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Docteur KIKI NEME

COURS DE DROIT ADMINISTRATIF DU PROFESSEUR


RENE DEGNI-SEGUI

Chargée du cours à l’UPGC : Dr Lydie KIKI-NEME

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Cours de droit administratif licence 2 des sciences économiques et gestions
Docteur KIKI NEME

INTRODUCTION

Le droit est, en général, appréhendé comme l’ensemble des règles édictées par l’Etat
pour régir les rapports humains dans une société donnée.

Il en va ainsi, des rapports entre commerçants et clients, entre employeurs et salariés,


entre propriétaires et locataires, entre administrations et administrés.
Il en va de même des rapports entre Etats d’une part et d’autre part entre ceux-ci et les
Organisations internationales.

La summa divisio du droit est un composé binaire. Il comporte le droit privé et le droit
public. Le premier régente les rapports entre personnes privées, dont les particuliers ou
individus. Le second s’applique à un type particulier de rapports sociaux, ceux qui s’établissent
entre gouvernants et gouvernés ou encore entre gouvernants ou pouvoirs publics (le parlement
ou l’Assemblée nationale, le pouvoir judiciaire).

Le droit public se subdivise, traditionnellement en quatre grandes branches : le droit


constitutionnel (qui est l’ensemble des règles qui régissent le fonctionnement et l’organisation
du pouvoir politique et étatique.), le droit international public (l’ensemble des règles qui
régissent les rapports entre acteurs internationaux.), le droit financier (l’ensemble des règles
relatives à la trésorerie, à la budgétisation de l’Etat) et le droit administratif (le droit applicable
à l’administration.)

Le droit administratif, qui nous intéresse ici, est à l’instar des autres branches, détaché
du droit commun pour prendre son autonomie. Il peut, en ce sens, être sommairement défini
comme le droit applicable à l’Administration et comportant des règles particulières dérogatoires
au droit commun c'est-à-dire au droit privé. Sa spécificité par rapport au secteur privé réside,
en effet dans trois (3) éléments étroitement liés. Ce sont respectivement le but qu’elle poursuit :
l’intérêt général ; les moyens utilisés pour atteindre ce but : la puissance publique et enfin les
personnes mettant en jeu ces moyens : les personnes publiques.

 Intérêt public

Le but suprême poursuivi par l’administration, c’est la satisfaction de l’ensemble des


besoins sociaux. Ce but d’intérêt général, dit encore « intérêt public » ou « utilité publique » ou
« ordre public », permet ainsi de distinguer l’Administration des particuliers, qui ont pour

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moteur essentiel la recherche d’un avantage purement personnel, plus particulièrement « le


profit ». L’intérêt public, en raison précisément de ce qu’il exprime l’ensemble des besoins
sociaux est supérieur à l’intérêt privé ou individuel et prévaut de ce fait sur celui-ci.

 Puissance publique

L’intérêt général devant prévaloir sur l’intérêt des particuliers, l’Administration dispose de
prérogatives dites de « Puissance Publique », qui participent sans contexte de la souveraineté
de l’Etat. Ces prérogatives, reconnues à l’Administration s’analysent en des dérogations au
régime juridique de droit commun des particuliers. Ces dérogations se répartissent à la vérité,
en prérogatives de puissance publique, et en sujétions de puissance publique.

 Personne publique

Les activités administratives sont assumées par des personnes publiques, à la différence de
celles du secteur privé, qui le sont par des personnes privées. Les personnes publiques, qui sont,
en l’espèce, plus précisément des personnes publiques administratives, se répartissent en
deux (2) grandes catégories. Ce sont :

- Les personnes administratives territoriales, dites encore collectivités territoriales, qui


sont des circonscriptions administratives pourvues de la personnalité morale. Dans cette
catégorie, on en distingue deux (2) :
 L’Etat : c’est la première personne publique et la principale : il a une compétence
générale s’étendant à l’ensemble du territoire national.
 Les collectivités locales (Les démembrements de l’Etat): elles constituent la seconde
catégorie de personnes publiques: ce sont les régions et les communes.

- Les personnes administratives spécialisées : Ce sont des services publics dotés de la


personnalité morale et qui, à la différence des précédentes, ont une vocation, non pas
générale ou locale mais spécialisée.

Exemple : Cette catégorie est représentée par les Etablissements publics. Nous avons, par
exemple, l’Université Peleforo Gon Coulibaly (UPGC), le Centre Hospitalier Régional de
Korhogo (CHR)…

Les personnes publiques administratives identifiées se distinguent nettement des


personnes privées et plus spécifiquement des personnes morales de droit privé. C’est ce qui fait

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sa particularité par rapport au droit privé. Et en ce sens, l’on peut affirmer qu’il constitue un
droit spécial.

Le concept restrictif du droit administratif s’impose donc, elle prévaut d’autant plus que
le juge affirme et applique le principe de l’autonomie du droit administratif.

Qu’entend-t-on par cette autonomie et quelles sont ses caractéristiques ?

I- L’AUTONOMIE DU DROIT ADMINISTRATIF

Il est important de relever que c’est à propos de la responsabilité administrative que la


Cour Suprême, chambre administrative, suivant d’ailleurs en cela le tribunal des conflits (TC)
dans l’arrêt Blanco (T. C. 8 février 1873 G.A., 1) a affirmé, dans son arrêt société des Centaures
Routiers contre Ministère de l’Economie et des Finances en date de 14 janvier 1970 (RID, 1970,
n° 3, J., p.19 et s.) le principe de l’autonomie du droit administratif. La cour ne faisait ainsi que
confirmer la jurisprudence reconduite.

L’autonomie du droit administratif, qui révèle en Afrique en générale et en Côte


d’Ivoire en particulier, une double dimension est variable en fonction du système juridictionnel
(système d’unité de juridictionnel pour la CI).

Néanmoins, cette autonomie est à la fois matérielle et spatiale.

A- L’AUTONOMIE MATERIELLE

Ratione materiae, l’autonomie du droit administratif est affirmée en France comme en Côte
d’Ivoire (CI), par rapport aux règles du droit privé. En France c’est l’arrêt Blanco qui consacre
cette autonomie. En CI, c’est l’arrêt de la société des Centaures Routiers. La décision rendue
par la Cour suprême, chambre administrative dans l’ arrêt des Centaures Routiers rappelle en
effet que : « la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour des dommages causés auxdits
usagers ne peut être régie par les principes qui sont établis pour les rapports des particulier à
particulier ; que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue, qu’elle a ses règles spéciales
qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec
les droits privés ».

