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GROUPE ISTCJF BONOUA- ABIDJAN

COURS DE DROIT ADMINISTRATIF GENERAL


Par M. KAKOU LAMBERT (Juriste Formateur)

Introduction
Le droit peut être définit comme l'ensemble des règles qui émanent de l’Etat,
organisant les rapports des individus d'une société et dont la méconnaissance
peut être sanctionnée.

La division classique du droit comporte deux catégories de disciplines ; nous


avons d'une part le droit privé qui régit les rapports entre particuliers et d'autre
part le doit public qui régit les rapports entre les gouvernants et les gouvernés.

Les branches du droit public sont :

- Le droit constitutionnel

- Le droit administratif

- Le droit international

- Le droit fiscal etc...

Le droit administratif qui fait l'objet de notre étude peut être défini
sommairement comme le droit applicable à l'administration.

L'introduction du cours nous permettra d'une part de définir le doit


administratif et d'autre part de mettre en exergue ses critères.

A- La notion du droit administratif

Le droit administratif étant celui de l'administration, il convient donc dans un


premier temps de définir l’administration avant le droit administratif.

1 - La notion juridique de l'administration

Au plan juridique l'administration peut avoir deux (2) définitions. La


première définition se réfère au caractère organique. Selon cette définition
l’administration est conçue comme étant un appareil chargé de gérer ou
d'administrer.

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Elle s’entend ainsi de l’ensemble du personnel accomplissant les tâches
administratives

Ex : l’administration des travaux publics en côte d’ivoire

La deuxième définition se réfère au caractère matériel. Selon cette définition


matérielle, l'administration désigne une activité, la fonction administrative elle-
même. Il en va ainsi de l’administration de la commune, entendons sa gestion
qui est confiée au maire sous le contrôle du conseil municipal

2 - La définition du droit administratif

Le droit administratif comporte deux (2) définitions.

La première définition qui se réfère au caractère organique définit le droit


administratif comme étant le droit applicable à l'administration. C'est donc
l'ensemble de règles de droit applicable à l'administration. En ce sens, le droit
administratif comporte en son sein aussi bien des règles de droit public que des
règles de droit privé. Au total, c'est tout droit applicable à l'administration.

La deuxième définition, matérielle, définit le droit administratif comme étant


le droit spécial de l'administration et comportant uniquement des règles de droit
public.

La première définition est trop large et la deuxième définition est jugée trop
restrictive. Cependant elle a la faveur des juristes.

B - Les caractères du droit administratif

Le droit administratif n'est pas un droit comme les autres, c'est pourquoi il
faut préciser ces traits distinctifs. Ils sont au nombre de trois (3). En effet, le
droit administratif est un droit autonome, essentiellement jurisprudentiel et
exorbitant du droit commun.

1 - L'autonomie du droit administratif

L'autonomie du droit administratif signifie que le droit administratif à ses


règles qui lui sont propres. En d'autres termes les règles du droit administratif
sont différentes des règles du droit privé et des autres règles de droit public.

L'autonomie a été prononcée pour la première fois dans l'espèce Blanco en


France en 1873 et dans l'arrêt société des Centaures routiers en Côte d'Ivoire en
1970.

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2 - Le droit administratif est un droit essentiellement
jurisprudentiel

Cela signifie que c'est essentiellement le juge administratif qui a élaboré les
règles de droit administratif. Les décisions des juges s'appellent jurisprudence.
Cela signifie également que la plupart des règles administratives ont été
élaborées par les juges. Bien entendu, il existe de nombreux textes de lois ou de
règlements en droit administratif. Mais leur importance ne porte pas atteinte à la
prédominance de la source jurisprudentielle.

La jurisprudence est l’ensemble des décisions rendues par les juges

3 - Le droit administratif est un droit exorbitant du droit


commun

Ce dernier caractère souligne la différence de nature entre les règles de droit


administratif et les règles de droit privé. Dire que le droit administratif à un
caractère exorbitant signifie que ce droit reconnait à l'administration des
pouvoirs spéciaux, des prérogatives de puissance publique.

Alors que les particuliers se trouvent entre eux dans un rapport d'égalité,
l’administration se trouve dans un rapport de supériorité vis-à-vis des
administrés.

Ce cours est divisé en trois chapitres :

I- L'organisation administrative de la Côte d'Ivoire indépendante.

II- L'action administrative

III- Le contrôle de l’action administrative

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CHAPITRE 1 : L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Comment est organisée l'administration ivoirienne ?

Avant de répondre à cette question, nous analyserons les principes de base qui
gouvernent l’administration ivoirienne

SECTION 1 : les principes de base de l'administration

En accédant à l'indépendance, l'Etat de Côte d'Ivoire va s'organiser suivant


les principes reçus du model français. Il s'agit donc d'une part des procédés
autoritaires et d'autre part du procédé non-autoritaire.

Paragraphe 1 : Les procédés autoritaires

Ils sont au nombre de deux (2) se sont : la centralisation ou la concentration


et la déconcentration.

A- La centralisation ou concentration

Elle est définie comme le procédé qui consiste à reconnaitre l'Etat comme la
seule personne publique compétente pour régler tous les problèmes de la nation.

Dans un tel système, il existe un centre unique de décisions, qui de la capitale


émet des ordres et coordonne toutes les activités administratives. Ainsi, les
problèmes auxquels sont confrontés les habitants de Tingrela ou toute autre
localité de Côte d'Ivoire sont réglés par le ministre technique concerné. Le
procédé présente plus d'inconvénient que d'avantage, C'est pourquoi on lui
préfère la technique de la déconcentration.

B - La déconcentration

C'est une modernité pratique de la concentration. Elle est définie par


opposition à la concentration comme étant le procédé technique qui consiste à
conférer des pouvoirs de décisions à des organes locaux du pouvoir central.

Ces organes appelés autorités déconcentrées ne sont que des rouages de


l'autorité central c'est-à-dire de simples intermédiaires. Ex : Le Préfet.

Paragraphe 2 : Le procédé non-autoritaire : la décentralisation

La décentralisation est un procédé démocratique. C'est pourquoi l'autorité


décentralisée est élue au plan local à la différence de l'autorité déconcentrée qui

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est nommée par l'autorité centrale. Après avoir précisé la notion de la
décentralisation, il faudra présenter ses conditions.

A- La notion de décentralisation

La décentralisation est définie comme le procédé technique qui consiste à


conférer des pouvoirs de décision à des organes locaux autonomes, différents de
ceux de l'Etat. Ces organes appelés autorités décentralisées règlent les problèmes
d'intérêts locaux alors que l'autorité centrale règle les problèmes d'intérêts
nationaux. Ainsi, les problèmes intéressants la commune ou la région sont réglés
par leur propre représentant. C'est institutions décentralisées à la différence de
celle déconcentrées ont la personnalité juridique.

B - Les conditions de la décentralisation

Ses conditions sont au nombre de trois (3). Une entité est dite décentralisée
si :

-S’il lui est reconnu des intérêts propres

- S'il possède des organes propres

- S’il lui est reconnu la personnalité juridique

Section 2 : Les institutions administratives ivoiriennes

Il existe en côte d’ivoire une administration centrale et une administration


locale.

Paragraphe 1 : L'administration centrale

L'administration centrale est composée de la présidence de la république, de


la vice-présidence de la république, de la primature, du département ministériel
(les ministres) et les autorités administratives indépendantes.

A- La présidence de la république

Le président de la république est à la fois une autorité politique et


administrative

1- Les fonctions administratives du président de la


république

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D'après la constitution, le président de la république est le chef de
l’administration. (Article 67 de la constitution.)

2- Les services de la présidence

Les services de la présidence sont au nombre de trois (3), on a :

- Le cabinet

- Le secrétariat général

- L’inspection générale de l’Etat

a- Le cabinet

Le cabinet est un organe restreint qui réunit les collaborateurs personnels du


président de la république c'est-à-dire les hommes de confiance et comporte
deux (2) secteurs : un civil et un autre militaire.

b - Le secrétariat général

C'est un organe technique et administratif, en tant qu'organe administratif, il


est chargé de la gestion administrative et financière des services et du personnel.

c – L’inspection générale de l’Etat

B - La vice-présidence

La vice-présidence a été instaurée par la nouvelle constitution de Novembre


2016, qui est la constitution de la 3e république. Le vice-président de la
république agit sur délégation du président de la république. Le vice-président
supplée le président lorsque celui-ci est hors du territoire national. Dans ce cas
le président de la république peut par décret lui déléguer la présidence du conseil
des ministres sur un ordre du jour précis.

C - La primature

Malgré la présence d'un 1er ministre, le régime de la Côte d'Ivoire demeure


un régime présidentiel. Le 1er ministre est un organe de la présidence dont il
dépend étroitement. Les services de la primature sont au nombre de trois (3), se
sont : le cabinet, le secrétariat général du gouvernement et les services rattachés.
Ces services rattachés sont :

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- Le comité de privatisation

- Le centre de promotion et d'investissement en CI (CPICI)

- Le bureau national d'étude technique et de développement (BNET)

- Le centre de télédétection et d'info-géographie

- L'institut national de la statistique (INS)

D - Le département ministériel

Le ministre à une double qualité, C'est à la fois une autorité politique


(membre du gouvernement) mais également une autorité administrative
(supérieur hiérarchique du département ministériel). La question c'est de savoir
si le ministre dispose d'un pouvoir règlementaire autonome distinct de celui du
président de la république.

L'arrêt Jamart du conseil d'Etat du 07/02/1936 reconnait un pouvoir


réglementaire en sa qualité de chef de service.

E - Les autorités administratives indépendantes

L'autorité administrative indépendante est définit comme étant une autorité


qui émane du pouvoir central d'Etat mais affranchit de la hiérarchie
administrative. Cependant, l'autorité administrative est soumise au contrôle du
juge. Ex : La commission nationale de presse, la CEI, le médiateur de la
république.

Paragraphe 2 : L'administration locale

L'administration locale en Côte d'Ivoire est définie comme étant une


administration circonscrite sur une partie du territoire national, et cette
administration est à la foi déconcentrée et décentralisée. Il s'agit donc du
District, de la région, du département et de la commune.

A- Le district

Le district est un ensemble de région. Le district à une seule nature juridique,


c'est une circonscription administrative dirigée par un gouverneur nommé par
décret par le président de la république. Nous avons deux (2) districts autonomes
et douze (12) districts ordinaires. Les districts autonomes ont une double nature

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juridique, ce sont des collectivités territoriales et des circonscriptions
administratives. Les districts autonomes sont : Abidjan et Yamoussoukro

B - Les régions (31)

C'est à la fois une circonscription administrative dans le cadre de


l'administration déconcentrée et une collectivité territoriale dans le cadre de
l'administration décentralisée. En tant que circonscription administrative, la
région n'a pas de personnalité juridique et a des organes déconcentrés.

