et conjointe obligatoire des époux

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Pour faire reconnaître leur divorce par consentement mutuel, les époux doivent se rendre
ensemble et en personne devant le tribunal départemental de leur domicile (art. 159 CF).

2) Dépôt des pièces requises

En plus de l’acte de mariage, du livret de famille, et, le cas échéant des actes de naissance et de
décès de tous les enfants issus du mariage, les époux doivent accompagner leur demande en
divorce de la convention réglant tous les détails de leur divorce : répartition des biens, sort des
enfants, montant de la pension alimentaire, maintien ou non de l’utilisation du nom du mari
(art. 159 et 160 CF).

II- Le rôle du juge (art. 161, 162, 163 CF)


Le juge va prendre le temps nécessaire pour interroger les époux et s’assurer de manière
indubitable que chacun consent en pleine connaissance de cause et en l’absence de toute
contrainte au divorce. Il doit ensuite vérifier point par point, pour chaque élément de l’accord,
que le consentement existe, qu’il est libre et éclairé. Ainsi il va leur faire lire à haute voix leur
déclaration écrite et s’assurer qu’ils sont bien d’accord sur tous les points réglés. Si le juge
estime que le consentement de l’une des parties n’a pas été exprimé dans les conditions voulues
par la loi, il rejette la demande (art. 161 in fine CF).

La liberté des époux de régler à leur convenance les conséquences de leur divorce est limitée
par le respect dû à l’ordre public et aux bonnes mœurs ; aussi le juge va soigneusement examiner
l’accord des parties afin de vérifier qu’aucune des stipulations de l’accord des époux n’est
contraire à la loi. En cas de stipulation contraire aux bonnes mœurs ou à une disposition d’ordre
public, le juge va en informer les parties qui devront réviser leur accord en conséquence. Les
parties peuvent apporter les modifications nécessaires sur le champ, à défaut le juge va les
renvoyer à une audience ultérieure qui ne peut être fixée au-delà d’un mois (article 161 al. 5
CF).

Une fois ces différents contrôles effectués le juge qui se sera assuré de la validité du
consentement des époux ainsi que de la légalité de leur accord va rendre un jugement constatant
le divorce.

Le jugement constatant le divorce par consentement mutuel doit mentionner que le


consentement des époux a été librement donné, et que leur accord est en tout point conforme à
l’ordre public et aux bonnes mœurs (art. 162 CF).

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NB : La date des effets de la convention des époux

La convention des époux réglant les conséquences du divorce prend effet à l’égard des époux
du jour où le jugement a été rendu. A l’égard des tiers, la convention prend effet à compter de
la mention du jugement sur les registres de l’état civil.

Lorsque l’un des époux est commerçant, l’accord concernant les biens ne sera opposable à ses
créanciers qu’à l’issue d’un délai de trois mois, à compter de la mention du jugement au registre
du commerce, et de l’insertion d’un avis dans un journal d’annonces légal paraissant dans le
ressort du tribunal départemental qui a rendu le jugement de divorce (art. 164 CF).

Parag. 3. La rupture prononcée par le juge : le divorce contentieux

Alors que le divorce par consentement mutuel est un divorce à l’amiable qui nécessite la
collaboration et le consentement des deux époux, le divorce contentieux est un divorce où l’une
des parties soit refuse le divorce, soit conteste le bien-fondé de la cause énoncée.

A- Conditions de fond

Dans un divorce contentieux, le conjoint demandeur en divorce doit obligatoirement indiquer


dans sa requête une cause de divorce parmi les dix causes admises par la loi (art. 165 et 167
CF).

Ainsi à défaut d’accord amiable des époux, un divorce ne peut être prononcé que pour une des
causes suivantes énoncées à l’article 166 du Code de la Famille :

1. L’absence déclarée de l’un des époux,


2. L’adultère de l’un des époux,
3. La condamnation de l’un des époux à une peine infâmante,
4. Le défaut d’entretien de la femme par le mari,
5. Le refus de l’un des époux d’exécuter les engagements pris en vue de la conclusion du
mariage,
6. L’abandon de famille ou du domicile conjugal,
7. Les mauvais traitements, excès, sévices ou injures graves rendant l’existence en
commun impossible,
8. La stérilité définitive médicalement établie,
9. La maladie grave et incurable de l’un des époux découverte pendant le mariage,
10. L’incompatibilité d’humeur rendant intolérable le maintien du lien conjugal.

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Toutes les causes de divorce mises à la disposition des conjoints par le législateur ne sont pas
utilisées de manière égale. Les causes de divorce contentieux les plus fréquemment utilisées
sont : l’abandon de famille ou du domicile conjugal, les mauvais traitements, excès, sévices ou
injures graves rendant l’existence en commun impossible et enfin l’incompatibilité d’humeur
rendant intolérable le maintien du lien conjugal. Cette dernière cause de divorce peut même être
considérée comme une cause passe-partout puisque c’est elle qui sert quand les époux n’ont pu
invoquer ou n’ont pu prouver aucun des autres faits constituant une cause de divorce. Il arrive
en effet que le juge substitue aux causes invoquées par les époux, l’incompatibilité d’humeur
pour prononcer le divorce quand il se rend compte que telle est la volonté des époux.

Aucune des causes de divorce invoquée n’est définie dans le Code de la famille. C’est donc en
étudiant la manière dont pratiquement chacune des causes a été mise en œuvre par les cours et
tribunaux que l’on peut en définir les contours. Par exemple le divorce pour adultère a été
prononcé dans un cas où la preuve de l’adultère a été constituée par le fait que le mari avait
reconnu un enfant adultérin (tribunal départemental hors classe de Dakar, n° 0157 du 24 janvier
2006 - recueil des décisions du Crédila, p. 134).

Ainsi, il a été considéré par le tribunal départemental de Dakar, dans son jugement n°566 du 25
mars 03, que le fait pour un homme de lever la main sur son épouse quelle que soit la bénignité
de son acte est un comportement « réprimable » constituant une injure grave. Le même
jugement a prononcé le divorce aux torts réciproques des époux pour injures graves par le mari
et abandon de domicile conjugal par la dame. En effet, le mari avait versé au dossier un P.V. de
constat d’abandon et une sommation d’intégrer le domicile (recueil des décisions du Crédila, p.
117).

B- Procédure

Chacun des époux peut prendre l’initiative d’introduire une demande en divorce. L’époux
demandeur en divorce doit se présenter en personne au tribunal d’instance du domicile de
l’épouse. Sa requête en divorce peut consister en un écrit ou en une déclaration orale recueillie
par le greffier et signée du demandeur (art. 165, 167 CF).

Après le dépôt de la requête en divorce, le juge va convoquer le demandeur afin de s’assurer de


la fermeté de sa décision de divorcer. S’il y a urgence, il pourra autoriser provisoirement l’époux
demandeur à avoir une résidence séparée, et statuer provisoirement sur la garde des enfants.

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Le juge va ensuite convoquer ensemble les époux, qu’il va entendre hors la présence de leurs
conseils en vue de tenter de les réconcilier. La conciliation, constatée par procès-verbal du juge,
met fin à l’action en divorce.