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B- L’AUTONOMIE SPACIALE

Ratione Loci, l’autonomie du droit administratif doit, en principe, s’entendre, non de


l’existence d’un droit administratif naturalisé, « Ivoirisé », mais plutôt de celle d’un droit
administratif ivoirien affranchi de la jurisprudence administrative française.

Le juge ivoirien se doit de rechercher des solutions originales, spéciales, adaptées à notre
société, à l’ère du temps ; faute de quoi le droit administratif demeurerait formellement un droit
ivoirien, mais substantiellement un droit extranéen.

II- LES CARACTERES DU DROIT ADMINISTRATIF

En plus de son caractère autonome, le droit administratif présente deux (2) autres traits
distinctifs, qui confèrent à l’autonomie sa substance. Le droit administratif s’appréhende en
effet comme un droit essentiellement jurisprudentiel par ses sources (A) et un droit exorbitant
du droit commun par son contenu (B).

A- UN DROIT ESSENTIELLEMENT JURISPRUDENTIEL PAR SES SOURCES.

Le droit administratif, contrairement au droit civil, n’est pas un droit codifié (écrit), mais
un droit, qui a été progressivement élaboré par le juge. La jurisprudence est, en effet, créatrice
de normes juridiques et la base principale du droit administratif.

Certes, il existe quelques textes en droit administratif. Mais, ces textes sont peu
abondants et surtout ne comportent aucune cohérence, ni base commune. Aussi, la
jurisprudence vient-elle combler les lacunes législatives. Elle constitue la base même du droit
administratif et occupe, de ce fait, une place « exceptionnelle ».

B- UN DROIT EXORBITANT DU DROIT COMMUN PAR SON CONTENU

Comme précédemment indiqué, le droit administratif est un droit spécial, en ce que ses
règles sont exorbitantes du droit commun. Cette exorbitance procède de la puissance publique
dont est investie l’Administration et qui révère une double dimension s’exprimant en
prérogatives, ou, au contraire, en sujétions.

1- Les prérogatives de puissance publique

Le droit administratif reconnait d’abord à l’Administration des prérogatives dites de


puissance publique qui, comme déjà souligné, s’analyse en des dérogations au régime juridique

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des particuliers et jouent dans le sens de la majoration de ses droits. Exemple : l’administration
peut résilier unilatéralement un contrat lorsqu’elle juge que le contrat n’a plus sa raison d’être.

2- Les sujétions de puissance publique

Le droit administratif soumet ensuite l’administration à des sujétions de puissance publique


qui, elles, s’analysent, au contraire, en des prérogatives en moins, c’est à dire en des réductions
de ses droits.

Exemple : Ainsi, à la différence des particuliers, qui disposent du libre choix de leurs buts, de
leurs employés et de leurs cocontractants, l’Administration a à sa charge l’obligation de ne
poursuivre qu’un seul but, l’intérêt général, et de ne recruter ses agents et de ne contracter que
selon les conditions et procédures strictes imposées par la loi.

La notion du droit administratif ainsi appréhendée, notre cours portera essentiellement


sur deux (2) chapitres :

- Les missions de l’Administration notamment le service public et la police administrative


(chapitre I).

- Les moyens de l’Administration que sont l’acte unilatéral et les contrats administratifs
(chapitre II).

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CHAPITRE I : LES MISSIONS DE L’ADMINISTRATION

L’administration, qui poursuit un but d’intérêt général, est investie de missions très
importantes. Celles-ci sont toutes aussi nombreuses que diversifiées. L’on indiquera, qu’elles
vont du ramassage des ordures ménagères, y compris la destruction d’animaux nuisibles, à la
défense et à la sécurité nationales, en passant par les missions diplomatiques et consulaires.

Les missions ou fonctions fondamentales ainsi assignées à l’Administration se


ramènent, en définitive, à deux grandes (2) catégories. La première, la fonction de prestation
s’incarne dans le Service public (section I) et la seconde, la fonction de prescription, dans la
police administrative (section II).

SECTION I : LE SERVICE PUBLIC

La mission de prestation ou « mission de service public » consiste pour l’Administration


à rendre des services aux administrés, plus précisément aux usagers (prestare = donner, rendre
service).

Ces prestations de service public, quoique nombre d’entre elles soient analogues à celles
fournies par les administrés, c’est-à-dire de simples particuliers, sont assujetties à des règles de
droit public.

Ces règles, exorbitantes du droit commun, régissent la notion même de service public
(paragraphe 1) et ses modes de gestion (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA THEORIE GENERALE DU SERVICE PUBLIC.

Le service public est une notion essentielle du droit administratif, prétendant constituer le
critère unique de cette branche du droit public. Et pourtant, ni le législateur, ni la jurisprudence
n’en donnent une définition. Aussi, ne peut-on que faire appel à quelques éléments constitutifs,
ou à tout le moins d’identification du service public, pour tenter d’en dégager la notion.

Notre paragraphe sera divisé en deux sous parties. D’une part, la notion de service public
(A) et d’autre part, le fonctionnement du service public (B).

A- LA NOTION DE SERVICE PUBLIC

Le service public peut être appréhendé comme une activité d’intérêt général exercée par ou
sous le contrôle de l’Administration. Le service public se définit d’abord comme une activité.

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Et, en ce sens, il comporte une double définition, mais avec la primauté de la définition
matérielle.

1- La double définition du droit administratif

Elle prend en compte la définition organique et matérielle.

a- La définition organique

Cette définition se réfère à l’organe de gestion. Le service public est, dans ce cas, une entreprise
gérée par l’Administration. Il désigne un organisme ou un appareil administratif ou encore une
institution administrative, chargé d’exécuter une activité donnée.

Il en va ainsi d’un ministère donné, tel celui de la santé, de l’Enseignement supérieur et de la


Recherche scientifique ou encore de l’Université Peleforo Gon Coulibaly (UPGC).

Il en va de même d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) ou d’un Centre Hospitalier


Régional (CHR) ou du Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROU).

b- La définition matérielle

Cette définition prend en considération l’activité matérielle, plus précisément la nature de


l’activité exercée, indépendamment de l’organisme qui en est chargé.

Le service public désigne alors l’activité destinée à satisfaire un besoin d’intérêt général.

Il en va ainsi, pour reprendre les mêmes exemples, de l’enseignement secondaire ou supérieur,


de la recherche scientifique.

Il en va de même la santé publique, que cette activité soit prise en charge par un CHU ou une
clinique privée.

2- La primauté de la définition matérielle

Cette primauté précède de ce que le critère matériel est, à lui seul, suffisant pour définir le
service public. Il n’est pas nécessaire de prendre en considération le caractère administratif de
l’organisme qui exécute l’activité.

