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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
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INTRODUCTION GENERALE
La notion de famille est au cœur de la vie privée ; c’est un groupe de personnes réunies par un
fait biologique (la parenté), par un acte juridique (mariage ou adoption), ou par un
comportement social (concubinage). Toutes ces situations ont cependant en commun
l’existence d’un lien dans le temps et dans l’espace qui lie ces personnes et d’un lien
privilégié d’épanouissement de sentiments et d’émotions. Elles sont étudiées dans le cadre de
la discipline appelée Droit de la famille. Pour comprendre une telle discipline, il importe de la
définir et de dégager ses sources.
Pour définir le Droit de la famille, il faut s’accorder au préalable sur le sens de la notion
même de famille. En effet, il en existe plusieurs approches.
Selon une conception sociologique, la famille a deux sens. D’une part, elle désigne les
personnes liées par le sang et éventuellement les alliés notoires (oncle, tante, grands-parents,
cousins) qui constituent les membres d’une même famille. D’autre part, la famille est
l’ensemble des personnes qui vivent dans le même foyer ; on parle alors de groupe
domestique. Généralement, ce sont les parents et les enfants.
En revanche, au sens juridique, il est difficile d’avoir une définition légale de la famille, car,
elle revêt des formes trop variées qu’une formule unique ne peut embrasser avec pertinence
cette réalité trop complexe.
Le Code civil ne définit pas la famille, mais mentionne le mot famille à plusieurs occasions
(conseil de famille, intérêt de la famille, direction de la famille, logement de la famille).C’est
à la doctrine qu’est revenue la charge de définir la famille. Pour le Pr MALAURIE,elle est
constituée par les époux, leurs ascendants ainsi que leurs collatéraux (frères et sœurs). Quant
au Pr CARBONNIER, la famille est un groupe élémentaire d’individus qui relient entre les
faits d’ordre biologique (union des sexes, procréation, descendance d’un auteur commun).
En définitive, la famille désigne les personnes liées par le mariage ainsi que la parenté et
l’alliance. Elle désigne au sens large tous ceux qui descendent d’un même auteur. Au sens
étroit, la famille désigne les personnes vivant sous le même toit et ayant pour cercle conjugal
le foyer. C’est le sens large qui mérite d’être retenu pour mieux maîtriser les contours de la
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discipline. Le droit de la famille est donc cette branche du droit familial (on cite entre
autres les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités) qui met l’accent sur
l’aspect personnel de la protection des individus dans la vie familiale.
Relativement aux sources du droit de la famille, il convient d’indiquer qu’elles sont à la fois
textuelles et non textuelles.
Les sources textuelles sont constituées de la Constitution, des lois et textes assimilés et des
règlements. La Constitution, norme suprême qui inspire les autres textes, comporte plusieurs
règles applicables dans le cadre du droit de la famille. C’est ainsi qu’il prévu au Préambule de
cette norme que : « la Nation protège et encourage la famille, base naturelle de la société
humaine. Elle protège la femme, les jeunes, les personnes âgées et les handicapés ».
Les lois et textes assimilés, notamment les ordonnances, régissent aussi le droit camerounais
de la famille. Le Code civil et l’ordonnance du 29 juin 1981 portant organisation de l’état
civil, telle que modifiée par la loi n°2011 du 6 mai 2011, en sont un exemple parfait.
Les règlements ne sont pas de reste. On peut citer, à titre d’illustration, le décret
n°69/DF/544 du 19 décembre 1969 fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les
juridictions traditionnelles du Cameroun oriental, tel que modifié par celui du 03 décembre
1971.
Quant aux sources non textuelles, elles sont constituées de la jurisprudence, la coutume et la
doctrine. Dans le domaine du droit de la famille, ces différentes sources du droit occupent une
place non négligeable.
De façon générale, étudier le droit de la famille invite à traiter, d’une part, du couple qui
forme la famille (Première partie) et, d’autre part, de la filiation qui lie les enfants à leur
géniteur (Seconde partie).
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PREMIERE PARTIE : LE COUPLE
En principe, les hommes ont la latitude d’organiser leur vie selon leur gré. Chacun est libre de
mener une vie solitaire ou de constituer un couple avec une tierce personne. Les règles à
observer, dans ces conditions, varient selon qu’il s’agit d’un couple marié (Titre I) ou d’un
couple non marié (Titre II). Dans tous les cas, il se peut que l’échange solennel des
consentements qui marque le début de la vie du couple marié soit précédé par l’existence d’un
accord antérieur de promesse de mariage. De même, il n’est pas interdit que, dans la vie du
couple non marié, cette promesse de mariage soit également faite. Cette forme d’engagement
est trivialement connue sous l’appellation de fiançailles qu’il convient d’étudier au préalable
(Section préliminaire).
On définit les fiançailles comme une promesse mutuelle de mariage qui se fait entre un
homme et une femme. Elle est également la période probatoire permettant à un homme et une
femme qui se sont accordés à s’engager de s’apprécier mutuellement. Autrement dit, les
fiançailles constituent la phase pré- mariage entre le célibat et le mariage. Elles présentent un
intérêt indéniable dans la mesure où elles permettent aux personnes qui s’apprêtent à
s’engager de se préparer à la vie conjugale. Les fiançailles ne sont pas légalement
réglementées. Néanmoins, elles peuvent entraîner des conséquences en cas de rupture
(Paragraphe 2). Mais il faut au préalable étudier leur valeur juridique (Paragraphe 1).
Les fiançailles n’étant pas réglementées, la question s’est posée de savoir si elles étaient un
contrat juridiquement obligatoire ou non.
Considérer les fiançailles comme un contrat valable signifie qu’elles ont une force obligatoire
de sorte qu’en cas d’inexécution notoire, de refus de conclure le mariage, l’auteur de la
rupture doit payer à l’autre les dommages-intérêts. Pour essayer de concilier la nature
contractuelle et la liberté de la rupture, certains auteurs sont allés jusqu’à rapprocher les
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fiançailles à un engagement à l’essai qu’on retrouve en matière de droit du travail. De nos
jours, cette thèse est encore considérée par certaines législations étrangères (Allemande,
Suisse)qui ont conservé une conception plus ou moins contractuelle des fiançailles.
Contrairement à ces droits étrangers, le législateur camerounais s’en est éloigné. Dans ce
dernier droit, les fiançailles constituent une situation de fait. Il s’agit d’un simple
engagement moral. Elles ne sont pas un acte juridique ni une convention légalement formée.
Pour préserver la liberté du mariage, la promesse de mariage ne peut être juridiquement
obligatoire. Ceux qui se promettent le mariage doivent pouvoir se rétracter jusqu’au dernier
moment sans la crainte d’engager leur responsabilité pécuniaire. Selon le Doyen
CARBONNIER, « Même sorties de la sphère des projets vagues, même solennisées par une
cérémonie de famille, voire par la procédure légale de la publication, les fiançailles ne
constituent à aucun moment un contrat juridiquement obligatoire ».
En bref, la promesse de mariage n’est pas un contrat, elle est une simple situation de fait qui,
néanmoins, peut entraîner des conséquences juridiques.
Les fiançailles n’étant pas une situation juridique, les enfants qui en sont issus sont naturels
et pourront être légitimés si le mariage s’ensuit. L’un des fiancés ne peut s’opposer au
mariage de l’autre avec un tiers. La question qui révèle le plus d’intérêt est celle des effets
inhérents à la rupture des fiançailles. Ces effets sont envisageables sur un plan
extrapatrimonial et sur un plan patrimonial.
Ces effets sont relatifs à la recherche de paternité naturelle et au mariage posthume. Les
articles 66 et 67 de l’Ordonnance de 1981 consacrent respectivement le mariage in extrémis
et le mariage posthume. Le législateur admet la célébration d’un mariage à titre posthume
lorsque la certitude du consentement du fiancé est établie et que le procureur de la République
l’autorise. S’agissant de l’action en recherche de paternité, les fiançailles en constituent un cas
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d’ouverture.
Sur le plan patrimonial, la rupture des fiançailles peut entraîner un certain nombre des
conséquences juridiques tant à l’égard des fiancés qu’à l’égard des tiers.
A l’égard des fiancés, le problème du sort des cadeaux peut être posé. Il se peut aussi que la
responsabilité délictuelle de l’auteur de la rupture soit engagée.
Relativement au sort des cadeaux, il faut dire qu’une solution à ce problème peut être
déduite de l’article 1088 du Code civil selon lequel « Toute donation faite en faveur du
mariage sera caduque si le mariage ne s’en suit pas ».
Mais il faut préciser que cette solution ne vise que les cadeaux de valeur plus importante.
Ceux, c’est-à-dire les cadeaux d’usage qui ont une valeur marchande, modique ou minime,
eu égard à la fortune et au train de vie du donateur, peuvent être conservé.
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qu’il apporte la preuve de l’existence des fiançailles et la faute commise et le préjudice subi.
En effet, en raison du principe de la liberté du mariage, les candidats aux mariages peuvent
changer d’amis jusqu’à la célébration de ce dernier. Ainsi le simple changement de sentiment
ne révèle pas un caractère fautif. La rupture de la promesse de mariage ne peut être présumée
fautive. Elle ne le devient que si le demandeur prouve sa faute distincte de la simple
inexécution. (Ex. : Jurisprudence n°92 du 19/12/1976, cf. Tendances jurisprudentielles au
Cameroun). Le préjudice subi peut être moral ou matériel.
Le préjudice matériel n’a pas un caractère pécuniaire, les dépenses faites en vue du mariage et
pouvant se trouver inutiles du fait de la rupture. Les dépenses engendrées par l’entretien de
l’enfant procréé avec son fiancé, de l’abandon par la fiancée éconduite de sa profession
antérieure. La perte du profit escompté ne saurait constituer un préjudice réparable ; le
fiancé ne peut pas invoquer la situation meilleure qu’elle connaîtrait pour obtenir la
réparation.
La rupture des fiançailles peut se répercuter sur les tiers lorsqu’ils ont reçu la dot, ou sont
créanciers des fiancés ou encore sont à l’origine de la rupture.
D’abord, à propos de la dot, il faut dire que plusieurs théories ont été développées. Certains
auteurs considèrent qu’elle est le prix d’achat de la femme. D’autres soutiennent qu’elle est un
cadeau, un don entre parents dans la société traditionnelle. Dans cette perspective, elle serait
une façon de sceller une alliance entre parents. Une troisième tendance fait de la dot, le moyen
commode pour les parents de la jeune fille de s’assurer que leur gendre est capable de
supporter le poids du mariage. Une quatrième thèse considère la dot comme l’élément
compensatoire du départ de la jeune fille de sa famille et des frais dépensés pour assurer son
éducation. Une cinquième thèse estime que la dot est une garantie.
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De toute façon, en droit camerounais, la dot n’est pas une condition de validité du mariage.
Le mariage existe indépendamment d’elle. En effet, aux termes de l’article 71 de
l’Ordonnance de 1981, al. 1, « Toute remise antérieure au mariage à titre de dot ou
d’exécution, de convention matrimoniale, en constitue celui qui la reçoit dépositaire jusqu’à
la célébration du mariage », al. 2, « En cas de rupture de fiançailles, le dépositaire est tenu à
la restitution immédiate ».
Ensuite, la situation des créanciers des fiancés mérite d’être également examinée. En effet, il
peut arriver qu’en vue du mariage, les futurs époux contractent des engagements avec des
tiers. On peut se poser la question de savoir comment ces engagements vont être exécutés en
cas de rupture des fiançailles. On peut dire que les réponses varient qu’il y a eu ou non
double signature. En cas de double signature, l’un ou l’autre peut être poursuivi en
exécution. Dans le cas où il y a eu une seule signature, seul le fiancé qui a souscrit
l’engagement doit être poursuivi. Mais, le créancier pourra l’autre conformément aux
dispositions de l’article 220 du Code civil qui déclare que les époux solidaires des dettes
contractées en vue de l’entretien du ménage. Ce texte peut aussi s’appliquer aux contrats
antérieurs.
Enfin, lorsque le mariage ne peut être conclu en raison de l’acte mortel du fiancé, la
Jurisprudence admet que la fiancée peut obtenir de l’auteur de l’acte les dommages-intérêts.
La réparation concerne le préjudice moral voire la perte de chance, le bénéfice du devoir de
secours incombant à son conjoint.
a) Sylvie veut saisir le juge pour obliger Piero à l’épouser. Cette ambition est-elle
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juridiquement fondée ?
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TITRE – I – LE COUPLE MARIÉ : LE MARIAGE
L’origine de la famille est incontestablement l’union de deux personnes. En droit positif
camerounais, cette union ne peut être formée qu’entre deux personnes de sexe différent,
c’est-à-dire un homme et une femme. La question s’est posée de savoir si le mariage est un
contrat ou une institution. Au-delà des thèses doctrinales, l’idée générale est que le mariage
est à la fois un contrat et une institution. Il titre son origine contractuelle de ce que, à la
base, il faut un accord de volontés. Son caractère institutionnel provient de ce que, une fois
célébré, les époux ont l’obligation de respecter des normes qui ne dépendent pas de leur
volonté.
Le mariage peut alors se définir comme une union contractée par deux personnes de sexe
différent conformément au formalisme légal en vue de mener une vie en couple. Cette union
est gouvernée par des normes spécifiques que l’on peut regrouper selon qu’elles concernent la
formation du mariage (Sous/Titre 1er) ou sa période de crise (Sous/Titre 2).
Pour diverses raisons, deux personnes peuvent décider de s’unir par le lien sacré : officialiser
une relation amoureuse, se conformer à la norme sociale, par nécessité professionnelle, pour
faire des enfants etc.…
Pour PORTALIS, l’un des rédacteurs du Code civil : « le mariage est l’association de
l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par les
secours mutuels à porter le poids de la vie et pour leur commune destinée ». Cette définition
est critiquable dans la mesure où elle préjuge les buts du mariage et fait de la procréation le
but essentiel du mariage.
En effet, si la procréation est l’une des finalités du mariage, elle n’en est pas l’unique encore
moins la primordiale. Les personnes qui ne sont pas en mesure de procréer peuvent
valablement se marier. Par ailleurs, un couple peut choisir, pour les raisons qui lui sont
propres, de ne pas procréer. Il est également possible pour un couple de perpétuer son espèce
en dehors du mariage notamment lorsqu’il vit en concubinage notoire. D’après les auteurs
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Weill et Terré : « un mariage est un acte solennel par lequel un homme et une femme
établissent entre eux une union dont la loi civile règle impérativement les conditions, les
effets et la dissolution ». Quel que soit le but poursuivi, la formation du mariage, pour
produire des effets (chapitre 3), obéit à des conditions précises (Chapitre 1) dont le non-
respect entraîne des sanctions (Chapitre 2).
Pour qu’un mariage soit valablement formé, un certain nombre de conditions doivent être
réunies. Ainsi, la constitution régulière du mariage passe par le respect aussi bien des
conditions de fond (Section 1) que des celles de forme (Section 2).
Ce sont les conditions essentielles sans lesquelles le mariage ne serait pas valable. Elles sont
de trois ordres : les conditions relatives aux personnes (Paragraphe 1) et celles tendant à la
moralité (Paragraphe 2).
Les conditions liées à la personne concernent au premier chef les futurs époux (§ 1). Elles
peuvent aussi s’étendre aux membres de leurs familles (§ 2) respectivement dans certains cas.
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mineur de 18 ans, sauf dispense accordée par le Président de la République pour motif
grave ».
Autrement dit, l’âge minimum pour se marier est de 18 ans révolus pour les hommes et de 15
ans révolus pour la femme.
