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LES ÉVÉNEMENTS À SUIVRE EN

2024

• Première mission habitée du programme Aurora sur la


Lune
JANVIER
• La Belgique prend la présidence tournante du Conseil
des ministres
européens juqu’au 30 juin
• Élections présidentielles à Taïwan
• Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) en Côte
d’Ivoire
FÉVRIER - MARS
• Élections présidentielles en Russie et au Sénégal
AVRIL - MAI
• Éclipse solaire totale (océan Pacifique - Amérique du
Nord :
Mexique, États-Unis, sud-est du Canada) (8 avril)
• Élections européennes
JUIN - JUILLET
• Championnat d’Europe de football 2024, organisé par
l’UEFA
(14 juin-14 juillet)
• Copa América 2024, organisée par la Confédération
sud-américaine
de football (14 juin-14 juillet)
• La Hongrie prend la présidence tournante du Conseil
des ministres européens
• Ouverture des Jeux olympiques d’été de 2024 à Paris
(26 juillet)
AOÛT
• Assemblée générale de l’Union astronomique
internationale de 2024
• Clôture des Jeux olympiques d’été de 2024 à Paris (11
août)
• Ouverture des Jeux paralympiques d’été de 2024 à Paris
(28 août)
SEPTEMBRE - OCTOBRE
• Championnats du monde de cyclisme sur route (21-29
septembre)
• Sommet de l’avenir des Nations unies, qui réunit les États
membres
afin de renforcer la coopération sur les défis critiques (24
septembre)
• Élections communales, régionales et fédérales en
Belgique
NOVEMBRE
• Élection présidentielle aux États-Unis
• COP29, que la République tchèque envisage d’accueillir
Découvrez 2 cartes sous le rabat
Auteur

Docteur en géopolitique et diplômé en


relations internationales, Frank Tétart
est enseignant dans le secondaire ainsi
qu’à l’université Paris 1.
Coauteur de l’émission « Le Dessous des
cartes » pendant de nombreuses années,
il a aussi participé au lancement en tant
que rédacteur en chef des revues
Moyen-Orient et Carto. Outre de
nombreux articles sur Kaliningrad, sujet
de sa thèse, il a notamment publié La
Péninsule Arabique, cœur géopolitique
du Moyen-Orient (Armand Colin, 2017) et
différents atlas chez Autrement, dont
l’Atlas des religions (2015), Une carte par
jour (2018) et Drôle de planète (2019).
Il anime également le compte Instagram
@geopolitique_la_minute.

Cartographe

Cécile Marin
Cécile Marin est géographe-cartographe.
Elle travaille au Monde diplomatique et a
réalisé de nombreux atlas pour les
éditions Autrement depuis 2002.
Avec les équipes de Courrier
international et de franceinfo.

Cet ouvrage a été réalisé en partenariat


avec Courrier international
(www.courrierinternational.com) et
franceinfo (www.francetvinfo.fr).

Maquette : Twapimoa
Coordination éditoriale : Anne Lacambre
assistée de Juliette Lesté-Lasserre
Lecture-correction : Carole Deville
Fabrication : Chloé Brossard

ISBN : 978-2-0804-4044-0
Numéro d’édition : 601151-0
© Autrement, un département de
Flammarion, 2023.
82, rue Saint-Lazare, 75009 Paris
www.autrement.com

Tous droits réservés. Aucun élément de


cet ouvrage ne peut être reproduit, sous
quelque forme que ce soit, sans
l’autorisation expresse de l’éditeur et du
propriétaire, les Éditions Autrement.
Grand Atlas 2024

Édito
Préface
Comment rêver à nouveau ?
Zones de tensions dans le monde

Points chauds
La guerre en Ukraine : la Russie peut-elle gagner ?
L’Indopacifique, théâtre des rivalités mondiales
Taïwan : des élections à haut risque
Turquie : la victoire d’Erdogan
Le Caucase sous tensions
Syrie, une guerre inachevée ?
Le Kosovo : un anniversaire sous tension
Un conflit israélo-palestinien loin d’être marginalisé
Iran, entre répression et isolement
L’instabilité gagne-t-elle l’Afrique ?
Un arc de crise sahélien
Courrier international
Et si la Géorgie devenait membre de l’Otan ?
franceinfo
2024, année de toutes les polarisations aux États-Unis

Les grands enjeux de 2024


L’OTAN, le retour, 75 ans après sa naissance
Les États-Unis, de retour dans les affaires du monde
Une Amérique latine plus stable politiquement ?
Les démocraties au risque de la désinformation
La dissuasion nucléaire a-t-elle encore un sens ?
Éradiquer la faim, un désir sans fin
Des guerres pour les ressources
Le droit à l’avortement menacé dans le monde ?
Résorber les inégalités : une gageure
2024 : Paris accueille les Jeux olympiques
Les JO, instruments du soft power des États
Courrier international
Afrique. Wagner tisse sa toile
franceinfo
L’Union européenne tente d’affirmer sa souveraineté

Retour sur l’histoire


Il y a 230 ans, l’esclavage est aboli
Il y a 210 ans, un nouvel ordre pour l’Europe
Il y a 200 ans, la fin de l’Empire colonial espagnol
Il y a 130 ans, la renaissance des Jeux olympiques
Il y a 80 ans, Paris libéré
Il y a 55 ans, on a marché sur la Lune
Il y a 25 ans, la naissance de l’euro
Il y a 10 ans, l’annexion de la Crimée par la Russie

Et demain ?
10 milliards d’humains en 2050
L’humanité concentrée dans les pays du Sud
Faire reculer la mort
De l’urgence d’une transition énergétique
Vivre la ville différemment
Un monde sans voitures
Cultiver autrement
Une agriculture plus bio
Vers une disparition et migration des forêts ?
Protéger la mer et les océans
La géoingénierie : une solution au réchauffement ?
franceinfo
L’Inde, première puissance démographique : atout ou fardeau
?
Courrier international
Inde. Des emplois, s’il vous plaît !
franceinfo
Un moment crucial pour l’Europe spatiale

DOSSIER SPÉCIAL
Crises, gérer l’urgence ?
Crises et risques croissants
Catastrophes naturelles :de l’aléa au risque
La forêt en crise
Les risques liés à l’eau
Des risques épidémiques croissants
Des inégalités face aux risques
Des risques amplifiés par le réchauffement climatique
La France face aux risques : quelle(s) politique(s) ?
La biodiversité menacée par l’économie du sexe
franceinfo
Réchauffement climatique, la porte ouverte aux épidémies
Postface
Révolution artificielle
Annexes
À vous de jouer
Sources et crédits
Édito

E
« Nous n 2024, une nouvelle fois, le
changement climatique est sur
sommes sur
l’agenda des États, sans en être la
une priorité. Pourtant, tous les signaux sont au
rouge et le doute n’est plus permis quand
autoroute
ouragans, cyclones, tempêtes, canicules,
vers l’enfer mégafeux se multiplient aux quatre coins de
climatique,
la planète. Le retour de la guerre en Europe,
les tensions entre États-Unis et Chine,
avec le pied l’instabilité de l’Afrique, les cybermenaces et
toujours sur l’affrontement de plus en plus idéologique
entre régimes démocratiques et régimes
l’accélérateu
autoritaires restent de fait les principales
r. » préoccupations internationales, avec la
crainte de voir le désordre s’installer et le
António monde se morceler plus encore.
Guterres,
Secrétaire général de Ces dynamiques ne sont pas simples à
l’Organisation des Nations décrypter et la cartographie est un précieux
unies, dans le cadre de la atout pour offrir des clés de lecture et
COP27, novembre 2022. répondre aux interrogations sur le monde qui
vient. L’ouvrage s’organise en cinq parties, et
s’ouvre sur les points chauds de la planète
(Ukraine, Kosovo, Taïwan, Syrie, Iran, Afrique
et le conflit israélo-palestinien). On trouve
également un focus sur la Turquie qui, à
l’aube de son centenaire, a triomphalement
réélu Erdogan, soulignant le poids du
populisme dans les régimes autoritaires. La
deuxième partie est consacrée aux grands
enjeux du moment, qu’il s’agisse du rôle
renforcé de l’OTAN et des États-Unis en
Europe, un contrecoup de la guerre en
Ukraine, de la désinformation toujours plus
menaçante pour les démocraties, du rôle du
nucléaire, ou encore des famines, des
inégalités toujours plus marquées et des Jeux
olympiques de Paris, prétexte à rappeler le
soft power qu’est devenu le sport pour les
nations du monde.

La troisième partie s’attache à analyser


quelques grands événements du passé pour
en mesurer l’apport historique pour l’évolution
de nos sociétés, tandis que la quatrième
imagine le monde de demain, dans ses
initiatives et ses capacités d’adaptation.
Enfin, la cinquième partie thématique s’interroge cette année sur les
risques et les crises qu’ils peuvent engendrer : qu’ils soient naturels
ou industriels, ils sont aujourd’hui amplifiés par le réchauffement
climatique et sont par conséquent plus complexes à gérer.

Comme depuis 10 ans, les analyses proposées, et entièrement


actualisées, nous viennent des plus éminents spécialistes français
(géographes, politologues, démographes, sociologues…). Elles
cherchent à donner du sens aux événements en les replaçant dans
des contextes politiques et historiques plus globaux, et dans leur
géographie grâce à plus de 200 cartes aux échelles et projections
variées, réalisées une nouvelle fois par ma fidèle cartographe Cécile
Marin.

Frank Tétart,
Coordinateur du Grand Atlas 2024
PRÉFACE

Comment rêver à nouveau ?

E
n janvier 2023, nous avons publié dans Courrier international
un grand texte de l’essayiste Nouriel Roubini. L’économiste,
justifiant son surnom de Doctor Doom (« Docteur
Catastrophe »), y détaillait la confluence des crises qui semblent
s’abattre sur nous aujourd’hui, et que l’on retrouve abondamment à
travers cet atlas. « À l’âge d’or – tout relatif – de l’après-guerre a
succédé cette sombre période dans laquelle nous sommes
actuellement plongés », constatait-il.

Cette ère des « mégamenaces », comme il la qualifie dans son livre


paru en janvier 2023 (Mégamenaces. Dix dangers qui mettent en
péril notre avenir, et comment leur survivre, Buchet-Chastel), se
caractérise par une série de crises qui non seulement s’accumulent,
mais se nourrissent les unes des autres.
• La guerre en Ukraine, d’une part, dont l’issue semble chaque jour
plus violente, plus radicale et plus meurtrière.
• Le dérèglement climatique, qui met en péril les espèces vivant sur
la planète, et notamment la nôtre, affectée par les canicules sans
précédent, les récoltes mises à mal par les sécheresses et les
autres événements climatiques extrêmes, provoquant un nombre de
plus en plus élevé de « climigrants ».
• Les pandémies qui menacent et paralysent l’activité humaine.
• L’instabilité économique et financière, l’inflation et la pauvreté
galopante qui en résulte, qui montrent qu’aucune leçon n’a été tirée
de la crise de 2008.
• Et enfin, la montée des nationalismes et du populisme, ou le repli
sur soi, comme seules réponses aux menaces, supposées
extérieures.
Autant de maux qui appellent, dit-il, une réponse mondiale et
coordonnée. Une réponse dont on voit les ébauches – notamment
sur le plan environnemental – dans la section « Et demain ? » de cet
atlas. Un chapitre qui nous appelle à cultiver, à nous déplacer et à
consommer autrement ; à protéger ce qui reste de nos biens
communs : l’eau, les forêts... Autant de réactions, de réponses et
d’adaptations à cette nouvelle donne angoissante. Mais quid de
notre capacité à rêver ? À garder espoir ? À croire en d’autres
possibles ? À construire un autre avenir, qui ne serait pas seulement
une version dégradée de notre présent ?

Car, pour l’heure, force est de constater que nous sommes


paralysés par notre peur. Une réaction parfaitement normale :
« Nous sommes programmés pour évaluer les risques en
permanence, c’est à la fois notre chance et notre malheur, car, en
cas de fausse alerte, nous ne pouvons pas désactiver la peur. Les
risques que quelqu’un meure lors d’un vol commercial sont de
0,000 000 5 %. Or, un Allemand sur six a peur de prendre l’avion.
Peu importe qu’un tel scénario soit irrationnel. La peur, elle, est bien
réelle. La main moite est réelle, le vertige est réel, le sentiment
d’impuissance l’est aussi », rappelait le magazine allemand Stern
dans un article : « Si quelqu’un a peur, on ne peut pas contester
cette peur. On peut simplement essayer de l’en débarrasser. »

Comment ? En exprimant nos craintes, en les regardant en face et


aussi, suggérait l’article, en (re)devenant solidaires. Un très beau
programme.

Virginie Lepetit,
rédactrice en chef de Courrier international
Points chauds

Sommaire

La guerre en Ukraine : la Russie peut-elle


gagner ?
L’Indopacifique, théâtre des rivalités
mondiales
Taïwan : des élections à haut risque
Turquie : la victoire d’Erdogan
Le Caucase sous tensions
Syrie, une guerre inachevée ?
Le Kosovo : un anniversaire sous tension
Un conflit israélo-palestinien loin d’être
marginalisé
Iran, entre répression et isolement
L’instabilité gagne-t-elle l’Afrique ?
Un arc de crise sahélien
Courrier international
Et si la Géorgie devenait membre de l’Otan
?
franceinfo
2024, année de toutes les polarisations aux
États-Unis
La guerre en Ukraine : la Russie

peut-elle gagner ?

La guerre d’agression lancée par la Russie contre


l’Ukraine voisine s’inscrit dans une guerre d’usure sur un
front presque totalement figé. Difficile dans ce contexte
de voir la Russie sortir victorieuse, même si l’on voit mal
le président Poutine prêt à la paix. Alors que la contre-
offensive ukrainienne est lancée mi-juin 2023, grâce à
l’aide massive des États-Unis et de l’OTAN, l’issue du
conflit est toujours plus incertaine.

Une guerre d’agression

En envahissant l’Ukraine, la Russie reproduit en Europe, pour la


première fois depuis 1945, le type d’agression que la Charte des
Nations unies a cherché à bannir à tout jamais. Si les causes du
conflit sont multiples, elles sont aussi liées à la position de carrefour
du pays, à la jonction entre l’Union européenne à l’ouest et la
Russie à l’est qui, selon le diplomate américain Zbigniew Brzezinski
(in Le Grand Échiquier), en fait un pivot géopolitique.
C’est la raison pour laquelle la Russie a du mal à accepter
l’indépendance de l’Ukraine, lors de l’éclatement soviétique, et
surtout lorsque cette dernière cherche à se rapprocher de l’Union
européenne et plus encore de l’OTAN (et donc indirectement des
États-Unis), pourtant la seule organisation apte à garantir et son
indépendance et sa stabilité.
Une guerre impériale

Pour la Russie, l’indépendance de l’Ukraine signifie la fin de


l’empire, et pour Vladimir Poutine, « la plus grande catastrophe
géopolitique de l’histoire ». Elle marque aussi la perte d’une région
historique – considérée comme le berceau de sa nation et
couramment dénommée « Petite Russie » – et stratégique. C’est en
Crimée, région offerte à l’Ukraine par Khrouchtchev en 1954 et
peuplée aux deux tiers de Russes, que se situe la base de
Sébastopol. Et c’est par l’Ukraine que transite le réseau d’oléoducs
et de gazoducs qui permet d’exporter gaz et pétrole russe vers
l’Europe occidentale. En outre, le pays est alors peuplé de presque
un quart de Russes (aujourd’hui 17 % de la population), qui vivent
majoritairement dans l’est et le sud du pays, et de 30 % de
russophones, dont de nombreux Ukrainiens, y compris le président
Zelensky. De son côté, l’Ukraine dépend fortement de la Russie aux
niveaux économique et énergétique.
Après la révolution orange de 2004 qui marque la mise en place en
Ukraine d’un gouvernement pro-européen, les tensions ne vont plus
cesser de croître entre Russie et Ukraine, pour culminer en 2013,
quand la Russie somme Kiev de faire un choix exclusif et de rejeter
l’accord d’association proposé par l’Union européenne qui visait à
faire du pays une partie de l’Espace économique européen et du
marché unique. L’annonce du gouvernement ukrainien (prorusse) de
ne pas signer cet accord déclenche alors une vague de
manifestations spontanées des citoyens pro-européens sur la place
Maïdan à Kiev, avant de s’étendre progressivement à la partie
occidentale du pays favorable à l’intégration européenne. En
février 2014, cette situation conduit à une crise politique, alors que
des heurts entre manifestants et forces de l’ordre font une centaine
de morts, puis à la destitution par le Parlement du président
prorusse, V. Ianoukovitch, qui s’enfuit vers la Russie. L’Est du pays,
majoritairement russophone, notamment à Lougansk, Donetsk et en
Crimée, s’embrase. La Russie qui dénonce un coup d’État, le
4 mars, après l’annonce d’une élection présidentielle anticipée,
lance une opération militaire en Crimée, avant d’organiser un
référendum d’autodétermination qui conduit à l’annexion du
territoire russophone à la Fédération de Russie. C’est le début d’une
guerre larvée qui mène le 24 février 2022 à une opération militaire
contre l’Ukraine.
Une guerre d’usure

L’invasion russe de l’Ukraine vise, selon les termes de Vladimir


Poutine, à « dénazifier » le pays et remplacer ce régime
démocratique dirigé par Volodymyr Zelensky depuis avril 2019 par
un pouvoir prorusse, permettant ainsi un retour de l’Ukraine dans le
giron russe. Or, loin d’accueillir les Russes comme des libérateurs,
les Ukrainiens ont fait nation pour s’opposer à l’agression. Si
Moscou est parvenu à occuper en quelques mois presque 20 % du
territoire ukrainien le long de la mer d’Azov, et relier la région de
Donetsk sous contrôle russe à la Crimée, elle n’a pas réussi à
conquérir Kiev ni aucun autre territoire. Bien au contraire, grâce au
soutien massif des Européens et des Américains, notamment par la
fourniture d’armements, les forces ukrainiennes ont fait reculer les
troupes russes, en plusieurs points (en particulier Izioum, Kherson).
La bataille sans fin de Bakhmout montre, après presque dix mois de
combats en mai 2023, l’incapacité des troupes russes, pourtant
aidées par les milices Wagner, à remporter une victoire décisive.
Au bout de quelques mois d’affrontements armés, la guerre se
transforme en une guerre d’usure le long d’un front actif de plus de
1 500 km. Aucun des deux belligérants ne semble prêt à la moindre
concession, malgré les offres de médiation turque, chinoise et
vaticane et les pertes matérielles et humaines croissantes, estimées
à quelque 200 000 morts dans chacun des deux camps. Car seule
l’issue des combats décidera du nouveau rapport qui présidera lors
des négociations. L’Ukraine ne souhaite renier aucun km2 de son
territoire, y compris la Crimée.
Si l’objectif de Poutine était d’éviter la poursuite de l’élargissement
de l’OTAN, elle a d’ores et déjà contribué à y pousser deux pays
neutres, la Finlande et la Suède, tandis que l’Ukraine a été
officiellement reconnue en juin 2022 candidate à l’adhésion à
l’Union européenne.

« Pour la Russie, l’Ukraine n’a pas droit à une existence propre.


Quelle que soit l’issue militaire sur le terrain, la Russie n’aura de
cesse – tant qu’elle sera dirigée par des individus qui partagent ce
point de vue – de reconstituer l’empire perdu. (...) Du côté de
l’Ukraine, qui lutte pour son existence, il ne peut pas non plus y
avoir de compromis. Autrement dit, l’un gagne, l’autre perd, et
inversement. C’est un jeu à somme nulle. »
François Heisbourg,
Le Monde, 27 février 2023
L’Indopacifique, théâtre des

rivalités mondiales

Considéré comme un lac américain au lendemain de la


Seconde Guerre mondiale, le Pacifique est désormais le
principal théâtre de la compétition mondiale entre États-
Unis et Chine, sous une forme élargie, comprenant
l’océan Indien, dénommée l’Indopacifique. Si la France y
est également très présente grâce à ses territoires
ultramarins, sa politique indopacifique a connu des revers
avec l’Australie qui lui a préféré l’allié américain.

L’avancée chinoise

Au-delà des revendications et des pressions en mer de Chine


orientale et méridionale, la Chine cherche à desserrer la contrainte
que représentent la puissance militaire américaine et son réseau
d’alliances en Asie et Pacifique. La marine chinoise veut assurer sa
liberté d’intervention dans une première chaîne d’îles revendiquées
en mer de Chine, et diversifie de plus en plus ses routes d’accès
vers le Pacifique, avec pour ambition de devenir une des principales
puissances maritimes dans le monde.
En Océanie, la Chine est un important partenaire économique et
dispose désormais de plusieurs ports en eaux profondes, dont
Luganville au Vanuatu et Honiara aux îles Salomon, et courtise la
Papouasie-Nouvelle-Guinée. Au niveau économique, Pékin. Depuis
les années 2000, face aux pressions australiennes et néo-
zélandaises pour la démocratie et la bonne gouvernance en
échange d’une politique d’aide au développement, les dirigeants de
certains États océaniens se tournent vers le partenaire chinois, plus
souple sur ces questions.
Les ambitions chinoises ont ravivé l’engagement des États-Unis
dans la zone, en particulier avec leurs principaux alliés, le Japon, la
Corée du Sud, les Philippines, Taïwan et l’Australie. Leur stratégie
vise prioritairement à la domination maritime. Deux des principales
flottes américaines, la 3e flotte, basée à Hawaï, et la 7e flotte, dont le
quartier général est au Japon, ont été renforcées pour faire face au
défi chinois. L’île de Guam, véritable porte-avions américain ainsi
que Diego Garcia, avant-poste américain où sont stationnés plus de
7 000 soldats, gagnent en importance stratégique, tout comme les
bases d’Andersen et d’Apia aux Mariannes. À travers le
Quadrilateral Security Dialogue avec l’Australie, le Japon et l’Inde,
Washington multiplie les manœuvres aéronavales, tout en
renforçant le niveau de son aide au développement et ses relations
avec l’ASEAN. Toutefois, l’annulation de la première visite officielle
de Joe Biden en Papouasie en mai 2023 questionne sur le degré
d’engagement américain dans la région.
Et la France ?

En 2021, au moment du référendum d’autodétermination de la


Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron affirmait la dimension
indopacifique de la France. Le pilier de l’insertion de la France dans
la région repose sur son immense domaine maritime (9
des 11 millions de km2 de sa ZEE). La France s’appuie notamment
sur ses forces prépositionnées pour légitimer ses responsabilités
dans la zone, en matière de sécurité de la navigation, de
préservation et de gestion des ressources marines. Pourtant, elle
reste un acteur secondaire.

« Nous sommes victimes des jeux de pouvoir mondiaux. »


James Marape, Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée,
après avoir signé un pacte de sécurité avec les États-Unis, le
22 mai 2023.
Taïwan : des élections à haut

risque

Si l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 fait


craindre que le même sort puisse advenir à Taïwan, dont
l’indépendance n’est pas reconnue par la Chine, la
perspective des élections présidentielles prévues le
13 janvier 2024 ravive les tensions avec Pékin. Les
autorités la considère comme une province chinoise et
ambitionne de la réunifier à la République populaire, si
nécessaire par la force.
L’indépendance, enjeu des élections ?

