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REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

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Paix – Travail – Patrie Peace – Work - Fatherland
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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MINISTRY OF HIGHER EDUCATION
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UNIVERSITY OF DOUALA THE UNIVERSITY OF DOUALA
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FACUTÉ DES SCIENCES FACULTY OF LAW AND
JURIDIQUES ET POLITIQUES POLITICAL SCIENCES
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DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC PUBLIC LAW DEPARTMENT

Année académique 2023-2024 – Licence II (semestre 3)

DROIT ADMINISTRATIF GENERAL


Cours du Pr MOMO Claude
Agrégé Maitre de Conférences

Assisté du Dr MFOYOUOM Guy Herman


Maitre-Assistant CAMES

INTRODUCTION

SECTION1 : INTRODUCTION GENERAL DU DROIT ADMINISTRATIF

On a deux termes : Droit et Administratif

Droit, nous le connaissons déjà.

Administratif vient du mot administration, qui sert à étendre l’intérêt général du


service public. L’exercice de cette mission va nécessiter des pouvoirs exorbitants. Ils sont
appelés prérogatives de puissance publique, qui donne naissance à l’exorbitance.

L’expression « droit administratif » n’est pas des plus claires. Cette notion est le
produit aléatoire d’une évolution historique française. Le droit administratif est un miracle
comme le dit la doctrine française. Le droit administratif est inséparable de son contexte
publiciste comme branche du droit public ayant pour objet la souveraineté en action, l’État en
mouvement. Le droit applicable à l’administration reflète inévitablement le caractère écrit du
droit public.

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Dans une conception « large », l’administration recouvre l’ensemble des personnes
morales ayant une mission d’administration (mission de service public). Il s’agit d’organes
publics ou des organismes à statut privé. Biens souvent ces personnes correspondent à des
collectivités, c’est-à-dire à un groupement humain présentant une certaine homogénéité.
L’État lui-même se trouve répondre à cette définition. Les autres collectivités lui sont
subordonnées. Elles sont infraétatiques (à l’intérieur de l’État communes, région…). Elle
correspond à une fraction de la collectivité étatique. Elle s’identifie aux personnes morales de
droit public différent des personnes morales de droit privé d’où la summa divisio entretenue
dans l’hémisphère romano-latin entre le droit public et le droit privé.

L’administration c’est aussi des personnes physiques. Elles agissent pour le compte
des personnes morales et leurs statuts sont très différenciés : le Président de la République,
membre du gouvernement, élus locaux, préfet, fonctionnaires et agents contractuel.

L’administration c’est l’ensemble des activités qui, selon certaines modalités, tendent
au maintien de l’ordre public et à la satisfaction des autres intérêts généraux. C’est la
conception que semble retenir l’imaginaire africain. Mais l’administration peut être aussi le
fait de certaines personnes privées.

Le droit administratif qui se veut être la base scientifique du droit public est issu d’une
longue évolution historique.

A- La genèse du droit administratif

Né d’une histoire tourmentée de la France révolutionnaire, le droit administratif


contemporain plonge les racines dans la Rome antique et dans l’ancien régime français avec
l’Édit de Saint Germain de 1641. Il faudra attendre la révolution française pour voir la
transformation de ce droit et sa présentation sous son aspect moderne, notamment l’article 13
de la loi des 16 et 24 août 1790 qui établit selon la conception de Montesquieu la séparation
entre l’administration active et la justice (ce principe sera réitéré par le Décret du 16 Fructidor
An VIII). Celle-ci se manifeste par une séparation des autorités administratives et judiciaires,
par l’interdiction faite à l’autorité judiciaire (héritier des parlements dans ce régime hostile
aux révoltes du régime) de se mêler de l’action des autorités administratives. C’est ce
paradoxe qui va aboutir à l’affirmation de l’autonomie du droit administratif. Les litiges qui
pourraient naitre de leur fait seront tranchés par ces autorités et au sommet par le chef de
l’État, s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État créé en l’An VII (8) par Napoléon
BONAPARTE.
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Le Conseil d’État devient effectivement juge de l’activité administrative et très
normalement le droit consacre cette évolution, notamment par la loi de 1872 qui en même
temps qu’elle crée le Tribunal des conflits, confie au Conseil d’État la qualité de juridiction et
lui permet d’élaborer un droit propre à l’administration, un droit qui se distingue du droit
privé. Des théoriciens principalement des professeurs de droit et les membres du Conseil
d’État vont systématiser les raisons d’être du droit administratif à travers l’étude de son
autonomie et les fondements de droit nouveau.

B- L’AUTONOMIE DU DROIT ADMINISTRATIF

Dès le 19e siècle, alors que se développait les juridictions administratives, s’est posée
la question du droit qu’elles doivent appliquer à l’administration. Est-ce le droit public sous
réserve de certaines règles propres ou un droit spécial décoratoire par rapport au droit privé ?

Avec l’affirmation de l’autonomie du droit administratif, le dualisme juridictionnel


(deux lois - deux juges) consécutif à la séparation s’est accompagné d’un dualisme juridique.
C’est ce qui conduit toujours à poser les mêmes questions. La réponse à la question du droit
applicable apparait peu à peu puis s’affirme avec éclat dans le célèbre arrêt du Tribunal des
conflits du 8 février 1873 Blanco (rechercher les faits et les résolutions de Blanco). l’arrêt
Blanco affirme au plan jurisprudentiel l’autonomie du droit administratif en posant de
manière claire qu’on ne peut y appliquer les règles qu’on applique à une personne particulière.
Ainsi naît le droit administratif de la responsabilité.

Le régime administratif se définit dans la conception française par l’existence d’un


juge administratif et par la liberté lassée à ce dernier d’écarter le droit privé entant que droit
autonome. Le droit administratif n’est à l’évidence qu’une partie de l’ensemble des nomes
juridiques qui régissent l’administration plus précisément. Il s’agit de l’ensemble des normes
qu’applique le juge administratif pour trancher les litiges qui relèvent de sa compétence.

L’autonomie du droit administratif au sein du droit public n’est que relative, avec la
constitutionnalisation du droit administratif. De même, l’exorbitance qui était la
caractéristique de ce droit semble progressivement s’éviter avec la banalisation du droit
administratif et des personnes privées. La notion deux droits deux juges, la compétence sur le
fond devient tout relative et sape les fondements du droit administratif.

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C- Les fondements théoriques du droit administratif

Le fondement c’est la raison d’être, la justification de ce qui autorise une action c’est-
à-dire l’élément essentiel servant de base. Sur le plan biologique on appelle racines. Ce sur
quoi repose une discipline. La référence au fondement chez les juristes renvoie ainsi à la
raison qui justifie la discipline. Ce fondement peut être théorique, historique ou idéologique
au droit administratif. Il est plus théorique qu’historique. A cet égard, trois juristes acquièrent
une grande autorité. Edouard LAFERRIERE dégage le principe du contrôle administratif. Il
est aussi à l’origine de la notion des actes d’autorité ; et l’école de la puissance publique
portée par Maurice HARIOU insiste sur les prérogatives de l’autorité administrative qui
constitue la puissance publique, tout en s’opposant à la notion de service public. On l’a encore
appelée l’école de Toulouse.

De son côté, Léon DUGUIT met en évidence les fonctions de l’administration, la


satisfaction par celle-ci de l’intérêt général. « Les services publics », concept central de cette
école, qui peuvent structurer tout le droit administratif autour de cette notion. Cette école a eu
de nombreuses personnes au sein duquel Louis ROLLAND, GASTON.

La question de fondement est l’une des plus difficiles du droit administratif. Elle
impose en effet le pouvoir déterminé de manière objective les cas dans lesquels il convient
d’appliquer à l’administration un régime de droit public que du droit privé. C’est la question
de critère de droit administratif. Pari stupide car la doctrine n’a jamais vraiment réussi à la
résoudre. La diversité de situations juridiques appliquées à l’administration, la supposition des
gestions de compétences vont au-delà des querelles d’école service public - puissance
publique, de la question du critère d’un problème pratiquement insoluble et aujourd’hui
d’ailleurs largement dépassé comme le montre si bien le professeur Jacques CHEVALLIER
dans la fin des écoles.

D- Les caractères du droit administratif

Les traits caractéristiques du droit administratif sont nombreux. Mais sa spécificité est
révélée par les caractères suivants : inégalitaire, prétorien, autonome.

1- Droit inégalitaire
Ce caractère tient compte de la formation du droit administratif. Il a été pensé connu à
un droit inégalitaire pour faciliter l’action des personnes publiques en tant que droit de
privilèges. Il reflète le monopole de la contrainte concédée à l’État et partant, à son

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administration, en vue de remplir sa mission d’intérêt général tout en assurant la primauté des
faits étatiques sur les faits particuliers. L’administration dispose ainsi des prérogatives
d’actions, mais à l’ère de l’État de droit, ces prérogatives se rationalisent sous la contrainte de
la démocratie administrative et la protection de droit. La recherche de cet équilibre est
essentiellement de la responsabilité du juge d’où son caractère jurisprudentiel.
2- Droit prétorien
Le droit administratif est ici encore un droit jurisprudentiel ; sans vouloir l’exprimer, il
n’y a pas de sources écrites. L’on veut dire que cette interrogation qu’en l’absence de Cour,
les grandes lignes du droit administratif ont été désignées par le juge administratif d’où
l’existence en droit administratif des PGD. L’appréciation du caractère prétorien est de l’ordre
qualificatif, méthodique et non quantitatif. Mais la jurisprudence ne peut dénicher la seule
source du droit administratif en Afrique subsaharien Anglophone, on ne assiste à la
prépondérance de caractère.

Le caractère prétorien vient du fait que pour éviter l’obscurité, le silence du droit écrit
ne doit pas être un obstacle pour le juge qui doit toujours dégager des constructions juridiques
nouvelles pour accéder à l’administration. Ce qui donne naissance à des règles évolutives.
Cela n’est pas un gage de sécurité juridique. C’est le principal inconvénient du caractère
jurisprudentiel du droit administratif. C’est un droit complexe difficilement accessible pour
les non-écrits initiés qui doivent connaitre les arrêts du juge administratif pour élucider la
subtilité de ce droit. Heureusement, tel n’est pas le cas du droit administratif en Afrique sub-
saharienne Anglophone d’où la question de son existence.

Section 2 : DE L’EXISTENCE DU DROIT ADMINISTRATIF EN AFRIQUE SUB-


SAHARIENNE FRANCOPHONE.

La question de l’existence d’un droit administratif africain devrait permettre de dire


s’il existe pour l’Afrique un droit administratif. Cette question revient à constater ou non la
présence d’une famille africaine. Il convient d’étudier les arguments qui militent en faveur
d’un rejet de l’existence d’un droit administratif africain et les arguments d’un droit
administratif autonome et original en Afrique sub-saharien francophone.

A- Le rejet de l’existence du droit administratif


La théorie du mimétisme (la greffe et le rejet) : le mimétisme a constitué une
explication satisfaisante pour une partie de la doctrine africaniste dans la justification de la
réception du droit administratif en Afrique francophone. Une opération juridique s’est opérée

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à l’aube des indépendances africaines. Elle se manifeste dans la théorie de la reconduction
législative comme fondement de l’applicabilité du droit administratif français en Afrique sub-
saharienne.
La doctrine du mimétisme juridique développée par le Professeur G. TIMSIT et
reprise par le Professeur Joseph Marie BIPOUN-WOUM dans un article célèbre publié en
1972 intitulé « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif
dans les États d’Afrique noire d’expression française : le cas du Cameroun », RJPIC,
1972 p. 358. Pour cette école, le Droit administratif africain s’est contenté de reproduire dans
notre contexte le droit français. C’est la principale thèse du Professeur René DEGNI SEGUI
qui développe la thèse du patrimoine commun. Cette école du mimétisme sera relativisée,
voire refusée par l’école de l’originalité de l’autonomie du droit africain.

B- L’école d’autonomie du droit africain


Certes, le droit administratif s’est élaboré à partir du droit français ; mais il commence
à se démarquer de ce dernier à partir de l’époque coloniale en se fondant sur un contexte
idéologique nouveau dans la première décennie de l’indépendance. C’est ce qu’elle va appeler
la théorie de la construction nationale qui essaye de justifier l’intérêt général à travers cette
notion. Cette thèse est développée par le Professeur Maurice KAMTO, mais elle aurait été
initiée par le politiste Augustin KONTCHOU. D’un autre côté, le Professeur Joseph OWONA
introduit une menace, voire une spécificité pour illustrer l’originalité du droit administratif
africain. C’est ce qu’il appelle dans une étude en 1975 la légalité d’exception.
Se fondant sur ses prémisses, le Professeur Magloire ONDOA défend la thèse de
l’autonomie des droits africains en convoquant deux arguments :
 Celui du principe de la spécialité législative tiré de la lettre de Cachet depuis 1774
selon laquelle : « le droit métropolitain n’était pas immédiatement applicable aux
colonies ». Ce principe viendra remettre en cause la théorie de la reconduction de
l’ordre juridique coloniale ;
 Le deuxième argument du Professeur remettant en cause la thèse du mimétisme
juridique est la reconnaissance issue de l’ordre colonial comme socle primitif de
l’ordre juridique. Il affirme « homonymie de concept mais divergence de contenu »
d’où les caractéristiques propres à un ensemble d’États africains ;
 Un droit prioritairement marqué par les pouvoirs exorbitants de l’administration ;
 Un droit pour l’administration et par l’administration ;

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 Un droit fortement textuel dont les règlements formulent la grande partie des règles,
un droit légiféré ;
 Un juge limité par son profil et la marge de manœuvre qui lui est donné ;
 Une distinction des sources, chaque État ayant son droit administratif propre.
Ces éléments caractéristiques n’empêchant pas la crise et la mutation du droit
administratif contemporain face à la nouvelle donne idéologique. Le droit administratif
change. Il a été en crise, il se transforme.

Section 3 : LA TRANSFORMATION DU DROIT ADMINISTRATIF

La doctrine s’accorde à penser quel droit administratif commence à changer derrière la


référence à la crise. Il y a toutes les incertitudes qui accompagnent les mutations que traverse
le système juridique. L’hégémonie du droit administratif dans l’explication du phénomène
administratif est fondamentalement remise en cause. La réforme de l’État au cœur du discours
politique actuel envisage la transformation publique en jeu de la modernisation administrative
dans un cadre libéral tel que voulu par les bailleurs de fonds internationaux.
Pendant que d’un côté, la constitutionnalisation et l’internationalisation des sources
désignent progressivement de nouveaux contours à la discipline ou bien à l’unité du droit. La
science administrative en faisant le procès du droit administratif la concurrence et explique les
interrogations relatives à la banalisation du droit administratif à son déclin, voir à sa
suppression.
Le nouveau droit administratif n’est plus celui d’interrogation de prérogatives
exorbitantes, mais celui de la soumission au droit commun dans le souci de protéger les
finances publiques. Le nouveau défi de l’administration camerounaise c’est l’impartialité ou
la neutralité dans la décision à prendre pour servir l’intérêt général ou la chose publique dans
le cadre de la bonne gouvernance.
Le rapport entre l’administratif et le droit semble évidente car, il est difficile
d’imaginer une administration sans droit et vice versa. Pour différentes raisons, il est
souhaitable que l’administration soit soumise à l’État de droit. Selon CARRE de MALBERG,
« l’Etat de droit c’est un Etat qui, en même temps formule les prescriptions relatives, assurent
aux administrés comme sanction de ces règles un pouvoir juridique d’agir devant une
autorité juridictionnelle … ». Il convient ainsi d’étudier l’instauration du principe de l’Etat de
droit mais l’administration doit être soumise au droit, d’où la nécessité d’étudier les sources
de la légalité admirative.

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Première partie :

L’ADMINISTRATION ET SON DROIT

CHAPITRE 1 :

LE PRINCIPE DE LEGALITE

Section 1 : LA SIGNIFICATION DE LA LEGALITE

Charles EINSENMANN analysant ce concept de légalité estimait que, dans son


fondement historique comme dans son sens cognitif la notion de légalité « stricto sensu »
signifie la conformité de l’acte administratif par rapport à la loi. Or, l’auteur constate que dans
sa signification réelle, le principe de légalité explique l’idée que l’acte administratif doit
respecter non seulement la loi au sens formel du terme, mais également d’autres normes
juridiques telles que la Constitution, les traités internationaux, les décisions administratives
etc.
Pour cet auteur, l’appellation principe de légalité ne correspond plus à la réalité qu’elle
semble évoquer. Il propose une nouvelle appellation qu’il dénomme principe de juridicité.
Cette dernière ne va pas rentrer dans l’histoire et c’est la notion de principe de légalité qui
sera maintenu, ce principe comporte des obligations :
 L’obligation de conformité ;
 L’obligation d’initiative ;
 L’obligation de compatibilité.

