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UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE

DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

LICENCE 1
Sciences Juridiques et Politiques
Semestre 2

DROIT DE LA FAMILLE
COURS MAGISTRAL : Pr. Mbissane NGOM
TRAVAUX DIRIGÉS :
M. Abdoulaye DIOP M. Michel Guedj SENE Mme NDIAYE Ndèye Amy
M. Ousseynou SEYE M. Abdou Lahat MBAYE NDIAYE
M. Soulèye FAYE M. Mamadou CISSÉ Mme DIALLO Khadidiatou LY
Mme NDIAYE Khady NIANG

FICHE DE TRAVAUX DIRIGÉS

ANNÉE UNIVERSITAIRE :
2022/2023

1
DÉROULEMENT DES SÉANCES

Les travaux dirigés de Droit de la famille comporteront trois (03) Thèmes répartis en six (06)
séances, qui se dérouleront comme suit :

THÈME 1 : LA FORMATION DU LIEN MATRIMONIAL

SOUS-THÈME 1 : LES CONDITIONS DE FOND

Séance 1 : Cas Pratique

SOUS-THÈME 2 : LES CONDITIONS DE FORME

Séance 2 Dissertation : Le choix de la forme de célébration du mariage

THÈME 2 : LES EFFETS DU MARIAGE

SOUS-THÈME 1 : LES EFFETS EXTRAPATRIMONIAUX

Séance 3 : Commentaire de décision de justice Req. 2 janvier 1877

SOUS-THÈME 2 : LES EFFETS PATRIMONIAUX

Séance 4 : Commentaire de disposition (extrait de l’article 375 du code de la famille)

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats relatifs aux charges du
ménage. L’autre époux répond solidairement des dettes ainsi contractées. Cette
solidarité, cependant, n’a pas lieu pour des dépenses dont l’exagération est
manifeste par rapport au train de vie du ménage ou qui seraient contractées avec
un tiers de mauvaise foi ».

THÈME 3 : LA DISSOLUTION DU LIEN MATRIMONIAL

SOUS-THÈME 1 : LES FORMES DE DIVORCE

Séance 5 Dissertation : Le rôle du juge dans le divorce

SOUS-THÈME 2 : LES CAUSES DE DIVORCE

Séance 6 : Commentaire de décision de justice Cour de Cassation 18 mai 2005

2
THÈME 1 : LA FORMATION DU LIEN MATRIMONIAL

PRESENTATION DU THÈME

Aux termes de l’article 100 du Code sénégalais de la famille (CF), le lien


matrimonial crée la famille par l’union solennelle de l’homme et de la
femme dans le mariage. La famille résulte donc du mariage. Cependant,
avant la célébration de ce lien, l’homme et la femme peuvent se promettre
mutuellement le mariage par les fiançailles. Il s’agit d’une promesse qui
obéit aux mêmes conditions de fond que le mariage, mais des conditions
de forme plus souples. Les fiançailles ne sont ni nécessaires, ni
obligatoires.

La validité du lien matrimonial suppose le respect de certaines conditions


de fond et de forme dont l’inobservation entraine la nullité. Les conditions
de fond tournent autour des impératifs relatifs aux éléments
psychologiques- c’est le consentement personnel de chaque époux,
même mineur et, parfois, des organes représentant le mineur ; aux
éléments biologiques- c’est la différence de sexe et l’âge ; enfin aux
éléments sociologiques- c’est la prohibition de l’inceste, de la bigamie,
l’observation du délai de viduité par la femme.

Les conditions de forme sont marquées par la prise en compte des réalités
religieuses et sociologiques par le législateur à travers la dualité des
formes de mariage consacrée à l’article 114 du Code de la famille. En droit
sénégalais, les futurs époux ont le choix entre la forme coutumière ou
civile du mariage. Le mariage civil est le mariage de droit commun. Le
mariage coutumier non constaté est inopposable à l’Etat. Le mariage
coutumier doit être constaté par l’officier d’état civil pour valoir au même
titre que le mariage civil.

3
Les séances proposées interpellent les étudiants sur les conditions de
formation du mariage : conditions de fond et de forme. Elles sont
également une occasion pour aborder l’entrée en mariage par l’analyse
des conditions de validité et des conséquences attachées à leur
inobservation, des moyens accordés aux intéressés ou aux tiers pour
réagir contre la violation de ces conditions avant ou après la formation du
lien matrimonial.

Objectifs pédagogiques :

À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

v Connaitre les conditions de formation du mariage prévues par le code


sénégalais de la famille ;
v Pouvoir distinguer nettement les conditions de fond des conditions de
forme du mariage ;
v Maitriser les conséquences liées au non-respect des conditions de
formation du mariage ;
v Assimiler les moyens de droit accordés aux parties ou aux tiers pour
contester l’inobservation des conditions du mariage avant ou après sa
formation.
LECTURE CONSEILLEE :
v Chr. YOUANA, « Les conditions de fond du mariage », encyclopédie juridique de
l’Afrique, tome 6, pp. 171-184.
v I.Y. NDIAYE : “L’envers du droit traditionnel sur le code de la famille », RSD, juil.-
déc. 1995, pp. 41-47 ;
v NDIR (S. D.), « La problématique de l’annulation du mariage en droit sénégalais »,
Annales Africaines, Nouvelle série 2017, p. 53 et s. ;
v I.Y. NDIAYE : Etude critique de l'art. 114 al. 1 du code de la famille, Revue EDJA,
n° 23, pp. 7-19.
v Civ. 15 mars 1969, RDS 1970, p. 60, note Bourel.
v C. S. 29 novembre 1969, Penant 1970, p. 371, Note Gulphe.

4
DOCUMENTS
1. Ch. Réunies, 24 avril 1862, D.P. 1862.I.153 ; S 1862.I.341.
2. TGI Grenoble, 13 mars et 20 novembre 1958, D. 1959.495.
3. Extrait de « Les mariages mixtes en droit international privé sénégalais », Thèse
pour le Doctorat (3ème Cycle.), présentée et soutenue publiquement en 1979 par
Abd'El Kader BOYE
4. Cour d'appel de Lyon, 17 octobre 2011, 10/04754

SOUS-THÈME 1 : LES CONDITIONS DE FOND

TRAVAIL A FAIRE : CAS PRATIQUE

Sujet : Traitez le cas pratique suivant

Moustapha, brillant étudiant d’une prestigieuse université sénégalaise, a


excellemment réussi au dernier concours des cadres nationaux. Pour
combler la fierté de sa famille, il décide d’accomplir le vœu de son défunt
père de marier sa cousine Aïcha, fille unique de sa tante paternelle.

Depuis quelques mois les préparatifs vont bon train. Les futurs époux
baignent dans une grande euphorie. Cependant, la famille est divisée sur
ce futur projet car Ousmane, oncle de Moustapha, espère un mariage
entre son neveu et sa fille ainée, Mariama. Aussi tente-t-il de convaincre
ce dernier de reporter son mariage avec Aïcha en raison de son jeune âge
au profit sa fille, veuve du frère de Moustapha.

Devant le refus obstiné de son neveu de pratiquer le lévirat, Ousmane


menace de rompre tous liens avec lui et invite sa petite sœur, Fatima,
mère de Moustapha à en faire autant. En toute complicité avec Ousmane,
cette dernière fait comprendre à Moustapha, d’une part que le vœu de son
défunt père n’a jamais été explicite et, d’autre part, il pourra soutenir
affectivement et financièrement Mariama et sa fille de 3 mois.

Moustapha se rapproche de vous, juriste réputé en droit de la famille, pour


savoir

5
1. Si l’âge de Aïcha, (15ans) constitue véritablement un obstacle à leur
mariage, car physiquement et physiologiquement elle devrait pouvoir se
marier, voire être mère comme les sont Fatima et Nafissatou ses amies
d’enfance de même âge ;

2. S’il a la possibilité de marier sa belle-sœur, veuve depuis 3 mois 15


jours, notamment en raison de son ancien mariage avec son défunt frère.

En définitive, cédant à la pression familiale, Moustapha décide de se


marier avec Mariama dans un premier temps et, plus tard, de faire de
Aïcha sa deuxième épouse.

3. A cet effet, il vous demande quelles conditions Mariama et lui devront


observer afin que leur union soit célébrée par l’officier sans heurt ?

4. Il veut savoir quelles sont les conditions sine qua non et celles
facultatives ;

5. Il insiste particulièrement sur l’idée d’aménager la possibilité de prendre


une deuxième épouse. Quelle option lui conseillez-vous ?

Des années après, après avoir convolé en noces Aïcha, Moustapha


revient vers vous, pour se plaindre des menaces de cette dernière de
briser son projet de 3ème mariage avec sa collègue Néné Bineta. Il vous
confesse que Aïcha lui fait savoir qu’il n’a plus la possibilité de prendre
une troisième épouse, le cas échéant, elle mettrait en œuvre tous les voies
de droit pour anéantir ce mariage.

Il veut savoir :

6. En quoi consisterait cette impossibilité juridique de prendre une 3ème


épouse ?

6
7. Quels sont les moyens juridiques dont dispose Aïcha pour exécuter sa
menace ?