Si l’époux demandeur ne répond pas à la convocation, sans justifier d’un motif légitime, il sera
considéré comme s’étant désisté de sa demande. Si c’est le défendeur qui s’abstient de
comparaître, après qu’une citation par huissier lui aura été signifiée, le juge va considérer qu’il
refuse toute conciliation.

En cas d’échec de la tentative de conciliation, le juge doit rendre une ordonnance de non
conciliation et se prononcer sur l’action en divorce soit immédiatement, soit à une audience
ultérieure dont il fixe la date. La date retenue ne doit pas excéder six mois. Toutefois ce délai
pourra être renouvelé autant de fois que nécessaire, mais sans que la durée des ajournements
successifs puisse dépasser un an.

Seules les mesures provisoires décidées par le juge pourront faire l’objet d’un appel, et non pas
les jugements d’ajournements. Les mesures provisoires concernent la résidence des époux, la
garde des enfants, le droit de visite des parents, les demandes d’aliments ainsi que toute autre
mesure urgente et nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des enfants ou des époux. (articles
168 et 169 CF).

En cas de non conciliation, la cause du divorce est débattue en audience non publique, mais le
jugement est rendu en audience publique. Ni les enfants, ni les domestiques des époux ne
peuvent être entendus comme témoins.

Les demandes reconventionnelles en divorce ou en séparation de corps sont introduites par


simple déclaration faite à l’audience. Le demandeur est pareillement libre de transformer sa
demande en divorce en demande de séparation de corps (article 170 CF).

L’action en divorce s’éteint dans l’un des deux cas suivants : soit l’un des époux est décédé
avant que le jugement prononçant le divorce soit devenu définitif ; soit les époux se sont
réconciliés.

Le demandeur pourra néanmoins intenter une nouvelle action en divorce pour une cause
survenue ou découverte depuis la réconciliation. Il est également autorisé à se prévaloir des
anciennes causes à l’appui de sa nouvelle demande.

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Les recours en appel et en cassation contre le jugement rendu, ainsi que leurs délais, ont
un effet suspensif. Les demandes reconventionnelles sont autorisées en appel. (art. 172
CF).

Le jugement prononçant le divorce doit être mentionné en marge de l’acte de mariage et de


l’acte de naissance de chacun des époux

Dans le délai de quinze jours après qu’il est devenu définitif, copie du jugement de divorce doit
être remise à chacun des époux, ainsi qu’à l’officier de l’état civil du lieu où le mariage a été
célébré. Les parties sont également autorisées à présenter la copie de leur jugement de divorce
à l’officier de l’état civil, avec une attestation du greffier certifiant que la décision n’est plus
susceptible de voies de recours. Le greffier du tribunal doit porter la mention du divorce sur le
livret de famille. L’officier de l’état civil doit inscrire la même mention et la date de
l’ordonnance de non conciliation en marge de l’acte de mariage et de l’acte de naissance de
chacun des époux. Si l’un des époux est commerçant, mention de son divorce doit également
être portée au registre du commerce dans les mêmes délais. (articles 174, 175 CF)

Le divorce n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa mention sur les actes de naissance des
divorcés. Quant à ces derniers, le jugement de divorce prend effet à leur égard, et pour ce qui
est de leurs rapports personnels, au jour où le jugement devient définitif. Le délai de viduité
auquel est astreint la femme (article 112 CF) court à partir de la date de l’ordonnance de
non conciliation. Lorsque le délai de viduité est réduit à trois mois, il prend effet à compter
du jour où le jugement de divorce devient définitif. (art. 176 CF)

Les conséquences pécuniaires du divorce prennent effet entre les époux, au jour de la demande
de divorce.

C- Les sanctions et compensations pécuniaires prévues

Le divorce contentieux astreint le juge à attribuer la responsabilité de la rupture, au cas échéant,


soit à l’un des époux, soit aux deux. On parlera alors soit de divorce aux torts exclusifs de l’un
des conjoints soit de divorce aux torts partagés.

Le mari qui obtient le divorce pour incompatibilité d’humeur reste débiteur d’une obligation
alimentaire à l’égard de sa femme, pendant six mois à un an à compter du jugement. La durée
est portée à trois ans maximum lorsque le divorce a été obtenu pour maladie grave et
incurable de la femme. (art. 178, 262 al. 3 CF).

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L’obligation cesse si le mari établit qu’il n’a plus de ressources ou si la femme se remarie avant
l’expiration de ces délais (article 262 alinéa 3 in fine CF).

Lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, ce dernier perd tous les
avantages que l’autre époux lui avait fait soit à l’occasion du mariage, soit depuis sa célébration.
En revanche, l’époux qui a obtenu le divorce conserve tous les avantages qui lui avaient été
consentis par son conjoint (art. 177 CF).

L’époux fautif pourra également être condamné à payer des dommages-intérêts à son conjoint,
pour le préjudice matériel et moral que lui cause la dissolution du mariage « compte tenu,
notamment, précise l’article 179 al. 1er in fine, de la perte de l’obligation d’entretien. »

C’est le juge qui va décider de la question de savoir si le versement de la somme allouée à titre
de dommages et intérêts va se faire en une seule fois ou de façon échelonnée.

TITRE II LA FILIATION

La filiation est le lien de parenté en ligne directe et au premier degré unissant une personne à
son ascendant. « La parenté, énonce l’article 254 du Code de la Famille, résulte de la
filiation et d’elle seule. ». Son importance ne serait être plus clairement exprimée. Il en résulte
que la première question à se poser porte nécessairement sur le mode d'établissement et la
preuve du lien de filiation. La réponse à cette question diffère selon qu’il s’agit de la filiation
d’origine, fondée sur l’existence d’un lien de filiation biologique (chapitre 1er), ou de la filiation
résultant exclusivement d’un acte juridique, l’adoption (chapitre 2).

CHAPITRE I : LA FILIATION D’ORIGINE

L’établissement (section 1) et la preuve de la filiation (section 2), ainsi que les actions relatives
à la filiation (section 3) reposent sur une double distinction, la distinction entre la filiation
maternelle et la filiation paternelle d’abord, et la distinction entre la filiation légitime et la
filiation naturelle ensuite.

Section I : L’établissement de la filiation

Dans l’établissement de la filiation, la loi distingue le lien unissant l’enfant à sa mère (sous
section 1) de celui unissant l’enfant à son père (sous section 2).

Sous-Section I : L’établissement de la filiation maternelle

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L’établissement de la filiation maternelle repose principalement sur un fait juridique,
l’accouchement (parag.1), et accessoirement sur un acte juridique, la reconnaissance (parag.2).

Parag.1. Le fait de l’accouchement

En matière de filiation maternelle, la règle est la même qu’il s’agisse d’une filiation légitime ou
d’une filiation naturelle : la mère est la femme qui a accouché de l’enfant. L’article 189 CF
indique en effet clairement que : « La filiation maternelle résulte du fait même de
l’accouchement. »

Toutefois, lorsqu’un acte de naissance a été établi sans que le nom de la mère n’y figure, l’enfant
pourra être reconnu par celle qui prétend être sa mère (art. 190 CF).