Pour les contrats ordinaires, la capacité requise pour contracter est fixée à la majorité
civile (21 ans).Elle découle de la capacité d’exercice inhérente à la capacité juridique que
les mineurs ne peuvent en raison de leur immaturité avoir. Le minimum requis par l’art. 344
C.C est motivé par les raisons physiologiques, ce que le législateur recherche c’est la puberté
c'est-à-dire l’aptitude des époux à fonder un foyer. Il fait alors de la procréation la base du
mariage.
Il n’existe pas d’âge maximum pour le mariage. Seul le mariage des enfants est prohibé.
Exceptionnellement, le Procureur de la République peut accorder une dispense d’âge pour
les motifs graves. Ces motifs peuvent être la grossesse de la femme ou le désir d’assurer à
l’impubère par son mariage les moyens d’existence.
Quant au sexe, il faut rappeler que la différence de sexe n’est pas expressément énoncée par le
Code civil. En faisant allusion à l’homme et à la femme au sujet de l’âge requis pour
contracter un mariage, on présume que le mariage valable indique une différence de sexe.
L’Ordonnance de1981 est plus précise lorsqu’elle dit qu’aucun mariage ne peut être célébré
si les futurs époux sont de même sexe. La différence de sexe doit être apparente,
reconnaissable.
La question qui revient devant les Tribunaux est celle de la malformation du sexe, la
faiblesse ou la malformation des organes génitaux, l’impuissance accidentelle ou naturelle.
En tout cas, ces différentes situations ne sauraient constituer une cause de nullité du mariage.
Et à ce sujet, la jurisprudence accorde la nullité notamment lorsque le sexe est méconnaissable
dans son apparence extérieure.
En ce qui concerne la santé des futurs époux, certaines législations étrangères, telles que celles
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des pays scandinaves, s’en préoccupent en interdisant le mariage des personnes atteintes de
certaines maladies.
Le législateur camerounais ne fait pas de la santé une condition de validité du mariage, alors
qu’il serait vital de se prononcer sur la question, vu le développement de certaines
maladies(le sida, l’hépatite).
Elles sont relatives à la volonté des futurs époux. Celle-ci doit être exprimée de façon réelle et
intègre.
1. La réalité de la volonté
Elle suppose que chacun des futurs époux exprime son consentement de manière consciente et
sérieuse.
a) La volonté consciente
Chacun des époux doit s’engager en connaissance de cause. Autrement dit, il doit jouir de
toutes ses facultés mentales. Cette exigence pose le problème de la validité du mariage
contracté par un aliéné, par un mourant, par une personne décédée.
- Le cas de l’aliéné non soumis à un régime d’incapable. Cet aliéné peut se marier
librement et son mariage est valide s’il a été contracté dans un intervalle de
lucidité. En revanche, si le mariage est intervenu au moment où ses facultés mentales
se trouvaient complètement abolies, son mariage est nul et de nul effet.
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- Le cas de l’aliéné soumis à un régime d’incapable. Pour le cas de cet aliéné, son
consentement, même donné dans un intervalle de lucidité, ne suffit pas. Il faut en outre
l’autorisation de ses père et mère, du conseil de famille ou des autorités de tutelle
selon les cas.
β- Le mariage de mourant
Encore appelé in extremis, le mariage de mourant est celui qui est contracté alors que l’un des
candidats est un moribond. Une telle union avec une personne sur le point de décéder est
valable à condition que celle-ci ait conservé suffisamment de conscience pour extérioriser son
comportement lucide et réfléchi.
Ω- Le mariage posthume
b) La volonté sérieuse
La volonté exprimée à travers le consentement doit également être sérieuse. Ceci pose le
problème du mariage simulé. On entend par mariage simulé, une union contractée dans un
but autre que les buts normaux du mariage. Par exemple, le mariage dans le but d’acquérir
une nationalité.
Selon certains auteurs, le mariage simulé est nul, car, il y a fraude à la loi. Mais, selon la
tendance majoritaire qui est d’ailleurs suivie par la jurisprudence, il faut distinguer deux
hypothèses :
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- Premièrement, si le consentement a été donné dans un but totalement étranger aux
buts normaux du mariage, le mariage simulé est nul et de nullité absolue ;
2. La volonté intègre
Le mariage est un acte juridique qui suppose un accord de volonté à sa base. Ainsi, la
volonté conjugale est une condition essentielle à la validité du mariage. L’article 146 du Code
civil corroboré par l’article 52, al. 4, de l’ordonnance de 1981, dispose que : « Il n’y a pas de
mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement ».
En droit commun, trois vices enlèvent au consentement son aspect de liberté ; ce sont le
dol, l’erreur et la violence, l’article180 du Code civil, en parlant de vices du consentement
n’évoque pas le dol, car dit-il : « En mariage, trompe qui peut ». La volonté intègre en matière
de mariage est donc celle qui doit être exempte de vices à savoir la violence et l’erreur.
a) La violence
Elle est prévue par l’article 35 de l’ordonnance de 1981. Selon ce texte, la violence est
constituée lorsque les sévices ou menaces sont exercés sur la personne de l’un des futurs
époux ; de son père, de sa mère du responsable coutumier, de ses frères ou enfants en vue
d’obtenir le consentement ou le refus de celui-ci. Il existe deux types de violences, la violence
physique et la violence morale. La violence morale consiste en l’utilisation des moyens
injustes qui entraînent la crainte d’un mal considérable et présent. Par exemple, les parents
de la jeune fille qui vont intimider le séducteur volage d’épouser leur fille. En revanche, la
violence physique est rare à partir du moment où le mariage est célébré devant l’Officier
d’état civil, il est difficile d’accomplir la violence.
b) L’erreur
C’est la présentation inexacte d’un fait. Le mariage étant un acte par lequel l’on exprime la
volonté de prendre une personne précise pour époux, il est normal que, lorsqu’on se trompe
sur la personne de son conjoint, cette erreur entrave la nullité du mariage. L’erreur, cause de
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nullité du mariage, ne peut donc porter que sur la personne du conjoint. Le code civil en son
article180 utilise l’expression erreur dans la personne.
La question qui se pose est celle de savoir en quoi consiste la notion d’erreur dans la
personne. D’après les termes de cet article, l’erreur admise comme cause de nullité du
mariage est celle qui porte sur l’identité physique. Par exemple : on pourra se marier d’avec
Paul et c’est Pierre qu’on épouse, la jurisprudence a donné une interprétation, un peu large
tantôt restrictive de la notion d’erreur dans la personne. Elle a d’abord compris largement en
admettant l’erreur sur l’égalité psychologique déterminante. Dans ce cas, il y a nullité
lorsqu’on s’est trompé sur une certaine qualité de la personne et que l’erreur a été
déterminante du consentement. Mais seulement de quelle qualité s’agit-il ? La jurisprudence
admettait l’erreur sur les qualités morales, intellectuelles, physiques et qui avaient pour
risque une remise en cause généralisée ; d’où la validité de nombreux mariages.
Par exemple, il peut en être le cas lorsque l’un des conjoints s’est attribué un faux nom, un
faux état civil pour faire croire à l’autre qu’il appartient à la famille à laquelle il est en réalité
étranger. Il en est de même du cas où une jeune fille a épousé un divorcé alors qu’elle croyait
épouser un célibataire. La jurisprudence a admis très largement les cas où l’erreur sur la
personne portait sur les qualités sociologiques déterminantes. Ainsi, elle avait annulé un
mariage conclu pendant la guerre entre un français et un allemand qui se faisait passer pour un
alsacien. Cette erreur sur la nationalité avait justifié la nullité du mariage. Parce que la
nationalité dans l’espèce avait été déterminante du consentement conjugal, la loi française est
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venue confirmer cette conception extensive de l’erreur sur la personne. Les qualités
essentielles sont causes de nullité du mariage dès lors qu’elles sont sociologiquement
déterminantes. Ainsi sont causes de nullité ; l’ignorance de l’impuissance du mariage,
l’aliénation mentale du conjoint, une condamnation pour malhonnêteté.
Dans la perspective de protéger les futurs époux contre les entrainements de la passion et les
surprises de l’inexpérience, la volonté de leur famille est parfois exigée (A). L’expression de
cette volonté doit être donnée en respectant un certain nombre de formalités (B).
De manière générale, ce sont des ascendants les plus proches dans la famille des futurs époux.
Ainsi, cela varie selon le mineur a ses deux parents ou non.
Pour le cas du mineur légitime qui a encore ses père et mère, l’article 64, al. 2, de
l’Ordonnance de 81prévoit que le consentement d’un futur époux mineur n’est valable que s’il
n’est appuyé de celui de ses père et mère. L’autorisation des deux parentes est alors
nécessaire. Le consentement d’un seul des parents est insuffisant (l’article 64, al. 3,de
l’ordonnance de 1981). En cas de dissension entre le père et la mère, l’auteur consentant
est celui qui exerce la puissance paternelle ou assume la garde de l’enfant, sauf décision
contraire du juge, intervenue dans les conditions de l’article 61 de l’ordonnance de 1981.
Pour les enfants naturels, le consentement de deux parents est exigé si le mineur est reconnu
par eux. En revanche, lorsque la filiation est établie à l’égard d’un seul de leurs auteurs, seul
le consentement de celui qui l’a reconnu est exigé.
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B. LA FORME DE L’AUTORISATION
L’autorisation des parents est en principe donnée verbalement lors de la célébration ou par
une expédition de la délibération du conseil de famille. Elle peut se donner par avance par
la forme d’acte notarié ou par déclaration à l’officier d’état civil.
Elle est une attribution de la puissance parentale et ne disparaît qu’avec sa déchéance. Elle a
aussi un caractère discrétionnaire en ce que celui la donne ou la refuse n’a pas à la motiver.
Elle est révocable jusqu’au moment du mariage (le parent maître de sa décision peut la
révoquer à tout moment).
La condition de moralité sociale édite les empêchements au mariage. Elle est une notion qui
varie en fonction des sociétés et du temps. Elle peut être religieuse (interdiction du mariage
d’un musulman et d’une catholique sans conversion préalable), tribale (interdiction du
mariage entre deux tribus quelconques.
Trois conditions interviennent pour limiter le choix du conjoint ou pour interdire le remariage
avant un certain délai.
Le mariage est interdit entre deux personnes proches parents ou alliées au degré prohibé.
L’inceste découle donc du mariage conclu en violation de cette interdiction. En plus des
raisons de moralité, l’on peut aussi invoquer des raisons physiologiques et génétiques (des
gènes à l’interdiction d’une telle union par les enfants issus d’une union incestueuse risquent
d’être atteints de maladies graves).
L’Ordonnance de 81 est restrictive à ce sujet, dans la mesure où elle invoque l’inceste des
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frères et sœurs. Aussi, doit-on se référer au Code civil. D’après ce dernier, le mariage est
interdit entre personnes unies par un lien de parenté en ligne directe et à tous les degrés (art.
161 du Code civil). En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre frères et sœurs, entre
oncles et nièces, tantes et neveux. Au-delà du 3ème degré, le mariage est autorisé mais au
regard de la société, il sera inconcevable qu’un cousin épouse sa cousine. L’alliance légitime
produit le même empêchement que la parenté en ligne directe.
2. L’empêchement de bigamie
En droit camerounais, la bigamie a deux sens. Elle existe d’une part dès lors qu’une personne
engagée dans un précédent mariage de forme monogamique contracte un second, quelle qu’en
soit la forme, avant la dissolution du premier mariage.
D’autre part, elle signifie que, dans un mariage de forme polygamique, le mari contracte une
autre union avec indication de la forme monogamique.
Au Cameroun, la bigamie est sanctionnée non seulement sur le plan civil, car elle est une
cause de nullité absolue. Elle peut même constituer une cause de divorce pour injures graves.
Sur le plan pénal, elle constitue infraction prévue et réprimée par l’article 359 du Code pénal
camerounais.
Le code Civil prévoit un délai de 300 jours, ce qui correspond à la durée maximum d’une
grossesse. Ainsi, l’enfant qui naîtrait 300 jours après la dissolution du premier mariage ne
peut plus être attribué au premier mari. Il faut préciser que l’ordonnance de 81 fixe ce délai à
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180 jours en cas de décès du mari et ne fait pas allusion au cas de divorce ; d’où l’application
du délai prévu par le Code civil pour le divorce. Le point de départ du délai de viduité dépend
de trois hypothèses :
- En cas de mort du mari, il court à partir du jour du décès qui est mentionné dans
l’acte de décès ;
- En cas de divorce, il dépend du jour où le jugement de divorce est devenu définitif ou
du jour où les époux ont cessé d’avoir une communauté de vie.
- En cas de décès du mari au cours d’une instance de divorce ou en séparation de corps
ou après que la séparation de corps ait été prononcée, il court à compter de la décision
autorisant homologuant la résidence séparée.
Le mariage est un acte solennel dont la réussite est subordonnée à une phase préparatoire (A)
qui conduit à sa célébration (B).
Il s’agit de la production des pièces et de la publication des bans qui permettent à l’Officier
d’état civil de vérifier que les conditions de fond requises sur la validité du mariage sont
remplies.
Le dossier du mariage, assez léger, est réduit à une copie d’acte de naissance que chacun des
candidats au mariage doit produire à l’appui de leur préparation. D’après l’article 53 de
l’Ordonnance de 81,la déclaration d’intention des candidats de contracter mariage doit
mentionner les noms, prénoms, profession, domicile, âge et lieu de naissance des futurs
21
époux.
La copie d’acte de naissance permet de vérifier l’authenticité de cette déclaration, surtout les
conditions d’âge et de célibat des candidats.
Elle est prévue par l’article 54 de l’Ordonnance de 81. Elle consiste à publier le projet de
mariage des futurs époux afin d’informer le public et de susciter d’éventuelles oppositions. Au
Cameroun, cette annonce du projet est faite par l’Officier d’état civil ayant reçu la déclaration
d’intention un mois au moins avant la célébration du mariage.
La publication est faite par voie d’affichage et par les soins d’un Officier au centre d’état civil
ou la déclaration a été faite à l’autorité du lieu de naissance des époux, chargée de la
conservation des registres de naissance pour y publier dans les mêmes conditions (article
54, al. 2, de l’ord. 81),à l’Officier d’état civil du dernier domicile de chacun des futurs époux.
Malgré toutes ces précautions qui s’emploient à faire révéler tout empêchement au mariage, la
publication est un procédé pourtant peu efficace, car très peu de gens lisent l’annonce des
mariages officiés aux portes des centres d’état civil.
Dans tous les cas, l’Officier d’état civil qui n’a pas procédé à la publication préalable du
mariage encourt une peine d’amende. Mais, le mariage célébré n’est pas nul. Par ailleurs, en
cas de motif grave, le procureur de la République peut accorder une dispense totale de
publication de bans.
B. LA CELEBRATION DU MARIAGE
Le mariage étant un acte solennel, doit être conclu en présence de deux parties devant une
autorité civile sous peine d’invalidité. Cette solennité s’affirme à tous égards, la nécessité de
la présence des époux et l’intervention systématique d’un Officier d’état civil.
L’ordonnance de1981 est catégorique à ce sujet. Dans son article 69, al. 1,il est disposé
comme suit : « La célébration du mariage a nécessairement lieu en présence des futurs époux
22
».Le consentement qui est une condition de fond de validité du mariage prend un aspect de
forme lors de la célébration du mariage. En vertu du principe de la liberté du mariage, les
futurs époux doivent pouvoir changer d’avis jusqu’à la célébration proprement dite du
mariage. Et en vertu du caractère personnel du mariage, ils doivent signifier personnellement
leurs consentements à l’Officier d’état civil.