En tant que collectivité territoriale ou locale, la région est dotée de la


personnalité juridique et a des organes décentralisés. Les organes décentralisés
de la région sont : Le conseil régional, le président du conseil régional, le comité
économique et social régional. L'organe déconcentré de la région est le préfet de
région.

C - Le département

1 - le cadre territorial du département

L'administration départementale comprend : le département, la sous-


préfecture et le village.

a- Le département (108)

Le département a une seule nature juridique : c'est une circonscription


administrative

b - La sous-préfecture (509)

La sous-préfecture est une circonscription administrative non dotée de la


personnalité juridique.

c - Le village (plus de 8000)

Le village a une seule nature juridique : c'est une circonscription


administrative.

2 - Les organes départementaux

Ce sont des organes déconcentrés, on distingue : le préfet et ses auxiliaires

a- Le préfet

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Chaque département est administré par un préfet nommé par décret sur
proposition du ministre de l'intérieur.

b - les auxiliaires du préfet

Les principaux auxiliaires du préfet sont : les services préfectoraux, le sous-


préfet et le chef du village.

- Les services préfectoraux comprennent : le secrétariat général, le cabinet


et les divisions.

- Le sous-préfet : placé sur l'autorité du préfet, le sous-préfet est le


représentant de l'Etat dans la sous-préfecture.

- Le chef du village : il est nommé par le préfet sur proposition du sous-


préfet et après consultation de la communauté villageoise.

D - L'administration communale

La commune est une collectivité territoriale ou locale. Elle est une institution
décentralisée dotée de la personnalité juridique. La loi sur la commune prévoit
trois (3) types d'organe qui sont : le conseil municipal, le maire et la
municipalité.

1 - Le conseil municipal

Le conseil municipal est l'organe délibérant de la commune, sa composition


varie en fonction de l'importance démographique de la commune et comprend
25 membres au minimum et au maximum 50 membres pour les communes de
plus de 100 000 habitants. Les membres du conseil municipal sont appelés les
conseillers municipaux. Le conseil municipal règle par ses délibérations les
problèmes de la commune.

2 - La municipalité

Elle est composée du maire et de ses adjoints, leur mandat est le même que
celui des conseillers municipaux au sein duquel ils sont élus. Le nombre des
adjoints varie entre deux (2) et six (6).

3 - Le maire

Il est élu par le conseil municipal en son sein, lors de sa première séance. Si
généralement c'est la tête de liste qui devient maire, cette habitude n'est

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nullement consacrée par les textes, et chaque conseiller municipal peut être
candidat pour se faire élire maire. Le maire est l'organe exécutif de la commune,
mais il peut advenir qu'il puisse être un agent de l'Etat.

a- Le maire agent de la commune

Il est l'organe exécutif de la commune, il représente la commune et prend en


son nom les décisions administratives par arrêtés municipaux. Il prépare et
exécute le budget, ordonnance les dépenses et passe les contrats. Le maire est
aussi le chef de l'administration communale, à ce titre, il organise et dirige le
service municipal et nomme aux emplois, et révoque les titulaires aux emplois.
Le maire est responsable de la police municipale, il est surtout autorité de police
spéciale dans les domaines particuliers comme la circulation sur les voies de
communication, l'atteinte à la sécurité publique.

b - Le maire agent de l'Etat

En tant qu'agent de l'Etat, le maire est chargé de publier et de faire exécuter


les lois et règlements. Il est aussi officier d'Etat civil, il est également officier de
police judiciaire et il est responsable dans sa commune de la mise en œuvre de la
politique de développement économique, social et culturel définit par le
gouvernement.

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CHAPITRE 2 : L'ACTION ADMINISTRATIVE

L'action dont il s'agit, ce sont les missions de l'administration. Elles sont au


nombre de deux (2) : la Police administrative et le service public. Au préalable,
il convient de présenter le principe de la légalité après quoi, il conviendra de
présenter les missions de l'administration et les moyens juridiques dont elle
dispose pour leur mise en œuvre.

Section 1 : le principe de la légalité

Le thème légalité signifie ce qui est conforme à la loi. La loi ici est entendue
au sens large du thème comme étant l'ensemble des règles juridiques. Après
avoir donné la signification du principe, il faudra préciser les sources de la
légalité administrative

Paragraphe 1 : La signification du principe

L'action de l'administration est soumise au respect de la légalité, cela signifie


l'obligation de l'administration de respecter la loi. Une telle obligation
n'empêche pas l'administration d'avoir une liberté d'action.

A - L'obligation de respecter la loi

Le principe de la légalité signifie que l'administration dans l'exercice de ses


fonctions est soumise aux lois. Non seulement l'administration à l'obligation de
respecter la loi mais elle doit également faire respecter la loi en assurant
l'exécution des lois et règlements mais aussi l'exécution des décisions de justice.

B - La liberté d'action

Même si l'administration est soumise au principe de légalité, elle jouit d'une


liberté d'action, son action s'exprime soit avec une liberté totale, on parle alors
de pouvoir discrétionnaire soit elle s'exprime dans un sens déterminé par les
textes : on parle alors de compétence liée.

Une autorité est en situation de compétence liée lorsqu'elle n'a pas le choix de
sa décision en présence de certaines circonstances, celle-ci lui étant strictement
dictée par le droit. En d’autres termes la compétence de l'administration est liée
lorsque le droit fait obligation à l'autorité administrative d'agir dans un sens
déterminé.

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Le pouvoir discrétionnaire quant à lui désigne la liberté qu'à l'administration
d'agir, de prendre ou de ne pas prendre une ou telle décision. La règle de droit
laisse à l'administration la liberté de choisir, la liberté d'apprécier l'opportunité
d'utiliser sa compétence et d'en déterminer les modalités.

Paragraphe 2 : Les sources de la légalité

Elles sont constituées de l'ensemble des règles de droit dont le respect


s'impose à l'administration en vertu du principe de la légalité.

Le bloc de la légalité ou la pyramide de la légalité comprend aussi bien des


sources écrites et des sources non-écrites.

A- Les sources écrites

Les sources écrites sont constituées de la constitution, des traités et accords


internationaux, de la loi et des règlements.

B - Les sources non-écrites

En droit administratif, la coutume et la doctrine ne sont pas de véritables


sources car rejetées par les juges. En droit administratif donc, la seule source
non écrite est la jurisprudence. Elle est définie de façon sommaire comme
l’ensemble des décisions rendues par les juges. Elle est constituée de règles non-
écrites qui se dégagent de l'ensemble des décisions de justice.

La jurisprudence doit être réaffirmée avec constance. Si au regard de la


constitution le juge n'est pas habilité à créer des règles de droit, son rôle se
limitant à trancher des litiges particuliers, il n'en demeure pas moins
incontestable qu'en droit administratif, le juge joue un rôle créateur ou
normateur. Le fait est que le juge est tenu de statuer même en cas de silence ou
d'obscurité de la loi pour, palier à ce silence ou l'obscurité de la loi.

Le juge sera contraint de former la règle générale qui lui permettra de statuer.
Le droit administratif n'étant pas codifié car il n'existe aucune loi qui détermine
ses notions fondamentales et ses principes dominants, le juge à travers ces
différents litiges qui lui seront soumis va se faire jurislateur. La jurisprudence
supplée la loi d'une façon telle qu'en droit administratif, la jurisprudence est
devenue la source fondamentale, le droit administratif est un droit
fondamentalement jurisprudentiel.

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On appelle un arrêt de principe, l'arrêt dans lequel le juge à propos d'une
question nouvelle ou à la suite de renouvellement d'une question ancienne,
énonce la règle qu'il entend appliquer à cette espèce et à toutes celles qui
poseront le même problème.

Paragraphe 3 : La portée du principe de la légalité

Il faut distinguer deux (2) périodes : soit on est en situation normale soit en
situation anormale.

A- La sanction da la légalité en période normale

En période normale l'administration a le droit de respecter la légalité au sens


strict du terme. Cela signifie que l'administration doit respecter les règles de
compétences de formes et de procédures. Le non-respect de la légalité entraine
la nullité de l'acte qui sera prononcé par le juge des actes administratifs.

B - La sanction en période anormale

Certaines circonstances exceptionnelles peuvent empêcher valablement


l'administration de respecter la légalité ordinaire. Il faut distinguer deux (2)
séries de circonstances : celles qui sont organisées par les textes et celles
construites et consacrées par les juges.

1 - Les circonstances exceptionnelles organisées par les


textes

Il s'agit essentiellement de l'état de crise, l'état de siège et de l'état d'urgence.

a - L'état de crise

Il est prévu par l'article 73 qui autorise le président de la république à exercer


la totalité des pouvoirs publics, c'est-à-dire le pouvoir exécutif et législatif
lorsque le pays est menacé d'une manière grave et immédiate.
b - L'état de siège

Il est prévu par l'article 105 de la constitution et il est déclaré en cas de péril
imminent pour la sécurité intérieur et extérieur de l'Etat. Il est décrété en conseil
des ministres mais une loi doit autoriser son maintien au-delà de 15 jours. L'état
de siège a pour effet le transfère a l'autorité militaire des pouvoirs de police
exercés par l'autorité civile. Il a aussi pour conséquence d'élargir
considérablement les pouvoirs de police, il a aussi pour effet de transférer aux

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tribunaux militaires la compétence pour connaitre les infractions touchant la
sécurité de l'Etat.

c - L'état d'urgence

Organisé par la loi n°59-231 du 07/11/59, il est déclaré en cas de péril


imminent pour atteinte grave à l'ordre public ou de calamité naturelle. Il est
déclaré par un décret qui fixe sa durée et les parties du territoire visé. L'état
d'urgence a pour but de conférer au ministre de l'intérieur des pouvoirs élargis.

c 2 - Les circonstances exceptionnelles consacrées par le juge

Si l'hypothèse des textes n'est pas applicable, le juge utilise une théorie
appelée la théorie des circonstances exceptionnelles, cette théorie élaborée par le
juge administratif ne peut être utilisée qu’a deux (2) conditions :

- Il faut un fait susceptible d'être perçu comme une circonstance


exceptionnelle, généralement c'est une situation grave et anormale. Ex : La
guerre, les cataclysmes naturels, les émeutes, les grèves générales.

- L'impossibilité pour l'administration du fait de ses circonstances d'agir


légalement.

Enfin la mise en œuvre de cette théorie augmente le contrôle du juge.