À moins d’un an des élections présidentielles, le Parti démocrate


progressiste a nommé William Lai, vice-président du parti, comme
candidat, pour succéder à l’actuelle présidente Tsai Ing-wen au
pouvoir depuis 2016. Si l’arrivée à la présidence de l’île de ce parti
indépendantiste avait contribué à la rupture diplomatique avec
Pékin et aux tensions entre les deux Chine, celle de Lai pourrait
encore envenimer les relations, tant ses positions sur la question de
l’indépendance sont plus tranchées. Le parti, qui rejette la politique
d’« une seule Chine » prônée par Pékin, remporte les élections
présidentielles pour la première fois en 2000, mais il doit céder sa
place, entre 2008 et 2016, à Ma Ying-jeou, l’ancien maire de Taipei
et l’ancien président du Kuomintang, parti des nationalistes chinois
au pouvoir sans discontinuité du moment où ceux-ci ont trouvé
refuge sur l’île en 1949 jusqu’aux années 1980. Ce nouveau
président taïwanais mène alors une politique de rapprochement
avec Pékin, autorisant notamment des liaisons directes avec le
continent et la venue de touristes chinois. Mais il se heurte à
l’opposition d’une partie de la population à son projet d’accord
commercial, visant à ouvrir une grande partie du secteur des
services taïwanais aux investisseurs chinois.
2024 verra-t-elle le retour du Kuomintang au pouvoir ou le maintien
des pro-indépendances ? Ce qui est certain est que l’enjeu de cette
élection est la relation avec la Chine continentale, alors que les
tensions vont croissantes au vu des manœuvres militaires de Pékin
dans le détroit de Taïwan en 2022 et dans le contexte de la guerre
en Ukraine, même si le président américain a réaffirmé sa
détermination à défendre Taïwan face à toute agression de Pékin.
Sur le fond, l’enjeu des futures relations avec la Chine porte
également sur le maintien d’une véritable démocratie sur l’île, alors
que le retour de Hong Kong dans le giron chinois a été marqué par
sa constante remise en cause.
Toutefois, une invasion de l’île sur le modèle de l’Ukraine semble
peu probable à court terme, avant tout pour des raisons de
capacités militaires et stratégiques.
Une île convoitée

Par sa position géographique au carrefour des mers de Chine


orientale et méridionale, Taïwan a été, tout au long de son histoire,
au cœur des convoitises étrangères. Découverte par les Portugais,
puis occupée par les Espagnols et les Hollandais, elle est colonisée
par les Hans sous la dynastie des Ming au xvie siècle avant d’être
cédée par les Qing au Japon en 1895. Cette période apporte un
embryon d’autonomie locale et une modernisation des
infrastructures économiques et éducatives.
Le retour à la souveraineté chinoise après 1945 ne dure que quatre
ans : en 1949, l’île devient le lieu de refuge des nationalistes du
Kuomintang et le siège provisoire de la République de Chine,
imposant une prédominance des « continentaux » sur les Taïwanais.
É
La guerre froide conduit parallèlement les États-Unis et la plupart de
leurs alliés à maintenir leur soutien au gouvernement nationaliste.
Taipei conserve un siège de membre permanent au Conseil de
sécurité de l’ONU jusqu’en 1971.

Petit dragon asiatique

Dès son arrivée sur l’île, le pouvoir nationaliste entreprend une


réforme agraire. Il développe l’agriculture et les besoins alimentaires
sont rapidement couverts. Les capitaux issus du secteur primaire
sont, à partir des années 1960, réinvestis dans l’industrie légère
consommatrice de main-d’œuvre (agroalimentaire, textile,
confection, industries du cuir, du bambou et du bois). Cette
industrialisation se poursuit dans les équipements électriques et
électroniques, l’informatique et les produits de communication, et
les profits que les exportations dégagent sont utilisés par le
gouvernement pour la création d’industries lourdes.
À partir des années 1980, les délocalisations d’industries de main-
d’œuvre se multiplient vers la Chine continentale – l’île est à
130 kilomètres du Fujian –, puis l’Asie du Sud-Est. La main-d’œuvre
taïwanaise est devenue chère, exigeante et trop peu abondante, et
l’opinion se préoccupe d’une pollution excessive. Se maintiennent
toutefois les industries de nouvelles technologies : Taïwan est ainsi
le premier fabricant au monde de semi-conducteurs, si utiles à
l’économie numérique.
Depuis les années 1990, les services dépassent le secteur
industriel, avec l’objectif de développer le tertiaire supérieur,
notamment grâce à la construction d’un centre régional de services
pour l’Asie-Pacifique.

40 % des Taïwanais estiment qu’une guerre pourrait éclater


au cours des dix prochaines années, contre 5,6 % pensant qu’il n’y a
aucun risque.
D’après un sondage réalisé par le centre de recherches de
l’Academia Sinica en juin 2022.
Turquie : la victoire d’Erdogan

Alors que la République turque fête en 2023 ses 100 ans,


le président turc Recep Tayyip Erdogan est parvenu,
contre toute attente et bien qu’ayant passé plus de 20
ans à la tête de l’État, à se faire réélire pour un 3e mandat.
Cette victoire montre la popularité de ses choix politiques
tant sur la scène intérieure qu’extérieure, et ce, en dépit
du caractère de plus en plus autoritaire du régime.
Un pouvoir islamiste et nationaliste

Le Parti de la justice et du développement (AKP) s’est imposé dans


la vie politique turque lors des élections législatives de 2002. Son
leader, Recep Tayyip Erdogan, ancien maire d’Istanbul, a fondé ce
parti islamiste sur les cendres du Refah, dissous par les militaires,
avec la volonté de conquérir le pouvoir. Il allie donc nationalisme et
islamisme modéré, en entérinant la laïcité, et en prônant le
libéralisme au niveau économique. Mais depuis le coup d’État
manqué de juillet 2016 et le référendum constitutionnel, la
République turque est devenu un régime semi-présidentiel qui a pris
un tournant autoritaire : les libertés individuelles sont restreintes, le
pluralisme des médias est remis en cause, les informations
censurées sur Internet, les journalistes traqués « pour insultes » et
les opposants à Erdogan systématiquement poursuivis et
condamnés sans le moindre élément de preuve.
Toutefois, Erdogan a conservé la confiance des Turcs et a été réélu
fin mai 2023 avec 52,14 % des voix contre 47,86 % pour son
opposant, Kemal Kiliçdaroglu, du Parti républicain du peuple (CHP)
; à une courte majorité certes, et malgré la détérioration de la
situation économique (un taux d’inflation de près de 40 %) et des
critiques soulevées à son encontre lors du séisme qui a secoué l’est
de l’Anatolie en février 2023. Selon la spécialiste de la Turquie Nora
Seni, cette victoire s’explique par le fait que « les musulmans
conservateurs redoutent avant tout de perdre la considération
sociale et le rang privilégiédont ils bénéficient depuis l’arrivée aux
affaires de R. T. Erdogan ».
Il faut toutefois noter que les grandes villes et métropoles, dont
Istanbul, ont soutenu massivement son adversaire, tout comme l’est
de l’Anatolie où vivent majoritairement des populations kurdes.
Une projection internationale

Erdogan doit aussi sa victoire à sa politique étrangère à 360 degrés.


Si la Turquie a longtemps vécu repliée sur elle-même, elle a engagé
un revirement majeur avec une politique étrangère qualifiée de
« néo-ottomane », c’est-à-dire réorientée vers le Moyen-Orient, dont
la Syrie voisine, avec laquelle les relations étaient délétères. Cette
« diplomatie du zéro problème avec ses voisins », définie par Ahmet
Davutoglu alors ministre des Affaires étrangères, débouche à partir
de 2007 sur plusieurs accords de coopération avec Damas. Après le
déclenchement de la révolution syrienne en 2011, rapidement
transformée en guerre civile, la Turquie se retrouve dans le camp
opposé à Bachar al-Assad, prenant fait et cause pour les secteurs
islamistes de l’opposition syrienne, à l’exception de Daech
qu’Ankara décide finalement de combattre. Depuis 2013, l’objectif
prioritaire de la Turquie en Syrie vise à réduire à néant le
séparatisme kurde, dès lors que les hostilités ont repris entre le
gouvernement et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Son
implication dans le conflit syrien l’a aussi poussée à un
rapprochement avec la Russie et l’Iran, qui explique sa neutralité
aujourd’hui dans le conflit russo-ukrainien.
L’influence de la Turquie s’étend aussi au Golfe et à l’Afrique, où
elle a tissé des liens politiques et commerciaux privilégiés,
notamment avec le Maroc, le Soudan, la Somalie et le
gouvernement de transition libyen. Mais c’est sans doute avec le
Qatar que le rapprochement s’est avéré le plus spectaculaire,
aboutissant à l’ouverture en 2015 d’une base militaire à Doha. Ce
rapprochement avec le monde arabe et son soutien à la cause
palestinienne a contribué à la rupture de ses relations diplomatiques
avec son allié israélien entre 2010 et 2016. En Méditerranée
orientale, la découverte de gisements de gaz a provoqué des
tensions avec la Grèce et Chypre. Et dans le Caucase, son soutien à
l’Azerbaïdjan dans le contentieux du Haut-Karabakh a permis la
victoire de son allié face à l’Arménie.
Ce positionnement international fait de la Turquie, membre de
l’OTAN, un acteur incontournable tant pour les États-Unis que
l’Union européenne (UE).

TÜRKIE
C’est la nouvelle appellation revendiquée officiellement par la
Turquie à l’ONU, notamment pour éviter la confusion en anglais :
Turkey signifiant également « dinde ».
Le Caucase sous tensions

En mars 2023, la Géorgie est secouée par des


manifestations massives contre une loi jugée prorusse,
tandis qu’on assiste à un regain de tensions aux
frontières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Ces tensions
montrent que les pays du Caucase continuent de
chercher leur propre voie, tiraillés entre héritage russe et
avenir européen.

Une montagne mosaïque

Le Caucase est décrit par les géographes arabes comme la


« montagne des langues », tant le lieu est réputé par son
hétérogénéité démographique et ethno-linguistique (indo-
européenne, altaïque et caucasique…). Il a été pendant plus d’un
millénaire l’objet de rivalités entre les grandes puissances
régionales, en particulier l’Empire ottoman, la Perse et la Russie.
Trois siècles ont été nécessaires à cette dernière pour soumettre
l’ensemble des ethnies du Caucase à sa domination (impériale puis
communiste). Aussi la rupture causée par l’effondrement de l’Union
soviétique en 1991 ravive-t-elle dans cet espace complexe
ethniquement et politiquement, à la fois une dynamique nationaliste
et une dynamique impériale.
Toutefois, la complexité des frontières internes à l’Union soviétique
rend après 1991 l’émergence nationale complexe, voire impossible.
Hormis pour les trois républiques soviétiques d’Arménie, de Géorgie
et d’Azerbaïdjan, rien n’est prévu pour les régions autonomes à
l’intérieur de celles-ci.

Les fragilités géorgiennes

Ainsi, en Géorgie, les régions autonomes d’Ossétie du Sud et


d’Abkhazie doivent faire face au nationalisme virulent de Zviad
Gamsakhourdia, premier président géorgien démocratiquement élu,
qui veut supprimer leurs autonomies. Aux termes de conflits armés
violents, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, soutenues par la Russie, qui
trouve dans ces conflits un moyen de garder une influence dans le
Caucase, se déclarent unilatéralement indépendantes à l’été 1992.
Or, après la révolution des roses en 2003, qui conduit au pouvoir un
jeune démocrate pro-européen, Mikheïl Saakachvili, celui-ci tente
de faire rentrer dans le giron géorgien les régions séparatistes. S’il y
parvient avec l’Adjarie en 2004, l’attaque qu’il lance en août 2008
contre l’Ossétie du Sud dégénère en guerre ouverte avec la Russie,
venue aider son allié ossète.
Depuis, la Géorgie cherche à se rapprocher de l’UE et de l’OTAN,
mais la marge de manœuvre reste ténue, d’autant que depuis la
guerre en Ukraine, le pays est devenu la porte d’entrée du
commerce vers la Russie. Sous la pression de la rue, le
gouvernement a renoncé en mars 2023 à une loi jugée prorusse par
la population, qui aspire à des réformes pour permettre la validation
de leur candidature à l’UE. Une cause qu’est venue plaider la
présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, le 31 mai 2023 à
Bruxelles.
Avancer vers la paix ?

En Azerbaïdjan voisin, la région du Haut-Karabakh peuplée


majoritairement d’Arméniens proclame son indépendance en
septembre 1991. Ce conflit interne opposant les forces
d’autodéfense du Haut-Karabakh aux forces azéries dégénère
en décembre en une guerre ouverte entre les États arménien et
azerbaïdjanais nouvellement indépendants. Après avoir occupé la
ville de Latchine qui permet la création d’un couloir avec le Haut-
Karabakh, les Arméniens parviennent fin 1993 à constituer un glacis
militaire autour de la région autonome et à contrôler 20 % du
territoire azéri. Le cessez-le-feu signé en 1994 contribue à « geler »
le conflit pendant 25 ans.
À l’automne 2020, une offensive de l’Azerbaïdjan épaulé par son
allié turc conduit, après 6 semaines de combat, à la reprise du
contrôle de ce territoire par Bakou. La Russie, pourtant alliée à
l’Arménie, n’intervient pas militairement mais joue de sa médiation
pour permettre un cessez-le-feu. Après un renouveau des tensions
en 2023, des négociations se sont engagées sous égide américaine
pour sceller le sort du Haut-Karabakh, territoire azerbaïdjanais
peuplé d’Arméniens, et normaliser les relations entre les deux États.

En réaction à l’invasion russe de l’Ukraine, la Géorgie,


conjointement à l’Ukraine et à la Moldavie, fait acte de
candidature à l’Union européenne en février 2022. Mais elle
a essuyé un refus, à l’inverse de Kiev et Chisinau, dans l’attente de
réformes.
Syrie, une guerre inachevée ?

Après douze ans de combats, la guerre en Syrie est loin


d’être terminée. Pourtant, en mettant à profit le
tremblement de terre du 6 février 2023, Bachar al-Assad a
recouvré une certaine légitimité internationale, du moins
dans le monde arabe. Les conséquences de ce séisme
sont catastrophiques pour une population déjà en grande
souffrance et pour un pays à l’économie sinistrée.

Une population en grande souffrance

Depuis 2011, plus de 500 000 Syriens ont été tués et près de
13 millions déplacés, dont presque la moitié sont des réfugiés (pour
une population de 21 millions en 2012) ; 3,7 millions sont arrivés en
Turquie. On estime à près de 14,6 millions le nombre de Syriens
ayant besoin d’aide humanitaire. Selon les Nations unies, en 2022,
9,3 millions d’enfants en ont aussi besoin dont 6,5 en Syrie et 2,8
dans le pays où ils sont réfugiés. L’insécurité alimentaire, dont
souffrent 12 millions de personnes, s’est encore aggravée avec la
guerre en Ukraine. La Syrie, devenue autosuffisante en blé depuis
les années 1990, a connu en 2021 la pire récolte depuis
cinquante ans (un million de tonnes contre 4 millions par an dans les
années 2000). Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit une
aide à plus de 5 millions de Syriens, et 80 % des habitants du nord
du pays en dépendent pour se nourrir au quotidien. L’inflation qui
était de l’ordre de 5 % en 2011 a grimpé à 140 % en 2022. Dès le
24 février 2022, date du début de la guerre en Ukraine, le régime
syrien a intensifié le rationnement des produits de première
nécessité.
Avec le tremblement de terre qui a touché le nord de la Syrie et la
Turquie, le 6 février 2023, la situation humanitaire a encore empiré,
puisqu’on estime que 8,8 millions de Syriens sur les 17 millions
d’habitants sont affectés par les conséquences du séisme. Les
dommages sur les immeubles d’habitation et les infrastructures sont
estimés à 3,7 milliards de dollars, et selon la Banque mondiale, le
PIB syrien devrait se contracter de 5,5 % en 2023 et les pertes
d’activités représenter 1,5 milliard de dollars.
Sortir de l’isolement

Dans un tel contexte, les apports extérieurs sont vitaux, notamment


ceux de la diaspora estimés à plus de 3 milliards de dollars annuels,
selon l’estimation réalisée par le quotidien progouvernemental El
Watan. En mai 2022, la sixième conférence des donateurs pour la
Syrie a engrangé 6 milliards d’euros de promesses de dons, un
montant jugé toutefois insuffisant par les Nations unies.
Avec le séisme, Bachar al-Assad, réélu pour sept ans en mai 2021
lors d’élections qui n’en avaient que le nom, opère une diplomatie
active pour obtenir une aide indispensable à son pays, notamment
des pays du Golfe. Si ses alliés russes et iraniens lui sont venus
immédiatement en aide, avec les Émirats arabes unis avec lesquels
la Syrie a renoué en mars 2022, ainsi que la Jordanie, le Liban ou
l’Égypte par solidarité arabe, c’est la réintégration de la Syrie dans
la Ligue arabe, lors de son sommet de mai 2023 qui marque la
réhabilitation du régime sur la scène internationale. Mais tant que
les Occidentaux refuseront la levée des sanctions, difficile de capter
les capitaux saoudiens.

Une souveraineté atrophiée

Les troupes syriennes continuent de se battre sur plusieurs fronts et


en particulier dans le nord-ouest du pays, mais au moins 30 % du
territoire peuplé de plusieurs millions d’habitants échappe toujours
à son contrôle. Plusieurs puissances se disputent également ces
territoires. La Turquie, avec plusieurs milliers de soldats, occupe la
région nord-ouest d’Idlib où elle a lancé, en octobre 2019, une
opération visant à repousser les Kurdes des FDS (Forces
démocratiques syriennes) largement constituées des YPG (Unités
de protection du peuple) qu’Ankara perçoit comme une branche du
PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), et à créer une « zone
tampon » à la frontière turco-syrienne. La Russie, principal soutien
du régime d’al-Assad, qui entend préserver ses liens avec la Turquie
et le processus d’Astana (mai 2017), a donc freiné la conquête
d’Idlib par Damas et laissé à Ankara la lutte contre les djihadistes.
Les Américains sont encore présents avec quelques centaines
d’hommes basés surtout à al-Tanf près des frontières jordanienne
et irakienne, après le retrait de leurs troupes en 2019 décidé par
Donald Trump. Le Hezbollah libanais et le corps iranien des
Gardiens de la révolution, déployés dans les secteurs de Quneitra et
Deraa, jusqu’à l’automne 2022, restent présents à Boukamal et à
Mayadine (dans le sud de la province de Deir ez-Zor), à Palmyre, à
Alep, où ils disposent de milliers d’hommes, et près de Damas.
Quant à Daech, malgré sa défaite en 2017 face à la coalition
internationale, il conserve des cellules actives notamment dans la
région située entre Deir ez-Zor et Hassaké, près de la frontière
irakienne. L’attaque de la prison de al-Sinaa à Hassaké en
janvier 2022, où de nombreux djihadistes se trouvaient incarcérés
sous le contrôle des FDS, en est une spectaculaire manifestation.
Sur le plan géopolitique, ces positionnements seront certainement
affectés par la guerre en Ukraine où la Russie semble en sérieuse
difficulté. Moscou a déjà puisé dans les matériels et les effectifs
présents en Syrie et une érosion de son influence ne manquerait
pas d’avoir des conséquences dans les rapports de force avec les
autres acteurs à commencer par la Turquie et l’Iran – sans parler
des avantages stratégiques que pourraient en tirer les États-Unis.
Reste enfin la question essentielle des crimes commis par le régime,
dont les auteurs devront un jour répondre.

LE CAESAR SYRIA CIVILIAN PROTECTION ACT


(OU LOI CÉSAR)
Entré en vigueur le 17 juin 2019 aux États-Unis, il vise à priver la
Syrie de ressources financières afin d’apporter une solution politique
durable au conflit syrien dans l’esprit de la résolution 2254 du
Conseil de sécurité des Nations unies.
Il prévoit toute une série de sanctions à l’encontre des « responsables
ou complices de violations des droits humains en Syrie ».
Le Kosovo : un anniversaire sous

tension

Le 17 février 2008, la province du Kosovo est devenue


indépendante, mais celle-ci n’a pas été reconnue par la
Serbie, ce qui d’une part hypothèque leurs adhésions à
l’Union européenne et d’autre part provoque de régulières
tensions entre les deux pays. La crise amorcée durant
l’été 2022 a conduit à des manifestations violentes dans
la partie nord du Kosovo les 26 et 29 mai 2023 entre les
populations serbes et la police du Kosovo, puis des
troupes de l’OTAN.

Une difficile indépendance

Avec les guerres dans les Balkans liées à l’éclatement de la


Fédération yougoslave (1995 et 1999), les États membres de la
Yougoslavie ont acquis l’indépendance, y compris la province du
Kosovo, qui était une partie intégrante de la république de Serbie.
Pour les Serbes, cette province est le berceau de leur nation, de
leur orthodoxie. Ils y ont vaillamment combattu les Ottomans, lors
de la bataille de Kosovo Polje (champs des merles) en 1389. Cette
bataille entre chrétiens et musulmans, bien que perdue par les
premiers, reste pour la nation serbe le symbole du courage et de
l’abnégation de son peuple. Le prince Lazare qui meurt au cours
des combats a été élevé au rang de martyr et inhumé à l’église
Saint-Sava à Belgrade. Au xixe siècle, avec l’éveil des nationalités,
cet événement alimente le nationalisme serbe et devient partie de la
mémoire serbe, comme en témoignent les célébrations de 1989, qui
marquent la renaissance du nationalisme serbe en Yougoslavie,
presque dix ans après la mort de Tito, et la fin du statut
d’autonomie pour la province du Kosovo.
Car, au fil des siècles, les Serbes y sont devenus minoritaires au
profit des Albanais. Aussi, avec la dislocation de la Yougoslavie,
ceux-ci se posent la question du statut de la région. En 1996, les
combattants de l’Armée de libération du Kosovo (UçK) se lancent
dans la lutte armée et mènent des actions terroristes
essentiellement contre les autorités serbes présentes dans la
province. La réaction de la Serbie prend la forme d’un nettoyage
ethnique et entraîne la fuite de plus de 97 000 Albanais. Après une
tentative de négociations avortée, l’OTAN lance des
bombardements sur la Serbie entre mars et juin 1999 pour
contraindre ses forces à quitter la province. La résolution 1244 des
Nations unies conduit au déploiement d’une force d’intervention,
la KFOR, et d’une administration provisoire.
L’Union européenne comme horizon

Acteur important de la reconstruction et du maintien de la paix dans


la région des Balkans, avec les missions Concordia et de l’EUFOR
notamment, l’Union européenne représente depuis la fin de la
Yougoslavie la perspective ultime pour le Kosovo, car elle seule
semble capable, grâce à l’élargissement, d’apporter prospérité et
stabilité. D’ailleurs, selon Bruxelles, tous les États balkaniques ont
vocation à devenir membres. Ainsi, la Slovénie a intégré l’Union
dès 2004, suivie moins d’une décennie plus tard par la Croatie
voisine. Quant au Monténégro et à la Serbie, ils ont été reconnus
candidats respectivement en 2010 et en 2012, et ont entamé des
négociations entre 2012 et 2014. Mais les portes de l’UE resteront
fermées à la Serbie, tant que le pays n’aura pas reconnu
l’indépendance du Kosovo, son ancienne province. Depuis 2006,
les deux États ont donc engagé des pourparlers, sous l’égide de
l’UE et des États-Unis, sans qu’ils n’aboutissent sur une
reconnaissance mutuelle. Le principal point d’achoppement est le
soutien continu de Belgrade aux populations serbes du Kosovo
majoritairement dans le nord du pays. Différentes options ont été
proposées : des échanges de territoires ; la création de districts
autonomes pour les communautés serbes du Kosovo et les
Albanais de Serbie ; et une adhésion accélérée à l’UE accompagnée
d’une aide au développement. Mais toutes n’ont pas abouti à ce
jour et le plan de normalisation en 11 points, dont la reconnaissance
du Kosovo par Belgrade, porté par Bruxelles en février 2023, n’a
finalement pas débouché sur un accord. Au contraire, il a entraîné
de nouvelles tensions dans le nord du Kosovo à majorité serbe,
largement instrumentalisées par les deux camps, dans des logiques
purement politiciennes.
Ainsi, c’est la décision de Pristina d’organiser des élections locales
dans les villes majoritairement peuplées de Serbes et d’introniser
les nouveaux maires albanais fin mai – alors que le taux de
participation avoisinait les 3 %, les Serbes ayant fait le choix de
boycotter le scrutin – qui a mis le feu aux poudres. Les tensions
remontent en réalité à l’été, lorsque les autorités kosovares ont
cessé de reconnaître les plaques d’immatriculation serbes. Les
violences entre Serbes et forces de l’OTAN ont été condamnées par
les Occidentaux, et en particulier les États-Unis, qui ont souligné la
responsabilité du Premier ministre nationaliste kosovar, Albin Kurti,
dans la crise.