Bien plus, l’Officier d’état civil doit entendre le « Oui solennel d’acceptation ou le Non de
refus du mariage » ; d’où la défiance du droit positif à l’égard du mariage par
procuration. Cette hypothèse est certes résiduelle mais encore pratiquée, la jurisprudence
n’hésite pas à annuler le mariage sur le fondement du défaut total du consentement(Cf.
Arrêt NGO NOLGA Annette).
La présence des parents, tuteurs légaux ou responsables coutumiers est nécessaire lorsque leur
consentement est requis. La présence de deux témoins majeurs au moins à raison d’un par
conjoint est également requise lors de la célébration du mariage. Leur rôle consiste à
confirmer l’identité des parties au mariage et à attester la réalisation du mariage.
La cérémonie du mariage a lieu dans une salle au centre d’état civil prévu à cet effet. Les
portes ouvertes, elle doit être officiée par un Officier d’état civil compétent, notamment au
lieu de naissance ou de résidence du futur conjoint afin de lui confiner une authenticité.
L’officier d’état civil joue un rôle très actif, c’est lui qui unit les futurs mariés.
- Il procède, devant les parties leurs parents et leurs témoins, à la lecture des articles
212, 214, 215 du Code civil contenant les droits et devoirs réciproques des époux ;
- Il interroge les parties sur leur volonté de se marier, Grand X voulez- vous prendre Y
pour époux sur la forme du mariage choisi : Polygamie ou Monogamie.
Il est polygamique lorsque le marié à la faculté de prendre époux alors que le premier mariage
n’est pas dissout. Les options monogamiques ou polygamiques constituent le système
matrimonial ou la forme du mariage. L’expression régime matrimonial utilisé pour désigner
ces notions l’est à tort, car le régime matrimonial fait référence aux biens des époux sur les
23
distances éventuelles d’un contrat de mariage entre eux.
Le contrat de mariage se distingue de l’acte juridique qui est le mariage ; il est un contrat
passé par devant un Notaire en vue de la célébration du mariage.
Les biens antérieurs et avenirs des époux, la partie camerounaise ignore cette notion ou n’en
fait jamais allusion. Beaucoup de couples ne font pas allusion à ce contrat et tombe de ce
fait sous le contrat de communauté légale. L’Officier interpelle s’il y a lieu, les personnes
dont les autorisations sont requises.
Enfin l’Officier d’état civil prononce, au nom de la loi, l’union des parties par le mariage.
La preuve du mariage est d’un intérêt indéniable. Les époux en ont besoin pour justifier leur
qualité de gens mariés. Elle est aussi importante pour les enfants issus de l’union conjugale,
car, ils doivent prouver le mariage de leurs parents pour prouver leur filiation légitime. La
preuve se fait en principe par un acte de mariage.
- Noms et prénoms des époux, leur âge, date et lieu de naissance, profession, domicile
de chacun des époux, des témoins et de l’Officier.
- La forme du mariage doit être : Le nom et prénom de l’Officier d’état civil, la
signature des époux, des témoins et de l’Officier d’état civil. Un original de l’acte
est remis à chaque époux.
L’acte de mariage est le principal mode de preuve du mariage ; c’est ce qui ressort de l’article
194 du Code civil aux termes duquel : « Nul ne peut réclamer le titre d’époux et les effets
civils du mariage, s’il ne représente un acte de célébration inscrit sous le registre de l’acte
civil ».Néanmoins, la preuve peut être rétablie par la possession d’état.
24
B. LA POSSESSION D’ETAT
Elle est un mode de preuve subsidiaire à côté de l’acte de mariage. Preuve préconstituée du
mariage, elle peut être évoquée à l’égard des époux, à l’égard des enfants issus du prétendu
mariage.
Le Code civil interdit expressément aux époux d’apporter la preuve de leur mariage par la
possession d’état. En effet, aux termes de l’article 194, « nul ne peut réclamer le titre d’époux
et les effets civils du mariage, s’il ne représente un acte de célébration inscrit sur registre
de l’état civil ». Cela est justifié dans la mesure où la possession d’époux, étant le fait de se
comporter comme des époux, entre en contradiction avec le but d’empêcher les concubins qui
se comportent comme mari et femme. Car, il serait trop facile de prouver le prétendu mariage
en invoquant leur situation de fait de vie maritale.
Cependant, le même texte in fine permet d’apporter une exception à cette interdiction en
renvoyant à l’article 46 du même Code. Selon ce dernier texte, lorsqu’il n’aura pas existé
de registres, ou qu’ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et
dans ces cas, les mariages, les naissances et les décès pourront être prouvés tant par les
registres et les papiers émanés par les père et mère que les témoins. C’est la raison pour
laquelle que l’on peut admettre la preuve du mariage par la possession d’état entre époux.
Bien entendu, comme l’exige l’article 195 du même Code, la possession d’état ne dispense
pas les prétendus époux qui l’invoquent respectivement, de représenter l’acte de célébration
du mariage devant l’officier d’état civil.
Aux termes de l’article 197 du Code civil, un enfant peut, afin de prouver le mariage de ses
parents, démontrer leur possession d’état d’enfant légitime. Il est plus facile pour un enfant de
prouver sa légitimité du vivant de ses parents, car, après leur décès, il lui sera difficile de
savoir la date et le lieu de leur mariage. C’est alors que la possession d’état intervient afin
d’éviter toute fraude ; la possession d’état ne sera efficace que si les quatre conditions
imposées par la loi sont respectées : il faut que les deux parents soient décédés, que la preuve
soit évoquée par l’enfant lui- même, que l’enfant ait la possession d’état d’époux légitime, que
cette possession d’état ne soit pas contredite par l’acte de naissance de l’enfant.
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26
CHAPITRE – II – LES SANCTIONS DE LA VIOLATION DES
CONDITIONS DE FORMATION DU MARIAGE
Etant donné que le mariage est à la fois un contrat et une institution, les conditions fixées par
la loi pour sa formation doivent être impérativement respectées, sous peine de sanctions. De
façon générale, ces sanctions peuvent être regroupées selon qu’elles sont civiles (Section 1)
ou pénales (Section 2).
Les sanctions civiles peuvent être étudiées selon qu’elles ont (Paragraphe 1) ou non
(Paragraphe 2) un impact sur la validité du mariage.
Il s’agit principalement des sanctions qui n’entraînent pas la nullité du mariage. Lorsque
des telles sanctions sont encourues, on dit qu’en est présence d’un empêchement
prohibitif. Parmi ces empêchements, on peut citer :
27
d’entraîner la nullité de l’union, on dit qu’on est en présence d’un empêchement dirimant.
Les empêchements dirimants sont nombreux et méritent d’être étudiés aussi dans leur
énumération (A) qu’au niveau de leurs effets (B).
La nullité relative est celle instituée dans le but de protéger un individu déterminé. C’est la
raison pour laquelle seul cet individu est autorisé à l’invoquer. Il peut en être ainsi en cas de
vices de consentements ou de l’autorisation de certaines personnes, notamment les parents, les
tuteurs, etc.).
La nullité absolue est celle qui vise la protection de la société contre les atteintes à l’ordre
public et aux intérêts généraux. Les différentes causes de nullité absolue sont :
- L’identité de sexe ;
- Le défaut total de consentement des époux ;
- L’impuberté ;
- La bigamie ;
- L’inceste ;
- L’absence de célébration par un officier d’état civil ;
- L’incompétence de l’officier d’état civil.
Le prononcé de la nullité d’un acte juridique, de manière générale, produit un effet rétroactif.
En matière de nullité de mariage, ce principe est assorti d’une exception constituée par le
bénéfice du mariage putatif.
28
La règle est que, lorsqu’un mariage est annulé, il cesse de produire des effets non seulement
pour l’avenir, mais également pour le passé. Ainsi, sur le plan personnel, les parties sont
censées ne s’être jamais mariées. Par exemple, la femme ne peut plus porter le nom du
mari ; elle n’est plus tenue au respect du délai de viduité. S’ils ont eu des enfants, ceux-
ci sont considérés comme enfants naturels simples, adultérins ou incestueux selon les cas.
Sur le plan patrimonial, on ne peut plus parler du régime matrimonial, ni des droits
successoraux, ni de l’obligation alimentaire.
L e mariage putatif est un mariage réellement célébré sur la validité duquel l’un au moins
des époux a pu être abusé et auquel, bien que déclaré nul, la loi fait produire des effets en
faveur de l’époux ou des deux qui l’a ou l’ont contracté de bonne foi. La théorie du mariage a
été imaginée par le droit canonique (religieux) pour atténuer les inconvénients de la
rétroactivité. Elle a été reprise par le Code civil en son article 201. Cette théorie ne produit des
effets que lorsque certaines conditions sont réunies.
La condition fondamentale est que l’un au moins des conjoints soit de bonne foi. La bonne foi
est la croyance erronée en la validité du mariage. Il peut s’agir d’une erreur de droit ou de fait.
Pour apprécier la bonne foi, il faut se placer au moment de la célébration du mariage. Dans
tous les cas, la bonne est toujours présumée. Il appartient à celui qui allègue la mauvaise foi
d’en rapporter la preuve.
Le mariage putatif est annulé simplement pour l’avenir ; d’où des effets à plusieurs niveaux.
A l’égard des époux, ces effets varient selon que les deux époux sont de bonne foi ou un seul
d’entre eux l’est. Dans le premier cas, les deux peuvent tous se prévaloir des effets produits
par le mariage avant son annulation. Ainsi, les libéralités consenties en vue du mariage sont
conservées.
29
Dans le second cas, lorsqu’un seul est de bonne foi, lui seul est habilité à se prévaloir du
mariage putatif. Son conjoint de mauvaise foi est dépouillé de tous les effets personnels et
pécuniaires dudit mariage.
A l’égard des enfants, tous les enfants sont considérés comme légitimes. Le mariage putatif
emporte, comme un mariage valable, la légitimation des enfants naturels nés avant le mariage.
A l’égard des tiers, seuls les époux de bonne foi ont la latitude de se prévaloir du mariage
putatif contre les ayants causes particulières. A l’inverse, les tiers ont le droit de se prévaloir
contre les époux du caractère putatif du mariage. On applique ici la théorie de l’apparence à
l’avantage des tiers.
Elles sont applicables à la violation des règles de fond (Paragraphe 1) et des règles de forme
(Paragraphe 2).
La violation des règles de fond de formation du mariage est pénalement sanctionnée. Plusieurs
infractions sont prévues. Il s’agit notamment de l’enlèvement de mineur (article 352 du Code
pénal), le mariage forcé (article 356 du Code pénal), l’exigence abusive de la dot (article
357 du Code pénal), l’inceste (article 360 du Code pénal), la bigamie (article 359 du Code
pénal).
Les officiers d’état civil qui n’ont pas rempli les obligations que la loi leur impose, encourent
une triple responsabilité : disciplinaire, civile et pénale. Concernant précisément la
responsabilité pénale, elle a été prévue à la fois par l’ordonnance de 81 et le Code pénal.
L’article 21 de l’Ordonnance de 1981 dispose, à titre d’illustration, que : « Toute altération,
tous faux dans les actes d’état civil, toute inscription de ces actes ailleurs que sur les registres
30
à ce destiné, peuvent donner lieu à des dommages et intérêts aux parties lésées, sans
préjudice des sanctions prévues par la loi pénale ».
Le Code pénal, pour sa part, a prévu plusieurs types de sanctions susceptibles de s’appliquer
à savoir, le faux dans un acte (article 144 du Code pénal), l’inobservation des formalités de
mariage (article 149 du Code pénal), la célébration du mariage religieux avant le mariage civil
(article 217 du Code pénal).
« … Attendu que par requête en date du 24 septembre 1974 le sieur NOLGA André a saisi le
Tribunal de premier degré de New-Bell et Bassa aux fins d’annulation de l’acte de mariage
n°9 dressé le 16 octobre 1969 par l’officier d’état civil du centre de Ngog-Mapubi ;
Attendu que NOLGA André soutient que le mariage dont il s’agit a été célébré sans le
consentement des parents de la mariée en l’occurrence sa fille NGO NOLGA Annette qui
n’était alors âgée que de 15 ans ; qu’il ajoute que l’époux à savoir le nommé LIBOG
Emmanuel n’a pas donné son consentement, la célébration du mariage ayant été faite en son
absence ;
Attendu que si le défaut de consentement des parents est une cause de nullité relative qui se
prescrit un an après la connaissance de l’existence du mariage par l’ascendant dont le
consentement n’a pas été obtenu, le défaut de consentement de l’un des époux constitue par
contre une cause de nullité absolue qui ne s’éteint pas par prescription et qui peut être
invoquée par toute personne intéressée ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que NOLGA André a eu connaissance de
l’existence du mariage attaqué depuis plus d’un an ;
Attendu que le défendeur a déclaré à l’audience qu’il n’a pas assisté à la célébration du
mariage qui l’a uni à NGO NOLGA Annette le 16 octobre 1969 qu’il s’est fait représenter par
ses parents ;
Que dès lors, il est constant que LIBOG Emmanuel n’a pas donné son consentement dans les
formes requises par la loi ;
31
Qu’il échet de prononcer la nullité du mariage objet de l’acte n°9 en date du 16 octobre 1969
du Centre d’état civil de Ngog-Mapubi ;
Attendu que NGO NOLGA Annette est décédée le 30 octobre 1972 suivant acte n°425/72 du
Centre d’état civil d’Akwa-Douala ;
Attendu que LIBOG Emmanuel prétend qu’il était de bonne foi à l’époque de la célébration
du mariage attaqué, qu’il affirme qu’il ignorait que le consentement de l’époux ne peut être
donné par personne interposée lors de la célébration du mariage ;
Attendu qu’il est de pratique courante notamment en pays Bassa de se faire représenter par les
parents à la célébration du mariage en cas d’empêchement ;
Attendu que la bonne foi consiste dans l’ignorance de la cause d’invalidité du mariage ;
Attendu qu’en matière matrimoniale, une jurisprudence constante fait exception à l’adage «
nul n’est censé ignorer la loi » ;
Attendu que NOLGA André sollicité la garde des enfants issus de l’union entre feue NGO
NOLGA Annette et LIBOG Emmanuel ; qu’il conclut en outre à l’allocation d’une pension
alimentaire de 3.000 francs par mois pour l’entretien desdits enfants ;
Attendu que les enfants revendiqués sont actuellement gardés par leur père LIBOG Emmanuel
qui exerce un métier et touche régulièrement un salaire ;
Attendu que NOLGA André est septuagénaire sans travail ni ressources suffisantes, qu’il est
par ailleurs douteux qu’il puisse avoir autant d’affection pour ses petits-enfants que leur père ;
Qu’il y a lieu de débouter NOLGA André des derniers chefs de sa demande et de confier la
garde desdits enfants à leur père LIBOG Emmanuel ;
Annule le mariage objet de l’acte n°9 en date du 16 octobre 1969 du Centre d’état civil de
Ngog-Mapubi ;
32
En conséquence dit que leurs enfants ont la qualité d’enfants légitimes à l’égard de leurs
auteurs ;
Déboute NOLGA André des autres chefs de sa demande et confie la garde des enfants à leur
père ;
Met les dépens à la charge de LIBOG.
33
CHAPITRE – III – LES EFFETS DU MARIAGE
Le mariage régulièrement célébré est appelé à produire plusieurs effets. Ceux- ci consistent en
des droits et des obligations qu’on peut relever à l’égard des parties ou vis-à-vis des tiers. De
façon générale, les effets du mariage peuvent être regroupés selon ont un aspect personnel
(Section 1) ou un aspect patrimonial (Section 2).