Section 2 : les missions de l'administration

Il s’agit du service public et de la police administrative

Paragraphe 1 : Le service public

La mission de prestation ou mission de service public consiste pour


l'administration à rendre des services aux administrés (usagers). Après avoir
précisé la notion du service public, il faudra exposer ses principes
fondamentaux.

A- La notion du service public

Le service public peut être définit comme étant une activité d'intérêt général
exercé par l’administration ou sous le contrôle de l'administration. L’activité
d'intérêt général pour être rangée dans la catégorie de service public doit être
exercé par une collectivité publique ou être soumise à des contrôles. En
conclusion pour qu'une activité puisse être un service public, deux (2)

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hypothèses se présentent : Soit l'activité d'intérêt général est prise en charge par
l'administration elle-même, soit elle est exécutée par des particuliers alors elle
doit être exécutée sous le contrôle de l'administration.

Le service public peut être pris en charge par des particuliers, ce n'est donc
pas une compétence exclusive de l'administration. Il y a deux (2) catégories de
service public : Service Public Administratif (SPA) et le Service Public
Industriel et Commercial (SPIC).

Lorsqu'il crée un service public, le législateur peut préciser sa nature, mais


cette possibilité est très rare. Il revient donc au juge de déterminer la nature du
service en cause. Le juge a dégagé trois critères de distinctions des SPA et des
SPIC à partir de l'arrêt union syndicale d'industries aéronautiques (Conseil d'Etat
le 01/11/56). C'est le critère de l'objet, le mode de financement et du mode de
gestion du service.

1 - les critères de l'objet

Le critère de la nature de l'activité gérée, un SPIC a une activité analogue à


celle d'une entreprise privée.

2 - Le financement du service

Un service qui est financé par l'impôt, par des taxes parafiscales, par des
subventions publiques est en principe un SPA. Au contraire, un service financé
par la redevance payée par les usagers pour le prix de ses prestations est en
principes un SPIC.

3 - modalité d'organisation du service ou mode de gestion


du service

Lorsqu'un service utilise des actes de commerce, recherche systématiquement


des bénéfices, utilise la comptabilité privée, les contrats privés c'est un SPIC.
Par contre lorsqu'un service public utilise principalement des procédés de droit
administratif, ne recherche pas systématiquement à faire des bénéfices, c'est un
SPA. Il est soumis au droit administratif et le SPIC est largement soumit à un
régime de droit privé.

B - Les principes fondamentaux ou les lois du service public

Ils sont au nombre de quatre :

- Le principe de la continuité du service public


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- Le principe de la mutabilité ou de l'adaptation du service public

- Le principe de la neutralité du service public

- Le principe d'égalité du service public

1 - Le principe de la continuité du service public

Le service public doit fonctionner de façon continue et ininterrompue afin de


satisfaire l'intérêt général. Il s'agit d'un fonctionnement régulier.

2 - Le principe de la mutabilité ou l'adaptation du service


public

Le service public doit être adapté à tout moment à l'évolution des exigences
de l'intérêt général. Aucune situation acquise ne doit paralyser cette adaptation,
et c'est la règle de l'adaptation du service public qui explique que
l'administration dispose du pouvoir de modification unilatéral du contrat
administratif.

3 - Le principe de l'égalité du service public

Ce principe signifie que les services publics doivent réserver un égal


traitement à leurs agents et aux usagers.

4 - Le principe de la neutralité du service public

Il s'agit à la vérité d'une conséquence du principe de l'égalité. Le service


public doit fonctionner en tenant compte uniquement de l'intérêt général et il ne
doit pas prendre en compte les opinions politiques, les croyances religieuses
idéologiques, philosophiques, de sexes, de races et de considération ethnique des
usagers.

C - Les modes de gestion du service public

Le service public peut être exercé soit par une personne publique soit par une
personne privée.

1 - La gestion du service public par une personne


publique

Elle se fait selon le mode de la régie direct et au travers des établissements


publics.

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a- La régie ou gestion en régie direct

Elle consiste pour l'administration à assurer elle-même à travers ses propres


moyens le fonctionnement du service en cause.

b - La gestion au travers de l’établissement


public

L'établissement public est un service public doté de la personnalité juridique.


Un établissement public administratif gère un service public administratif.
A contrario, un établissement public industriel et commercial gère un service
public industriel et commercial. Lorsqu'un service public est doté de la
personnalité juridique alors c'est un établissement public.

2 - La gestion du service public par une personne privée

Les personnes publiques peuvent choisir de confier la gestion du service à


des personnes physiques ou morales. La technique la plus utilisée est la
concession de service public. Celle-ci se définit comme le procédé par lequel
une personne publique appelée concédant confie à une personne privée appelée
concessionnaire l'exploitation d'un service public moyennant rémunération
perçue sur les usagers.

Paragraphe 2 : La police administrative

La police administrative consiste pour l'administration à maintenir l'ordre


public. Son étude nous conduira à examiner la notion et à faire l'inventaire des
autorités de police.

A- La notion de police administrative

Elle se définit comme une activité destinée à éviter un trouble à l'ordre public
et exercé exclusivement par l'administration. De cette définition, on dégage trois
(3) éléments : La prévention, l'ordre public et la compétence exclusive de
l'administration.

1-la prévention

En principe, la police administrative vise à prévenir un trouble à l'ordre


public, elle est donc définie par son caractère préventif. Elle peut également
viser au rétablissement de l'ordre public troublé. C'est donc son caractère
préventif qui distingue la police administrative de la police judiciaire qui a un
caractère répressif.
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2-L’ordre public

La notion d'ordre public a connu une évolution. La définition de l'ordre


public comprend trois composantes : la tranquillité publique, la sécurité
publique et la salubrité publique.

- La tranquillité publique : La police administrative vise à prévenir les


tumultes dans les lieux d'assemblée publique, les disputes dans la rue, les bruits
susceptibles de troubler le repos des administrés pendant la nuit.

- La sécurité publique : La police administrative vise à prévenir les


accidents qui menacent les citoyens, Ex ; la circulation règlementée par des
agents de police. Les mesures de police sont disposées à protéger l'intégrité
physique et morale des administrés

- La salubrité publique : La police administrative vise à prévenir toutes les


ruses possibles de troubler la santé des administrés. Ex : l'hygiène publique, la
lutte contre les maladies et la lutte contre la pollution des eaux

La conception moderne à l'ordre public s'est enrichit à la moralité publique,


de l'esthétique et des considérations d'ordre économique et politique.

3 - La compétence exclusive de l'administration

La police étant une prérogative de puissance publique par excellence, son


exercice est exclusivement réservé à l'administration. Ainsi deux interdictions
son faite :

- L'interdiction de déléguer l'exercice de la compétence de police à des


personnes privées

- L'interdiction de recourir à la technique contractuelle en vue de


l'exercice de la police, celle-ci s'exerçant par voix d'actes unilatéraux. Dans ce
cas le contrat est nul

B - Les autorités de police

Il y a deux types de polices administratives : La police administrative


générale et la police administrative spéciale

1 - Les autorités de police générale

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La police générale est celle qui vise à maintenir l'ordre public à l'égard de
toutes les activités des particuliers, elle est exercée par le Président de la
République, le ministre de la sécurité intérieur et les autorités locales (le préfet
et le sous-préfet d'un côté, d'un autre le maire et le président du conseil regional)

2 - Les autorités de police spéciale

La police spéciale vise à règlementer un domaine d'activité particulier ou vise


une catégorie de personne, et les pouvoirs de cette police sont plus étendus que
celle de la police générale et ses sanctions plus sévères. La police spéciale est le
plus souvent confiée aux autorités locales. Elle est le plus souvent confiée aux
ministres mais elle peut être également confiée aux autorités locales Ex : la
police des débits de boisson etc...

C- Les procédés de police

Les procédés de police sont les moyens dont disposent les autorités de police
pour atteindre le but de police qui est le maintien de l'ordre public. Ces procédés
de police ont pour effet de limiter les libertés d'action des citoyens. On distingue
deux types : les actes juridiques ou mesures de police et les actes matériels ou
coercitions

1 – Les mesures de police

a – La règlementation de police

Elle consiste pour l’autorité de police à déterminer les conditions d’exercice


d’une activité donnée, Ex : le code de la route

b – La déclaration préalable

Le particulier dans ce cas ne peut exercer une activité qu’après avoir averti
l’administration, Ex : la liberté d’association

c – L’autorisation préalable

Dans cette hypothèse, l’administré ne peut exercer une activité qu’après avoir
obtenu une autorisation expresse de l’administration ou de l’autorité de police.

d – L’interdiction

Elle consiste à prohiber l’exercice d’une activité déterminée, Ex : Une


marche

19
e – Les mesures individuelles

Ce sont des mesures restrictives de liberté qui s’adressent à un ou à quelques


administrés.

2 – Les actes matériels ou actes de coercitions

La coercition consiste à employer la force matérielle ou la force publique


pour faire cesser le désordre. Le principe est que la mise en œuvre de la force
publique est subordonnée à l’autorité du juge mais en cas d’urgence et de délit
imminent, l’administration peut recourir à la force sans recourir à l’autorisation
préalable du juge.

D – Les limites du pouvoir de police

1 – Le respect des libertés

Il s’agit de concilier la nécessité de maintenir l’ordre public avec le respect


des libertés des citoyens. Cette conciliation doit se traduire par l’équilibre
liberté-autorité et selon un commissaire du gouvernement, la liberté est la règle,
la restriction de police l’exception. Cette règle est plus ou moins rigide selon que
la liberté est définie ou non définie.

a – Les libertés définies

Elle se caractérise par deux traits :

• La protection spéciale de la loi : les libertés définies sont celles prévues et


organisées par la loi qui leur confère une protection particulière. Ce sont :
la liberté de presse, la liberté de culte, de réunion, d’association, de
conscience et la liberté syndicale
• Le respect strict imposé par le juge : En raison de la protection spéciale
dont bénéficient les libertés définies, le juge impose à l’autorité de police
leurs respects stricts en ne lui reconnaissant que des pouvoirs très limités.
Ex : la liberté de réunion et d’association
La liberté de réunion : pour qu’une réunion soit interdite, le juge émet
deux conditions :
❖ Il faut qu’il y ait une menace grave et sérieuse à l’ordre public
❖ Il faut qu’il n’y ait pas de force de police suffisante pour empêcher
le désordre

20
Cf : Arrêt Benjamin ou arrêt Houphouët Boigny

b – les libertés non définies

C’est celles qui sont prévues mais non organisés par la loi. C’est pourquoi
elles sont moins protégées que les précédentes. Le juge reconnait à leur égard de
large pouvoir à l’autorité de police.

2 – Le contrôle juridictionnel

Pour garantir la liberté des citoyens contre la restriction de police, le juge


exerce un contrôle assez étendu qui porte à la fois sur le but, sur les moyens de
polices et sur les motifs.