SOUS-THEME 2 : LES CONDITIONS DE FORME

TRAVAIL A FAIRE : DISSERTATION

Sujet : Le choix de la forme de célébration du mariage

DOCUMENTT N° 1 : Ch. réunies, 24 avril 1862 D.P. 62.I.153

S. 62.I.341, concl. PG DUPIN GA N° 20.72

LA COUR ; - Attendu que l’erreur dans la personne dont les art. 146 et
180 c. nap. ont fait une cause de nullité de mariage ne s’entend, sous la
nouvelle comme sous l’ancienne législation, que d’une erreur portant sur
la personne elle-même ; - Attendu que si la nullité ainsi établie ne doit pas
être restreinte au cas unique de l’erreur provenant d’une substitution
frauduleuse de personne au moment de la célébration, si elle peut
également recevoir son application quand l’erreur procède de ce que l’un
des époux s’est attribué les conditions d’origine et de filiation qui
appartiennent à un autre, le texte et l’esprit de l’article 180 écartent
virtuellement de sa disposition les erreurs d’une autre nature, et
n’admettent la nullité que pour l’erreur qui porte sur l’identité de la
personne et par le résultat de laquelle d’une des parties a épousé une
personne autre que celle dans la personne reste sans extension possible
aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne, sur
des flétrissures qu’elle aurait subies, et spécialement à l’erreur de l’époux
qui a ignoré la condamnation à des peines afflictives ou infamantes
antérieurement prononcées..., contre son conjoint et la privation des droits
civils et civiques qui s’en est suivie ; - que la déchéance établie par l’art.
34 c. pén. ne constitue par elle-même ni un empêchement au mariage, ni
une cause de nullité de l’union contractée ; - qu’elle ne touche non plus en
rien à l’identité de la personne ; qu’elle ne peut donc motiver une action
7
en nullité du mariage pour erreur dans la personne ; qu’en le jugeant ainsi
et en rejetant la demande en nullité de son mariage formé par ZOE H. et
motivé sur l’ignorance ou elle avait été, à l’époque du mariage, de la
condamnation à quinze ans de travaux forcés qu’avait antérieurement
subie B., son mari, et la privation des droits civils et civiques qui en avait
été la suite, l’arrêt attaqué n’a fait qu’une juste et saine application des art.
146 et 180 c. nap.

PAR CES MOTIFS ;

Rejette.

DOCUMENT N° 2 : TGI Grenoble 13 mars et 20 novembre 1958

LE TRIBUNAL : - Attendu que suivant exploit du 21 novembre 1957,


dame X. épouse de sieur X. A ASSIGNE CE DERNIER DEVANT LE
TRIBUNAL DE Céans, aux fins de voir prononcer l’annulation du mariage
qu’elle a contracté avec le défendeur le 8 mars 1952 par devant l’offre de
l’état civil de la commune de R. ;

En la forme : que le défendeur régulièrement assigné n’a pas constitué


avoué et qu’il échut de donner défaut contre lui ;

En fait : qu’au soutien de sa demande la dame X. excipe l’impuissance


sexuelle et l’irrémédiable dont serait atteint son mari et qu’elle verse aux
débats un certificat médical au docteur R. en date du 21 septembre 1957,
attestant avoir depuis 1952 donné ses soins à X. pour une impuissance
sexuelle et déclarant stationnaire l’état de ce dernier si bien la
demanderesse n’a point expressément visé les articles de la loi sur
lesquels elle entendait fonder son action, celle-ci ne peut se réclamer
utilement que des articles 116 du Code qui édicte qu’il n’y a point de
mariage sans le consentement des futurs époux et 180 et s. qui énumèrent
les causes d’annulation du mariage, et font à ce dernier une application
8
d’ailleurs restrictive de la théorie générale des vices du consentement, les
restrictions qu’il lui apporte se déduisant tant de l’objet que des fins du
mariage qui les différencient d’un contrat d’ordre patrimonial et lui
confèrent le caractère et la portée d’une véritable institution sociale ; que
toutefois le mariage présentant également un caractère personnel et étant
essentiellement conclu intuitu personae, le législateur a admis qu’il
pouvait être affecté de certains vices du consentement et qu’en son article
180 il vise expressément l’erreur dans la personne ; que sans doute ne
définit-il pas cette notion de personne et que des interprétations
restrictives l’ont réduit à la notion de l’identité physique et civile qui
contient; mais qu’une telle notion doit être élargie pour donner à ce cas de
nullité une portée en rapport avec la nature même et du mariage et de
l’adaptation aux fins qu’ont du normalement envisagé les futurs conjoints;
qu’en l’espèce qu’il est naturel et logique d’admettre que ceux-ci à la fleur
de l’âge ont conclu leur union en considération du foyer qu’ils désiraient
fonder et que, pour demoiselle x cette considération a été selon toute
vraisemblance déterminante du consentement qui se trouvait ainsi vicié
en cas d’impuissance totale et irrémédiable du conjoint; il s’agit avec la
transposition qu’implique nécessairement la nature même du mariage,
d’une erreur sur les qualités substantielles et que l’ont se trouverait ainsi,
si cette impuissance est établie, en présence d’une erreur commise sur la
personne, cette expression étant entendu lato sensu; que toutefois, en
l ’état le Tribunal ne possédant pas d’éléments d’appréciation suffisants
sur la réalité et le caractère de l’impuissance alléguée, c’est le cas de
recourir avant dire droit à une expertise médicale, les dépens étant
réservés;

PAR CES MOTIFS;


9
Donne défaut contre le défendeur; dit recevable la demande; avant dire
droit au fond, commet en qualité d’expert Monsieur le docteur C... lequel,
serment préalablement prêté, sauf aux parties à l’en dispenser, aura pour
mission de procéder à l’examen de x... de rechercher ce dernier présente,
du point de vue sexuel, une impuissance à procréer et de préciser si celle-
ci tient à un état nerveux ou si elle dérive d’une absence ou d’une
malformation congénitale ou acquise des organes de la reproduction et si
elle a un caractère irrémédiable, condamnant toute possibilité dans
l’avenir de procréation...

Du 13 mars 1958. - Trib. civ. de Grenoble. - MM. Jacquelin, pr. et


rap. Lourd, subst. - Balestas, av.

LE TRIBUNAL / 6 Attendu qu’il a été procédé à l’expertise médicale


instituée par jugement avant dire droit du tribunal de Céans du 13 mars
1958, auquel le présent se réfère pour plus ample exposé des faits de la
procédure ; - Attendu que le rapport de l’expert C. établit en toute certitude
le caractère irrévocable de l’impuissance qui lui a interdit dans le passé et
lui interdira dans l’avenir tous rapports conjugaux avec sa femme,
constitue un obstacle définitif à la consommation normale du mariage ;
que l’on doit admettre que demoiselle Y. si elle eut eu connaissance d’une
telle affectation, qui portait atteinte à l’intégrité physique même de la
personne qu’elle se proposait d’épouser, la mettait dans l’impossibilité de
fonder un foyer et une famille, n’eut pas donné son consentement au
mariage, ainsi voué et condamné à la stérilité, et que son consentement
s’est trouvé ainsi vicié, et qu’ainsi que l’a relevé le jugement susvisé, il
s’agit d’une erreur commise sur la personne, entendu lato sensu ; que
c’est le cas dès lors de faire droit à la demande et de prononcer la nullité
du mariage contracté par les parties litigieuses ;

PAR CES MOTIFS ;

10
Homologuant le rapport de l’expert C. prononce par vice du consentement
la nullité du mariage contracté le 8 mars 1952 devant l’officier de l’état de
la commune de R. entre les époux X., Y. ; dit qu’il sera fait mention du
dispositif du présent jugement en marge dudit acte de mariage ;
condamne X. en tous les dépens.

Du 20 novembre 1958. - Trib. de Grenoble. - MM. Jacquelin, pr. et


rap. - Lourd, subst. - Balestas, av.

DOCUMENT N° 3 : Extrait de « Les mariages mixtes en droit


international privé sénégalais », Thèse pour le Doctorat (3ème Cycle.),
présentée et soutenue publiquement en 1979 par Abd'El Kader BOYE

La réponse à donner à la question de savoir si tous les futurs époux, quelle


que soit leur nationalité, peuvent librement recourir à la forme coutumière
du mariage (constaté ou non), est suspendue au sens qu'il convient de
donner à la notion d'observation d'une coutume matrimoniale.

Deux interprétations divergentes ont été avancées par la doctrine. Mais,


elles ne nous semblent pas tout à fait exactes (1). Notre interprétation se
situe à mi-chemin de ces dernières (2).

1. Critique des interprétations doctrinales de la notion d'observation


d'une coutume matrimoniale.

L'article 114 du Code de la famille n'a pas encore reçu une interprétation
de la part de la jurisprudence, du moins à notre connaissance. Dans ces
conditions, la bataille doctrinale qui s'est engagée à son propos est
destinée à orienter les tribunaux dans un sens ou dans un autre. Il faut
sans doute souligner que l'ombre de l'arrêt Lochet continue à planer sur
le sens et la portée de cet article. Il n'est donc pas surprenant de constater
que les deux interprétations diamétralement opposées, proposées par la
doctrine, prennent appui explicitement ou implicitement sur cet arrêt.

11
La première interprétation, nous la qualifierons de libérale et la deuxième
de restrictive.

a) Critique de l'interprétation libérale.

Cette interprétation qui conduit à admettre la possibilité pour tous les


futurs époux, quelle que soit leur nationalité, à recourir à la forme
coutumière du mariage, est celle proposée par M. GUINCHARD1. Elle
tourne autour de la notion de "libre choix". Selon l'auteur, la formule de
l'article 114 "les futurs époux observent une coutume matrimoniale en
usage au S6négal", doit se comprendre non pas comme l'exigence du
"vécu" d'une coutume, mais de la simple obligation de "se conformer au
moment de la conclusion de l'union aux règles posées par la coutume
choisie"2. Il relève, en effet, que cette interprétation est conforme à
l'étymologie du mot "observer", qui veut dire "se conformer à une règle
particulière en l'occurrence la règle coutumière de conclusion du
mariage"3. Et dernier argument, M. GUINCHARD soutient que la
deuxième phrase de l'article 114, alinéa 1, doit être lue et interprétée à la
lumière de ce qui précède. Or, selon lui, "la première phrase qui englobe
dans la même formule le mariage moderne et le mariage coutumier, met
l'accent sur la volonté individuelle puisqu'elle commence par ces mots :
"selon le choix des futurs époux... "4. Par conséquent, "il en résulte
nettement que c'est la volonté des futurs époux et elle seule qui
commande le recours au mariage coutumier ou au mariage célébré ; elle
est une condition nécessaire et suffisante quelle que soit par ailleurs
l'appartenance à un ordre juridique traditionnel"5.