Ainsi, un service public peut être géré par des personnes morales de droit privé, voire par
de simples particuliers. Ex : Arrêt Epoux Bertin (CE 20 Avril 1956.Q.A J A n° 79).

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B- LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC

Les règles de fonctionnement des services publics sont de deux ordres. Certaines sont
communes à tous les services publics, elles sont dites « Lois » du service public (1) ; d’autres
sont particulières à chaque catégorie de services publics (2).

1-Les règles communes à tous les services publics : les lois du service public

Les règles communes, parce qu’elles sont applicables à tous les services publics, sans
distinction aucune, sont appelées « lois du service public ». Ces services ou lois sont au nombre
de quatre (4) :

- La continuité.

Le fait d’ériger une activité en service public témoigne de son caractère de nécessité
impérieuse pour la communauté. Ainsi, celui-ci doit-il fonctionner de manière ininterrompue.

Le principe de continuité est si important que le conseil constitutionnel, en France, lui a


reconnu valeur constitutionnelle.

Le principe de la continuité du service public est à concilier avec le droit de grève, dont dispose
les agents dudit service et qui peut en perturber le fonctionnement régulier.

Ex : Même en cas de grève, il faut obligatoirement que l’administration assure un minimum de


service (article 17 de la constitution du 8 novembre 2016).

- La mutabilité ou l’adaptation

Le service public doit toujours être adapté aux exigences nouvelles de l’intérêt général.

Les besoins de la communauté, pouvant varier dans le temps, le service public doit s’y adapter,
prenant en compte les besoins nouveaux.

Ex : Les agents de l’Etat, fonctionnaires ou non, n’ont pas un droit acquis au maintien de leur
statut, celui-ci pouvant être modifié (Cf. situation statutaire et réglementaire des
fonctionnaires).

Le fonctionnaire peut être affecté à un emploi, qui ne correspond pas à son grade et l’agent
contractuel, peut être licencié en cas de suppression d’emplois.

- L’égalité

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Le « principe de l’égalité » devant le service public découle du principe de l’égalité des citoyens
devant la loi, consacré par la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
(en son article 1er).

Le principe de l’égalité revêt un double aspect :

 L’égalité d’accès au service public.

Ainsi ce principe revêt-il un aspect particulier de l’égalité d’accès de tous les citoyens à la
fonction publique.

 L’égalité de traitement au sein du service public.

Le service public doit traiter ses usagers sur un pied de stricte égalité, sans discrimination. En
d’autres termes, l’administration ne saurait soumettre certains d’entre eux à un régime de
« traitement privilégié ».

- La neutralité

Le service public doit fonctionner en ayant en vue uniquement l’intérêt général. Il ne doit
prendre en compte ni les opinions politiques, ni les croyances religieuses, idéologiques ou
philosophiques, ni le sexe, ni la race, ni les considérations ethniques des usagers.

3- Les règles particulières à chaque catégorie de services publics

Alors que les règles générales s’appliquent à l’aspect service public, les règles
particulières visent les caractères du service public.

Ainsi convient-il de distinguer deux (2) catégories de services publics : les Services
Publics Administratifs (SPA), et les Services Publics Industriels et Commerciaux (SPIC), droit
privé.

Trois critères principaux sont retenus par le juge pour distinguer les deux (2) catégories
de service. Ce sont respectivement ceux tirés de l’objet du service, son mode de financement et
ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

- L’objet du service

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Ce critère se réfère aux opérations auxquelles se livrent le service public, à sa nature. Si


ces opérations sont de même nature que celles d’une entreprise privée similaire, le service est
alors industriel et commercial (qualifié de SPIC).

- Le mode de financement du service.

Ce critère se réfère à la provenance et à la nature des ressources du service.

Si le service est alimenté par des redevances payées par les usagers en contrepartie des
prestations reçues, il revêt un caractère industriel et commercial.

Si, au contraire, le service est alimenté par une subvention ou une taxe, en dehors de toute
prestation, alors il est administratif (SPA).

- Les modalités d’organisation et de fonctionnement du service public.

Si le service public est exploité « dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire », il
présente alors le caractère de SPIC. Ces conditions ont trait au recours aux usages du commerce,
à la réalisation de bénéfices, aux modalités d’organisation semblables à celles des entreprises
privées, notamment la soumission aux règles de la comptabilité privée.

Exemple : L’arrêt BAC d’Eloka du 22 janvier 1921.

Si, au contraire, le service ne fonctionne pas dans les mêmes conditions qu’une entreprise
privée, il revêt un caractère administratif.

Paragraphe 2 : Les modes de gestion des services publics

Les modes de gestion des services publics viennent de s’enrichir d’une nouvelle notion, la
délégation de service public. Consacrée par le Décret n° 2009-259 du 6 Août 2009 portant
code des Marchés publics.

Le choix des personnes publiques peut consister d’abord à faire gérer le service public soit
par une personne publique (A), soit par une personne privée (B).

A- La gestion par des personnes publiques

Le choix peut consister pour les personnes publiques territoriales (Etat, régions et
communes) à gérer elles-mêmes le service public ou à en confier la gestion à une personne

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publique spéciale, l’Etablissement public. Il en découle deux (2) procédés distincts : la régie (1)
et l’établissement public (2).

1- La régie

La régie, en ce qui la concerne, il faut distinguer deux formes : La régie simple ou directe
et la régie intéressée.

a- La régie simple ou directe

Elle correspond à la gestion directe du service public par la collectivité territoriale dont il
dépend. C’est ce qui explique l’appellation de « régie directe ».

La caractéristique principale de la régie, c’est qu’elle est dépourvue de la personnalité


juridique. Ce n’est donc pas une personne publique.

Il en va ainsi du ministère qui, comme il a été indiqué, n’a aucune personnalité juridique.

Il en va de même des facultés qui sont de simple unités scientifiques et pédagogiques


rattachées à l’Université qui, seule, jouit de la personnalité juridique.

b- La régie intéressée

Le code des Marchés publics définit la régie intéressée comme « le mode de gestion par
lequel l’autorité contractante finance elle-même l’établissement d’un service public, mais en
confie l’exploitation à une personne privée ou publique qui est rémunérée par l’autorité
contractante tout en étant intéressée aux résultats que ce soit au regard des économies
réalisées, des gains de productivité ou de l’amélioration de la qualité du service ».

Tout comme la régie directe ou simple, la régie intéressée est dépourvue de personnalité
juridique. La différence entre la régie simple et la régie intéressée est, en revanche de degré.
Elle réside dans le fait que la gestion n’est pas directe et est intéressée.

2- L’Etablissement public

L’établissement public, à la différence de la régie, est un service public doté de la personnalité


juridique ou morale.