Au cœur de luttes d’influence

Il est vrai que depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, la


Serbie, qui a conservé des liens forts avec la Russie, est isolée sur
la scène régionale, ce dont chercherait à tirer parti le Premier
ministre kosovar pour aboutir à un accord avec Belgrade. Depuis
quelques années, la Russie courtise de plus en plus les pays
balkaniques, pour contrer l’influence occidentale. Mais elle n’est pas
la seule : la Turquie et la Chine y sont également très présentes,
pour des raisons essentiellement économiques. Outre ses nouvelles
routes de la soie, la Chine investit dans tous les secteurs
économiques des Balkans et s’est montrée plus empressée que
l’UE, lors de la pandémie de Covid-19, à fournir aide sanitaire et
vaccins aux pays de la région. Pékin est à l’œuvre dans la
construction d’infrastructures de transport majeures inaugurées
en 2022, réalisées au détriment d’entreprises européennes, ce qui a
poussé Bruxelles à agir pour contrer l’influence chinoise dans les
Balkans, et à apporter des subventions aux autres pays de la région
et non des prêts. Le Monténégro s’est en effet lourdement endetté
pour financer son autoroute auprès de la Chine, et a dû appeler à
l’aide l’UE pour en assurer les risques.

UN « MYTHE TOXIQUE »
Selon l’universitaire Nathalie Duclos, considérer le Kosovo comme
berceau serbe empêche le pays « d’aller de l’avant, de se
démocratiser et de se rapprocher de l’Union européenne ».
Un conflit israélo-palestinien

loin d’être marginalisé

Alors que les élections législatives de novembre 2022 ont


accouché du gouvernement de coalition le plus à droite
de toute l’histoire d’Israël, les tensions croissantes avec
les Palestiniens montrent que le règlement de ce conflit
reste indispensable à l’avenir du pays.

Une normalisation avec le monde arabe

En reléguant le conflit avec les Palestiniens au second plan face à la


menace de la nucléarisation de l’Iran, le gouvernement israélien a
poursuivi sa politique de fait accompli dans les territoires occupés
et progressivement convaincu le monde arabe d’une possible
normalisation, que l’administration Trump a largement appuyée.
Cela a rendu possible les accords d’Abraham fin 2020 qui ont
permis l’établissement de relations diplomatiques avec quatre pays
arabes : les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
Si les Émirats ont officiellement conditionné la normalisation avec
Israël au report de l’annexion israélienne de la vallée du Jourdain,
leur soutien à la cause palestinienne s’est avéré sans effet
lorsqu’en 2011 des affrontements ont eu lieu, à Jérusalem et Gaza.
Quant au Maroc, il a arraché aux Américains la reconnaissance de
l’annexion du Sahara occidental contre l’établissement de relations
diplomatiques avec Israël.
La normalisation avec le monde arabe apparaît donc sans effet sur
le règlement du conflit israélo-palestinien. Cela est d’autant plus
dommageable que l’Union européenne, désunie sur la question, ne
joue plus aucun rôle au Proche-Orient et que les États-Unis de Joe
Biden considèrent que la solution à deux États est la seule
envisageable.
Un gouvernement israélien ultranationaliste

Le retour au pouvoir de Benyamin Netanyahou en décembre 2022,


après une parenthèse de 18 mois, a été rendu possible par la
formation d’une coalition de six partis, où dominent l’extrême droite
et les religieux ultra-orthodoxes. L’enjeu pour Netanyahou est avant
tout personnel : il s’agit de conserver son immunité judiciaire, alors
qu’il est inculpé pour corruption dans plusieurs affaires. Aussi est-il
prêt à de nombreuses concessions à l’égard de ses partenaires
sionistes religieux, notamment en ce qui concerne la colonisation
renforcée en Cisjordanie. Dans ce territoire occupé par Israël
depuis 1967, vivent 2,9 millions de Palestiniens et 475 000 colons
israéliens, une présence en hausse de 50 % au cours de la dernière
décennie, où B. Netanyahou dirigeait le pays.
Le nouveau ministre de la Sécurité publique Itamar Ben-Gvir, du
parti Force juive, déjà condamné à plusieurs reprises pour incitation
à la haine raciale pour ses propos antipalestiniens et en 2007 pour
soutien à un groupe terroriste et incitation au racisme, multiplie les
provocations : il s’est déjà rendu à deux reprises, depuis sa prise de
fonction, sur l’esplanade des Mosquées, 3e lieu saint de l’islam,
déclenchant de vives protestations chez les Palestiniens et certains
pays arabes.
On imagine mal dans ce contexte une reprise de pourparlers avec
les Palestiniens, qui de leur côté restent divisés : Gaza est dirigé par
le Hamas, la Cisjordanie par le Fatah de Mahmoud Abbas, dont la
légitimité s’étiole en l’absence d’élections depuis 2006, celles de
2021 ayant été reportées officiellement car elles ne pouvaient se
tenir à Jérusalem-Est.
L’absence de perspectives politiques pour les Palestiniens, liée
autant au contexte intérieur qu’à la marginalisation du conflit, est
source de tensions et violences croissantes, qui contribuent à des
escalades meurtrières, comme 35 morts en 5 jours au
printemps 2023, dont 34 Palestiniens. Les précédents
affrontements armés entre Israël et la bande de Gaza remontent à
août 2022, faisant suite à ceux de 2021.
La démocratie remise en cause

La réélection de Netanyahou en 2022 contribue également à


polariser le pays entre religieux et laïcs, comme l’a montré le projet
de réforme de la Cour suprême israélienne, qui a suscité un
mouvement social inédit dans le pays. Pendant plus de 4 mois,
jusqu’à ce que le gouvernement annonce une pause, des
manifestants se sont regroupés dans tout le pays et massivement à
Tel-Aviv et Jérusalem pour défendre l’État de droit et s’opposer à
un projet qui libérerait l’exécutif de tout contrôle judiciaire
indépendant. Pour de nombreux Israéliens, ce projet transformerait
le pays en démocratie illibérale.

30 ANS
Les accords d’Oslo ont été signés entre Israéliens et Palestiniens
en 1993. Mais leur abandon a de fait accéléré la colonisation de la
Cisjordanie et de Jérusalem Est, où résident désormais presque
700 000 Israéliens.
Iran, entre répression et

isolement

Le 16 septembre 2022, une jeune femme de 22 ans meurt


après trois jours de garde à vue pour infraction au code
vestimentaire iranien, déclenchant une vague
d’indignation et des manifestations massives, d’abord de
femmes, dans tout le pays. Depuis, les arrestations et les
condamnations à mort se sont multipliées, sur fond de
crise économique et d’isolement sur la scène
internationale.

Une répression sans fin

Depuis le début du mouvement de protestation contre le régime


islamique, en réaction au décès dans un poste de police de
l’étudiante Mahsa Amini, l’Iran fait partie des États les plus
répressifs au monde. Selon Amnesty International, pour réprimer les
manifestations, « les forces de sécurité ont illégalement tiré des
munitions réelles et des projectiles en métal », tuant ou blessant des
centaines de personnes, y compris des enfants. Elles ont aussi
incarcéré et inculpé arbitrairement des milliers d’Iraniens – au motif
« qu’ils avaient exercé pacifiquement leurs droits humains » –, et fait
usage de la torture, de mauvais traitements, voire délibérément
privé des personnes de soins médicaux. Quant aux autorités
judiciaires, elles « ont prononcé et infligé des châtiments cruels et
inhumains, notamment des flagellations, des amputations et des
aveuglements » et mené des « procès inéquitables » au motif de
« guerre contre Dieu » (Moharebeh) ou de possessions d’armes.
Cette vague de répression s’est accompagnée d’une augmentation
du recours à la peine de mort : 582 sentences capitales ont été
prononcées pour l’année 2022, selon l’ONG Iran Human Rights, soit
une hausse de 75 % par rapport à 2021. Au cours du premier
semestre 2023, ce sont 282 Iraniens qui ont été punis de la peine
capitale, principalement pour usage de drogues, soulignant la
volonté du régime d’intimider le peuple et les plus faibles de la
société.
Les journalistes ont été les autres principales victimes des mesures
répressives du régime iranien : selon Reporters sans frontières
(RSF), plus de 70 journalistes, dont une part importante de femmes,
ont été arrêtés depuis la mort de Mahsa Amini. L’ONG de la liberté
de la presse qualifie d’ailleurs l’Iran de l’une des plus grandes
prisons au monde pour les journalistes. Ceux-ci subissent des
entraves qui les empêchent de couvrir les manifestations et, à
l’étranger, certains médias ont pu être harcelés en ligne voire
menacés de mort.
Ces manifestations massives ne doivent pas faire oublier le
contexte socio-économique et géopolitique.
Un pays exsangue

Bien que disposant d’importantes ressources en hydrocarbures,


l’Iran est aujourd’hui exsangue. Les 80 millions d’Iraniens vivent de
la débrouille pour s’en sortir, et manifestent, dès que faire se peut,
au risque de subir la répression du régime, comme déjà en 2018
et 2019.
Les sanctions économiques infligées par les Américains quasiment
depuis la naissance de la République islamique en 1980 et
renforcées, en raison de son programme nucléaire, par la
communauté internationale, ont affaibli le pays en limitant ses
capacités commerciales et financières. La signature de l’accord sur
le nucléaire du 14 juillet 2015, le « plan d’action global commun »
(JCPOA, selon son acronyme anglais), par le président américain
B. Obama augurait des jours meilleurs, mais il a été dénoncé
en 2018 par son successeur D. Trump, contribuant à la dégradation
de la situation économique du pays. L’inflation y est galopante et
frôle les 50 % et la monnaie iranienne a dévalué au printemps 2023,
tandis que le chômage atteint officiellement les 9,2 % en 2022, mais
serait sous-estimé. La situation économique a été aggravée par la
pandémie de Covid-19, dont le pays a connu quatre vagues de
contamination, causant quelque 83 000 morts.
L’enjeu du nucléaire

Au vu de la situation économique du pays, l’enjeu principal pour le


régime aujourd’hui est de sortir de son isolement international. Si la
Russie a renforcé ses liens en raison de la guerre en Ukraine,
notamment commerciaux, via la mer Caspienne, la Chine apparaît
aussi comme un fidèle partenaire commercial, en raison de ses
ressources énergétiques, contribuant à son rapprochement avec sa
voisine rivale sunnite, l’Arabie saoudite, en avril 2023. Mais c’est de
Washington que viendra le salut de l’Iran et la sortie de son
isolement international. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden,
des pourparlers ont été relancés à Vienne entre les diplomaties des
deux États.
Au printemps 2023, l’objectif des États-Unis est d’aboutir à un
accord informel permettant d’écarter le risque d’escalade. Ce
« cessez-le-feu politique » verrait l’Iran s’engager à ne pas enrichir
de l’uranium au-delà du niveau actuel, à ne pas attaquer les
sociétés militaires privées américaines sur les terrains syriens et
irakiens, à renforcer sa coopération avec les inspecteurs nucléaires
internationaux. Enfin, l’Iran devrait s’abstenir de vendre des missiles
balistiques à la Russie. En échange, les États-Unis s’engageraient à
ne pas renforcer ses sanctions ni saisir des navires étrangers
transportant du pétrole iranien, et ni soutenir des résolutions
coercitives à l’ONU ou à l’AIEA au sujet de ses activités nucléaires.
La finalisation d’un accord est vitale pour l’Iran, mais aussi pour la
région. Le risque d’une action militaire d’Israël, qui considère la
nucléarisation comme la principale menace à sa sécurité, est plus
grand depuis le retour au pouvoir de B. Netanyahou fin 2022, qui a
déclaré que l’Iran était « sa priorité ».

« ZAN, ZENDEGI, AZADI » FEMME, VIE, LIBERTÉ


Ces trois mots sont le slogan des manifestants après la mort de
Mahsa Amini, appréhendée par la police des mœurs pour un voile
mal porté.
L’instabilité gagne-t-elle

l’Afrique ?

Après le processus de démocratisation des années 1990,


l’Afrique serait-elle à nouveau en proie à l’instabilité
politique et à l’autoritarisme ? Depuis 2021, le continent a
connu plusieurs coups d’État tandis qu’en 2023, le
Sénégal a connu des tensions politiques et la guerre civile
est de retour au Soudan ; tout cela alors qu’il est aussi de
plus en plus question des enjeux des luttes d’influence
entre Occidentaux, Russes, Turcs et Chinois dans la
région.

Le retour des coups d’État

É
Depuis 2012, l’Afrique a connu 14 coups d’État, dont la moitié en
Afrique de l’Ouest (Burkina Faso en 2015 et 2022, Guinée-Bissau
en 2012, Guinée en 2021) et trois au Mali en moins d’une décennie
(2012, 2020, 2021). Les autres ont eu lieu en Égypte et en
Centrafrique (2013), au Zimbabwe (2017), au Tchad (2021) et au
Soudan (2019, 2021). Comment interpréter cette recrudescence des
prises du pouvoir par la force sur le continent africain ?
Il faut d’abord distinguer l’Afrique de l’Ouest du Soudan et du
Tchad, où les coups d’État permettent le maintien ou le retour de
régimes autocratiques. Le contexte politique de l’Afrique de l’Ouest
se caractérise par la poussée de groupes djihadistes qui
déstabilisent le Mali, et se propage, depuis, à la région du Sahel.
Selon le chercheur Marc-André Boisvert du centre FrancoPaix de
l’université du Québec, les coups d’État dans les pays sahéliens
répondent avant tout à cette crise sécuritaire que les interventions
internationales (Serval ou Barkhane) et nationales n’ont pas permis
d’endiguer. Si les juntes se sont si aisément imposées au Mali et au
Burkina Faso, c’est parce que l’armée apparaît dès lors comme la
garante d’une stabilité que les politiciens, par négligence et
incompétence, n’ont su rétablir. Les auteurs de ces coups « surfent
aussi sur le populisme » face à un pouvoir démocratique jugé
incapable de répondre aux attentes du peuple, face à une élite
corrompue, face à un ancien colonisateur qui intervient militairement
et profite des ressources minières via des contrats opaques.
Comme par le passé, ils considèrent qu’ils sont aptes à rétablir le
cours de l’État. En réalité, ils fragilisent la démocratie sur le
continent, aidés par des États autoritaires, telles la Russie ou la
Chine, qui cherchent à contrecarrer l’influence des puissances
occidentales sur le continent.

Guerre civile au Soudan

Au Soudan, le coup d’État de 2021 a conduit au printemps 2023 à


une véritable guerre civile entre les forces armées du pays, dirigées
par le général Abdel Fattah Abdelrahman al-Bourhan au pouvoir
depuis le putsch, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide
(FSR) du général Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemeti ». Les deux
anciens alliés et hommes forts du pays reçoivent des soutiens
extérieurs : de l’Égypte, pour al-Bourhan, de la Russie (via les
milices Wagner) et de la Libye pour Hemetti, complexifiant la
résolution du conflit, malgré les efforts saoudiens pour mettre en
place un cessez-le-feu. L’Arabie saoudite, ainsi que son voisin
émirien, s’inquiètent en effet de la dimension islamiste qu’a prise le
conflit, les militants islamistes soutenant le général al-Bourhan. Le
conflit a déjà fait 1 800 victimes et provoqué la fuite d’un million
et demi de personnes.
Une crise de la démocratie ?

Selon le classement mesurant le niveau démocratique de 167 États


établi annuellement par l’hebdomadaire britannique The Economist,
la démocratie est en recul sur le continent depuis 2020, d’abord en
raison de la résurgence de coups d’État en Afrique de l’Ouest qui
ont miné les systèmes démocratiques, mais également de la
détérioration des processus électoraux et du pluralisme politique, et
de la culture politique. Selon le classement de The Economist, ce
sont ces trois critères qui ont le plus baissé sur le continent,
creusant le fossé avec le reste du monde. Le faible pluralisme
politique et les déficiences des processus électoraux (aucune
alternance politique en Érythrée ou au Rwanda au cours des
vingt dernières années) sont essentiellement dus au recul des
libertés fondamentales sur le continent.
Ainsi, presque la moitié des 50 États africains étudiés sont
considérés comme des régimes autoritaires et la plupart des autres
des régimes hybrides. Seuls l’Afrique australe et le Ghana font
exception, ainsi que l’île Maurice qui est considérée comme
« démocratie à part entière ».

« Les luttes autour de la transformation de l’État en Afrique sont


actuellement exploitées par le Kremlin qui promeut son modèle de
maintien de l’ordre. »
Tatiana Smirnova, chercheuse au centre FrancoPaix (2022)
Un arc de crise sahélien

La déstabilisation de la Libye, consécutive au Printemps


arabe en 2011, a créé une onde de choc qui a précipité le
Sahel dans un continuum ininterrompu de crises et de
conflits. Une décennie plus tard, l’avenir du Sahel est
sombre, et la situation de la France chargée d’y restaurer
la stabilisation et la sécurité y est compromise.

L e Sahel est une bande sèche et semi-aride de 5 500 km sur 500


de large définie où se rencontrent populations d’origines
diverses (Touaregs, Maures, Peuls...). C’est le lieu d’une vive rivalité
entre islam confrérique traditionnel et islam rigoriste du Golfe (le
salafisme), facilitant l’émergence d’un radicalisme armé.
La défaillance du Mali

Le Mali devient l’un des principaux berceaux du terrorisme, car la


non-résolution de la question touarègue a laissé une somme de
frustrations sous-jacentes. Les organisations djihadistes locales
comme le MUJAO, Ansar Dine, le MNLA, le FNLA et le Front de
libération de l’Azawad se retrouvent avec al-Qaida au Maghreb
islamique (AQMI) pour s’attaquer à un pouvoir malien incapable de
réagir. En l’espace de quelques semaines, ces groupes conquièrent
le nord du Mali. En janvier 2013, les djihadistes poussent leur
avantage et montent sur Bamako. C’est à ce moment que les
armées françaises interviennent dans une opération combinée et
aéroportée (opération Serval). Les groupes sont balayés et
poursuivis (avec le soutien d’un solide contingent tchadien) dans
leurs réduits montagnards de l’Adrar des Ifoghas. Des élections et
une période de stabilisation, conduites avec l’appui des alliés
européens (MINUSMA) et d’une force africaine, ont suivi cette
période exclusivement militaire. Mais les groupes se sont éparpillés
sur l’espace sahélien et ont conduit des attentats jusqu’en Côte
d’Ivoire. L’État islamique (Daech) a commencé à s’implanter au
Sahel au détriment d’AQMI, alors que depuis le Nigeria, Boko
Haram pousse vers le Tchad et le Cameroun.

L’échec de l’opération Barkhane

Face à cette situation, la France lance l’opération Barkhane en


août 2014. Mais en raison de l’immensité du territoire à couvrir et
d’une menace en perpétuelle recombinaison, les autorités
françaises ont poussé à la mise en place en 2015 d’une force
africaine conjointe composée des cinq pays principaux du Sahel et
réunis sous l’appellation G5-Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Tchad,
Burkina Faso. Or l’incapacité du Mali à se stabiliser entraîne deux
coups d’État militaires en août 2020 et en mai 2021. Dans ce
nouveau contexte marqué par l’ouverture potentielle d’un dialogue
avec les djihadistes au Mali, et par la présence de forces russes
(milices Wagner) sur lesquelles le nouveau pouvoir compte
s’appuyer, la France met fin à l’opération Barkhane le
9 novembre 2022, alors que son engagement militaire est de plus
en plus ouvertement critiqué par les opinions publiques africaines et
discrédité par des cybercampagnes.
Le risque djihadiste est loin d’avoir disparu : 2021 a connu un
nombre record d’actes de violence islamiste contre des civils (833)
et les groupes djihadistes progressent vers la zone des trois
frontières (Mali/Burkina Faso/Niger) et vers le golfe de Guinée.

« Avec le groupe Wagner, société de sécurité militaire officiellement


privée, mais travaillant en réalité pour le Kremlin, la Russie pousse
hors de Centrafrique d’abord, puis du Mali et maintenant du Burkina
Faso, une France qui s’était trop endormie sur ses lauriers des
opérations Serval et Barkhane. »
Jean-François Daguzan, directeur adjoint à la Fondation pour la
recherche stratégique (FRS)
Manifestants pro-Trump prenant d’assaut le Capitole à Washington, le 6
janvier 2021.
Photographie : © lev radin/Shutterstock

2024, année de toutes les


polarisations aux États-Unis
Lorsqu’il annonçait sa 3e candidature à la
Maison-Blanche en avril 2019, Joe Biden qualifiait
la présidence Trump qui se terminait
d’« aberrante ». Le milliardaire républicain a
immédiatement contesté le résultat de l’élection de
novembre 2020, multiplié les tentatives de la
renverser, et incité ses partisans à prendre le
Capitole des États-Unis, le 6 janvier 2021.

L
a présence du milliardaire dans le Bureau ovale a
profondément divisé les Américains. Son échec à se faire
réélire quatre ans après a accentué le fossé entre démocrates
et républicains. Mais aussi au sein même du camp conservateur :
les républicains se sont scindés, entre ceux qui embrassent sa
théorie de l’élection volée et les autres. Et cette fracture interne à
l’électorat conservateur s’est creusée un peu plus encore à deux
moments durant les deux premières années du mandat de Joe Biden
: lorsque la Cour suprême a mis un terme au droit à l’avortement au
niveau fédéral en juin 2022 ; et quand, notamment à cause de cette
décision, les candidats soutenus par le 45e président n’ont pas
obtenu les résultats espérés aux élections de mi-mandat, en
novembre 2022.
La partition du pays (démocrates/républicains, républicains/MAGA
– pour « Make America Great Again » –,et même jusqu’aux neuf
juges de la Cour suprême) pourrait encore s’accentuer en 2024, à
cause de la possible répétition du match Biden/Trump de 2020. Et
entre candidats républicains : avec un Trump inculpé mais pas à
terre, et un gouverneur de Floride Ron DeSantis plus « rond » en
apparence, consensuel, mais tout aussi conservateur que son
possible adversaire.
Sébastien Paour
Correspondant de Radio France à Washington
Les grands enjeux de 2024

Sommaire

L’OTAN, le retour, 75 ans après sa


naissance
Les États-Unis, de retour dans les affaires
du monde
Une Amérique latine plus stable
politiquement ?
Les démocraties au risque de la
désinformation
La dissuasion nucléaire a-t-elle encore un
sens ?
Éradiquer la faim, un désir sans fin
Des guerres pour les ressources
Le droit à l’avortement menacé dans le
monde ?
Résorber les inégalités : une gageure
2024 : Paris accueille les Jeux olympiques
Les JO, instruments du soft power des
États
Courrier international
Afrique. Wagner tisse sa toile
franceinfo
L’Union européenne tente d’affirmer sa
souveraineté
L’OTAN, le retour, 75 ans après

sa naissance

Avec la guerre en Ukraine lancée par la Russie en 2022,


l’Europe est de nouveau un « théâtre » d’une
confrontation armée, d’une guerre classique entre deux
États. L’OTAN née pendant la guerre froide semble enfin
sortie de son état de « mort cérébrale », comme l’avait
qualifiée Emmanuel Macron en 2019. Non seulement
l’OTAN semble avoir retrouvé un sens, mais en plus elle
s’élargit à des États neutres.
Une alliance née dans la guerre froide…

Née en 1949 pour défendre l’Europe face à la menace soviétique,


l’OTAN est l’organisation militaire de l’Alliance atlantique scellée au
début de la guerre froide, entre les États-Unis, le Canada et dix
États d’Europe occidentale. Si l’organisation a survécu à la chute du
mur de Berlin, c’est que les États est-européens, qui sortent de
presque un demi-siècle de domination soviétique, cherchent à
combler le vide sécuritaire engendré par la fin du monde bipolaire.
Ainsi, l’OTAN s’élargit à partir de 1999 à treize nouveaux membres,
y compris les trois pays baltes, anciennes républiques soviétiques,
des États soucieux de leur ancrage dans l’ensemble occidental et
désireux d’échapper à la tutelle russe. Avec le déclenchement de la
guerre en Ukraine en 2022, elle reçoit les candidatures de deux
pays historiquement neutres : la Suède et la Finlande. Cette
dernière est officiellement devenue le 31e membre de l’OTAN, le
4 avril 2023.