Parag. 2. La reconnaissance

La reconnaissance est un acte unilatéral par lequel une personne déclare, dans un acte
authentique, être la mère ou le père d’une autre personne clairement identifiée.

Lorsque la reconnaissance est postérieure à l’acte de naissance, l’officier de l’état civil va


dresser la déclaration de l’auteur de la reconnaissance sous la forme d’un nouvel acte de
naissance en tête duquel il doit écrire «reconnaissance d’enfant naturel ». Puis il va inscrire
l’identité de l’auteur de la reconnaissance, avant de se servir de la copie du précédent acte de
naissance pour reporter les mentions déjà existantes sur le nouvel acte. Mention de cette
transcription doit être faite en marge de l’acte. (art. 57 al. 1er et 2 CF).

Si la reconnaissance concerne un enfant simplement conçu, l’Officier de l’état civil doit


mentionner en tête de l’acte « reconnaissance de l’acte d’un enfant à naître », et remplir l’acte,
sauf en ce qui concerne l’identité de l’enfant. Après la naissance de l’enfant, sur présentation
du volet n°1 de l’acte de reconnaissance, l’Officier de l’état civil du lieu de naissance fera
mention, en marge de l’acte, de la reconnaissance précédemment intervenue. (art. 57 dern.
alinéa CF)

Pour l’enfant conçu hors mariage, l’établissement de la filiation paternelle se fait quasi-
exclusivement sur ce mode.

Sous-section 2 : L’établissement de la filiation paternelle

L’établissement de la filiation paternelle obéit à des règles différentes suivant que le père était
ou non marié à la mère au moment de la conception de l’enfant. Dans le premier cas, la

14
présomption de paternité va jouer (parag.1). Dans le second cas l’établissement du lien de
filiation va être exclusivement lié à une manifestation de volonté du père, qu’il s’agisse de
reconnaissance (parag.2). Il convient aussi de voir la légitimation (parag.3).

§1- La présomption légale de paternité (pater is est quem nuptiae demonstrant)

Le mari de la mère est présumé par la loi être le père de l’enfant, cette présomption est la règle
(A) et sa non-application, l’exception (B)

A- Les cas d’application de la règles (art. 191, 192 al. 1er CF)

L’enfant né 180 jours (six mois) au moins après la célébration du mariage de sa mère est
présumé avoir pour père le mari de sa mère (art. 191 CF). La présomption s’applique de manière
irréfragable à l’enfant né moins de 180 jours après le mariage de sa mère dès que l’une des trois
conditions suivantes est remplie :

1. L’enfant n’est pas né vivant


2. Le mari a eu connaissance de la grossesse avant le mariage
3. Le mari a assisté à l’établissement de l’acte de naissance qui porte sa signature ou
la déclaration qu’il ne sait pas signer. (art. 192 al. 1er CF)
L’enfant qui naît 300 jours (dix mois) au plus après la dissolution du mariage de sa mère, est
lui aussi présumé avoir pour père celui qui était le mari de sa mère, si cette dernière, respectant
le délai légal de viduité, ne s’est pas remariée entre temps. Bénéficie également de la
présomption, l’enfant né 300 jours au plus après la date des dernières nouvelles telles qu’elles
résultent du jugement de présomption d’absence (art. 192 al. 2, 1° a contrario CF),

La présomption légale de paternité légitime ne peut être écartée que dans les cas expressément
prévus par la loi.

B- Les cas où elle ne s’applique pas

Si la mère a choisi de limiter le délai légal de viduité à trois mois, l’enfant qui naît quatre mois
et dix jours après le jugement d’annulation ou de divorce du mariage antérieur est
irréfragablement présumé ne pas avoir pour père le précédent mari. (art. 112 al. 2 CF).

Dans le cadre d’une demande de divorce ou de séparation de corps, la présomption de paternité


ne s’applique pas à l’enfant né 300 jours après l’ordonnance ayant autorisé la résidence séparée.
La présomption ne s’applique pas non plus à l’enfant né moins de 180 jours après le rejet

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définitif de la demande, ou depuis la réconciliation, sauf s’il y a eu réunion de fait entre les
époux durant cette période, (article 192 al. 2, 2°) CF).

Lorsque la présomption de paternité ne s’applique pas, l’établissement du lien de filiation


paternelle est soumis à une démarche volontaire de reconnaissance de paternité par le père.

Parag. 2. La reconnaissance

Lorsque c’est le père lui-même qui effectue la déclaration de naissance, le fait de déclarer sa
paternité à l’officier de l’état civil qui dresse l’acte de naissance suffit à établir la filiation et
vaut reconnaissance de sa part. (article 193 al. 2 CF)

Toutefois, l’article 195 CF interdit à un père de reconnaître l’enfant qu’il aura eu suite à un
inceste, sauf le cas où les auteurs sont un beau-frère et une belle-sœur et que l’union à la source
de leur alliance a été dissoute par décès.

Parag. 3. La légitimation

L’enfant dont la filiation a été établie à l’égard de ses deux parents obtient la qualité d’enfant
légitime avec le mariage de ses parents.

L’enfant dont la filiation paternelle n’est pas établie, acquiert la qualité d’enfant légitime
lorsque sa mère épouse un homme qui le reconnaît après la célébration du mariage.

Section 2 : La preuve de la filiation

En principe « L’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l’état
civil », art. 29 CF (sous-section 1), aussi la preuve par la possession d’état de la filiation n’est-
elle admise qu’à titre d’exception (sous-section 2).

Sous-section 1 : La preuve par les actes de l’état civil

« La filiation tant maternelle que paternelle se prouve par les actes de l’état civil. » art. 197 al.
1er CF ; ce qui signifie que l’indication du nom de la mère sur l’acte de naissance de l’enfant
suffit à établir la filiation maternelle comme cela est précisé à l’article 190 al. 1 er CF. Il en va
de même pour l’indication sur l’acte de naissance de l’enfant du nom du père.

La possession d’état ne peut servir à établir la filiation qu’à défaut d’acte.

Sous-section 2 : La preuve par possession d’état

16
La définition et les conditions de recevabilité de la preuve par possession d’état sont les mêmes
pour les deux types de filiation (parag. 1). Cependant la possession d’état à l’égard de la mère
(parag. 2) repose sur des éléments d’évaluation différents de ceux utilisés pour établir la
possession d’état vis-à-vis du père (parag. 3).

Parag. 1. Les caractères généraux de la possession d’état

La possession d’état se prouve par témoignage, et elle pose une présomption qui peut être
librement combattue par la preuve contraire.

L’article 198 al. 1er CF la définit de la manière suivante : « La possession d’état s’établit par
une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un enfant
et la famille à laquelle il prétend appartenir. » En fait, il apparaîtra, à l’analyse des éléments
constitutifs de la possession d’état à l’égard de chacun des parents, que la possession d’état
repose sur les trois éléments suivants : le nomen (le port d’un nom) ; le tractatus (le
comportement parental et filial) ; la fama (la commune renommée, la réputation dans
l’entourage).