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Il n’est donc rien d’autre qu’un service public personnalisé ou personnifié. Et, en ce sens, il
constitue un mode de gestion qui se distingue fondamentalement de la régie, qui est dépourvue
de la personnalité morale.

Il découle de cette personnalité juridique la pleine capacité juridique : capacité civile et


autonomie financière.

B- La gestion par les personnes privées : La concession de service public

Les collectivités publiques peuvent enfin choisir de confier la gestion du service public à
des personnes privées, physiques ou morales et, dans ce cas, opter entre divers modes, dont le
plus répandu, mais aussi le plus important, est la concession de service public.

La concession de service public se définit comme le procédé par lequel une personne publique,
appelée autorité concédante ou concédant confie à une personne privée, dénommée
concessionnaire, l’exploitation d’un service public, moyennant une rémunération perçue sur les
usagers.

Elle s’appréhende, non comme un simple contrat, mais plutôt comme un acte mixte. Certes, la
concession revêt la nature d’un contrat, celui conclu entre le concédant et le concessionnaire.
C‘est même un contrat administratif, soumis en cette qualité au régime exorbitant du droit
commun.

Le concessionnaire bénéficie d’un certain nombre de droits et de privilèges qui lui sont accordés
par le concédant. A cet effet, il bénéficie de prérogatives de puissance publique.

En plus de ces prérogatives, le concessionnaire se voit aussi imposer des obligations. Il lui est
interdit de céder partiellement ou a fortiori totalement la concession. Il est aussi tenu de
respecter les lois du service public.

Elle constitue, selon le code des marchés publics précité de 2009, l’une des formes de la
gestion déléguée de service public.

Ex : Il en va ainsi de la distribution et de la vente de l’eau (SODECI), de l’électricité (CIE) et


du gaz (Gaz de Côte d’Ivoire).

Il en va de même du transport (SOTRA) et depuis janvier 1995 du service public de la


Radiodiffusion et Télévision Ivoirienne (RTI).

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SECTION 2 : LA POLICE ADMINISTRATIVE

La mission de prescription se réalise dans la police administrative, qui consiste pour


l’administration à maintenir l’ordre public.

A la différence de la fonction de prestation, qui vise à rendre des services aux


administrés, celle de prescription tend, au contraire, à limiter leur liberté (commander,
ordonner).

La police administrative peut se définir comme une activité destinée à prévenir un


trouble à l’ordre public exercée exclusivement par l’administration.

Elle se distingue en ce sens de la police judiciaire (qui est répressive) dont la mission
est de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et de poursuivre les
auteurs. La police administrative se manifeste à la fois par des activités matérielles comme
notamment la surveillance de défilés, la mise en place des barrages routiers, etc.

La prévention de l’ordre public est susceptible de revêtir deux (2) formes.

- Lorsque la police est exercée sur un territoire donné, à l’égard de toute activité ou de toute
personne, on parle de pouvoir de police générale. Cette police générale est exercée par le
Président de la République et le ministre de l’intérieur et de la sécurité, enfin par les autorités
locales (le préfet ou le sous-préfet, le maire).

- Au contraire, ce pouvoir de police est spécial, si un texte précise son champ d’application, le
contenu ou les modalités de mise en œuvre des pouvoirs de police. En d’autres termes, la police
administrative spéciale est celle qui vise à réglementer un domaine particulier d’activité ou une
certaine catégorie de personnes.

Ex : La police économique, la police des pêches, la police universitaire, la police des


stupéfiants.

Le président de l’université initialement investi également des fonctions de police,


dispose seule du pouvoir de maintenir l’ordre publique dans les locaux et au sein de l’université.

Ce pouvoir procède des franchises universitaires, plus spécifiquement des franchises


territoriales consacrées par le décret impérial du 15 novembre 1915 portant organisation de
l’université. Ce texte a été introduit dans le droit ivoirien par l’accord de coopération en matière

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d’enseignement supérieur conclut le 24 avril 1961 avec la République française en son article
12.

L’étude de cette mission de police administrative nous amènera à envisager les trois (3)
problèmes essentiels qu’elle pose et de ce fait à examiner successivement :
les buts de la police administrative (paragraphe 1), les procédés de police (paragraphe 2) et
enfin les limites auxdits pouvoirs de police (paragraphe 3).

PARAGRAPHE 1 : LES BUTS DE LA POLICE ADMINISTRATIVE

La police administrative est ici définie par son but à savoir le maintien de l’ordre public. La
notion d’ordre public qui se réduisait à la trilogie traditionnelle (A), connait de nos jours une
extension (B).

A- LA TRILOGIE TRADITIONNELLE.

Elle résulte de la charte municipale du 5 Avril 1884, qui définit en son article 97, la police
municipale comme visant : « le bon ordre, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques ».
Cette trilogie comprend trois (3) buts qui sont :

1- La tranquillité publique

La police administrative vise à réprimer le tumulte dans les lieux d’assemblée publique, les
disputes d’ameutements dans la rue, les attroupements et les bruits susceptibles de troubler le
repos des administrés.

2- La sécurité publique

La police administrative vise à prévenir les accidents qui menacent les administrés, les
citoyens, dans les rues et même à l’intérieur de la maison d’habitation.

Les mesures de police sont ici destinées à protéger l’intégrité physique et même
psychologique des administrés. Ces mesures concernent notamment :

- La circulation sur les voies publiques : qui inclut la limitation de vitesse, la réglementation
du droit de stationnement, les professions exercées sur les voies publiques (les marchands
ambulants, les photographes-filmeurs).
- La lutte contre les agressions.
- La prévention de fléaux et calamités : les incendies, inondations.

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- Tout ce qui intéresse la sureté et la commodité de passage dans les rues et places
publiques : éclairage, enlèvements des encombrements, démolition d’édifice menaçant ruine…

3- La salubrité publique

La police administrative tend à prévenir ou à supprimer toutes les causes possibles de


troubles à la santé des administrés.

Ainsi, les mesures de police adoptées, au titre de la salubrité publique, doivent viser à :

- assurer l’hygiène publique par le ramassage des ordures dans les rues, les maisons même
privées ;

- lutter contre les maladies transmissibles : par la vaccination ou la dératisation ;

- lutter contre la pollution des eaux ou des produits alimentaires.

B- L’EXTENSION DE LA NOTION D’ORDRE PUBLIC

La notion d’ordre public déborde désormais largement le cadre de la trilogie classique pour
s’étendre à d’autres buts que sont : la moralité publique, l’esthétique et le respect de la dignité
humaine.

1- La moralité publique

La moralité publique, comme composante de l’ordre public a connu une évolution


sensible depuis 1959.