… pour la défense collective de l’Europe

L’OTAN a été conçue comme une organisation destinée à la


défense collective, et le traité de l’Atlantique Nord (article 5) prévoit
que ses membres se doivent assistance en cas d’agression dans la
zone du traité. Cette clause a été activée après les attentats du 11-
Septembre perpétrés contre les États-Unis. En temps de paix, ses
forces de défense restent sous commandement national. Les seules
opérations permanentes de l’OTAN sont la police du ciel, la défense
antiaérienne et la surveillance maritime. Elle est organisée en deux
« grands commandements ». Le plus important des deux est à
Mons en Belgique : le commandant suprême des forces alliées en
Europe, un officier américain, a la charge de la défense du
continent. Aux États-Unis à Norfolk, le commandement de la
transformation prépare les forces aux engagements du futur.
Si les 31 membres de l’OTAN siègent sur un pied d’égalité au
Conseil de l’Atlantique Nord et qu’aucune décision ne peut être
prise en l’absence de consensus, l’organisation fonctionne dans les
faits sous leadership américain. Les États-Unis fournissent
l’essentiel des moyens de l’organisation, ce qui a toujours conduit
Washington à exiger un « partage du fardeau » plus homogène.
Dans les années 1990 et 2000, l’OTAN a conduit des missions de
soutien de la paix dans les Balkans et en Afghanistan. Depuis 2014,
et surtout depuis 2022, l’OTAN s’est recentrée sur sa mission
première de défense à l’est de l’Europe.
Au sommet de Madrid, en juin 2022, c’est-à-dire quelques mois
après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Alliés ont décidé
d’adapter en profondeur la posture militaire de l’Alliance, convenant
notamment de muscler les dispositifs de défense de l’avant, de
porter au niveau brigade les groupements tactiques déployés dans
la partie orientale du territoire de l’Alliance, de transformer la Force
de réaction de l’OTAN, ainsi que d’amener à plus de 300 000
soldats les effectifs des forces à haut niveau de préparation. Il s’agit
là du plus vaste remaniement de la posture de dissuasion et de
défense collective depuis la guerre froide. Toutefois, l’OTAN ne
participe pas au conflit ukrainien : l’assistance occidentale à Kiev
est de la responsabilité des pays membres.

« La guerre d’agression que la Russie mène contre l’Ukraine se


prolonge. Les régimes autoritaires de Moscou, de Pékin et d’ailleurs
remettent ouvertement en cause l’ordre international fondé sur des
règles. »
Mircea Geoanã, secrétaire général délégué (avril 2023)
Les États-Unis, de retour dans

les affaires du monde

Si les États-Unis se sont positionnés du côté de l’Ukraine


dès le déclenchement du conflit, la perspective d’un
retour des républicains à la Maison-Blanche en 2024
pourrait changer la donne. Le soutien de la Chine à la
Russie contribue à diviser le monde entre démocraties
libérales et régimes autoritaires, alors que les rivalités
entre Américains et Chinois restent fortes.
Le choix du multilatéralisme

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2021, le président


Joe Biden a fait le choix du multilatéralisme et de la défense de la
cause climatique, avant de rappeler lors des sommets du G7 et de
l’OTAN en Europe en juin sa volonté d’« un retour de l’Amérique »
dans les affaires du monde et de forts liens transatlantiques, tout en
rappelant la nécessité de contrer les influences russe et chinoise
dans le monde.
Aussi l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a-t-elle
immédiatement conduit à un soutien des États-Unis qui s’est
concrétisé par une aide militaire massive avec la fourniture
d’armements très sophistiqués. Au cours de la première année du
conflit, les États-Unis avaient annoncé plus de 71 milliards d’euros
d’aides, dont 43,2 milliards pour le volet militaire, faisant du pays le
premier donateur, et de très loin (60,6 %). En plus de systèmes
d’artillerie Howitzer, les États-Unis ont fourni des systèmes de
lance-roquettes (Himars) d’une portée de 80 km, ainsi que
d’éléments de défense aérienne, dans le cadre de la contre-
offensive annoncée par Kiev.
Toutefois, afin d’éviter que le pays soit considéré comme un
belligérant par la Russie, les Ukrainiens ne doivent cependant
utiliser le matériel américain que sur leur propre territoire et ne pas
cibler des objectifs en Russie. Cela explique pourquoi Joe Biden a
renoncé à fournir à l’Ukraine des systèmes de plus longue portée.
Les Américains ne cherchent en effet ni une guerre entre l’OTAN et
la Russie, ni à évincer le président Poutine du pouvoir. Le soutien
américain à l’Ukraine est envisagé au nom du droit de Kiev à
défendre sa souveraineté contre une agression extérieure, et non
comme un soutien à un allié. Cette politique s’inscrit en
coordination avec ses alliés européens de l’OTAN et de l’UE, dans
la mise en place de sanctions économiques et leur renforcement, et
dans la consolidation du flanc oriental de l’Alliance atlantique. Elle
place de fait les États-Unis comme les défenseurs des démocraties
libérales face aux régimes autoritaires, avant tout russe et chinois.
Le rapprochement de la Chine et de la Russie qui s’est concrétisé
en mars 2023 par la signature d’un partenariat et d’une coopération
stratégique renforce encore cette division que la Chine est en train
d’ériger en vision stratégique avec l’Initiative de sécurité globale.
Pour Washington, il s’agit ni plus ni moins que de mettre en cause
l’architecture de sécurité mise en place par les États-Unis depuis
1945.
Rivalités croissantes avec la Chine

Cette ambition chinoise s’est concrétisée au printemps 2023 par


son activisme diplomatique au Moyen-Orient, traditionnelle zone
d’influence américaine, pour permettre un rapprochement entre les
deux rivaux locaux : l’Iran et l’Arabie saoudite. Cet exemple montre
que les rivalités sino-américaines ne relèvent plus seulement du
terrain économique ou technologique, mais du champ de la
politique internationale.
Depuis le deuxième mandat du Président Obama, les priorités
américaines se concentrent d’ailleurs en Asie, dans la zone
indopacifique, dans le cadre de la politique du « pivot asiatique ».
Son objectif est de contrer l’affirmation de la puissance chinoise,
sans pour autant remettre en cause le statu quo sur Taïwan. Cela
passe par le renforcement du Quadrilateral Security Dialogue
(Quad), institué en 2007 avec l’Inde, le Japon et l’Australie, le
rapprochement avec l’ASEAN, principale organisation régionale
d’Asie, en mai 2022, ou la négociation de bases, de facilités
militaires ou d’accès à des ports de la région Asie-Pacifique
(Vietnam, Philippines ou Papouasie-Nouvelle-Guinée). Ce fort
activisme diplomatique vise à rapprocher stratégiquement et
économiquement les pays asiatiques de l’Amérique. Ainsi, à Tokyo,
le 23 mai 2022, Biden a officiellement lancé le Cadre économique
indopacifique pour la prospérité (IPEF) avec six États de l’ASEAN,
l’Australie, le Japon, l’Inde, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et
Fidji pour concurrencer la plus grande zone de libre-échange du
monde, le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP),
qui couvre toute l’Asie-Pacifique sauf l’Inde.

La plupart des États asiatiques ne souhaitent toutefois pas encore


choisir entre Washington et Pékin, préférant bénéficier des
investissements des deux puissances mondiales.

« [À Washington], on dit que la Chine veut dominer le monde... La


réponse est qu’ils veulent être puissants. (...) Ils ne cherchent pas à
dominer le monde au sens hitlérien du terme. (...) Ce n’est pas ainsi
qu’ils pensent ou ont jamais pensé à l’ordre mondial. »
Henry Kissinger, 2023. Diplomate américain, prix Nobel de la
paix en 1973.
Une Amérique latine plus stable

politiquement ?

L’élection de Lula au Brésil, le 30 octobre 2022, semble


rompre le cycle de l’autoritarisme sur le continent, et
permettre une plus grande stabilité et plus de démocratie.
Ce contexte n’empêche pas les contestations tant les
inégalités restent criantes dans la plupart des pays du
continent, comme le rappelle la crise politique au Pérou
qui s’est transformée en explosion sociale au
printemps 2023.
Un Brésil plus stable

Après l’élection de Lula à la suite du Colombien Gustavo Petro en


juin 2022 et Gabriel Boric au Chili fin 2021, l’Amérique latine voit la
gauche progressiste revenir au pouvoir, gage de plus de stabilité
sociale. De fait, les premiers cent jours de Lula à la tête du Brésil
ont été marqués par des mesures sociales, et notamment la relance
de son programme Bolsa Familia. Une mesure très attendue dans
un pays qui compte un tiers de pauvres. Reste qu’en cette période
de crise économique, son financement ne doit pas peser sur le
budget, ce qui le rend plus compliqué.

Explosion sociale au Pérou

Le Pérou a renoué avec les crises de gouvernabilité qui émaillent


l’Amérique latine depuis le retour de la démocratie dans les
années 1990. Celui qu’on surnomme le « président des pauvres »,
Pedro Castillo, est arrêté après avoir annoncé, le 7 décembre 2022,
la dissolution du Congrès, au moment où les députés de droite et
une partie de la gauche s’apprêtaient à engager une procédure de
destitution à son encontre. Son arrestation a suscité des
manifestations massives, en particulier dans les campagnes, en
raison des inégalités sociales criantes que le Covid a encore
renforcées (1 % de la population détient 28 % des richesses), des
disparités régionales, de la corruption endémique et du racisme : les
peuples autochtones qui forment 15 % de la population sont aussi
les plus pauvres et avaient beaucoup d’espoir dans ce président de
gauche issu, comme eux, du monde rural. Cette situation de
violence et de haine a fait réémerger les fantômes de ce passé : des
crises de 2018 et 2020, mais aussi ceux de la dictature et d’un
pouvoir fort pour rétablir l’ordre.

Un continent marqué par l’instabilité

Depuis les années 2000, les crises de gouvernabilité et la corruption


continuent à miner la crédibilité de la classe politique d’Amérique
latine. Sur fond de nouvelles crises, les sociétés se polarisent et les
offres politiques se radicalisent. Ainsi, en 2009, un coup d’État
militaire chasse du pouvoir le président du Honduras, Manuel
Zelaya, dont le rapprochement avec Hugo Chávez et les velléités de
maintien au pouvoir ont attisé l’inquiétude des secteurs
conservateurs. Sur fond d’un ralentissement économique régional,
l’instabilité politique fait ensuite tache d’huile, mettant au défi les
équilibres démocratiques dans la plupart des pays de la région :
destitutions abusives de présidents au Paraguay (2012), au Brésil
(2016) et au Pérou (2020) ; démissions sous contrainte de
présidents en exercice au Guatemala (2015), au Pérou (2018) et en
Bolivie (2019) ; réélections contestées de présidents au Nicaragua
(2016, 2021), au Honduras (2018), au Venezuela (2018) et en Bolivie
(2019).
La corruption alimente aussi l’instabilité. Ainsi, au Guatemala, le
président Otto Pérez Molina est destitué et arrêté pour corruption
en septembre 2015, à la suite de pressions populaires inédites. Au
Brésil, la presse dévoile en 2015 le détournement de plusieurs
milliards de dollars de l’entreprise publique Petrobrás pour financer
les partis politiques et enrichir des élus. Ce scandale entraîne la
destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016, renforçant la
défiance envers le système politique.

Au pouvoir depuis 2007, le président nicaraguayen Daniel


Ortega a sombré dans l’autoritarisme. Réélu en 2011 et en 2016, il
réprime en 2018 des manifestations pacifiques qui font 328 morts.
Aux élections de 2021, les principaux partis d’opposition sont
dissous et leurs candidats emprisonnés ; Ortega remporte aisément
un quatrième mandat consécutif.
Les démocraties au risque de la

désinformation

La guerre en Ukraine a mis en relief l’enjeu majeur qu’est


l’information pour les belligérants, car celle-ci devient
rapidement propagande et vire à la désinformation. Son
« principal vaccin » existe pourtant, c’est le journalisme.
Or, dans les trois quarts des 180 pays évalués par
Reporters sans frontières, il est « totalement ou
partiellement bloqué ».

Une polarisation accrue des médias

À l’occasion de sa 20e édition en 2022, le rapport de Reporters sans


frontières (RSF), qui établit depuis 1985 un classement de la liberté
de la presse dans 180 États du monde, propose une nouvelle
méthodologie. Le score attribué à chaque territoire se base
désormais sur un relevé quantitatif des exactions commises à
l’encontre des professionnels des médias ainsi que des médias, et
une analyse qualitative de la situation de chaque pays, mesurée par
cinq indicateurs : le contexte politique (respect de l’autonomie et du
pluralisme des médias), l’environnement légal et réglementaire des
journalistes, le contexte économique, les contraintes sociales et
culturelles et la sécurité des journalistes.
Depuis 2022, l’ONG constate une double polarisation : celle des
médias à l’intérieur des pays et celle entre les États au niveau
international. Cette polarisation est amplifiée, selon RSF, par le
« chaos informationnel » engendré par la dérégulation et la
globalisation de l’espace numérique, qui entraîne fausses
informations et propagande, y compris dans les sociétés
démocratiques. En effet, le développement de médias d’opinion sur
le modèle américain de Fox News et la banalisation des circuits de
désinformation via les réseaux sociaux contribuent à accroître les
clivages au sein des populations, notamment en France. Sur le plan
international, l’asymétrie entre, d’une part, les sociétés ouvertes et,
d’autre part, les régimes autoritaires contrôlant leurs médias et leurs
plates-formes tout en menant des guerres de propagande, affaiblit
les démocraties et accroît les tensions tant à l’échelle nationale
qu’internationale, comme entre l’Inde et le Pakistan.
Le journalisme en difficulté dans 7 pays sur 10

Dans le classement 2023, la situation est « très grave » dans


31 pays, « difficile » dans 42 et « problématique » dans 55, alors
qu’elle est « bonne » ou « plutôt bonne » dans 52 pays. Bref, les
conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans 7 pays
sur 10.
Sans surprise, les États européens, et plus particulièrement les pays
nordiques, arrivent encore une fois en tête du classement RSF de la
liberté de la presse. La Norvège conserve sa première place pour la
septième année consécutive, suivie de l’Irlande et du Danemark. La
France, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande ou les États-Unis font
partie des 55 pays qui connaissent une situation plutôt bonne,
même si ces derniers ont perdu 3 places par rapport au précédent
en raison de l’assassinat de deux journalistes. Quant au Brésil, il
remonte de 18 places, en raison du retour au pouvoir de Lula, plus
respectueux des principes démocratiques.
En revanche, 31 pays, soit trois de plus que dans le
classement 2022, connaissent de graves atteintes à la liberté de la
presse et se trouvent en queue du classement. Sans grande
surprise, on y trouve la Corée du Nord qui conserve la dernière
place, précédée de la Chine, plus grande prison de journalistes au
monde, selon RSF, et du Vietnam, qui s’acharne sur ses journalistes
indépendants. Quant à la Russie, elle se situe à la 164e place après
en avoir encore perdu neuf, en raison de la propagande du Kremlin
diffusée dans les territoires ukrainiens occupés et l’interdiction ou le
blocage des derniers médias indépendants, déclarés « agents de
l’étranger ».

« Le classement mondial 2023 prouve l’existence d’une très grande


volatilité des situations, avec des hausses et des baisses importantes
(...). Cette instabilité est l’effet d’une agressivité accrue du pouvoir
dans de nombreux pays et d’une animosité croissante envers les
journalistes sur les réseaux sociaux et dans le monde physique. La
volatilité est aussi le produit de la croissance de l’industrie du
simulacre, qui façonne et distribue la désinformation, et donne des
outils pour la fabriquer. »
Christophe Deloire, secrétaire général de RSF
La dissuasion nucléaire a-t-elle

encore un sens ?

Neuf pays détiennent des armes nucléaires, dont cinq


puissances reconnues par le traité de non-prolifération
(TNP) établi en 1968. Malgré leur statut contesté, ces
armes sont déployées dans l’optique de prévenir des
agressions majeures dans le cadre de doctrines de
« dissuasion » et restent un facteur déterminant
aujourd’hui des relations internationales.

ux cinq États historiquement dotés au sens du TNP, se sont jointes


trois puissances nucléaires non parties au traité : Israël – bien que le

A É
A pays ne se reconnaisse pas officiellement comme État
nucléaire –, l’Inde et le Pakistan depuis leurs essais nucléaires
de 1998. Par ailleurs, la Corée du Nord, État faisant partie au TNP
depuis 1985, a annoncé sa sortie du traité en 2003 et revendique
depuis 2012 le statut d’État possesseur de l’arme nucléaire. La
planète nucléaire est également composée d’un certain nombre
d’États sous garantie nucléaire d’un État doté – les États-Unis au
premier chef, soit dans le cadre d’une alliance multilatérale (l’OTAN),
soit dans le cadre d’alliances bilatérales, telles qu’avec la
République de Corée et le Japon.

Un phénomène structurant

Le nucléaire militaire est un facteur toujours pertinent des relations


internationales de sécurité. Il est d’abord une réalité des politiques
de sécurité et de défense des États dotés et possesseurs qui tous
sans exception entretiennent ou modernisent leurs forces quels que
soient leurs efforts de désarmement par ailleurs réels au moins aux
États-Unis, en France, en Russie et au Royaume-Uni. Cette
affirmation doctrinale de l’arme nucléaire est perçue alternativement
comme une garantie de sécurité ou un frein au processus de
désarmement, l’un des piliers historiques du régime de non-
prolifération.
Ensuite, il s’agit d’une réalité crisogène au Moyen-Orient et en Asie
du Nord-Est dans les années 1990 et depuis les premières années
du xxie siècle. Le lancement de programmes nucléaires militaires en
Irak, Libye et sans doute en Syrie a été la source de conflits
(première et seconde guerre d’Irak par exemple) ou d’actions de
contre-prolifération armée (Israël contre la Syrie en 2007). Alors que
la crise nucléaire qui opposait depuis 2003 la communauté
internationale à l’Iran sur la question du caractère pacifique du
programme nucléaire iranien avait trouvé une solution temporaire
avec la signature d’un plan d’action global conjoint en juillet 2015
entre l’Iran et les E3/EU+3 (Allemagne, France, Royaume-Uni,
Chine, États-Unis, Russie, et Union européenne), l’administration
Trump a décidé au mois de mai 2018 de s’en retirer, ouvrant une
nouvelle séquence de crise avec Téhéran, qui n’a pas encore trouvé
de solution. En outre, la crise nucléaire ouverte avec la République
populaire démocratique de Corée (RPDC) en 1993 n’a toujours pas
trouvé de solution diplomatique durable, le pays étant désormais
réputé être doté d’une force de dissuasion nucléaire minimale, mais
en phase d’expansion.
Enfin, le nucléaire militaire est toujours un facteur de puissance qui
explique pour partie la grande stabilité de l’ordre stratégique
mondial depuis trente ans malgré des dynamiques concurrentes de
multipolarisation du monde.
e
Une doctrine adaptée aux défis du xxi siècle ?

Dans le contexte du retour de la compétition entre puissances et les


tensions exacerbées par la guerre en Ukraine, la dissuasion est plus
que jamais pertinente. Pour la plupart des États dotés, la dissuasion
est une stratégie envisagée dans des circonstances extrêmes. Les
forces doivent pouvoir survivre à n’importe quelle attaque et mener
des frappes de représailles suffisantes pour dissuader n’importe
quel adversaire. La France se singularise par la possibilité offerte au
chef de l’État de mener une frappe d’avertissement devant rétablir
la dissuasion et marquer la détermination de répliquer. L’Inde
comme la Chine ont marqué leur attachement au caractère défensif
de la dissuasion en adoptant des doctrines de « non-emploi en
premier ». À l’inverse, le Pakistan s’appuie sur un arsenal varié
incluant des armes de portée et de puissance plus réduites pour
pouvoir dissuader toute attaque conventionnelle de son territoire.
Quant à Israël, il ne reconnaît pas posséder d’armes nucléaires et
joue donc la carte de l’opacité.
Au total, les neuf pays détenteurs comptabilisent environ 14 500
armes nucléaires, un chiffre désormais stable mais qui cache de
fortes disparités.
La Russie et les États-Unis continuent de détenir environ 92 % des
armes nucléaires mondiales. Au-delà des chiffres, les puissances
nucléaires veillent à moderniser leurs arsenaux pour en améliorer les
performances, la fiabilité et la sécurité.
Éradiquer la faim, un désir sans

fin

Si les famines ont aujourd’hui quasiment disparu, plus de


800 millions de personnes dans le monde continuent
d’être encore sous-alimentées ou carencées, alors que la
quantité d’aliments produite dans le monde est suffisante
pour nourrir la planète. D’ailleurs, selon le rapport du
Réseau d’information sur la sécurité alimentaire,
l’insécurité alimentaire aigüe a augmenté en 2022, plaçant
258 millions de personnes dans 58 pays dans une
situation de grande vulnérabilité.

811 millions de malnutris

Entre 2007 et 2020, le nombre de personnes sous-alimentées est


passé d’un milliard à 811 millions. La sous-alimentation concerne
principalement les pays en développement (Afrique subsaharienne)
et correspond à la « faim visible » affectant les personnes qui ne
disposent pas d’assez de nourriture pour atteindre les 2 000 à
2 500 calories par jour et par personne. La faim visible doit être
distinguée de la « faim invisible » liée à des déficits en minéraux et
en vitamines. En 2017, on compte 156 millions d’enfants de moins
de cinq ans atteints d’un retard de croissance en raison de la
malnutrition et 50 millions d’enfants dont la vie est menacée par la
sous-alimentation. Faims « visible » et « invisible » concernent aussi
une partie de la population des pays riches, celle qui a besoin de
l’aide alimentaire, dont le nombre a crû en raison de la pandémie
de Covid-19, notamment chez les jeunes.

Pauvreté et mauvaise répartition des ressources

Les causes de la sous-alimentation sont d’abord liées à la pauvreté


et à la répartition des ressources plutôt qu’au déficit de celles-ci. La
production agricole actuelle, si elle était plus équitablement répartie
dans le monde et entre les individus, permettrait de satisfaire les
besoins de tous. Il faut aussi tenir compte de l’accès à cette
nourriture, que les guerres et conflits rendent souvent impossible,
ainsi que d’éventuels choix stratégiques de certains pays qui
privilégient les cultures d’exportation au détriment des cultures
vivrières, comme le Brésil.
L’augmentation du prix des denrées alimentaires sur les marchés
mondiaux (2008), liée à la spéculation de quelques grandes firmes,
a déclenché une « crise alimentaire » qui s’est manifestée par des
émeutes de la faim, notamment en Afrique où certains pays sont
très dépendants des importations. Si les pauvres n’ont pas l’argent
nécessaire pour l’achat de la nourriture, l’augmentation de la
production ne leur sert à rien. En réduisant l’approvisionnement du
marché en produits agricoles, en majorité du blé, la guerre en
Ukraine fait peser un risque sur la stabilité des prix : si ses
exportations de céréales et d’oléagineux ont finalement pu
s’effectuer grâce à l’accord sur les céréales en mer Noire et l’accès
à des voies de transit de l’Union européenne, cela n’a pas été
suffisant pour compenser le choc économique pour la plupart des
pays en développement, fragilisés par l’inflation et la dépréciation
monétaire. À ce risque lié à l’approvisionnement s’ajoute celui de la
spéculation déjà visible sur le marché céréalier au printemps 2022,
alors que les stocks ne font pas encore défaut.

La faim, une question « sociopolitique »

Si aujourd’hui sept pays ont atteint dans le monde des niveaux


d’insécurité alimentaire catastrophiques, c’est en raison de
l’instabilité politique, en particulier en Afrique (Somalie et Soudan
du Sud). Haïti est également concernée pour la première fois, en
raison des gangs qui créent un climat de violence, qui limite l’accès
et la disponibilité à la nourriture. La faim est donc d’abord une
question socio-politique avant d’être liée à la production agricole et
aux conditions naturelles. Néanmoins, elle concerne les pays où les
systèmes agricoles sont très sensibles à la variabilité des
précipitations et des températures, où la subsistance d’une partie
de la population dépend de l’agriculture traditionnelle, elle-même de
plus en plus sensible au changement climatique.

L’objectif fixé par les Nations Unies d’éradiquer la faim dans le


monde d’ici à 2030 continue donc de s’éloigner.

« Quand des grands pays comme l’Inde, la Thaïlande ou le Vietnam


décident de fermer leurs frontières d’export sur le riz pour éviter que
leur population voit leur alimentation augmenter, cela crée aussi des
dysfonctionnements sur les marchés et une augmentation de prix. »
Mathieu Brun, directeur scientifique de la Fondation pour
l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM), Atlantico,
juillet 2022.
Des guerres pour les ressources

Si, en général, elles ne sont pas la cause principale des


conflits, les ressources naturelles alimentent conflits et
guerres et semblent jouer sur leur durée. D’ailleurs, les
richesses en ressources naturelles stratégiques, qu’elles
soient fossiles, minières ou renouvelables (eau, terre)
représentent un facteur ancien de conflictualité à
l’intérieur même des États.