Parag. 2. La possession d’état à l’égard de la mère

L’article 199 CF énonce que : « Pour l’établissement de la filiation maternelle, la possession


d’état est établie en prouvant que l’enfant, de façon constante, s’est comporté, a été traité par la
famille et considéré par la société comme étant né de la femme qu’il prétend être sa mère. »

Il est à noter l’usage de la formule « de façon constante ». Elle sert à mettre l’accent sur le fait
que c’est l’invariabilité du comportement vis-à-vis de l’enfant qui, écartant le doute, rend
vraisemblable le fait qu’il a bien l’état dont il se réclame. L’article 199 CF reprend clairement
deux des trois éléments constitutifs de la possession d’état, à savoir le tractatus (le
comportement) et la fama (l’image sociale). Le port du nom de la mère ne se faisant qu’à défaut
de filiation paternelle établie ou reconnue, le port du nom de la mère ne saurait être imposé dans
le faisceau d’indices rendant probable la filiation alléguée. En revanche le nomen est
expressément cité dans la liste des éléments constitutifs de la possession d’état à l’égard du
père.

Parag. 3. La possession d’état à l’égard du père

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La possession d’état à l’égard du père est constituée par la réunion des éléments suivants :
l’enfant a porté le nom de l’homme dont il prétend être le fils ; le père prétendu l’a traité comme
son enfant et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, son entretien et son établissement ; il
a été reconnu pour tel par la société ; il a été traité comme tel par la famille.

Lorsque l’enfant ajoute, à la réunion de tous ces éléments, l’acte de mariage de cet homme avec
sa mère, il établit ainsi sa filiation légitime. A défaut d’acte de mariage, l’enfant acquiert le
statut d’enfant naturel reconnu.

Lorsque la preuve de la possession d’état n’est pas recevable (cf. la filiation incestueuse, art.
195 CF), ou lorsque la possession d’état est contestée ou qu’elle ne concorde pas avec les
énonciations de l’acte de naissance de l’enfant, la filiation paternelle ne pourra être établie
qu’avec une action en réclamation d’état (art. 201 CF).

Section 3 : Les actions en établissement ou en contestation de filiation

Toutes les actions en établissement ou en contestation de filiation doivent être portées devant
le tribunal régional (art. 202 CF). Une fois qu’il sera devenu irrévocable, le jugement qui sera
rendu à l’issue de la procédure devra être mentionné en marge des actes de l’état civil. Dès
l’accomplissement de cette formalité, le jugement devient opposable à tous, et aucun état
contraire ne pourra être reconnu postérieurement sans qu’un jugement ait établi au préalable
l’inexactitude du premier état (art. 99 CF).

En tout état de cause, qu’il s’agisse de réclamation ou de contestation de filiation, l’action sera
déclarée irrecevable à partir du moment où l’acte de naissance porte des indications conformes
à la possession d’état. (art. 208, 213 CF).

Sous-section 1 : Les actions en contestation de filiation

Les actions en contestation de filiation sont ouvertes uniquement au père qui nie sa paternité
(parag. 1) et à la mère qui conteste être la mère d’une personne donnée (parag. 2).

Parag. 1. L’action en désaveu de paternité

L’homme ne se voit imposer un lien de paternité que dans les cas où il était marié avec la mère
au moment de la conception de l’enfant. Mais la présomption « pater is est… » n’est pas
irréfragable, elle peut être écartée par la preuve contraire. Toutefois la loi n’autorise la preuve

18
contraire que dans des cas précis, limitativement énumérés (A), les parties à l’action sont tout
aussi limitativement désignées et les délais pour agir sont également stricts (B).

A. Les cas d’ouverture de l’action

Si le mari est autorisé à désavouer l’enfant conçu pendant le mariage, il ne peut le faire qu’après
avoir apporté la preuve de l’un des faits suivants :

1. Il était dans l’impossibilité de cohabiter avec sa femme pendant le délai légal de


conception (du 300e jour au 180e jour avant la naissance de l’enfant).
2. Les données de la science établissent qu’il ne peut pas être le père de l’enfant,
3. Sa femme lui a dissimulé sa grossesse ou la naissance de l’enfant dans des conditions
de nature à le faire douter gravement de sa paternité.
L’article 203 CF exclut expressément l’adultère de l’épouse comme cause d’ouverture de
l’action en désaveu de paternité.

L’action en désaveu que n’accompagne la preuve d’aucun des trois faits énoncés ci-dessus est
automatiquement rejetée pour cause d’irrecevabilité. Il en ira de même en cas de dépassement
des délais pour agir.

B. Les délais pour agir et les parties au procès

Le délai pour agir en désaveu de paternité est très court. Il est juste de deux mois dans tous les
cas d’ouverture de l’action. Les différences portent sur le moment à partir duquel ce délai va
courir. Ainsi, le délai court :

- à la date de la naissance de l’enfant, si le père présumé se trouve sur les lieux à ce moment
- à la date de son retour, s’il était absent au moment de la naissance de l’enfant
- après la découverte de la fraude, si on lui avait caché la naissance de l’enfant.
Seul le père légalement désigné a qualité pour contester en justice la filiation de l’enfant.
Toutefois, s’il meurt avant l’écoulement du délai pour agir, il transmet à ses héritiers le droit
d’agir en désaveu de paternité. Les héritiers ont deux mois pour contester la paternité du défunt,
à compter de la période où ils seraient troublés dans leur possession par l’enfant.

L’action est dirigée contre l’enfant s’il est majeur, et contre sa mère s’il est mineur. Dans ce
dernier cas, si la mère est décédée, incapable ou présumée absente, le père légal ou ses héritiers
doivent déposer, auprès du tribunal régional, une requête en désignation d’un tuteur ad hoc,

19
avant la forclusion du délai pour agir. Une fois le tuteur ad hoc désigné le délai pour agir en
contestation de paternité est de un mois.

La mère indiquée dans l’acte de naissance peut aussi intenter une action en contestation de
filiation maternelle, mais aucun délai pour agir ne lui est imposé.

Parag. 2. L’action en contestation de la filiation maternelle

I. Les cas d’ouverture

L’action en contestation de filiation maternelle est ouverte à deux conditions. Premièrement il


faut que la femme dont le nom est inscrit ans l’acte de naissance comme étant la mère de l’enfant
n’ait pas été l’auteur de la déclaration de naissance (art. 190 al. 1er CF). Deuxièmement l’enfant
en cause ne doit pas avoir été traité par la mère indiquée dans l’acte de naissance et par les
proches de cette dernière comme s’il était son enfant, et il ne doit pas lui-même s’être comporté
de la sorte. Car l’action est irrecevable contre l’enfant qui bénéficie d’une possession d’état
conforme à son acte de naissance (article 207 al. 2 CF).

II. Les parties au procès

L’action en contestation de filiation maternelle appartient à la mère présumée. Mais lorsque


cette dernière décède sans avoir exercé l’action, ses héritiers sont autorisés à le faire, s’ils
justifient qu’ils y ont un intérêt pécuniaire (article 207 dern. al. CF).