1 S. GUINCHARD, Le mariage coutumier en droit sénégalais, art. précit. p. 819 et s.


2 S. GUINCHARD, art. précit. p. 823 et 824.
3 S. GUINCHARD, art. précit. p. 824.

4 S. GUI NCHARD, art. précit. p. 824.


5 S. GUINCHARD, art. précit. p. 824.
12
Voilà l'essentiel des raisons positives qui, selon l'auteur, fondent la
solution du libre recours par les futurs époux de la forme coutumière du
mariage. Si l'on suit cette thèse, deux époux français ou américains
peuvent se marier coutumièrement au Sénégal, de même qu'un
Sénégalais pourra se marier coutumièrement avec une Française. La
solution proposée a le mérite d'être conforme à la jurisprudence Lochet.
En effet, ce serait une erreur de penser que l'article 114 du Code de la
famille a entendu remettre en question la jurisprudence Lochet. Toutefois,
il est douteux que l'arrêt Lochet a entendu consacrer toutes les
conséquences que l'auteur tire de l'article 114. Cet important arrêt est
intervenu dans un cas précis : le mariage mixte entre une Sénégalaise et
un Français. La solution qu'il avait retenue aurait sans doute été différente
s'il s'agissait de deux étrangers relevant d'Etats ignorant complètement
les systèmes coutumiers ou confessionnels. Mais le problème n'est pas
là. Il est dans les arguments mêmes avancés par notre auteur. Et sur ce
plan, force est de dire qu'ils ne nous paraissent pas irréfutables. Voyons
pourquoi.

L'argument étymologique est certainement le plus faible. Sans aucun


doute, pour éclairer le sens d'un mot, il n'est pas interdit de se référer au
sens que lui donne le dictionnaire.

Mais, s'en tenir uniquement à ce sens obvié, c'est courir le risque de ne


pas rendre compte de manière adéquate de la signification véritable du
mot replacé dans son contexte. Or si le verbe « observer » signifie bien,
selon le dictionnaire6, "accomplir ce qui est prescrit par une loi, par une
règle", il nous semble que ce sens premier devient douteux si on rapporte
le verbe à son complément d'objet direct. Nous voulons dire par là que ce
qui est en cause, c'est le sens de la formule "observer une coutume" et
non le verbe "observer". Or s'agissant d'une coutume, comme d'ailleurs

6 Le Petit Robert, Voir "observer".


13
d'une religion, le verbe observer ne saurait être l'équivalent du verbe
"accomplir" comme qui dirait que tel individu accomplit une formalité. Bref,
observer une coutume c'est avant tout adhérer à cette coutume ; c'est être
régi par elle, se conformer à ses règles avec tout ce que cela comporte de
croyance ou de foi. Toute autre interprétation ravalerait la coutume au
niveau de simples formalités. Evidemment, on aura beau jeu de nous
rétorquer que ce sens proposé est irrecevable en droit sénégalais en
raison de l'abrogation de tous les statuts coutumiers.

Mais une chose est l'abrogation des statuts particuliers et une autre
l'appartenance à une ethnie régie de fait par certaines règles coutumières.
Or la loi ne peut pas supprimer l'existence des ethnies et la croyance de
ces dernières à certaines valeurs de leur civilisation. Disons que dans la
mesure où le législateur sénégalais a cru nécessaire de maintenir les
règles coutumières relatives à la forme du mariage, il devient évident qu'il
entend maintenir dans le cadre légal un certain nombre de réalités
irréductibles. Dès lors, la formule "observer une coutume" ne saurait être
interprétée que par rapport au "vécu" qui lui sert de support matériel.
Autrement, on ne comprendrait rien au maintien par le législateur de la
forme coutumière du mariage. Ce qu'il faut comprendre, c'est le fait que la
célébration coutumière du mariage n'est pas du tout l'équivalent de la
célébration par l'autorité publique au cours de laquelle l'officier de l'état
civil interpelle les futurs époux, parfois distraits, sur leur consentement et
attire leur attention sur les effets du mariage. Le recours aux formalités
coutumières du mariage est d'abord la marque de la fidélité de l'individu à
ses traditions. C'est ce qui explique encore la réticence de plus de la
majorité de la population à choisir la forme civile. Il est en outre l'occasion
d'attester l'établissement de liens nouveaux entre deux familles. Cela est
si vrai que dans la coutume ouoloff islamisée, que nous connaissons le
mieux, les futurs époux ne sont pas présents physiquement aux
cérémonies consacrant le mariage. On ne saurait par conséquent, si l'on
14
entend respecter encore la coutume sous ce seul aspect, permettre à
deux personnes étrangères à un tel univers de choisir la forme coutumière
du mariage. Il faut au moins que l'un des deux époux appartienne à une
ethnie ou à une communauté régie de fait ou de droit par des règles
coutumières. Nous verrons plus tard l'explication de cette réserve.

Le deuxième argument de M. GUINCHARD est d'ordre exégétique.

Il consiste à mettre en rapport les deux phrases de l'article114, alinéa 1,


et de privilégier la formule "Selon le choix des futurs époux…" C'est une
bonne méthode d'interprétation. Mais il nous semble que la logique du
choix est faussée dans la deuxième phrase ; ce qui entraine un
déséquilibre du texte. En effet si vraiment le choix entre les deux (?)
formes du mariage était tout à fait libre, il aurait suffi aux rédacteurs de
l'article 114 de se limiter à la première phrase à savoir "Selon le choix des
futurs époux, le mariage peut être célébré par l'officier de l'état civil ou
constaté par lui ou son délégué, dans les conditions prévues par la loi".
Mais, ils ne l'ont pas fait. Quoi qu'on en dise, la deuxième phrase pose
des limites ou mieux des conditions de l'accès de la forme coutumière du
mariage. Ce sont ces limites qui ruinent partiellement le principe affirmé
dès le départ dans l'article 114. C'est pourquoi l'on ne peut pas ne pas en
tirer des conséquences au niveau de leur interprétation. Est-ce à dire pour
autant que les futurs époux doivent tous les deux "observer une coutume
matrimoniale" au sens où nous l'entendons ? Certains auteurs le pensent
comme M. KOUASSIGAN qui soutient une thèse restrictive.

b) Critique de l'interprétation restrictive.

Selon M. KOUASS1GAN, la condition de l'observation par les futurs époux


d'une coutume matrimoniale en usage au Sénégal doit être remplie par
les deux époux. Autrement dit, pour cet auteur, il ne suffit pas qu'un seul
remplisse cette condition. C'est en ce sens qu'il écrit "L'appartenance des

15
futurs époux à l'ordre traditionnel, quelle que soit la coutume propre à
chacun d'eux est la condition essentielle du recours à la forme coutumière
du mariage. Dès lors, lorsque cette condition n'est pas remplie par les
futurs époux, leur union ne peut être célébrée que par l'officier de l'état
civil si leurs coutumes ne sont pas reconnues applicables au Sénégal"7.
L'auteur vise explicitement8 les mariages mixtes du type de l'arrêt Lochet
ou de l'arrêt Roca. Et on se souvient que sa thèse consistait à imposer la
forme civile du mariage dans de pareilles hypothèses9 , contrairement à
la solution de l'arrêt Lochet.

Au détour, notre auteur rencontre le problème de l'incidence sur la forme


du mariage de la conversion des époux ou de l'un d'eux à la religion
musulmane. Faut-il leur refuser l'accès à la forme coutumière du mariage
? M. KOUASSIGAN se montre catégorique "La conversion d'une
personne à la religion musulmane ne la rattache pas nécessairement à
l'une des coutumes applicables au Sénégal. Ensuite peut-être plus que
partout ailleurs, en Afrique noire, les coutumes sont essentiellement
personnelles. Dès lors, le Français naturalisé sénégalais et converti à la
religion musulmane, ne se rattache pas pour autant à une communauté
régie par une coutume. Devenu national sénégalais par application des
dispositions du Code de la nationalité, et s'étant converti à la religion
musulmane, il ne se rattache pas pour autant à une des coutumes
applicables au Sénégal"10.

Cette thèse nous paraît pour le moins excessive. Elle fait bon marché de
la jurisprudence Lochet. De l'avis même des magistrats ayant participé de

7 KOUASSIGAN, art. précit. p. 669.


8 La partie où l'auteur développe ces arguments porte le titre "La forme des mariages mixtes", op. cit. p.
668.
9 Cf. supra p. 23.
10 KOUASSIGAN, art. précit. P.669 et 670.
16
loin ou de près à la rédaction du Code de la famille11 où il n'avait jamais
été question de revenir sur la solution de l'arrêt Lochet. De même, il ne
nous semble pas de bonne politique de refuser à un étranger, devenu
national sénégalais et converti à l'Islam, la possibilité de se marier
coutumièrement.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous militons pour une thèse médiane.

2. Interprétation proposée.

Au risque de nous répéter, nous commencerons par réaffirmer que la


notion d'observation d'une coutume matrimoniale doit être interprétée
dans le sens d'un rattachement de l'individu à un groupe ethnique donné
ou à un ordre juridique traditionnel.

Nous sommes alors d'accord avec M. KOUASSIGAN sur une telle


interprétation. Et nous ne reviendrons pas sur les raisons exposées plus
haut qui légitiment cette position.

Par contre, nous pensons que ce rattachement peut avoir lieu par
conversion car il n'y a aucune raison d'empêcher l'étranger de vivre sous
tous ses aspects sa conversion.

Il serait artificiel à cet égard de distinguer l'Islam des coutumes islamisées.


On observe en effet que la procédure utilisée dans les cérémonies de
conclusion du mariage, et quelle que soit la coutume islamisée en cause
(ouolof, sérère, diola, etc.), est toujours la même. Elle se déroule à la
mosquée en présence de certaines catégories de personnes ; les rites
subséquents qui ne scellent pas vraiment l'union sont des formalités
particulières à telle ou telle coutume.

11 Cet avis résulte d'une discussion que nous avons eue avec certains magistrats à la radiodiffusion
sénégalaise en 1976 et portant sur les problèmes de mariages mixtes.