Avant 1959, la seule atteinte à la moralité publique ne pouvait constituer un motif légal
d’intervention des autorités de police.

Depuis 1959 avec l’arrêt société « Les films Lutetia », en date du 18 décembre 1959
(G.A.100), la moralité publique est devenue un motif légal et autonome d’intervention de
l’autorité de police.

Dans cet arrêt, il s’agissait de l’interdiction de la projection d’un film par le maire de Nice au
motif que ce film était « contraire aux bonnes mœurs ou de nature à avoir une influence
pernicieuse sur la moralité publique ».

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2- L’esthétique

La recherche du bon, c'est-à-dire « du bon ordre public », n’exclut pas celle du beau c'est-
à-dire du « bel ordre public ». Aussi l’esthétique n’est-elle pas laissée de côté. Confère l’arrêt
Sieur Leroux (CE 2 aout 1924, REC 780). Dans cet arrêt, le juge a reconnu au maire le droit
de prendre, en vertu de ses pouvoirs de police, des mesures « dans un but d’intérêt général
afin de ménager les plantations d’arbres riveraines de la voie publique qui contribuent à
l’embellissement de la rue ou de la promenade ».

3- Le respect de la dignité humaine

Le respect de la dignité humaine devient une composante de l’ordre public. Confère arrêt
Commune de Morsang-Sur-Orge dite « lancer de nains », en date du 27 octobre 1995 (G.A.
J.A 108).

PARAGRAPHE 2 : LES PROCEDES DE POLICE

Ce sont les moyens dont dispose l’autorité compétente pour atteindre le but de la police
administrative, le maintien de l’ordre public.

Ces procédés ont pour effet de limiter la liberté d’action des particuliers. Ce sont donc des
procédés exorbitants du droit commun, qui témoignent de la spécificité de la police
administrative.

Ces procédés sont au nombre de deux : Les mesures réglementaires et les mesures
individuelles.

A- LES MESURES REGLEMENTAIRES

Ces mesures générales sont restrictives de libertés. Elles s’adressent à un nombre indéterminé
de particuliers et comportent les modalités suivantes :

1- La réglementation

Elle consiste pour l’autorité de police à déterminer les conditions d’exercice d’une liberté ou
d’une activité donnée.

Il en est ainsi de la réglementation de l’usage des voies routières ouvertes à la circulation


publique, de la réglementation de la circulation des véhicules à marche lente ou encore de la
délivrance ou de la validité des permis de conduire.

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2- La déclaration préalable

Elle consiste, pour le particulier, à n’exercer une activité qu’après avoir informé, averti
l’autorité de police. Exemple : la liberté d’association

3- L’autorisation préalable

Elle consiste, pour le particulier, à n’exercer une activité qu’après avoir obtenu
l’autorisation expresse de l’autorité de la police. Ainsi, les films et les enregistrements sonores
sont soumis au régime de l’autorisation préalable.

4- L’interdiction

Elle constitue une mesure plus sévère, qui consiste à prohiber l’exercice d’une activité
déterminée.

Exemple : Il est interdit de stationner sur les parties d’une route occupée ou traversée par
une voie ferrée, d’y laisser à l’arrière des véhicules ou des animaux ou faire emprunter les
rails de la voie ferrée par des véhicules étrangers à son service.

B-LES MESURES INDIVIDUELLES.

Ce sont des mesures restrictives de liberté, qui s’adressent à un ou à quelques administrés bien
déterminés.

Ces mesures peuvent consister en des autorisations ou interdictions, écrites ou verbales ou


encore manifestées par un geste (ordre de circuler ou de s’arrêter émis par l’agent réglant la
circulation).

PARAGRAPHE 3 : LES LIMITES DU POUVOIR DE POLICE.

Les pouvoirs de police s’analysent en des restrictions apportées aux libertés des administrés,
le droit public leur impose des limites très strictes.

Celles-ci tiennent à la fois au respect de la légalité, plus précisément des libertés publiques et
au contrôle juridictionnel.

A- LE RESPECT DES LIBERTES PUBLIQUES

Le but recherché par la loi, c’est de concilier la nécessité de maintenir l’ordre public
avec le respect des libertés des citoyens.

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La caractéristique essentielle des libertés publiques, c’est qu’elles font l’objet d’une protection
spéciale de la loi et le juge exige de ce fait leur strict respect.

Les libertés définies sont celles prévues et organisées par la loi qui leur confère une
protection toute particulière. Ce sont les libertés de la presse.

B- LE CONTROLE JURIDICTIONNEL

Pour garantir la liberté contre la restriction de police et maintenir ainsi l’équilibre liberté-
autorité, le juge exerce un contrôle assez étendu, assez poussé.

Le contrôle juridictionnel est d’autant plus important qu’il porte à la fois sur le but de la mesure
de police, ses motifs et ses moyens.

- Le but de police : la mesure de police doit être strictement limitée à son but, le maintien
de l’ordre public.
- Les motifs de police : la mesure de police, particulièrement l’interdiction doit être justifiée
par une menace grave à l’ordre public, laissée à l’appréciation souveraine du juge.
- Les moyens de police : le juge contrôle les moyens employés par les autorités de police,
ainsi que leur adaptation au motif de fait.

Les limites, qui en résultent pour l’exercice des pouvoirs de police, s’expriment dans trois
règles : Interdiction des mesures générales et absolues, adaptation des mesures et épuisement
de toutes les voies de recours.

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CHAPITRE II : LES MOYENS DE L’ADMINISTRATION : LES ACTES

ADMINISTRATIFS

Pour accomplir ses deux (2) missions fondamentales de prestation de service publique
et de maintien de l’ordre public et, ce, dans le strict respect de la légalité, l’Administration
dispose d’un certain nombre de moyens, aussi important que diversifiés.

On peut classer ces moyens en quatre (4) grandes catégories : les moyens financiers,
juridiques, humains et matériels.

Les actes juridiques se répartissent en plusieurs grandes catégories, parmi lesquelles on


ne retiendra que celle qui relève du droit public et soumise au droit administratif. Cette catégorie
comprend les actes administratifs. Ces actes se distinguent en deux (2) types :

- Les actes administratifs unilatéraux.


- Les contrats administratifs.

SECTION 1 : LES ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX

L’acte administratif unilatéral est l’acte qui émane de la seule volonté de l’Administration
et qui s’impose à son destinateur, l’administré, sans le consentement de ce dernier.

Il est en ainsi de l’acte révoquant un fonctionnaire ou interdisant une réunion, une


conférence. Il en va de même de l’acte portant dissolution d’associations.