L’action est dirigée contre l’enfant. S’il s’agit d’un mineur, l’auteur de la demande en
contestation de maternité devra adresser au tribunal régional du lieu de naissance ou de
résidence de l’enfant, une requête pour la désignation d’un tuteur ah hoc (art. 207 al. 1er CF).

III. Les délais pour agir

Aucun délai pour agir n’est imposé à la femme qui conteste sa maternité. En revanche lorsque
ses héritiers sont autorisés à exercer l’action, ils disposent d’un délai pour agir de cinq ans, à
compter du décès de la mère (art. 207 dern. al. CF).

IV. Moyens de preuve admissibles

La preuve que la femme dont le nom a été porté dans l’acte de naissance n’a pas accouché de
l’enfant concerné peut être faite par tous moyens (art. 206 CF).

Sous-section 2 : Les actions en réclamation de filiation

20
Alors que l’action en réclamation de la filiation maternelle est permise (parag.1), le Code de la
famille, en négation du principe constitutionnel de l’égalité des hommes et des femmes devant
la loi, pose comme principe que l’enfant qui a été conçu hors mariage n’a pas le droit d’intenter
une action en recherche de paternité (parag.2). Le Code de la famille ajoute ainsi à la
discrimination sexiste, la non-conformité avec les dispositions de la convention des Nations
Unies sur les droits de l’enfant, ratifiée par le Sénégal.1 Ni l’exception très limitée à ce principe
(parag.3), ni l’action en indication de paternité (parag.4) ne remettent en cause la portée de
l’interdiction ainsi posée.

Parag. 1. L’action en réclamation de la filiation maternelle

I. Cas d’ouverture

L’action en réclamation de filiation maternelle est ouverte lorsqu’une des conditions suivantes
est remplie (article 209 al. 1 er CF) : l’enfant est né de mère inconnue, c’est-à-dire qu’il n’y a
pas d’indication du nom de la mère dans l’acte de naissance ; la mère indiquée dans l’acte de
naissance conteste être sa mère ; ou l’enfant a été inscrit sous de faux noms. Dans les deux
derniers cas énoncés, l’action cesse d’être recevable si l’enfant justifie d’une possession d’état
conforme aux énonciations de l’acte de naissance (article 208 CF).

II. Parties à l’action

L’action en réclamation de filiation maternelle ne peut être intentée que par l’enfant. Elle est
transmise à ses héritiers si l’enfant est décédé mineur ou dans les cinq années après sa majorité,
sans avoir lui-même intenté l’action. Lorsque l’action a été engagée par l’enfant, sans qu’il se
soit désisté ni n’ait laissé périmer l’action, ses héritiers peuvent la poursuivre. (article 210 al. 2
et 3 CF)

En tout état de cause, l’action est dirigée contre la mère prétendue ou ses héritiers (article 210
al. 1er CF) .

III. Moyens de preuve admissibles

1Article 7 Convention internationale des droits de l’enfant, ONU, 1989

« 1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit
d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et être
élevé par eux. »

21
La preuve de la filiation maternelle peut d’abord être faite par possession d’état. A défaut de
possession d’état constante la preuve par témoins sera admise s’il y a soit un commencement
de preuve par écrit, soit une réunion de faits assez graves et constants justifiant l’admission de
témoignages et présomptions.

L’article 209 al. 3 CF définit les commencements de preuve comme résultant en la matière :
« des titres de famille, des registres et papiers domestiques de la mère, des actes publics ou
même privés émanés d’une partie engagée dans la contestation ou qui y aurait un intérêt si elle
était encore vivante. »

La contestation des faits rendant vraisemblable la filiation alléguée peut se faire librement,
c’est-à-dire par tous moyens. Mais une fois la filiation maternelle prouvée, l’enfant pourra
apporter librement la preuve qu’il n’est pas l’enfant de celui qui était le mari de sa mère au
moment de sa conception. (art. 209 dern. al. CF)

En revanche, l’enfant, qui souhaite établir en justice l’établissement de son lien de filiation
paternelle, se verra opposer le principe de l’interdiction de l’action en recherche de paternité
naturelle.

Parag. 2. Le principe de l’interdiction de recherche de paternité

L’article 196 du Code de la Famille pose expressément le principe de l’interdiction de la


recherche de paternité. Il l’énonce dans les termes suivants : « L’établissement de la filiation
paternelle est interdit à tout enfant qui n’est pas présumé issu du mariage de sa mère ou n’a pas
été volontairement reconnu par son père, exception faite des cas prévus à l’article 211. » Ainsi,
alors que l’enfant légitime bénéficie de la présomption légale de paternité faisant du mari de sa
mère, au moment de sa conception, son père ; l’enfant naturel qui n’a pas été reconnu par son
géniteur ne dispose d’aucune action en justice pour faire établir sa filiation paternelle.

En d’autres termes, lorsqu’un enfant a été conçu hors mariage, l’existence légale de son lien de
filiation paternelle repose entièrement sur la reconnaissance volontaire de l’enfant par son père.
La reconnaissance peut être faite de manière expresse, elle est alors faite devant l’officier de
l’état civil ; mais elle peut aussi avoir lieu de façon tacite dans les conditions énoncées à l’article
211 CF et au titre de l’établissement exceptionnel de la filiation paternelle.

Parag. 3. L’établissement exceptionnel de la filiation paternelle

I. Les conditions d’ouverture de l’action

22
L’enfant est autorisé à établir en justice sa filiation paternelle dans un seul cas, c’est celui ou le
prétendu père a procédé ou fait procéder à son baptême, ou lui a donné un prénom. Mais cela
n’est pas suffisant il faut en plus que le père ait procédé ou fait procéder au baptême de l’enfant
de manière manifeste et ostensible. Cela veut dire qu’il doit l’avoir fait en se présentant aux
yeux de tous comme quelqu’un qui assume ses responsabilités de père. L’article 211 al. 1 er du
Code de la Famille apporte même cette précision puisque lorsqu’il s’agit de l’imposition d’un,
il énonce que le père prétendu doit l’avoir fait « en affirmant sa qualité de père ». Les précisions
qu’apportent l’article 211 alinéa 1er du Code de la Famille servent à écarter tout risque
d’ambiguïté afin de n’attribuer la qualité de père qu’à la personne qui l’a accepté, même si elle
l’a fait sans se rendre devant l’officier de l’état civil.

II. Les moyens de preuve autorisés

La preuve des faits invoqués peut être rapportée par tous moyens. Cependant, seules les
personnes ayant assisté au baptême ou à l’imposition du prénom seront autorisées à témoigner.

La présomption de paternité ainsi établie n’est qu’une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle
peut être combattue. Et l’article 211 alinéa 3 précise que la preuve contraire pourra être
rapportée par tous moyens.

III. Les parties à l’action

Seul l’enfant a qualité pour agir en réclamation de filiation paternelle. Ses héritiers sont
autorisés à introduire l’action dans le cas où l’enfant qui n’a pas réclamé est décédé mineur ou
dans les cinq années après sa majorité (article 212 al. 2 CF).