Le mariage impose aux époux des devoirs réciproques et des fonctions conjointes.
Aux termes de l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement fidélité,
secours, assistance. D’après l’article 215 du Code civil, les époux sont astreints au devoir de
cohabitation. On peut donc relever que les époux ont quatre devoirs réciproques. Mais, seules
la cohabitation (A), la fidélité (B) et l’assistance (C) rentrent dans les rapports personnels.
A. LE DEVOIR DE COHABITATION
Ce devoir résulte de l’article 215 du Code civil. Selon ce texte, le choix de la résidence de la
famille appartient au mari. La femme est obligée d’habiter avec lui et qu’il est tenu de la
recevoir. L’alinéa 2 du même texte précise que toutefois que : « Lorsque la résidence
fixée par le mari présente, pour la famille, des dangers d’ordre physique et moral, la femme
peut, par exception, avoir, pour elle et ses enfants, une autre résidence fixée par le juge ».
34
B. LE DEVOIR DE FIDELITE
Aux termes de l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement fidélité. Ce
texte entend la même fidélité de l’homme et la femme. Malheureusement, elle n’a pas défini
la notion de fidélité, ni celle d’infidélité. Selon Stanislas MELONE, la fidélité entre époux
implique, pour chacun, l’obligation de garder son corps à la jouissance de l’autre. Elle
implique l’exclusivité des relations intimes.
Dans l’union polygamique, le devoir de fidélité a un contenu global. Le mari polygame est en
réalité tenu à des fidélités multiples, car, il ne peut avoir relations intimes qu’avec ses
différentes épouses. Se permettre d’aller avec une femme qui n’est pas encore son épouse ou
qui n’est plus son épouse constitue un cas d’adultère. Une fois de plus, l’adultère constitue un
délit pénal et peut être la cause de séparation de corps ou de divorce.
C. LE DEVOIR D’ASSISTANCE
Toujours selon l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement assistance. A
cet effet, ils ont l’obligation de s’entraider, de se soutenir mutuellement dans les difficultés.
Celui qui se dérobe au devoir de l’assistance commet une faute au sens de l’article 212 du
Code civil. Cette faute peut entraîner la séparation de corps et le divorce.
Les époux sont investis des fonctions qui sont exercées, à titre principal, par le mari et
exceptionnellement par la femme. Elles découlent de l’article 213 du Code civil. Selon ce
texte, le mari est le chef de la famille. Il exerce cette fonction dans l’intérêt commun du
mariage et des enfants. La femme concourt avec lui à assurer la discrétion morale et matérielle
de la famille, à élever les enfants et à préparer leur avenir.
La femme remplace le mari dans sa fonction de chef de famille s’il est hors d’état de
manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence, de son éloignement ou de
toute autre cause. Cette solution, apparemment simple, ne peut s’appliquer sans difficulté que
dans une union monogamique.
Dans une union polygamique, en revanche, elle pose quelques problèmes. Toutes les femmes
35
sont rattachées au mari par un lien hiérarchique, mais il n’y a pas de hiérarchie entre les
femmes. Dès lors, l’on peut se poser la question de savoir laquelle des femmes doit remplacer
le mari dans ses fonctions de chef lorsqu’il est en état de manifester sa volonté. Il n’y a pas
de solution apportée par la loi. Le plus souvent, lorsque le mari est absent, le mariage est
subdivisé en autant de femmes. Chacune assure alors les charges nécessaires qui incombaient
au mari.
Ils concernent la contribution aux charges de ménage (Paragraphe 1), le devoir de secours
(Paragraphe 2) et les régimes matrimoniaux (Paragraphe 3).
La notion de charges de ménage englobe l’ensemble des dépenses d’intérêt commun que
fait naître la vie en ménage : éducation des enfants, nutrition, logement, vêtement,
maladie, loisir. Les modalités de contribution sont fixées par la loi, surtout lorsque la femme
est habilitée à exercer une profession séparée de celle de son mari.
Le montant de la contribution de chacun est fonction, soit d’un contrat entre les parties, soit
des facultés respectives des époux. L’obligation d’assurer ces charges pèse, à titre principal,
sur le mari. Selon l’article 214 du Code civil, le mari a l’obligation de fournir à la femme tout
ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie selon les facultés de son état.
L’article 220 du Code civil va plus loin en disposant que : « (al. 1) La femme mariée a, sous
tous les régimes, le pouvoir de représenter le mari pour les besoins du ménage et
d’employer pour cet objet les fonds qu’il laisse entre ses mains. (al. 2) Les actes ainsi
accomplis par la femme obligent le mari envers les tiers, à moins qu’il n’ait retiré à la femme
le pouvoir de faire les actes dont il et que les tiers n’aient eu personnellement connaissance
de ce retrait au moment où ils ont traité avec elle ».
36
B. L’APTITUDE DE LA FEMME MARIEE A EXERCER UNE PROFESSION
SEPAREE
Selon l’article 74, al. 1, de l’ordonnance de 1981, la femme a le droit d’exercer la profession
séparée de celle de son mari. Mais, celui-ci, conformément à l’alinéa 2 du même texte, peut
s’opposer à l’exercice d’une telle profession dans l’intérêt du ménage et des enfants.
Le devoir de secours est prévu à l’article 212 du Code civil. Les époux, comme les
autres devoirs, se le doivent mutuellement. Il s’agit d’un effet patrimonial du mariage dans la
mesure où il se caractérise par le versement d’une somme d’argent au conjoint pour lui
permettre de résoudre ses problèmes. Ses manifestations s’observent généralement lorsque le
lien matrimonial est relâché (A) ou lorsqu’il est dissout (B).
Le relâchement du lien matrimonial peut être de fait ou de droit. Dans le premier cas, on
parle de la séparation de fait (1) et le second, il s’agit de la séparation de corps (2).
La séparation de fait est la situation de deux époux qui vivent séparément sans y avoir été
autorisés par un jugement de séparation de corps ou de divorce. Aux termes de l’article 76
de l’ordonnance de 1981, l’épouse abandonnée par son mari peut saisir la juridiction
compétente aux fins d’obtenir une pension alimentaire, tant pour elle-même que pour les
enfants laissés à sa charge. Le tribunal statue selon les besoins et la faculté de l’une ou de
37
l’autre partie et, le cas échéant, autorise la femme à saisir une partie du salaire, du produit du
travail ou du revenu du mari. Il s’agit d’une application particulière du devoir de secours.
Cette hypothèse était oubliée par le Code civil. Il est simplement regrettable que le législateur
n’ait parlé que de l’hypothèse d’une femme abandonnée.
La dissolution du mariage peut résulter soit du divorce (1), ou soit du décès de l’un des
conjoints (2).
En principe, le divorce met fin à tous les devoirs du mariage. A propos du devoir de secours,
quelques observations s’imposent. Au cours de l’instance en divorce, le devoir de secours
subsiste. L’une des mesures provisoires peut consister à apporter à l’époux dans le besoin une
pension alimentaire que l’autre se trouve obligé de verser.
Le décès d’un époux constitue pour le devoir de secours l’ultime occasion de se manifester en
faveur du conjoint survivant. En effet, la succession de l’époux décédé doit des aliments au
conjoint survivant qui est dans le besoin. Ceci se traduit par l’attribution d’une pension
alimentaire.
Dans tous les cas, l’inexécution du devoir de secours peut être sanctionnée sur le plan pénal
par une condamnation pour abandon de foyer ou de famille et sur le plan civil par la
séparation de corps ou le divorce. Ces sanctions civiles constituent ce que l’on appelle la crise
du mariage.
38
PARAGRAPHE – 3 – LE REGIME MATRIMONIAL
Le régime matrimonial est l’ensemble des règles qui gouvernent les relations pécuniaires des
époux pendant leur mariage et à sa dissolution. Le Code civil a aménagé plusieurs types de
régimes matrimoniaux. Les époux ont la latitude de choisir parmi les régimes proposés ou de
construire leur propre régime à partir des modèles proposés. Le choix doit en principe
s’opérer au moment du mariage. Mais il peut être effectué avant le mariage au moyen d’un
acte solennel passé par devant notaire appelé le contrat de mariage.
Le mariage régulièrement célébré est destiné à durer jusqu’au décès de l’un des époux. Mais,
les vicissitudes de la vie peuvent conduire à un relâchement du lien matrimonial (Chapitre I)
ou à sa rupture (Chapitre II).
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préoccupe de déterminer ses conséquences (Paragraphe 2) et aussi de prévoir pour elle une
issue (Paragraphe 3). Mais avant de les étudier, il faut au préalable déterminer les modes de
séparation de fait(Paragraphe 1).
La séparation de fait peut résulter d’un pacte de séparation amiable ou être provoquée à
l’initiative d’un seul des époux.
Dans le premier cas, les époux conviennent de se séparer. Quelquefois, ils rédigent un écrit
qui constate leur accord et surtout qui règle les effets secondaires de la séparation : la
pension que l’on versera à l’autre ; l’administration des biens et la perception des revenus ;
l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite. Ce sont un peu les mêmes effets
secondaires que devrait régler un jugement de divorce ou de la séparation de corps.
Dans le second cas, un des époux décide unilatéralement d’abandonner le domicile conjugal.
Dans ce cas, la loi en titre les conséquences contre cet époux.
Le principe est que la séparation de fait est sans conséquences de droit, c’est- à-dire
l’inefficacité de la séparation de fait (A). Mais, le principe doit être appliqué des
tempéraments (B).
La séparation de fait est inefficace, parce qu’il s’agit d’un fait qui ne saurait altérer le droit.
Le lien matrimonial demeure alors intact, si bien que l’époux qui désire refaire sa vie avec
autrui ne le pourra qu’à travers un concubinage adultérin. Cela signifie que la séparation de
fait laisse subsister le devoir réciproque de communauté de vie et elle constitue par ce fait une
violation de ce devoir.
C’est la raison pour laquelle les pactes de séparation amiable, tendant à instituer une situation
illicite, sont nuls et de nullité absolue. Chaque époux a le droit d’exiger de l’autre, à tout
40
moment, que la séparation prenne fin par le retour à la vie commune.
La séparation de fait neutralise de fait le devoir de cohabitation. Cette non- cohabitation peut
servir de cause de désaveu. De même, elle peut servir à autoriser le raccourcissement du délai
de viduité. Ainsi, par une analogie à la séparation de corps, la séparation de fait peut affecter
certains effets du mariage. Ainsi, l’époux séparé de fait ne peut plus être chargé de la tutelle
ou curatelle de son conjoint.
La séparation de fait peut, d’autre part, aboutir à l’action en divorce. C’est l’issue la plus
fréquente en pratique. S’il y a eu abandon, l’époux abandonné peut se prévaloir de l’article
242 du Code civil. C’est le fait même de l’abandon qui constitue ainsi la faute.
La séparation de corps n’est pas réglementée par l’ordonnance de 1981. Elle est donc soumise
au régime normal du Code civil, parce qu’elle est également ignorée en droit coutumier. On
peut la définir comme un relâchement du lien matrimonial par suspension autorisée
judiciairement du devoir de cohabitation. Elle a ses causes (Paragraphe 1), est régie par
41
une procédure spécifique (Paragraphe 2) et produit certains effets (Paragraphe 3).
De façon générale, elles sont identiques à celles de divorce. Selon l’article 306 du Code civil,
« Dans les cas où il y a lieu à la demande en divorce, pour cause déterminée, il sera libre
aux époux de former une demande en séparation de corps ». Ainsi, il importe de préciser
l’examen des différentes causes de séparation de corps sera fait dans la rubrique ultérieure
consacrée aux causes de divorce.
Une fois de plus, la procédure de séparation de corps est en principe la même que celle de
divorce, de sorte qu’à une demande principale en divorce, il est possible d’opposer une
demande reconventionnelle de séparation de corps et ce, inversement. Cette procédure sera
étudiée dans la partie consacrée à la procédure de divorce.
La séparation de corps, étant une institution juridique, présente des effets aussi bien sur le
plan personnel (A) que sur celui patrimonial (B).
La séparation de corps ne dissout pas le mariage. Seul le devoir de cohabitation disparaît par
la décision du juge. Les époux sont donc autorisés à résider séparément. La garde des
enfants es attribuée, comme ne matière de divorce, en tenant compte de leur seul intérêt.
Mais, tous les autres devoirs issus du mariage sont maintenus : le devoir de fidélité et le
devoir d’assistance. Le mariage d’un époux séparé de corps est interdit. La femme conserve
toujours l’usage du nom du mari, sauf dispositions contraires du jugement.
42
B. LES EFFETS DE LA SEPARATION DE CORPS SUR LE PLAN
PATRIMONIAL
La séparation de corps entraîne de plein droit la séparation des biens. Ainsi, si les époux
étaient mariés sous le régime de la communauté des biens, le jugement de séparation de corps
emporte la dissolution et la liquidation du régime matrimonial. Les biens communs seront
partagés et les époux séparés de corps seront désormais soumis au régime de la séparation
des biens.
En revanche, le mariage étant maintenu dans tous ses effets, hormis l’obligation de cohabiter,
le devoir de secours subsiste sous forme de pension alimentaire. Celle-ci est attribuée à
l’époux qui apporte la preuve de son caractère nécessiteux sans considération de la faute ayant
justifié la séparation de corps.
1er cas : la vocation successorale est perdue par l’époux qui a les torts exclusifs de la
séparation de corps ;
2e cas : la vocation successorale est également refusée à celui qui a pris l’initiative de la
rupture de la vie en communauté.
Dans tous les cas, la séparation de corps, ayant un caractère provisoire, peut prendre fin dans
un sens favorable par la réconciliation des époux. Elle peut aussi prendre fin dans un sens
défavorable par sa conversion en divorce, si elle a duré trois ans.
43
CHAPITRE – II – LA RUPTURE DU LIEN MATRIMONIAL : LE
DIVORCE
Contrairement aux droits étrangers, notamment le droit français, le droit camerounais a deux
caractéristiques fondamentales en matière de divorce. La première est que cette forme de
dissolution du lien matrimonial suppose la commission d’une faute par l’un des conjoints. Il
n’y a donc pas de place pour le divorce dit « divorce remède ». La seconde caractéristique
repose sur le fait que le divorce est marqué par un dualisme juridique, dans la mesure où il est
gouverné par deux droits : le droit écrit et le droit traditionnel. Ce dualisme juridique est
complété par le dualisme juridictionnel dans la mesure où les juridictions aptes à connaître du
divorce sont soit les juridictions de droit écrit ou de droit moderne, soit les juridictions de
droit traditionnel ou de droit coutumier. Ce dualisme se manifeste aussi bien au niveau des
causes (Section 1), la procédure (Section 2) qu’au niveau des effets du divorce (Section 3).
Le dualisme juridique et juridictionnel déteint sur les causes du divorce qui varient selon
qu’on en est matière coutumière (Paragraphe 1) ou en matière de droit dit moderne
(Paragraphe 2).
En droit traditionnel, les causes varient en fonction des coutumes. C’est la raison pour
laquelle, il n’existe pas une liste exhaustive de causes. A titre indicatif, on retiendra que
quelques sont parfois favorables au mari (A) et d’autres le sont à la femme (B).
44
B. LES CAUSES FAVORABLES A LA FEMME
En droit moderne, l’on distingue les causes péremptoires (A) et les causes facultatives
(B).