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Chapitre 2 :

LES SOURCES ECRITES DU DROIT ADMINISTRATIF

Le droit, la légalité s’impose à l’administration comme il s’impose au particulier. La


soumission de l’administration au droit domine toute la théorie des actes administratifs. Elle
est une garantie des citoyens, des administrés contre l’arbitraire, l’incohérence ou
l’inefficacité de l’action administrative. Parfaite notion, le droit administratif se veut être un
rempart contre l’arbitraire pour l’administration. Le droit administratif est-il un droit de
privilèges ou un rempart contre l’arbitraire administratif ?
Les sources du droit sont nombreuses, diversifiées et hiérarchisées. Une distinction
peut être faite entre d’une part les règles écrites extérieures à l’administration au sommet
desquelles se situe la Constitution, norme suprême escortée par son préambule, puis les traités
et les lois stricto sensu. D’autre part, les règles posées par le juge qui interprète et révèle le
droit par une jurisprudence.

Section 1 : LES REGLES EXTERIEURES A L’ADMINISTRATION

Elle concerne essentiellement les sources constitutionnelles, les normes internationales et


les lois.
I- LES SOURCES CONSTITUTIONNELLES
La pyramide de normes de Hans KELSEN se hiérarchise comme suit :
La norme suprême de l’Etat est la constitution –
Les traités internationaux
La loi
Le décret
La circulation.
Cette théorie de Hans KELSEN encore appelée le positivisme.
La constitution est formée par l’ensemble des dispositions qui occupent le sommet de
la hiérarchie et s’imposent à toutes les autres (grund norm). Il parait même difficile
d’imaginer ce que pourrait être dans le droit positif une supra constitutionnalité interne qui
sera controversé au sein de la doctrine juridique. L’implication du principe de primauté de la
Constitution met en exergue la notion de bloc de constitutionnalité avec l’émergence d’un

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juge de la constitutionalité des lois au Cameroun qui pourrait favoriser l’avènement d’une
constitutionnalisation du droit notamment du droit administratif.
Qu’est-ce-que la constitutionnalisation du droit ? Assiste-t-on à la
constitutionnalisation du droit administratif au Cameroun ? L’avènement d’un bloc de
constitutionnalité fait la part belle au préambule ou décision au juge constitutionnel qui
interprète ou fait de la Constitution un droit vivant.

A- Le préambule
Une controverse doctrinale a longtemps nourri les débats juridiques sur la valeur
juridique du préambule. Le problème était de savoir si les principes inscrits dans le préambule
avaient valeur de droit positif.
En France, dans une décision du 16 juillet 1971, relative à la liberté d’association a
reconnu la valeur constitutionnelle au préambule de la Constitution.
Au Cameroun, le débat a été tranché par le juge administratif dans les arrêts de 1972
MOUELLE KOULA Eitel et TCHANA NANA Daniel qui reconnaissaient la portée juridique
du préambule de la Constitution en estimant que l’autorité administrative était tenue de
respecter les principes inscrits dans le préambule pour soutenir l’illégalité du décret
présidentiel portant dissolution de l’association des témoins de Jéhovah.
Au demeurant, la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 a clos le débat en affirmant
la valeur juridique du préambule (article 65). Cette position a reçu une confirmation par la
Cour suprême du 14 décembre 2005 dans l’affaire MOUKON A EBONG contre Etat du
Cameroun. A partir du préambule, le juge constitutionnel français dans sa mission
d’interprétation a pu dégager des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
république (PFRLR) et des principes nécessaires à notre temps, à côté des normes du
dispositif de la Constitution.

B- Les normes issues du dispositif de la Constitution


C’est ici que se noue l’avènement de la constitutionnalisation du droit administratif
partant de l’idée des bases constitutionnelles du droit administratif du Doyen Georges
VEDEL, on recouvre les règles qui détermine les pouvoirs du Président, du Premier ministre
relevant du domaine réglementaire, l’organisation des services publics, la nomination aux
emplois civils et militaires.
En outre, la Constitution fait la distinction entre le domaine de la loi et du règlement
crée des services publics, la nomination aux emplois civils et militaires.

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C’est par la Constitution que se développe le droit administratif des institutions, mais
l’absence de contrôle de constitutionnalité effective dû à l’inexistence dans le contexte
camerounais de l’exception d’inconstitutionnalité (contrôle de la constitutionnalité) fait que
les décisions du juge constitutionnel sont rares. La notion de loi-écran et l’absence de saisine
a priori de ce juge font de son office un accès difficile.
Ce contrôle de constitutionnalité difficilement opposé par le juge constitutionnel au
Cameroun est de plus en plus ouvert en France avec l’avènement depuis 2008 de la QPC
(Question Prioritaire de Constitutionnalité) qui a redynamisé le contrôle de constitutionnalité
et a fait de la Constitution un droit vivant pour administrer le citoyen comme était le cas pour
les traités internationaux dans le cadre du contrôle de conventionalité.

II- LES NORMES INTERNATIONALES


Le droit d’origine international a pris une importance quantitative non négligeable au
cours de ces deux dernières décennies en Afrique sub-saharienne francophone notamment
parmi les sources du droit administratif assurant ainsi un état supérieur dans la construction de
l’Etat de droit en Afrique sous l’influence de l’idéologie libérale. Les traités internationaux
d’intégration régionale à vocation économique ont connu un essor remarquable dans le
continent africain. Ainsi, les traités CEMAC, CIMA, OHADA… régissent désormais les
activités les plus nombreuses. D’autres traités imposent à l’autorité administrative dans
l’exercice de liberté (charte africaine des droits de l’Homme, déclaration universelle des droits
de l’Homme…) d’où la notion de droit administratif global.
La notion de norme internationale doit être entendue largement. Elle désigne toute
norme juridique incluant un élément d’extranéité organique. Ce type de norme n’émane donc
pas de la volonté unilatérale des autorités nationales, mais résulte d’une négociation puis d’un
accord de volonté entre ces autorités et celles d’un ou plusieurs États ou organisations
internationales. Ce trait distingue fondamentalement une telle norme des normes internes et
autorisent à rassembler sur le même vocable divers types d’actes que l’on appellera traité,
convention et accord international.
Le droit interne à travers la Constitution régit les rapports entre l’Etat et le droit
international et la hiérarchie des normes qui en découle. Les exceptions en droit interne nous
avons deux conceptions : la conception dualiste ; la conception moniste.
Dans la conception moniste, les traités internationaux sont supérieurs à la Constitution. La
conception dualiste, le droit international et le droit interne sont deux normes séparés et la
constitution demeure la norme suprême.

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 La constitution et le droit international ;
 Hiérarchie, traité, loi.
La supériorité des traités sur les lois posée à l’article 55 de la Constitution française
n’est pas purement théorique. Si le Conseil constitutionnel français a décliné sa compétence
pour la garantir (décision du Conseil, janvier 1975 loi IVG (Interruption Volontaire de
Grossesse), le juge administratif a admis plus ou moins aisément la supériorité des traités sur
les lois en France.
Le juge administratif français avait exclu de sanctionner la supériorité des traités sur les
lois postérieures (Conseil d’Etat 01 mars 1968 syndicat général des fabricants de semoules)
Jusqu’en 1979, le Conseil d’Etat ne modifiant pas sa position de principe, mais le fondement
de celle-ci par le recours à la théorie de la loi écran (Conseil d’Etat, assemblée 22 octobre
1979 Union Démocratique du Travail UDT).
Le juge judiciaire quant à lui a immédiatement reçu le code civil dans sa décision de
1975 comme habilitant les juges ordinaires à effectuer le corole de conformité des lois
postérieures aux traités (Cour de cassation 24 mai 1975 administration des douanes contre la
société de café Jacques Vabres) et à les écarter en cas de contrariété.
Le Conseil d’Etat ne fut persisté dans sa position et le revirement tant attendu s’opéra
quelques années plus tard lors de la vérification de la compatibilité d’une loi électoral avec la
convention de Rome sur l’Union européenne (Conseil d’Etat, assemblée 20 octobre 1989
Nicolo). (chercher les faits…………………… le problème juridique).
Par cette décision, le juge administratif français estime qu’une loi doit être conforme à
la norme internationale comme un acte administratif doit être conforme à la norme supérieure.
Les lois françaises sont donc soumises au respect du droit international contraire au respect du
droit communautaire et du droit dérivé. Seule la coutume internationale ne s’impose pas aux
lois (Conseil d’Etat, assemblée 06 juin 1997 (Aquarone) alors que les juridictions
internationales consacre la primauté des normes internationales sur toutes les autres normes
internes y compris la Constitution tant le conseil d’Etat français (conseil d’Etat, assemblée 30
octobre 1998 Sarran Levacher) que la Cour de cassation (Cour de cassation, assemblée
lainière 02 juin 2000 Fraisse). On ne juge que la suprématie conférée par l’article 55 de la
Constitution aux engagements internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne aux
dispositions de valeur constitutionnelle. Cette position assure et assume la primauté dans
l’ordre interne en France.
Au Cameroun, le texte constitutionnel ne comporte aucune disposition des traités en
droit camerounais. Il faudra attendre l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18

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janvier 1996 pour que l’analyse des traités et du droit international dans la hiérarchie des
normes s’emploie auprès de la doctrine camerounaise (NARUS MOUELLE, EKOMBI Jean),
mais la position du juge administratif camerounais était connue à travers l’analyse de deux
décisions fondamentales de 1968 et de 1971.

Le contrôle constitutionnel
Le juge peut-il dans un conflit de texte où sont en cause une convention internationale
et une loi postérieure ou pas, écarter la seconde ? Car le serviteur de la loi ne doit pas ou ne
peut pas appliquer ou contrôler la conformité de la loi par rapport au traité. S’il le fait, il
procède ainsi au contrôle de conventionalité décentralisant (la théorie qui fissure la loi écran
est la théorie Ecran transparent).
Le désert jurisprudentiel en droit administratif camerounais concernant la place des
traités contracté avec l’évolution du droit privé plus sensible à la mutation considérable
effectuée par le droit de l’intégration CEMAC, ainsi que le droit uniforme OHADA (article
10 du traité OHADA).
Mais, le juge administratif camerounais s’était déjà prononcé sur ce rapport (traité, loi
dans décisions cours de décisions et CFJ/CAY 08 Juin 1971 Compagnie Commerciale et
Immobilière Africaine). Dans ces deux litiges, le juge administratif camerounais se déclare
compétent pour connaitre des contestations sur la non-conformité de l’acte administratif à un
accord international. Cette position de principe s’effiloche au vue de l’évolution
jurisprudentielle actuelle CS/CA, 29 mars 2017, DATANG Josué contre Etat du Cameroun,
Communauté Urbaine de Douala (voir Juridis périodique avril, mai, juin 2021).

Section 2 : LES MESURES LEGALES ET REGLEMENTAIRES

Paragraphe 1 : La loi
Malgré leur affaiblissement par l’avènement des normes internationales et le
développement du contrôle de constitutionnalité, la loi et le règlement demeurent une étape
majeure des sources écrites du droit administratif.
En témoigne la notion Bloc de légalité qui veut en cerner la place majeure de la loi
dans les sources du droit « la loi est l’expression de la volonté générale… » ; « nul n’est
censé ignorer la loi ». De cette double affirmation, on perçoit la place majeure et éminente
qu’occupe la loi. C’est la règle de droit par excellente, l’ordre impératif, le texte, la règle
générale, abstraite, impersonnel, obligation, sanctionné, la règle qui transforme la volonté

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politique en prescription juridique (vous avez juridiquement tort parce que vous êtes
politiquement minoritaire) c’est l’œuvre du souverain, l’expression sa volonté. Il en résultait
au paravent un légicentrisme, une mystique de la loi.
Mais, depuis peu, la loi n’a plus la même aura qu’elle avait au paravent, la loi serait
malade ; elle est devenue obèse ; elle bavarde et le droit administratif offrirait une prison
idéale pour en faire le diagnostic. La loi s’est dévalorisée par de nombreux maux. Si au sens
strict et technique la loi est le texte voté par le parlement, la loi est entendue au sens large
comme l’acte législatif qui englobe aussi l’acte réglementaire. Il s’agit des textes écrits. Ces
textes constituent d’un point de vue quantitatif une source du droit administratif.
Le respect de la loi s’impose dans tous les cas à l’administration. Pour des raisons de
clarté et de sécurité juridique, des domaines entiers du droit administratif en Afrique
francophone sont codifiés sous forme de loi, décret ou ordonnance. Exemple : le Statut
général de la fonction publique, le code des marchés publics, le code de l’urbanisme, le code
de la propriété des personnes publiques.
On distingue plusieurs catégories de loi : loi ordinaire, loi organique, loi référendaire,
loi constitutionnel, loi délégué qui établissent le lien entre la loi et le pouvoir réglementaire.
De par la Constitution, le domaine de la loi s’est rétréci en illustrant la perte de la majesté de
la loi avec l’avènement d’un pouvoir réglementaire.

Paragraphe 2 : LE REGLEMENT OU LE POUVOIR REGLEMENTAIRE

Il est indispensable dans la définition du règlement de noter qu’il s’agit d’acte à portée
générale et impersonnelle, qui modifie l’ordonnance juridique ; d’où leur qualité de source du
droit. Par ses éléments matériels, l’acte ressemble à la loi dont il ne se distingue que par la
qualité de l’organe qui l’évite. Ce seul élément aurait suffi à le doter d’une autorité moins
forte, ce qui n’est pas paradoxalement le cas en Afrique sub-saharienne francophone.
Les titulaires du pouvoir réglementaire sont particulièrement nombreux et de nature
fort variée. Certains sont désignés par la Constitution (Président, Premier ministre…) ;
d’autres tirent leur pouvoir des nécessités pratiques sans bénéfice d’aucune habilitation
textuelle. Certains sont compétents à l’échelon du territoire national, d’autre à l’échelon local.
Certains agissent comme autorités étatiques, d’autres comme autorités décentralisées. Les
règlements revêtent plusieurs formes :
1- Les règlements d’exécution ou d’application des lois (travail à faire) ;

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2- Les règlements autonomes : Ils restent des actes administratifs susceptibles comme
tels d’un recours devant le juge administratif qui pourra vérifier notamment leur
conformité à la Constitution et aux normes internationales.
3- Les ordonnances (législation déléguée) : ils ont un caractère réglementaire tant
qu’elles n’ont pas été ratifiées par le parlement (quel est la nature des hautes
instructions).

Section 3 : LES SOURCES NON REGLEMENTAIRES

Une décision doit être faite en des décisions exécutoires et une série d’acte qui n’ont
pas le caractère de décision exécutoires mais, qui en pratique, joue un très grand rôle dans la
vie administrative. Ses actes que l’on va qualifier de droit souple connaissant une véritable
évolution jurisprudentielle avec la décision du Conseil d’Etat Fairvesta Numéricâble. Cette
décision récente fait évoluer la place du droit. Il en est ainsi des circulaires et des directives
dont il faut constater qu’elles occupent concrètement aux yeux des administrés et usagers de
l’administration une place éminente, opposée à ce qu’elle aurait dû être. Elles sont perçues à
travers la notion ou le langage « on attend les instructions de la hiérarchie ». Elles sont
perçues comme la règle supérieure, voire exclusive. Elles serviront de normes de référence
dans le langage administratif camerounais, les lois et les décrets n’étant pas véritablement
considérés comme exécutoires. Il devient important de connaitre exactement le régime
juridique des circulaires et des directives.

Paragraphe 1 : LES CIRCULAIRES

Les circulaires également qualifiées d’instructions de service, ou de simples actes de


service car le plus souvent, elles constituent des instructions données par les chefs de services
aux agents qui sont placés sous leur autorité. La circulaire donne le mode d’emploi de la loi
ou du règlement. Deux types de circulaire existent :
 Les circulaires dite interprétatives qui ne sont pas de véritable décision donc
insusceptible de recours devant le juge administratif ;
 Les circulaires à caractère réglementaire qui peuvent faire recours devant le juge
administratif.
Cette distinction a été posée par le juge administratif (Conseil d’Etat section 18
décembre 2002 Madame DUVIGNIERE). Ella a connu une évolution avec la jurisprudence
Fairvesta Numéricâble. La solution DUVIGNIERE a été reprise au Cameroun dans un arrêt
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de la Cour suprême, chambre administrative du 25 décembre 1979 Ayatou Chouaibou.
CS/CA 14 décembre 2016 Doumbe Kuinge August et autres contre Etat du Cameroun.

Paragraphe 2 : LES DIRECTIVES

Elles se distinguent des circulaires moins par leur forme que leur contenu. Elles
concernent les hypothèses dans lesquels les autorités administratives disposent d’un certain
pouvoir discrétionnaire (voir Conseil d’Etat 11 décembre 1970 Crédit foncier de France
GAJA 15e édition).
Au Cameroun, le juge administratif a annulé pour excès de pouvoir, la circulaire du
Ministre de la justice interdisant l’exercice de la profession d’agent d’affaire à un citoyen
(CS/CA, 7 Avril 1995 KOUO ONDO Emmanuel) en s’appuyant sur la Constitution comme
source écrite du droit et qui se distingue des sources non écrite du droit administratif.