Section 3 : les moyens juridiques de l’administration : les actes


administratifs

Il y a deux types d’actes administratifs : L’acte administratif unilatéral et les


contrats administratifs

Paragraphe1 : Les actes administratifs unilatéraux

L’acte administratif unilatéral est une décision qui émane de la seule volonté
de l’administration et qui s’impose à son destinataire sans son consentement. Ex
La révocation d’un fonctionnaire, ou interdiction de réunion.

A : La notion d’acte juridique

1 – Définition

Conformément à la loi du 05 Aout 1978 relative à la cour suprême qui définit


l’acte censurable, l’acte administratif est une décision émanant des autorités
administratives et qui revêt un caractère exécutoire, l’acte pour revêtir le
caractère administratif doit émaner d’une autorité administrative c’est-à-dire
émaner d’un organe investit d’un pouvoir administratif, pouvoir de commander,
de prendre des décisions unilatéralement d’administrativité. En revanche, les
actes d’autorité privée et même des autorités publiques non administratifs ne
sont pas des actes administratifs.

L’acte doit revêtir d’un caractère exécutoire. La décision exécutoire s’entend


selon le doyen Vedel d’un acte juridique unilatéral comportant un caractère
décisoire.

21
2 – La classification des actes

Elle se fera sur le plan organico- formel mais également sur le plan matériel.

a – La classification organico- formel

Ce critère prend en considération à la fois l’auteur de l’acte et sa procédure


d’élaboration. Ce critère permet donc d’établir la hiérarchie des actes
administratifs. On peut distinguer les actes du président de la république, les
actes des ministres et les actes des autres autorités.

– Les actes du président de la république

Deux catégories d’actes

• Les décrets : C’est la forme que prennent les actes du président de


la république. Il est le seul au terme de la constitution à prendre les
décrets et à les signer. On distingue deux types de décrets : les
décrets pris en conseil des ministres et les décrets simples
• Les autres actes du président de la république :
❖ Les ordonnances et décisions : ce sont des mesures particulières qui
relèvent plus souvent du domaine de la loi que le président prend
avec (ordonnance) ou sans (décision) l’accord du parlement
❖ Les arrêtés et circulaires : ce sont des actes moins importants
édictés par le président de la république

– Les actes des ministres

Ces actes varient en fonctions de leur nature et de leur importance

• Les arrêtés : c’est la forme la plus solennelle des actes des


ministres. Il peut être règlementaire, individuel ou même collectif.
L’arrêté interministériel est celui signé entre plusieurs ministres.
• Les autres actes des ministres : en dehors des arrêtés, les ministres
peuvent prendre des décisions de service, des instructions et des
circulaires.

– Les actes des autres autorités

Leur dénomination varie en présence d’autorité locale ou d’autres organismes

• Les actes des autorités locales.

22
Il faut faire la distinction entre l’autorité locale individuelle et l’autorité
locale collégiale.
Les actes des autorités locales individuelles (préfet, sous-préfet, maire)
sont appelés arrêtés ; les actes des autorités locales collégiales (conseil
régional, conseil municipal) sont appelés délibérations.
• Les actes d’autres organismes
Ce sont les actes des autorités des Etablissements Publics Nationaux
(EPN), on a également les actes des personnes privées agissant dans le
cadre d’une mission de service public.
Après la classification organico formel, nous avons la classification
matérielle.

b – La classification matérielle

Le critère matériel se réfère au contenu de l’acte et permet ainsi de distinguer


l’acte règlementaire de l’acte non règlementaire.

– Distinction entre acte règlementaire et non règlementaire.

L’acte règlementaire a un caractère permanent général et impersonnel

• Le caractère permanent de l’acte


Par le caractère permanent, l’acte s’applique non à une opération
ponctuelle, à une situation momentanée mais à toute une catégorie de
situation de longue durée, l’acte règlementaire est celui qui remplit cette
condition.
Ex : l’acte fixant les conditions requises pour être candidat à un concours,
le mode de désignation des membres du jury et la nature des épreuves.
En revanche n’a de caractère règlementaire l’acte qui chaque fois ouvre
le concours, fixe le délai d’inscription, la date des épreuves et le nombre
de place.
• Le caractère général et impersonnel
Par ce caractère, l’acte vise non pas une situation particulière, une
personne ou des personnes individuellement désignées mais une situation
d’ensemble visant tous les citoyens ou une catégorie de citoyen.
Ex : Le statut d’un corps de fonctionnaire. Mais l’acte nommant un
fonctionnaire n’est pas un acte règlementaire.

c – Les différences de nature

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La différence entre l’acte règlementaire et l’acte non règlementaire n’est pas
quantitative mais qualitative, ce qui est pris en considération ce n’est pas le
nombre de personne visée par l’acte mais leur situation objective.

Ex : la décision nommant plusieurs fonctionnaires ou celle accordant les


décorations à plusieurs milliers de personnes est un acte non règlementaire. En
revanche, l’acte qui confère une indemnité de logement au préfet, au sous-préfet
de Bouaké est un acte règlementaire.

d – L’intérêt de la distinction

Il résulte de la différence de régime juridique

B : Le régime juridique de l’acte unilatéral

Le régime juridique c’est l’ensemble des règles qui gouvernent les actes
administratifs. Ces règles ont trait à leur élaboration et effet.

1 – L’élaboration de l’acte administratif unilatéral

Elle obéit à des règles de compétences, de formes et de procédures.

a – Les règles de compétences

La compétence est l’aptitude reconnue à une autorité administrative à prendre


un acte administratif. Elle est déterminée soit par la constitution soit par la loi ou
le règlement soit par la jurisprudence.

– Les éléments de compétences

On distingue trois éléments de compétences : la compétence matérielle, la


compétence territoriale et la compétence temporelle

• La compétence matérielle
Chaque autorité administrative a des matières qui rentrent dans sa
compétence. Les autorités ne peuvent intervenir que dans les matières qui
leurs sont attribuées par les textes faute de quoi l’acte édicté par elle serait
entaché d’incompétence. L’autorité subordonnée ne peut intervenir dans
le domaine de l’autorité supérieure et vice versa.

24
En dehors des textes, le juge intervient également pour régler les
problèmes de compétences, c’est ainsi qu’il applique le principe du
parallélisme des compétences ainsi exprimé par le conseil d’Etat :
« L’autorité investie du pouvoir de nomination à compétence pour
prononcer la cessation des fonctions »

• La compétence territoriale
Chaque autorité administrative exerce sa compétence sur un cadre
territoriale donné, ainsi, la compétence des autorités centrales s’étend à
l’ensemble du territoire national pas au-delà.

Les autorités locales exercent leur compétence dans le cadre plus


limité de leurs ressorts territoriaux.

Ex : Le préfet dans le département et le maire dans la commune.

• La compétence temporelle
Chaque autorité administrative exerce sa compétence dans les limites du
temps qui se rapportent au début, à la durée et à la fin de la compétence.
❖ Le début : C’est en principe à partir de son investiture que
l’autorité administrative peut exercer sa compétence et
l’investiture prend effet à compter de la signature de l’acte de
nomination et après sa publication
❖ La durée : les autorités administratives qui se réunissent en
sessions ne peuvent délibérer que durant les sessions de sorte
que les décisions prises en dehors des sessions sont entachées
d’incompétence
❖ La fin : dès sa désinvestiture, l’autorité administrative perd sa
compétence et ne peut plus édicter d’acte administratif. La
désinvestiture peut résulter de l’arrivée au terme prévu par les
textes, de la révocation, d’un empêchement absolu ou de la
démission définitive. Toutefois, pour assurer la continuité du
service public, l’autorité désinvestit peut continuer à exercer ses
fonctions jusqu’à l’arrivée de son successeur mais dans ce cas, il
ne peut qu’expédier les affaires courantes, régler les problèmes
urgents.

b – Les tempéraments aux règles de compétences

25
Ces tempéraments sont destinés à assouplir les règles de compétences et ils
reposent sur la nécessité d’assurer la continuité du service public. Ces
tempéraments sont au nombre de deux :

• Les délégations
La délégation consiste pour un titulaire de compétence (le déléguant) à
transmettre pour un temps l’exercice de cette compétence à l’autorité qui
lui ai subordonné (le délégataire ou délégué). La délégation de
compétence révèle deux formes, on a : la délégation de pouvoir et la
délégation de signature.

-La délégation de pouvoir : confère la compétence, le pouvoir du


supérieur au subordonné.

-La délégation de signature : confère au subordonné les tâches


matérielles de la signature.

• Les dérogations aux règles de compétences : la théorie de la


fonction de fait
En vertu de cette théorie, les actes accomplis par un agent incompétent
ou même par un simple particulier sont considérés valide. L’auteur de tel
acte est appelé fonctionnaire de fait.
2 – Les effets de l’acte unilatéral.

Lorsque les conditions d’élaboration sont réunies, l’acte va naître, vivre et


mourir. Les effets de l’acte administratif se rapportent donc à son entrée en
vigueur, à son exécution et à sa fin.

a – L’entrée en vigueur de l’acte administratif

L’entrée en vigueur de l’acte administratif marque son point de départ.


L’entrée en vigueur comporte trois modalités : La validité de l’acte, son
opposabilité et sa non-rétroactivité

– La validité de l’acte

Dès l’émission de l’acte, c’est-à-dire dès sa signature par l’autorité


compétente, il devient valide, obligatoire. Il crée donc des droits au profit des
administrés et des obligations en leur charge même s’il n’a pas fait l’objet de
publicité.

– L’opposabilité de l’acte

26
C’est l’application effective de l’acte aux administrés. Et l’acte n’est
opposable aux administrés que s’il a fait l’objet d’une publication, c’est-à-
dire au moment où il a été porté en leur connaissance. Il y a deux modalités
pour la publicité de l’acte.il y a la notification pour les actes individuels et
personnels et la publication pour les actes intéressant tous les administrés ou
tous ceux qui sont intéressés par l’acte.

– La non-rétroactivité.

L’acte administratif ne peut produire d’effet avant la date de sa signature.


La règle est donc sa non-rétroactivité qui comporte des exceptions.

L’acte est rétroactif dans deux hypothèses :

• Lorsque la loi autorise ou donne un effet rétroactif à l’acte


administratif.
• Lorsqu’il s’agit de régulariser la situation engendrée par le retrait
ou l’annulation d’un acte illégal.

b – L’exécution de l’acte administratif

Pour exécuter ses décisions, l’administration dispose des moyens exorbitants


du droit commun qui échappent aux particuliers. Ces moyens sont appelés
privilège et on en distingue deux :

Le privilège préalable et le privilège d’exécution d’office.