Les causes péremptoires sont celles qui, une fois prouvées, entraînent le prononcé du divorce
sans que le juge ait à apprécier l’opportunité de la sanction. Elles sont constituées de
l’adultère, de la condamnation à une peine afflictive et infamante.
Ce sont celles qui n’entrainent pas automatiquement le prononcé du divorce. Lorsqu’elles sont
invoquées, le juge conserve le pouvoir de vérifier si elles sont de nature à entraîner la
45
dissolution du couple. Ce sont essentiellement les excès (ivresse habituelle), les sévices
(mauvais traitement physiques exercés sur le conjoint), les injures graves (injures verbales,
écrites, gestuelles).
A. LA CONFECTION DU DOSSIER
Le tribunal de premier ne peut être valablement saisi d’une action en divorce qui si le
demandeur produit un dossier composé d’au moins trois : la requête, l’acte de mariage et la
quittance.
Pour ce qui est de l’acte de mariage, il est indiqué d’en produire une copie certifiée conforme.
Le but est de prouver que l’union est légalement reconnue.
Concernant enfin la quittance, c’est un document délivré par les services de la trésorerie
publique revêtue du cachet officiel. La quittance sert à prouver que le demandeur a payé les
frais de justice.
En marge de ces pièces obligatoires, le requérant est fondé à joindre à son dossier toute autre
46
pièce à conviction. Par exemple, le procès-verbal de constat d’huissier d’abandon de foyer.
Devant le tribunal de premier degré, la procédure est plus simple et plus rapide que devant le
tribunal de grande instance. En effet, la tentative de réconciliation n’est pas obligatoire. Le
président peut y procéder à tout moment selon sa volonté. En tout état de cause, les parties et
éventuellement les témoins sont convoqués aux jour et heure fixés par le président. Les débats
sont généralement publics, mais le huis clos peut être ordonné soit d’office par le
président, soit à la demande des parties si la publicité paraît dangereuse par l’une des parties
pour l’ordre public ou les bonnes mœurs.
A l’issue de la procédure, le jugement est rendu à l’audience publique. Les effets sont, en
règle générale, le même que ceux du divorce prononcé par une juridiction de droit moderne.
Elle est plus longue que la procédure en droit coutumier. En principe, elle dure au moins 6
mois et est marquée par trois phases : la requête en divorce, la tentative de conciliation et
l’instance devant le tribunal.
A. LA REQUETE EN DIVORCE
Le divorce ne peut être demandé que par le conjoint offensé. Autrement dit, un parent ou un
tiers ne peut demander le divorce à la place d’une personne mariée. Lorsque chacun des époux
a des griefs à formuler contre l’autre, deux demandes principales peuvent être introduites et
aboutir à deux jugements de divorce.
Mais, le plus souvent, le défendeur forme une demande reconventionnelle à travers ses
conclusions. Le tribunal compétent est celui de grande instance du domicile du mari. Ce
tribunal reste compétent même si le mari change de domicile. La requête rédigée par celui
des conjoints qui veut obtenir le divorce doit être présentée au tribunal compétent. Ce dernier
est tenu de faire des observations qu’il estime convenables. Si le requérant persiste, le
président lui apporte l’autorisation de citer son conjoint en conciliation.
B. LA TENTATIVE DE CONCILIATION
47
La conciliation commence par une citation en conciliation. Cette citation est un acte
d’huissier de justice établi à la requête du demandeur. Les deux époux doivent comparaître en
personne. Si le défendeur ne se présente pas, la mission du juge consiste à essayer de
rapprocher les parties. S’il n’y parvient pas, il peut leur donner un délai de réflexion de 06
mois. Après ce délai de réflexion, il doit tenter à nouveau de les réconcilier.
S’il y a un autre échec, il peut encore donner un dernier délai de 06 mois. Si, au terme de ce
dernier délai de 06 mois, les époux ne se réconcilient toujours pas, le président est tenu de
rendre une ordonnance qui constate la non conciliation et autorise le demandeur à assigner
son conjoint en divorce.
C. LA PHASE D’INSTANCE
L’assignation est un exploit d’huissier de justice. Elle doit être faite dans les 20 jours qui
suivent l’obtention de l’ordonnance d’assigner. Sous peine de nullité, elle doit contenir les
moyens de la demande, c’est-à-dire ce qui est sollicité et les arguments qui le soutiennent.
L’époux défendeur peut soit se contenter d’adopter une position défensive, soit contre-
attaquer en formant une demande reconventionnelle. Le tribunal peut alors joindre les
demandes ou statuer de façon séparée. Si les deux demandes sont justifiées, il prononce le
divorce aux torts réciproques, ou le divorce au profit de l’un et la séparation de corps au
profit de l’autre. Dans ce dernier cas, les effets du divorce l’emportent sur ceux de la
séparation de corps.
La décision rendue peut faire l’objet d’une voie de recours. Précisément, elle est susceptible
d’appel dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à personne ou à
domicile. La décision d’appel est également susceptible d’un pourvoi en cassation dans un
délai de deux mois. Le divorce devient définitif dès lors qu’il n’y a plus de possibilité de
recours et produit des effets qu’il importe d’étudier.
Le divorce dissout le mariage, mais seulement pour l’avenir. Il entraîne ainsi des effets sur les
relations entre époux (Paragraphe 1), sur les relations entre les époux et les enfants
48
(Paragraphe 2) et sur les relations entre les époux et les tiers (Paragraphe 3).
Il convient de distinguer les rapports personnels (A) des rapports patrimoniaux (B).
Le divorce a pour principal effet la rupture du lien matrimonial. Il anéantit tous les devoirs
nés du mariage. La femme peut se remarier après observation du délai de viduité. Chacun
des époux perd la faculté d’user du nom de l’autre, sauf accord de ce dernier ou décision
contraire du juge. Celui des conjoints que le mariage a émancipé conserve cet avantage.
Le jugement du divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités prescrites par
la loi sont accomplies : mention sur l’acte de naissance de chacun des époux, mention au
registre de l’état civil, et si l’un des conjoints est commerçant, mention au registre du
commerce et du crédit mobilier.
Les deux époux peuvent cependant être tous deux déclarés coupables lorsque le divorce est
prononcé aux torts réciproques. L’innocent a de façon générale un certain nombre de droits
qui constituent le profit du divorce. Le coupable, quant à lui, subit plusieurs déchéances qui
correspondent aux torts du divorce. On peut relever ces effets sur le plan de la pension
alimentaire, les donations et avantages faits par un époux à l’autre, la vocation
successorale, le régime matrimonial et le logement familial.
49
PARAGRAPHE – 2 – LES EFFETS DU DIVORCE SUR LES RAPPORTS DES
EPOUX AVEC LEURS ENFANTS
Le principal problème est celui de la garde des enfants mineurs. A cet effet, le juge doit être
guidé par le principe selon lequel les enfants issus du mariage ne doivent pas souffrir du
divorce de leurs parents. Dans l’attribution de la garde des enfants, doivent être pris en
considération les aspects affectifs, psychologiques et matériels. Les époux eux-mêmes
peuvent s’entendre sur la garde qui peut être confiée de manière alternative ou même à un
tiers qu’il s’agisse d’un accord des conjoints ou d’une décision du juge.
La garde est essentiellement provisoire. De même, chacun des époux, gardien ou non
gardien, conserve son autorité sur les enfants afin de faciliter les choses. Le juge doit rappeler
le droit de visite, le droit d’hébergement ainsi que la surveillance de l’époux non gardien
sur les enfants. Ces droits trouvent leur contrepartie dans l’obligation de contribuer aux
frais d’entretien et d’éducation des enfants.
Sur le plan des rapports personnels, chaque époux recouvre sa liberté et peut en principe nouer
des relations de son choix avec une tierce personne.
Par contre, dans les rapports patrimoniaux des époux avec les tiers, le problème se pose
autrement. L’effet du jugement n’est pas rétroactif. Les effets patrimoniaux de ce jugement ne
se produisent qu’à partir du jour où les formalités de publicité sont accomplies. Juste à
l’accomplissement de ces formalités, le divorce est inopposable aux tiers, sauf s’il est prouvé
que ces tiers connaissaient son existence au moment où ils ont contracté avec un ex-époux.
Toute chose qui semble être différent lorsqu’il s’agit de la rupture du concubinage.
Cour suprême, Arrêt n°31/L du 15 janvier 1963,aff : Foé Amougou c/ Assouga Bernadette,
50
GDJCC, pp. 102 et s.
La Cour, Sur le premier moyen pris de la violation de la coutume en ce que l’arrêt attaqué a «
prononcé le divorce d’entre Foé Amougou André et Assouga Bernadette sans que cette
décision comporte un chapitre en ce qui concerne le remboursement de la dot alors que selon
la coutume il n’y a pas de divorce si aucune disposition n’est prévue à ce sujet » ; Attendu que
la Cour n’était tenue de statuer sur le remboursement de la dot, aucune demande n’ayant été
formulée à ce sujet et qu’en tout état de cause elle ne pouvait que la rejeter, la femme ne
pouvant être condamnée au remboursement d’une dot qu’elle n’a pas perçue, qu’au surplus en
l’espèce et bien que l’arrêt ne statue pas expressément sur ce point, le divorce ayant été
prononcé à la seule demande de l’épouse, l’a été aux torts exclusifs du mari, ce qui le prive de
tout droit à remboursement de dot contre quiconque ; D’où il suit que le moyen n’est pas
fondé ;
Sur le second moyen pris de la violation des articles 3 parag. 2 et 37§2 de l’ordonnance du 17
décembre 1959, défaut de motifs, manque de base légale en ce que la Cour a condamné Foé
Amougou André à verser à la dame Assouga Bernadette la somme de 5 000 francs par mois à
titre des frais d’entretien ; Que cette disposition est contraire à la coutume qui ne prévoit que
le paiement d’une indemnité lors de la reprise de l’enfant dont la garde avait été confiée
provisoirement à la mère ; Que cette fixation ne repose sur aucune base, la Cour ne
possédant aucun élément pouvant justifier cette évaluation ; Attendu que le
versement de la pension alimentaire dont le but est d’assurer la subsistance de
son créancier réputé sans ressources suffisantes s’exécute nécessairement d’avance
et au commencement de chaque période prévue et non à terme échu, faute de quoi
elle manque son but en laissant son créancier dans le dénuement ; Que ce principe ne
saurait être contraire à la coutume ; Attendu enfin que la fixation de la pension relève
de l’appréciation souveraine des juges du fond qui puisent leur conviction dans les
éléments de la procédure et des débats ; Qu’en l’espèce d’ailleurs, cette appréciation
est justifiée par l’état des salaires du demandeur produit au dossier ; Qu’ainsi le
moyen n’est pas fondé ;
Rejette le pourvoi.
51
TITRE – II – LE COUPLE NON MARIÉ : LE CONCUBINAGE
Encore appelé union libre, le concubinage est une union de fait, caractérisée par
une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux
personnes de sexe différent qui vivent en couple. Il n’est pas organisé en droit camerounais.
Mais, cette institution de fait mérite d’être examinée tant qu’elle et lorsqu’elle prend fin.
Pendant son existence, le concubinage peut créer un certain nombre de rapports qui peuvent
être les relations personnelles ou patrimoniales.
Dans les rapports personnels entre concubins, la liberté prévaut. Chacun est libre de vivre en
concubinage comme de le rompre. Cette liberté repose sur un principe qui admet néanmoins
quelques atténuations.
PARAGRAPHE – 1 – LE PRINCIPE
De façon générale, il y a absence de lien de droit entre les concubins quelles que soient la
durée et la stabilité de l’union. Cette absence de statut légalement organisé permet d’en
déduire qu’il n’existe aucun effet sur le plan de l’état des personnes. Ainsi, le concubinage
n’entraîne pas le droit de porter le nom de son compagnon.
52
lien de mariage. Ils ne se doivent ni communauté de vie, ni fidélité, ni secours, ni assistance.
Le principe selon lequel le concubinage ne produit pas d’effets sur le plan personnel n’a pas
un caractère absolu. S’il est vrai qu’il n’existe pas entre les concubins de devoirs de
cohabitation, le simple fait de cohabiter engendre à lui-seul certaines conséquences. Ainsi,
comme nous le verrons plus loin, le concubinage constitue un cas d’ouverture de la
recherche de paternité naturelle.
Les relations patrimoniales des concubins sont régies par des normes que l’on peut regrouper
selon qu’elles concernent les concubins eux-mêmes (paragraphe 1) ou les concubins et les
tiers (paragraphe 2).
Les relations patrimoniales entre concubins se caractérisent par l’absence d’un régime
matrimonial (A) et par la validité des libertés (B) qui peuvent se faire entre les concubins.
Le régime matrimonial est l’ensemble des règles d’ordre patrimonial qui régissent les biens
des époux et toutes les questions pécuniaires du ménage. Les concubins n’ayant pas un statut
légalement organisé, il n’existe pas de régime matrimonial entre eux. Leur couple fonctionne
comme un ménage à biens séparés. Ainsi, à la dissolution de cette union, chacun reprend
purement et simplement ce qu’il a acquis par ses efforts personnels et, en cas de discussion,
le juge, éventuellement sollicité, est appelé à trancher en fonction des preuves produites par
l’un ou l’autre compagnon.
53
On appelle libéralité, toute disposition consentie, à titre gratuit : une donation, un legs sont
des actes de disposition à titre gratuit, donc des libéralités. Ces dernières ne sont pas nulles
par le seul fait que les parties sont en concubinage. Dans les rapports entre concubins, il
n’existe aucune incapacité à donner ou à recevoir à titre gratuit. Les donations sont
irrévocables, c’est-à-dire l’auteur de la donation ne peut pas revenir sur sa décision). Il
importe alors de traiter le sort de ces libéralités par rapport à l’intention qui animait leur
auteur. En effet, si l’acte a été posé en vue d’amener la conclusion ou d’entretenir la
continuation des relations hors mariage, il est nul pour cause immorale.
Dans les rapports patrimoniaux entre concubins avec les tiers, deux situations sont
envisageables. On peut se demander si les tiers peuvent invoquer le concubinage contre les
concubins (A) et ces derniers peuvent l’invoquer contre les tiers (B).
Les tiers désireux de tirer avantage du concubinage sont aptes à l’invoquer dans deux
hypothèses. La première repose sur la théorie de l’apparence ( 1) et la seconde, sur la prise en
compte des ressources résultant du concubinage (2).
1. La théorie de l’apparence
54
On appelle théorie de l’apparence, théorie prétorienne en vertu de laquelle la seule
apparence suffit à produire des effets à l’égard des tiers qui, par suite d’une erreur légitime,
ont ignoré la réalité. On l’applique dans les cas où les concubins se présentés publiquement
comme mari et femme aux yeux des tiers. Dans ce cas, le tiers peut légitimement penser avoir
affaire à un couple marié et la jurisprudence accepte de sanctionner l’attitude des concubins
en appliquant des solutions identiques à celles du mariage. Le concubin pourra être tenu de
payer les dettes de la concubine ou inversement.
Lorsqu’une personne est tenue de verser une pension alimentaire à son enfant ou une
prestation compensatoire à son ancien conjoint, on peut se demander s’il faut tenir compte du
fait que le créancier (celui auquel est versée la pension alimentaire ou la prestation
compensatoire) vit en concubinage. La jurisprudence répond par l’affirmative. Cela
signifie qu’il y a prise en compte des ressources résultant du concubinage.
Il se pose ici la question de savoir si les concubins peuvent invoquer cette institution contre
les tiers. En effet, les cas dans lesquels le concubinage peut être invoqué contre des tiers se
situent surtout à la dissolution de cette union qu’il convient d’étudier.