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Chapitre 3 :

LES SOURCES NON ÉCRITES DU DROIT ADMINISTRATIF

Les sources non écrites du droit administratif sont principalement de deux sortes : la
jurisprudence et les principes généraux du droit (PGD) dégagés par le juge, même si la
coutume reste une source non négligeable. La doctrine, opinion des principaux auteurs ne
constitue pas une source propre du droit administratif, mais en agissant par persuasion sur
l’autorité compétente pour poser la règle. Elle joue un rôle essentiel bien qu’indirect dans
l’élaboration du droit administratif, d’où la notion du cœur à deux voies de la doctrine et du
juge administratif.

Il reste pourtant que la seule source véritablement créatrice est la jurisprudence qui
dégagé notamment les principes généraux du droit (le droit administratif africain est demeuré
un droit codifié et très peu jurisprudentiel).

Section 1 : LA JURISPRUDENCE

Dans un article fort célèbre, le Doyen Georges VEDEL se posait la question suivante :
le droit administratif peut-il rester indéfiniment jurisprudentiel ? Il ne développait ou montrait
que le droit administratif français devait son évolution et son importance grâce à la maestria
du juge administratif français. C’est lui qui avait dégagé les principales notions qui structurent
ce droit. Contrairement au droit civil, le droit administratif ne dispose pas d’un véritable code
administratif, même si actuellement des réels efforts de codification sont opérés par le
législateur français dans le cadre de la sécurité juridique.

Dans la tradition juridique issue de MONTESQUIEU, le juge n’est que la bouche qui
prononce les paroles de la loi. Mais cette conception du juge rend mal compte de la nature
exacte de l’interprétation juridictionnelle. En l’absence de texte dans un cas soumis au juge, il
ne saurait s’abstenir de statuer. Le juge administratif français formule lui-même la règle lui
permettant de statuer.

Ce pouvoir normatif créateur est l’un des caractères du droit administratif français. La
jurisprudence crée les grands régimes et les grandes notions du droit administratif français,
d’où la prépondérance de l’ouvrage Grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA),
23e édition, 2023.
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Cette position du juge a été cœur de la controverse doctrinale en France. Ce pouvoir
du juge se manifeste à travers les principes généraux du droit.

Section 2 : LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT

Les principes généraux du droit n’ont été réellement élaborés à partir de 1944 par
l’arrêt Dame Veuve Trompier Gravier du 15 mai 1944 (voir également CE, 29 octobre 1945,
Aramu). Les principes généraux du droit n’ont pas de lien formel avec le droit écrit, même
s’ils procèdent parfois de la généralisation de certaines de ses dispositions. Il s’agit d’une
œuvre constructive de la jurisprudence administrative réalisée pour des motifs supérieurs
d’équité, afin d’assurer la sauvegarde des droits individuels des citoyens.

Le juge administratif camerounais a formellement consacré l’existence de ces


principes généraux du droit dans sa jurisprudence (CFJ/CAY, 25 mars 1969, Dame Ngué
André, Principe de non rétroactivité des administratifs, ou dans un jugement de 1980,
Assureurs Conseils Franco-Africain.

Pour l’essentiel, la Chambre administrative de la Cour suprême a fait sienne la formule


de René CHAPUS selon laquelle, les principes généraux du droit ont une valeur infra
législative et supra décrétale, c’est-à-dire inferieurs a la loi et supérieurs aux décrets. Le juge
camerounais ne pouvant contrôler la constitutionnalité des lois (pas d’exception
d’inconstitutionnalité), il ne peut émettre que les normes inferieures a la loi, mais supérieurs
aux actes qu’il peut contrôler.

La diversité des PGD qui n’est pas la spécificité du droit administratif, fait qu’il est
difficile d’établir une liste des PGD, même si les plus importants sont relatifs à la liberté, a
l’égalité, à la protection, et la sécurité des administrés.

Le problème de la place des PGD dans la hiérarchie des normes se pose aujourd’hui en
des termes nouveaux avec l’avènement de la jurisprudence constitutionnelle, lorsque le juge
constitutionnel a considéré que la loi devrait respecter, non plus exactement les PGD, mais les
principes de valeur constitutionnelle comme les Principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (PFRLR). D’où la tentation de la doctrine à croire que les PGD sont
dépassés et n’ont plus leur réelle place dans l’étude du principe de légalité.

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Chapitre 4 :

LES TEMPÉRAMENTS AU PRINCIPE DE LÉGALITÉ

Dans la vie d’un État, des crises peuvent surgir assez graves pour perturber la vie de la
nation. Le respect scrupuleux du principe de légalité pourrait entraver l’action de l’État dans
sa lutte contre cette crise. Ainsi, la doctrine a-t-elle formulée que, « quand la maison brule, on
ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers » (Romieu), d’où l’adage
« nécessité fait loi ».

Dans certaines situations graves, l’administration ne saurait tout à la fois respecter la


légalité, assurer l’ordre public et faire fonctionner les services publics. Le juge administratif
français a dès lors élaboré diverses solutions qui permettent à l’administration par le
renforcement de ses pouvoirs et le relâchement des exigences de légalité de prendre des
mesures nécessaires a la bonne marche des services publics et la sauvegarde des intérêts
primordiaux de l’État. Deux grandes théories ont été progressivement élaborées par le juge.

Section 1 : LES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

L’attribution à l’administration des pouvoirs d’exception n’aboutit pas toutefois a


placer les autorités administratives en dehors du principe de légalité. À la légalité normale, le
juge substitue une légalité d’exception soumettant l’administration qui en réclame le bénéfice
à un contrôle scrupuleux. Même si la légalité est inadaptée à la crise, la nécessite d’assurer la
continuité de l’État n’absout pas tout (CE 28 juin 1918, Heyriès ; CE 28 février 1919, Dames
Dol et Laurent,

Le législateur camerounais a adapté cette idée au contexte local et le Professeur Joseph


OWONA a retracé l’évolution historique de la légalité de crise au Cameroun depuis
l’indépendance de ce pays, dans un important article intitulé « L’institutionnalisation de la
légalité d’exception dans le droit public camerounais », RJPIC, vol. 29, 1975, pp. 3-48.

La permanence d’une telle légalité se justifie par la prise en compte des notions «
d’état d’exception » (article 9 alinéa 2 du texte de 1996) et « d’état d’urgence » (article 9
alinéa 1er du texte de 1996) dans les différentes Constitutions camerounaises. La récente crise
sanitaire du covid 19 a mis en relief le risque de despotisme administratif connu par les
citoyens dans de telles situations de crise.

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L’état d’urgence déclarée ou non déclarée comme dans le contexte camerounais
pouvant faire courir de réels entraves aux libertés individuelles, la liberté d’aller et de venir
par exemple, ceci dans le but soi-disant de sauvegarder la communauté nationale.

Section 2 : LES ACTES DE GOUVERNEMENT

La théorie des actes de gouvernement sert à justifier l’exclusion du contentieux


certaines décisions. À l’origine utilisée afin d’exclure de tout contrôle du juge certaines
décisions jugées comme touchant de trop près à la politique générale de l’État, elle a ensuite
servi à justifier tant bien que mal l’exclusion du contentieux des décisions qui auraient
normalement dû en relever :

- les actes de haute politique (CE 19 février 1875, Prince Napoléon). Il convient de
distinguer l’acte de gouvernement symbole de l’acte immunisé avec la notion
d’acte détachable ;

- les actes issus des relations internationales.

Section 3 : LES MESURES D’ORDRE INTÉRIEUR

Les mesures d’ordre intérieur sont des décisions unilatérales émanant d’une autorité
administrative et n’étant susceptibles au départ d’aucun recours juridictionnel. Ces mesures
jouissent d’une immunité juridictionnelle pour deux raisons :

- pour des raisons d’efficacité de l’ordre interne, l’administration ne peut être


entravée en permanence par le juge;

- l’importance minime de ces mesures. Elles ne modifient pas en principe la


situation juridique de ceux qui les subissent. Le juge ne peut pas être encombrant
pour des décisions d’importance modeste.

Trois domaines s’étaient particulièrement concernés par ces mesures d’ordre intérieur :
l’armée, les prisons et l’éducation nationale.

Deux évolutions jurisprudentielles ont restreint la catégorie des mesures d’ordre


intérieur faisant pas grief (CE 17 février 1995 Pascal Marie et Philippe Hardouin). Le juge se
reconnait compétent pour contrôler les mesures d’ordre intérieur.

En outre, l’évolution actuelle sur le droit souple avec la jurisprudence Fairvesta


Numéricâble de 2016 et GISTI de 2020, ont réduit drastiquement le champ d’immunité des

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mesures d’ordre intérieur. Ne reste plus donc comme tempérament à la légalité, la notion de
pouvoir discrétionnaire.

Section 4 : LE POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ET LA COMPÉTENCE LIÉE

L’adjectif discrétionnaire qualifie ce qui est laissé à la discrétion, au discernement, à la


libre appréciation d’une personne. Le pouvoir discrétionnaire doit être distingué du pouvoir
arbitraire. Une autorité dispose d’un pouvoir discrétionnaire lorsque le droit lui laisse la
liberté d’agir dans un sens ou dans un autre, pour reprendre une formule traditionnelle, il y a
pouvoir discrétionnaire toutes les fois qu’une autorité agit librement sans la conduite à tenir
lui soit dictée à l’avance par une règle de droit (Léon MICHOUD).

Le pouvoir discrétionnaire s’oppose à la compétence liée. La compétence de


l’administration est liée lorsque, en vertu des textes, elle est tenue de décider d’une certaine
manière, sans avoir la possibilité d’échouer. La compétence de l’administration est ainsi
bridée par le droit. Mais l’administration ne doit jamais été dans une situation de pouvoir
discrétionnaire absolu, sinon, c’est le socle de l’État patrimonial, du clientélisme
administratif, signe e la faillite de l’État. L’administration ne doit pas être aussi dans une
situation de compétence absolument liée, sinon elle court le risque de paralysie, d’inefficacité.

Il convient que l’administration soit dans un État de juste équilibre entre le pouvoir
discrétionnaire et une compétence liée, pour que rayonne la légalité de son action et la
construction de l’État de droit.

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Chapitre 5 :

L’ÉTAT DE DROIT

Au cœur de l’État de droit, il existe un principe suivant lequel, toute autorité devrait
agir selon l’habilitation normative. La compréhension de la notion d’État de droit passe par
certains points : sa signification, sa structuration et sa réception par le droit camerounais.

Section 1 : LA SIGNIFICATION DE L’ÉTAT DE DROIT

Dans un État de droit, le droit constitue le fondement de toute action publique, du


pouvoir des autorités administratives. Autant le droit encadre l’action publique, il en constitue
la limitation.

- Comme fondement, toutes les autorités doivent être habilitées par le droit, les
textes en vigueur. Elles tiennent leur pouvoir des textes qui par la même occasion
encadre ce pouvoir.

- En tant qu’encadrement, c’est le droit qui encadre l’action des autorités


administratives. Pour Raymond Carré de Malberg, au sein de l’État de droit, l’État
est soumis au droit, et lorsque les détenteurs de l’autorité violent le droit, le droit
du recours au juge doit être ouvert pour censurer l’action irrégulière de l’autorité.
Le juge assure ainsi le respect de la légalité et la sanction de l’illégalité.

- Comme limitation du pouvoir, le droit limite l’action des pouvoirs publics. Le droit
limite l’étendue de leurs compétences. Si le droit définit ce qu’une autorité
administrative est habilitée à faire, il indique en même temps ce qu’elle ne doit pas
faire, et le juge doit pouvoir assurer le respect de ces limites.

Section 2 : LA STRUCTURATION DE L’ÉTAT DE DROIT

L’État de droit se présente dans une double structuration, l’État de droit formel et
l’État de droit substantiel.

L’État de droit formel présente une double déclinaison : la séparation des pouvoirs et
la hiérarchie des normes. La séparation horizontale, à partir des trois pouvoirs de l’État que
sont le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, en fondamentalement
dans la séparation de leurs fonctions. La séparation verticale tient compte de la distribution
hiérarchique des compétences. L’autorité inferieure doit respecter les décisions de l’autorité
supérieure. La seconde déclinaison de l’État de droit formel est la hiérarchie des normes, de la
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Constitution aux actes règlementaires, dans la relation de conformité, ou, a tout le moins, de
compatibilité.

L’État de droit substantiel quant à elle est une conception de l’organisation politique
libérale. Le respect du droit n’est plus suffisant pour parler de l’État de droit. Il s’agit alors
d’un droit respectueux des libertés fondamentales.

Section 3 : LA RÉCEPTION CAMEROUNAISE DE L’ÉTAT DE DROIT

- La protection des droits et libertés fondamentaux procède des textes, en


commençant par la loi fondamentale (Constitution). Depuis l’indépendance, tous
les textes constitutionnels consacrent des droits protecteurs de la personne humaine
et de ses libertés,

Outre les textes protecteurs des libertés fondamentales, l’institutionnalisation des


différents ordres de juridiction et l’organisation spécifique du droit de recours devant je juge
exalte la préservation du droit et des droits. Le juge saisi pourra alors sanctionner la violation
établie dans l’action administrative.

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SECONDE PARTIE :
LE DEROULEMENT DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

Dans la mission de satisfaire les besoins collectifs de la population, l’action


administrative s’exprime principalement par les actes. Mais qu’est-ce qu’un acte ? De son
étymologie « Actu», le mot acte signifie mouvement. Il désigne tantôt l’opération volontaire
qui a pour but de produire des effets de droit, tantôt l’acte dressé pour le constater. C’est
l’écrit, l’instrumentum. Les actes se distinguent des faits juridiques qui sont des évènements
se produisant indépendamment de la volonté de l’homme, et des actes matériels qui relèvent
de l’action humaine naturelle sans conséquence juridique.
En raison de l’adéquation des moyens aux fins, l’administration dispose des pouvoirs
particuliers qu’on ne retrouve presque pas en droit privé. Les actes de l’administration sont de
deux ordres : ceux qui émanent de la volonté unique de l’administration qui sont dits actes
d’autorité, et ceux qui résultent d’un accord de volonté qui sont dits négociés. Ces deux
catégories font l’objet de l’étude des moyens juridiques de l’action administrative (titre 1).
Aussi les activités des personnes physiques qualifiées d’administratives sont-elles
nombreuses et variées en fonction du rôle spécifique joué par l’administration. On distingue
l’activité de règlementation axée sur l’ordre public (police administrative) et l’activité de
prestation structurée autour du service à rendre (service public). Nous présenterons ces
activités classiques de l’administration par le biais des formes de l’action administrative (titre
2)

TITRE I :
LES MOYENS JURIDIQUES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

Comme toute personne juridique, les personnes publiques (État, régions, communes,
établissements publics) exercent des activités inhérentes à leur fonctionnement. La
particularité d’exercice des activités des personnes publiques tient à l’emploi des moyens
dérogatoires de droit commun car, l’administration agit par des procédés d’action spécifiques.
En effet, la poursuite des fins de l’action administrative, qu’il s’agisse de la gestion des

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services publics ou de la sauvegarde de l’ordre public, suppose la mise en œuvre des moyens
adaptés, souvent présentés comme exorbitants de droit commun.
L’administration poursuit les buts d’intérêt général, alors que les particuliers pour-
suivent la satisfaction de leurs intérêts privés que certaines qualifient d’intérêt égoïstes. Parmi
tous les actes accomplis à l’occasion de l’action administrative, seuls sont examinés les actes
juridiques par opposition aux actes matériels, même si les actes juridiques appellent les actes
matériels pour leur exécution. Sans se soustraire au droit et c’est la raison pour laquelle les
prérogatives s’accompagnent des sujétions, l’administration peut choisir de décider
unilatéralement et imposer ses décisions aux administrés et la puissance politique s’exprime
avec vigueur. Elle peut également choisir de s’accorder avec d’autres personnes dans l’action,
en fonction de l’intérêt général poursuivi, sans que le contrat de droit administratif se
confonde au contrat de droit privé. Dans la première hypothèse, l’administration fait recours
au procédé d’autorité qui est l’acte administratif unilatéral. Et dans la seconde hypothèse, elle
fait recours au procédé négocié qui est l’acte contractuel. La principale différence entre l’acte
administratif unilatéral et le contrat administratif réside dans l’expression de la volonté. Seule
volonté de l’administration pour le premier et accord de volonté pour le second. En raison de
la différence de régime et de statut de contentieux, nous examinerons séparément ces moyens
juridiques en présentant d’une part les moyens d’autorité (chapitre 1) et d’autre part, les
moyens négociés (chapitre 2).