Les héritiers peuvent également poursuivre l’action engagée par l’enfant, s’il ne s’était pas
formellement désisté et s’il n’avait pas laissé périmer l’instance (article 212 dern.al. CF).

L’action est dirigée contre le père prétendu ou ses héritiers (art. 212 al. 1er CF).

La présomption légale de paternité naturelle qui vient d’être énoncée est l’unique exception au
principe de l’interdiction de la recherche de paternité naturelle. L’action en indication de
paternité ne permet en aucun cas l’établissement judiciaire de la paternité naturelle.

Parag. 4. Le cas particulier de l’action en indication de paternité

23
I. Objet de l’action

L’action en indication de paternité donne uniquement le droit de réclamer des aliments à celui
qui sera indiqué comme son père. L’obligation alimentaire ainsi mise à la charge du père
indiqué n’est pas réciproque, ce dernier ne peut pas s’en prévaloir à l’égard de l’enfant (art. 215
CF).

Le jugement portant indication de paternité a ceci de particulier qu’il ne permet pas d’établir
légalement la filiation paternelle. Sur le plan juridique cela signifie que le lien de parenté est
inexistant aux yeux de la loi, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent sur le plan
successoral (l’enfant de père indiqué n’entre pas dans la catégorie des successibles à cet
homme) et dans le domaine matrimonial (les empêchements à mariage résultant de la parenté
sont juridiquement inopérants).

Pourtant, il ressort de la combinaison des cas d’ouverture définis par la loi et des fins de non-
recevoir, le fait que l’indication de paternité n’est recevable que lorsqu’elle est dirigée contre
celui que tout désigne comme étant dans les faits le vrai père de l’enfant.

II. Cas d’ouverture et fins de non-recevoir

En dépit de ses effets forts restreints, l’action en indication de paternité n’est ouverte que dans
des cas strictement délimités à l’article 216 CF. L’action en indication de paternité n’est en effet
autorisée que dans les cas où :

1°) Le père indiqué s’est rendu coupable d’enlèvement ou de viol de la mère à une période qui
concorde avec celle de la conception ;

2°) Il y a eu séduction, abus d’autorité, promesse de mariage ou fiançailles ;

3°) Il existe des lettres ou quelqu’autre écrit émanant du père désigné, et desquels il résulte une
indication non équivoque de paternité ;

4°) Le père désigné et la mère ont vécu en état de concubinage notoire pendant la période légale
de conception ;

24
5°) Le père désigné a pourvu ou participé à l’entretien et à l’éducation de l’enfant en qualité de
père.

Il apparaît clairement que les cas d’ouverture de l’action en indication de paternité constituent
tous des indices certains de paternité. Mais dans le cas de l’aveu (cas n°3) comme dans ceux,
odieux, de l’enlèvement et du viol, l’homme reste protégé par la loi contre l’établissement
judiciaire de sa paternité. En outre, même si la preuve d’un des faits mentionné à l’article 216
CF est rapportée, une fin de non recevoir sera opposée à l’action en indication de paternité si
un seul des éléments suivants est établi (art. 217 CF) :

1°) Pendant la période légale de conception, la mère était d’une inconduite notoire ou a eu
commerce avec un autre individu ;

2°) Le père désigné était, pendant la même période, dans l’impossibilité physique de concevoir
l’enfant ;

3°) L’examen des groupes sanguins et l’expertise génétique excluent le lien de filiation.

Ainsi alors que l’expertise médicale et scientifique est autorisée pour exclure la paternité,
l’inverse est catégoriquement interdit. La science est exclusivement au service du père prétendu,
l’enfant de ce point de vue n’a aucun droit. En outre en confrontant les cas d’ouverture aux fins
de non recevoir on s’aperçoit que le Code de la Famille accorde expressément aux violeurs et
au séducteurs une protection qu’il refuse tout aussi expressément aux mères célibataires et à
leurs enfants.

III. Parties à l’action et délais d’exercice (art. 218 CF)

L’action en indication de paternité ne peut être exercée que par l’enfant, et, en cas de minorité,
par sa mère. Si la mère est décédée, incapable ou présumée absente le droit d’exercer l’action
passe à la personne qui a la garde de l’enfant. La mère ou le tuteur de l’enfant dispose d’un
délai de deux ans, à compter de l’accouchement, pour exercer l’action. En cas de concubinage
avec la mère ou d’entretien de l’enfant par le père désigné, le délai de deux ans va courir à partir
de la cessation du concubinage ou de la participation à l’entretien de l’enfant pas le père désigné.
(art. 218 CF)

25
Lorsque l’action n’a pas été intentée durant sa minorité, l’enfant a un an pour l’intenter après
qu’il a atteint sa majorité (art. 218 dern. al. CF).

En toute hypothèse l’action est dirigée contre le père désigné ou ses héritiers (art. 218 al. 1er
CF). Et en aucun cas, rappelons-le, elle ne fait bénéficier à l’enfant des effets de la filiation.

Section 4 : Les effets de la filiation d’origine

En matière d’effets de la filiation, la distinction entre la filiation naturelle et la filiation légitime


se retrouve dans les effets successoraux (sous-section 1) mais son intérêt est atténué dans le
domaine non successoral (sous-section 2).

Sous-section 1 : Les effets successoraux

Le Code de la famille a choisi de soumettre les effets successoraux de la filiation à la distinction


entre filiation légitime et filiation naturelle. Il vient se greffer à cette première distinction une
seconde fondée sur la mise en avant d’une religion et d’une seule, la religion musulmane 2. Car
le législateur sénégalais a consacré deux types de droit successoral, l’une sous le vocable de
successions de droit commun (parag.1), l’autre sous l’appellation de successions de droit
musulman (parag.2),

Parag. 1. Les successions de droit musulman

Dans le cadre des successions du droit musulman, l’enfant naturel reconnu par son père n’a pas
le statut d’héritier réservataire. Cependant, l’article 220 CF dispose expressément que : « sauf
disposition écrite contraire émanant du de cujus, il est réputé légataire d’une part égale à celle
à laquelle il aurait pu prétendre s’il avait été légitime. »

Parag. 2. Les successions ab intestat de droit commun

2 En limitant le choix entre successions de droit commun et successions de droit musulman, et en


faisant ainsi l’impasse sur les autres religions ayant des adeptes au Sénégal, y compris la religion
traditionnelle, le Code de la famille viole le principe constitutionnel de la laïcité qui implique la
neutralité (égalité de traitement, équidistance) du législateur vis-à-vis des différentes confessions.

26
Dans le cadre des successions ab intestat 3 de droit commun, en matière de droits successoraux,
les enfants naturels sont non seulement expressément assimilés aux enfants légitimes (art. 533
CF), ils sont aussi inclus dans la liste des héritiers réservataires (article 565 CF).

Cependant, des différences subsistent. Ainsi, l’auteur de la reconnaissance d’un enfant naturel
adultérin a besoin d’obtenir l’acquiescement de son conjoint à la reconnaissance, faute de quoi
l’enfant n’aura droit qu’à la moitié de la part successorale d’un enfant légitime.