Les conflits liés à la terre

À première vue, difficile de croire qu’agriculture et guerre puissent


avoir une quelconque relation d’interdépendance. Or, comme l’a
souligné l’historien Carl Pépin, il s’agit de deux phénomènes
intimement liés, et ce, tout au long de l’histoire : raids sporadiques
contre des villages fermiers, guerres entre nomades pour la
possession de pâturages, sans parler du pillage de champs lors de
conflits. Les réformes agraires sont sans conteste une autre cause
de conflits. Si le cas brésilien est bien connu, il en est bien d’autres
en Europe méditerranéenne, au Moyen-Orient, au Maghreb, en
Afrique australe ou en Asie : ainsi la question agraire est à l’origine
de la guerre en Afghanistan (1979-1989), ou de violences lors de la
décolonisation au Vietnam ou en Corée.
Concurrence pour l’eau

Dans les régions traditionnelles d’irri-gation, la concurrence pour


l’eau a toujours existé. Les différends étaient réglés par des
associations ou par l’État, ce qui explique l’émergence précoce
dans ces contrées d’un droit à l’eau, comme en Espagne.
Aujourd’hui, parallèlement à la croissance des besoins, ces conflits
se sont généralement amplifiés et voient s’opposer des groupes aux
intérêts divergents tels les agriculteurs, industriels, gestionnaires
d’équipements touristiques et responsables de la gestion des villes
notamment. Certains conflits opposent des régions entières, le plus
souvent les régions excédentaires aux régions déficitaires, d’autres
des intervenants situés dans le même bassin hydrographique.
Les conflits internationaux sont les plus virulents. Ils découlent d’un
partage politique du monde sans lien avec les bassins
hydrographiques des grands fleuves qui sont pour la plupart à
cheval sur plusieurs pays : 286 bassins seraient dans ce cas et cela
couvre près de la moitié des terres et concerne 153 pays (ONU-Eau,
2018). Ces conflits opposent les habitants de l’amont et de l’aval ou
ceux des deux rives et concernent principalement les eaux
d’irrigation, la construction de barrages ou encore les pollutions. Ils
portent surtout sur les volumes d’eau. En général, ces conflits sont
difficiles à résoudre pour des raisons culturelles, des raisons
géopolitiques ou d’inégalités entre partenaires, et souvent, faute
d’instances d’arbitrage reconnues. Des accords internationaux
existent cependant pour 158 des 286 fleuves ou lacs,
principalement pour l’hydro-électricité et l’utilisation de l’eau.

Les ressources, un facteur aggravant de conflit

Si l’explication du caractère intrinsèquement conflictuel des


ressources ne fait pas l’unanimité entre les chercheurs, il apparaît
indéniable que la présence de ressources naturelles (principalement
de pétrole, de pierres précieuses et de cultures de drogues)
augmente la probabilité de déclenchement des conflits, puis leur
durée et leur intensité et influe sur leur portée géographique.
Comme l’a souligné Claske Dijkema, spécialiste de la dynamique
des conflits, les interventions des gouvernements pour défendre
leurs ressources constituent une première source de conflit. Il s’agit
le plus souvent d’interventions dans le cadre d’accords
internationaux pour sécuriser l’accès aux ressources : c’est le cas

É
de la France au Niger pour sécuriser l’uranium, des États-Unis et de
leurs bases militaires au Moyen-Orient, ou encore de la Chine au
Soudan pour assurer la protection des oléoducs qu’elle construit.
Autre cause de conflit : la violence exercée par certains États
autoritaires pour opprimer les groupes d’opposition et/ou contrôler
certaines régions riches en ressources. Les exemples du
Kazakhstan (pétrole) ou du Zimbabwe (diamants) sont à ce titre
emblématiques. Mais ce sont sans doute les violences alimentées
par l’économie de guerre qui sont la manifestation la plus intense
des conflits, lesquels aboutissent alors le plus souvent à des
guerres civiles. On peut citer la guerre civile qui a déchiré la Sierra
Leone : entre 1991 et 2002, les diamants extraits par les rebelles du
Front révolutionnaire uni (RUF) étaient introduits clandestinement à
Monrovia, au Liberia, où ils étaient vendus très bon marché à des
marchands étrangers originaires du monde entier et dont les
revenus servaient à acheter armes et munitions.

Aujourd’hui, 60 % des 450 frontières maritimes de la planète


n’ont toujours pas été délimitées.
Si certains conflits concernent le pétrole, comme en mer de Chine,
dans d’autres cas ce sont les ressources halieutiques qui sont visées.
Le droit à l’avortement menacé

dans le monde ?

Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis est


revenue sur l’arrêt Roe v. Wade, qui garantissait le droit à
l’avortement aux femmes américaines depuis 1973,
contribuant à sa remise en cause dans 18 États
américains. Alors qu’en France, la loi Veil légalisant
l’avortement approche de ses 50 ans, certains veulent
faire inscrire ce droit fondamental dans la Constitution.

Un monde dual

Aujourd’hui, plus de 60 % de la population mondiale vit dans des


pays où l’avortement est autorisé, sans ou avec restriction, pour des
raisons qui vont de la santé de la femme à des facteurs socio-
économiques comme les ressources économiques de la femme,
son âge et son statut matrimonial. À l’inverse, près de 26 % de la
population mondiale réside dans des pays où l’avortement est
interdit, principalement dans les pays du Sud. Lorsque la Chine et
l’Inde, les deux grands pays en développement qui autorisent
l’avortement, sont retirés de l’analyse, c’est alors plus de 8 femmes
sur 10 qui résident dans des pays où il est très difficile voire
impossible d’avorter légalement.
Durant les quinze dernières années, les lois sur l’avortement ont été
assouplies dans un grand nombre de pays du Sud dont le
Cambodge, la Colombie, la Thaïlande et le Népal. Mais quatre pays,
le Salvador, le Nicaragua, les États-Unis et, en Europe, la Pologne,
ont au contraire durci leur législation. Partout dans le monde, le
droit à l’avortement ne fait pas partie des acquis fondamentaux des
droits des femmes et peut être remis en question tant il fait l’objet
de vives polémiques.Pourtant, la plupart des études montrent que
lorsque les lois sont restrictives, les actes se pratiquent au
détriment de la sécurité des femmes qui continuent d’avorter
illégalement dans des conditions sanitaires inadaptées. Les
avortements non sécurisés provoquent environ 39 000 décès par an
dans le monde. Le nombre d’avortements dans le monde est estimé
à près de 43 millions en 2021 (pour 46 millions en 1995), selon
l’Organisation mondiale de la santé. 22 millions d’actes sont
pratiqués illégalement dans des conditions dangereuses et
concernent, pour la plupart, les pays en voie de développement.
Cette diminution s’explique par la forte baisse des grossesses non
désirées, de 69 ‰ en 1995 à près de 50 ‰ en 2021. Mais ce chiffre
affiche de très fortes variations d’un pays à un autre et aussi selon
les statuts socio-économiques des femmes concernées. Plus
importante dans les pays développés, cette évolution est aussi une
conséquence de l’augmentation de l’usage des moyens de
contraception, de 54 % en 1990 à 63 % en 2019.

Avortement sélectif pour choisir le sexe

L’avortement pratiqué de manière récurrente dans certains


contextes conduit à des déséquilibres importants en termes de sex-
ratio. Le sex-ratio est le rapport du nombre de garçons par rapport
au nombre de filles. Les estimations de l’ONU, en 2015, donnent
pour la population mondiale un rapport moyen de 102 à 100. Pour
certains pays d’Asie, notamment l’Inde, la Chine, la Corée du Sud,
le Bangladesh, le Pakistan, le sex-ratio est de plus de 110 et dans
certains États indiens et provinces chinoises le rapport montre un
différentiel de plus de 120.
Les conséquences sont préoccupantes : en Inde et en Chine, on
estime qu’il y a un déficit de 80 millions de femmes en 2019 ! Dans
certaines régions, les hommes doivent parcourir des centaines de
kilomètres pour trouver une épouse. Loin de se résorber, la
tendance à l’avortement des filles s’aggrave. La sélection du sexe à
la naissance est facilitée par le recours à l’échographie, puis à
l’avortement sélectif, à cela s’ajoutant l’infanticide et une négligence
sanitaire infantile pour les filles. Des politiques répressives, comme
l’interdiction de pratiquer des examens prénataux pour déterminer
le sexe du fœtus et d’avorter par choix, ne parviennent pas à pallier
ces dérives.
Aujourd’hui, certains États en Inde (Andhra Pradesh, Tamil Nadu)
mettent en place des incitations comme l’offre d’une prime aux
parents qui ont une fille et ce sont ces régions qui montrent le plus
faible déséquilibre de sex-ratio. La bataille n’est pas gagnée car,
récemment et pour la première fois, une étude suggère la présence
d’avortements sélectifs hors d’Asie, dans des communautés
indiennes immigrées en Grande-Bretagne.

En Europe, l’Islande est le premier pays à légaliser dès


1934 l’avortement, suivi de la Suède et de la Finlande. La
diffusion et la généralisation des lois dépénalisant l’avortement se
sont faites ensuite progressivement, à partir de 1950, vers les pays de
l’Europe centrale et orientale, sachant que Lénine l’avait légalisé en
1920 en URSS.
Résorber les inégalités : une

gageure

S’il a été possible de résorber l’extrême pauvreté grâce à


un engagement international majeur des Nations unies,
les inégalités de richesses perdurent et continuent de se
creuser : les pays pauvres, qui représentent 80 % de la
population mondiale, ne disposent que de 20 % des
richesses, tandis que les pays riches et industrialisés en
détiennent 80 %.

Les inégalités globalement en baisse

La mesure des inégalités est réalisée à l’aide de l’indice de


développement humain (IDH) conçu en 1990 par le Programme des
Nations unies pour le développement (PNUD). Cet indice utilise trois
indicateurs : l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’études et
le revenu, sur une échelle allant de 0 à 1 (0 étant la situation la plus
difficile, et 1 la meilleure).
Selon le classement 2022 (données 2021), 66 pays sur 191 États
évalués appartiennent à la catégorie des pays au développement
humain très élevé et 31 à la catégorie « développement humain
faible ». Ils étaient respectivement 46 et 49 en 2010 (ONU),
soulignant un recul global des inégalités entre individus à l’échelle
de la planète, même si l’épidémie de Covid-19 a provoqué une
baisse sans précédent des valeurs de l’IDH.
Depuis 2020, un nouvel outil de mesure a été développé : l’indice de
développement humain ajusté aux inégalités (IHDI), qui considère la
perte de développement humain due aux inégalités.
La pauvreté à la source des inégalités

Introduit par le PNUD en 1996, l’indice de pauvreté humaine (IPH)


prend en compte la santé, l’éducation et le niveau de vie pour
évaluer la pauvreté, mais exclut le revenu. Pour les pays en
développement, il mesure la probabilité de mourir avant 40 ans,
l’analphabétisme des adultes, la part de la population sans accès à
l’eau potable et la sous-alimentation chez les enfants. Pour les pays
développés, il envisage la possibilité de mourir avant 60 ans, les
difficultés de lecture chez les adultes, la part de la population vivant
sous le seuil de pauvreté et le chômage de longue durée.
L’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) proposé en 2010 par
l’Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI) et le
PNUD remplace l’IPH pour les pays en développement. Il cumule
privation en matière d’éducation, de santé et de niveau de vie,
nombre d’années de scolarité et taux de scolarisation, malnutrition
et mortalité infantile, caractéristiques du logement et des sanitaires,
accès à l’eau potable et à l’électricité, nature du combustible de
cuisson, possession de matériel de transport et de communication.
Il intègre les manques graves dont souffrent les individus, en ne se
limitant pas aux aspects économiques. En Europe, 17 % des
habitants vivent sous le seuil de pauvreté de leur pays. À l’échelle
des États, le Luxembourg a un PIB par habitant sept fois supérieur à
la Bulgarie. Pour mesurer la pauvreté en Europe, on utilise un seuil
calculé en proportion du revenu médian de chaque pays égal à
60 % du revenu médian.

LA PAUVRETÉ : DES MANQUES ?


L’IPM modifie les résultats obtenus avec l’indice
« classique » :
• l’Éthiopie passe de 39 % à 90 % de pauvres ;
• le Pakistan de 23 % à 51 % ;
• le Niger des deux tiers de sa population à 93 %.
2024 : Paris accueille les Jeux

olympiques

Depuis la relance des Jeux par Pierre de Coubertin, Paris


est la seule capitale avec Londres à avoir accueilli à trois
reprises les olympiades d’été (1900, 1924, 2024). Elle est
le berceau historique du Comité international olympique
et de fédérations internationales comme la FIFA et la
Fédération internationale automobile. L’organisation des
JO 2024 renoue avec ce destin et favorise l’attractivité de
la Ville Lumière.
Les promesses de 2024

Les Jeux d’été de 2024 promettent une olympiade d’un nouveau


genre. Plus inclusive, plus respectueuse de l’environnement et
moins dépensière, cette édition est en accord avec l’Agenda
olympique 2020. Elle doit préfigurer, avec Los Angeles 2028, les
Jeux de l’avenir, mais aussi le futur de l’olympisme et des
mégaévénements que sont les grands événements sportifs
internationaux (GESI).
Paris 2024 a fait de la capitale et de son lien à Saint-Denis le centre
de son projet. Au cœur se trouve la notion d’héritage. Imposée
depuis les JO de Londres en 2012, elle vise à rendre soutenable et
durable l’impact des Jeux sur les territoires qui les accueillent.
Compliqué à mesurer et à construire, l’héritage olympique peut
constituer un « levier de changement pour la société ». Pour Marie
Barsacq, la directrice « Impact et Héritage » des Jeux, c’est « un
axe prioritaire [pour] mettre en place de nombreuses actions en
faveur de la société, grâce au sport ». Paris 2024 ambitionne ainsi
des Jeux au bilan carbone neutre tout en permettant au « Grand
Paris d’être perçu comme la capitale mondiale du sport et de le
rester ». À Saint-Denis, où est prévue l’implantation du village
olympique dans le quartier Pleyel, les Jeux compléteront un projet
d’aménagement préexistant, tout comme le village des médias au
Bourget.
Comme toute manifestation sportive internationale, les Jeux
constituent une opportunité d’aménagement du territoire et un
accélérateur de transformation et de rénovation urbaines. Avec
deux écoquartiers, 4 000 logements, quatre groupes scolaires, un
lycée et des équipements sportifs comme le centre aquatique qui
deviendra une piscine municipale, les Jeux doivent changer le
visage et l’attractivité de la cité dionysienne.

Des Jeux au service de la France

Avec 2024, Paris n’est pas la seule gagnante. Avec Versailles,


Marseille, Tahiti et le spot de surf de Teahupo’o, la France entière
est concernée. Le label Terres des Jeux s’ouvre aux territoires
désireux de « vivre les émotions des Jeux, changer le quotidien des
gens grâce au sport et permettre au plus grand nombre de vivre
l’aventure ». Les Jeux doivent aussi sportiviser la jeunesse
française. Facteur de nation branding et de nation building, cette
olympiade doit constituer un accélérateur pour le secteur sportif et
un relais pour notre soft power. Paris 2024 doit apporter un surplus
de visibilité internationale, asseoir l’attractivité de la première
capitale touristique mondiale et dynamiser la première région
économique d’Europe. L’occasion de renouveler les représentations
de la France.

Les Jeux pourront renouveler les regards portés sur la Seine-


Saint-Denis, département le plus jeune et pauvre de France. Ils
faciliteront la construction métropolitaine du Grand Paris et
l’intégration régionale, mais éviteront-ils la gentrification et la
ségrégation sociospatiale ?
Les JO, instruments du soft

power des États

Plate-forme diplomatique, instrument de rayonnement,


outil de soft power, le mégaévénement sportif, comme les
JO, est devenu une arme protéiforme instrumentalisée
par les États et visionnée par la moitié de la planète.
Depuis les années 1990, la plupart des dirigeants
cherchent à se l’approprier afin de construire une image
et un narratif. Paradoxalement, il permet également de
dévoiler la réalité des régimes hôtes. Dès lors, il est une
arme à double tranchant.
Un instrument politique

Alors que l’hyperpuissance militaire ne peut compenser


l’hyperpopularité et que la course à l’armement a cédé sa place au
rayonnement culturel, le caractère mondovisuel des méga-
événements sportifs peut permettre à chaque nation de se façonner
une image et « d’étendre son influence idéologique en augmentant
son espace vital », selon Pascal Boniface. Ainsi, le méga événement
participe-t-il à la construction de l’image de marque d’une nation
(nation branding), de son édification et de son unité (nation building).
Il est donc un vecteur de soft power idéal, car il est à la fois
populaire et symbolique de la puissance.

À l’heure de la globalisation et de l’importance des opinions


publiques – notamment à travers les réseaux sociaux –, la
domination passe par le rayonnement médiatique. Réunissant
régulièrement la moitié de la planète lors d’un match ou d’une
cérémonie d’ouverture, les méga événements sont devenus de
véritables instruments géopolitiques d’exaltation de la « puissance
de l’imaginaire ». La plupart des États les abordent comme des
instruments de marketing destinés à présenter leur nation à la façon
d’une entreprise qui modèlerait son image. Selon le géographe
Pascal Gillon, ils sont « un phénomène social instrumentalisé par
des acteurs qui établissent des stratégies pour en prendre le
contrôle et/ou s’en servir ». Dans ce contexte, les États autoritaires
ont cette particularité de pouvoir mettre en branle l’ensemble de
l’économie, du politique et de la société pour obtenir le résultat
escompté (JO de Beijing en 2008, JO de Sotchi en 2014, ou encore
Coupe du monde 2022 au Qatar).
Un exercice potentiellement périlleux

Pour que cette stratégie soit efficace, encore faut-il que la tenue de
l’événement soit une réussite. Si 3 milliards de personnes ont vu la
cérémonie d’ouverture des JO de Sotchi, 3 milliards de personnes
ont vu l’un des anneaux olympiques ne pas s’ouvrir. Bien plus
dramatique, le méga-événement présente un risque terroriste
inhérent à son ultramédiatisation. L’attentat des JO de Munich
de 1972 en est l’illustration. Du rêve au cauchemar, ce n’est pas
tout d’obtenir un événement, encore faut-il qu’il se déroule bien.
L’organisation d’une manifestation sportive de premier plan
nécessite d’énormes ressources matérielles et humaines. Pour un
pays comme la Russie où de nombreuses infrastructures avaient
été laissées à l’abandon dans les années 1990, l’accueil
d’événements sportifs en cascade a un coût non négligeable, mais il
est également un accélérateur d’urbanisation et de modernisation.
Selon les chiffres officieux, les JO de Sotchi 2014 auraient par
exemple coûté 50 milliards de dollars. À ce prix, la Russie a donc pu
s’offrir à la fois le luxe de l’éphémère, en accueillant les JO deux
semaines durant, et du pérenne en rénovant et en reconstruisant
une partie de la ville de Sotchi et de ses infrastructures sportives
locales pour un investissement à long terme.

Une plate-forme diplomatique

Les mégaévénements sportifs sont des événements sportifs


culturels à grande échelle, qui contiennent par essence un degré
important de « dramaturgie », attirent les masses venues du monde
entier et sont reconnus comme d’importance mondiale. Le
mégaévénement s’impose donc comme un outil diplomatique de
communication entre les États qui leur permet de continuer ou de
reprendre le dialogue lorsque celui-ci est tendu ou rompu. En outre,
il est fréquent que des rencontres formelles et informelles se
tiennent entre les hauts fonctionnaires de différents États. Le sport
permet donc de comprendre les intentions et les stratégies des
États entre eux, à travers l’étude des discours et des symboles mis
en avant dans ses différents usages politiques. Il exprime la
É
puissance des États sous toutes leurs formes et constitue un outil
diplomatique destiné à signifier l’intention d’un État envers un autre.

La diplomatie du sport n’est pas uniquement culturelle et


économique, c’est également un substitut à la guerre. Comme la
guerre froide était un substitut à la « guerre chaude », la diplomatie
sportive est préférée à l’affrontement armé.
Pétrolier au GNL (gaz naturel liquéfié) ancré dans le petit îlot industriel de
GNL de Revithoussa équipé de réservoirs de stockage, Salamina, Grèce
(photo de drone aérien).
Photographie : © Aerial-motion/Shutterstock

L’Union européenne tente d’affirmer


sa souveraineté
L’enchaînement des crises va-t-il,
paradoxalement, renforcer l’Europe ?Les
secousses de ces dernières années ont révélé les
failles européennes.

P
endant la pandémie, les pays européens ont découvert avec
surprise qu’ils ne maîtrisaient pas la chaîne de production
des vaccins... et qu’ils restaient dépendants de l’Asie pour
la livraison de certains médicaments. La guerre en Ukraine a mis
en évidence la dépendance de certains États au gaz russe.
L’industrie européenne est menacée par les subventions massives
décidées par Joe Biden pour attirer les entreprises sur le sol nord-
américain.
L’objectif de ces prochains mois, réaffirmer la souveraineté de
l’Europe. D’abord sur le plan énergétique avec la diversification
des fournisseurs de gaz, essor des énergies renouvelables, nouvelles
interconnexions électriques entre les pays européens, création
d’infra-structures destinées a l’hydrogène.
Ensuite, sur le plan militaire, l’Europe doit-elle dépendre de
l’OTAN ou pouvoir se défendre seule ? C’est l’un des débats les
plus virulents au sein des 27.
Enfin sur le plan économique. Après avoir lancé pour la première
fois un « grand emprunt » à l’échelle européenne pour financer la
reprise post-pandémie, l’Union cherche à pouvoir investir
directement dans les domaines clés pour demain (transition
écologique, numérique...).
Et ce, même si la plupart des décisions stratégiques nécessitent
l’unanimité des 27 États membres – une source de blocage non
négligeable...
Frédéric Says
Journaliste à la rédaction internationale de Radio France
Ancien auteur du Billet politique de France Culture
Retour sur l’histoire

Sommaire

Il y a 230 ans, l’esclavage est aboli


Il y a 210 ans, un nouvel ordre pour l’Europe
Il y a 200 ans, la fin de l’Empire colonial
espagnol
Il y a 130 ans, la renaissance des Jeux
olympiques
Il y a 80 ans, Paris libéré
Il y a 55 ans, on a marché sur la Lune
Il y a 25 ans, la naissance de l’euro
Il y a 10 ans, l’annexion de la Crimée par la
Russie
Il y a 230 ans, l’esclavage est

aboli

Révolution des droits de l’homme, la Révolution française


pouvait-elle ignorer l’existence d’esclaves sur des
territoires relevant de la souveraineté française ? Si
l’Assemblée constituante (1789-1791) ne porta pas la
moindre atteinte au système colonial esclavagiste, ce fut
le soulèvement général des esclaves du nord de Saint-
Domingue, le 22 août 1791, qui imposa une extension des
droits humains aux esclaves, par la proclamation sur
place de l’abolition de l’esclavage sans condition le
29 août 1793, ratifiée le 4 février 1794.
1789 : quelle mobilisation de l’opinion publique ?

Début 1789, au moment des États généraux, la question de


l’esclavage paraissait lointaine aux Français aux prises avec leurs
dures conditions d’existence. Pourtant, ce sujet ne fut pas
totalement absent des esprits, comme en témoignent les cahiers de
doléances rédigés par les paroisses rurales, les villes et les trois
ordres des bailliages et sénéchaussées. La répartition de ces
cahiers montre une France coupée en deux, selon une ligne allant
de la basse Loire au Jura : 80 % des doléances exprimées sur
l’esclavage se trouvent au nord de cette ligne, qui recoupe presque
fidèlement la ligne séparant la France fortement alphabétisée de
celle qui l’était peu.