L’étude d’un tel acte conduit à analyser la notion qui le caractérise (paragraphe 1) avant
le régime juridique auquel il est soumis (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : NOTION

Tous les actes juridiques émanant de l’administration ne sont pas des actes administratifs. Une
autorité administrative peut en effet édicter aussi bien des actes administratifs que des actes
privés.

Aussi importe-t-il d’appréhender ceux qui révèlent le caractère administratif. Pour ce faire, l’on
tentera de les définir (A) puis de les classer afin de mieux en cerner la notion (B).

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A- Définition

La définition légale de l’acte censurable, c'est-à-dire de l’acte


susceptible d’un Recours pour Excès de Pouvoir (REP) du juge coïncide avec celle de l’acte
administratif. Celui-ci s’appréhende comme l’acte d’une autorité administrative revêtant un
caractère « exécutoire ».

Le principe consacré par le législateur comporte cependant des exceptions, qui en réduisent
la portée.

1- Le principe

L’acte, pour revêtir le caractère administratif, doit émaner d’une autorité administrative, c'est-
à-dire d’un organe investi du pouvoir administratif. Ce qui exclut d’une part, les actes émanant
des personnes privées, qu’elles soient physiques ou morales et d’autre part, les actes émis par
les autorités publiques non administratives que sont : Les autorités législatives, exécutives et
judiciaires.

- Les actes de l’autorité législative : Il s’agit des actes de l’Assemblée Nationale qui vont des
lois formelles aux « actes parlementaires » en passant par les règlements intérieurs, ne sont pas
des actes administratifs.

- Les actes des autorités judiciaires : Ces actes posent problème, car il faut procéder à la
distinction entre les actes d’organisation du service public de la justice et ceux relatifs à son
fonctionnement, c’est-à-dire à l’exercice de la fonction juridictionnelle.

Les premiers sont des actes administratifs tandis que les seconds constituent des actes
juridictionnels.

- Les actes des autorités « exécutives » : qualifiée d’actes de gouvernement, cette catégorie
spécifique d’actes du gouvernement, non justiciables des tribunaux, ne constitue pas des actes
administratifs, mais de véritables actes politiques.

2- Les exceptions

Le principe de l’administrativité des actes émis par les autorités administratives ne


comporte pas moins des exceptions.

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a- Les actes juridictionnels

Certains actes, quoique émis par les autorités administratives, n’ont pas la qualité
d’actes administratifs.

Cette situation s’explique par le fait que lesdites autorités, tantôt exercent des fonctions
juridictionnelles, tantôt agissent dans le cadre de la gestion privée.

b- Les actes administratifs pris par les personnes privées

A l’inverse de l’hypothèse précédente, les actes pris par des organismes privés sont
administratifs, s’ils sont liés à l’exécution d’un service public et comportent l’usage de
prérogatives de puissance publique.

Il en va ainsi de la décision prise par le Conseil supérieur de l’Ordre des médecins, qui refuse à
un médecin d maintenir un cabinet secondaire dans une commune autre que celle où il était
installé. L’acte édicté par le Conseil a été qualifié d’administratif, quoiqu’il ne soit pas un
organe administratif.

Il en va de même, en France, du règlement émanant du conseil d’Administration de la


compagnie Air-France, personne morale de droit privé, gérant un service public industriel et
commercial (SPIC), qui a été considéré comme : « présentant un caractère administratif » (TC
15 janvier 1968 Compagnie Air France contre époux Barbier, GA 107 : règlement prescrivant
que le mariage des hôtesses entraine la cessation de fonction de la part des intéressés).

B- La classification des actes administratifs

On peut ainsi distinguer les actes : du Président de la République, des ministres et des autres
autorités administratives.

1- Les actes du Président de la République

Le Président de la République peut, en sa qualité de « chef de l’Administration » (article 67


de la constitution), prendre une variété d’actes parmi lesquels les décrets occupent une place
prépondérante.

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a- Les décrets

Les décrets : Le décret est la forme que prennent généralement les actes du Président de la
République.

En sa qualité de « détenteur exclusif du pouvoir exécutif » (article 63 de la constitution), il


est seul habilité à prendre des décrets et à les signer.

On distingue deux (2) catégories de décrets : les décrets en Conseil des ministres et les
décrets simples.

 Les décrets en Conseil des ministres : ils sont soumis à deux principes essentiels,
prescrits à la constitution. On note ainsi les décrets réglementaires et les décrets non
réglementaires (qui concernent les nominations aux emplois supérieurs de l’Etat).
 Les décrets simples : Ce sont ceux pris en dehors du Conseil des ministres, ils portent
notamment nomination des membres du gouvernement, nomination à d’autres emplois
de l’Etat.

A la différence des décrets en Conseil des ministres, qui sont des actes solennels et qui
doivent être expressément prévus par un texte (article 71 de la constitution) ceux-ci (décrets
simples) existent en dehors de tout texte.

b- Les autres actes

Si le Président de la République a le monopole de l’édiction des décrets, il n’épuise pas pour


autant sa compétence. Il peut, en effet, prendre également d’autres actes ne revêtant pas la forme
décrétale, ce sont :

 Les ordonnances et les décisions : Ce sont des mesures particulières, relevant le


plus souvent du domaine de la loi, que le président de la République prend avec ou
sans l’accord de l’Assemblée nationale (article 106 de la constitution ivoirienne).
 Les arrêtés : Ils concernent généralement l’organisation et le fonctionnement des
services de la présidence. Il en va particulièrement ainsi des nominations des
membres du cabinet présidentiel civil et militaire.
 Les circulaires et notes de service édictées par le président de la République
semblent avoir un domaine d’intervention relativement plus vaste. Il en va

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particulièrement ainsi de la fameuse « note d’orientation générale sur


l’Administration des circonscriptions territoriales » en date du 28 mai 1970.
2- Les actes des ministres

On peut les classer en deux (2) grandes catégories :

- Les arrêtés : L’arrêté est la forme la plus solennelle des actes des ministres. L’arrêté
ministériel est la plus souvent réglementaire. Mais, il peut être individuel ou collectif. L’arrêt
interministériel est celui signé par deux (2) ou plusieurs ministres.

Ces arrêtés, lorsqu’ils sont réglementaires constituent des actes administratifs susceptibles d’un
recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

- Les autres actes : en dehors des arrêtés, les ministres peuvent édicter une diversité d’actes :
décisions individuelles, instructions de service, décision individuelle, note de service et
circulaires… .

3- Les actes des autres autorités

On a les actes des préfets, sous-préfets, président du conseil général, gouverneur, maires, qui
sont aussi appelés « arrêtés ».