17
S'agissant des personnes qui doivent remplir la condition d'observation
d'une coutume matrimoniale, il ne parait pas que le législateur ait entendu
exiger que les deux futurs époux la réalisent. Il suffit à notre avis que l'un
seul des époux puisse se prévaloir d’un rattachement à une coutume en
usage au Sénégal12. Une telle interprétation serait plus conforme à la
solution de l'arrêt Lochet, qu'on n'a pas voulu remettre en cause. Au
surplus, on comprendrait mal qu'au Sénégal on puisse refuser à un
Sénégalais la possibilité de se conformer aux règles de sa tradition sous
le seul prétexte que son épouse est étrangère à son univers.

Le mariage n'est-il pas la preuve d'une participation souhaitée à certains


aspects de cette tradition ? Si ce n'est pas le cas, les futurs époux peuvent
aisément se mettre d'accord sur la forme à adopter, en l'occurrence la
forme civile. A l'inverse, le recours à la forme coutumière par de futurs
époux, ne pouvant d'aucune façon se rattacher à une quelconque
coutume, doit être refusé. Nous rencontrons ici l'objection avancée par M.
GUINCHARD qui consiste à dire que "Dans la procédure de constatation
du mariage coutumier, aucun texte ne donne pouvoir à l'officier de l'état
civil de vérifier l'appartenance des futurs époux à une telle communauté
(communauté régie par le droit traditionnel)".

C'est là une erreur de jugement. En effet sur un plan plus général, l'officier
de l'état civil a toujours le devoir de vérifier si les conditions exigées par la
loi des futurs époux sont réalisées. S'il s'aperçoit qu'une condition fait
défaut, il a l'obligation de refuser la célébration du mariage, ou pour le cas
du mariage coutumier, de faire mention sur ses registres du mariage. Il en
est particulièrement ainsi dans les cas où les deux futurs époux ne sont

12 La question de savoir quelle coutume doit prévaloir au cas où les deux futurs époux relèvent de
coutumes différentes est un faux problème. Il suffit en effet que les futurs époux se mettent d'accord sur
lune d'elles pour la célébration du mariage pour que l'exigence de la loi soit satisfaite. Il n'y a là aucun
cas de conflit dans la nouvelle règlementation.

18
pas de même nationalité. Ce contrôle sur les conditions de fond du
mariage est aussi valable sur les conditions de forme. Autrement le rôle
de l'officier de l'état civil serait réduit pratiquement à néant. Mais même
sur le plan des textes, ce contrôle peut trouver son fondement dans l'article
118 du Code de la famille, bien qu'il n'y soit question que de faits
susceptibles de constituer des empêchements au mariage prévus dans
certains articles dudit Code13. En d'autres termes, l'officier de l'état civil a
le devoir de ne pas constater le mariage ou de l'enregistrer si la condition
de l'article 114 n'est pas remplie. Il devra alors surseoir à toute décision et
aviser, comme le requiert l'article 118, dans les 48 heures le Procureur de
la République. Il appartiendra à ce dernier, soit de demander à l'officier de
l'état civil de passer outre, soit de former opposition au mariage (ou plus
précisément à sa constatation ou son enregistrement).

Pour tout dire, il paraît incontestable qu'une des missions de l'officier de


l'état civil est de vérifier si les conditions de validité du mariage sont
remplies. A juste raison, un auteur fait observer que "Deux catégories
d'organes étatiques français sont appelés à constater et à sanctionner le
non-respect des conditions de fond et de forme du mariage : les officiers
de l'état civil (y compris les agents diplomatiques et consulaires) qui
refuseront de le célébrer, les juges qui prononceront la nullité"14. Ce qui
est valable dans ce domaine pour la France l'est également pour le
Sénégal. Et peu importe d'ailleurs qu'il existe ou non un texte de loi

13 L'article 118 dispose "Durant le délai de publication, lorsqu'un fait susceptible de constituer un
empêchement au mariage, en vertu des articles 107 et 109 à 113, est porté à la connaissance de l'officier
de l'état civil compétent pour procéder à la célébration, il doit surseoir à celle-ci et en aviser, dans les 48
heures, le Procureur de la République.
Celui-ci peut, soit demander à l'officier de l'état civil de passer outre, soit former opposition au mariage
••• ".
14 Pierre MAYER, op. cit. p. 402, n. 545.

19
conférant spécialement ce pouvoir de refus à l'officier de l'état civil. C'est
un pouvoir qui découle naturellement de ses fonctions15.

DOCUMENT N° 4 : Cour d'appel de Lyon, 17 octobre 2011, 10/04754

APPELANT : M. Jérémie X... Né le 28 Septembre 1981 à LEVALLOIS


PERRET (92300)

INTIMEE : Mme Marianne Y... épouse X... Née le 20 Septembre 1982 à


ROUBAIX (59100)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur Jérémie X... et madame Marianne Y... se sont mariés le 9 août


2008 devant l'officier d'état civil de Charolles (Saône-et-Loire).

Par jugement du 10 juin 2010, auquel il est renvoyé pour un exposé


complet des prétentions et moyens des parties, le tribunal de grande
instance de Lyon (Rhône) a débouté monsieur X... de ses demandes en
nullité de son mariage et en paiement de la somme de 15. 000 euros à
titre de dommages et intérêts, outre celle de 3. 000 euros sur le fondement
de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X... a relevé appel de cette décision le 24 juin 2010.

Par conclusions déposées le 24 septembre 2010, monsieur X... sollicite la


réformation du jugement et demande à la cour de :

v déclarer nul et de nul effet le mariage en raison, d'une part, de


l'absence de volonté de l'épouse de s'unir définitivement et
durablement, d'autre part, de l'existence d'une erreur sur les qualités
essentielles de son épouse, cette dernière étant engagée à l'époque

15 En France, c'est l'instruction générale relative à l'état civil qui détermine la conduite que doit observer
l'officier de l'état civil, en s'inspirant de la jurisprudence Bisbal ; cf. P. J4AYER, op. cit. p. 402, n. 546.

20
du mariage dans une autre liaison qu'elle n'avait pas l'intention
d'interrompre et dont elle n'avait pas informé son futur mari,

v condamner madame Y... à lui verser la somme de 15. 000 euros à


titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

v outre celle de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code


de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe le 10 novembre 2010, madame Y...


demande la confirmation du jugement entrepris. A titre subsidiaire, si
l'annulation du mariage était prononcée, elle sollicite le rejet de la
demande de dommages et intérêts. En toute hypothèse, elle demande la
condamnation de monsieur X... à lui verser la somme de 3. 000 euros au
titre de ses frais irrépétibles.

Elle soutient qu'elle n'entretenait plus aucune liaison en août 2008 et que
c'est avec sincérité et réflexion qu'elle s'est engagée dans les liens du
mariage avant de se rendre compte, deux mois plus tard, que cette union
ne la rendait pas heureuse. Elle ajoute que son mari avait lui aussi
entretenu à plusieurs reprises une liaison avec une autre femme avant
leur mariage.

Le dossier a été communiqué au procureur général qui n'a pas formulé


d'observations.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2011.

MOTIVATION :

Sur la demande de nullité du mariage :

Attendu qu'aux termes de l'article 146 du code civil, il n'y a pas de mariage
lorsqu'il n'y a point de consentement ;

21
Qu'encore, l'article 180 alinéa 2 dispose que s'il y a eu erreur dans la
personne, ou sur les qualités essentielles de la personne, l'autre époux
peut demander la nullité du mariage ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que madame Y... avait débuté
une relation avec un collègue de travail en mars 2008, soit six mois avant
la célébration du mariage, et que cette relation n'était pas connue de son
fiancé ; Qu'en revanche, la question de la poursuite de cette liaison au jour
du mariage ou de la volonté de l'épouse d'y mettre un terme est débattue
et que de ce débat dépend la solution du litige ;

Attendu que les premiers juges, par une motivation pertinente que la cour
adopte, ont retenu que monsieur X... ne démontrait pas qu'au jour du
mariage madame Y... aurait entendu poursuivre sa relation avec son
collègue ; Qu'ils ont dès lors justement considéré que l'intimée avait
contracté mariage avec l'appelant dans le souci de respecter
intégralement ses obligations à son égard, en sorte que le consentement
de ce dernier ne pouvait être vicié au jour du mariage ;

Attendu en effet, sur un plan strictement matériel, que l'éloignement


géographique de monsieur Mickaël Z..., installé au Canada à compter du
2 juillet 2008, rendait impossible l'existence de relations entre madame
Y... et ce dernier, au cours de la période précédant et suivant directement
la célébration du mariage ;

Que les attestations produites par l'appelant n'établissent pas


formellement que madame Y... avait l'intention, le jour de l'union, de
poursuivre, sur un plan tant affectif que physique, sa liaison avec monsieur
Z...sous la forme d'une relation extra-conjugale ;

Que mademoiselle Christine A...atteste ainsi que l'intimée " désirait mettre
un terme à son aventure pour consolider son union avec monsieur X... " ;

22
Que le fait pour la future épouse d'avoir pensé à un autre homme le jour
de l'union ne signifie pas qu'elle n'entendait pas s'engager pleinement
dans les liens du mariage avec l'intention sincère de respecter les devoirs
et obligations énoncés aux articles 212 et suivants du code civil ;

Qu'encore, il ne saurait être tiré argument de la brièveté de la vie


commune après le mariage ou des circonstances de la rupture pour en
déduire, de façon rétroactive, l'existence, au jour de la célébration du
mariage, d'un défaut ou d'un vice du consentement ;

Qu'au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement entrepris


en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que monsieur X..., qui succombe, sera tenu aux dépens ; Qu'en
revanche, il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à chaque partie
la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après débats en


chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le


10 juin 2010 en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur Jérôme X... aux dépens et autorise la SCP


AGUIRAUD NOUVELLET, avoué, à les recouvrer conformément aux
dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président.

23
THÈME 2 : LES EFFETS DU MARIAGE

PRESENTATION DU THÈME

Le mariage est un acte de volonté qui consacre l'union solennelle de deux


personnes juridiquement aptes à fonder une famille légitime socialement
permise. Par le mariage se crée le lien matrimonial à partir du moment où
les conditions de fond et de forme posées par le législateur sont
observées. La validité du lien matrimonial dépend donc de l’observation
de ces conditions.