L’indifférence supposée des Français sur ces questions est avant


tout le signe d’une sous-information, à peine atténuée par la
propagande récente de la Société des Amis des Noirs. Le nombre
relativement faible de fêtes célébrant l’abolition de l’esclavage
en 1794 constitue un autre indice de ce décalage entre l’importance
historique de l’événement et sa perception atténuée dans l’opinion
publique.
La première abolition de l’esclavage

La révolution coloniale fut inaugurée par les colons qui virent dans
les principes de 1789 le moyen politique de briser la tutelle de la
métropole sur leurs activités. L’Assemblée constituante finit par
donner tous les pouvoirs aux colons, à l’exclusion des libres de
couleur et plus encore des esclaves, par la création d’assemblées
coloniales blanches dotées de larges pouvoirs. La révolte armée
des mulâtres, fin 1790, montra à l’opinion française que les colons
ne représentaient pas à eux seuls les colonies, mais qu’ils en étaient
« l’aristocratie ». L’insurrection des esclaves, en août 1791, amena
la révolution à abolir l’esclavage par le décret du 4 février 1794,
étendant à toutes les colonies françaises l’abolition proclamée à
Saint-Domingue.
Ainsi, la Révolution française réintégrait au sein de l’humanité les
centaines de milliers d’Africains réduits en esclavage après avoir été
déportés en Amérique.
En 1802, le Consulat opte pour un retour à l’ancien régime colonial
en rétablissant l’esclavage et la traite négrière. Pour les anciens
esclaves et les libres de couleur, la fin de la République se concrétise
par le retour à la servitude pour les premiers et à l’inégalité des
droits pour les seconds.
Il y a 210 ans, un nouvel ordre

pour l’Europe

L’ordre européen instauré par la paix de Westphalie


(1648), fondé sur le principe de patrimonialité dynastique,
s’est effondré. Les adversaires de Napoléon pensent
restaurer cet ordre perdu autour du principe de légitimité,
lors du congrès de Vienne. Mais les soulèvements
populaires et le principe des nationalités sont de
puissants ferments déstabilisateurs.

Restaurer l’ordre ancien

Quatre-vingt-dix États européens constitués se réunissent dans la


capitale autrichienne, à partir du 1er octobre 1814, sous la
présidence du chancelier Metternich. Mais le véritable pivot est le
tsar Alexandre, bien davantage que Talleyrand, à l’action duquel on
réduit trop souvent les péripéties des négociations entre les
grandes puissances et les petits États. Les différends portent sur
l’avenir de la Pologne et de la Saxe, et sur le sort de Murat, toujours
roi de Naples. L’effondrement rapide du gouvernement de Louis
XVIII et le retour de Napoléon en mars 1814 soudent les
protagonistes autour du refus d’entamer des négociations avec le
régime impérial libéral.
L’ambiance de mobilisation patriotique en France et le renouveau
des symboles de 1793 mènent les congressistes à une
condamnation sans appel de la Révolution et à la réaffirmation du
principe de légitimité. Il s’agit d’un pacte de garantie mutuelle des
gouvernements installés, à condition qu’ils ne soient pas le produit
d’une insurrection populaire. Le document final est signé le
9 juin 1815. Les Bourbons sont restaurés à Madrid, à Naples, à
Paris. La France est ramenée à ses frontières de 1790. Les
territoires allemands sont partagés entre la Prusse qui s’étend vers
l’ouest en annexant la Westphalie, l’Autriche qui rétablit son
influence sur l’Italie du Nord, et une nébuleuse appelée
« Confédération germanique ». Le royaume de Piémont-Sardaigne,
restauré, annexe la Ligurie. Le pape Pie VII a retrouvé sa puissance
temporelle avec les États pontificaux. La Pologne et la Finlande
tombent dans l’orbite russe. L’Angleterre fait pression pour
l’instauration du royaume unifié de Belgique et des Pays-Bas, pour
créer un État tampon entre la France et la Prusse.

Éliminer l’Empire

Signé le 10 novembre 1815, le traité de Paris, présenté « dans le


souhait de consolider, en maintenant inviolée l’autorité royale »,
entérine la disparition de l’Empire napoléonien. La France perd, au
profit de la Prusse et des Pays-Bas, Landau, Sarrebruck et
Sarrelouis, Bouillon, Philippeville et Mariembourg, ainsi que les
conquêtes territoriales des armées révolutionnaires entre 1790
et 1792. En outre, elle doit payer 700 millions de francs
d’indemnités et entretenir une armée alliée d’occupation de 150 000
soldats sur les territoires frontaliers du pays pour une durée de
cinq ans.
Empêcher toute contestation

Le nouvel équilibre européen de Vienne tourne le dos aux


aspirations nationales et libérales qui s’expriment en Italie, en
Allemagne, en Pologne, en Espagne. L’Angleterre, la Russie,
l’Autriche et la Prusse concluent en novembre 1815 un pacte
d’alliance qui déclenche une action commune contre tout
mouvement révolutionnaire en France et en Europe.
Cette alliance participe à la création du système des congrès qui
vise à la stabilité européenne, par le maintien du statu quo. Les
grandes puissances se réunissent ainsi à plusieurs reprises pour
discuter de la sécurité du continent. De fait, hormis des guerres
bilatérales ou régionales, ce système des congrès a permis d’éviter
un conflit généralisé tout au long du xixe siècle et a représenté un
instrument de paix efficace. Ce concert européen met fin à la
logique des alliances opposées et constitue une bonne soupape de
sécurité qui contribue au sentiment d’appartenance européen. Mais
le maintien du statu quo se fait le plus souvent au détriment des
mouvements nationaux et des libertés. Il contribue donc à
engendrer des troubles, essentiellement jusqu’au Printemps des
peuples en 1848, qui sont matés par la répression ou la censure.
Née après le congrès de Vienne, la diplomatie de conférences existe
toujours aujourd’hui et se concrétise par ses grands sommets
internationaux ou européens.

« Avec ses séances officielles, ses conciliabules de salons, ses


apartés, ses réceptions, ses revirements, ses célébrations en marge
des discussions politiques, mais aussi sa structure – il s’organise
bientôt en commissions et comités –, le Congrès inaugure aussi l’ère
de la diplomatie professionnelle moderne. »
Marie-Pierre Rey, historienne
Il y a 200 ans, la fin de l’Empire

colonial espagnol

Après trois siècles de colonisation, l’Amérique latine voit


naître au début du xixe siècle un grand mouvement
indépendantiste qui se propage dans l’ensemble de la
région. Ce mouvement trouve son origine dans la
décadence des empires coloniaux qui perdent
progressivement le contrôle de leur territoire, tandis que
les idées de la Révolution française se diffusent.

La décadence des empires espagnol et portugais

À partir du xviiie siècle, l’Espagne et le Portugal sont en déclin ; leurs


économies sont dépassées par celles d’autres pays européens,
comme l’Angleterre, et leur niveau d’endettement constitue un
obstacle à leurs ambitions extérieures. De leur côté, les colonies
produisent d’énormes richesses qui permettent aux Créoles
d’exercer une influence et un pouvoir croissants dans la vie
politique des colonies. Les tensions augmentent avec les
soulèvements des indigènes et des esclaves, qui représentent 85 %
de la population totale des colonies. Les États espagnol et
portugais entrent dans une profonde crise en 1807-1808, au
moment de l’expansion napoléonienne. À partir de cette époque, un
nationalisme colonial commence à émerger. Les colonies voient
dans la métropole un obstacle au progrès. Leur développement
économique est de fait bloqué par l’interdiction du commerce entre
les colonies et par le monopole total qu’exercent les empires sur
leur commerce international. En outre, les deux États colonisateurs
sont affaiblis au cours du xixe siècle par les attaques britanniques
contre les colonies et les flottes espagnoles. Tous ces problèmes
politiques et sociaux ont comme conséquence la déstabilisation des
métropoles. Les conditions sont propices à l’émergence des
mouvements indépendantistes tandis que les populations locales
réclament de plus en plus d’autonomie vis-à-vis des autorités
espagnoles et portugaises.

Mouvements indépendantistes

Le processus d’indépendance naît dans la région d’Hispaniola, alors


que se diffusent les idées de « liberté, égalité, fraternité » issues de
la Révolution française. Les colonies revendiquent de plus en plus
fermement leur liberté et leur indépendance, s’opposant à
l’absolutisme et aux contrôles exercés par les métropoles. Le
mouvement indépendantiste débute au xixe siècle, lorsque
l’empereur Napoléon Bonaparte envahit l’Espagne et nomme son
frère Joseph nouveau roi. Dans un premier temps, les colonies
affirment leur opposition aux autorités françaises, pour ensuite
déclarer leur indépendance. En 1810, la population des régions de
Caracas (Venezuela) et de Buenos Aires se soulève contre les
autorités espagnoles. En 1816, le congrès de Tucumán déclare
l’indépendance des Provinces-Unies du Río de la Plata, puis,
en 1817, Simón Bolívar réunit un congrès à Angostura qui déclare
l’indépendance du Venezuela en 1819. Ce mouvement touche aussi
Cartagena et Bogotá, en Colombie. Il est conduit par de grands
leaders comme Simón Bolívar, dans les régions andines, et José de
San Martín, au Chili et au Pérou. De nombreuses batailles ont lieu,
telles que celles de Junín et d’Ayacucho en 1822 pour la libération
du Pérou. Vers 1824, l’Espagne perd l’ensemble de ses territoires, à
l’exception de Cuba et de Porto Rico, qui seront indépendants à la
fin des années 1890.
Au Brésil, les événements prennent une tournure différente.
En 1807, le roi du Portugal et sa cour avaient fui le royaume envahi
par la France pour se réfugier au Brésil. De retour au pays en 1820,
le roi laisse le Brésil aux mains de son fils Dom Pedro qui, en 1822,
est couronné empereur. S’ensuit une guerre civile de trois ans, à
l’issue de laquelle le Portugal reconnaît l’indépendance du Brésil. La
domination oligarchique des grandes familles reposant sur
l’esclavage n’est pas abolie pour autant. L’empire du Brésil cède la
place à une république et met un terme à l’esclavagisme en 1889.
Quito précurseur

C’est à Quito, en Équateur, qu’a abouti le premier mouvement


d’insurrection contre la Couronne espagnole. Le 10 août 1809, soit
un an après l’invasion de l’Espagne par Napoléon, cette révolution a
conduit à la création de la première assemblée (junta) indépendante
d’Amérique latine. À cette époque, Quito dépendait du vice-
royaume de Santa Fe et Guayaquil du vice-royaume de Lima. Les
villes de Pasto, Cuenca et Guayaquil refusant d’appuyer le
mouvement révolutionnaire, Quito se trouve isolé. La Couronne
reprend le contrôle de ce territoire depuis Guayaquil en
octobre 1809, puis les dirigeants de la junta sont emprisonnés.
Dans un climat de guerre civile, le Congrès constituant proclame
l’indépendance du territoire de Quito. Une nouvelle junta se met en
place et une Constitution politique est adoptée le 15 février 1812.
Mais les Espagnols, emmenés par Toribio Montes, reprennent Quito
le 8 novembre 1812.
Après une décennie de répression, le maréchal Sucre reprend Quito
aux Espagnols en 1822, pour le rattacher au territoire indépendant
de la Colombie.

« Tous les peuples du monde qui ont combattu pour la liberté ont
finalement éteint leurs tyrans. »
Simón Bolívar
Il y a 130 ans, la renaissance des

Jeux olympiques

C’est en 1894 que le baron Pierre de Coubertin forge


l’idée de faire renaître les jeux antiques lors d’un discours
à la Sorbonne. Deux ans plus tard ont lieu à Athènes les
premiers Jeux olympiques (JO) modernes. Véritable
messe du sport mondial, ils réunissent aujourd’hui le
monde entier. Officiellement neutres, ils sont pourtant
conçus comme un instrument de pouvoir dès leur
création.

Faire renaître les Jeux antiques

Quand le baron Pierre de Coubertin prend la parole le 23 juin 1894


dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne devant 2 000
personnes, il s’agit officiellement de diffuser les valeurs de
l’amateurisme et du sport à travers la France et l’Europe. Mais
l’intérêt est ailleurs. En dernier point, l’aristocrate convoque « la
possibilité du rétablissement des Jeux olympiques ». Voté à
l’unanimité par 72 invités venus de 12 pays, le texte marque d’une
pierre blanche le retour des JO à l’ère moderne.
Pourtant, l’idée d’une renaissance des JO n’est pas uniquement à
mettre au crédit du baron. Durant la deuxième moitié du xixe siècle,
il y a un « air du temps olympique ». La Grèce voit renaître les
vieilles idées antiques dans un contexte de reconstruction nationale.
Entre 1856 et 1888, les « olympiades de Záppas » se tiennent à
Athènes à quatre reprises. Du nom du richissime entrepreneur et
philanthrope grec Evángelos Záppas, ces proto-JO, connaissent un
succès croissant avec pas moins de 70 000 spectateurs lors de leur
dernière édition. Parallèlement, d’importantes fouilles
archéologiques du site d’Olympie ont lieu en 1875 à l’initiative de
l’Institut archéologique allemand d’Athènes et remettent au goût du
jour les Jeux antiques. Peu à peu, l’idée olympique fait son chemin
en Europe.

Les JO de 1896 : un événement géopolitique

En obtenant l’autorisation d’organiser les premiers Jeux olympiques


modernes, le baron Pierre de Coubertin ambitionne d’en faire une
fête de l’amateurisme sportif apolitique et pacifiste destinée à
rapprocher les nations plutôt que de les éloigner. Pourtant, dès leur
création, les Jeux sont l’objet de rivalités de pouvoir dans le
contexte nationaliste intense de l’époque.
Dans un premier temps, le baron lui-même souhaite que
l’événement se tienne à Paris en 1900 pour célébrer l’Exposition
universelle. Outrées devant le chauvinisme du Français, les autorités
grecques font pression pour que les JO se tiennent à Athènes, dans
le berceau de l’olympisme. Sous pression, Coubertin accepte de
faire un compromis : la première édition se déroulera à Athènes
en 1896 et la deuxième ira dans la capitale française quatre ans plus
tard. Dès lors, les autorités grecques vont s’attacher à faire de
l’événement un moment patriotique fondateur. Le souverain
Georges Ier se fixe comme triple objectif de légitimer sa dynastie
d’origine danoise, d’unir les masses grecques grâce au sport et de
procéder à la réunification panhellénique. Ainsi, la date retenue pour
le début des JO est éminemment politique et religieuse. En effet, le
6 avril 1896 correspond au 25 mars dans le calendrier grégorien,
soit la fête orthodoxe de l’Annonciation et la date du soulèvement
grec contre l’Empire ottoman en 1821. De plus, le gouvernement
choisit de rénover entièrement le stade antique d’Athènes pour
l’occasion.
Devant 80 000 personnes, le Grec Spiros Louÿs devient alors un
héros en remportant le premier marathon de l’ère moderne. Une
victoire davantage symbolique que sportive qui cimente encore
aujourd’hui le nationalisme grec. Dans la foulée, la Grèce tente de
se réapproprier l’édition suivante et de faire d’Athènes le lieu unique
de l’événement. Coubertin s’y oppose et fait graver dans le marbre
deux règles fondatrices : les Jeux sont désormais quadriennaux et
doivent changer de lieu à chaque édition. À partir de 1994, avec la
dissociation des JO d’hiver et d’été, ils ont lieu tous les deux ans.
Un instrument de pouvoir occidental

Officieusement, la base de l’olympisme moderne est faite sur le


terreau libéral et pacifiste des élites occidentales de la Belle
Époque. En effet, intrinsèquement, les JO de 1896 forment déjà un
creuset idéologique et géographique révélateur de certaines
représentations des élites ouest-européennes. Concrètement,
l’organisation de la compétition se fait par l’intermédiaire du Comité
international olympique (CIO) composé de 13 membres issus de
l’aristocratie et de la bourgeoisie, qui représente et défend des
valeurs occidentales très prononcées à l’époque. Ainsi, Pierre de
Coubertin défend, par l’intermédiaire du CIO, l’interdiction de
concourir pour les femmes et les habitants des colonies lors de la
première édition.
De plus, en dépit des valeurs universelles prônées par le baron,
seuls 14 pays participent aux JO d’Athènes, dont la majorité est
d’Europe de l’Ouest. Jusqu’en 1920, les participants sont
principalement issus d’une petite trentaine de pays majoritairement
occidentaux. Si Coubertin prône un sport apolitique, à l’aune des
Jeux de 1896, force est de constater que les JO ont été conçus
comme un instrument de pouvoir au service des élites occidentales.
Cette ambiguïté originelle dure encore aujourd’hui.

« Impratique, inintéressante, inesthétique et, nous ne craignons pas


de le dire, incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-olympiade
féminine. »
Pierre de Coubertin à propos de l’hypothèse d’une participation
des femmes.
Il y a 80 ans, Paris libéré

Si la libération de Paris en août 1944 n’est qu’une étape


dans la course des Alliés vers les frontières du IIIe Reich,
elle marque pour les Parisiens la fin de l’occupation de la
capitale, et pour l’ensemble des Français la fin de la
division et l’espoir d’un retour rapide à la normale.

Du débarquement à la libération de Paris

La victoire soviétique le 2 février 1943 au terme de la bataille de


Stalingrad marque le coup d’arrêt et le début du déclin de
l’expansion allemande européenne sur le front de l’Europe de l’Est.
Dès lors, l’armée soviétique s’attèle à repousser la Wehrmacht hors
d’URSS, puis avec ses alliés américain et britannique à libérer
l’Europe du joug nazi. Les débarquements alliés amorcés dès
novembre 1942 au Maghreb préparent ceux prévus sur le continent
européen : d’abord en Sicile, en juillet 1943, puis ceux de
Normandie, opération Overlord du 6 juin 1944 et de Provence au
mois d’août 1944. Les troupes allemandes sont repoussées sur les
deux fronts.
Paris est libéré le 25 août 1944, mais depuis le débarquement de
Normandie le 6 juin, les Parisiens attendaient ce moment et s’y
préparaient. Ainsi, lorsque le 6 août, de Gaulle appelle les Parisiens
à combattre, les cellules de résistance sont prêtes pour attaquer
l’occupant et faciliter la progression des Alliés et de la 2e DB de
Leclerc. C’est Rol-Tanguy, le commandant des Forces françaises
de l’intérieur de la région parisienne, ces groupes de combats (dont
les Francs-tireurs et partisans) créés le 1er juin 1944 pour participer
à la libération de la France, qui lance l’ordre d’insurrection. Mais le
Conseil national de la Résistance dirigé par G. Bidault, qui regroupe
les principaux mouvements, partis et syndicats, se mobilise
également en poussant cheminots et la CGT à lancer un ordre de
grève, qui gagne rapidement tous les secteurs économiques.

Cinq jours d’insurrection

Du 20 au 25 août, les combats ont lieu dans tous les


arrondissements parisiens, mais aussi dans les villes de la couronne
(Nanterre, Aubervilliers, Ivry-sur-Seine, Suresnes….). Déterminés,
les Parisiens dressent spontanément des barricades, tandis que les
Allemands tirent sans sommation sur les passants et voient leurs
véhicules attaqués par des cocktails Molotov. Après avoir quitté le
fort de Romainville le 22, ils abattent la centaine d’otages détenus.
Les exécutions se poursuivirent les jours suivants. Acculé de toutes
parts, l’occupant se retranche en quelques points de la capitale
(Luxembourg, palais Bourbon, rue Royale, hôtel Majestic…, mais
le 25, l’entrée de la 2e DB dans la capitale, dès l’aube, par les portes
de Saint-Cloud, d’Orléans, de Gentilly, d’Italie, conduit à la bataille
décisive et à la reddition allemande, signée par le général
Von Choltitz, gouverneur militaire de Paris. Celui-ci a refusé de
détruire Paris comme le lui ordonnait Hitler, alors qu’il avait fait raser
Sébastopol en 1942 sur le front russe. En réalité, comme l’ont
démontré les travaux des historiens, il n’en avait pas les moyens. Si
des ponts et des monuments ont bel et bien été plastiqués, avant
tout pour empêcher la progression des alliés, cela ne concerne pas
toute la capitale, et le général allemand ne dispose que de
20 000 hommes lors de l’assaut allié sur Paris.
Dès la fin d’après-midi, Leclerc est rejoint par le général de Gaulle,
qui prononce dans la soirée un discours mémorable depuis l’Hôtel
de Ville. Toute la ville est en liesse, le 26, pour fêter les libérateurs,
dont de Gaulle, qui descend les Champs-Élysées à pied, acclamé
par une foule immense.
Le début de la fin

Ce n’est que le 25 avril 1945 que les armées américaine et


soviétique effectuent leur jonction sur l’Elbe. La rencontre est
immortalisée par la photographie de la poignée de main de deux
officiers. C’est l’aboutissement d’une difficile reconquête du
continent qui s’est faite par le sud et l’ouest par les troupes anglo-
américaines, et par l’est sous les coups de l’Armée rouge qui,
depuis la défaite allemande de Stalingrad et la grande offensive des
blindés soviétiques à Koursk, durant l’été 1943, a progressivement
repris le contrôle de l’Europe centrale et orientale. L’Armée rouge
pénètre dans Berlin le 2 mai 1945.

« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris


libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours
des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout
entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie
France, de la France éternelle. »
Le général de Gaulle, le 25 août 1944
Il y a 55 ans, on a marché sur la

Lune

Les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune le


20 juillet 1969 sont suivis en direct à la télévision par
500 millions de téléspectateurs. Cette conquête de la
Lune par les Américains marque le pas de la course à
l’espace lancée, pendant la guerre froide, par les
Soviétiques 12 ans plus tôt. Elle place aussi l’humanité
face à une « nouvelle frontière » qui, depuis, continue de
fasciner les hommes et de susciter la rivalité entre
nations.

La course à l’espace

Dans les années 1950, la course à l’espace se greffe aux


recherches que les deux Grands effectuent sur les missiles
balistiques. Dans l’espace, les États-Unis et l’URSS se livrent, aux
yeux du monde entier, une bataille d’autant plus spectaculaire
qu’elle est soigneusement mise en scène.
Premier coup de tonnerre : le 4 octobre 1957, le monde entier peut
capter le signal émanant du Spoutnik, le premier satellite artificiel au
monde de 58 cm de diamètre. Bien qu’annoncée, cette contribution
soviétique à l’année géophysique internationale prend le monde
entier par surprise. « Les Spoutnik, déclare Khrouchtchev, prouvent
que le socialisme a gagné la compétition entre les pays socialistes
et capitalistes (…), que l’économie, la science, la culture et le génie
créateur du peuple se développent mieux et plus vite sous le
socialisme ». Remettant en cause la supériorité technologique
américaine, l’événement provoque une crise importante aux États-
Unis : un nouvel espace à conquérir s’offrait à l’homme et c’était
l’Union soviétique qui ouvrait la voie. Il marque aussi le début de la
course à l’espace et de la compétition que vont se livrer pendant un
quart de siècle Soviétiques et Américains. Les deux Grands
comprennent vite en effet les atouts, en termes d’image, qu’ils
pourront en retirer.

En 2023, outre les États-Unis et la Russie (ex-URSS), 9 États


disposent de leur propre lanceur de satellites, outil qui fait
d’eux des puissances spatiales : la France (1965), le Japon (1970), la
Chine (1970), le Royaume-Uni (1971), l’Inde (1980), Israël (1988),
l’Iran (2009), la Corée du Nord (2012) et la Corée du Sud (2013).