– Le privilège préalable

Le privilège préalable consiste à la possibilité pour l’administration de


prendre des décisions qui s’imposent immédiatement aux administrés sans
s’adresser préalablement au juge d’où l’expression préalable. L’administré qui
conteste la prétention de l’administration doit immédiatement se conformer à
ladite décision avant de saisir s’il le souhaite le juge.

– Le privilège d’exécution d’office

Ce privilège permet à l’administration de recourir à la force pour assurer


l’exécution de ces décisions. L’exécution d’office encore appelée action d’office
ou exécution forcée résulte dans la faculté pour l’administration d’accomplir
elle-même par la contrainte les actes d’exécution de la décision administrative.

c– La fin de l’acte administratif

27
La fin des effets de l’acte peut résulter de plusieurs causes, on a : Le retrait
abrogation ou abrogation qui permet de supprimer l’acte seulement pour l’avenir
et le retrait rétroactif qui supprime l’acte et l’anéantis avec tous ces effets déjà
accomplis.

Paragraphe2 : les contrats administratifs

A : La notion de contrat administratif

1 – Le critère ou criterium de contrat

A la différence de l’acte unilatéral, le contrat administratif résulte d’un accord


de volonté entre l’administration et son co-contractant. Les contrats
administratifs sont administratifs soit par qualification légale soit par
détermination jurisprudentielle.

a – La qualification légale

La qualification légale résulte des textes.

Le législateur est intervenu pour attribuer le contentieux de certains contrats au


juge administratif. Ces contrats se trouvent de ce fait soumis aux règles de droit
administratif et est par conséquent considéré comme des contrats administratifs.
Ex : Les marchés de travaux, la vente d’immeuble d’Etat, les marchés de
fournitures de l’Etat.

b – La détermination jurisprudentielle

Dans le silence des textes, lorsque la loi est muette sur la question, le juge
intervient pour reconnaitre le caractère administratif a certain contrat. D’après le
juge un contrat est administratif à deux conditions :

d’une part, l’une des parties au contrat doit être en principe une personne
publique et d’autre part le contenu du contrat doit avoir soit pour objet
l’exécution même du service public (arrêt époux Bertin) soit le contrat doit
contenir des clauses exorbitantes du droit commun.

Si le contrat est qualifié de contrat de droit privé, alors le droit privé lui est
applicable.

28
Si le contrat est qualifié de droit administratif, alors le droit administratif lui
est applicable.

2 – Les principaux contrats administratifs

Il y a trois grandes catégories de contrat :

Les marchés publics


Les concessions
Les autres contrats

a- Les marchés publics

Ce sont les contrats les plus importants de l’administration.

Le code des marchés publics prévoit trois types de marchés : les marchés de
fournitures, les marchés de services et les marchés de travaux.

– Les marchés de fournitures

Ce sont des contrats par lesquels l’administration charge une personne


appelée fournisseur de lui livrer moyennant un prix des biens. Seuls les marchés
de fournitures de l’Etat sont des contrats administratifs par détermination légale.

– Les marchés de services

Ce sont des contrats par lesquels le fournisseur s’engage à exécuter pour le


compte de l’administration moyennant un prix des prestations en nature
(transport de personnes, de biens etc…)

– Les marchés de travaux publics

Ce sont des contrats par lesquels l’administration confit à un entrepreneur


l’exécution de travaux publics moyennant un prix convenu, ce sont des contrats
administratifs par qualification légale.

b – Les concessions.

Deux types de concessions : Les concessions classiques et les concessions


assimilées.

- Les concessions classiques

Elles sont dites classiques car elles sont très anciennes et constituent le model
pour les autres. Il y en a deux types :
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• La concession de service public.
C’est un contrat par lequel l’administration (concédant) charge une
personne privée (concessionnaire) de la gestion d’un service public pour
une durée, se rémunérant au moyen de redevances perçues sur les usagers
dudit service et agissant à ses risques et périls. Ex : CIE ; SODECI
• La concession de travaux publics.
C’est un contrat par lequel le concédant charge le concessionnaire de la
réalisation d’un travail ou de l’entretien d’un ouvrage public avec pour
contrepartie le droit de l’exploiter à son profit pendant un temps fixé par
la concession. Ex : Concession d’autoroute, de pont, de Bac

– Les concessions assimilées.

• Concession d’occupation du domaine public


• Concession d’occupation du domaine privé

c – Les autres contrats

Ce sont : L’offre de concours et l’emprunt public

B : Le régime juridique du contrat administratif

Le contrat administratif est soumis à un régime juridique spécial qui déroge


au droit commun. Ce sont des règles spéciales qui régissent leur formation, leur
exécution et leur fin.

1- La formation

a – la conclusion du contrat

Les contrats de l’Etat sont signés par les ministres intéressés ou par le
fonctionnaire auquel il a délégué ses compétences. Les contrats des collectivités
locales sont signés par leur organe exécutif.

Les contrats des régions et départements sont signés par le préfet


Les contrats des communes sont signés par le maire

Dès sa signature par les parties, le contrat est conclu et ainsi nait le lien
contractuel.

30
b – Les formes du contrat

Le principe c’est la forme écrite, c’est-à-dire que la plupart des contrats sont
sous forme écrite. C’est ainsi que pour la conclusion d’un marché public, le
législateur impose l’emploi obligatoire de la forme écrite. Exceptionnellement
pour certain contrat la forme non écrite est autorisée. Ex : les marchés sur
mémoires, les contrats verbaux (arrêt époux Bertin).

Les cahiers de charges :


Alors qu’en droit privé les parties discutent en principe librement des clauses du
contrat, en droit public les dispositions les plus importantes sont fixées à
l’avance unilatéralement par l’administration. Ces conditions sont contenues
dans des documents accompagnant les contrats qu’on appelle cahiers de charges.

Nous avons quatre catégories de cahier de charge :

• Le cahier des clauses et conditions générales


• Le cahier des clauses et conditions particulières
• Le cahier des clauses techniques générales
• Le cahier des clauses techniques particulières

c – La procédure de passation des marchés

Nous avons une règle et une exception.

– La règle : les procédures imposées

Deux procédures classiques : l’adjudication et l’appel d’offre.

• L’adjudication : elle consiste pour l’administration à mettre en


concurrence les candidats éventuels au marché et à attribuer ensuite
le marché au soumissionnaire le moins disant, c’est-à-dire celui qui
aura proposé le prix le plus bas
❖ Le principe : elle est entourée de mesure de sécurité destinée
à garantir le principe de la concurrence et de l’égalité entre
concurrent et de la qualité des soumissionnaires
❖ Les formes : elles peuvent être ouvertes ou restreintes. Elle
est ouverte quand tout candidat peut déposer une soumission
et elle est restreinte et fermée quand seuls les candidats
agréés par l’administration peuvent déposer leurs
soumissions.

31
• L’appel d’offre :
❖ La similitude avec l’adjudication : les marchés sur appel
d’offre s’opèrent dans les mêmes conditions que
l’adjudication par la publicité et la mise en concurrence des
candidats.
❖ La différence est que dans le cas de l’appel d’offre
l’administration n’est pas obligée de passer le marché avec le
soumissionnaire qui propose le prix le plus bas, elle reste
libre d’attribuer le marché au fournisseur de son choix en
prenant en considération outre le prix ,d’autres éléments tels
que les qualités techniques des prestations et fournitures du
candidat, les garanties professionnelles et financières, son
adaptation aux conditions locales et les délai d’exécution de
ses prestations.

– L’exception : les procédures d’entente directe

Le code des marchés publics prévoit deux procédures d’entente directe :

❖ Les marchés de gré à gré


Cette procédure laisse la liberté de choix au co-contractant mais elle est
une procédure exceptionnelle qui permet à l’administration de se
comporter comme un simple particulier en traitant directement avec le co-
contractant pour ensuite lui attribuer librement le marché.
❖ Les marchés sur facture ou mémoire
Ce sont des petits marchés de prestations de travaux passé en dehors de la
forme écrite et qui sont également des marchés négociés.

2 – L’exécution du contrat

Alors qu’en droit privé, en vertu de l’article 1134 du code civil les parties au
contrat sont dans une situation juridique égale, en droit public, l’une d’elle
(l’administration) est dans une situation de supériorité. L’administration dispose
en effet de prérogative exorbitant du droit commun justifié par l’intérêt général
et plus spécialement par la nécessité du fonctionnement du service public mais à
contrepartie son co-contractant dispose de quelques garanties fondées sur le
principe de l’équilibre financier du contrat. Tel est donc l’originalité de la
théorie du contrat administratif qui se manifeste dans les prérogatives de
l’administration, les garanties du co-contractant et l’influence des faits nouveaux
dans leur exécution.
32
a- Les prérogatives de l’administration

Ces prérogatives se manifestent par quatre (04) pouvoirs distincts :

- Le pouvoir de direction et de contrôle

• Le pouvoir de direction : Dans certains contrats, particulièrement les


marchés publics l’administration dispose du pouvoir de direction qui
s’exprime par les “ordres de services“ qu’elle adresse à son cocontractant,
et le cocontractant doit exécuter ses ordres même s’ils lui causent
préjudices. Quitte à lui de formuler des observations et à demander la
réparation de ces préjudices.
• Le pouvoir de contrôle : l’administration dispose du pouvoir de
surveillance et de contrôler l’exécution du contrat, c’est le cas
particulièrement des marchés de travaux publics ou encore les
concessions de services publics.

-Le pouvoir de modification unilatérale

L’administration peut modifier unilatéralement les clauses du contrat et imposer


à son cocontractant des obligations nouvelles différentes de celles initialement
prévu dans le contrat.

-Le pouvoir de résiliation unilatérale

Pour les besoins du service public, l’administration peut également résilier


unilatéralement le contrat. Le droit qui lui est ainsi reconnu est admis en dehors
même de toute stipulation. Ce droit constitue selon le conseil et l’Etat une règle
de droit des contrats administratifs.

-Le pouvoir de sanction

En cas de manquement à ses obligations, le cocontractant peut se voir infliger


des sanctions par l’administration et on en distingue deux catégories :

• Les sanctions pécuniaires : Ce sont des clauses de pénalité de retard.


Ce sont des clauses spéciales qui interviennent en cas de retard
d’exécution des travaux. L’entrepreneur devra payer des indemnités à
l’administration.
• Les dommages et intérêts : Ils sont dus à l’administration en cas de
préjudice résultant des travaux imputables au cocontractant.