Mais, le mariage ne se limite pas seulement à la consécration du lien


matrimonial. Il modifie l’état des personnes mariées et emporte des effets
sur les plans patrimonial et extrapatrimonial.

Les effets extrapatrimoniaux du mariage sont essentiellement constitués


de droits et de devoirs, des rapports personnels créés indépendamment
de toute considération pécuniaire mais dont l’inobservation ou
l’inexécution peut être sanctionnée. Ces effets extrapatrimoniaux
constituent donc un aspect très important des rapports conjugaux que le
mariage crée entre les époux. Leur exécution n’est pas cependant sans
incidence financière. Il en est ainsi de l’obligation de secours,
d’assistance, le devoir de communauté de vie…

Les effets patrimoniaux du mariage concernent en revanche les droits et


les devoirs découlant des rapports pécuniaires des époux entre eux et à
l’égard des tiers. L’ensemble de ces rapports sont organisés dans le cadre
d’un régime matrimonial. L’obligation de contribution aux charges du
ménage est un exemple des rapports pécuniaires entre époux.

24
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES :

A l’issu de ce thème, les étudiants doivent :

v Maitriser de l’ensemble des effets à la fois patrimoniaux et


extrapatrimoniaux du mariage et pouvoir distinguer en conséquence
le contenu des droits et des devoirs de part et d’autre et
éventuellement les sanctions prévues en cas d’inexécution.
v Se familiariser davantage avec la notion de régime matrimonial, les
formes prévues par la loi ainsi que pour chaque régime matrimonial
son contenu et ses implications.
LECTURE CONSEILLEE

v Gaël HENAFF, La communauté de vie du couple endroit français,


RTD. Civ., juillet-septembre 1996.551.
v Articles 148 à 156 du Code de la famille
v Articles 214 à 226 du Code civil
DOCUMENTS

1. Civ.1ère, 3 mai 2000.

2. Req. 2 janvier 1877, DP 77. 1. 162, rapport Onofrio.

3. Civ.1ère, 17 juin 2003, n° 01-14.468 (n° 797 FS-P+B)

4. « La cohabitation, élément d'appréciation de l'intention


matrimoniale », par Jean-Jacques Lemouland Professeur à
l'Université de Pau et des Pays de l'Adour

SOUS-THEME1 : LES EFFETS EXTRAPATRIMONIAUX DU MARIAGE


TRAVAIL A FAIRE Commentaire décision reproduite au document n°2 ( Req. 2

janvier 1877)

25
SOUS-THEME 2 : LES EFFETS PATRIMONIAUX DU MARIAGE

TRAVAIL A FAIRE : Commentez cet extrait de l’article 375 du code de la famille

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats relatifs aux charges du
ménage. L’autre époux répond solidaire- ment des dettes ainsi contractées. Cette
solidarité, cependant, n’a pas lieu pour des dépenses dont l’exagération est manifeste
par rapport au train de vie du ménage ou qui seraient contractées avec un tiers de
mauvaise foi ».

Document n° 1 : Civ.1ère, 3 mai 2000

LA COUR ; - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Manigas reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry,


15 décembre 1997) de l'avoir débouté de sa demande de réduction de sa
contribution aux charges du mariage, alors, selon le moyen, d'une part,
que la seule circonstance, à la supposer établie, qu'en raison de ses
faibles chances de retrouver un emploi, compte tenu de son âge et de la
situation du marché du travail, il n'ait que mollement recherché un emploi,
ne suffisait pas à caractériser la fraude ou l'organisation volontaire de son
insolvabilité, de sorte que la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article 214 du Code civil ; alors, d'autre part, que la
cour d'appel encourt le même reproche pour avoir statué par des motifs
qui laissent incertain le point de savoir si, pour maintenir la contribution à
la somme mensuelle de 5 000 francs, elle ne prenait pas en considération
les revenus de sa concubine ; alors, enfin, qu'étaient inopérantes les
considérations tirées des prélèvements prétendument opérés sur les
biens communs qui concernaient des difficultés susceptibles de se régler
à la liquidation de la communauté ;

26
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a, dans
l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, relevé que si M.
Manigas justifiait de ressources très limitées, il n'apportait aucune preuve
de la recherche d'emplois ou de démarches pour se procurer des revenus
lui permettant de faire face à ses obligations familiales ; qu'elle a, de
même, estimé qu'il avait manifestement organisé délibérément son
insolvabilité à seule fin de ne pas payer la pension litigieuse ; que sa
décision se trouve légalement justifiée par ces seuls motifs, abstraction
faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième
branches du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Document n° 2 : Req. 2 janvier 1877, DP 77. 1. 162, rapport Onofrio.

Bastien C. Bastien

LA COUR ; - Sur le moyen unique... :

Attendu que si l'article 214 du Code civil impose à la femme l'obligation


d'habiter avec son mari, cette obligation est subordonnée à la condition
que celui-ci lui donnera la protection qui lui est due, qu'il lui fournira tout
ce qui est nécessaire aux besoins de la vie, selon ses facultés et son état
;

Attendu que par ces dernières expressions le législateur n'a pas borné sa
sollicitude aux besoins matériels de la vie, mais qu'il a entendu protéger
également la dignité et la sécurité de la femme ;

Attendu que l'arrêt attaqué déclare en fait que la présence dans le domicile
du sieur Bastien de personnes étrangères, la situation qu'il leur a faite
dans son intérieur, l'espèce d'autorité qu'il leur attribue sur l'enfant né de
son mariage et sur sa femme, sont de nature à blesser celle-ci dans sa
27
dignité et à lui faire dans le domicile commun une position intolérable ;
Attendu que, dans ces circonstances, la Cour de Douai a pu, sans violer
aucun principe, autoriser la dame Bastien à se retirer dans sa famille
jusqu'à ce que les personnes dont s'agit aient quitté le domicile conjugal,
et contraindre le mari à lui payer jusqu'alors une pension mensuelle ; -
Attendu qu'une telle disposition n'établit point entre les époux une
séparation de corps illicite, en les dispensant contrairement à la loi du
devoir de la vie commune ; qu'elle a pour objet d'assurer l'exécution
réciproque de ce devoir dans les conditions d'assistance et de protection
qui sont tracées aux époux par la loi ;

Attendu, dès lors, que l'arrêt attaqué ne viole aucun des articles invoqués
;

REJETTE... ".

Document n° 3 : Civ.1ère, 17 juin 2003, n° 01-14.468 (n° 797 FS-P+B)

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu


que le 14 mars 1992, Mme X..., épouse séparée de biens de M. Y..., a
contracté un prêt envers la société Cofinoga ; qu'en octobre 1997 les
époux se sont séparés de fait ; que, le 16 décembre 1998, cette société a
obtenu à l'encontre de Mme X... une ordonnance d'injonction de payer le
solde de ce crédit ; que Mme X..., soutenant que les dépenses étaient
alimentaires et concernaient la famille, a formé opposition à cette
ordonnance et a appelé en garantie M. Y... ;

Attendu que Mme X... fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance
de La Ciotat, 5 mai 2000), qui l'a condamnée à payer à la société Cofinoga
le solde du crédit, de l'avoir déboutée de sa demande formée contre M.
Y... pour qu'il la garantisse de cette condamnation alors, selon le moyen :

1) qu'en relevant, pour écarter l'application de l'article 220 du code civil,


qu'aucune clause du contrat de mariage ne mettait à la charge de l'un des
28
époux le remboursement des dettes contractées par l'autre, le tribunal
d'instance a violé ledit texte ;

2) que le codébiteur solidaire qui a payé dispose, contre l'autre codébiteur,


d'un recours pour répéter contre lui sa part et portion ; qu'en décidant le
contraire, le tribunal d'instance a violé les articles 1213 et 1214 du code
civil ;

Mais attendu, d'abord, que le tribunal d'instance n'a pu méconnaître


l'article 220 du code civil qui se borne à énoncer une règle d'obligation
solidaire des époux aux dettes ménagères et non de contribution contre
eux ;

Attendu, ensuite, que la contribution des époux aux dettes ménagères


étant réglée par l'article 214 du code civil à proportion de leurs facultés
respectives, le tribunal d'instance, devant lequel l'épouse ne soutenait pas
que le contrat de mariage en avait disposé autrement, ni qu'elle avait
contribué aux charges du mariage au-delà de ses facultés, n'avait pas à
faire application des dispositions des articles 1213 et 1214 du code civil ;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne Mme X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première Chambre civile, et


prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux
mille trois.

Document n° 4 : « La cohabitation, élément d'appréciation de


l'intention matrimoniale », par Jean-Jacques Lemouland, Professeur
à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour

Encore une banale affaire de mariage de complaisance. Le mari était


français, son épouse marocaine. Le ministère public a demandé la nullité
du mariage, en prétendant que cette union ne reposait pas sur une

29
véritable intention matrimoniale, et n'était destinée qu'à permettre la
régularisation de la situation de l'épouse. Les juges du fond ont prononcé
la nullité du mariage, et le pourvoi présenté par les intéressés a été rejeté.