Objectif Lune

Or quatre ans plus tard, le vol orbital effectué par Youri Gagarine
confirme l’avance de l’URSS. Les États-Unis ont pourtant réagi
dès 1958 en créant une agence spatiale, la NASA, dont l’objectif
devient, après le discours de Kennedy évoquant une « nouvelle
frontière » à conquérir, d’envoyer un équipage humain sur la Lune.
Dès lors, la dimension spectaculaire prime sur les aspects
scientifiques. Le programme Apollo, dont le coût s’élève à
24 milliards de dollars, est un succès et permet aux Américains de
rattraper, puis de dépasser les Soviétiques. Les premiers pas de
Neil Armstrong sur la Lune le 20 juillet 1969 sont filmés et
retransmis à la télévision, et suivis en direct par 500 millions de
téléspectateurs. La bannière étoilée flotte désormais à 385 000 km
de Washington, sur le satellite de la Terre. Dix-huit ans après
Gagarine, Armstrong se présente à son tour comme le représentant
de toute l’humanité. Le programme Apollo sanctionne le statut de
première puissance spatiale des États-Unis, un statut inchangé
jusqu’à aujourd’hui.
Avec la fin de la guerre froide, les États-Unis, l’Europe, le Canada, le
Japon et la Russie ont amorcé une coopération scientifique majeure
grâce au lancement en 1998 d’une station spatiale internationale
(ISS).
Il y a 25 ans, la naissance de

l’euro

Le premier janvier 1999 s’amorce la troisième phase de


l’Union économique et monétaire avec la mise en place
de l’euro, une monnaie unique pour 11 États membres de
l’Union européenne. L’euro n’existe alors que sous une
forme scripturale qui permet virements, paiements par
chèques et cartes bancaires, ainsi que les échanges sur
les marchés financiers, en attendant l’émission de pièces
et de billets prévue au bout des 3 ans de cette phase
transitoire.
L’Union économique et monétaire

Signé en 1992, le traité de Maastricht ouvre une nouvelle page de la


construction européenne en la transformant en une union plus
politique et en se donnant pour objectif la mise en place d’une
Union économique et monétaire, avec à terme une monnaie unique.
42 ans après la déclaration Schuman, ce projet de monnaie unique
marque un tournant dans la construction européenne et le
parachèvement du marché unique. De fait, l’euro est la suite logique
de la mise en place du marché unique, puisque la création d’une
monnaie unique est envisagée comme un moyen de renforcer les
échanges et l’intégration économique à l’échelle de l’UE.
Outre son aspect économique et financier dans la continuité du
système monétaire européen (SME), adopté en décembre 1978 afin
de restaurer la stabilité des changes entre monnaies européennes,
l’euro a une forte portée symbolique. Il touche en effet aux identités
nationales, et fait perdre aux États leurs prérogatives monétaires,
qui sont désormais entre les mains de la Banque centrale
européenne basée à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, et de
l’Eurogroupe, qui rassemble les représentants des États partageant
la monnaie unique.
D’ailleurs, le traité de Maastricht n’est adopté qu’à une courte
majorité par les Français, ce qui traduit sans doute le début d’un
euroscepticisme européen face à cette perte de souveraineté. Il est
vrai que le traité de Maastricht transforme aussi les communautés
européennes en une Union européenne et la dote d’une politique
étrangère et de sécurité commune.
L’euro, un succès

Toutefois, 25 ans plus tard, force est de constater que l’euro est un
indéniable succès. La zone euro s’est progressivement élargie,
passant de 11 à 20 membres. Le dernier pays à l’avoir rejointe est la
Croatie, le 1er janvier 2023. L’euro est aussi utilisé dans des pays
non membres qui l’ont officiellement adopté, tels le Monténégro et
le Kosovo, ou les micro-États européens (Monaco, San Marin,
Vatican et Andorre). Au niveau international, la monnaie européenne
est devenue la deuxième monnaie la plus utilisée pour les
transactions financières mondiales et est une importante monnaie
de réserve pour de nombreux États. Elle représente respectivement
près de 39 % de ces transactions (en plus des paiements à
l’intérieur de la zone euro) et environ 20 % des réserves mondiales.
L’euro n’en est pas pour autant fragile et a dû surmonter plusieurs
crises, notamment la crise des subprimes en 2008, puis celle de la
dette publique grecque en 2009. Les pays du nord de l’Europe, et
en particulier l’Allemagne, se refusent alors à éponger les dettes
grecques sans contrepartie, faisant craindre la sortie de la Grèce de
la zone euro. La Banque centrale européenne (BCE), craignant pour
la stabilité de l’euro, décide de l’achat de titres de dettes.
Depuis 2022, c’est contre l’inflation que la zone euro doit lutter, et là
encore, le rôle de la BCE est central.

« Nous avons maintenant atteint une position où les gens séparent les
institutions de leurs politiques, ce qui est la preuve de leur succès. Ils
peuvent aimer ou ne pas aimer les politiques de la BCE, mais ils ne
se demandent plus si être dans l’euro était le bon choix. »
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne
Il y a 10 ans, l’annexion de la

Crimée par la Russie

Avec le recul, l’annexion de la Crimée en 2014 apparaît


comme le premier acte de l’invasion de l’Ukraine par la
Russie, lancée le 24 février 2022. Elle traduit la volonté de
Moscou de conserver une sphère d’influence dans l’ex-
espace soviétique, voire de recréer l’URSS.

La Crimée, un enjeu stratégique

Alors que l’Ukraine a voté à plus de 92 % pour son indépendance


en 1991, avec un taux de participation de 84 %, la Russie voit avec
regret un territoire, qu’elle considère comme son berceau (la Rus’de
Kiev) et où elle dispose d’intérêts économiques et stratégiques,
notamment la base navale de Sébastopol en Crimée, s’éloigner de
son giron. La création d’une Communauté des États indépendants
au lendemain de l’éclatement de l’URSS, puis la définition d’un
« étranger proche » comme une sphère d’influence à conserver vise
à pallier la perte de l’URSS et particulièrement de ses composantes
slaves (Biélorussie ou Russie blanche et l’Ukraine appelée dans
l’Empire des tsars la « Petite Russie »). Malgré un accord en 1997
sur le maintien de la base Sébastopol sous souveraineté russe, les
relations entre Russie et Ukraine sont émaillées de tensions, suite
au processus de démocratisation ukrainien qui heurte Moscou par
le rapprochement qu’il induit avec l’Union européenne et l’OTAN.
Ces tensions s’amplifient avec l’arrivée à la présidence russe de
Vladimir Poutine en 2000 qui considère que la dissolution de l’URSS
est « la plus grande catastrophe géopolitique du xxe siècle ».
L’escalade des rivalités russo-ukrainiennes

En janvier 2006, la Russie suspend ses livraisons de gaz russe à


Kiev pendant plusieurs jours après son refus de se soumettre à
l’augmentation des prix exigée par la compagnie gazière Gazprom,
contrôlée par l’État russe. Pour Moscou, il s’agit aussi de montrer
qu’elle dispose d’une influence « certaine » ou plutôt d’un pouvoir
de nuisance sur l’Ukraine. Elle condamne ainsi le processus
démocratique de la « révolution orange » de décembre 2004 qui a
conduit à un rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne
et l’OTAN, dont l’extension en 2004 et 2007 a porté l’organisation
aux frontières de la Russie.
De nouveau, en 2013-2014, la Russie ne souhaite pas voir l’Ukraine
se rapprocher de l’Union européenne, au détriment de la
Communauté économique eurasiatique dirigée par Moscou. Les
manifestations des Ukrainiens sur la place Maïdan, qui actent le
choix populaire et démocratique d’un rapprochement avec
Bruxelles heurtent le Kremlin. En février 2014, la situation
insurrectionnelle du pays provoque une crise politique : une
présidentielle anticipée est annoncée après que le Parlement vote la
destitution du président prorusse, V. Ianoukovitch, qui s’enfuit vers
la Russie.
La Crimée, enjeu de la crise

La Crimée devient alors rapidement le principal enjeu des tensions


et de la crise entre Kiev et Moscou. La région est peuplée à majorité
de russophones que le Kremlin instrumentalise, et est stratégique
par la présence de la base de Sébastopol. En outre, cette région n’a
été intégrée à la République soviétique d’Ukraine qu’en 1954, alors
qu’elle était russe depuis le XVIIIe siècle. Ce cadeau de Khrouchtchev
à la République, où il fit une grande partie de sa carrière, a d’ailleurs
été remis en cause avec la dissolution soviétique, ce qui a poussé
Kiev à la transformer en 1995 en « République autonome dans le
cadre de l’État ukrainien », afin de calmer les revendications russes.
En 2014, la région est dirigée par le Parti des régions de
V. Ianoukovitch. Elle est donc plus réceptive au discours russe, qui
considère la destitution du président de coup d’État. Et ce d’autant
que la Russie y lance une opération militaire, qui prend le contrôle
des institutions et des aéroports. Le parlement local élit au poste de
Premier ministre, le leader très minoritaire du parti Unité russe
favorable à un rattachement à la Russie. Une déclaration
d’indépendance est proclamée quelques jours plus tard, avant la
tenue d’un référendum d’autodétermination qui récolte 96,8 % de
votes favorables. Ce vote conduit à l’annexion pure et simple de la
Crimée et de Sébastopol à la Fédération de Russie, le
18 mars 2014. Cette annexion est condamnée par l’Ukraine et la
communauté internationale : un vote de l’Assemblée générale de
l’ONU dénonce par 100 voix sur 193 (11 contre, 58 abstentions et
24 non votants) le référendum et son invalidité.
Les accords signés à Minsk en février 2015 entre la Russie et
l’Ukraine sous l’égide de la France et de l’Allemagne ne permettent
pas de restaurer l’intégrité territoriale ukrainienne, ni de mettre
totalement fin aux combats qui se poursuivent sporadiquement
dans l’est du pays (région du Donbass), grâce aux armes fournies
par Moscou aux rebelles. Cette guerre larvée devient dès lors
l’épicentre du conflit et l’enjeu de la guerre lancée en février 2022
par la Russie.
La prise de la Crimée était-elle la première étape de la guerre
actuelle en Ukraine ? Tirant bénéfice de l’instabilité
postrévolutionnaire en Ukraine, l’occupation de la Crimée par la
Russie en mars 2014 fut un coup d’éclat géopolitique. Au-delà des
simples prétentions stratégiques de la Russie, souhaitant à tout prix
éviter une « atlanticisation » de la mer Noire, cette opération a su
d’abord sédimenter un discours. Depuis le milieu des années 2000,
la Russie de Vladimir Poutine a opéré un virage nationaliste.

Faisant de la Crimée le symbole d’une reconquête légitime labellisée


sous le terme de « retour à la mère patrie », le régime russe entendait
ainsi faire table rase des « erreurs historiques » ayant en 1954
et 1991 arrimé ce territoire à une région et une nation lui étant
étrangères.
Adrien Nonjon, historien
Et demain ?

Sommaire

10 milliards d’humains en 2050


L’humanité concentrée dans les pays du
Sud
Faire reculer la mort
De l’urgence d’une transition énergétique
Vivre la ville différemment
Un monde sans voitures
Cultiver autrement
Une agriculture plus bio
Vers une disparition et migration des
forêts ?
Protéger la mer et les océans
La géoingénierie : une solution au
réchauffement ?
franceinfo
L’Inde, première puissance démographique
: atout ou fardeau ?
Courrier international
Inde. Des emplois, s’il vous plaît !
franceinfo
Un moment crucial pour l’Europe spatiale
10 milliards d’humains en 2050

Après avoir stagné ou augmenté très lentement pendant


des millénaires, la population mondiale s’est mise à
croître rapidement il y a deux siècles. Elle est passée de
près d’un milliard d’humains en 1800 à 8 milliard s
en 2022 et devrait atteindre près de 10 milliards en 2050.
L’essentiel de l’accroissement futur aura lieu au sud,
notamment en Afrique.
Le pic de croissance est derrière nous

La croissance démographique mondiale s’est accélérée de 0 à 2 %


par an vers 1965, puis a ralenti pour atteindre 0,8 % en 2022. Ce
rythme correspond à une augmentation de 67 millions d’habitants
par an (183 000 par jour, 2,1 personnes en plus chaque seconde),
en raison des 134 millions de naissances (367 000 par jour, 4,2 par
seconde) auxquelles il faut retrancher 67 millions de décès (184 000
par jour, 2,1 par seconde). À ce rythme (0,8 % par an), la population
double en près de quatre-vingt-dix ans. S’il se maintenait, les
8 milliards de 2022 deviendraient 16 milliards en 2112, 32 milliards
en 2202, etc. Pourtant les Nations unies prévoient que la population
mondiale sera « seulement » de près de 10 milliards en 2050 et
qu’elle pourrait atteindre un maximum de 10,4 milliards dans les
années 2080, le taux de croissance continuant de baisser jusqu’à
atteindre 0 % avant la fin du siècle.
Le reliquat de croissance prévu d’ici à la fin du xxie siècle est de
près d’un quart, pour passer de 8 milliards en 2022 à un peu plus de
10,3 milliards en 2100. C’est relativement peu en regard de
l’octuplement des deux derniers siècles, même si, en chiffres
absolus, cela représente tout de même 2,3 milliards d’humains en
plus. La courbe du taux de croissance annuel montre bien que
l’essentiel de la croissance démographique est derrière nous. Aucun
de nous ne réalise combien la période actuelle est unique. Jamais
avant le xxe siècle la population mondiale n’avait augmenté aussi
rapidement, et cela ne se reproduira probablement jamais plus.
Aucun humain ayant vécu avant 1930 n’a jamais été témoin d’un
doublement de la population mondiale ; et, probablement, aucune
personne née au xxie siècle ou après n’assistera à un tel
doublement. En revanche, tous les adultes de 50 ans ou plus vivant
en 2022 ont vu la population mondiale plus que doubler depuis
qu’ils sont nés.
La croissance démographique mondiale

Comptant peut-être 250 millions d’habitants il y a deux mille ans, la


population mondiale approchait du milliard à la fin du xviiie siècle. À
cette époque, son rythme d’accroissement change du tout au tout
en raison de l’amélioration des conditions de vie et de la baisse de
la mortalité. La population mondiale atteint 1 milliard vers 1800,
2 milliards en 1927, 3 milliards en 1960, 4 milliards en 1974,
5 milliards en 1987, 6 milliards en 1999, 7 milliards en 2011 et
8 milliards d’habitants en 2022. Le chiffre de 250 millions au début
de notre ère est peut-être le double de la réalité, ou bien il la sous-
estime de moitié. L’incertitude est bien plus faible aujourd’hui, de
l’ordre de 1 à 2 %. Tous les pays du monde font en effet
régulièrement l’objet de recensements. Même s’ils ne sont pas
justes, leurs erreurs se compensent en partie quand on additionne
leurs résultats pour avoir le total mondial.

En 1965, la croissance démographique a atteint le taux record de


2,1 % par an. Elle n’est plus que de 0,8 % en 2022.
L’humanité concentrée dans les

pays du Sud

La transition démographique s’est produite selon des


calendriers et des rythmes variables d’une région à l’autre
du monde et la population ne s’est pas accrue en même
temps dans les différents continents. Si l’Europe a été
pionnière dans la transition démographique, elle voit
aujourd’hui sa population diminuer au profit de l’Asie et
de l’Afrique.

Plus d’1 humain sur 3 pourrait être africain en 2100

L’Europe, pionnière dans la transition démographique et dont la


population s’est fortement accrue au xixe siècle, a vu d’abord sa
part augmenter jusqu’à représenter 1 humain sur 4 en 1900. C’était
un sommet qu’elle n’avait sans doute jamais atteint auparavant.
L’entrée des autres continents dans la transition et l’essor
démographique qui en a résulté, alors que dans le même temps
l’Europe terminait sa transition, a ramené la part de celle-ci à
1 humain sur 8 en 2000. Elle devrait continuer à diminuer pour
atteindre peut-être 1 sur 18 en 2100. De son côté, l’Asie, qui
rassemble depuis longtemps autour des deux tiers de l’humanité, a
vu sa part légèrement diminuer depuis deux siècles. Quant à
l’Afrique, elle n’a rassemblé jusqu’ici qu’une petite minorité de
l’humanité. Mais la situation devrait changer, et sa part beaucoup
augmenter, passant d’1 humain sur 6 en 2022 à 1 sur 4 en 2050, et
peut-être plus d’1 sur 3 en 2100 et au-delà.
Avec plus de la moitié des naissances mondiales (50 %), l’Asie
restera demain de loin le continent le plus peuplé. Mais l’Afrique qui
voit naître un enfant sur trois pourrait rassembler à terme le tiers de
l’humanité. Si la Chine est longtemps restée le pays le plus peuplé
du monde (1,43 milliard d’habitants en 2022), elle a été dépassée
par l’Inde au cours de l’année 2023. Depuis 1975, il naît en effet
chaque année plus de petits Indiens que de petits Chinois : en
2022, 23 millions contre 11. Parmi les pays qui suivent, le
classement va aussi bouger. L’Indonésie, avec 276 millions
d’habitants en 2022, est le quatrième pays du monde par la
population. Il devrait être dépassé à terme par le cinquième, le
Pakistan (236 millions), et le sixième, le Nigeria (219 millions). D’ici à
2050, le Nigeria devrait lui-même dépasser le Pakistan, le
Bangladesh, l’Indonésie et même les États-Unis (338 millions
d’habitants en 2022) pour prendre la place de troisième pays le plus
peuplé du monde. Il naît en effet plus de 8 millions de petits
Nigérians chaque année contre moins de 4 millions de petits
Américains.

Quant à la Russie, elle continue son déclin démographique.


En 2050, d’après les projections moyennes des Nations unies, elle
serait dépassée par des pays africains, comme le Congo et
l’Éthiopie.

Chaque jour dans le monde 367 000 enfants naissent, dont :


• 183 000 en Asie
• 126 000 en Afrique
• 26 000 en Amérique latine
• 19 000 en Europe
• 11 000 en Amérique du Nord
• 2 000 en Océanie
Source : ONU 2022, Projections de population mondiale

L’Europe déclassée

Le reclassement s’effectuera aussi au sein de l’Union européenne et


des pays candidats à y entrer. La Turquie, 85 millions d’habitants en
2022, en a deux millions de plus que l’Allemagne (83 millions), pays
le plus peuplé de l’Union européenne. L’écart devrait se creuser
entre les deux pays car il naît moitié plus d’enfants en Turquie :
1,2 million en 2022, contre 0,8 million en Allemagne.
Faire reculer la mort

Si le xxe siècle a concrétisé la victoire sur la mort des


enfants, le xxie rêve de faire reculer la mort chez les
adultes. Si l’espérance de vie à la naissance continue de
progresser dans les pays développés, c’est grâce aux
succès rencontrés dans la lutte contre la mortalité aux
âges élevés où se concentrent de plus en plus les décès.

La lutte contre la mort des adultes

Le recul de la mortalité aux âges élevés est relativement récent,


comme le montre l’évolution de l’espérance de vie à 60 ans en
France. Au milieu du xxe siècle, un homme de 60 ans pouvait
espérer vivre encore 13 à 14 ans comme au xixe. Ce n’est qu’après
la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’espérance de vie à
60 ans commence à augmenter chez les hommes, les progrès
s’accélérant ensuite jusqu’à atteindre plus de 23 ans en 2019, soit 8
ans de plus qu’en 1969. La progression a commencé plus tôt chez
les femmes, dès les premières décennies du xxe siècle, et elle s’est
accélérée aussi après 1945 jusqu’à atteindre près de 28 ans en
2019, soit près de 8 ans de plus qu’en 1969.
Les moyens de lutte contre les maladies au grand âge sont la
prévention, une hygiène de vie améliorée et des traitements plus
performants. Au milieu du xxe siècle, les maladies infectieuses
étaient encore la cause d’une partie importante des décès d’adultes
et de personnes âgées. Leur recul a entraîné une augmentation
sensible de l’espérance de vie à 60 ans. Mais les gains à attendre
de la poursuite de leur recul sont faibles. Les maladies cardio-
vasculaires et les cancers sont désormais les principales causes de
décès à ces âges. Ce sont les succès rencontrés dans la lutte
contre ces maladies qui ont fait reculer la mortalité des adultes et
des personnes âgées à partir des années 1970 et entraîné la
progression de l’espérance de vie. La mortalité due aux maladies du
cœur et des vaisseaux a fortement diminué depuis un demi-siècle
grâce aux progrès de la prévention et des traitements. La mortalité
par cancer, qui avait augmenté, régresse maintenant grâce aux
diagnostics plus précoces et au recul des comportements à risques,
comme le tabagisme et l’alcoolisme.

L’espérance de vie toujours plus longue ?

Les progrès futurs pourraient dépendre de plus en plus de la lutte


contre les cancers qui sont devenus la première cause de décès.
Cette lutte engrange les succès, mais les retombées en termes
d’espérance de vie ont été moins spectaculaires jusqu’ici que celles
liées à la révolution cardiovasculaire. Il faudrait que le recul de la
mortalité liée aux cancers s’accélère dans les prochaines décennies
si l’on veut que l’espérance de vie continue de progresser de 3 mois
par an. À plus long terme, comme pour les avancées liées à la lutte
contre les infections, celles liées à la lutte contre les maladies
cardio-vasculaires et les cancers devraient s’épuiser un jour. De
nouveaux terrains de lutte contre, par exemple, les maladies neuro-
dégénératives (maladies d’Alzheimer, de Parkinson, etc.) et des
innovations médicales et sociales pourraient alors prendre le relais
et ouvrir une nouvelle phase de progrès sanitaire. Ce qui pourrait
non pas conduire à l’immortalité, vieux rêve inaccessible, mais
remettre à plus tard le calcul d’une limite à la progression de
l’espérance de vie.
L’explosion du nombre de centenaires

La baisse de la mortalité aux grands âges fait exploser le nombre


des plus vieux. Alors qu’il était encore exceptionnel il y a cinquante
ans de fêter son centième anniversaire, cela devient presque
courant : en France, par exemple, alors que le nombre des
centenaires était estimé à 200 en 1950, l’Insee l’évalue à 31 037 au
1er janvier 2022, soit 150 fois plus, prévoyant dans ses projections
publiées en 2021 qu’il pourrait atteindre 210 000 en 2070. À ces
âges extrêmes, les femmes sont beaucoup plus nombreuses que
les hommes en raison des effets cumulés de la surmortalité de ces
derniers à tous les âges de la vie : après 100 ans, il ne reste plus
qu’un homme pour cinq femmes en 2022. Avec l’augmentation du
nombre des centenaires, une nouvelle classe d’âge prend
statistiquement réalité : les supercentenaires, ceux qui ont fêté leur
110e anniversaire. Sans doute autour de deux dizaines en vie
en 2022 en France, et quelques centaines dans le monde, leur
nombre devrait exploser à son tour dans les prochaines décennies.
Enfin, un club très fermé a ouvert dans les années 1990, celui des
personnes ayant jamais atteint 115 ans. Fin 2022, il ne compte
qu’une soixantaine de personnes à l’échelle mondiale, dont 10
ayant jamais atteint 117 ans.

En 2023, la France compte 30 000 centenaires, mais seulement


4 300 d’entre eux sont des hommes, soit 14 % des centenaires.
De l’urgence d’une transition

énergétique

Le rapport du GIEC publié le 28 février 2022 alertait sur


une action rapide, moins de trois ans, pour limiter les
effets sur le long terme du changement climatique. La
transition énergétique, qui vise au passage des énergies
fossiles (pétrole, charbon, gaz) vers les énergies
renouvelables, est donc indispensable pour réduire les
émissions de CO2 et éviter un réchauffement de plus de
1,5 °C, action à laquelle se sont engagés les États lors de
la COP21 à Paris en 2015.

Accélérer la transition : un défi

Aujourd’hui, le système énergétique mondial repose sur les énergies


fossiles, le pétrole (31 %), le charbon (29 %) et le gaz naturel (22 %).
Selon un certain nombre de spécialistes, ces énergies demeureront
importantes jusqu’à 2050 voire à la fin du xxie siècle, en raison
notamment d’une demande croissante d’énergie des pays en
développement (PED) – où plus d’un milliard de personnes n’ont
pas accès à l’électricité – et de la présence de gisements dans de
nombreux pays. La grande rigidité de ce système, associée à de
lourdes infrastructures qui acheminent l’énergie depuis le gisement
jusqu’au consommateur, contribue aussi à la lenteur de la transition.
Pour d’autres, les énergies renouvelables (EnR) seront dominantes
dès 2050 conformément aux attentes de la COP21. Fin 2015, les
EnR représentaient 19,3 % de la capacité énergétique mondiale,
elles devraient atteindre 66 % en 2050. En 2020, les EnR
fournissent un quart environ de l’électricité mondiale ; en 2050,
64 % de l’électricité devrait être d’origine renouvelable, dont la
moitié fournie par l’éolien et le photovoltaïque. De nombreux pays
industrialisés ont pour objectif de réduire leurs émissions de GES de
75 % à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990, tandis que les
PED verront leurs émissions continuer à croître.

Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables


(IRENA), la consommation de la Chine en EnR devrait passer de
7 % en 2015 à 67 % en 2050, l’Union européenne (UE) de 17 % à
plus de 70 %, celle de l’Inde et des États-Unis pourrait atteindre
66 % ou plus. Les PED devraient favoriser les énergies
renouvelables produites localement. Les énergies renouvelables,
notamment éoliennes et solaires photovoltaïques, ont attiré les
investisseurs depuis 2006, mais dès 2016, ces investissements ont
chuté, particulièrement ceux du solaire photovoltaïque en Chine,
tandis que l’éolien a enregistré une hausse grâce à la croissance
des investissements au Brésil et en Inde. Ces énergies sont
cependant intermittentes et nécessitent donc des solutions
complémentaires. La fabrication des éoliennes demande beaucoup
d’énergie pour élaborer, transporter le béton des socles et l’acier ;
celle des panneaux solaires utilise des quantités importantes de
terres rares.