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Chapitre 1 :

LES MOYENS D’AUTORITÉ : L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

Les prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration lui confère les
moyens d’action unilatérale inconnus en droit privé. L’administration peut se passer du
consentement des particuliers pour organiser un rapport d’obligations. Elle peut
unilatéralement modifier les situations juridiques. Le pouvoir dérogatoire d’édition d’actes
unilatéraux est depuis Maurice HAURIOU appelé privilège du préalable. Cela veut dire que
l’administré doit obéir aux actes de l’administration même s’il peut contester cet acte devant
le juge pour faire connaitre ses droits. L’acte administratif peut être écrit, oral ou gestuel dans
sa présentation (Section 2). La définition de l’acte pris par une autorité administrative
(section 1) dans l’exercice d’un pouvoir administratif peut poser de problèmes. C’est
pourquoi, il est important de saisir son régime juridique (section 3).

Section 1 : LA DEFINITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

La définition de l’acte administratif a connu une évolution dans l’histoire du droit


administratif Camerounais. À l’origine, le Conseil du Contentieux Administratif, dans sa
décision du 03 septembre 1954 ADA NDZIE contre Administration du territoire, définissait
les actes administratifs comme étant « les décisions émanées des représentants légaux de
l’administration et ayant trait à l’organisation et au fonctionnement d’un service public ».
Cette définition vague et imprécise, a été abandonnée et c’est surtout avec l’arrêt
NGONGANG NJANKEU Martin que le juge administratif s’est illustré dans la définition de
l’acte administratif unilatéral.

Dans son arrêt n° 20/CFJ/AP (Assemblée plénière) du 20 mars 1968, NGONGANG


NJANKEU Martin l’État du Cameroun, la CFJ définit l’acte administratif comme étant « un
acte juridique unilatéral pris par une autorité administrative dans l’exercice d’un pouvoir
administratif et créant les droits et les obligations pour les particuliers ». Le juge
administratif camerounais a retenu l’expression acte administratif unilatéral et propose une
espèce de synthèse en 2004 dans le jugement n°38/CS/CA/ADD 03-04 du 29/12/2004 «
Association le tabernacle des aigles » contre État du Cameroun : « Attendu que pour qu’un
acte administratif soit susceptible d’être déféré devant le juge, il faut satisfaire à deux
catégories de conditions de fond et de forme. Attendu que s’agissant des conditions de forme,
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il faut que l’acte soit pris unilatéralement par l’autorité admise à le faire. En ce qui concerne
les conditions matérielles ou de fond, il faut que l’acte soit décisoire à savoir, qui porte
atteinte aux droits et intérêts légaux du recourant ». Cette définition retient trois composantes
essentielles de l’acte administratif unilatéral :
- Un élément formel ; c’est un acte juridique unilatéral.
- Un élément organique ; c’est un acte pris par une autorité administrative dans
l’exercice d’un pouvoir administratif
- Un élément finaliste ; c’est un acte qui crée des droits et des obligations par des
particuliers, un acte qui vise à changer quelque chose dans l’un des éléments de la
situation juridique d’un être déterminé.
-
Paragraphe 1 : L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL : ACTE JURIDIQUE
UNILATERAL
L’acte dans sa dimension statique est un document contenant certaines mentions
comme l’acte civil, l’acte de mariage, l’acte de décès, un ensemble de formalités à remplir.
L’acte peut également être constitué d’abstention, de silence et c’est le cas dans l’affaire
MOUTOMBI Christophe contre Etat du Cameroun rendu par la chambre administrative de la
Cour Suprême CA/CS du 22 février 1979.
L’acte peut également être signé par plusieurs autorités tout en restant un acte
unilatéral. C’est le cas d’un arrêt interministériel.

Paragraphe 2 : L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL : ACTE PRIS PAR UNE


AUTORITE ADMINISTRATIVE DANS L’EXERCICE D’UN POUVOIR
ADMINISTRATIF
Il convient dès lors d’identifier qui peut effectivement prendre un acte administratif. ce
sont d’abord des acteurs primitifs, qui sont des autorités administratives ; mais d’autres
acteurs peuvent intervenir dans l’activité administrative, en portant le qualificatif d’acteurs
dérivés.
1- Les acteurs primitifs :
Il s’agit des autorités expressément habilitées par la loi. Parmi les autorités primitifs,
nous avons les autorités administratives centrales (Président, Premier ministre….), les
autorités déconcentrées (Gouverneurs, Préfet, les Sous-préfet…), les autorités décentralisées
(le Maire, le Président du Conseil régional, le Conseil municipal…) et les autorités
administratives indépendantes.

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2- Les autorités dérivées
Il s’agit des autorités qui ne sont pas considérées initialement comme autorités
administratives. Dans cette catégorie nous avons des autorités publiques autres
qu’administratives, des autorités judiciaires, et les personnes privées.
a) Les autorités publiques autres qu’administrative : ce sont les parlementaires
(Affaire Société des produits laitiers La fleurette de 1938)
b) Les autorités judiciaires : les actes d’autorités judiciaires (Tribunal des Conflits,
Arrêt Préfet de la Guyane).
Cette décision opère une distinction entre les actes d’organisation et les actes de
fonctionnement des juridictions. Seuls les actes d’organisation des juridictions ressortissent à
la compétence du juge administratif. Le juge administratif camerounais dans l’affaire TAGNI
Mathieu de 1967 a suivi cette jurisprudence française. Il en est de même dans l’affaire Dame
AWA ADJA de 1972.
c) Les personnes privées
Dans la première catégorie des personnes privées, nous avons les ordres
professionnels (CS/CAY 27 juin 1968 Bernard AUTOROCHE contre Ordre national des
médecins ; CS/AP 31 mars 1977 FEUMI JATOU contre Ordre national des avocats).
Dans la seconde catégorie des personnes privées, nous avons le fonctionnaire de fait.
En cas de circonstance normale, certaines personnes privées peuvent être considérées comme
autorités administratives par la théorie de l’apparence. Il y a là comme une sorte
d’investiture implicite. En situation de crise le fonctionnaire de fait agit pour les nécessités de
continuité de service publique.

Paragraphe 3 : ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL, ACTE CREATEUR DE


DROITS ET DES OBLIGATIONS

Dire qu’un acte administratif est créateur de droits signifie d’abord qu’il crée c’est-à-
dire qu’il est décisoire. En créant des droits et des obligations, l’acte administratif modifie
l’ordonnancement juridique ; on dit aussi qu’il fait grief. Autrement dit, il modifie la situation
juridique des administrés. C’est l’expression du caractère inégalitaire du droit administratif.
L’acte peut créer des droits à l’avantage des administrés en leur accordant des gratifications. Il
peut également leur imposer des obligations.

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Section 2 : LA PRESENTATION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

L’acte administratif peut être écrit ou non-écrit. Dans la forme des actes non-écrits, il y
a des actes verbaux, ainsi que l’a retenu le juge dans l’affaire TCHOUNGI Charles du 13
décembre 1975, comme acte administratif unilatéral non-écrit. C’est également le cas des
actes gestuels retenus par l’affaire SIMPLEX – Cameroun de 1991.
En accordant une importance particulière à la forme écrite de l’acte, l’on s’intéressera
à sa forme (para 1) et sa procédure (para 2).

PARAGRAPHE 1 : LES ELEMENTS DE FORME DE L’ACTE ADMINISTRATIF


UNILATERAL
Les éléments de forme renvoient aux mentions figurants sur cet écrit :
- Le titre de l’acte (décret, arrêté, circulaire….)
- L’auteur de l’acte c’est celui qui signe un acte.
- Les visas élément de forme : il s’agit des éléments de référence qui servent de
fondement juridique de l’acte. Autrement dit, l’ensemble des actes qui sont à la base
de cet acte administratif.
- Les motifs de l’acte : il s’agit des raisons de droit et fait qui justifie l’édiction de
l’acte. Dans les motifs, le principe de non-motivation est en vigueur ou retenu ; mais à
ce principe, il y a une exception notamment en matière de sanction disciplinaire.
L’article 74 du Statut général la fonction publique camerounaise de 1994 modifié en
2000 consacre l’obligation de motivation des décisions portant sanction disciplinaire.
Le juge administratif a consacré ce principe au plan jurisprudentiel dans sa décision du
30 avril 1982 GUIFFEU Jean Philippe contre Etat du Cameroun.
Autre exception au principe de non-motivation, la limitation de l’exercice d’un droit ou d’une
liberté comme la liberté de manifestation.
- Le dispositif est structuré en article et constitue le contenu de l’acte.
- La signature et la date de l’acte : la date détermine le régime du contentieux.
Il convient de dire ou de relever que le droit connait l’existence de la forme écrite numérisée.
Le fax rentre dans la catégorie d’acte administratif (CS/CA affaire du 27 juillet 2000,
Établissement le Paysan contre Etat du Cameroun).

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Paragraphe 2 : LES ELEMENTS DE PROCEDURE

Il s’agit des actions concrètes qui déterminent l’édiction d’un acte administratif (les
enquêtes, les concertations, les consultations qui aboutissent à l’avis). Il convient de marquer
un point d’honneur sur les avis. Il existe 3 types d’avis :
- L’avis simple. Pour ce qui est de l’avis simple l’autorité administrative est libre de le
requérir ou de ne pas le requérir.
- L’avis obligatoire : ici l’autorité administrative est tenue de le requérir, mais elle
n’est pas obligée de le suivre.
- L’avis conforme : l’autorité administrative est non seulement tenue de le requérir,
mais il est également obligé de le respecter, de suivre le sens de cet avis.
Le principe du contradictoire est exigé essentiellement en matière disciplinaire. Il
permet la confrontation de l’agent qui est mis en cause et de l’autorité administrative chargée
de prendre la décision de sanction disciplinaire. Il doit avoir communication du dossier
disciplinaire de l’intéressé, convocation et comparution de l’intéressé devant le conseil de
discipline.

Section 3 : LE REGIME JURIDIQUE DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

Trois éléments essentiels structurent le régime juridique de l’acte administratif


unilatéral : l’existence, l’opposabilité et la fin de l’acte administratif unilatéral.

Paragraphe 1 : L’EXISTENCE JURIDIQUE DE L’AAU

Cette existence renvoie à l’entrée en vigueur de l’acte administratif unilatéral. L’acte


administratif unilatéral existe dès la signature apposée sur l’instrument. Conseil d’Etat
français 26 juillet 2000 Emery. Lorsqu’un acte administratif unilatéral est entré en vigueur, on
se pose dès lors les problèmes de son opposabilité.

Paragraphe 2 : L’OPPOSABILITE DE L’AAU

La chambre administrative de la cour suprême a dans sa décision du 30 septembre


1969, MESSONO ATENEM Pierre a procédé à la distinction de l’opposabilité de l’acte vis-à-
vis de l’administration et de cette opposabilité vis-à-vis des administrés.

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A- L’opposabilité de l’acte vis-à-vis de l’administration

L’acte administratif est opposable à l’administration dès sa signature, même s’il n’est
pas encore publié, c’est-à-dire mis à la disposition du public. Ainsi, vis-à-vis de
l’administration, la computation des délais contentieux a pour point de départ la date de
signature.
B- L’opposabilité de l’acte vis-à-vis des administrés
Le principe est celui de la publicité des actes administratifs pour qu’il soit opposable
aux administrés. Mais ce principe est assorti d’une exception.

1- Le principe de la publicité des actes administratifs unilatéraux


La publicité des actes administratifs comme moyen d’opposabilité est posée par le
juge administratif dans l’affaire NJIKIAKAM TOWA Maurice de 1983. Il faut distinguer la
publicité des actes individuels de celle des actes règlementaires en tant que, la publicité
suppose que l’acte soit porté à la connaissance du public.
La publicité des actes individuels est appelé la notification c’est-à-dire l’acte est porté
à la connaissance des individus qui y sont nommément concernés. Les destinataires des actes
sont alors directement saisis par l’acte.
La publicité des actes règlementaires est appelée la publication. Parce qu’i s’agit d’un
large public, la publication peut se faire par affichage, communication radio, presses,
télévision, insertion au journal officiel.

2- L’exception de publicité, la connaissance acquise


La théorie de la connaissance acquise avait été consacrée par la Cour fédérale de
justice le 25 mars 1969 dans l’affaire Dame Ngué André contre Commune de plein exercice
de Mbalmayo. Cela signifie que, même en l’absence de publicité d’un acte, celui-ci peut être
opposable aux administrés si au regard des circonstances, ceux-ci sont en droit d’être au
courant de l’existence de l’acte administratif en question.

Paragraphe 3 : LA FIN DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

La fin de l’acte administratif unilatéral renvoie à sa sortie de vigueur. Autrement dit, il


cesse de produire des effets. En dehors du cas particulier de la caducité des actes
administratifs qui arrive en fonction d’un évènement prédéterminé, l’acte administratif peut
prendre fin soit du fait de l’administration qui l’a édité, soit du fait du juge.

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A- La fin de l’acte administratif du fait de l’autorité administrative

La fin de l’acte administratif unilatéral du fait de l’autorité administrative est


conditionnée par le parallélisme de forme. Cela signifie que l’autorité qui a pris l’acte est celle
qui doit le faire sortir de vigueur. Elle doit également respecter la nature de l’acte en cause.
Ainsi, c’est un décret qui met fin à un décret, un arrêté à un arrêté.
Pour mettre fin à un acte administratif, deux moyens sont offerts à l’autorité
administrative : le retrait et l’abrogation.
- Le retrait fait sortir l’acte administratif de l’ordre juridique de manière rétroactive.
Compte tenu de la radicalité de ses effets sur les droits des administrés, son régime est
aménagé. Le juge administratif français a tenu à encadrer le retrait dans sa décision du 03
novembre 1922 Dame CACHET. En la matière, il a indiqué qu’un acte administratif qui a
créé des droits au profit des administrés ou des particuliers ne peut pas être retiré à tout
moment. Il ne saurait l’être que dans le délai du recours contentieux.
Cette position a évolué avec la décision du 26 octobre 2001 Ternon, où le juge a
dissocié le délai du retrait et celui du recours contentieux. Désormais le retrait peut être
effectué par l’administration au-delà du recours contentieux mais dans un délai de 04 mois.
Au-delà de ce délai, les droits créés par l’acte administratif deviennent des droits acquis ;
autrement dit, ils deviennent définitifs. Dans cette évolution, la décision Koullibaly du 06
mars 2009 va associer en France le régime du retrait à celui de l’abrogation.
Au Cameroun, la Cour fédérale de justice, dans sa décision du 25 mars 1969 EMINI
TINA Étienne, a pris en compte cette exigence de sécurité juridique, en rentrant dans ce
régime. En suivant la voie de son homologue français, il affirme en effet que lorsqu’un acte
administratif a créé des droits, il ne peut être retiré à tout moment car le retrait porterait
atteinte à la sécurité juridique. Le retrait d’un acte administratif créateur de droit ne peut être
effectué que dans le délai du recours du contentieux. La chambre administrative de la Cour
suprême dans sa décision du 29 novembre 1990 AYINA APEU Benoît, a réitéré cette
position. Cela signifie que le retrait est soumis à certaines conditions :
- Les conditions du retrait : Pour qu’un acte administratif soit retiré :
 Il doit être illégal (pas de retrait pour des motifs d’opportunité).
 Son retrait doit se faire dans les délais contentieux pour préserver les droits
acquis.
 Un acte administratif obtenu par fraude peut être retiré à tout moment même s’il
a créé des droits. (Voir jugement ou affaire MVENG MBARGA Constantin de
1992).
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 Un acte non créateur de droit peut être retiré à tout moment.
Contrairement au retrait qui produit des effets de manière rétroactive, l’abrogation produit des
effets pour l’avenir.
- L’abrogation
C’est l’anéantissement des effets de l’acte administratif par l’administration pour l’avenir.
Autrement dit, les droits que l’acte administratif a créés sont consolidés. Il faudra distinguer
l’abrogation des actes règlementaires de celle des actes individuels.
 L’abrogation des actes règlementaires
L’abrogation des actes règlementaires est toujours possible car nul n’a de droit acquis
au maintien des règlements (Tribunaux d’Etat (TE) 03 juin 1959 ATANAGANA Adalbert).
Concernant particulièrement les actes règlementaires irréguliers ou illégaux, l’administration
est tenue de les abroger. L’administration peut être amenée à abroger des actes administratifs
règlementaires en cas de changement des circonstances de droit et de fait (Conseil d’Etat,
affaire Alitalia de 1989).
 L’abrogation des actes individuels :
Les actes administratifs individuels non créateurs de droits peuvent être abrogés à tout
moment. Les actes administratifs individuels créateurs de droit ne peuvent être abrogés au
regard de la jurisprudence EMINI TINA. Il s’agit du principe de l’intangibilité des effets des
actes individuels. Cependant ces actes peuvent être remplacés par l’acte contraire.
B- La fin de l’acte administratif du fait du juge

Lorsqu’une personne publique ou privée estime qu’un acte qui lui fait grief est
contraire à la légalité, il peut saisir le juge par la voie du recours pour excès de pouvoir. Le
juge pourra alors mettre fin à un acte administratif unilatéral par le moyen principal qui est
l’annulation qui produit des effets rétroactifs.
Comme variante de l’annulation, le juge peut constater la nullité d’un acte
administratif unilatéral. L’acte nul en général est entaché d’une irrégularité grossière, telle
qu’on considère qu’il ne se rattache pas à une activité administrative. Il n’est pas annulable, il
est tout simplement nul. L’acte annulable suppose qu’il bénéficie de la présomption de
légalité jusqu’à la décision d’annulation prononcée par le juge. Le recours en annulation doit
s’exercer dans le délai du contentieux. Or, un acte nul peut être attaqué à tout moment. L’acte
inexistant est également déclaré nul et non effet. C’est le cas des actes pris par fraude, si
l’administré a usé de la fraude pour amener l’administration à prendre un acte (MVENG
MBARGA Constantin de 1992). Cette unilatéralité s’oppose aux moyens négociés.