La rupture de l’union libre mérite d’être étudiée selon qu’elle est paisible ou perturbée.
La rupture paisible de l’union libre est dominée par un principe solidement affirmé qu’il
convient d’examiner (Paragraphe 1). Mais il faut ajouter qu’elle entraîne la liquidation des
rapports pécuniaires entre concubins (Paragraphe 2).
55
La rupture de l’union libre est en principe libre. Comme pour les fiançailles, autre situation de
fait, la rupture du concubinage ne produit aucun effet juridique. Cela signifie qu’elle peut
intervenir par décision unilatérale de l’un des concubins. Chacun des compagnons a la latitude
de prendre l’initiative à tout moment, de reprendre sa liberté en abandonnant l’autre. Il n’y a
pas de formalités préalables à accomplir. Celui qui est délaissé, même après de nombreuses
années de vie commune, ne pourra rien réclamer.
Le problème est plus délicat lorsqu’un bien a été acheté au nom d’un seul des concubins ou
lorsque l’un des concubins exploite une activité commerciale ou agricole avec l’aide de
l’autre sans qu’il y ait une quelconque rémunération. Dans ces cas, deux théories sont
applicables :
- La théorie de société de fait. Si une telle société existe, chacun peut récupérer ses
apports. Trois conditions doivent être remplies pour qu’il y ait une société créée de fait : des
apports mutuels, une contribution aux bénéfices et aux pertes, l’intention de s’associer pour la
gestion du fonds. La jurisprudence se montre très stricte quant à l’exigence de ces trois
conditions cumulatives pour admettre une société créée de fait entre concubins ;
- L’enrichissement sans cause. Cette théorie peut être exceptionnellement appliquée
56
lorsque le concubin ou la concubine a travaillé dans l’intérêt commun de l’exploitation
(commerce ou exploitation agricole). Il ou elle peut démontrer que l’autre s’est enrichi à ses
dépens alors qu’il ou elle s’est appauvrie en ne travaillant pas à l’extérieur.
La rupture perturbée de l’union libre peut résulter soit de l’action d’un concubin (Paragraphe
1), soit de celle d’un tiers (Paragraphe 2).
La décision de mettre fin à l’union libre ne constitue pas en elle-même une faute. Mais, la
faute peut résulter des circonstances qui entourent la cessation des relations. Sur cette base, le
compagnon qui estime avoir subi un préjudice, peut solliciter des dommages et intérêts en
invoquant l’article 1382 du Code civil. Selon la jurisprudence, cette faute peut résulter
notamment de l’abandon moral et matériel avec un enfant ou des agissements bien antérieurs
ou contemporains à l’établissement du concubinage. C’est le cas d’une promesse fallacieuse
du mariage.
A ce niveau, l’on peut se poser deux questions essentielles. D’une part, on peut se demander
si un tiers peut être poursuivi pour avoir contracté mariage avec un concubin sans l’avis de
l’autre. D’autre part, un concubin peut-il solliciter la réparation d’un préjudice résultant d’un
accident causé à son partenaire par un tiers ?
57
Relativement à la première question, chacun des concubins étant libre, peut valablement
épouser qui il veut. A l’inverse, le tiers qui contracte mariage avec l’un des concubins, ne peut
être poursuivi en réparation de dommage du seul fait d’avoir porté son choix sur le membre
du concubinage visé.
58
Le 24 décembre 2015, son père a été grièvement heurté par un véhicule au bord duquel se
trouvait WANKAPRAOU, un homme d’affaires domicilié à KOURBI. Entre temps et pour
subvenir aux besoins du ménage, MADEFORE s’endette auprès du boutiquier du coin.
Confus, NDAN aimerait avoir des éclaircissements sur les questions suivantes :
1. Est-il possible que lui et ses frères puissent être reconnus par GOBO ?
La filiation légitime suppose que le père et la mère sont mariés l’un à l’autre. Cette filiation,
59
pour éviter les décalages entre la vérité biologique et la vérité juridique, est sous-tendue
par une présomption posée par l’article 312 du Code civil. Selon ce texte, « L’enfant conçu
pendant le mariage a pour père le mari ». Il en résulte que la filiation légitime repose sur une
présomption de paternité du mari (Section 1). Il faut ajouter que cette filiation, en plus la
présomption, peut être prouvée (Section 2).
La présomption de paternité du mari de la mère est une solution très ancienne ; on affirmait
déjà dans l’ancien droit que « le père est celui que les noces démontrent ». Cette présomption,
reposant sur la vérité juridique, est rattachée aux obligations qui découlent du mariage. A
partir du moment où les époux sont tenus de vivre ensemble et de respecter le devoir de
fidélité, il est logique d’en déduire que les enfants de la femme ont pour père le mari de celle-
ci.
En droit camerounais, cette vérité juridique qui peut ne pas correspondre à la vérité biologique
est quasiment irréfragable, car, lorsqu’une femme mariée conçoit un enfant avec un autre que
son mari, seul ce dernier peut remettre en cause le lien de filiation. Et, cette remise en cause
est soumise à des conditions strictes, conformément aux dispositions des articles 312 et
suivants du Code civil. La présomption de paternité a un domaine (Paragraphe 1) et une
certaine force (Paragraphe 2) qu’il convient d’examiner.
Le domaine de la présomption de paternité est dominé par un principe (A) qui admet
quelques restrictions (B).
A. LE PRINCIPE
Il s’agit de préciser quelles sont les catégories d’enfants que couvre la présomption. En effet,
si cette présomption a un domaine propre, il existe, à l’entour, des situations marginales, où
elle est étendue.
60
mariage
Cette présomption résulte de l’article 312 du Code civil aux termes duquel « l’enfant
conçu dans le mariage a pour père le mari de sa mère ». Il faut combiner cette présomption de
paternité avec la présomption légale de durée de la grossesse. En effet, le problème ne se pose
pas lorsque l’enfant est conçu et né dans le mariage. La combinaison reprend tout son sens et
devient lorsque l’enfant est né après la dissolution du mariage. Même si le principe n’est pas
moins clair, on en déduit qu’est présumé avoir pour père le mari de sa mère, tout enfant né au
plus tard 300 jours après la dissolution du mariage. Bien entendu, il faut rappeler que la
dissolution visée peut l’être par décès ou par divorce.
B. LES RESTRICTIONS
La loi écarte la présomption de paternité dans deux hypothèses. Il en est ainsi lorsque l’enfant
est conçu pendant une période de séparation légale ou a été déclaré sans le nom du mari.
1. L’enfant conçu pendant la période de séparation légale
Il convient de rappeler qu’il n’y a de séparation légale que lorsque les époux ont été autorisés
par une décision de justice à résider séparément. Lorsque l’enfant est donc conçu pendant
cette période et né 300 jours après l’ordonnance du juge autorisant la séparation de corps, le
mari est fondé à le désavouer.
Cette exclusion résulte de l’article 313, al. 2, du Code civil en ces termes, « En cas de
jugement ou même de demande soit de divorce, soit de séparation de corps, le mari peut
61
désavouer l’enfant né 300 jours après l’ordonnance prévue [à l’article] 236 du présent Code
». L’article 236 ainsi visé renvoie à l’ordonnance du juge autorisant les époux à résider
séparément.
Lorsqu’un enfant est déclaré à l’état civil sans le nom du mari et n’a de possession d’état qu’à
l’égard de la mère, la présomption de paternité disparaît. Cette hypothèse résulte de l’article
313, al. 1, du Code civil. Selon ce texte, le mari pourra désavouer l’enfant lorsque la naissance
lui a été cachée.
Depuis la conception traditionnelle, qui est celle du Code civil, la présomption de paternité est
une affaire exclusive du mari. Contrairement au droit camerounais qui est resté sur cette
conception, le droit français a évolué. Dans sa loi du 03 janvier 1972, le législateur français a
étendu ce droit à la femme. Il faut ajouter que jusque- là, l’enfant n’a pas le droit de contester
sa paternité. L’ordonnance camerounaise n’a pas suivi la même évolution. La force de la
présomption reste, en droit camerounais, l’affaire du mari. Elle se présente alors comme une
présomption simple à l’égard du mari (A) et comme une présomption irréfragable à l’égard
des autres personnes (B).
La présomption simple est définie comme celle qui peut être combattue par la preuve du
contraire. Ainsi, le mari peut combattre la présomption de paternité soit en désavouant
l’enfant prétendu légitime (1), soit en rétablissant la présomption ignorée (2).
1. Le désaveu
62
En principe, le mari est tenu de traiter l’enfant conçu avant, mais né après le mariage, ou celui
conçu pendant le mariage, mais né après sa dissolution comme son enfant légitime. Mais,
parce que cette présomption n’est pas irréfragable à son égard, il peut s’en dégager par un
désaveu. Etudier l’action en désaveu dans ses causes, sa procédure et ses effets, c’est
indirectement mesurer la force de la présomption de paternité.
On distingue deux sortes de désaveu selon le degré d’effort probatoire exigé du demandeur
pour renverser la présomption : le désaveu sur simple constatation de date et le désaveu par
preuve contraire.
Le désaveu sur simple constatation de date concerne l’enfant né avant les 180 premiers jours
du mariage. Certes, cet enfant est légitime, mais la présomption est moins forte, dans la
mesure où l’enfant a été conçu avant le mariage au moment où il n’existait pas encore
l’obligation légale de vie commune et de fidélité. Le désaveu par dénégation est très simple.
Il suffit pour le mari d’invoquer la date de l’accouchement. Ainsi, s’il est établi qu’entre la
date du mariage et celle de l’accouchement, il y a eu moins de 180 jours, le juge n’a aucun
pouvoir d’appréciation.
Toutefois, l’article 314 du Code civil ne permet au mari de ne désavouer l’enfant que lorsqu’il
ignorait la grossesse avant le mariage.
En ce qui concerne le désaveu par preuve contraire, cette hypothèse est prévue aux articles
312, al. 2, 325 et 326 du Code civil. Le mari pourra désavouer l’enfant en justice, lorsqu’il
justifie de faits propres à démontrer qu’il ne peut pas en être le père. Ainsi, l’action tend à
faire tomber la présomption de paternité en rapportant la preuve que le mari n’est pas le père.
Sont admissibles les faits propres à démontrer l’impossibilité de la paternité à savoir : des
faits biologiques (le mari était hors d’état de procréer en général) ; des faits matériels
(l’éloignement, l’incarcération, l’abandon du domicile conjugal).
63
C’est essentiellement un procès entre le mari et l’enfant. Dans ce procès, qui est soumis au
droit commun des procès devant soit le tribunal de grande instance, soit devant le tribunal
de premier degré, des particularités concernent la personne des parties et le délai de l’action.
Relativement aux parties, il faut dire que le mari, lui seul est le demandeur de l’action.
Toutefois, après sa mort, ses héritiers ne peuvent intenter une telle action qu’à la double
condition qu’il soit mort étant encore dans le délai utile et que l’enfant ait émis des prétentions
sur la succession ouverte.
Le défendeur est l’enfant. Mais étant encore mineur, il sera représenté par un tuteur ad hoc
nommé par le juge saisi. Mais, dans tous les cas, sa mère doit être appelée dans l’instance.
Quant au délai pour agir, il est d’un mois, à compter de la naissance, conformément à l’article
316 du Code civil si le demandeur se trouve sur les lieux de naissance de l’enfant. Il est de
deux mois après son retour s’il est absent à l’époque de la naissance.
Dans cette hypothèse, les époux ont été autorisés à résider séparément, mais ils se sont
64
réconciliés et élèvent ensemble leur enfant. Si l’enfant est réellement (c’est-à-dire
biologiquement) celui du mari, aucun problème ne se pose. Cependant, il arrive que l’enfant
ne soit pas celui du mari mais de l’amant de la mère. Un conflit de filiation peut alors
surgir : conflit entre l’amant qui a reconnu l’enfant et la possession d’état d’enfant
légitime. Comment doit-on résoudre ce conflit ?
En l’état actuel de la législation camerounaise, un tel conflit de filiation doit être réglé en
faveur de la possession d’état d’enfant légitime, puisque seul le mari est autorisé à
désavoué l’enfant conçu et né dans le mariage ; les autres personnes étant tenues par la
présomption irréfragable.
La présomption est dite irréfragable ou absolue lorsqu’elle ne peut être renversée par la simple
preuve du contraire. Par autres personnes, il faut entendre la mère de l’enfant, l’enfant lui-
même et les tiers, c’est-à-dire les héritiers du mari. La loi interdit à certaines personnes
d’intenter une action en contestation de paternité. Mais, même si cette hypothèse n’est pas
expressément visée, elles peuvent contester la paternité à partir d’une interprétation a
contrario de l’article 322 du Code civil.
1. Le principe de l’interdiction
Quant aux tiers, ils ne peuvent non plus faire tomber la présomption de paternité. Ce qui veut
dire, notamment, que ne peuvent la combattre, de son vivant, ses propres héritiers (ainsi, ses
enfants légitimes), non plus que l’enfant lui-même (qui voudrait en vain se délivrer une
filiation mensongère). Bien entendu, avec cette réserve qu’après la mort du mari, ses héritiers
peuvent intenter une action en désaveu qu’à la double condition qu’il soit mort étant encore
dans le délai utile et que l’enfant prétendu ait émis des prétentions sur la succession ouverte.
Ces différents intéressés n’ont même pas le droit de critiquer comme abusive l’attitude du
65
mari qui s’abstient d’exercer l’action en désaveu, car il y a là, pour lui, une faculté
discrétionnaire, dont il est libre de ne pas user.
A la lecture a contrario de l’article 322, al. 2, du Code civil, il est permis de reconnaître à
tout intéressé d’intenter une action en contestation de paternité. En effet, ce texte dispose
que : « nul ne peut contester l’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ». Il en résulte donc, par une lecture a contrario, qu’il est possible à tout intéressé
de contester l’état d’une personne qui n’a pas une possession d’état conforme à son titre de
naissance.
C’est dans ce sens que la première chambre de cassation française l’a interprété dans son arrêt
de principe rendu le 27 février 1985. En l’espèce, une femme a accouché d’un enfant lors du
séjour de son mari derrière les barreaux. L’enfant, bien qu’ayant un titre de naissance d’enfant
légitime, n’avait pas la possession d’état d’enfant légitime. La Cour de cassation a déclaré
dans un attendu de principe que : « en son alinéa 2, l’article 322 du Code civil se borne à
poser le principe qu’en matière de filiation légitime, nul ne peut contester l’état de celui qui a
une possession conforme à son titre ; que l’arrêt attaqué a estimé à bon droit en l’absence de
disposition contraire, que l’article 322, al. 2, permettait la contestation directe de la paternité
légitime dès lors que l’enfant qui possédait le titre d’enfant légitime était dépourvu de la
possession d’état » (Civ. 1re, 27 février 1985, Bull. civ. I, n°76). Il en résulte qu’en l’absence
de possession d’état conforme au titre, la contestation de paternité légitime est recevable.
En suivant le chapitre du Code civil qui traite des preuves de la filiation des enfants légitimes,
on s’aperçoit qu’il envisage successivement deux ordres de preuves : preuves non
contentieuses et contentieuses, c’est-à-dire les preuves utilisables en dehors de tout procès
(art. 319-321), de preuves dont l’utilisation même suppose un procès (art. 322-330).
66
Conformément aux articles 319 et 320 du Code civil, la filiation des enfants légitimes se
prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de l’état civil ou, à défaut de ce titre,
par la possession d’état d’enfant légitime.