Mais ces autorités peuvent aussi prendre d’autres actes, tels que : des décisions, notes et
circulaires…

PARAGRAPHE 2 : LE REGIME JURIDIQUE

Les règles qui régissent les actes administratifs relèvent du droit public, plus précisément du
droit administratif. Elles sont de ce fait différentes de celles du droit privé. Elles y dérogent
et sont exorbitantes du droit commun.

Ces règles particulières ont trait à l’élaboration des actes administratifs (A) autant qu’à leurs
effets (B).

A- L’ELABORATION DES ACTES ADMINISTRATIFS

L’élaboration de ces actes obéit à des règles de compétence d’une part, et d’autre part, de
forme.

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1- Les règles de compétence

La compétence est l’aptitude légale reconnue à une autorité administrative à prendre des
actes et, en l’occurrence, des actes administratifs.

Elle est déterminée soit par la constitution elle-même (art 44 et suivant : compétence du
président de la République), soit par les lois ou les règlements (loi 10 avril 1961 relative au
fonctionnement des départements, compétence des préfets……) soit par la jurisprudence.

2- Les règles de forme

L’acte administratif, pour être valide, doit, en vertu du principe de légalité, respecter certaines
règles de forme.

Les décisions administratives peuvent être écrites ou non, motivées ou non.

L’écrit constitue la forme la plus fréquente et le non écrit la forme la plus rare. L’acte
administratif est normalement en forme écrite, c’est en effet sous cette forme qu’il se présente
le plus souvent. Exemple : Il en va ainsi des décrets et arrêtés qu’on ne concevrait pas autrement.

L’acte administratif peut apparaitre sous la forme non écrite dans deux hypothèses distinctes :
les décisions verbales et les décisions implicites.

a- Les décisions verbales

Elles peuvent être prises par les autorités administratives, en l’absence, bien sûr, de textes
contraires prescrivant la forme écrite.

b- Les décisions implicites

Elles résultent du silence gardé par l’autorité administrative pendant un certain temps.

B – LES EFFETS DES ACTES ADMINISTRATIFS

Lorsque ses différentes conditions d’élaboration sont réunies, l’acte administratif, à l’instar
d’un être vivant, « nait, vit, et meurt ».

Les effets de l’acte administratif se rapportent précisément à son entrée en vigueur, à son
exécution et à sa fin.

1 – L’entrée en vigueur

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L’entrée en vigueur de l’acte administratif, qui marque son point de départ, comporte trois
modalités : sa validité, son opposabilité, et sa non rétroactivité.

a- La validité

Dès son émission, c’est à dire dès sa signature, par l’autorité compétente, l’acte devient valide,
obligatoire, existe juridiquement.

b- L’opposabilité

C’est l’application effective de l’acte aux administrés. Celui-là n’est opposable à ceux-ci que
s’il a fait l’objet d’une publicité, c’est à dire à partir du moment où il a été porté à leur
connaissance. Elle revêt deux formes :

- La notification est un « mode de publicité personnel ». Elle doit être utilisée pour les
décisions individuelles. Celles-ci doivent en effet être directement et personnellement
porter à la connaissance des intéressés. Ex : Article 83 de la loi précitée du 10 Avril 1961
relative au fonctionnement des départements et des préfectures précise que : « les arrêtés
individuels… doivent être notifiés à la personne ».
- La publication est un mode de publicité général et impersonnel destiné à porter l’acte à la
connaissance de tous les administrés ou de tous ceux qui pourraient être intéressés.
La publication peut se faire de diverses manières, dont les principales sont :
 L’insertion au Journal Officiel (J.O) de la République de Côte d’Ivoire : c’est le
cas, tous comme des lois, des ordonnances, décrets et arrêtes, qui sont
exécutoires sur le territoire national, 3 jours francs après leur insertion.
 En cas d’urgence, on procède par voie d’affiches à la préfecture et trois
communiqués à la radio ou dans le recueil local.
c- La non- rétroactivité

L’acte administratif ne peut produire d’effets avant la date de sa signature.

2- L’exécution de l’acte

Pour exécuter ses décisions, l’Administration dispose de moyens exorbitants du droit


commun, qui échappent de ce fait aux particuliers.

Ces moyens, qui assurent l’exécution par voie administrative de l’acte sont, à juste titre,
appelés privilèges. On en distingue deux :

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- Le privilège du préalable : ce privilège est, en fait, la manifestation du caractère


obligatoire que l’acte administratif porte en lui-même. Il consiste dans la possibilité qu’à
l’administration de prendre les décisions qui s’imposent inégalement aux administrés sans
s’adresser préalablement aux juges. C’est pourquoi l’on use de l’expression du privilège
du préalable.
- Le privilège de l’exécution d’office : ce second privilège permet à l’administration de
recourir à la force publique pour assurer l’exécution de ses décisions.

3- La fin de l’acte administratif

La fin des effets de l’acte administratif peut résulter de plusieurs facteurs :

a- Le retrait

Le retrait de l’acte régulier n’est possible que si celui-ci n’a pas créé de droits. Il y a donc
lieu de distinguer l’acte créateur de droits de l’acte non-créateur de droits.

- L’acte régulier créateur de droits ne peut être rapporté. L’administration ne peut et ne


doit donc procéder au retrait d’un tel acte.
- L’acte régulier non-créateur de droits peut, en revanche, être rapporté par l’autorité
administrative. Il peut donc être retiré par l’administration.

b- L’abrogation

L’abrogation de l’acte régulier est possible. Toutefois, une distinction s’impose selon qu’il
s’agit d’un règlement ou d’un acte individuel.

- Concernant les règlements, ils peuvent être abrogés ou modifiés à tout moment, car il n’y
a aucun droit acquis au maintien d’un règlement.
- Les actes individuels : ils peuvent également être abrogés (ou modifiés). Mais les règles
varient selon que l’acte a créé ou non des droits.
- Les actes individuels créateurs de droit ne peuvent être abrogés que dans les conditions
locales c’est à dire conformément aux droits et règlements en vigueur.
- Les actes individuels non créateurs de droit ne peuvent être abrogés.

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SECTION 2 : LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Pour réaliser sa mission de Service public, l’Administration se départir de son imperium


pour recourir à la technique contractuelle, procédé consensuel, et en tant que tel, respectueux
de la volonté des parties. Ce procédé contient des prérogatives de puissance publique se
traduisant par l’administration qui l’utilise mais aussi des contrats de droit privé.

Aussi importe-t-il de cerner la notion de contrat administratif avant d’examiner son


exécution.

PARAGRAPHE 1 : NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF

Du fait que tous les contrats de l’administration ne sont pas des contrats administratifs,
il se pose le problème de leur identification juridique. Ce problème conduit à rechercher le
critère du contrat administratif, qui, une fois dégagé, permettra de passer en revue les principaux
contrats administratifs.