Le fondement retenu est tout à fait classique. La nullité est prononcée en


raison du défaut de consentement (c. civ., art. 146 ; sur les fondements
possibles V. J. Hauser et J.-J. Lemouland, Rép. civ. Dalloz, v° Mariage, n°
96 et s. ; adde I. Corpart-Oulerich, De l'intention matrimoniale ou le
mariage était en blanc, Gaz. Pal. 1993, 2, Doctr. p. 1257). Plus
précisément, une jurisprudence bien établie, et qui n'a guère été perturbée
par l'insertion dans le code civil d'un nouvel art. 190-1 (prévoyant la
possibilité d'une nullité du mariage pour fraude ; V. F. Fourment, L'article
190-1 du code civil et les mariages naturalisants, un exemple de
disposition législative inutile, JDI 1998, p. 945 ; S. Lebreton, Réflexions
sur la sanction des mariages célébrés en fraude à la loi, à partir de la
critique de l'article 190-1 du code civil, JCP éd. N 1999, p. 967), considère
que le consentement au mariage suppose, au-delà de son expression
formelle, une intention matrimoniale réelle (V. par ex. TGI Le Mans, 24
avr. 1984, Gaz. Pal. 1984, 2, Somm p. 289 ; CA Paris, 27 janv. 1998,
Defrénois 1998, p. 1385, obs. J. Massip ; CA Rennes, 26 oct. 1998, JCP
1999, IV, n° 2743 ; CA Grenoble, 3 nov. 1998, D. 1999, Somm. p.373,
obs. J.-J. Lemouland ; Dr. fam., mars 1999, p. 13, obs. H. Lécuyer). Le
présent arrêt met bien en évidence le lien qui doit exister entre cette
intention matrimoniale et la communauté de vie, et l'essor de celle-ci
comme critère d'existence du couple. « L'intention matrimoniale implique
la volonté d'une communauté de vie » (G. Henaff, La communauté de vie
du couple en droit français, RTD civ. 1996, p. 551 ; rappr. C. civ., art. 515-
8 nouveau qui définit le concubinage « comme une union de fait
caractérisée par une vie commune »).

30
En l'espèce, les juges du fond, constatant que postérieurement au
mariage l'épouse ne vivait pas avec son mari (mais avec un tiers), en ont
déduit que l'intention matrimoniale faisait défaut. Et la Cour de cassation
leur reconnaît, sur ce point, un pouvoir souverain d'appréciation. A cet
égard, la décision est également très classique (rappr. Cass. 1re civ., 22
avr. 1997, Defrénois 1997, p. 1326, obs. J. Massip ; et dans des
circonstances un peu différentes, CA Paris, 17 juin 1999, RTD civ. 1999,
p. 816, obs. J. Hauser, la Cour a estimé en l'espèce que la preuve du
défaut d'intention n'était pas rapportée de la part de deux époux qui
prétendaient respectivement avoir commis une erreur sur les qualités
essentielles de l'autre).

L'intérêt de l'arrêt réside surtout dans la réponse qu'il apporte à l'argument


des époux selon lequel les juges du fond ne pouvaient pas déduire
l'absence d'intention matrimoniale de la seule absence de cohabitation.
Certes, il n'est pas rare, dans ce genre d'affaire, que l'appréciation du
défaut de consentement repose sur des circonstances et des éléments de
fait postérieurs à la célébration. L'absence de cohabitation constitue
souvent l'un de ces éléments. Mais il n'est pas très fréquent que ce soit le
seul retenu. Souvent, l'absence de cohabitation entre les époux vient
corroborer d'autres circonstances qui accréditent le défaut d'intention
matrimoniale (J. Hauser et J.-J. Lemouland, Rép. civ. Dalloz préc., n° 92
; M. Lamarche, Les degrés du mariage, PUAM, 1999, n° 245 et s. ; adde
jurisprudence préc.)... ce qui ne va pas sans soulever quelques
interrogations quant aux domaines respectifs de la nullité et du divorce
(obs. H. Lécuyer, sous TGI Paris, 7 mai 1996, Dr. fam. 1997, n° 38).

L'arrêt met ainsi en lumière, de façon inattendue, la place que conserve la


cohabitation comme élément d'appréciation de la communauté de vie et,
à travers elle, de l'intention matrimoniale. La loi du 4 juin 1970, en
substituant à l'obligation de cohabitation une obligation de communauté

31
de vie (c. civ., art. 215 ; V. cep. Mazeaud, op. cit., n° 1078 qui conserve la
terminologie ancienne), semble avoir été le point de départ d'une évolution
constante dans le sens de la dématérialisation de cette communauté de
vie. Très largement, la doctrine insiste sur le fait que la communauté de
vie ne peut plus se réduire à la cohabitation (en ce sens M. Lamarche,
thèse préc., n° 314 et s. ; C. Brunetti-Pons, L'émergence d'une notion de
couple en droit civil, RTD civ. 1999, p. 27 ; V. Larribau-Terneyre, J.-C.
Civil, art. 212 à 215, Fasc. 20). Elle suppose une dimension spirituelle et
affective, qui finit par éclipser l'aspect matériel, au point de concevoir et
d'admettre que la communauté de vie puisse exister sans cohabitation
(CA Versailles, 30 mars 1995, RTD civ. 1995, p. 606, obs. J. Hauser ;
rappr. à propos de la jurisprudence européenne relative au mariage des
prisonniers, plusieurs décisions de la Commission citées in La Convention
européenne des droits de l'homme, sous la direction de L.-E. Petiti, 2e éd.,
p. 449). Discrètement, la Cour de cassation remet les choses à leur juste
place. La cohabitation reste bien, en principe, l'une des conditions de la
communauté de vie. Elle est, par excellence, le moyen et le lieu
d'accomplissement des obligations du mariage (comme il faudrait se
convaincre que la cohabitation parents/enfants reste tout de même le
meilleur moyen d'exercice de l'autorité parentale). Les dérogations
demeurent l'exception, et ce n'est pas parce que les sanctions ont changé
que l'obligation a disparu. En général d'ailleurs, les gens mariés vivent
ensemble... quelles que soient les contraintes de la vie moderne (Rapport
sur la situation démographique de la France, 1999, p. 48). C'est une
obligation inhérente à la communauté de vie (en ce sens F. Dekeuwer-
Défossez, Couple et cohabitation, in La notion juridique de couple, Etudes
juridiques sous la direction de C. Brunetti-Pons ; G. Cornu, op. cit., n° 25).
Il n'était pas inutile de le rappeler pour ne pas trop laisser se développer
l'idée qu'on pourrait être marié à temps partiel. Le droit a aussi un rôle
pédagogique... quoi qu'en disent, hélas, certains de nos députés (J.-P.

32
Michel et J.-P. Pouliquen, L'élu, l'expert, le citoyen et le Conseil
constitutionnel, Dr. fam., déc. 1999, Le PACS, p. 25).

33
THÈME 3 : LA DISSOLUTION DU LIEN MATRIMONIAL
PRESENTATION DU THEME

Encore désigné sous le vocable de rupture du lien matrimonial, le divorce renvoie à


l’épilogue judiciaire d’une crise latente ou ouverte de l’union conjugale.

Mais, la loi sénégalaise consacre deux formes de divorce : le divorce par


consentement mutuel et le divorce contentieux. La première forme de divorce recouvre
la situation où les époux, conscients des difficultés cristallisées et peut-être
irréversibles que traverse leur couple, décident de la séparation définitive. Cependant,
puisque le divorce demeure obligatoirement judiciaire au Sénégal, ils soumettront leur
projet de rupture à l’homologation du juge. Les articles 158 à 164 règlementent ce type
de divorce en définissant les limites des pouvoirs des époux et en déterminant les
missions du juge. Ainsi, le couple a la faculté de convenir mutuellement des aspects
patrimoniaux de leur union et de s’entendre sur ses aspects extrapatrimoniaux dans
les limites de ce qu’autorisent l’ordre public et les bonnes mœurs. Par exemple, s’il y
a des enfants mineurs, leur garde sera définie suivant leur intérêt supérieur.

Le divorce contentieux, désigne, quant à lui, la situation où une partie à l’union désire
la rupture, nonobstant éventuellement l’absence de consentement de l’autre. Dès lors,
elle devra initier la procédure de divorce en invoquant à l’appui de ses prétentions, au
moins une des causes de divorce énumérées par l’article 166 du code de la famille.
En pareille occurrence, les pouvoirs du juge sont plus accrus dans la mesure où il
devra examiner le bien-fondé des allégations du demandeur en divorce et se
prononcer sur les prétentions subséquentes. En tout état de cause, afin d’éviter une
procédure contentieuse passionnelle, le code de la famille impose une tentative de
conciliation obligatoire dont seul l’échec éventuel peut autoriser le juge à examiner la
demande au fond.

En toute hypothèse, il convient de souligner qu’au-delà de toutes ces questions de


conditions de fond et de forme du divorce (qui relèvent de la technique juridique), la
constante qui ressort d’une lecture du code de la famille est que le législateur a voulu
encadrer la rupture de l’union conjugale. Cette philosophie qui sous-tend les options
du législateur autorise à affirmer que l’union matrimoniale est essentiellement
volontaire tandis que le divorce est fondamentalement judiciaire. Les séances
proposées dans ce thème constituent une occasion pour les étudiants d’appréhender
concrètement le mariage et le divorce.
34
Le divorce rompt à la fois les rapports pécuniaires et extrapatrimoniaux qui liaient les
époux. Aussi, convient-il de percevoir cette dualité des effets de la rupture afin de
cerner de manière exhaustive les conséquences du divorce quelle qu’en soit la forme.