33
• Les sanctions coercitives : ce sont des mesures de contraintes auxquels
l’administration à recours pour forcer le cocontractant à se substituer
ou à substituer 1/3 au cocontractant défaillant en vue de l’exécution du
marché. Le contrat est alors exécuté au frais et aux risques du
cocontractant.
• Les sanctions résolutoires : Ces sanctions ont pour effet de mettre fin
au contrat. Ce sont des résiliations sanctions qui supposent un
manquement grave du cocontractant à ses obligations. Ses sanctions
sont contrôlées par le juge.
b- Les garanties du cocontractant

Ses droits comprennent essentiellement le droit au paiement du prix. Le droit à


indemnité et d’autres droits et avantages.

-Le droit au paiement du prix

Le cocontractant a bien évidement le droit au paiement du prix et ce prix a deux


principes. Le principe de l’irrévocabilité et du service fait.

• Le principe de l’irrévocabilité du prix.


Le prix est irrévocable, aussi l’administration ne peut être en principe y
toucher par modification unilatérale sauf si les contrats renferment des
clauses de révision ou de variation du prix. Ex : Augmentation du prix de
matières premières.
• Le principe du service fait : selon ce principe, le prix ne sera payé
qu’après service fait, c’est-à-dire l’exécution de la prestation par le
cocontractant, mais des paiements anticipés réduises la portée de ce
principe. L’avance pour les acomptes constitués par les cocontractants.

-Le droit à indemnité.

Ces droits ont des causes variables :

• L’indemnité pour responsabilité de l’administration, si l’administration


commet une faute engageant sa responsabilité, le cocontractant peut
demander au juge de prononcer contre elle les sanctions qui s’imposent.
Le cocontractant peut demander en outre des dommages et intérêts
couvrant l’intégralité du dommage subit.
• Les indemnités propres au marché de travaux publics : deux types

34
➢ L’indemnité pour subjections imprévues : Un fait matériel d’un
caractère imprévisible entraine des difficultés dans l’exécution du
marché entrainant les frais supplémentaires. Le cocontractant qui
doit supporter les frais supplémentaires n’étant pas libéré de ses
engagements contractuels a droit à des indemnités supplémentaires
couvrant la totalités desdits frais.
➢ Indemnités pour travaux supplémentaires effectués par le
cocontractant : ces indemnités sont dues lorsque les travaux
accomplis sont donc indispensables pour assurer la bonne exécution
du contrat ou lorsqu’ils sont utiles à l’administration. Ces travaux
indispensable ou nécessaire donnent droit à un supplément de prix.
• Les autres droits et avantages résultant du contrat.
➢ Les prérogatives de puissances publiques peuvent être
reconnues au cocontractant, c’est le cas des redevances et
taxes que le concessionnaire peut tirer au niveau des usagers.
➢ La possibilité pour le cocontractant de demander au juge la
résiliation du contrat.
➢ Le droit à l’équilibre financier du contrat : le cocontractant
reçoit de l’administration une garantie que sera respecté
l’équilibre entre les avantages et les charges établis lors de la
conclusion du marché de sorte que la rupture de cet équilibre
entrainant des faits imprévus au dépend du cocontractant
entraine pour lui une indemnisation.

c-L ’influence des faits nouveaux dans l’exécution du contrat.

Des incidents peuvent se produire au cours de l’exécution du contrat et


bouleverser l’équilibre de ce dernier au détriment du cocontractant. Pour rétablir
l’équilibre, le juge a élaboré trois (03) théories : la théorie du fait du prince, la
théorie de l’imprévision et la force majeure.

-La théorie du fait du prince

Il y a fait du prince lorsque l’autorité contractuelle prend des mesures qui ont
pour conséquences de rendre plus onéreuses l’exécution du contrat et en rompt
ainsi l’équilibre financier. Il en va ainsi de l’élévation par une commune des
droits sur le charbon après un contrat de concession avec une compagnie
d’éclairage. Le fait du prince est soumis à des conditions d’application et
comporte des effets :

35
• Les conditions d’application du fait du prince
➢ La mesure doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion
du contrat
➢ La mesure doit émaner de l’autorité contractante. Si elle émane
d’une autre autorité, la théorie ne joue pas.
Ex : CE 4 Mars 1949 Arrêt ville de Toulon
➢ La mesure doit être particulière au cocontractant ainsi, les mesures
de portée générale (lois et règlements) qui atteignent tous les
citoyens et non le cocontractant seul ne donne pas lieu à
l’application de la théorie du fait du prince. Mais la théorie peut
jouer lorsque la mesure de portée générale affecte un élément
essentiel du contrat. C’est le cas du dédoublement par l’Etat du
droit de douane sur les matériaux provenant de l’étranger.
• Les effets de la théorie du fait du prince : Lorsque les conditions sont
réunies, le cocontractant est immédiatement indemnisé du préjudice subi.
Il peut réclamer le remboursement des dépenses effectivement engagées
et les pertes d’un bénéfice ou gains manqués.

-La théorie de l’imprévision

Il y a imprévision lorsque des circonstances exceptionnelles imprévisibles et


étrangères à la volonté des parties surviennent et rendent onéreux l’exécution du
contrat. Ces faits nouveaux peuvent êtres d’ordre naturel ou d’ordre économique
et politique (guerre, séisme violant, blocage des prix). La théorie de
l’imprévision est soumise à des conditions d’application et comporte des effets
juridiques précis. Trois (03) conditions :

• Les conditions d’application :


➢ Les faits doivent avoir été imprévisibles
➢ Les faits doivent être indépendants de la volonté des parties contractantes
(différence avec la théorie du fait du prince)
➢ Les faits doivent avoir bouleversés l’économie du contrat entrainant un
déficit, une perte d’une certaine importance aboutissant à une situation
extracontractuelle
• Les effets de la théorie.
L’imprévision emporte deux effets
➢ L’indemnité d’imprévision n’est pas intégrale, elle doit être
demandée à l’autorité contractante même si le bouleversement est
imputable à une autre autorité.
36
➢ L’indemnité d’imprévision est juste destinée à permettre au
cocontractant de rétablir l’équilibre financier du contrat, elle n’a
pas pour objet de couvrir les déficits. Si le déficit devient définitif,
la théorie de l’imprévision ne joue plus, on tombe alors dans la
théorie de la force majeure.

-La théorie de la force majeure

La force majeure est un évènement imprévisible au moment de la passation des


marchés, indépendante de la volonté des parties et qui rend impossible
l’exécution dudit marché. Cette définition contient les trois (03) conditions de la
force majeure.

• Les conditions de la force majeure


➢ Première condition : l’évènement doit être imprévisible c’est-à-dire
qu’il ne pouvait être raisonnablement envisagé par le cocontractant
au moment où il l’a traité
➢ L’évènement doit être indépendant de la volonté des parties, celles-
ci doivent être étrangères à sa réalisation et impuissantes à
l’empêcher
➢ L’évènement doit rendre absolument impossible l’exécution de la
prestation. Peut ainsi bénéficier de la théorie de la force majeure
l’entrepreneur qui a poussé ses travaux jusqu'à l’extrême limite de
ses possibilités financières
• Les effets (03)
➢ Elle est une cause d’exonération de la responsabilité
contractuelle : les parties se trouvant de ce fait libéré de leurs
obligations et soustraites à l’application des clauses pénales
➢ La force majeure peut ouvrir droit pour ses conséquences
dommageables à des indemnisations du cocontractant
(Conseil d’Etat 10-12-1938 recueil Lebon p93) arrêt société
entreprise française
➢ Elle entraine la résiliation du contrat lorsque l’exécution de
celui-ci est rendue définitivement impossible

3- La fin des contrats

Il existe quatre (04) cas de résiliation du contrat administratif

a- La résiliation de plein droit

37
Elle intervient dans deux (02) cas

• En cas de disparition de son objet


• En cas de disparition ou de décès de son cocontractant

b- La résiliation conventionnelle

D’un commun accord, les parties décident de mettre fin au contrat avant la date
d’expiration normale

c- La résiliation administrative

Cette résiliation est prononcée par l’administration et elle revêt deux (02)
formes :

• La résiliation dans l’intérêt général :


Cette résiliation unilatérale prononcée par l’administration en dehors de
toute faute du cocontractant, mais pour le besoin de service public
s’accompagne d’une indemnisation allouée au cocontractant.
• La résiliation sanction :
Elle est destinée à sanctionner une faute du cocontractant, elle ne peut
être prononcée qu’en cas de faute grave et seulement après une mise en
demeure.
d- La résiliation juridictionnelle.

Elle est prononcée par le juge :

• A la demande du cocontractant :
➢ En cas de faute grave de l’administration (indemnisation de
cocontractant)
➢ En l’absence de toute faute quand l’administration use de son
pouvoir de modification unilatérale (indemnisation)
• A la demande de l’administration :
➢ Si elle n’use pas de son pouvoir de résiliation unilatérale
➢ En cas de concession du service public ou la déchéance est
prononcée par le juge
• A la demande de l’une ou de l’autre des parties au contrat :

En cas de force majeure

38
CHAPITRE 3 : LE CONTROLE ADMINISTRATIF

39
L’administration est soumise au droit. C'est ce qu’on appelle l’État de droit par
rapport et par opposition à l’État de police dans lequel l’administration ne connaît
de limite qu’en elle-même.

L’affirmation selon laquelle l’administration est soumise au droit n’a de sens que
si l'administration est soumise à un contrôle extérieur à elle. Ce contrôle est
notamment celui du juge devant lequel l’administration est justiciable. Mais, le
juge de l’administration varie selon l’organisation juridictionnelle des États.

Dans les États ayant opté pour le dualisme juridictionnel, l’administration est, en
principe, justiciable devant le juge administratif. En revanche, dans les États ayant
retenu le système d‘unité de juridiction, le même juge, le juge ordinaire est juge
de l'administration comme il est juge des personnes privées.

Dans un cas comme dans l’autre, tout comme dans les États dotés d’un système
d’organisation juridictionnel mixte (Sénégal), le contrôle de l'administration par le
juge, comporte deux (2) modalités : ce sont d'une part, le recours pour excès de
pouvoir (REP) et d'autre part, la responsabilité administrative.

Section 1 : le recours pour excès de pouvoir (rep)

Le REP ressortit en Côte d'Ivoire à la compétence de la Cour Suprême (CS) en sa


Chambre Administrative. Avant d'étudier le point se rapportant au régime
contentieux, du REP, et aux effets résultant de la décision d'annulation prononcée
par le juge, il convient d'examiner en premier lieu, les caractères du REP.

Paragraphe 1 : les caractères du rep


Le REP présente un certain nombre de caractères qu’il faut exposer
successivement.

A : le rep, un procès fait à l'acte


C'est dire que le représentant de l'administration ou de l'autorité de l'acte, prend
part au procès en tant que défenseur de la légalité de l'acte litigieux.