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CHAPITRE 2 :

LES MOYENS NEGOCIES : LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

A la différence des actes administratifs unilatéraux qui s’imposent aux administrés


sans leur consentement ou volonté, les contrats administratifs sont pris de commun accord
avec les particuliers. La maitrise de leur régime en passant par leur identification permet de
définir le juge compétent en cas de litige. Il en est ainsi parce que tous les contrats conclus par
l’administration ne sont pas des contrats administratifs justiciables devant le juge
administratif. Comme l’acte administratif unilatéral, le contrat administratif magnifie la
prééminence de l’administration car, le contrat permet également de réaliser des besoins
d’intérêt général. Il conviendra donc de les identifier (section 1) pour analyser leurs
conclusion (section 2), leur exécution (section 3) reste soumise au régime de droit public tout
comme leur mode de résiliation (section 4).

SECTION 1 : L’IDENTIFICATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Les contrats administratifs sont adoptés pour des nécessités de service. Avant de
procéder à leur qualification (para 1), il importe de déterminer les catégories de contrat (para
2).
Paragraphe 1 : LES CATEGORIES DE CONTRAT

La conception française des contrats administratifs a évolué en s’inspirant du droit de


l’Union Européenne, en rapprochant les marchés publics et les délégations des services
publics sous l’appellation de la commande publique. Cette évolution est liée à l’identité du
régime de publicité et de concurrence de ces deux types de contrat classiquement distincts.
Au regard de l’article 2 alinéa 3 du 26 décembre 2006 portant organisation des
tribunaux administratifs, l’on peut identifier comme contrat les concessions de services
publics : « Le contentieux administratif comprend (…) les contrats administratifs à
l’exception de ceux conclu ……. sous le régime de droit privé) et les concessions de service
public ». Il existe donc deux principaux types de contrats : les marchés publics et les
concessions de service public.

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A- Les marchés publics
L’article 5 du décret n° 2018/366 du juin 2018 portant code des marchés publics,
définit ainsi le marché public. « Un contrat écrit passé conformément aux dispositions du
présent code par lequel un entrepreneur, fournisseur, ou prestataire de service s’engage
envers l’Etat, une collectivité territoriale décentralisée ou un établissement public soit à
réaliser les travaux, soit à fournir des biens et services moyennant un prix ».
L’on se rend donc compte que trois éléments structurent le marché public. L’élément
organique (les parties contractantes), l’élément matériel (le prestataire) et l’élément
financier (le prix).
Il existe principalement trois (03) principaux types de marchés publics : les marchés
de travaux (article 61 du code des marché public de 2015) ; les marchés de fourniture
(l’article 62 du code des marchés) et les marchés des services (les articles 63 et s. du code
des marchés).
- Selon l’article 61 du code, les marchés des travaux sont des marchés qui ont pour
objet la réalisation des opérations de construction, de reconstruction, de démolition, de
réparation, de rénovation du tout bâtiment, route ou ouvrage, y compris la préparation du
chantier des travaux de terrassement, l’installation d’équipements ou de matériels, la
décoration et la finition, ainsi que les services accessoires aux travaux. La valeur de ses
services ne dépasse pas celles des travaux eux-mêmes.
- Les marchés de fournitures sont prévus par l’article 62 du code. Il s’agit de ceux
qui ont pour objet la prise en crédit-bail, la location-vente des produits et matériels, y compris
les services et accessoires, si la valeur de ses derniers ne dépasse pas ceux des biens eux-
mêmes.
- Pour ce qui est des marchés de service, ils sont rangés en services quantifiables et
services non quantifiables. Les services quantifiables relèvent des marchés par lesquels les
prestations ne font pas nécessairement appel à une conception. Ils se traduisent par un résultat
physiquement mesurable. C’est l’exemple du gardiennage, du nettoyage ou de l’entretien des
édifices publics. Les services non quantifiables relèvent des marchés pour lesquels les
prestations revêtent un caractère essentiellement intellectuel. Ces marchés concernent entre
autre l’assurance maladie, la publicité, l’organisation des séminaires de formation et les
présentations intellectuelles incluant la maitrise d’œuvre, les audits, les études, les contraintes
et les obligations spécifiques liées à la notion de propriété intellectuelle.

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B- Les concessions de service public
La concession de service public est une convention par laquelle une personne publique
(le concédant) confie à une autre personne publique ou privée (le concessionnaire),xde la
charge d’assurer l’exploitation d’un service public à ses prix et risques, la rémunération du
concessionnaire résultant des redevances qu’il perçoit sur les usagers du service. Ce marché a
la concession de service public se rattache à d’autres formes contractuelles comme
l’affermage et la régie intéressée et également la délégation des services publics.
La délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de
droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire
public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation.
L’affermage quant à lui consiste à confier au délégataire, rémunéré par les usagers, la
seule exploitation du service public, les ouvrages nécessaires à l’exploitation de celui-ci lui
étant remis par la collectivité publique. Pour rémunérer la personne publique de ses
investissements, une partie des redevances perçus par le fermier lui est reversée.
Dans la régie intéressée, le régisseur exploite aussi un service mais, ses recettes
provenant pour l’essentiel de l’administration contractante, varient en fonction d’un certain
nombre de critères liés à la qualité de sa gestion et au résultat même de l’activité. Ces
différentes catégories de contrats permettent de mesurer l’importance de la qualification des
contrats administratifs.

Paragraphe 2 : LA QUALIFICATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

La qualification des contrats administratifs renvoie à l’effet normateur. En général, il


revient au législateur de qualifier les contrats administratifs. Mais la jurisprudence s’est
attelée à compléter cette qualification. Il s’agit de déterminer les critères à partir desquels on
peut saisir un contrat administratif. La première qualification est textuelle (A) celle
jurisprudentielle (B) suivra par la suite.
A- La qualification textuelle
Le texte fondamental permettant de déterminer les contrats administratifs est le décret
n° 2018/366 du 20 juin 2018 portant code des marchés publics. L’article 5 de ce décret définit
le marché public. La typologie des marchés publics est fixée par les articles 61 et suivants,
indiquant les différents types de marchés publics précédemment analysés. Prenant en compte
un certain nombre de considération, la jurisprudence déterminée d’autres critères identifiables
des contrats administratifs.

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B- La qualification jurisprudentielle
Le juge a dégagé deux critères permettant d’identifier les contrats administratifs : il
s’agit d’un critère organique et un critère alternatif.

1- Le critère organique
Selon le critère organique, un contrat conclu entre deux personnes publiques est un
contrat administratif et celui conclu entre une personne publique et une personne privée est un
contrat administratif (Tribunal de conflits 8 juillet 1963 entreprise Peyrot). Cette
jurisprudence posée dans l’affaire Peyrot en 1963 a été abandonnée en France par le Tribunal
de conflits dans sa décision du 09 mars 2015 Madame Rispal contre Société des autoroutes du
Sud de la France. Dans cette affaire, le juge retient désormais « qu’une société
concessionnaire d’autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant
pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute ne peut, en l’absence
des conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l’Etat », d’où,
il suit qu’un tel contrat est de droit privé. Il faut alors y insérer un critère alternatif.

2- Le critère alternatif
Le critère alternatif a une double composante : l’aspect matériel et l’aspect finaliste.
- L’aspect matériel signifie que le contrat doit contenir des clauses exorbitantes de
commun (Conseil d’Etat, 20 octobre 1950 Stein). Autrement dit, le contrat doit avoir pour
objet de conférer des droits et obligations étrangers au droit commun. C’est le cas retenu par
le juge administratif camerounais dans l’affaire UM NTIAM François contre État du
Cameroun (CS/CA 30 aout 2003). On peut également relever pour le cas français, la décision
du Conseil d’État du 23 avril 1956 Epoux Bertin.
- Pour ce qui est de l’aspect finaliste, le contrat doit être conclu dans le but de
l’exécution même du service public (l’affaire Epoux Bertin ; CE 20 avril 1956 Consorts
Grimoirand).

Section 2 : LA FORMATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Si en droit privé, le principe de la conclusion des contrats est celui du respect du


principe de l’autonomie de la volonté (en dehors de l’exigence de respect de certaines règles
comme l’obligation d’évitement du vice de consentement, le contrat administratif est
caractérisé par un grand formalisme. Ce formalisme conduit à la limitation de la liberté
contractuelle des parties au contrat administratif. Il en est ainsi parce que le contrat
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administratif participe à l’accomplissement de la mission de service public. Marque
caractéristique de ce contrat, les rapports entre l’administration et ses contractants sont des
rapports inégalitaires. Ces exigences permettent également à la personne publique d’éviter des
actes de corruption et de favoritisme, et pour les contractants une garantie égalité.
Pour saisir au mieux la conclusion des contrats administratifs, il convient de se pencher sur les
exigences de formes (para 1) et sur les exigences de procédure (para 2).

Paragraphe 1 : LES EXIGENCES DE FORME : COMPETENCE ET PRESENTATION

Les exigences de forme tournent autour de la compétence pour la conclusion du


contrat administratif (A) et sa présentation (B).

A- La compétence pour la conclusion des contrats administratifs

La compétence renvoie à la capacité de contracter, le titre en vertu duquel une


personne intervient dans une relation contractuelle. Du côté de la personne privée, c’est-à-dire
le potentiel entrepreneur, fournisseur ou prestataire de service, il peut s’agir d’une personne
morale ou d’une personne physique. La capacité d’une personne physique renvoie à la
majorité civile.
Du côté de la personne publique, la compétence pour contracter est déterminée par les
textes. Il s’agit généralement du maître d’ouvrage qui agit pour le compte d’une personne
publique, (le chef d’un département ministériel ou assimilé, le chef de l’exécutif d’une
collectivité territoriale décentralisée, le responsable d’un établissement public). Le maître
d’ouvrage peut déléguer ses fonctions à un maître d’ouvrage délégué. Dans ce contexte, le
gouverneur, le préfet, le chef de délégation régionale et départementale des ministères, le chef
de mission diplomatique, sont considérés comme des maitres d’ouvrages délégués.

B- La présentation du contrat administratif


Le principe est que tout contrat administratif est toujours écrit. C’est ce que relève
d’ailleurs l’article 5 du code des marchés de 2015 lorsqu’il énonce qu’ « un marché public est
un contrat écrit ».
De manière exceptionnelle, l’on peut retenir un contrat administratif oral. C’est ce qui
ressort de l’affaire Époux Bertin. Il est également possible de concevoir un contrat
administratif tacite. Sa considération serait donc liée aux données de fait (Conseil d’Etat 25
juillet 2008, Institut Européen d’archéologie sous-marine).

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Paragraphe 2 : LES EXIGENCES DE PROCEDURE
Deux points méritent d’être retenus relativement à la procédure de conclusion des
contrats administratifs : le choix du cocontractant et les cahiers de charges.

A- Le choix du cocontractant de l’administration


Le choix du cocontractant renvoie au mode de désignation du prestataire dans le
contrat administratif. Ici il y a encore une limitation de la liberté contractuelle dans un double
objectif : assurer le bon fonctionnement du service et l’égalité des cocontractants.
De la pluralité des modes de désignation des cocontractants, nous en relevons trois : la
procédure d’appel d’offre, la procédure de gré à gré et les marchés spéciaux.

1- L’appel d’offres
L’appel d’offre est le procédé de principe de conclusion des contrats administratifs.
L’article 72 alinéa 1 du code des marchés publics de 2018 est clair sur ce point : « les
marchés publics sont passés par voix d’appel d’offres après mise en concurrence des
cocontractants potentiels de l’administration ». Selon l’article 73 alinéa 1 du même texte, «
L’appel d’offre est la procédure par laquelle l’attribution d’un marché intervient après appel
public à la concurrence ». Les critères de choix dans cette procédure sont :
- La qualité et la capacité professionnelle des candidats ;
- Le prix des prestations et variantes éventuelles proposées ou du coût de leur utilisation
- Le délai d’exécution ou de livraison de la prestation ;
- La valeur technique et fonctionnelle des prestations.
Dans la typologie d’appel d’offres, on peut avoir un appel d’offres national ou
international, un appel d’offres ouvert ou restreint ou alors un appel d’offres sur concours.
Dans tous les cas, le choix est réservé au mieux disant.
2- Le gré à gré
Le gré à gré est un procédé exceptionnel d’attribution des marchés publics. Selon
l’article 72 alinéa 2 du texte de 2018, « Les marchés de gré à gré peuvent exceptionnellement
être attribués dans les conditions définies dans le présent code de marché public ». Il s’agit
d’une procédure dans laquelle un marché est passé sans appel d’offres, après autorisation
préalable de l’autorité chargé des marchés publics et selon la procédure décrite aux articles
110 et 111 du code des marchés.
Les hypothèses de recours au gré à gré sont limitativement énumérées à l’article 109.
On peut au moins relever le cas des contraintes de délai de remplacement d’un prestataire
défaillant ou du marché nécessitant un brevet.
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3- Les marchés spéciaux
Les marchés spéciaux sont prévus à l’article 71 du code des marchés publics. Ces
marchés relèvent de la catégorie des procédures dérogatoires et ne font pas appel à la
concurrence. Il concerne les intérêts sécuritaires de l’État et de la défense y compris des
considérations stratégiques. Les marchés spéciaux ne sont pas soumis à la concurrence parce
qu’ils contiennent des clauses secrètes.

B- Les cahiers de charges


Les cahiers de charge sont prévus par les articles 129 et suivants du code. Ils indiquent les
obligations des prestataires dans la réalisation des marchés et les caractéristiques du marché.
L’on peut en relever trois cahiers de charges :
- Le cahier des clauses administratives générales ;
- Le cahier des clauses administratives particulières ; et
- Autres cahiers techniques indiquant les caractéristiques spécifiques du marché.

Section 3 : L’EDUCATION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Le contrat administratif est un contrat synallagmatique. Contrairement au contrat de


droit privé soumis au respect de la volonté des parties (article 1134 du code civil), le contrat
administratif peut s’adapter dans son exécution à la réalisation de la mission de service public.
Il ne s’agit pas d’un contrat ne varietur, car il est soumis au principe d’adaptabilité et de
continuité du service public. L’exécution du contrat administration fait appel aux prérogatives
de l’administration (para 1) et au droit de la concurrence de l’administration (para 2).

Paragraphe 1 : LES PREROGATIVES DE L’ADMINISTRATION

L’administration détient de plein droit certains pouvoirs dans l’exécution du contrat


administratif. On en dénombre quatre :
- Le pouvoir de direction et de contrôle ;
- Le pouvoir de modification unilatéral ;
- Le pouvoir de sanction ;
- Le pouvoir de résiliation unilatéral.

1- Le pouvoir de direction et de contrôle


Dans l’exécution du contrat administratif, l’administration contractante peut donner
des ordres obligatoires à suivre par son cocontractant. Elle peut également prescrire de
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nouvelles orientations d’exécution. Son pouvoir de direction et de contrôle lui permettent
d’indiquer des précisions sur les clauses prévues dans le contrat.

2- Le pouvoir de modification unilatérale


Quoi que synallagmatique, le contrat administratif peut subir des modifications de la
part de l’administration sans avoir le consentement du cocontractant. La modification des
clauses du contrat permet d’adapter le contrat aux impératifs de service public. C’est ce qu’a
décidé le Conseil d’Etat dans sa décision du 21 mars 1910 Compagnie général Transways.
3- Le pouvoir de sanction
En cas de faute d’exécution ou de mauvaise exécution du marché par le prestataire,
celui-ci s’expose aux sanctions administratives ou de la part de l’administration. Il s’agit
d’abord des sanctions pécuniaires comme des pénalités pour retard d’exécution (Conseil
d’Etat 25 juin 1944 ville de Toulon. Il peut également s’agir des sanctions résolutoires,
l’administration mettant fin au contrat au tort du cocontractant (CS/CA jugement n°72/88-89
du 29 juin 1989 FOUDA ETAMA contre État du Cameroun).
4- Le pouvoir de résiliation unilatéral.
Pour des motifs d’intérêt général ou à la suite des agissements fautifs du cocontractant,
l’administration peut résilier ultérieurement un contrat administratif. Le conseil d’Etat
français a réitéré ce pouvoir de résiliation unilatéral dans sa décision du 2 mai 1958 Distillerie
de MAGNAC LAVAL.

Paragraphe 2 : LES DROITS DU COCONTRACTANT

Les pouvoirs de l’administration sont limités par les prérogatives du cocontractant.