L’enfant naturel adultérin est l’enfant naturel dont la reconnaissance a eu lieu pendant que son
auteur était engagé dans les liens du mariage. L’acquiescement du conjoint peut être donné dans
l’acte de naissance ou dans une déclaration distincte souscrite devant un officier de l’état civil.
(art. 534 CF).

Sous-section 2 : Les effets non successoraux

Parag. 1. L’obligation alimentaire résultant de la parenté

La filiation établit les liens de parenté (art. 254 CF), or il résulte de la parenté une obligation
alimentaire réciproque. Entre parents et descendants, elle existe en ligne directe sans limitation
de degré et sans distinction entre la filiation légitime et la filiation naturelle (art. 263 al. 1 et 2
CF).

Parag. 2. La soumission à la puissance paternelle

Les enfants naturels et les enfants légitimes sont également soumis aux règles de la puissance
paternelle. L’autorité parentale assure la protection de la personne de l’enfant, elle est appelée
puissance paternelle parce que le Code de la Famille en réserve, sauf exception, l’exercice au
père. Les attributs, droits et devoirs, de la puissance paternelle. sont définis aux articles 283 à
287 CF. Il est précisé à l’article 283 al. 1er in fine CF que le titulaire de la puissance paternelle
: « ne peut faire usage des droits de la puissance paternelle que dans l’intérêt du mineur. ». Le
législateur ajoute à l’alinéa 2 que : « Celui qui exerce la puissance paternelle est tenu
d’entretenir l’enfant, de pourvoir à ses besoins et à son éducation. »

3Les successions ab intestat sont constituées par les règles à appliquer à la succession d’une
personne décédée sans laisser de testament.

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Le législateur sénégalais légalise dans ce cadre la violence contre l’enfant puisque l’article 285
CF donne expressément au titulaire de la puissance paternelle le droit de corriger l’enfant confié
à sa garde. L’article soumet ce droit de correction à la condition qu’il doit être exercé dans la
mesure compatible avec l’âge et l’amendement de la conduite de l’enfant. La convention
internationale des droits de l’enfant de 1989 énonce en son article 19 le principe suivant
lequel l’enfant doit être protégé « contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalités
physiques ou mentales ». Corriger une personne, c’est-à-dire porter la main sur lui, le battre à
mains nues ou avec un objet de manière plus ou moins forte entre incontestablement dans le
cadre de la brutalité physique et mentale. L’article 285 du Code de la Famille peut aussi être
difficile à concilier avec une application stricte de l’article 298 du Code pénal qui condamne
quiconque aura porté des coups à un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans. Le Code pénal
laisse quand même une certaine liberté d’appréciation au juge puisqu’il exclut la violence légère
du cadre de la répression (article 285 CP).

La puissance paternelle englobe la garde de l’enfant. La garde est le droit et le devoir qu’a le
titulaire de la puissance paternelle de fixer chez lui la résidence de l’enfant et de surveiller ses
actes et ses relations (art. 284 CF).

La puissance paternelle s’accompagne aussi de la jouissance des biens de l’enfant (art. 286 CF),
qui doivent être administrés conformément aux règles de l’usufruit (« L’usufruit est le droit de
jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge
d’en conserver la substance. » article 578 du Code civil français) . Toutefois les revenus des
biens de l’enfant (loyers, intérêts des sommes exigibles, produits de la terre ou des animaux,…)
doivent être exclusivement consacrés à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Cet usufruit
s’étend à tous les biens de l’enfant, à l’exception de ceux qu’il acquiert par son travail, de ceux
qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que ses parents n’en jouiront pas et de
ceux qui proviennent d’une succession dont le père et la mère ont été exclus comme indignes
(art. 286 CF).

La personne qui exerce la puissance paternelle est l’administrateur légal des biens du mineur
non émancipé (art. 300 CF). L’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de
la vie civile, que le mineur ne peut pas ou ne doit pas effectuer lui-même (art. 301 CF). Les
actes que le mineur est autorisé à accomplir seul sont les actes de la vie courante (engager leurs
services, choisir une profession, adhérer à un groupement, …), les actes relatifs à leur état (se
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marier, exercer les options matrimoniales, divorcer, reconnaître leur enfant…), les actes
nécessaires à la conservation de leurs biens et de leurs droits

L’administrateur légal accomplit seul les actes conservatoires ou d’administration. Les actes
conservatoires et d’administration sont ceux qui n’engagent que les fruits et revenus tout en
permettant de conserver, voire faire fructifier le capital. Cela concerne aussi les actions en
justice relatives aux droits patrimoniaux des mineurs. Toute autre opération nécessite l’accord
préalable du juge des tutelles sous l’autorité duquel il est placé (art. 301 dern. al. CF). Il ne peut,
sans l’autorisation préalable de ce juge (art. 301 CF) : vendre de gré à gré ; apporter en société
un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ; contracter un emprunt au nom
du mineur ; renoncer pour lui à un droit ; consentir à un partage amiable.

Les actes qui ont été passés sans respecter ces règles, et qui lèsent le mineur, seront frappés de
nullité relative. De plus la responsabilité civile de l’administrateur légal pourra être engagée s’il
s’avère qu’il a commis des fautes dans la gestion des biens de l’enfant (imprudences,
négligences, malversations) - art. 302 dern. al. CF.

CHAPITRE 2 : L’ADOPTION

L’adoption est un lien de filiation qui ne repose pas sur la réalité biologique, cela est clairement
indiqué à l’article 223 CF qui dispose que : « L’adoption créé, par l’effet de la loi, un lien de
filiation indépendant de l’origine de l’enfant. » L’article 223 pose en second lieu le principe de
la distinction entre deux types d’adoption que sont l’adoption plénière (section 1) et l’adoption
limitée (section 2).

Section 1 : L’adoption plénière

Toute personne, mariée ou célibataire, peut demander à adopter un enfant, dès l’instant que sont
remplies certaines conditions liées à l’âge et au statut familial d’une part (sous-section 1), et
conformément à des règles précises de forme et de procédure (sous-section 2)

Sous-section 1 : Conditions

Certaines conditions concernent la personne de l’adoptant (parag.1), tandis que d’autres sont
relatives à l’adopté (parag.2).

Parag. 1. Les conditions concernant l’adoptant

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L’adoption peut être demandée par un couple, par un seul des époux ou par une personne
célibataire, à chacun de ces statuts correspond des conditions spécifiques (articles 224-226 CF).

I. L’adoption par un couple

L’adoption peut être demandée conjointement par deux époux qui remplissent les conditions
suivantes :

- ils ont plus de cinq ans de mariage ;


- ils ne sont pas séparés de corps ;
- L’un au moins est âgé de trente ans.