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

v Les différentes formes de divorce ;


v Les causes de divorce fixées par la loi ;
v La procédure de divorce ;
v Les mécanismes de protection de l’ordre public et des bonnes mœurs en
matière de divorce ;
v Le rôle et les pouvoirs du juge dans le divorce contentieux et dans le divorce
par consentement mutuel ;
v Les effets du divorce entre les (ex) époux ;
v La mise en œuvre des droits et obligations résultant de la décision judiciaire ;
LECTURE CONSEILLEE
v Y. NDIAYE, Le divorce et la séparation de corps, Dakar, NEAS, 1979, 271 p. :
v FALL (P. T.), « La rupture du mariage coutumier en droit sénégalais :
l’imbroglio juridique », Nouvelles Annales Africaines, n° 2, 2011, p. 217 et s. ;
v TPI Dakar 04/02/1977, CREDILA, 1982
v TPI Dakar 27/08/1976, CREDILA, 1982
v TPI Dakar 04/05/1976
v Cour Suprême 28/06/1975
v Justice de Paix de Rufisque 20/06/1974
v Y. NDIAYE, note sous C.S. 15/03/1993, RDS, déc. 1996, p. 153
Documents
1. Document n° 1 : CA Bordeaux 19 novembre 1996;
2. Document n° 2 : C. Cass, Civ., 7 mai 2003;
3. Document n° 3 : Tr. Rég. Saint-Louis, 08 novembre 2005;
4. Document n° 4 : Tr. Rég. Saint-Louis, 12 juin 2007
SOUS –THEME 1 : LES FORMES DE DIVORCE
Travail à faire : dissertation
« Le rôle du juge dans le divorce »

SOUS –THEME 2 : LES CAUSES DE DIVORCE :


Travail à faire : Commentaire de décision Cour de Cassation 18 mai 2005
Cour de Cassation 18 mai 2005
DEUXIEME CHAMBRE STATUANT
EN MATIERE CIVILE ET COMMERCIALE
A L'AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU
MERCREDI DIX HUIT MAI DEUX MILLE CINQ
ENTRE:
Ab Ae Y demeurant à Dakar, Aa Ac B, villa n° 2719-B, demandeur élisant domicile … l'étude
de Maître Mayacine TOUNKARA, Avocat à la Cour ;
D'une part; ET:
Ad C demeurant à Dakar, Aa Ac X, villa n° 2719-B, défenderesse ;
D'autre part; Statuant sur le pourvoi formé suivant requête enregistrée au Greffe de la
Cour de cassation le 07 août 1997 par Maître Mayacine TOUNKARA, Avocat à la Cour
agissant au nom et pour le compte de Ab Ae A contre le jugement numéro 1615 du 21 août

35
1996 rendu par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar dans la cause l'opposant à Ad
C;
VU le certificat attestant la consignation de l'amende de pourvoi et la somme pour garantir
le paiement des droits de timbres et d'enregistrement ;
VU la signification du pourvoi à la défenderesse par exploit du 18 août 1997 de Maître
Marne Gnagna SECK, Huissier de Justice ;
La Cour,
OUI Madame Célina CISSE, Conseiller, en son rapport;
OUI Monsieur François DIOUF, Avocat Général, représentant le Ministère Public en ses
conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Vu les textes reproduits en annexe ;
Attendu que selon le jugement attaqué le Tribunal Départemental Hors Classe de Dakar a
prononcé le divorce d'entre les époux Ab Ae A et Ad C aux torts et griefs exclusifs de
l'épouse, pour injures graves rendant intolérable le maintien du lien conjugal ;
Attendu que par la décision déférée, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, par
infirmation du premier jugement, a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux
pour incompatibilité d'humeur ;
Sur les moyens réunis pris de la violation des articles 165 et 166 du Code de la Famille et
de l'absence de motivation, en ce que le juge d'appel a prononcé le divorce aux torts
exclusifs de LO, en se fondant sur l'incompatibilité d'humeur qui n'était invoquée par
aucune des parties et en se bornant à dire, pour retenir cette cause de divorce, que « le
sieur LO estime que le maintien du lien conjugal demeure impossible ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits
et des éléments de preuve qui lui sont soumis, que le juge d'appel, après avoir constaté,
d'une part, qu'aucune des parties n'établit la preuve des griefs articulés à l'encontre de
l'autre, et relevé, d'autre part, que «cependant le sieur LO estime que le maintien du lien
conjugal demeure impossible », a décidé que « cette attitude peut être assimilée à une
incompatibilité d'humeur» motivant ainsi sa décision;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Par ces motifs ;
Rejette le pourvoi de Ab Ae A formé contre le jugement numéro 1615 rendu le 21 août
1996 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;
Le condamne aux dépens ;
Ordonne la confiscation de l'amende consignée ;

Document n° 1 : CA Bordeaux 19 novembre 1996


LA COUR : - Attendu que par acte remis au greffe de la Cour le 13 avr. 1995
Mme R... épouse T... déclarait interjeter appel contre l'intimé M. T... du jugement rendu le
21 févr. 1995 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux qui avait prononcé aux torts
partagés leur divorce et alloué à l'épouse une prestation compensatoire ;
Que l'appelante devait préciser dans ses conclusions signifiées le 16 juill. 1995 que la
décision en cause était critiquable, en ce qu'elle avait mal apprécié la gravité de la faute
du mari, adultère prolongé dans le temps depuis 1989, et mal apprécié, à l'inverse,
l'inconsistance de sa propre faute, une liaison passagère qui s'expliquait par sa solitude
morale et sentimentale et son besoin de « tisser de nouveaux liens sentimentaux », en ce
qu'elle avait mal estimé la disparité dans les situations respectives des parties qu'allait
créer la rupture du mariage.
Qu'il convenait en conséquence de réformer cette décision et de prononcer le divorce aux
seuls torts du mari, allouer à l'épouse une prestation compensatoire sous forme d'un

36
capital d'un montant de 2 500 000 F, outre lui accorder la somme de 10 000 F sur la base
de l'art. 700 NCPC ;
Attendu que l'intimé s'opposait par conclusions signifiées le 24 nov. 1995 et sollicitait
sur appel incident le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse «avec toutes
conséquences de droit » mais en lui donnant « acte de ce qu'il offre de verser à Mme T...
une somme de 4 000 F par mois pendant quatre années à titre de prestation
compensatoire », outre lui allouer la somme de 10 000 F sur la base de l'art. 700 NCPC ;
Attendu qu'au soutien de son opposition il faisait valoir que c'était le détachement
progressif mais sensible de son épouse qui l'avait conduit, puisqu'elle menait une vie
indépendante au point de commettre l'adultère, à faire de même et que sa propre liaison
adultère n'avait pas été la cause de la rupture du lien conjugal mais au contraire l'effet de
l'attitude adverse ; que d'ailleurs son propre adultère avait été accepté par l'appelante qui
lui avait exposé « que seul importait pour elle le fait qu'elle reste officiellement son épouse
dans le cadre d'une vie mondaine et publique mais que chacun pourrait garder son
indépendance dans le cadre de sa vie privée » ;
LA COUR - Attendu que chaque partie reconnaît l'adultère en cours de vie commune, que
le premier juge en a prononcé le divorce aux torts partagés, mais que chacun des époux a
fait appel de cette décision en demandant à la Cour de juger que seul l'autre était fautif ;
Qu'en ayant modulé les cas de divorce, notamment par consentement mutuel ou sur
demande acceptée, pour rupture de la vie commune et pour faute, le législateur a entendu
réserver à ce dernier les seules procédures dans lesquelles la faute adverse, présentant
les critères énoncés à l'art. 242 c. civ., était prouvée selon les règles de la procédure civile,
et que le juge doit s'en montrer d'autant plus rigoureux dans l'admission de cette preuve
et la caractérisation de cette faute.
Qu'en l'espèce, il est établi par attestation que depuis 1982 l'épouse menait une vie
ponctuée de grands espaces d'indépendance, passant les mardis et jeudis en ville de
Bordeaux et les fins de semaine d'hiver, le plus souvent du vendredi soir au lundi fin
d'après-midi, dans la villa du Cap Ferret, dans laquelle elle séjournait pendant la totalité
de la période d'été, laissant à ces occasions son mari seul, retenu de son côté par ses
obligations professionnelles ;
Il est constant que le mari entretient depuis 1989 une liaison adultère non dissimulée
avec une dame L.D. divorcée S. qu'il a installée et meublée dans une maison de Bordeaux,
et qu'il ne vit plus avec son épouse légitime depuis 1992 ;
Il est établi par attestations que malgré ce fait les époux continuaient à mener une
apparente vie commune, par exemple réveillon avec des amis le 31 déc. 1989 et
réceptions d'amis en 1990 et 1991 ;
Il est établi par attestations que l'épouse a manifesté à plusieurs reprises de la distance
affective à l'égard de son mari en 1990 et 1991, partant se coucher seule au milieu d'une
soirée passée avec des amis, le critiquant pour ce qui pouvait passer pour des futilités
(trop de vaisselle salie par lui qui avait préparé le repas, oubli de préparer les draps du lit
des convives) ;
Il est constant que l'épouse a entretenu depuis un temps inconnu mais au moins depuis
l'été 1993 une liaison avec un Allemand, B.H., à l'occasion de ses séjours au Cap Ferret ;
Il n'est fourni aucun élément permettant de constater que l'un ou l'autre des époux ait
manifesté, avant le départ du mari en 1992, quelque reproche que ce soit ni sur la
séparation de fait ni sur les adultères, l'attestation des époux F... selon laquelle ils avaient
recueilli l'intimée « effondrée » précisant expressément que c'était lorsque le mari avait
quitté le domicile conjugal en 1992 (et non pas à l'occasion des autres violations des
devoirs du mariage) ;
L’épouse n'a engagé aucune procédure à la suite de ce départ, et a écrit par courrier du 19
avr. 1993 qu'elle était « séparée de mon mari depuis 10 mois » ;

37
La procédure de divorce a été engagée par le mari sur une requête à son initiative en avril
1993 ;
Aucun élément du dossier ne permet de conclure qu'un fait reproché à un époux ait été
commis en réaction à celui que commettait l'autre, à l'inverse la chronologie qui précède,
par l'imbrication des différentes dates, prouve un lent processus commencé en 1982 et
terminé en 1992.
Que la Cour acquiert ainsi la conviction que chaque époux a commis des violations, à la
fois graves et renouvelées, des devoirs et obligations du mariage. Mais que l'art. 242 c. civ.
impose que de tels faits soient imputables à l'autre époux et qu'ils rendent intolérable le
maintien de la vie commune. Alors qu'en l'espèce l'étude des différentes pièces sus
rappelées montre que les deux époux ont adopté depuis de nombreuses années un mode
de vie comportant pour chacun de grands espaces d'intimité hors du couple, ayant
progressivement distendu leurs liens au point de les mener à une vie commune avant tout
sociale, à s'autoriser l'adultère, lequel ne peut en soi être cause de divorce, puis à vivre
séparément, le seul choc psychologique constaté étant celui de l'épouse lors de l'épilogue
constitué par le départ du mari.
Qu'ainsi les violations que chacun aujourd'hui reproche à l'adversaire ne sont pas
imputables à l'un ou l'autre mais procèdent de ce mode de vie tout comme elles ne rendent
pas la vie commune intolérable puisqu'elles correspondent à l'inverse à une organisation
conjugale mutuellement consentie.
Que faute de rapporter la preuve de griefs comportant les caractères énoncés à l'art. 242
c. civ. les parties seront déboutées de leurs demandes en divorce, la première décision
réformée en ce sens ; Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties
la charge des frais non compris aux dépens ;
Par ces motifs, réformant la décision déférée, déboute les parties de l'ensemble de leurs
demandes, laisse à chacune la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Document n° 2 : C. Cass, Civ., 7 mai 2003