Ces droits sont essentiellement financiers. Ainsi il a :
 Le droit au règlement du prix ;
 Le droit à indemnités éventuels ;
 Le droit à l’exécution de bonne foi.
A- Le droit au règlement du prix
Le principe est celui du paiement après service fait. Exceptionnellement, le
cocontractant de l’administration peut avoir droit aux avances et acomptes pour le début et
l’exécution des travaux. Il a également droit aux intérêts moratoires c’est-à-dire lorsque le
retard incombe à l’administration.

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B- Le rétablissement de l’équilibre financier
Lorsque l’administration modifie le contrat en accroissant les charges d’exécution des
prestations, le cocontractant a droit aux indemnités compensatrices. En cas de fait de prince
ou aléa administratif, il a également droit à cette compensation qui correspond à la nouvelle
charge. Il en va de même en cas d’imprévision ou d’aléa économique.
L’imprévision est un changement des conditions économiques qui peut survenir en
cours d’exécution du contrat. Raison pour laquelle il est appelé aléa économique. Il s’agit des
faits exceptionnels non prévus par les parties au moment de la conclusion du contrat. Ses faits
ne doivent pas dépendre des parties et doivent être de nature à bouleverser les conditions
d’exécution du contrat. Il s’agit par exemple de l’accroissement des prix des produits même
dans ses conditions. Le cocontractant est tenu de continuer l’exécution du contrat en
bénéficiant un rééquilibre financier, sans que le contrat ne prenne fin.

SECTION 4 : LA FIN DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Les contrats administratifs peuvent prendre fin normalement ; mais leur fin peut
également être juridique. Le contrat administratif prend fin normalement lorsque les
conditions initialement prévu pour son exécution sont réunies. S’il s’agit d’un contrat avec un
seul échange de prestations, cet échange met fin au contrat.
La fin provoquée des contrats est une situation anormale. Elle peut provenir de la
faute du cocontractant conduisant l’administration à sa résiliation unilatérale. Elle peut
également être prononcée par le juge saisi par l’une des parties en raison de la mauvaise
exécution par l’autre.

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TITRE 2 :

LES FORMES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’action administrative peut revêtir plusieurs formes dans la réalisation de la mission


d’intérêt général. Il s’agira pour l’administration de créer les conditions de vie sociale
harmonieuse. Elle prendra donc des règles de conduite sociale assurant un minimum d’ordre.
Cette activité administrative prendra la forme de la police administrative. D’un autre côté,
soucieux des conditions de vie des populations, l’administration viendra au secours de celles-
ci en leur fournissant des services. C’est la forme du service public qui est mise en branle.
Les formes de l’action administrative sont résumées par Charles EISENMANN en
termes d’activité de règlementation et d’activité de prestation. Comme l’on peut le constater,
l’action administrative peut, soit prendre la forme de la police administrative (chap. 1), soit
celle du service public (chap.2).

CHAPITRE 1 :

LA POLICE ADMINISTRATIVE

Du grec « Polis » (cité), la police a pour équivalant la civilisation (une société


civilisée) ou synonyme de toute intervention juridique. La police administrative ne renvoie
pas à l’idée d’État de police que la conception allemande oppose à l’État de droit. La police
administrative demeure rattachée à l’Etat libéral dans lequel toutes les conditions sont créées
pour l’expression des libertés fondamentales. En l’état actuel du droit, la police administrative
renvoie à l’action des autorités administratives et des forces de l’ordre pour la sauvegarde de
l’ordre public. L’on peut retenir deux formes de police administrative : l’activité juridique et
l’activité opérationnelle de la police administrative. Seule nous intéresse ici l’activité
juridique de la police administrative, que l’on doit saisir ou comprendre à travers la notion de
police administrative (section 1) les autorités de police administrative (section 2) et les
mesures de police administrative (section3).

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Section 1 : LA NOTION DE POLICE ADMINISTRATIVE

La police administrative a pour fonction le maintien de l’ordre puisque, l’ordre public


est au cœur de la police administrative. Pour mieux la comprendre il importe d’analyser la
notion d’ordre public (para 1) tout en la distinguant de la police judiciaire (para 2).

Paragraphe 1 : LA NOTION D’ORDRE PUBLIC


L’ordre s’oppose au désordre. Un ordre finalisé selon l’expression de PICARD et non
un ordre totalitaire. Il s’agit d’un ordre qui maintien les conditions sociales harmonieuses. Le
Conseil constitutionnel français considère que la sauvegarde de l’ordre public est un objectif à
valeur constitutionnelle (C.C décision du 27 juillet 1982). L’ordre public a un aspect général
et un aspect spécial.

A- L’ordre public général


La compréhension de l’ordre public général passe par la détermination de son but et
ses composantes.

1- Le but
Pris sous son aspect général, l’ordre public est la fonction première de la puissance
publique. Il a pour but d’assurer la sécurité condition de la liberté, dans une société organisée.
Il n’y a pas exercice possible de la liberté dans le désordre. L’ordre public est la garantie
d’exercice des libertés individuelles, de la sécurité des personnes et des biens. Dans un État de
droit, l’essentiel réside dans la conciliation entre la liberté et l’ordre. La courbe pourra varier
en fonction des circonstances, et de toute façon, l’autorité de police agira sous le contrôle du
juge.
2- Les composantes de l’ordre public

L’ordre public a connu une évolution, en intégrant a la trilogie classique (a) d’autres
composantes (b).
a) La trilogie classique
La trilogie classique conçue par Maurice HAURIOU retient comme composantes de
l’ordre public la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques.
La sécurité est nécessaire pour toute activité humaine. L’autorité administrative
définit alors dans ce contexte une règlementation de nature à assurer la sécurité des personnes
et des biens. Il peut alors avoir mobilisation des forces de l’ordre à cet effet (police,
gendarmerie, militaire). Il s’agit très exactement de prévenir le désordre et, lorsque l’ordre est
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troublé, de le maintenir. Prévention du désordre et rétablissement de l’ordre constitue alors
l’ossature de l’ordre public.
La tranquillité quant à elle renvoie à un minimum de paix sociale, sorte de quiétude.
Dans la sauvegarde de la tranquillité, l’autorité administrative peut s’atteler à combattre les
nuisances sonores par exemple.
La salubrité renvoie aux conditions d’hygiène et même de santé publique. Les
questions environnementales sont au cœur de la salubrité, et les composantes de l’ordre public
se sont enrichies.

b) L’évolution des composantes de l’ordre public


Les composants de l’ordre public ont connu une évolution au point où on en vient à
parler de l’ordre public moral et la dignité humaine.
L’ordre public moral renvoie aux valeurs, croyances ou comportements dominants
en Société. Le conseil d’État français l’a consacré dans sa décision du 18 décembre 1959
Sociétés les films Lutetia.
La dignité humaine est également conçue comme composante de l’ordre public.
C’est ce qui ressort de la décision du conseil d’Etat français du 25 octobre 1995 Commune de
Morsang-Sur-Orge, affaire dite de « lancer de nains ».

B- L’ordre public spécial


L’ordre public spécial touche aux aspects particuliers de la vie sociale. Dans sa
diversité, l’on peut retenir des aspects liés à la liberté et au droit de propriété. Il s’agit d’un
ordre public catégoriel. Cet ordre public est organisé par les textes et touche aux aspects
particuliers comme la police de la chasse, la police de l’environnement, des voies de
circulation, etc.
Il est également important de retenir d’autres formes d’ordre public spécial comme
l’ordre public esthétique, en matière artistique ou d’urbanisme.

Paragraphe 2 : LA DISTINCTION ENTRE POLICE ADMINISTRATIVE ET POLICE


JUDICIAIRE
La distinction entre police administrative et police judiciaire est la conséquence du
principe de séparation des autorités administratives et judiciaires dans la répartition de leurs
rôles respectifs : pour comprendre cette distinction, il faut en retenir le critère (A), mais
également relever la relativité de la distinction (B).

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A. Le critère de distinction

Le critère de distinction entre police administrative et police judiciaire est


essentiellement finaliste. Alors que la police administrative est préventive, la police judiciaire
est répressive. La police administrative cherche à maintenir l’ordre. Or, lorsque cet ordre est
troublé, la police judiciaire est mise en branle pour la constatation des infractions, la
recherche des preuves et la traduction des auteurs de ces infractions en justice.
La police judiciaire est répressive parce qu’elle cherche à réprimer les coupables de
trouble à l’ordre public. La police administrative est préventive parce qu’elle vise à prévenir
le désordre, en empêchant sa survenance. Mais cette distinction apparemment claire, présente
des limites.

B. Les limites de la distinction police administrative-police judiciaire

Pris dans son critère, cette distinction semble évidente ; pourtant certains aspects
peuvent brouiller la lecture de cette distinction. On peut en relever deux : le dédoublement
fonctionnel et la transformation de la police administrative en police judiciaire.
Dans le dédoublement fonctionnel, il y a une quasi identité des forces d’intervention.
L’exemple est celui d’un policier qui dirige la circulation et dans le même temps, un usager
de la route viole les feux de signalisation. Le policier qui au départ était une autorité de police
administrative dans sa mission de direction de la circulation, se mute en agent de police
judiciaire et dresse un procès-verbal d’infraction à la circulation routière. Sous le même coup,
l’opération de police administrative s’est transformée en opération de police judiciaire. Cette
relativité dans la distinction entre police administrative et police judiciaire commande que
l’on identifie les autorités de police administrative.

Section 2 : LES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE

Les autorités de police administrative appellent à leur identification et à une éventuelle


concurrence qui pourrait s’établir entre elles.

Paragraphe 1 : L’IDENTIFICATION DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE

On distingue les autorités de police administrative générale et les autorités de police


administrative spéciale.

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A- Les autorités de police administrative générale

Les autorités de police administrative générale sont celles qui exercent leur
compétence sur toutes les matières de la vie sociale (administrative). Certaines ont une
compétence nationale et d’autres une compétence locale.
1. Les autorités de police administrative à compétence nationale
Il s’agit de celles qui exercent leur compétence de police sur l’ensemble du territoire
national. Il en est ainsi du Président de la République (Conseil d’Etat 8 août 1919 Labonne)
du Premier ministre (Conseil d’Etat 13 mai 1960 SARL « Restaurant Nicolas »).

2. Les autorités de police administrative à compétence locale


Il s’agit des autorités déconcentrées comme le Gouverneur, le Préfet, le Sous-préfet et
des autorités décentralisées comme le Maire.

B- Les autorités de police à compétence spéciale

La compétence spéciale a trait à certains secteurs de l’activité administrative en


particulier. Il s’agit de la division ou de la répartition des rôles et de leur spécialisation. On a
ainsi de la police de l’environnement et au niveau national, le Ministre en charge de
l’environnement en assume la responsabilité de protection de l’environnement. Au plan local,
les Délégués départementaux, régionaux et d’arrondissements représentent leur ministère,
assument les responsabilités d’autorités de police administrative spéciale au niveau local.
Le Maire est également considéré comme une autorité de police spéciale relativement
aux compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées. S’il revient au Maire
la compétence d’établir les permis de bâtir, c’est le rôle du Conseil municipal de délibérer sur
l’utilisation des sols.

Paragr 2 : LA CONCURRENCE ENTRE LES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVE

Il convient de dissocier la concurrence entre autorités de police générale (A) et les


autorités de police spéciales (B) et entre les autorités de police générale et spéciale (C).

a) La concurrence entre autorités de police générale


Cette concurrence est réglée par les textes à travers la répartition des compétences.
Dans la même logique, une autorité de police administrative générale inférieure doit respecter
les mesures de police prise par l’autorité supérieure. C’est le principe de hiérarchie.

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b) La concurrence entre autorités de police spéciale

La concurrence entre autorités de police spéciale est réglée par les textes et par secteur
d’activité en général. En général, en l’absence de coordination entre les autorités de police
générale, l’on fait application du principe d’indépendance de législation.

c) La concurrence entre autorité de police général et autorité de police spéciale

Il est convenu qu’une autorité de police spéciale peut aggraver une mesure de police
générale mais ne saurait la contredire.

Section 3 : LES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE

L’on abordera les procédures de police en premier lieu (para 1) et les limites de ses
mesures en second lieu (para 2).

Paragraphe 1 : LES PROCEDES DE LA POLICE ADMINISTRATIVE

Les pouvoirs de police (A) présentent certains caractères (B).

A- Les pouvoirs de la police


Les autorités administratives détiennent :
- Les pouvoirs de réglementation (règlementation de la circulation, de la chasse, la
liberté de manifestation ; des débits de boisson)
- Les autorisations et interdictions (autorisation d’association à l’exemple de la loi de
1990, des interdictions de manifestation) ;
- La réquisition des personnes et des biens.

B- Les caractères de mesures de police administrative

Les mesures de police sont des mesures unilatérales. Elles présentent un caractère
préventif, même si on peut y associer des sanctions à l’exemple de retrait de permis ; et enfin,
elles ne sont pas créatrices de droit.

Paragraphe 2 : LES LIMITES DES MESURES DE POLICE

En raison du danger que courent les libertés dans les exigences de maintien de l’ordre,
un encadrement des pouvoirs des autorités de police administrative est nécessaire. C’est le
sens des limites de mesure de police. Par-delà le respect du principe de légalité, ces mesures

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de police sont limitées par le contrôle juridictionnel. Ce contrôle peut être exercé par le juge
administratif, mais également par le juge judiciaire.

A- Le contrôle par le juge administratif des mesures de police

Suivant les conclusions Corneille sous la décision du Conseil d’Etat du 17 août 1917
Baldy, « la liberté est la règle et la restriction de police l’exception ». Cela signifie que les
mesures de police doivent intervenir dans des rares hypothèses. La conciliation entre ordre et
liberté, parce que celle-ci s’exerce grâce au respect de celui-là, reste importante. Le contrôle
s’apprécie au moment de la prise de mesure de police. Trois types de contrôles peuvent être
exercés par le juge administratif.

 Le contrôle de l’égalité stricto sensu : ici, le juge vérifie que la mesure dans la police est
conforme à la légalité (Conseil d’Etat 19 mai 1933 Benjamin ; Ordonnance n°19/PCA/CS
du 26 septembre 1991 affaire Organisation Camerounaise des Droits de l’Homme
(OCDH) contre Etat du Cameroun ; Ordonnance n° 20/O/PCA/C5 du 26 septembre 1991
KOM Ambroise contre Etat du Cameroun) ;
 Le contrôle de proportionnalité : le juge vérifie l’adéquation entre le fait en cause et la
mesure de police sanctionnant le fait (Conseil d’Etat 30 novembre 1956 Bakary Djibo) ;
 Le contrôle d’opportunité de la mesure de police : le juge apprécie la situation à l’effet
de vérifier si la mesure de police était nécessaire (Décision du 26 septembre 1991, CAP
Liberté contre État du Cameroun). Il en va de même des mesures de dissolution des
associations. (Eteil Mouelle Koula et Nana Tchana Daniel de 1972 ; Conseil d’État 4 avril
1936 Pujo, Croix du feu Briscard du 27 novembre 1936).

En période de circonstance exceptionnelle, le juge exerce un contrôle minimum et au


coup par coup. C’est l’expression de la dictature du salut public en mesure où l’on est dans
l’hypothèse d’Etat d’exception (article 9 de la constitution du 18 janvier 1996).

B- Le contrôle par le juge judiciaire des mesures de police administrative

Le juge judicaire peut intervenir dans deux cas pour contrôler les mesures de police
administrative :

 Le contentieux des journaux. Initialement confié au juge administratif au regard des


articles 14 et 17 (abrogé de la loi n°90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté
de communication) il s’agissait du contentieux de la saisie, la censure et l’interdiction

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des journaux. Mais la loi n° 96/04 du 4 janvier 1996 qui abroge celle de 1990 a
supprimé la censure des journaux. Il ne reste plus que la saisie et l’interaction des
organes de presse dont le contentieux est confié au juge judicaire (affaire journal «
Mutations » contre État du Cameroun du 14 juillet 1997) ;
 Le contentieux de l’interdiction des manifestations publiques (article 8 alinéa 3 de la
loi n° 90/055 relative à la liberté de réunions des manifestations publiques).

Au regard de l’importance des mesures de police pour le maintien de l’ordre, il est


possible d’envisager la police administrative comme un service public.

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Chapitre 2 :

LES SERVICES PUBLICS

Les services publics constituent l’une des plus importantes manifestations de


l’intervention de l’administration. L’école de Bordeaux considérait le service public comme la
notion angulaire du droit administratif. Il n’est pas nécessaire de revenir sur la controverse
doctrinale service public - puissance public.

En tout état de cause, son importance dissimule mal sa complexité. C’est pourquoi, il
sera nécessaire d’analyser la notion de service public (section1), ses formes (section 2), ses
principes de fonctionnement (section 3) et ses modes de gestion (section 4).