Même si toutes ces conditions sont remplies, sauf dispense du Président de la République, un
couple ne peut pas adopter d’enfant s’il a déjà un enfant issu de leur union au jour du dépôt de
la requête en adoption. Relativement à cette dernière condition, il est expressément apporté à
l’article 226 dern. al. CF la réserve suivante : « L’existence d’enfants adoptés ne fait pas
obstacle à l’adoption, non plus que celle d’un ou plusieurs descendants nés postérieurement à
l’accueil au foyer des époux de l’enfant ou des enfants à adopter. »

L’époux qui veut adopter l’enfant de son conjoint est astreint à une obligation similaire.

II. L’adoption par un seul époux

Sauf dispense du Président de la République, et compte tenu des précisions énoncées à l’article
226 dern. al. CF, l’adoption ne peut être demandée par une personne mariée qu’à la condition
qu’elle et son conjoint n’aient pas d’enfant biologique ensemble au moment du dépôt de la
requête. Il faut au surplus que les deux conditions suivantes soient réunies : la demande
concerne le ou les enfants de son conjoint et l’adoptant a au moins dix ans de plus que l’enfant
à adopter.

III. L’adoption par un(e) célibataire

Toute personne non mariée peut adopter un enfant à condition de remplir les conditions
suivantes :

- Elle a plus de 35 ans,


- Elle a au moins 15 ans de plus que l’enfant qu’elle se propose d’adopter,

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- Elle n’a pas d’enfant, ni de descendant légitime (petit-enfant ou arrière petit-enfant) au
moment du dépôt de la requête, ou alors elle dispose d’une dispense du Président de la
République
Parag. 2. Les conditions relatives à l’adopté

Pour qu’une demande d’adoption aboutisse, certaines conditions doivent être remplies par
l’adopté lui-même. D’une part, la demande ne peut concerner qu’un mineur non émancipé. De
plus, au moment du dépôt de la requête il doit avoir été accueilli depuis au moins un an dans le
foyer du ou des adoptants (art. 228 CF).

D’autre part, pour pouvoir être adopté un enfant doit avoir été déclaré abandonné dans les
conditions fixées à l’article 294 CF, à moins que son père et sa mère ou le conseil de famille
aient valablement consenti à l’adoption (art. 229 CF).

Sous-section 2 : Le consentement à l’adoption plénière

En plus du consentement de ses père et mère ou du conseil de famille, l’enfant âgé de plus de
15 ans doit également donner son consentement personnel à l’adoption (art. 230 CF).

Le consentement à l’adoption est donné par acte authentique et il peut être rétracté dans les trois
mois. A l’expiration de ce délai les parents peuvent encore revenir sur leur consentement, si
l’enfant n’a pas encore été placé en vue de l’adoption, et si la requête aux fins d’adoption n’a
pas encore été déposée. Si la personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, le différend sera
tranché par le Président du Tribunal régional qui statuera en tenant compte de l’intérêt de
l’enfant (art. 232 CF).

L’adoptant peut passer outre le refus abusif de consentement d’un des parents, qui s’est
notoirement désintéressé de l’enfant ou du conseil de famille, en accompagnant d’une requête
en ce sens le dépôt de sa demande d’adoption au tribunal régional (art. 233 CF).

Sous-section 3 : Les effets de l’adoption

L’adoption plénière est irrévocable (art. 243 CF). Elle confère à l’enfant une filiation de
substitution, la filiation adoptive, qui va remplacer la filiation d’origine, ou filiation par le sang
(art. 241 CF). L’adopté acquiert, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes
obligations qu’un enfant légitime (art. 242 CF). L’article 263 dern. al. CF précise que : « la
parenté adoptive créé une obligation alimentaire entre adoptant et adopté. Dans l’adoption

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plénière, cette obligation s’étend aux autres parents dans les mêmes conditions qu’en cas de
filiation légitime. »

L’adoption produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption, mais elle ne
devient opposable aux tiers qu’à partir de la transcription du jugement d’adoption sur les
registres de l’état civil (art. 240 CF).

Section 2 : L’adoption limitée

L’adoption limitée a, comme son nom l’indique, des effets beaucoup moins étendus que ceux
de l’adoption plénière (sous section 2), mais les conditions mises à l’adoption simple sont
semblables sur certains points à celles déjà étudiées (sous section 1).

Sous-section 1 : Les conditions de l’adoption limitée

L’adoptant doit réunir les mêmes conditions que celles énoncées pour l’adoption plénière. Mais
du côté de l’adopté, aucune condition d’âge n’est prévue. Le consentement personnel de
l’adopté âgé de plus de 15 ans reste cependant requis (art. 244 CF). Les personnes dont le
consentement est sollicité dans la procédure de l’adoption limitée sont les mêmes que celles
dont le consentement est requis en matière d’adoption plénière. Toutefois, l’adoption limitée
emportant le droit pour l’adoptant d’exclure toute vocation successorale entre lui, l’adopté et
ses descendants, le consentement des père et mère ou du conseil d’administration doit
expressément mentionner leur acceptation de cette condition (art. 245 CF).

La requête aux fins d’adoption et le jugement autorisant l’adoption doivent également


mentionner cette condition relative à l’exclusion de la vocation successorale entre adopté et
adoptant.

Sous-section 2 : Les effets de l’adoption limitée

Alors que l’adoption plénière opère une substitution de liens de famille, l’adoption limitée a
pour effet de conserver intacts les liens avec la famille d’origine, auxquels elle va juxtaposer
les liens avec la famille d’adoption. Ainsi, pour ce qui est de l’obligation alimentaire résultant
de la parenté, l’article 263 CF dispose en son alinéa 3 que : « Dans l’adoption limitée, lorsque
cette obligation alimentaire, restreinte à l’adoptant et l’adopté, ne peut être exécutée, l’adopté
peut réclamer des aliments à sa famille d’origine. »

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Il est expressément mentionné à l’alinéa 1er de l’article 247 CF que l’adopté conserve tous les
droits héréditaires qu’il tient de sa filiation d’origine. Vont s’y ajouter, le cas échéant, ses droits
sur la succession de l’adoptant ou des adoptants (en cas d’adoption conjointe). L’article 247 al.
2 CF ajoute que : « Le lien de parenté résultant de l’adoption s’étend aux enfants de l’adopté. »

La juxtaposition opérée se fera toutefois dans les limites des stipulations relatives à la vocation
successorale entre adoptant et adopté. L’article 251 al. 1er CF dispose en effet que : « A défaut
de la stipulation indiquée à l’article 250, l’adopté et ses descendants succèdent à l’adoptant ou,
en cas d’adoption conjointe, à chacun des adoptants, avec les mêmes droits qu’un enfant
légitime ou ses descendants. »

Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple est révocable. Elle peut être révoquée à
condition que l’adopté soit âgé de plus de 15 ans révolus et que la demande soit justifiée par
des motifs graves. La demande peut émaner de l’adoptant comme de l’adopté, ou du Procureur
de la République si l’adopté est encore mineur.

La révocation est prononcée par un jugement. Elle fait cesser pour l’avenir tous les effets de
l’adoption et les biens donnés à l’adopté par l’adoptant doivent être restitués à l’adoptant ou à
ses héritiers dans l’état où ils se trouvent à la date du jugement de révocation et dans le respect
des droits des tiers (art. 253 CF).

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