LA COUR :
Attendu que, statuant en appel, le Tribunal Régional Hors classe de Dakar, après avoir
confirmé le divorce des époux X et Y aux torts exclusifs de ce dernier, a pris les mesures
provisoires destinées à aménager la vie des ex-conjoints et des enfants dans la situation
nouvelle créée par la dissolution du mariage ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 179 alinéa 1er du code de la
famille ;
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé l’article 179 alinéa 1er du
code de la famille en ce que le Tribunal Régional de Dakar a statué sur les dommages et
intérêts sans tenir compte du préjudice matériel et moral que le divorce a causé à la
demanderesse, alors que l’article 179 alinéa 1er du code de la famille dispose que le juge
peut allouer à l’époux qui a obtenu le divorce des dommages et intérêts pour le préjudice
matériel et moral que lui cause la dissolution du mariage compte tenu, notamment de la
perte de l’obligation d’entretien ;
Mais attendu que les juges du fond qui ont énoncé « que, par ailleurs, la dissolution d’un
ménage ayant duré quatorze ans est préjudiciable à l’appelante tant sur le plan matériel
que moral » ont à bon droit, retenu l’existence d’un préjudice matériel et moral distinct
que le divorce a fait subir à l’épouse demanderesse ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen tiré de la violation de l’article 278 alinéa 2 du code de la famille.
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé l’article 278 alinéa 2 du code
de la famille, en ce que, sans rechercher la part contributive du père en fonction de ses
revenus réels, le Tribunal Régional de Dakar a confirmé le jugement du Tribunal

38
Départemental de Pikine en ses dispositions qui statuent sur la pension alimentaire, alors
qu’aux termes de l’article 278 alinéa 2 du code de la famille, quelle que soit la personne
laquelle les enfants sont confiés, les père et mère contribuent à l’entretien et à l’éducation
de l’enfant dans la mesure de leurs ressources ;
Mais attendu que les juges du fond qui, dans l’exercice de leur pouvoir souverain
d’appréciation, ont relevé « qu’il résulte des pièces produites, qu’en plus de la somme de
45 000 F allouée par le premier juge, Y supporte les frais scolaires des enfants, soit 80 000
F par trimestre comme le prouvent les reçus produits et, que, par ailleurs, les père et mère
doivent contribuer ensemble aux besoins alimentaires des enfants » ont justifié la prise
en considération des conditions requises par le texte visé au moyen ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre le jugement n° 267 rendu en appel le 6 février 2002 par
le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;
Condamne la dame X aux dépens ;
Ordonne la confiscation de l’amende consignée.

Document n° 3 : Tr. Rég. Saint-Louis, 08 novembre 2005


LE TRIBUNAL
Attendu que par déclaration reçue le 14 avril 2004 au greffe du Tribunal Départemental
de Dagana, X a relevé appel contre le jugement n° 33 rendu le 13 avril 2004 par ladite
juridiction qui a dissout son mariage d’avec Y ;
Attendu qu’à l’audience, les parties ont comparu qu’il échet de statuer dès lors
contradictoirement à leur égard ;

EN LA FORME
Attendu qu’il y a lieu de déclarer l’action recevable pour avoir été régulièrement
introduite ;
AU FOND
Attendu qu’il résulte de l’acte de mariage n° 43 de l’année 2003 délivré le 09 décembre
2003 par l’Officier de l’état civil de la Commune de Dagana que X et Y ont contracté
mariage le 17 octobre 2003, qu’aucun enfant n’est issu de cette union ;

SUR LE DIVORCE
Attendu que suivant conclusions du 06 juin 2005, X, appelante par l’organe de son conseil
Maître BA, Avocat à la Cour, expose que dans sa lettre du 1er novembre 2003, Y a écrit ceci
: « je t’ai divorcé, je t’ai donné ta voix, tu es libre de trouver un autre mariage » ; ladite
lettre de répudiation ayant un caractère injurieux au sens de l’article 166 du Code de la
famille ;
Qu’elle soutient qu’auparavant l’intimé avait contracté mariage avec les nommées Mmes
K, S. et N pour ensuite les répudier dans les mêmes formes ;
Qu’elle conclut que le divorce doit être prononcé aux torts exclusifs du sieur Y ;
Attendu que suivant mémoire du 28 juin 2005 le sieur Y rétorque que les griefs et les torts
allégués par la dame X sont fantaisistes et sans fondements ;
Qu’il explique qu’exaspéré par les différentes attaques de l’appelante à l’endroit de ses
coépouses, les scènes de ménage interminables et les violences verbales de celle-ci à son
égard, il a estimé pour son salut mettre fin à son mariage avec X, « la remercier, ignorant
que la répudiation n’étant pas permise par le Code de la Famille » ;
Qu’il réfute avoir répudié respectivement Mmes K, S. et N comme le prétend la dame X
dans ses écritures ;

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Attendu que le sieur Y relève que c’est à bon droit que le premier juge a retenu que le fait
pour le sieur Y d’adresser le 1er novembre 2003 une lettre de répudiation à son conjoint
s’analyse en une injure grave constitutive aux termes de l’article 166 du Code de la famille
d’une cause de dissolution du mariage et a prononcé le divorce d’entre les époux aux torts
exclusifs du mari ;
Qu’en effet depuis l’avènement du Code de la famille, la répudiation consacrant la rupture
unilatérale du mariage par le mari a été supprimée ;
Attendu en conséquence qu’il échet de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et sur appel ;

EN LA FORME
Déclare l’appel interjeté par X recevable ;

AU FOND
Confirme le jugement n° 33 rendu le 13 avril 2004 par le Tribunal départemental de
Dagana en ce qu’il a prononcé le divorce d’entre les époux X et Y, aux torts exclusifs du
mari pour injure grave rendant l’existence en commun impossible et déboutée la dame X
de sa demande en remboursement des frais de mariage estimés à 238 500 francs comme
non fondée.
Infirme cependant ledit jugement quant au montant alloué à X à titre de dommages et
intérêts et statuant à nouveau ;
Condamne Y à payer à X la somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts en
application de l’article 179 du Code de la famille.
Confirme pour le surplus le jugement susvisé.

Document n° 4 : Tr. Rég. Saint-Louis, 12 juin 2007


DANS LA CAUSE ENTRE :
X, ouvrier demeurant à Ross Bethio
Demandeur comparant et concluant en personne,
D’une part
Y, ménagère demeurant à Ross Bethio
Défenderesse comparant et intervenant à l’audience, par son avocat,
D’autre part
LE TRIBUNAL
Attendu que par déclaration faite au greffe du Tribunal Départemental de Dagana le 25
janvier 2006, X a interjeté appel contre le jugement rendu par ladite juridiction le 24
janvier 2006 qui a prononcé le divorce d’avec son épouse Y aux torts exclusifs du mari
pour mauvais traitements et sévices.
AU FOND
Attendu que pour prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari, le premier juge a relevé
le caractère violent et son penchant pour l’alcool ;

Que cela est confirmé par un témoin qui a déclaré que chaque fois que X est en ébriété, il
devient violent et se met à battre son épouse, ce qui est la source des problèmes
permanents du couple ;
Mais attendu qu’il n’est pas discuté que l’épouse a quitté le domicile conjugal bien avant
la demande de divorce, et que cela est étayé par la production d’un procès-verbal de
constat d’absence du domicile conjugal en date du 26 septembre 2005, qui fait état de
l’absence de l’épouse du domicile conjugal depuis le 10 août 2005 ;

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Que pour écarter ce grief formulé contre l’épouse, le premier juge se limite à affirmer que
le procès-verbal de constat ne suffit pas pour prouver l’abandon de domicile conjugal sans
tenir compte des aveux de celle-ci, ni du témoignage du Délégué de quartier qui déclare
avoir vainement tenté de faire revenir la Dame, encore moins relever qu’elle s’est
longtemps accommodée du mauvais caractère de son mari avec qui elle vivait depuis 15
ans ;
Qu’il échet, par conséquent, d’infirmer le jugement et de prononcer le divorce aux torts
partagés pour mauvais traitements et sévices contre le mari et abandon de domicile
conjugal contre l’épouse ;

PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Infirmant le jugement déféré,
Prononce le divorce aux torts partagés des époux.

DOCUMENT 5 : TD Saint-Louis, Sect., 20 avril 2010

LE TRIBUNAL
Par requête en date du 13 janvier 2010, les époux X et Y ont saisi la juridiction de céans
aux fins de faire constater le divorce par consentement mutuel intervenu entre eux.
Attendu que de l’union célébrée sous l’option de la polygamie avec le régime matrimonial
de la séparation des biens est issu deux enfants ;
Attendu qu’aux termes de leurs accords, les époux susnommés ont convenu :
• Que chacun dispose librement des biens lui appartenant ;
• Que la garde des enfants sera confiée à leur père M. X avec un droit de visite le plus
large accordé à la mère Mme Y ;
• Que les charges d’entretien des enfants reposeront exclusivement sur leur père ;
Attendu qu’il résulte du dossier et des débats à l’audience que la volonté des parties s’est
manifestée librement et qu’il ne résulte de leurs accords aucune disposition contraire à la
loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs ;
Qu’il échet en conséquence de constater le divorce par consentement mutuel des époux
précités.
PAR CES MOTIFS
Statuant en chambre du conseil contradictoirement, en matière civile et en dernier
ressort ;
Constate le divorce par consentement mutuel intervenu entre eux comme valable et
donné conformément aux dispositions de l’article 158 al.3 du Code de la Famille ;

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