Il se fait soit par qualification légale, soit par détermination jurisprudentielle.

A- LE CARACTERE DU CONTRAT ADMINISTRATIF

1 – La qualification légale

Elle est opérée par le législateur qui qualifie tantôt le contrat de droit administratif ou tantôt
de droit privé (en distribuant la responsabilité au juge judiciaire ou au juge administratif en
raison de la dualité de juridiction dans certains pays).

2 – La détermination jurisprudentielle

Dans le silence du législateur, le juge intervient pour combler les lacunes afin d’identifier le
critère du contrat administratif. Pour reconnaitre au contrat le caractère administratif, le juge en
retient deux conditions (sont retenues).

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a – La qualité des parties

Pour déterminer si un contrat est administratif, il faut examiner les parties au contrat (critère
organique).

Pour qu’un contrat puisse revêtir le caractère administratif, il faut que l’une au moins
des parties soit une personne publique.

b – Le contenu du contrat

Le contrat, conclu par une personne publique, ne serait être administratif que dans 3 autres
cas se référant au contenu du contrat.

Ces critères, dits matériels, sont alternatifs et tirés tantôt de l’objet du contrat, tantôt de la
présence de clause exorbitante et tantôt du régime exorbitant.

- L’objet du contrat

Un contrat, passé par une personne publique, est reconnu administratif s’il a pour objet de
confier au cocontractant (celui avec qui l’administration conclut le contrat) « l’exécution
même » du service public. Ce critère est consacré par la jurisprudence Epoux Bertin en date du
20 avril 1956 (GAJA 94).

- La présence de clauses exorbitantes

Lorsqu’ un contrat, conclu par une personne publique, n’a pas pour objet de confier au
cocontractant l’exécution même du service public, il peut être reconnu administratif, s’il
renferme « des clauses exorbitantes du droit commun ».

- Le régime exorbitant

Un contrat, passé par une personne publique, qui ne comporte ni rapport direct avec le service
public, ni clause exorbitante du droit commun, est administratif, s’il est « soumis à un régime
exorbitant du droit commun ».

Le régime exorbitant peut donc s’entendre de celui consistant en un cadre juridique fixé par
les lois et règlements et comportant pour les parties au contrat des droits et des obligations qui

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sont étrangers aux relations entre particuliers. Le juge retient deux obligations faites aux parties
au contrat de conclure des contrats et de faire pencher leur désaccord par décision ministérielle.

Personne publique + objet (l’exécution même du service public)


Personne publique + clauses exorbitantes (clauses étrangères au droit privé =
prérogatives de puissance publique).
Personne publique + régime exorbitant (un cadre juridique déjà tracé des droits
et obligation aux cocontractants).

B – LES PRINCIPAUX CONTRATS ADMINISTRATIFS

Ce sont les marchés publics, les concessions de service public et les autres contrats.

PARAGRAPHE 2 : L’EXECUTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

Alors qu’en droit privé, en vertu de l’article 1134 du code civil, les cocontractants sont
dans une situation juridique égale, en droit public, l’une des parties, l’Administration, est dans
une situation de supériorité.
Telle est l’originalité de la théorie des contrats administratifs, qui se manifeste dans les
prérogatives de l’Administration (A) et les garanties du cocontractant (B).

A – LES PREROGATIVES DE L’ADMINISTRATION

Elles sont au nombre de quatre (4) :

1- Le pouvoir de supervision

Ce pouvoir est reparti en deux.

- Le pouvoir de contrôle : il consiste pour l’Administration à envoyer ces ingénieurs en vue


de la surveillance et du contrôle de l’exécution du contrat.
- Le pouvoir de direction : il consiste pour l’Administration à donner des ordres de service
pendant l’exécution du contrat.

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2 – Le pouvoir de modification unilatérale

L’administration dispose du pouvoir de modifier unilatéralement les clauses du contrat en


imposant à son cocontractant des obligations nouvelles, différentes de celles initialement
prévues dans le contrat. L’Arrêt de principe est la jurisprudence Cie gale des Tramways du
Conseil d’Etat, en date du 11 mars 1910 (GAJA 25). Dans cet arrêt, le préfet imposa à la
compagnie des tramways, qui exploitait le service de transport de la ville, de mettre en
circulation des rames supplémentaires.

3 – Le pouvoir de résiliation unilatérale du contrat

L’administration dispose d’un pouvoir non moins important, celui de la résiliation


unilatérale du contrat.

Pour les besoins du service public, l’Administration peut résilier unilatéralement le contrat
qui le lie au cocontractant. Ex : Conseil d’Etat en date du 2 Mai 1958, dans l’arrêt Distillerie de
Magnac-Laval.

Dans cette affaire, l’Administration a mis fin à ce contrat pour des raisons économiques.

4 – Le pouvoir de sanction

L’Administration peut prononcer des sanctions contre les cocontractants. Ces sanctions se
situent à trois niveaux :

- Les sanctions pécuniaires : on en distingue deux (2).


 Les clauses pénales ou pénalités de retard : ce sont des clauses spéciales
d’après lesquelles, en cas de retard dans l’exécution des travaux, l’entrepreneur
devra payer des indemnités à l’Administration.
 Les dommages- intérêts : ils sont dus à l’Administration en cas de préjudice
résultant de l’exécution du contrat, imputable au cocontractant.
- Les sanctions coercitives : L’Administration se substitue par force au cocontractant
défaillant pour exécuter le contrat.
- Les sanctions résolutoires : ce sont des mesures qui ont pour effet de mettre fin au contrat.
Ce sont des résiliations-sanctions qui ont pour effet de retirer tout le marché au
cocontractant.

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B – LES GARANTIES DES COCONTRACTANTS

Elles sont au nombre de deux (2) :

1- Le droit au paiement du prix

Le cocontractant a évidemment le droit au paiement du prix convenu. Ce prix est soumis


à deux principes essentiels.
- L’irrévocabilité du prix : l’Administration ne peut unilatéralement modifier les clauses
financières du contrat.
- Le principe du service fait : le cocontractant ne peut recevoir son prix qu’après l’exécution
du service fait. Mais cela n’empêche pas des avances qui sont octroyés au cocontractant
avant l’exécution du contrat.
2- Les droits à indemnités

On en distingue deux (2) types :


- Indemnités pour sujétions imprévues : elle suppose une indemnité par responsabilité de
l’Administration. Si l’Administration pose un préjudice au cocontractant, elle engage sa
responsabilité et doit verser une indemnité au cocontractant.
- Indemnités pour travaux supplémentaires effectués spontanément par le cocontractant.

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