40
Le REP apparaît fondamentalement comme "un procès fait à l'acte litigieux" et non
comme un procès entre parties. Et cela, compte tenu des autres caractères du REP
ainsi que du régime juridique même du REP qui est différent de celui d'un procès
entre parties (PEP).

B : le rep, un recours d'utilité publique

Le deuxième caractère, est qu'il est un recours d'utilité publique, c'est-à-dire un


recours dont le but est de sauvegarder la légalité. C'est pourquoi le REP est un
recours de plein droit, c'est-à-dire un recours qui existe même si aucun texte ne
l'a prévu, dès lors qu'il s'agit de critiquer la régularité juridique d'un acte
administratif. Et c'est encore la raison pour laquelle l'exercice de ce recours est
dispensé du ministère d'avocat. Cela, afin de ne pas décourager les candidats au
REP, qui pourraient y renoncer pour des raisons financières.

C : le rep, un recours d'ordre public


Le REP est un recours d'ordre public compte tenu de son objet qui est de
sauvegarder la légalité. Le caractère d'ordre public emporte des conséquences.

La première conséquence est que l'on ne peut renoncer au REP. Cela veut dire que
dans l'hypothèse où un particulier y aurait renoncé, il pourrait rétracter son
renoncement et personne ne pourrait lui opposer ce renoncement.

La deuxième conséquence est que si le requérant s'est désisté de son REP, il peut
en tout état de cause revenir sur son désistement.

Et la troisième conséquence est que le moyen tiré de l'annulation d'un acte


administratif sur REP est un moyen dont les parties partent se prévaloir en tout
état de la procédure dans l'instance de premier ressort, en appel ou en cassation.
Et en cas d'abstention, le juge est tenu de soulever d'office ce moyen en tout état
de la procédure.

D : le rep, un recours non suspensif


Le quatrième caractère du REP, est que celui-ci est un recours non-suspensif. Le
caractère non-suspensif du REP signifie que la saisine du juge d'une demande en
annulation d'un acte administratif, est sans conséquence immédiate ni sur l'acte,
ni sur les effets de l'acte.

41
En d'autres termes, n'a pas et ne pourrait avoir pour effet, de suspendre l'exercice
de l'acte attaqué. Car l'acte administratif bénéficie de ce qu'on appelle le privilège
du préalable, c'est-à-dire qu'il bénéficie d'une présomption de conformité au droit.

D'autre part, si l'exercice du REP devait avoir pour effet la suspension de


l'exécution de l'acte administratif, cette circonstance serait de nature à perturber
ou à troubler le fonctionnement normal de l'administration. Toutefois, il est
possible d'obtenir du juge de REP, le prononcé du sursis de l'acte administratif
poursuivi ou critiqué pour excès de pouvoir. Pour se faire, des conditions sont
exigées.

Il faut d'abord que le requérant, poursuivant qu'il soit, sursis à l'exécution d'un
acte administratif, ait introduit un REP. Le requérant doit ensuite joindre au REP,
une demande de sursis à l'exécution de l'acte attaqué. Et si le REP est irrecevable,
parce que tardif ou pour tout autre raison, la demande de sursis à l'exécution est
également irrecevable. Dans l'hypothèse où la demande de sursis est recevable, le
juge n'accorde le sursis à l'exécution de l'acte administratif poursuivi qu'à deux (2)
conditions :

- La première condition est qu'il faut que la demande de sursis en exécution ou


que le REP soit accompagné de moyens sérieux, c'est-à-dire de moyens
susceptibles de faire apparaître l'acte litigieux comme probablement irrégulier.
Ce qui veut dire que les moyens invoqués par le requérant au soutien de la
demande, doivent être tels que le juge soit amené à penser qu'il y a des chances
que l'acte soit illégal.

- La deuxième condition est qu'il faut que l'exécution de l'acte poursuivi, soit de
nature à produire des conséquences irréversibles, irréparables ou difficilement
réversibles.

L'hypothèse est illustrée par l'arrêt Bailouh Kophi et Diallo Loba (29 mars 1995)
dans lequel la Chambre Administrative de la Cour Suprême a estimé que la mesure
de rétrogradation de deux étudiants de médecine aurait des conséquences
difficilement réparables, si elle était exécutée alors même que le juge de REP saisi
d'un recours en annulation, n'a pas encore statué.

Mais, pour que le juge accorde le sursis, il faut conformément à la loi, que l'acte
dont le sursis à l'exécution a été demandé ne concerne pas l'ordre public. Il doit
être précisé que le sursis à l'exécution de l'acte ne vaut pas annulation de l'acte.
L'acte demeure dans l'ordonnancement juridique, mais ne s'applique plus jusqu'à
ce que le juge de l'excès de pouvoir ait statué sur le REP.

42
Le Juge décide alors que l'acte est légal et dans ce cas, le sursis disparaissant,
l'acte retrouve sa vigueur. Ou bien l'acte est reconnu illégal et dans cette
hypothèse, le sursis à l'exécution perd toute sa raison d'être, dans la mesure où
l'illégalité constatée par le juge du REP comporte annulation de l'acte et par
conséquent sa disparition rétroactive.

Paragraphe 2 : les conditions de recevabilité du rep

Les conditions de recevabilité sont les exigences qui doivent être satisfaites pour
que le juge puisse être valablement saisi du recours et qu’il examine en
conséquence l’affaire au fond. Ces conditions sont dans certains États notamment
en France et dans la plupart des États africains à succession française au nombre
de 4.

Elles tiennent à la nature de l’acte, la qualité du requérant le délai du recours et à


l’absence de recours parallèle. En CI, une 5e condition est exigée, c'est celle tenant
au recours administratif préalable (RAP).

A: les conditions tenant à l'acte

Il doit s'agir d'un acte administratif, ce qui signifie que l'acte doit émaner d'une
autorité administrative ou assimilée, c'est-à-dire d'une personne privée gérant un
service public. L'acte doit par ailleurs constituer une décision faisant grief, c'est-à-
dire modifiant l'ordonnancement juridique et portant atteinte à des droits acquis.

Ces considérations amènent à exclure les actes édictés par l’organe législatif ainsi
que les actes édictés par le pouvoir exécutif et ayant la nature d’actes de
gouvernement ou d’actes législatifs compte tenu des circonstances.

Il faut également exclure les actes des autorités administratives qui ne produisent
eux-mêmes aucun effet sur l’ordonnancement juridique. C’est le cas des mesures
d’ordres intérieures telles les circulaires interprétatives ; c’est également le cas des
avis, des vœux, des souhaits ou des actes préparatoires.

43
B : les conditions tenant au requérant

Ces conditions sont posées aussi bien par la loi que par la jurisprudence ivoirienne.
Au niveau législatif, c'est la loi du 21 décembre 1972 portant code de procédure
civile, commerciale et administrative qui pose en son article 3, les conditions
tenant au demandeur ou requérant.

L'on peut noter à cet effet, 3 conditions cumulatives :

- La première, est celle tenant à la capacité d'agir en justice. Seuls les majeurs
civilement capables peuvent agir en justice.

- La deuxième condition édictée par la loi, c'est la qualité à agir. C'est-à-dire, la


qualification pour agir en justice exigée à peine d'irrecevabilité.

- La troisième condition est celle d'un intérêt légitime juridiquement protégé,


direct et personnel.

Au niveau des conditions prévues par la jurisprudence ivoirienne, la CSCA, ne


comporte pas de décisions déclarant la requête irrecevable pour défaut de capacité
d'ester en justice.

Mais les arrêts se rapportant aux conditions des requérants ne portent que sur la
responsabilité pour agir et parfois sur la qualité et l'intérêt pour agir (Arrêt Brou
N'guessan contre ministère de la construction et de l'urbanisme).

Toutefois, une deuxième catégorie d'arrêts doit être mentionnée. C'est celle des
arrêts prononcés en l'absence de qualité pour agir aux motifs que le requérant
n'est pas qualifié pour agir en représentation (Voir arrêt Akré Sognon Marcel contre
Ministre de la construction et de l'urbanisme ; CSCA 27 juillet 2001).

C: les conditions tenant au délai


Les conditions tenant au délai se présentent de la façon suivante :

Le premier délai, c'est celui dont dispose le requérant pour agir.

44
Ce délai commence à courir pour compter de la publicité de l'acte litigieux.
Concrètement, après la notification de l'acte individuel ou la publication de l'acte
réglementaire, le requérant peut intenter ce qu'on appelle le recours administratif
préalable (RAP), consistant à s'adresser soit à l'autorité qui a pris l'acte litigieux,
soit au supérieur hiérarchique de l'auteur de l'acte litigieux.

Le requérant dispose à cet effet, de deux (2) mois.

L'administration saisie du RAP à quatre (4) mois pour répondre. Si l'administration


répond et que l'intéressé n'est pas satisfait, alors il dispose de deux (2) mois pour
saisir le juge de REP.

Si l'administration ne répond pas, le silence gardé par elle, pendant le délai de


quatre (4) mois à lui impartit, alors à l'expiration de ce délai, le silence de
l'administration est considéré par la loi comme valant rejet. Et le requérant dispose
ainsi pour compter de l'expiration de ce délai de quatre (4) mois, d'un délai de
deux (2) mois pour saisir le juge.

D: l'exception du recours parallèle


La jurisprudence de la chambre administrative donne de distinguer deux temps.

La 1ère période, est celle où le juge de l'excès de pouvoir déclarait


systématiquement irrecevables les REP dirigés contre les actes administratifs
ayant une incidence financière.

Se faisant, le juge s’adossait à la loi relative à la Cour Suprême qui prévoit depuis
1961 que « le recours en annulation est irrecevable lorsque les intéressés
disposent pour faire valoir leur droit le recours ordinaire de pleine juridiction.»

C’est la fin de non-recevoir tirée de l’existence d’un recours parallèle. Le


fondement d’une telle jurisprudence résidait dans l’idée selon laquelle le
requérant pouvant obtenir satisfaction par la voie du contentieux de pleine
juridiction, contentieux subjectif qui relève de la compétence du juge ordinaire,
juge de droit commun, ne peut porter son affaire devant le juge pour REP.

Autrement dit, si l'affaire de la victime peut être portée devant le juge ordinaire,
la dite victime ne peut saisir le juge du REP qui est compétent pour connaitre des
affaires relevant du domaine de l'administration.