Section 1 : LA NOTION DE SERVICE PUBLIC

Le service public revêt plusieurs sens. Au sens formel, il renvoie à un ensemble


organisé des moyennes humaines et matérielles mises en œuvre par l’État au profit d’une
collectivité ; du point de vue matériel, le service public est une activité d’intérêt général
assurée ou assumée par l’administration et dont l’objet est de satisfaction des besoins
collectifs. Pour qu’il y ait service public, il faut qu’une activité d’intérêt général (para 1) soit
prise en charge par l’administration (para 2) sous le régime de droit public (para 3).

Paragraphe 1 : L’INTERET GENERAL

L’intérêt général est au cœur de la définition du service public. Il existe plusieurs


conceptions de l’intérêt général :

L’intérêt général peut être considéré comme une somme algébrique des intérêts
individuels des personnes ou des groupes.

Dans une conception subjective qui est primordiale, l’intérêt général est le résultat
d’un choix effectué par les pouvoirs publics. Ce choix peut être effectué par la Constitution, la
loi ou les règlements.

Dans une conception objective, qui est secondaire ou subsidiaire, lorsqu’il n’est pas
possible de déterminer la volonté des pouvoirs publics, le juge statue en fonction des
considérations sociales propre à chaque époque.

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Paragraphe 2 : LA PRISE EN CHARGE PAR UNE PERSONNE PUBLIQUE

Pour qu’il y ait service public, une activité d’intérêt général doit être prise en charge
par une personne publique. Cette activité doit être organiquement rattachée à une personne
publique qui est toujours responsable de l’organisation et même de la création des services
publics (article 8 de la constitution camerounaise de 1996, pour ce qui est de la création des
services publics par le Président de la république). La création des services publics locaux
ressortis de la compétence des organes délibérants des collectivités territoriales décentralisés
(conseil municipal, conseil régional).

La prise en charge d’une activité d’intérêt général peut être directe. L’administration
assure alors les services publics en régie. Cela signifie que l’administration prend elle-même
la charge d’une activité d’intérêt général. Elle peut également confier cette prise en charge à
un organisme spécialisé tout en contrôlant directement l’activité.

Cette prise en charge peut également être indirecte si la personne publique assume en
contrôlant étroitement l’activité des organismes privés. L’activité sera alors déléguée soit
unilatéralement, soit par contrat.

Paragraphe 3 : LE REGIME DE DROIT PUBLIC

Le régime de droit public est surtout nécessaire en cas d’intervention d’un organisme
de droit privé. Il s’agit de la reconnaissance des prérogatives de puissance publique par un
organisme privé. Il n’est admis que, même en l’absence des prérogatives de puissance
publique, si l’administration entend confier à un organisme de droit privé une mission
d’intérêt général, l’activité en cause est considérée comme un service public (Conseil d’Etat
22 février 2007, APREI (Association du Personnel Relevant des Etablissements pour
Inadapté). L’activité doit surtout être soumise aux obligations de services publics notamment
l’égalité et la continuité.

Section 2 : LES FORMES DE SERVICES PUBLICS

Elles sont essentiellement déterminées par la jurisprudence. Classiquement, on a les


services publics régaliens de l’État comme la défense, les services publics sociaux, les
services publics économiques, de l’environnement, de la santé, du transport….

Cette classification des services publics tient aux différents domaines d’intervention
des personnes publiques. Mais, le critère jurisprudentiel de classification du service public est

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le mode de gestion. Dans sa décision du 22 janvier 1921, Société Commerciale Ouest
Africaine dite affaire Bac d’Eloka, le tribunal des conflits a distingué deux catégories de
service public à travers le mode de gestion. La gestion privée d’un service public renvoie au
service public industriel et commercial (SPIC) et la gestion publique au service public
administratif (SPA).

Deux aspects permettent d’analyser les formes de service public : le critère de


distinction (para 1) et le droit applicable (para 2)..

Paragraphe 1 : LES CRITERES DE DISTINCTION ENTRE LA SPA ET LE SPIC

Trois critères permettent de distinguer les SPA des SPIC : l’objet, les ressources et le
mode de fonctionnement. Ces critères seront examinés successivement.

A- L’objet du service du service

La mission remplie se rattache-t-elle aux fonctions normales de l’administration ou


alors à celle des entreprises privées ? L’on fait ici recours aux missions traditionnelles de la
personne publique dans la définition des SPA. Ainsi, lorsque l’administration reste dans le
cadre de ses missions traditionnelles, on est en présence des SPA. Pour les SPIC, il y a
présence d’activité économique de production et d’échange exercé dans un contexte de
concurrence. Dans le premier cas, c’est-à-dire les SPA, il y a la présomption irréfragable
d’administrabilité. Il arrive parfois que l’objet se combine avec les indices.

B- Les ressources du service

Au niveau des ressources, l’opposition entre SPA et SPIC est simple. D’abord, pour ce
qui est des SPIC comme les entreprises, les SPIC tirent leurs ressources des redevances pour
service rendu à l’usager, en contrepartie de la prestation. Elles portent le nom de prix.

En Revenge, les SPA sont financés par le contribuable, par l’impôt. Le service est en
principe gratuit et dans l’hypothèse où l’usager du SPA doit payer une taxe, celle-ci n’est pas
proportionnelle au coup du service (Conseil d’Etat 26 juillet 1930 Benoît).

C- Les modes de fonctionnement du service

Les SPA font recours au mode de gestion de droit public, la comptabilité publique, le
statut des agents. Pour ce qui est du statut des agents, ceux-ci sont dans une position
réglementaire et légale de droit public. Il s’agit pour la plupart des fonctionnaires alors que le
statut de droit privé relève du code de travail.
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Paragraphe 2 : LE DROIT APPLICABLE AUX SERVICES PUBLICS

Le droit régissant le service public n’est pas uniforme. Il varie en fonction de la


catégorie de service public en cause. Il faut donc distinguer ce droit applicable tant pour ce
qui est des SPA que pour ce qui est des SPIC.

A- Le droit applicable aux SPA

Aux SPA est appliqué le droit public, aussi bien dans leur organisation que dans leur
fonctionnement. L’usager du SPA géré par une personne publique est dans une situation
légale et réglementaire de droit public. Cela suppose qu’en cas de contentieux, c’est le juge
administratif qui est compétent.

L’usager du SPA géré par une personne privée est dans une situation légale et
réglementaire de droit privé.

B- Le droit applicable aux SPIC

Le droit applicable aux SPIC est un droit hybride. Dans leur fonctionnement, les SPIC
font recours à la gestion privée (confer affaire Bac d’Eloka de 1921). Il a également fait appel
au droit public parce qu’il s’agit d’un service public. Schématiquement, il faut distinguer le
droit applicable à l’organisation, à celui qui est applicable au fonctionnement des SPIC.

Alors qu’il est appliqué à l’organisation des SPIC les règles de droits publics (par ce
qu’il s’agit d’un service public), leur fonctionnement relève de la gestion privée et donc du
droit privé.

Section 3 : LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT DES SERVICES PUBLICS

Qu’il s’agisse des SPIC ou des SPA, les mêmes principes sont applicables aux services
publics. Ce sont les lois de services publics ou les lois ROLLAND. A la trilogie classique,
s’ajoute des principes modernes.

Paragraphe 1 : LA TRILOGIE CLASSIQUE

Trois principes classiques gouvernent les services publics : le principe de continuité, le


principe d’adaptabilité et le principe d’égalité.

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A- Le principe de continuité du service public

Ce principe signifie que le service public fonctionne régulièrement sans interruption


réglementaire, sans arrêt, suivant l’heureuse formule de Louis ROLLAND.

En application de ce principe, le droit de grève était interdit aux agents (Conseil d’Etat 7
août 1909 Winkell). Mais ce droit de grève a évolué, pour être finalement reconnu aux agents
comme un droit fondamental. (Conseil d’Etat 7 juillet 1950 Dehaene)

B- Le principe d’adaptabilité du service public

Ce principe est également appelé principe de mutabilité ou loi de changement selon


l’expression de ROLLAND. Le service public doit pouvoir s’adapter constamment aux
nouvelles exigences de l’intérêt général. Il en est ainsi parce que les besoins d’intérêt général
peuvent varier ou même évoluer. C’est la raison pour laquelle, il est possible pour
l’administration de modifier l’organisation et le fonctionnement d’un service public (CE 27
janvier 1961 Vannier).

C- Le principe d’égalité

Le principe d’égalité suppose un traitement non discriminatoire aussi bien des agents
que des usagers du service public. Aucune discrimination ne devrait leur être appliquée du fait
de leur opinion (Conseil d’État 28 mai 1954 Barel).

Devant le juge administratif, le principe d’égalité est un principe général de droit (CE
09 mars 1951 Société les concerts du conservatoire). Le juge constitutionnel français l’a
considéré comme un principe à valeur constitutionnel (CC, 12 juillet 1979 Ponts à péages).
Les discriminations positives sont cependant possibles au regard des situations sociales (CE, 8
juin 2011 M. Jean-Marie ; 10 mai 1974, Dénoyez et Chorques)

Paragraphe 2 : LES PRINCIPES MODERNES DU SERVICE PUBLIC

Les principes modernes de service public se présentent comme une cure de jouvence
de l’organisation et du fonctionnement du service public. L’on peut en relever quelques-uns.
Au rang de ses principes modernes, on note le principe de neutralité, la qualité de service, la
gratuite du service public.

- Le principe de neutralité renvoie à l’impartialité et à l’objectivité. Il fait référence à


l’obligation de réserve par rapport aux considérations politiques, religieuses,
syndicales. Foulquier rattache la neutralité au principe d’égalité. Mais le principe de
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neutralité a acquis son autonomie et est considéré par le juge constitutionnel français
comme un principe à valeur constitutionnel (CC 23 juin 1996 Entreprise National
France Telecom).
- La qualité du service est assimilable à la performance dans la satisfaction de l’intérêt
général.
- Le principe de gratuité du service : la gratuité du service n’exclut pas le payement
de certaines redevances. Le principe de gratuité interroge par ailleurs le mode de
gestion des services publics.

Section 4 : LES MODES DE GESTION DE SERVICE PUBLIC

La gestion du service public peut épouser plusieurs modes :

- La gestion en régie : ici, la personne publique gère elle-même le service en cause ;


- La gestion décentralisée des services publics : elle appelle à la création d’autres
personnes morales de droit public détenteur de la personnalité juridique. Il peut s’agir
d’une décentralisation territoriale ou une décentralisation par service ;
- La gestion de service public en concession ;
- La gestion par des ordres professionnels. Exemple : l’ordre professionnel des
médecins, des avocats.
En tout état de cause, l’ensemble des pouvoirs des autorités administratives restent
encadrés par le droit qui traduit par là même les limites de leurs actions.

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PARTIE III :

LES LIMITES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’inégalité des rapports entre l’administration et les particuliers nécessite un certain


encadrement du pouvoir de l’administration, en vue d’éviter l’arbitraire. C’est le sens des
limites de l’action administrative. Ces limites sont essentiellement de deux ordres : la
soumission de l’administration au principe de légalité et sa soumission au principe de la
responsabilité. Le principe de légalité ayant été déjà abordé, l’on ne se penchera plus que sur
la responsabilité administrative.

Chapitre unique :

LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

Sous l’ancien régime français, la possibilité d’imposer à la puissance publique


l’obligation de réparer les dommages causés par son action ou inaction était exceptionnelle.
En dehors de la responsabilité contractuelle, un texte était nécessaire pour que cette possibilité
soit ouverte. Il n’y avait pas de régime général de responsabilité car, « le roi ne pouvant mal
faire », ses fautes ne sauraient être reconnues. Le principe était donc celui de l’irresponsabilité
de la puissance publique lié à l’idée exprimée Edouard LAFERRIERE que, « le principe de la
souveraineté est de s’imposer à tous sans qu’on puisse réclamer d’elle aucune
compensation ».

Ces considérations ont évolué avec les arrêts Blanco et Pelletier, et la responsabilité
administrative ne cesse de s’étendre. La responsabilité administrative est un élément essentiel
du régime administratif en tant que sujétion s’imposant à la puissance publique.

L’arrêt Blanco pose un régime spécial de responsabilité administrative. Aussi peut-on y lire :
« la responsabilité qui peut incomber à l’Etat n’est ni générale, ni absolue. Qu’elle a ses
règles spéciales édictées en fonction des besoins de service et de la nécessité de concilier les
droits de l’État et les droits des particuliers ». Pour que cette responsabilité soit mise en
œuvre (section2), certaines conditions doivent être réunies pour engager la responsabilité de
la personne publique (section 1)
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SECTION 1 : LES CONDITIONS D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
ADMINISTRATIVE

Comme en droit privé, la responsabilité n’existe que si le préjudice a été causé par le
fait d’une personne qui supporte sur son patrimoine, la charge de la réparation. Il faut donc
qu’il y ait un fait générateur de responsabilité (paragraphe 1), un lien de causalité (paragraphe
2), et un préjudice réparable (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE

En raison de l’autonomie du droit de la responsabilité administrative, la jurisprudence


n’a pas suivi les catégories juridiques du droit civil. Il n’est donc pas question de raisonner ici
en termes de responsabilité du fait personnel, du fait d’autrui ou du fait des choses. La
responsabilité administrative est engagée dans deux hypothèses, en cas de faute (A) mais
également en cas d’absence de faute (B).

A- La responsabilité pour faute

La tendance française catégorise les fautes en faute simple, faute lourde et faute
présumée. La jurisprudence camerounaise suivant en cela la distinction faite par l’arrêt
Pelletier (TC, 30 juillet 1873) entre faute de service et faute personnelle, commande
l’analyse. C’est pourquoi, l’on analysera la faute de service (1) avant la faute personnelle (1).

1- La faute de service

La faute de service est imputable à l’administration. Le commissaire du gouvernement


Edouard LAFERIERE dans ses conclusions sous l’arrêt Laumonier-Carriol (T.C., 5 mai
1877), définissait la faute de service comme « l’acte dommageable impersonnel qui révèle un
administrateur plus ou moins sujet à erreur ». La faute de service peut être le fait d’un agent
identifiable ou alors d’un agent non identifiable. Dans ce dernier, cas on parle de faute du
service. La faute de service du fait d’un agent identifiable doit être causé dans le service ou à
l’occasion du service (Conseil du contentieux Administratif (CCA, Arrêt n° 269 du 27
novembre 1953 NAMA Gallus contre administration du territoire). La faute de service peut
résulter d’une opération matérielle, d’une inertie ou carence administrative, d’une abstention
ou d’un acte juridique illégal (CS/AP Arrêt du 24 mars 1983 NJIKIAKAM TOWA Maurice
contre Etat du Cameroun).

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La faute anonyme ou faute du service est envisageable dans trois hypothèses au
moins :

- Hypothèse 1 : mauvaise organisation ou fonctionnement du service à l’exemple de la


voie publique défectueuse (CS/CA, jugement du 27 mai 1982, DZIETHAM Pierre
comme Etat du Cameroun). Il en va de même du mauvais fonctionnement du service
de la poste (CS/CA jugement n°13 du 23 novembre 1989 ENYENGUE DIPOKO
Bernard) ;
- Hypothèse 2 : le fonctionnement tardif comme le non-respect des délais de traitement
dossier ;
- Hypothèse 3 : la carence du service à l’exemple du pouvoir de police sanitaire pour
enrayer la contamination par le virus du sida (Conseil d’État 09 avril 1993 M.G.)

2- La faute personnelle de l’agent

Edouard LAFERRIERE définissait la faute personnelles comme celle qui « révèle


l’homme dans ses passions, ses faiblisses et ses imprudences ». Il convient de rappeler pour
ne plus avoir à y revenir que la distinction faute personnelle et faute de service a été établie
par l’arrêt Pelletier de 1873. La faute personnelle doit être commise dans le service ou à
l’occasion de celui-ci. Si elle est commise hors du service, il doit avoir un lien avec le service.
C’est l’exemple d’une infraction commise avec une arme détenue régulièrement par un agent
en dehors de son service (Conseil d’Etat du 26 octobre 1973 Sadoudi).

Plusieurs hypothèses peuvent laisser envisager une faute personnelle :

- Une faute commise hors du service n’est pas en principe une faute personnelle ; il faut
encore que cette faute ait un lien avec le service ;
- Une faute dans le service est en principe une faute de service ; mais elle peut être
détachable du service en raison du mobile personnel, de la portée de l’acte qui la situe
hors du service. Lorsque l’agent exprime ses faiblesses et ses passions, il peut s’agir
d’un acte, d’une intention malveillante à caractère volontaire (TC ,14 décembre 1925
Nouarro), mais c’est d’avantage sa gravité qui est prise en compte.

En cas de faute personnelle, la juridiction compétente est le Juge Judiciaire, avec applicabilité
du droit privé ; mais l’agent public aura la couverture de la personne publique.