1.L’acte de naissance
La filiation étant un des éléments qui permet d’identifier une personne, elle figure sur les
registres de l’état civil. C’est qui résulte de l’article 319 du Code civil en ces termes : « La
filiation des enfants légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de
l’état civil ». L’acte de naissance qui sert de preuve doit être délivré dans les conditions
prévues aux articles 30 et suivants de l’Ordonnance N°81/02 du 29 juin 1981 portant
l’organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes telle que
modifiée et complétée par la Loi N°2011/011 du 6 mai 2011 (cf. Cours de Droit des
personnes). Un tel acte ne doit porter le nom du père, conformément à l’alinéa 2 de l’article
34 de l’Ordonnance précitée, qu’en cas d’enfant légitime ou reconnu ; l’enfant légitime étant
celui qui est issu d’un couple marié.
L’acte de naissance qui atteste la filiation légitime est un acte authentique. Il ne peut, par
conséquent, être attaqué en ce qui concerne les mentions vérifiées par l'officier d'état civil,
que par la voie périlleuse de l'inscription en faux (C.S. Arrêt n° 55 IL du 27 mai 1982).
La loi prévoit une disposition pour le cas exceptionnel où l’enfant n’aurait pas ou plus d’acte
de naissance. L’article 320 du Code civil dispose : « A défaut de ce titre (acte de
naissance), la possession de l’état d’enfant légitime suffit ». Quelle est la force probante de
la possession d’état ? La possession d’état n’a-t-elle qu’un rôle subsidiaire ? Il ressort de la
jurisprudence que la force probante de la possession d’état est moindre que celle de l’état
civil, surtout lorsqu’elle est isolée, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas corroborée par un titre
allant dans le même sens.
67
l’enfant légitime du couple. Cette supposition d'enfant qui s'entend, selon la C.S dans son
Arrêt n° 143 / P du 2 juin 1977 Bull n° 37/p. 5352, de l'attribution d'un enfant à une femme
autre que sa mère véritable doit être justifiée dans le cadre d’une action en contestation
d’état. Cette action a pour but de prouver que la mère de cet enfant n’est pas la femme
mariée que lui attribuait l’acte de naissance ou la possession d’état. Toutes les personnes
intéressées peuvent exercer cette action.
68
CHAPITRE – II – LA FILIATION NATURELLE
La filiation naturelle se définit par la naissance hors mariage. Est enfant naturel, l’enfant qui
n’a pas été conçu pendant le mariage et n’est pas né pendant le mariage. Il existe différentes
sortes d’enfants naturels. On parle d’enfant naturel simple, lorsque les parents de l’enfant ne
sont pas unis par les liens du mariage. En revanche, on parle d’enfant naturel adultérin
(amatre ou apatre), lorsque les parents ou un des parents étaient, au moment de la conception,
engagés dans les liens de mariage avec un tiers.
Dans le second cas cependant, quelques difficultés peuvent surgir. Lorsqu’il s’agit d’un enfant
adultérin amatre, sa légitimité ne peut être contestée que si le mari de la mère l’a désavoué.
Lorsqu’il s’agit par contre d’un enfant adultérin apatre, il faut noter que les hommes ont le
droit de reconnaître les enfants nés de leur commerce adultérin avec les jeunes filles ou avec
les filles non mariées. Par conséquent, l’enfant peut être reconnu par son père adultérin.
Dans tous les cas, l’enfant naturel peut être légitimé lorsque ses parents se marient après sa
naissance. L’ordonnance de 1981 organise les modes d’établissement de la filiation naturelle
dans ses articles 41-46 (Section 1).La condition juridique cet enfant naturel mérite d’être
également étudiée(Section 2).
69
A. LES CONDITIONS DE VALIDITE DE LA RECONNAISSANCE
Elles reposent sur les conditions de fond et de forme. Dans tous les cas, la loi permet
toutefois qu’une telle reconnaissance puisse être attaquée en justice. Les moyens par lesquels
l’on peut attaquer la reconnaissance méritent d’être étudiés.
Selon l’article 41, al. 1, in fine, l’accouchement vaut reconnaissance à l’égard de la mère. A
l’égard du père, cette reconnaissance, conformément aux dispositions des articles 41 et 44 de
l’ordonnance de 1981, se fait soit par jugement, soit par déclaration devant l’officier d’état
civil au moment de la déclaration de naissance.
Dans le premier cas, il s’agit d’une reconnaissance judiciaire de l’enfant naturel. Le prétendu
père qui ne l’a pas reconnu au moment de la déclaration de naissance, peut le faire à la suite
d’une procédure judiciaire. Dans ce cas, il n’existe pas un délai pour intenter une telle action.
70
doit être signée par le père, la mère, les témoins et l’officier d’état civil avant l’établissement
de l’acte de naissance.
Dans tous les cas, lorsque l’action en contestation aboutit, l’enfant n’est plus rattaché à
l’auteur de la reconnaissance, et ce rétroactivement. L’enfant pourra alors être reconnu à
nouveau par celui qui apporte la preuve de l’exactitude biologique de la filiation dans les
conditions qui viennent d’être étudiées. Cette reconnaissance produira des effets juridiques.
Ensuite, la reconnaissance produit des effets rétroactifs, c’est-à-dire que l’enfant est réputé
avoir été rattaché dès le jour de sa naissance à celui qui l’a reconnu. En réalité, ce n’est pas la
reconnaissance, qui rétroagit, c’est la filiation préexistante qui aurait dû produire ces effets
dans le passé. La reconnaissance, sous ce rapport, est déclarative, non constitutive de droits.
71
Enfin, la reconnaissance produit des effets irrévocables, c’est-à-dire que celui qui a reconnu
l’enfant ne peut revenir là-dessus et faire cesser les effets de sa reconnaissance par un acte
contraire. En tout cas, si l’enfant n’a pas été reconnu par son prétendu père, il peut l’être de sa
propre initiative dans la procédure de recherche de paternité.
Lorsque le prétendu père ne reconnaît pas l’enfant naturel issu de son commerce, la loi permet
à l’enfant de rechercher son père afin d’établir sa filiation. Cette possibilité est prévue, en
droit camerounais, par l’article 46 de l’ordonnance de 1981. Il s’agit d’une procédure
essentiellement judiciaire dont les conditions de son exercice méritent d’être étudiées.
Ces conditions visent la personne pouvant l’intenter et les cas d’ouverture. Par rapport à la
personne ayant qualité pour l’intenter, c’est-à-dire le demandeur, l’article 46 ne vise que
l’enfant. Cela ressort de ce texte en ces termes :
« La mère pour l’enfant mineur, ou l’enfant majeur peut, par une requête à la juridiction
compétente, intenter une action en recherche de paternité ». On en déduit que c’est à l’enfant
seul qu’appartient l’action en recherche da paternité. L’intervention de sa mère ne vise que
pour remédier à son incapacité d’exercice en sa qualité de mineur.
Il faut ajouter que, du côté du défendeur, l’action n’est exercée que contre le père prétendu.
Toutefois, si ce dernier est décédé, l’action pourra être exercée contre ses héritiers.
Quant aux cas d’ouverture, l’ordonnance de 1981 n’est pas assez claire. On peut se référer à
l’article 340 du Code civil qui énumère 5 cas. Le premier cas renvoie à l’hypothèse
d’enlèvement ou viol durant la période légale de la conception (il faut préciser que cette
circonstance ne permet pas au prétendu père de reconnaître l’enfant, mais il est possible que
l’enfant puisse rechercher son père prétendu par la voie d’action en recherche de paternité).
Le deuxième cas repose sur la séduction accomplie à l’aide de manœuvres dolosives, abus
d’autorité, promesse de mariage ou fiançailles.
72
Le troisième cas repose sur un écrit non équivoque émanant du prétendu père. Il s’agit, en fait,
d’un diminutif de la reconnaissance volontaire ; c’est-à-dire d’une reconnaissance imparfaite
pour une raison de forme (la reconnaissance n’est pas faite dans les conditions prévues par
la loi) ou de fond (il y a eu manque de volonté affirmée de se rattacher l’enfant, par
exemple, les conseils d’avortement dans une lettre adressée à la mère).
Le quatrième cas repose sur l’état de concubinage notoire entre le prétendu père et la mère
pendant la période légale de conception.
Cependant, il faut dire que si ces différentes hypothèses peuvent servir de cas d’ouverture
d’action en recherche de paternité, l’article 46, al. 2, oppose une fin- de non- recevoir à toute
action lorsque pendant la période légale de conception, la mère a été d’une inconduite notoire
ou si elle a eu un commerce avec un autre homme ou si le père prétendu était dans
l’impossibilité physique d’être le père.
On envisagera les délais pour intenter l’action en recherche de paternité, sa procédure et ses
effets.
Relativement aux délais, l’al. 3 de l’article 46 de l’ordonnance de 1981 précise qu’à peine de
forclusion, l’action en recherche de paternité doit être : « a) par la mère dans le délai de deux
ans à compter de l’accouchement ou du jour où le père a cessé de pourvoir à l’entretien de
l’enfant ; b) par l’enfant majeur dans le délai d’un an à compter de sa majorité ».
Quant à la procédure, elle commence par une requête adressée soit au Tribunal de Grande
Instance, soit au Tribunal de premier degré. De toutes manières, les jugements rendus en
matière de recherche de paternité doivent être transcrits en marge des actes de naissance des
enfants concernés.
En ce qui concerne les effets de l’action, il faut dire que lorsque le juge accueille la demande
et déclare la paternité établie, cela produit les mêmes effets que ceux de la reconnaissance.
Mais il faut ajouter que la jurisprudence a consacré deux solutions en sus de ces effets.
73
Elle a estimé, d’une part, que la mère pouvait invoquer l’article 1382 du Code civil et obtenir
des dommages et intérêts si elle prouvait l’existence d’une faute lui ayant causé un dommage.
D’autre part, elle autorisait la mère à réclamer tout ou partie du remboursement des frais de
maternité. Ces solutions sont aujourd’hui consacrées par le législateur français dans l’article
340-5 du Code civil en ces termes : « Lorsqu’il accueille l’action, le tribunal peut, à la
demande de la mère, condamner le père à lui rembourser tout ou partie de ses frais de
maternité et d’entretien pendant les trois moins qui ont précédé et les trois qui ont suivi la
naissance, sans préjudice des dommages et intérêts auxquels elle pouvait prétendre par
application des articles 1382 et 1383 ». Au total, la reconnaissance de l’enfant naturel, qu’elle
ait été faite par le père ou par l’enfant lui-même le place dans une condition juridique qu’il
convient d’étudier.
La condition juridique des enfants naturels varie selon que la filiation paternelle est
légalement établie (Paragraphe 1) ou non (Paragraphe 2).
L’ordonnance de 1981 n’a pas envisagé le problème d’égalité entre les différentes filiations
(légitime et naturelle). En droits, les enfants naturels restent soumis à l’article 338 du Code
civil qui dispose que : « L’enfant naturel reconnu ne pourra réclamer les droits d’enfant
légitime ». Néanmoins, cette ordonnance permet que ces enfants naturels puissent, dans les
conditions prévues par le Code civil, être légitimés.
L’inégalité établie entre les filiations est consacrée aux articles 756-761 du Code civil. Selon
ces textes en effet, la loi n’accorde des droits aux enfants naturels sur les biens de leurs père
ou mère décédés que lorsqu’ils ont été légalement reconnus (soit la voie de reconnaissance ou
par celle de recherche de paternité). Dans ce cas, ils peuvent donc être appelés à la succession,
74
et ce de manière discriminatoire par rapport aux enfants légitimes.
Toutefois, il faut préciser que la loi ne leur accorde aucun droit sur les biens des parents de
leur père ou de leur mère.
De même, les enfants naturels ne peuvent prétendre à la totalité des biens que lorsque ses père
ou mère ne laissent ni descendants, ni ascendants, ni frères ou sœurs, ni descendants légitimes
de frères ou sœurs. Justement, lorsque leurs père ou mère en laissent, le droit héréditaire est
fixé comme suit : si le père ou la mère a laissé des descendants légitimes (enfants légitimes,
c’est-à-dire ceux issus du mariage), le droit héréditaire est de la moitié de la portion que
l’enfant naturel aurait eue s’il eût été légitime. Le droit est de trois quarts, lorsque le père ou la
mère ne laisse pas des descendants mais bien des ascendants ou des frères ou sœurs ou des
descendants légitimes de frères ou sœurs. L’égalité est rétablie lorsque les enfants naturels ont
été légitimés.
Par légitimation, l’enfant naturel dévient légitime. En droit camerounais, elle ne se fait que
par le mariage des père et mère de l’enfant naturel. Une fois établie, la légitimation produit
des effets qu’il convient d’étudier.
Les conditions sont relatives aux enfants naturels qui peuvent être légitimés et aux voies
possibles de légitimation par mariage.
S’agissant des enfants naturels qui peuvent être légitimés, il faut dire que la légitimation peut
bénéficier à tous les enfants naturels à partir du moment où leur filiation naturelle a été
légalement établie. En revanche, sont exclus du domaine de la légitimation, les enfants
incestueux et adultérins. Cela se justifie par le fait que ces derniers ne peuvent faire l’objet
d’une reconnaissance par leur prétendu père.
Mais, l’al. 2 de l’article 331 du Code civil apporte une nuance à cette exclusion. Selon ce
texte, les enfants adultérins peuvent être légitimés par le mariage de leurs père et mère
lorsqu’ils ont été désavoués par le mari de leur mère et la mère a fini par se remarier avec
l’amant, c’est-à-dire le père naturel. De même, les enfants adultérins apatre peuvent être
75
également légitimés lorsque les père et mère se marient par la suite, sauf à distinguer selon
que le père est préalablement marié sous la forme polygamique ou monogamique (dans le
premier cas, il peut se marier librement avec la fille libre de tout engagement matrimonial et,
par conséquent, légitimer l’enfant qu’il a eu et reconnu avec elle. Dans le second, par contre,
son mariage avec la mère de l’enfant reconnu n’est possible qu’après dissolution du premier
mariage par décès ou par divorce judiciairement prononcé).
Relativement aux voies de légitimation, l’ordonnance de 1981 en prévoit deux à son article
41. Il s’agit de la légitimation par mariage subséquent et la légitimation post nuptias.
- La légitimation post nuptias est celle où l’enfant est reconnu après le mariage.
Cela signifie que l’enfant naturel qui en bénéficie a été reconnu après la
célébration du mariage entre ses père et mère. L’article 41, al. 1, de
l’ordonnance de 1981 prescrit qu’une telle légitimation ne peut se faire que par
jugement. L’exigence de ce jugement vise à éviter les reconnaissances de
complaisance (lorsque la femme se remarie avec un amant qui n’est pas le père
de l’enfant) et les dissimulations des adoptions.
Qu’il s’agisse de la légitimation par mariage subséquent ou de celle dite post nuptias, toute
légitimation doit être mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant légitimé. Les
jugements qui autorisent la légitimation post nuptias doivent être transcrits, conformément à
l’article 41, al.3, de l’ordonnance 1981 en marge des actes de naissance.
La légitimation confère à l’enfant légitimé les droits et devoirs d’un enfant légitime. Cela
ressort de l’article 333 du Code civil en ces termes : « Les enfants légitimés par le mariage
subséquents ont les mêmes droits que s’ils étaient nés de ce mariage ».