45
Dans la mesure où la requête du requérant à un double objet, c'est-à-dire
l'annulation de l'acte litigieux d'une part, et d'autre part, une demande en
indemnité pour le préjudice causé par cet acte administratif, la Chambre
Administrative ivoirienne a décidé ne retenir que l'annulation de l'acte
administratif litigieux et considère irrecevable la demande en réparation. (Voir
arrêt Néméhou née Kinda Assiata contre Ministère de l'emploi et de la fonction
publique ; CSCA 30 juillet 1997 )

La 2e période, celle depuis 2001, donne au juge de l'excès de pouvoir de


considérer comme recevable les décisions administratives à incidence financière
en dépit de leur objet, dès lors qu'il s'agit de critiquer la légalité de l'acte. (CSCA
25 juillet 2001, Essis Esso Jean Mathieu Claude contre Ministère de l'emploi, de la
fonction publique et de la prévoyance sociale)

E : le recours administratif préalable (rap)


Le RAP est une condition exigée par la loi pour la recevabilité du REP. Il y a lieu
d'en étudier successivement le principe et les modalités.

1- Le principe
De la loi du 2 juillet 1961 à celle du 16 août 1994 en passant par la loi du 5 août
1978, font du RAP, une condition de recevabilité du REP.
2- Les modalités du RAP
a- Les actes susceptibles de RAP
Seuls les actes décisoires peuvent faire l'objet de RAP, à l'exclusion des actes non-
décisoires qui du fait de leur nature ne font pas grief.
b- Les formes du RAP
Le RAP présente deux (2) aspects : le recours gracieux et le recours hiérarchique
qui ne peuvent être utilisés cumulativement par le requérant.

c- Les moments du RAP

Quant au moment, il est clair que le RAP ne peut logiquement intervenir avant
l'édiction de l'acte, sous peine d'irrecevabilité. Il doit se faire après la notification
de l'acte individuel ou la publication de l'acte réglementaire.

46
Paragraphe 3 : les cas d'ouverture du rep

Les cas d'ouverture sont les moyens ou les irrégularités qui affectant l'acte
administratif sont susceptibles de donner lieu à annulation. Ces irrégularités ou
cas d'ouverture sont au nombre de quatre (4) :

- Il y a d'abord, l'incompétence. Il y a incompétence lorsqu'un acte a été pris par


une autorité ou par une personne n'ayant aucune investiture à cet effet.

L'incompétence ainsi constituée peut donner lieu à l'annulation de l'acte


administratif sur REP.

Mais, il arrive que cette irrégularité, donne lieu à l'inexistence, lorsque les règles
d'irrégularité présentent une gravité certaine, ou encore lorsque l'acte porte
atteinte à un droit fondamental garanti par la constitution, tel le droit de propriété.

- Le deuxième cas d'ouverture consiste dans le vice de forme. Ce vice est constitué,
lorsque l'édiction de l'acte est intervenue dans la méconnaissance des règles de
procédure.

- Le troisième cas d'ouverture, c'est le détournement de pouvoir, qui est constitué


lorsque l'auteur de l'acte a pris la décision litigieuse, dans un but autre que celui
en vertu duquel l'acte pouvait être édicté.

Il en va ainsi, lorsque l'acte a été pris dans un but de vengeance ou de


malveillance (Arrêt Diarra Zélato).

Mais, lorsque l'autorité administrative avait une compétence liée et qu'elle était
pour cela, tenue de prendre l'acte, le détournement de pouvoir ne peut jouer.

- Enfin, le quatrième cas d'ouverture, est constitué de ce qu'on appelle la violation


de la loi :

* La première illustration est celle de l'erreur de droit, qui existe lorsque


l'administration a agi en violation d'un texte existant, ou lorsqu'elle s'est livrée à
une interprétation erronée de la loi.

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* La deuxième illustration réside dans l'erreur tenant aux motifs de faits. Il en va
ainsi, lorsque l'administration a pris une décision sur la base de fait matérielle
inexacte. (CE 20 janv. 1922 Trépont)

Il en va également ainsi, lorsque les faits sur la base desquels est fondée la
décision administrative, sont certes matériellement exacts, mais que
l'administration en a fourni pour donner une qualification erronée. (Arrêt Néa
Gahou Mauris 15 mars 1989 CSCA)

Paragraphe 4 : les conséquences de l'annulation


contentieuse

L'annulation prononcée par le juge anéantit l'acte rétroactivement. Ce qui veut


dire que les effets que l'acte a pu produire, disparaissent rétroactivement. L'acte
lui-même disparaît pour l'avenir et l'annulation produit effet "erga omnes", c'est-
à-dire à l'égard des tiers. En outre, il pèse sur l'administration, l'obligation de tirer
les conséquences de l'annulation prononcée par le juge (Voir arrêt Diby Yao
George).

Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire a été évincé de la fonction publique, et que la


mesure d'éviction a été annulée par le juge, il pèse sur l'administration, l'obligation
de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

L'obligation qui pèse ainsi sur l'administration reste bien des fois théoriques, car
il est fréquent que les autorités administratives ne s'exécutent pas. Et le
bénéficiaire de la décision d'annulation est désarmé, car au contraire du système
français où il est prévu des mécanismes obligeant l'administration à s'exécuter,
rien de tel en Côte d'Ivoire.

Le droit ivoirien ignore l'astreinte ou l'injonction. Ainsi, l'exécution de la décision


juridictionnelle d'annulation est soumise au bon vouloir des autorités
administratives.

Section 2 : la responsabilité administrative

La question a connu une évolution, qui donne de constater que l'on est passé du
régime de l'irresponsabilité de la puissance publique, au régime de droit commun
de la responsabilité administrative.
48
Par le passé et selon la formule d'Edouard La Ferrière, l'on considérait que le
propre de la puissance publique, incarnée par l'administration est de s'imposer
sans compensation. Aujourd'hui, il apparaît normal que l'administration répare les
conséquences dommageables de ses actes.

Et dans le système de dualité de juridiction comme celui de la France, le juge


compétent pour connaître de la responsabilité administrative, est sauf exception
le juge administratif.

En Côte d'Ivoire, du fait de l'unité de juridiction encore en vigueur, le juge ordinaire


est compétent pour connaître de la responsabilité de la puissance publique. Et
l'appel et le pourvoi en cassation, révèlent respectivement de la Chambre
Administrative (CA) et de Cour Suprême (CS).

L'administration n'étant pas une personne ordinaire, sa responsabilité ne peut être


appréciée sur la base des règles du code civil, faite pour régir les rapports de
particulier à particulier. Compte tenu de sa nature d'une part, et de ses fins (but
d'intérêt général) qu'elle poursuit d'autre part, l'administration ne peut voir sa
responsabilité engagée que sur la base d'un droit spécial, fait de règles
dérogatoires au droit commun : le droit administratif.

C'est ce qu'affirment solennellement l'arrêt du tribunal des conflits de 1868, l'arrêt


Blanco et Société des Centaures Routiers rendu le 14 janv. 1970 par la CA de la
CS.

Paragraphe 1 : les modalités de la responsabilité

A : la responsabilité pour faute


Normalement, la responsabilité administrative repose sur la faute. Il faut, en effet
qu'une faute ait été commise par l'administration dans certains cas peu nombreux,
il doit s'agir d'une faute lourde. Dans certains cas, les plus nombreux, il est exigé
la faute simple.

Parfois, la responsabilité peut être engagée que sur la base de la faute prouvée
(droit commun). Mais parfois la faute est présumée. C'est le cas en ce qui concerne
les dommages causés aux usagers d'ouvrage public. Dans un cas comme dans

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l'autre, l'administration ne peut se dégager qu'en prouvant qu'elle n'a pas commis
de faute.

B : la responsabilité sans faut


À ce régime de droit commun, s'ajoute deux régimes : il s'agit de la responsabilité
pour risque et la responsabilité du fait de la rupture de l'égalité publique.

1- La responsabilité pour risque

L'idée ici, est que certains actes ou comportements aux mesures de


l'administration exposent les administrés à un risque. Et lorsque le risque vient à
se produire, il s'impose en conséquence de réparer le préjudice causé.

C'est le cas par exemple, lorsque l'administration institue au profit des prisonniers
un régime les autorisant à sortir les jours et rentrer les nuits. Et lorsque ces
délinquants commettent des actes préjudiciables, cette méthode dangereuse
emporte la responsabilité de l'administration à réparer le préjudice causé.

2- La responsabilité du fait de la rupture de l'égalité publique

La deuxième modalité réside sur la responsabilité fondée sur la rupture de l'égalité


des administrés ou des citoyens. Il en va ainsi, lorsque des lois ou des actes
administratifs réglementaires ou individuels pris en vertu de l'intérêt général,
causent un préjudice anormal et spécial à certaines personnes.

Ici, certaines personnes sont sacrifiées au nom de l'intérêt général. Et le fait de


faire supporter les conséquences de la protection de l'intérêt général à certaines
personnes seulement, appelle réparation pour rupture du principe d'égalité.

C'est par exemple l'hypothèse d'une mesure par laquelle l'administration refuse
d'exécuter une décision alors même qu'elle y est tenue. Et cela, pour éviter que
l'exécution de la décision provoque des troubles à l'ordre public. C'est l'hypothèse
de l'arrêt Quitéas rendu par le CE français.

Paragraphe 2 : l'imputabilité
La question est de savoir si tous les faits commis par les agents agissant au nom
de l'administration, donne lieu à la responsabilité de l'administration ou s'il faut
distinguer.

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À cet égard, est distingué entre la faute personnelle et la faute de service.

La faute personne se présente comme une faute signée, c'est-à-dire une faute qui
relève l'agent avec ses faiblesses, ses passions ses imprudences.

Au contraire, la faute de service, se donne comme une faute anonyme, une faute
qui révèle une administration plus ou moins sujette à l'erreur. La distinction
fonctionnelle, faute de service a des dispositions pratiques.

Ainsi, la faute personnelle met en jeu la responsabilité personnelle de l'agent


devant le juge. Au contraire, la faute de service, est susceptible de mettre en jeu
la responsabilité de l'administration. Ainsi, depuis les arrêts Laruelle et Delville de
1951, les actions récursoires ont été consacrées.

Ce qui veut dire que si l'administration a été condamnée, pour une faute
personnelle, elle peut se retourner contre son agent pour se faire rembourser.
Systématiquement, l'agent public dispose de l'action récursoire contre
l'administration devant le juge compétent lorsqu'il a été condamné à tort pour une
faute de service.

Paragraphe 3 : la réparation

Il doit être souligné que pour qu'il ait réparation, le préjudice doit être direct et
certain. D'autre part, le préjudice réparable doit être matériel ou moral. Et la
réparation ne se fait non pas en nature, mais en argent.

Et la date d'évaluation du préjudice est fixée pour les préjudices matériels et


moraux à la date de survenance du préjudice.

Mais, lorsque le préjudice est corporel, pour tenir compte des facturations et de
l'évolution du coût de la vie, le juge tient compte de la date du jugement en ce qui
concerne la détermination du moment de la réparation.

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