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a- La mise en œuvre de la responsabilité de l’administration : la substitution de
responsabilité
La compétence du Juge judicaire en matière de faute personnelle et l’application du droit
privé ressort l’article 3, alinéa 2 de la loi du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le
fonctionnement des tribunaux administratifs : « les tribunaux de droit commun connaissent
conformément au droit privé de toute autre action ou litige, même s’il met en cause les
personnes morales énumérées à l’article 2, la responsabilité des dites personnes morales
étant à l’égard des tiers substituée de plein droit à celle leur agent auteur des dommages
causés même dans l’exercice de leur fonction ». Cette règle a connu une application dans la
décision de la CS/AP arrêt n° 12 du 13 octobre 1994 POUNGOU Norbert, DIBONG ET
ONCP contre Ministère public Kilteu et autres).
Le lien avec le service est la condition de substitution de la responsabilité. D’abord en
qualité d’agent publique qu’il soit fonctionnaire, contractuel d’administration, collaborateur
de l’administration (CCA arrêt n° 28 du 11 septembre 1950 NLEM MBOMOZOM contre
Administration du territoire).

Ensuite, le dommage doit être causé dans l’exercice des fonctions ou à l’occasion de
celle-ci (CS Arrêt n° 245 du 18 juillet 1967 LITTY Hermann contre MBELECK Paul).

Schématiquement, les modalités de la substitution de la responsabilité se déclinent


ainsi : Condamnation de l’agent devant le juge judiciaire d’abord, et ensuite, endossement de
la responsabilité de plein droit par l’administration. Il s’agit alors pour l’administration de
réparer le dommage subi par le tiers du fait de son agent (Cour Fédérale de Justice, AP arrêt
n°1 du 15 octobre 1969 BOLO Joseph contre Etat du Cameroun).

b- La responsabilité de l’agent à l’égard de l’administration : action récursoire.


Le principe de la responsabilité des agents publics en cas de destruction ou de perte
des objets à leur charge était déjà consacré. Il en est ainsi de la perte d’un véhicule
administratif qui a entrainé l’émission d’un ordre de recettes à l’encontre de l’agent qui avait
la garde du véhicule. C’est la substance de l’affaire MBEBEY Norbert contre Etat du
Cameroun du 20 mars 1972. D’ailleurs, l’article 21 de la loi des finances du 14 juin 1961
prévoyait cette responsabilité.
L’action récursoire signifie que, après avoir indemnisé la tierce victime,
l’administration se retourne vers son agent pour se faire rembourser les sommes versées à la
victime. Elle le fait par ordre de recettes. Le juge administratif l’a confirmé dans l’affaire
OWOUNDI Jean Louis du 28 septembre 1978 (CS/CA jugement n° 33).
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L’ordre de recette étant un acte administratif faisant grief, l’agent concerné peut
toujours l’attaquer devant le juge par le moyen du recours pour excès de pouvoir (CS/CA
jugement n° 39/93-94 du 25 avril 1994 ONDO OHONO Charles contre Etat du Cameroun).
L’article 4 de l’arrêté du 21 septembre 2000 fixant les modalités d’exercice de l’action
récursoire donne pouvoir au Ministre utilisateur d’apprécier le degré de responsabilité de
l’agent condamné. L’on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une remise en cause de
l’autorité de la chose jugée. (Pour une lecture critique de ce texte, voir Guy Herman
MFOYOUOM, « Les visages de la protection des agents publics mis en cause dans le
contentieux administratif au Cameroun », Revue Africaine des Sciences Politiques et Sociales,
n°35, janvier 2022, P.538-562, spécialement les pages 560 et 561).
Si la faute est importante dans l’engagement de la responsabilité de l’administration,
son existence n’est pas toujours nécessaire.

B- La responsabilité sans faute

Il est possible qu’en l’absence de toute faute imputable à l’administration, les droits ou
les intérêts des particuliers se trouvent atteints dans le cadre de l’activité administrative ou
même de la puissance publique en général. Il est alors important d’assurer une certaine
sécurité des droits et intérêts particuliers. Il existe deux sortes de responsabilité sans faute : la
responsabilité pour risque (1) et la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges
publiques (2).

1- La responsabilité pour risque :

Au regard des dangers susceptibles de porter atteinte aux droits ou intérêts des
particuliers, la jurisprudence a dégagé quelques hypothèses de responsabilité pour risque :

- Les choses et activités dangereuses à l’exemple de l’explosion de la Courneuve en


1919 (Conseil d‘Etat 28 mars 1919 Regnault-Desroziers). Et pour des choses
dangereuses, c’est également le cas de la manipulation des armes à feu, pour les
produits dangereux, la contamination par le virus du SIDA tel qu’il ressort de la
décision du Conseil d’Etat du 26 mars 1995 N’GUYEN et autres. Sans constituer une
faute, l’activité dangereuse ou les choses dangereuses peuvent être à la source d’un
préjudice subi par un particulier. La responsabilité de l’administration sera pourtant
être engager pour réparer le préjudice en cause, cette fois, sous le fondement du risque
créé.

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- Les blessures par balles des personnes pourchassées par la police (CE 24 juin 1949, Le
Compte et Daramy).

2- La responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques

Dans ce registre, l’on peut relever quelques cas :

- Les mesures d’ordre économique et social imposées aux particuliers dans l’intérêt
général (le refus par l’administration d’engager une action en démolition d’un
immeuble bâti en contravention aux règles d’urbanisme ou le refus d’exercer un
pouvoir de police) ;
- Le refus d’exécuter des décisions de justice (conseil d’Etat 30 novembre 1923 arrêt
Couitéas)
- La responsabilité du fait des lois, ainsi qu’il ressort de la décision du CE français du
14 janvier 1938, La fleurette).

Pour que la responsabilité de l’administration pour rupture devant les charges


publiques soit engagée, la victime doit avoir été atteinte de façon spéciale et anormale. Cette
atteinte présente une gravité particulière, c’est ce qu’a relevé l’Ass. Plén. de la Cour Fédéral
de Justice dans sa décision du 4 Novembre 1965, Société Industrielle et Commerciale
Africaine (SINCOA) contre Etat du Cameroun.

Au-delà du préjudice, il faut prouver que c’est l’administration qui en est à l’origine,
c’est la question du lien de causalité.

Paragraphe 2 : LE LIEN DE CAUSALITE

Pour engager la responsabilité de l’administration, il doit avoir un lien entre l’acte


posé par elle et le préjudice subi par le tiers. La définition du lien de causalité (A) permet de
déterminer la collectivité publique responsable (B).

A- La définition du lien de causalité

Pour que l’administration puisse être déclarée responsable, il faut que le préjudice se
rattache à son fait. C’est le problème du rapport entre le fait dommageable (qui est la cause)
et le préjudice subi (qui constitue la conséquence). Il faut prouver que l’administration est à
l’origine du dommage. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence exige que le lien soit
direct. Ainsi, en l’absence de cette cause à effet, la responsabilité de l’administration ne peut

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pas être engagée. C’est ce qui ressort de la décision CA/CS du 22 février 1979 MOUTOMBI
Christophe contre Etat du Cameroun.

Lorsque la cause n’est pas directe, l’administration peut voir sa responsabilité atténuée
ou tout simplement dégagée. La responsabilité de l’administration est atténuée en cas de
partage de responsabilité, c’est-à-dire à la fois en cas de faute de l’administration et de faute
de la victime (CFJ/CAY arrêt n°145 du 23 mai 1971 NGIJOL Pierre contre Etat fédéral du
Cameroun), ou en cas de faute de l’administration et faute d’un tiers.

L’administration est exonérée de responsabilité dans les cas suivants :

- La faute de la victime bien établie (tribunal d’Etat (TE) arrêt n° 79 du 15 mai 1963
NKOA NDI Sylvestre contre Etat du Cameroun)
- La force majeure (Conseil d’Etat 29 juillet 1953 époux Glasner). C’est un fait étranger
à l’administration, imprévisible dans sa survenance, et irrésistible dans ses effets. Elle
n’est admise que de façon exceptionnelle ;
- Un cas fortuit : le dommage est imputable à un cas fortuit lorsqu’on ignore la cause ou
que la cause est inconnue. Exemple : un accident mécanique tel que l’explosion d’un
navire de guerre (l’affaire Ambrosini 1912) ;
- Le fait d’un tiers extérieur à l’administration ;
- L’exception de risque accepté : ici, la victime s’est sciemment exposé au dommage
qui est survenu. Et lorsque la responsabilité de l’administration aura été engagée, il
faudra encore savoir qui est la personne publique responsable.

B- La détermination de la collectivité publique responsable

Ce problème se pose lorsqu’est mise en cause l’action de plusieurs personnes


publiques. Le principe posé par la jurisprudence est simple : est responsable la personne
publique qui exerce la compétence à laquelle est rattaché le fait dommage. Plus
singulièrement, la collectivité publique responsable est celle dont dépend le service ou l’agent
public qui a causé le dommage.

Principe apparemment simple, ses applications peuvent cependant soulever quelques


difficultés.

Moins complexe est la détermination du responsable du dommage entre le propriétaire


et l’utilisateur d’un lien. Le Juge d’administratif camerounais a retenu que, seul l’utilisateur

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d’un bien est responsable du dommage causé par celui-ci. Ainsi, dans l’espèce en date du 4
novembre 1966, le juge a décidé qu’une commune est responsable du dommage causé par son
agent qui conduisait un véhicule que l’Etat avait mis à sa disposition (CFJ/CAY arrêt n°1 du
04 novembre 1966 Dame MENGUE Marie contre Communauté Rural de Mbalmayo).

Un agent peut exercer des fonctions rattachables à plusieurs personnes publiques (le
dédoublement fonctionnel). C’est l’exemple du Maire qui est à la fois agent de l’Etat et agent
de la commune. Si son acte dommageable se rattache à la commune, c’est celle-ci qui en est
responsable. En revanche, si cet acte se rattache à l’activité de l’État, C’est l’État qui en est
responsable. Autre exemple, le Préfet qui exerce le contrôle de tutelle sur les communes ; en
cas de substitution d’action c’est la commune qui sera responsable s’il y a dommage. Si à
l’inverse, le contrôle s’exerce en l’absence de substitution, en cas de dommage, c’est l’État
qui en sera responsable.

Plus complexe lorsque plusieurs personnes publiques sont associées à une même
activité source de dommage ; c'est-à-dire, en cas de collaboration, celle dont relève la
compétence sera déclarée responsable du dommage causé. Mais il faudrait que se préjudice
soit réparable pour engager la responsabilité de son auteur.

Paragraphe 3 : LE PREJUDICE REPARABLE

L’engagement de la responsabilité suppose qu’un préjudice existe, et pas seulement,


que ce préjudice présente certains caractères (B). Mais avant, il convient de déterminer les
titulaires du droit à réparation (A).

A- Les titulaires du droit à réparation

Seuls ceux qui ont subi un préjudice peuvent obtenir réparation. Le principe est que
c’est la victime immédiate qui est titulaire du droit à réparation. Mais la jurisprudence admet
le préjudice par ricochet, c’est-à-dire celui qui est victime secondaire du fait du préjudice subi
par la victime immédiate. Ce préjudice leur est propre, un préjudice spécifique.

Au départ, le Conseil d’Etat avait jugé dans l’affaire Demoiselle RUCHETON du 11


mai 1928 que le décès d’un concubin ne pouvait être réparé. Mais quelques temps après, elle
est revenue sur sa position en admettant la légitimité du préjudice subi par la concubine du
fait du décès de son concubin imputable à l’administration (CE 21 octobre 1955 Dame
Braud ; Conseil d’Etat 3 mars 1978 dame MUËSSER).

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De même, le droit à réparation peut être transmis au successeur d’une victime décédée.
Le conseil d’Etat français a en effet admis cette possibilité de transmission du droit à
réparation dans sa décision du 29 mars 2000, Association Publique Hôpitaux de Paris contre
CTS Jacquié, abandonnant sa jurisprudence antérieure qui s’opposait à cette transmission.
Somme toute, le préjudice réparable présente certains caractères.

B- Les caractères du préjudice réparable

Pour être réparable ou indemnisable, le préjudice doit être direct, certain, anormal,
spécial et matériel. Le préjudice moral étant désormais admis.

- Le préjudice direct : il doit directement résulter de l’action administrative. On


retrouve ici la théorie de la causalité adéquate (CS/CA jugement n°28 du 28 décembre
1978, BAHA NGUE Jean Michel contre Etat du Cameroun) ;
- Le préjudice certain : le Juge ne répare que le préjudice actuel et non pas le préjudice
éventuel. (CS/CA jugement n°35 du 22 février 1979 CNPS contre United Cameroon
International Company) ;
- Le préjudice anormal et spécial est un préjudice qui est atteint de façon
suffisamment grave ;
- Le préjudice matériel : le Juge administratif camerounais exige d’un dommage que
le préjudice soit porté à quelque chose de palpable, de physique comme un bien
matériel mobilier, immobilier (CS/CA jugement n°2 du 2 novembre 1978, SO’O
Georges contre Etat du Cameroun). Le Conseil d’Etat Français a évolué dans ce sens,
en admettant la réparation d’un préjudice immatériel lorsqu’il prend en compte les
souffrances physiques consécutives à un accident corporel, la douleur moral ou
l’anxiété (Conseil d’Etat du 9 novembre 2016 N° 396 108 ; Conseil d’Etat du 03 mars
2017 n° 401 395).
- Le préjudice moral : il s’agit ici d’un revirement jurisprudentiel car le juge refusait
d’admettre la répartition d’un préjudice moral estimant que, « les larmes ne se
monnaie pas ». C’est en effet ce qui ressortait de la décision du Conseil du
Contentieux Administratif, arrêt n°310 du 3 septembre 1954 VITTORI Pierre contre
Administration du territoire ; ou que, « la douleur morale n’étant pas appréciable en
argent, ne constitue pas un dommage susceptible de donner lieu à réparation »
(Conseil d’Etat 29 octobre 1954 Bondurand). La doctrine française avait critiqué cette
position du Juge alors que le Juge judiciaire admettait déjà le préjudice moral. Il
faudra attendre l’arrêt du 24 novembre 1961 Letisserand pour voir le Conseil d’Etat
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admettre le préjudice moral réparable. Le Juge administratif camerounais suivra ce
revirement jurisprudentiel en admettant le préjudice moral dans l’affaire KWEDI
Augustine (CFH/CAY arrêt n°10 du 10 mars 1967, Dame KWEDI Augustine contre
Etat du Cameroun). Il s’agissait de la perte d’un être cher notamment l’enfant de la
requérante.
Le préjudice moral peut être l’atteinte à l’affection ou à l’honneur (CS/CA
jugement n°12/93-94 du 24 février 1994 EDZOA Georges Maurice contre Etat du
Cameroun). Mais en fonction des situations, il ne peut être accordé à la victime qu’un
franc symbolique, lorsque la responsabilité de la personne publique est mise en œuvre.

Section 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE PUBLIQUE

La mise en œuvre de la responsabilité publique concerne l’action en réparation


(P1) et la technique de répartition (P2).

Paragr 1 : LES ACTIONS EN RESPONSABILITE DE LA PERSONNE PUBLIQUE

Les actions en responsabilité sont portées devant le Juge. Le Juge administratif


détient la compétence de principe ; mais le juge judiciaire peut également y
intervenir :
- Lorsque la gestion du service public relève du droit privé (cas des SPIC) ;
- En cas d’emprise ou de voie de fait ;
- En cas de faute personnel ;
- Lorsqu’une loi lui en accorde la compétence. C’est l’exemple du contentieux des
impôts indirects ; c’est également le cas des accidents de circulation avec les
véhicules administratifs.

Paragraphe 2 : LA TECHNIQUE D’INDEMNISATION

Cette technique porte sur les modalités de répartition, la date d’évaluation du préjudice
et les intérêts moratoires.

A- Les modalités d’indemnisation

La répartition se fait en argent, et le Juge administratif camerounais ne peut en l’état


actuel du droit, adresser les injonctions à l’administration, pour l’obliger à agir.

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B- La date d’évaluation du préjudice

Il faut distinguer entre le préjudice aux personnes et les dommages aux biens.

Pour ce qui est du préjudice aux personnes, le préjudice est évalué à la date du
jugement. Il en est ainsi parce que ce préjudice peut être amené à évoluer. En ce qui concerne
les dommages aux biens, l’évaluation de l’indemnisation se fait au jour de la réalisation du
dommage. La raison en est que la victime peut avoir réparé le bien avant même la décision de
justice. (CCA arrêt n°163 du 12 décembre 1952 NDINGUE Jean contre Administration du
territoire).

C- Les intérêts moratoires

Ils comprennent le retard accusé par l’administration pour payer sa dette. Le Juge
administratif camerounais a repris les articles 1153 et 1154 du code civil traitant des intérêts
moratoires. (CS/CA jugement du 29 novembre 1979 EKA NGALEU Clément contre Etat du
Cameroun).

En définitive, visant la satisfaction de la mission d’intérêt général, l’action


administrative s’exerce sous un régime dérogatoire au droit commun. Tout en étant encadrée
par le droit, elle peut être sanctionnée par le juge. Ce dernier aspect évoque le contentieux
administratif dans sa spécificité.

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