76
Les enfants nés d’un commerce incestueux ne peuvent faire l’objet d’une reconnaissance ou
agir en recherche de paternité. Mais, l’article 342, al. 2, du Code civil leur permet de réclamer
des aliments sans que l’action pour effet de proclamer l’existence d’un lien de filiation dont
l’établissement demeure prohibé. Il s’agit d’une action à fins de subsides qui se définit comme
un droit, pour tout enfant naturel dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie, de
réclamer la pension alimentaire à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période
légale de la conception sur la seule preuve de celles-ci. Cette action obéit à des conditions et
produit des effets après son aboutissement.
Le demandeur est l’enfant naturel dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie. Le
prototypique est l’enfant naturel issu d’un commerce incestueux à qui on refuse la
reconnaissance et l’action en recherche de paternité. Mais il faut ajouter les enfants naturels
simples qui n’ont pas été reconnus soit par la voie de la reconnaissance, soit par celle de la
recherche de paternité.
L’article 342, al. 3 du Code civil précise, en termes de délais pour agir, que l’action pourra
être intentée pendant toute la minorité de l’enfant et, si elle n’a pas été intentée pendant
la minorité de l’enfant, celui-ci pourra l’intenter pendant toute l’année qui suivra sa
majorité.
Le défendeur à l’action doit être le père possible. L’action à fins de subsides ne repose pas sur
la paternité. Dans ces conditions, la mère n’a pas besoin de démontrer que le défendeur est le
père de l’enfant. Il lui suffit d’apporter la preuve que ce père possible a eu des relations
intimes avec elle durant la période légale de conception.
Toutefois, le défendeur pourra faire opposer une fin de non-recevoir à l’action en apportant la
preuve de la débauche de la mère ou celle de la non-paternité.
Aucun lien de filiation n’est établi juridiquement entre le père et l’enfant, même si le
jugement relève accessoirement que la paternité du défendeur apparaît inconstatable. Ainsi,
77
l’action produit des effets très limités. L’enfant obtiendra des subsides, c’est-à-dire une
pension alimentaire très largement calquée sur l’obligation légale d’entretien pesant sur les
parents. Les subsides se calculent selon les critères classiques des pensions alimentaires, donc
en fonction des ressources du débiteur et des besoins du créancier.
L’action à fins de subsides n’a pas de conséquence sur le plan personnel. Cette action ne
produit donc aucun des effets qui sont attachés à la filiation : le nom de l’enfant ne sera pas
modifié, par exemple.
78
CHAPITRE UNIQUE : LA FILIATION ADOPTIVE
La filiation adoptive est une création, par jugement, d’un lien de parenté d’origine
exclusivement volontaire, entre deux personnes qui, normalement, sont physiologiquement
étrangères. Il en existe deux formes, à savoir l’adoption simple et l’adoption plénière.
L’adoption simple est celle qui laisse subsister des liens entre l’enfant et sa famille d’origine.
Quant à l’adoption plénière en revanche, elle provoque une rupture de lien entre la famille
d’origine et l’enfant adopté et assimile ce dernier à un enfant légitime dans la famille
adoptive.
Sans entraîner la rupture des liens avec la famille d’origine de l’adopté, l’adoption simple,
pour être valable et produire d’effets (Paragraphe 2), obéit aux conditions (Paragraphe 1) qu’il
convient d’examiner.
Conformément à l’article 343 du Code civil, l’adoption ne peut avoir lieu que s’il y a de justes
motifs et que si elle présente des avantages pour l’adopté. Pour préserver ainsi ces intérêts, la
79
loi impose des conditions de fond (A) et celles de procédure (B).
Relativement à la personne de l’adoptant, c’est-à-dire celle qui adopte, elle peut être de l’un
ou de l’autre sexe, et ce quelle que soit sa nationalité. Cela signifie qu’un Camerounais peut
adopter un étranger ou un étranger peut adopter un Camerounais. La condition exigée
concerne la différence d’âge qui doit exister entre l’adoptant et l’adopté.
Cette différence d’âge, conformément à l’article 344 du Code civil varie que l’adoption
simple est individuelle ou conjugale. Dans le premier cas, l’adoptant doit avoir plus de 40 ans.
Il faut préciser que lorsque l’adoptant est marié, le consentement de son conjoint est
nécessaire, sauf lorsque celui-ci est dans l’impossibilité de manifester sa volonté ou s’il y a
séparation de corps entre les époux.
Dans le second, c’est-à-dire lorsque l’adoption est demandée conjointement par deux époux
non séparés de corps, la condition d’âge connaît un tempérament. L’article 344 du Code civil
admet cette adoption à la triple condition :
a. L’un des époux au moins doit avoir plus de 35 ans. Néanmoins, les adoptants devront
avoir 15 ans de plus que les personnes qu’ils se proposent d’adopter. Cette différence
d’âge est réduite à 10 ans si les personnes à adopter sont les enfants de leur époux. La
différence d’âge peut davantage être réduite par dispense du Président de la
République.
c. Le couple ne doit pas avoir eu d’enfants de leur mariage. Toutefois, il faut préciser que
l’existence d’enfants légitimes par adoption ne fait pas obstacle à l’adoption (art. 344,
al. 2).
Parler de la catégorie d’enfants adoptables est sans portée pratique pour l’adoption simple, car
toute personne, majeure ou mineure, est susceptible d’une telle adoption, sauf à préciser
80
que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux. Il ne se pose
qu’une question de consentement.
Lorsque l’adopté est majeur, il doit consentir personnellement à son adoption. S’il est marié,
le consentement de son conjoint est également nécessaire, sauf si celui-ci est dans
l’impossibilité de manifester sa volonté ou s’il y a séparation de corps entre les époux.
Lorsque l’adopté est mineur, en revanche, ses père et mère doivent consentir l’un et l’autre à
l’adoption. Mais, si l’un des deux est décédé ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté,
le consentement de l’autre suffit.
Si les père et mère sont divorcés ou séparés de corps, le consentement de celui des époux au
profit duquel le divorce ou la séparation de corps a été prononcée et qui a la garde de l’enfant
suffit.
Si le mineur n’a plus ni père ni mère, ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur
volonté, le consentement est donné par le conseil de famille.
Dans tous les cas, l’acte d’adoption doit requérir certaines formalités et suivre une procédure.
Selon l’article 358 du Code civil, la personne qui se propose d’adopter et celle qui veut être
adoptée, si elle est majeure, ou si, même mineure, elle a atteint l’âge de 16 ans, doivent se
présenter devant un notaire, pour y passer acte de leurs consentements respectifs. Il ressort
que l’acte d’adoption doit être un acte authentique.
Relativement à la procédure d’adoption, l’article 360 du Code civil précise que l’acte
d’adoption doit être homologué par le tribunal du domicile de l’adoptant. Il est saisi par une
requête du représentant légal de la partie la plus diligente, à laquelle est jointe une
expédition de l’acte d’adoption.
Le tribunal, réuni en chambre de conseil, après s’être procuré les renseignements convenables,
vérifie si toutes les conditions de la loi sont remplies, s’il de justes motifs de l’adoption et si
celle-ci présente les avantages pour l’adopté.
La décision d’homologation ne peut intervenir qu’après avoir entendu le procureur de la
République. Le jugement qui admet l’adoption est prononcé à l’audience publique. Un extrait
en est inséré dans un journal d’annonces légales publié au lieu du domicile de l’adoptant.
81
Dans les trois, le dispositif du jugement est transcrit sur les registres de l’état civil du lieu de
naissance de l’adopté à la demande du représentant légal qui a obtenu le jugement ou de l’une
des parties intéressées. L’adoption pourra lors produire tous ses effets.
L’adoption simple produit ses effets à l’égard des parties à partir du jugement
d’homologation. A l’égard des tiers, elle ne leur est opposable qu’à partir de la transcription
de la décision d’homologation. Dans tous les cas, les effets de l’adoption simple méritent
d’étudiés tant à l’égard de la famille adoptive (A) qu’à l’égard de celle d’origine (B). En
sus, il convient d’examiner également la possibilité de révocation offert à l’adoptant (C).
Par l’adoption, l’adopté entre dans la famille de l’adoptant. Ainsi, se créent des rapports aussi
bien sur le plan personnel que sur le plan patrimonial.
Sur le plan personnel, le lien de parenté résultant de l’adoption crée des empêchements à
mariage et entraîne l’exercice de l’autorité parentale.
Toutefois, le même texte, in fine, prévoit que les prohibitions aux mariages portées aux
alinéas3 et 4 ci-dessus peuvent être levées par décret, s’il y a des causes graves.
En ce qui concerne, et c’est le second cas, l’autorité parentale, l’adoptant est seul investi de
tous les droits de l’autorité parentale à l’égard de l’adopté. Néanmoins, en cas d’adoption de
82
l’enfant du conjoint, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, mais
celui-ci en conserve l’exercice.
Les rapports sur le plan patrimonial concernent les droits successoraux et l’obligation
alimentaire. S’il est vrai que l’enfant adopté a sur la succession de l’adoptant les mêmes droits
que ceux qu’y auraient les enfants ou descendants légitimes, il n’en demeure pas moins vrai
que ces droits sont limités. En effet, conformément à l’article 356 du Code civil, l’adopté et
ses descendants légitimes n’acquièrent aucun droit de succession sur les biens des parents de
l’adoptant. On en conclut donc que dans les rapports entre l’adopté et la famille de
l’adoptant, la règle est que l’adopté a les mêmes droits successoraux que tout autre enfant
mineur, sans acquérir la qualité d’héritier réservataire à l’égard des ascendants de l’adoptant.
Par rapport à l’obligation alimentaire, l’article 355 la fait peser réciproquement à la fois sur
l’adopté et sur l’adoptant. Selon ce texte, l’adopté doit des aliments à l’adoptant s’il est dans
le besoin et, réciproquement, l’adoptant doit des aliments à l’adopté.
Il faut partir de l’idée que l’adoption simple n’entraîne pas la rupture entre l’adopté et sa
famille d’origine. L’adopté reste dans sa famille d’origine. A ce titre, il y conserve tous ses
droits, notamment ses successoraux. L’enfant adopté aura donc des droits successoraux dans
les deux familles. Réciproquement, si l’enfant adopté décède sans postérité, ses deux familles
ont une vocation successorale. Chaque famille reprend ce qu’elle avait pu donner (art. 357
dispose que : « Si l’adopté meurt sans descendants légitimes, les choses données par
l’adoptant, ou recueillies dans sa succession, et qui existent en nature lors de du décès de
l’adopté, retournent à l’adoptant ou à ses descendants même adoptifs) et on partage en deux ce
qui reste.
En outre, l’obligation alimentaire continue d’exister entre l’adopté et ses père et mère
d’origine. Mais, les père et mère de l’adopté ne sont tenus de lui fournir des aliments que s’il
ne peut les obtenir de l’adoptant.
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C. LA POSSIBILITE DE REVOQUER L’ADOPTION SIMPLE
La possibilité de révoquer l’adoption simple est prévue par l’article 367 du Code civil. Selon
ce texte, l’adoption simple peut être révoquée, s’il est justifié de motifs graves, par une
décision de la juridiction compétente rendue à la demande de l’adoptant ou de l’adopté. On en
conclut, sur ce point, que la révocation de l’adoption simple peut être obtenue à la requête soit
de l’adoptant, soit de l’adopté.
Toutefois, le législateur apporte une limite à cette possibilité en interdisant toute demande de
révocation d’adoption lorsque l’adopté est encore mineur de moins de 13 ans.
Dans tous les cas, lorsque le jugement prononçant la révocation de l’adoption simple est
transcrit sur les registres d’état civil, cette révocation produit un certain nombre d’effets. Elle
fait cesser, pour l’avenir, tous les effets de l’adoption. Mais, il faut préciser que l’adoptant
ou ses descendants gardent, sur les biens donnés, le droit de retour prescrit par l’article
357 du même Code. Toutes choses qui permettent de distinguer l’adoption simple de la
légitimation adoptive.
Conformément à l’article 368 du Code civil, la légitimation adoptive ne peut être demandée
que conjointement par les époux non séparés de corps remplissant les conditions d’âge
exigées par l’article 344 du même Code civil et n’ayant ni d’enfants ni descendants légitimes.
Il ressort de ce texte qu’à l’égard de l’adoptant, deux séries de conditions doivent être
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remplies.
La première série renvoie aux personnes pouvant adopter et aux conditions d’âge posées par
l’article 344 du Code civil. L’article 368 du Code civil n’offre la voie de légitimation adoptive
qu’au couple marié non séparé de corps. Cela va de soi dans la mesure où le terme «
légitimation d’enfant » suppose l’existence d’un mariage entre les parents. On en déduit
donc qu’il est interdit aux couples non mariés de légitimer un enfant, soit-il adopté.
En ce qui concerne les conditions relatives à l’âge des adoptants, il s’agit des mêmes
conditions que celles qui sont étudiées en matière d’adoption simple (cf. conditions de
l’adoption simple relatives à l’adoptant).
La seconde série de conditions repose sur le fait que les prétendus adoptants ne doivent avoir
ni d’enfants ni descendants légitimes. Cela signifie qu’un couple marié ayant eu d’enfant ne
peut pas procéder à la légitimation adoptive d’un enfant.
Mais cette règle souffre d’une exception. En effet, l’existence d’enfants légitimés par
adoption ne fait pas obstacle à de nouvelles légitimations adoptives.
La légitimation adoptive n’est permise qu’en faveur des enfants âgés de moins de 5 ans
abandonnés par leurs parents ou dont ceux-ci sont inconnus ou décédés. En enfant, pour faire
l’objet d’une légitimation adoptive, l’enfant à adopter doit avoir moins de 5 ans.
Pour ce faire, lorsque ces conditions d’âge sont réunies, l’enfant à adopter doit avoir été
abandonné par ses parents, c’est-à-dire que ceux-ci se sont manifestement désintéressés de lui
en le confiant, par exemple, à l’orphelinat. Peut faire également l’objet d’une légitimation
adoptive, l’enfant de moins de 5 ans dont les parents sont inconnus ou sont décédés. Pour le
premier, il s’agit généralement des enfants trouvés (cf. Cours de droit des personnes). Pour le
second cas, les parents de l’enfant sont bien connus, mais décédés.
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PARAGRAPHE – 2 – LA PROCEDURE DE LA LEGITIMATION ADOPTIVE
La légitimation adoptive ne peut résulter que d’un jugement rendu sur requête en audience,
après enquête et débat en chambre du conseil. La procédure obéit à celle étudiée en matière
d’adoption simple (cf. supra). En tout cas, le jugement de légitimation adoptive confère à
l’enfant le nom du mari. La mention de la légitimation adoptive sera faite en marge de l’acte
de naissance de l’enfant, à la diligence du représentant légal, dans les trois mois du jugement,
à peine des sanctions.
L’article 370 du Code civil détermine les effets de la légitimation adoptive en ces termes : «
L’enfant qui fait l’objet d’une légitimation adoptive cesse d’appartenir à sa famille naturelle
sous réserve des prohibitions au mariage visés aux articles 161, 162, 163, du présent Code. Il
a les mêmes droits et les mêmes obligations que s’il était né du mariage ». De ce texte, il en
ressort que la légitimation adoptive produit ses effets aussi bien à l’égard de la famille
adoptive qu’à l’égard de celle d’origine.
Dans le premier cas, l’enfant adopté entre dans la famille adoptive. Ce changement transparaît
sur les actes d’état civil. L’enfant adopté est donc considéré comme un enfant légitime. Il a les
mêmes droits et obligations que celui qui est né dans le mariage.
Dans le second cas, l’enfant adopté cesse d’appartenir à sa famille naturelle. Ce qui signifie
que l’enfant n’a plus le droit sur la succession de celle-ci. Mais, le législateur le soumet aux
prohibitions à mariage entre proches.
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