Accroître l’efficacité énergétique

L’efficacité énergétique accrue résulte de la réduction de la


consommation et de la diminution du gaspillage énergétique.
L’intensité énergétique de l’économie mondiale devrait diminuer
d’environ deux tiers d’ici à 2050. Celle-ci est un indicateur qui
mesure le degré de l’efficacité énergétique d’une économie
envisagée par le rapport entre la consommation d’énergie d’un pays
et son produit intérieur brut (PIB). Dans les transports, le bâtiment,
l’urbanisme ou l’agriculture, des efforts doivent être réalisés pour
économiser les énergies ou pour en produire dans le cadre de
l’économie circulaire, qui implique notamment l’approvisionnement
durable des ressources, l’écoconception, mais aussi une
consommation responsable et l’allongement de la durée d’usage
des produits.
Déjà de nombreuses innovations technologiques labellisées
(BiodierCity, Breeam, BBCA…) concernent les bâtiments. Les smart
grids, réseaux décentralisés de gestion de l’énergie, permettent
d’optimiser l’équilibre demande/production, de stocker l’énergie en
excédent dans des batteries ou de la revendre à un autre réseau.
L’électricité d’origine renouvelable devrait occuper une part
croissante dans le domaine de la mobilité, grâce aux véhicules
dotés d’une plus grande autonomie et à la multiplication des
stations de recharge rapide.

« Quatre défis (sécurité énergétique, conséquences


macroéconomiques, fossé Nord–Sud et minéraux) influeront
considérablement sur le cours de la transition énergétique. Aucun ne
sera facile à relever et ils interagiront entre eux, ce qui en
augmentera les impacts. »
Daniel Yergin, The New Map: Energy, Climate, and the Clash of
Nations (2021, Penguin)
Vivre la ville différemment

En 2023, 56 % de la population mondiale vit dans des


villes, qui sont à l’origine de 70 % des émissions de gaz à
effet de serre (GES). La lutte contre le réchauffement
climatique y est donc primordiale. Elle passe par une
nouvelle vision de l’urbanisme, de l’innovation sociale,
des moyens techniques et une plus forte solidarité entre
villes du Nord et villes du Sud.

L’enjeu des villes

Sous la contrainte climatique, les villes des pays industrialisés ont


les moyens de changer d’organisation spatiale. La densité urbaine
permet le développement de transports en commun efficaces. La
proximité du travail permet de s’y rendre à pied ou à vélo. Quand
l’emploi est éloigné de la zone d’habitation, l’entreprise peut
développer le télétravail. Dans les pays en voie de développement,
l’exode rural participe à la formation de mégapoles. La classe
moyenne en formation y aspire à adopter le mode de vie occidental,
carboné. Sans soutien financier et technologique des pays riches,
les émissions de GES ne cesseront de croître. Le partage des rêves
urbains est indispensable à la culture d’un destin commun.
Ville intelligente ou écoville ?

L’approche climato-compatible de la ville se traduit par deux types


de discours qui, tout en étant frappés du sceau du développement
durable, divergent sur sa mise en place. La ville intelligente relève
d’une vision technologique du monde, règne des innovations
digitales, nanotechnologiques, robotiques. Les logements et
bureaux sont à énergie positive, produisant davantage d’énergie
qu’ils n’en consomment. L’éclairage public obéit à des caméras
sensibles à la lumière et à la fréquentation des lieux publics,
associées à un système de sécurité des biens et des personnes qui
dissuade la délinquance. De petites fermes high-tech, autonomes
en énergie, produisent des légumes alimentés par des systèmes de
goutte-à-goutte d’eau chargée en nutriments. Dans ce scénario, la
production d’énergie serait toujours centralisée et les experts en
logique des systèmes cybernétiques traiteraient simultanément des
millions de données sur la consommation d’énergie et d’eau, le
fonctionnement des services publics, les mouvements de
population… et pourraient prévoir tout excès de demande
énergétique, toute menace à l’ordre social. Dans cette ville « mise
en équation », il y aurait toujours autant de consumérisme, toujours
autant d’argent en circulation, mais le fond de l’air serait pur et les
oiseaux les plus fragiles nicheraient à nouveau dans les jardinets et
sur les toits-jardins. Le capitalisme serait sauvé par la transition
énergétique, la croissance verte et un certain amour de la nature.

Quant à l’écoville, elle s’appuierait à la fois sur les démarches


individuelles comme la « ville intelligente » et sur les visions
collectives du futur, toujours envisagées sous leur meilleur jour. On
y retrouverait une même ode au bien-être individuel, une morale
éco-responsable stricte et une tendance à vouloir recouvrer un
équilibre idéal, gravé dans le marbre d’un âge d’or. Ce scénario
ferait appel à moins de technologie, moins de consumérisme, plus
de jardins partagés, de circuits courts de distribution (grâce aux
ceintures maraîchères), de covoiturage, d’économie sociale et
collaborative, de recyclage, de démocratie locale et de sobriété
énergétique. Cette énergie serait le plus souvent produite
localement, par des régies municipales, des coopératives de
citoyens, des partenariats locaux public-privé qui miseraient sur des
« bouquets » mêlant, selon les situations, éolien, hydraulique,
marémoteur, solaire, géothermique, biogaz, etc. Le capitalisme
serait en quelque sorte amendé par la société civile.

Deux visions systémiques de la ville et de la société

L’une – avec son versant technologique – est construite de haut en


bas par un collège d’experts techniques, l’autre – plus collective –
est élaborée de bas en haut par des gens reliés par un idéal
excluant les « non-croyants ». Les deux chapelles mêlent des
aspects « bisounours » du climato-politiquement correct et d’autres
dictatoriaux. La ville a toujours été le miroir d’un rapport de force
politique. L’envisager comme une expression de la liberté est une
dangereuse illusion, un retour à la pensée des lendemains qui
chantent où tout est résolu. De fait, une norme en remplace toujours
une autre. Les deux approches oublient dans leurs trajectoires
respectives deux facteurs essentiels : le pouvoir déstabilisateur des
jeux financiers internationaux (sur l’électricité renouvelable, sur les
composants électroniques et les terres rares, etc.) et celui de
l’expression sociale (contestation sociale, etc.).
L’avenir dira si c’est l’individu ou le collectif, l’intérêt économique ou
le dialogue croissance-décroissance qui primera dans la ville
durable écosystémique.

Selon le baromètre Ipsos des Petites villes de demain, 89 % des


jeunes de 16 à 30 ans ont un regard positif sur les petites
villes.
D’ailleurs 64 % des jeunes Français estiment envisageable de
s’installer dans une petite ville à moyen ou long terme.
Un monde sans voitures

Près de 1,5 milliard de voitures seraient en circulation,


dont deux tiers de véhicules particuliers. C’est dire
l’importance prise par cet objet depuis sa naissance à la
fin du xixe siècle, sans compter ses récentes évolutions
pour en faire un moyen de transport plus propre :
électrique, hybride ou à l’hydrogène. Toutefois, certains
pensent déjà à l’après-automobile…

Une motorisation très élevée dans le monde…

La voiture résiste aux évidences quand il s’agit d’en proposer une


définition. Au-delà d’un engin de transport muni de roues, son
hybridation dépasse les seuls moyens de propulsion. Sa forme et
ses dimensions, sa modularité, ses fonctions et ses usages de plus
en plus variés, le niveau d’autonomie de la conduite, les
sophistications de son appropriation et des fiscalités associées, les
nouveaux critères de performance nécessitent une approche
composite. La situation de carspreading exprime une forme de
paroxysme de la place de la voiture dans l’espace des sociétés.
Le taux de motorisation par habitant reste aujourd’hui élevé dans
des micro-États fortunés comme Andorre avec 1 207 voitures pour
1 000 habitants, dans des pays avec des étendues de faible densité
(Islande, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Australie, Canada) et en
Europe, Italie en tête. Mais la Chine est devenue le plus grand
marché de voitures neuves et cela reste le premier mode de
déplacement des Français en 2021, en particulier pour le périurbain.
À l’occasion de regroupements industriels, les cartes de la
production ont été renouvelées. Plus que des logiques de marchés
saturés et émergents ou de coût de la main-d’œuvre, les arguments
de nouveaux bassins automobiles (NBA) se font jour. L’origine
garantie locale est mobilisée en France par exemple pour des sites
d’Île-de-France (Flins pour Renault, Poissy pour DS ou Opel), du
Nord (Valenciennes pour Toyota, Maubeuge pour Mercedes,
Hordain pour Fiat) ou de l’Est (Sochaux et Mulhouse pour Peugeot,
Hambach pour Ineos, Molsheim pour Chiron).

… malgré un accès limité aux métropoles

Dans le même temps, des politiques et des dispositifs d’exclusion


totale ou partielle de la voiture se multiplient localement. Pour gérer
les flux et la congestion ou pour répondre à des attentes
environnementales, les péages urbains pour automobiles sont en
fait anciens à Singapour (1975), Téhéran (1981), Bergen (1986),
Londres (2003), Stockholm (2003), La Valette (2007), Milan (2008)
où, selon les cas, un système de stickers, de parcmètres, de
portiques et de caméras limite et contrôle un accès payant. La
place dans la trame viaire, la réserve et le coût des stationnements
sont d’autres leviers pour restreindre les voitures dans des centres
historiques ou dans des espaces protégés. La promotion de lieux
sans voitures peut aussi devenir un argument immobilier ou
touristique. Cette interdiction peut être temporaire comme pour
certaines routes du Queyras l’été. La station suisse de Bettmeralp
est quant à elle accessible seulement par téléphérique depuis Mörel
en fond de vallée... où sont concentrés des stationnements ! La
logique d’effacement reste de fait très locale. C’est encore plus vrai
à Avoriaz dont les parkings sont relégués à l’entrée de la station.
2035
C’est la fin des ventes de véhicules neufs à moteur
thermique programmé par une directive de l’Union européenne
votée fin 2022.

Décarboner la voiture

La voiture est désormais au cœur des débats dans la transition


énergétique. Les technologies disponibles, à des niveaux de
maturité différents, ont des potentiels variés de décarbonation.
Surtout si l’on considère l’empreinte carbone hors de la phase
d’usage. Entre bonus écologiques et campagnes fracassantes, la
voiture électrique est parée de toutes les vertus. Or les défis à
relever sont nombreux : adaptation des structures de production
industrielle, souveraineté des marchés (très fermés comme aux
États-Unis), baisse des coûts de production, nombre et
caractéristiques des points publics de recharge ou bien sûr la
production de masse et le recyclage de batteries associées à des
normes environnementales. L’implantation des gigafactories, ces
usines de très grande taille spécialisées dans la production de
batteries et de moteurs pour voitures électriques, est
paradoxalement en cours dans des pays à énergies encore
fortement carbonées… De surcroît, un SUV 100 % électrique de
près de 3 tonnes, 5 mètres de long et 2 mètres de large, reste une
voiture et son utilisation une question d’urbanisme.
Cultiver autrement

L’agroécologie regroupe un ensemble de démarches


ayant pour objectif de rapprocher le plus possible les
agrosystèmes gérés par les agriculteurs des écosystèmes
« naturels ». Cette approche est celle d’une révolution
« doublement verte ».

Les objectifs de la démarche agroécologique

Les agriculteurs qui adoptent cette démarche cherchent à mettre au


point et à pratiquer des itinéraires techniques plus respectueux de
l’environnement. Cela peut concerner des gestions raisonnées des
sols et/ou de l’eau comme la réduction des recours à des intrants
(engrais et/ou produits phytosanitaires) d’origine industrielle.
À partir de ces considérations d’ensemble, deux grands types
d’approche ont été mis en œuvre. Le premier type est celui des
agricultures biologiques (AB), qui ont largement été développées en
Europe du Nord comme du Sud, et qui ont comme fondement le
refus du recours aux intrants d’origine industrielle, mais qui
impliquent en revanche d’importantes quantités de travail des sols
(d’origine mécanique ou humaine) afin d’éliminer les adventices (ou
« mauvaises » herbes). Le second type est celui des agricultures de
conservation des sols (AC) – largement développées dans les pays
anglo-saxons – dans le cadre desquelles les agriculteurs réduisent
considérablement le travail du sol en adoptant le « zéro labour »,
c’est-à-dire un semis direct sans aucun travail du sol ou avec un
travail du sol très superficiel. Cette technique est protectrice de la
structure des sols, mais elle implique des traitements
phytosanitaires plus ou moins importants.
L’idéal, mais il implique une formation agronomique très solide,
donc un investissement particulièrement important dans ce
domaine, est d’arriver à pratiquer une agriculture ABC à la fois bio
et réduisant considérablement le travail du sol. Cela semble plus
aisé à réussir en polyculture ou élevage qu’en grande culture
céréalière.

Permaculture ou agroforesterie ?

Si l’agriculture biologique constitue l’exemple le plus connu, celui


des agricultures « régénératrices » l’est moins. Celles-ci intègrent,
de façon étroite et globale, cultures et activités d’élevage, avec
rotations culturales plus complexes intégrant des prairies, recours
aux couverts végétaux en hiver, valorisation sur l’exploitation elle-
même des effluents des élevages…
Moins connue également est l’agroforesterie qui associe sur la
même parcelle une arboriculture en place pour de nombreuses
années et des cultures annuelles et/ou des pâturages. Dans cette
organisation, les systèmes racinaires des arbres facilitent
l’infiltration de l’eau, réduisent les risques d’érosion et font remonter
en surface les nutriments présents dans les sols, et également les
éventuels excès d’azote.

Née en Australie dans les années 1970, la permaculture, terme forgé


en anglais à partir de permanent agriculture, désigne une forme
d’agriculture dans laquelle différentes cultures se succèdent les
unes aux autres tout au long d’une même année et sur une même
parcelle, sans période de repos pour la terre. Pratiquée depuis
longtemps dans le monde tropical d’où elle est originaire, elle ne
peut être véritablement adoptée sous les latitudes tempérées que
par des agriculteurs possédant un très solide bagage technique.
Les agroécosystèmes de la permaculture ont pour ambition d’être
stables, résilients, respectueux de l’environnement, économes en
énergie et autonomes, y compris pour les ressources en eau. Bien
pratiquée, elle est créatrice de « paysages comestibles » pouvant
donner une impression de surabondance comme à la ferme du Bec-
Hellouin en Normandie.
Une exigence commune à toutes ces formes d’agriculture est
toutefois de demeurer productives. Rappelons que d’autres
démarches coexistent comme celles relevant du génie génétique.
Dans différents pays, comme en Chine ou en Égypte, des
recherches portent sur la mise au point de céréales comme le blé, le
riz et le maïs, dites « plantes éditées », tolérantes au stress
hydrique, mais sans recours à du matériel génétique extérieur, donc
sans créer des OGM, dont la production stagne d’ailleurs au niveau
mondial depuis 2015.

Les rendements de l’agriculture biologique sont inférieurs de 30 à


40 % en moyenne par rapport à ceux des agricultures
conventionnelles, pour un prix de vente de 30 à 40 % supérieur, ce
qui représente un handicap en période d’inflation.
Jean-Paul Charvet,membre émérite de l’Académie d’agriculture
de France
Une agriculture plus bio

L’agriculture biologique a beaucoup progressé en France


depuis les années 2010. Mais elle apparaît bloquée
depuis 2022 du fait de l’envolée des prix liée au retour de
l’inflation. Soutenue par les « locavores », l’agriculture
biologique est l’archétype de l’agriculture durable : son
ambition est d’en réunir les différentes composantes, en
s’interdisant d’utiliser des intrants d’origine industrielle.
L’agriculture biologique, une réaction au productivisme

agricole

Actifs en France dès les années 1970 en réaction à l’essor de


l’agriculture productiviste, les agriculteurs bio bénéficient depuis le
début des années 1990 d’une reconnaissance officielle : le logo
« AB » (agriculture biologique). Son attribution repose sur le respect
de normes très strictes. Outre la non-utilisation d’intrants d’origine
industrielle et d’OGM, différentes obligations concernent la
préservation de l’environnement, le bien-être animal, les rotations
culturales (plus longues et plus complexes, incluant des engrais
verts), la lutte préventive contre les insectes ravageurs et les
maladies. Dans ces conditions, les rendements par hectare sont de
30 à 40 % inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle, ce qui
implique des prix plus élevés. Ces produits plus chers sont achetés
plutôt par les consommateurs aisés, en raison de la très bonne
image de l’agriculture biologique, volontiers associée aux notions de
qualité, de pureté, de santé, d’harmonie avec l’environnement,
d’enracinement dans des traditions. Elle a aussi le mérite (ou
l’inconvénient) d’exiger davantage de main-d’œuvre, en particulier
pour le désherbage. Toutefois, l’agriculture biologique n’élimine pas
tous les risques sanitaires, en particulier les mycotoxines.
Malgré son dynamisme, elle est pratiquée sur moins de 2 % des
terres agricoles de la planète. L’utilisation du sulfate de cuivre
comme pesticide, sous la forme de la célèbre « bouillie bordelaise »,
pourrait également à la longue poser problème : comme le cuivre
est un métal à la dégradation lente, son accumulation dans les sols
constitue une externalité négative ; on peut en retrouver jusque
dans les pommes de terre, les tomates ou les raisins.
Où cultive-t-on en bio ?

En 2019, 72 millions d’hectares ont été cultivés dans le monde en


suivant le mode biologique, ce qui ne représente que 1,5 % de la
surface agricole utile (SAU) mondiale. Notons qu’il ne s’agit ici que
de la culture biologique certifiée comme telle et accompagnée de
cahiers des charges stricts. Dans le monde, des centaines de
millions d’agriculteurs pauvres pratiquent une agriculture biologique
malgré eux, car trop pauvres pour avoir accès aux intrants d’origine
industrielle.
Parmi ces 72 millions d’hectares, près de la moitié correspondent à
des prairies permanentes et à des terrains de parcours parfois
utilisés de façon très extensive comme ceux de l’Australie. Ce pays
détient à lui seul près de la moitié des espaces agricoles certifiés en
bio. Mais parallèlement, on pratique également de l’agriculture
biologique sur des terres labourables et dans le cadre de
plantations. L’agriculture biologique se trouve pratiquée dans des
proportions très inégales selon les continents et les pays.
C’est en Océanie (en particulier grâce aux pâturages australiens) et
dans l’Union européenne qu’elle occupe le plus de place. En
Europe, elle occupe plus de 15 millions d’hectares, soit un peu plus
de 3,5 % de la SAU. Malgré l’ampleur de ses développements
récents, la production française n’arrive pas à faire face à la
demande et la France continue d’importer fruits et légumes bio. La
grande distribution s’intéresse de plus en plus à la
commercialisation de ces produits, même s’ils souffrent de prix
devenus récemment plus élevés, en raison d’un contexte d’inflation
apparu à partir de 2022.

72 millions d’hectares sont cultivés en mode bio, soit 1,5 %


seulement de la surface agricole utile mondiale.
Vers une disparition et

migration des forêts ?

La déforestation amazonienne est particulièrement


médiatisée. Faut-il pour autant craindre la disparition des
forêts dans le monde à moyen terme ? Les atteintes aux
surfaces forestières touchent de fait toutes les latitudes,
mais avec une grande variation d’intensité et d’intentions
d’aménagement. Le réchauffement climatique en cours
depuis un siècle se traduit aussi par des modifications
des paysages forestiers du monde.

La déforestation, un phénomène lié à l’Anthropocène

Les forêts tropicales jouent un rôle capital pour l’environnement et


sont essentielles à la vie de millions de personnes, depuis des
temps immémoriaux. Pourtant, l’avènement de l’Anthropocène a
amplifié les activités humaines menaçantes pour l’ensemble des
écosystèmes de la planète (intensification de l’agriculture,
exploitation forestière). Il en ressort une déforestation généralisée
des zones tropicales et une dégradation intense des forêts dans le
monde. Cependant, la dégradation s’explique différemment selon
les régions et ne se cantonne pas aux zones tropicales. L’indicateur
TCL permet de souligner le facteur dominant de perte de couvert
forestier. Il se décline en cinq modalités :
• la déforestation pour l’exploitation de matières premières
agricoles, minières ou énergétiques, très répandue en Amérique du
Sud et en Indonésie ;
• l’urbanisation, qui est, à travers le monde entier, une cause de
perte massive et durable de forêts ;
• l’agriculture itinérante très commune en Afrique et en Amérique
subéquatoriales ;
• les coupes forestières au sein des forêts aménagées et des
plantations d’Europe, de l’est des États-Unis ou du sud-est de la
Chine ;
• les feux de forêt, qui touchent des régions de feux endémiques du
bouclier canadien, de la Sibérie ou de l’Australie.
La déforestation peut donc être plus ou moins temporaire.
L’exemple de la déforestation pour la culture du café peut amener
en quelques décennies à la mise en place d’une agrofo-resterie peu
agressive.

Une reforestation discutable

À l’inverse, des mesures de reforestation peuvent cacher une réalité


ambiguë. En Uruguay, une évidente croissance des surfaces
forestières masque un raz-de-marée de la foresterie industrielle et
spéculative autour de l’eucalyptus non indigène. En 2020, les
surfaces plantées en eucalyptus ont dépassé toutes les attentes,
avec près de 7 % de la surface du pays. Les vagues de plantations
correspondent à de nouveaux contrats avec des compagnies
internationales, notamment pour la production de pâte à papier.
L’écosystème forestier uruguayen s’en trouve très déséquilibré
(augmentation de ravageurs, pathogènes…) mais, en l’état,
contribue pour une large part à la balance commerciale du pays.

L’impact du réchauffement climatique

Une augmentation moyenne des températures de l’ordre de 1 °C se


traduit par un déplacement des isothermes d’environ 150 à
200 kilomètres en latitude. Si l’on applique de telles prévisions à la
géographie des forêts, on imagine aisément le bouleversement
profond qui en résulterait. Des simulations montrent l’Europe de
l’Ouest couverte d’une végétation méditerranéenne, la forêt boréale
réduite à quelques lambeaux d’altitude. L’adaptation des arbres au
changement climatique peut se faire de diverses manières :
certains, comme le pin sylvestre, peuvent s’adapter et réagir en
modifiant leur développement ; d’autres peuvent muter sur une ou
plusieurs générations, les mieux adaptés aux nouvelles conditions
se reproduisant plus facilement. La migration constitue une dernière
adaptation possible mais suppose que le changement climatique ne
soit pas trop rapide.
Les interactions entre l’augmentation des températures, la
sécheresse, les insectes, les pathogènes indigènes et les feux de
forêt d’une gravité inhabituelle entraînent aujourd’hui une mortalité
forestière supérieure à celle observée au xxe siècle. Les sécheresses
plus intenses affectent les forêts, car des températures plus élevées
augmentent le stress hydrique des arbres, en accroissant la
demande d’eau par évaporation de l’atmosphère.

Selon les principaux scénarios du GIEC, les migrations des


forêts pourraient dépasser une centaine de km d’ici à la
fin du xxie siècle.
Des prévisions bien supérieures aux données des travaux réalisés en
Europe montrant des vitesses de recolonisation au cours du
Quaternaire d’environ 50 kilomètres par siècle pour les chênes et
20 kilomètres pour le hêtre.
Protéger la mer et les océans

Constituant 90 % de la superficie de la planète et abritant


près de 250 000 espèces connues, les océans sont l’un
des principaux réservoirs de la biodiversité dans le
monde, mais aussi des puits de carbone fondamentaux à
la régulation du climat. La protection du milieu marin est
donc plus que nécessaire mais reste encore insuffisante,
en dépit de nombreux traités, dont celui passé au
printemps 2023 sur la haute mer.

La Convention de Montego Bay

Adoptée en 1982 à Montego Bay (Jamaïque), la Convention sur le


droit de la mer (CNUDM) est un régime juridique international
contraignant, base de la gouvernance mondiale de la mer et de
l’exploitation des ressources naturelles maritimes, ce qui
présuppose que mers et océans sont un bien commun de
l’humanité et non pas des ressources inépuisables. Elle fixe par
conséquent les principales obligations et responsabilités des États
en matière de protection et de préservation du milieu marin.
De nombreux accords internationaux concernent plus
particulièrement la protection du milieu marin, ainsi que
l’exploitation, la conservation et la gestion des ressources marines.
La conférence de Rio de 1992 (chapitre 17 d’Action 21) prévoit ainsi
un programme d’action pour « la protection des océans et des mers
et des zones côtières, et pour la protection, l’utilisation rationnelle et
la mise en valeur de leurs ressources biologiques ».
Certains programmes régionaux et sous-régionaux ont permis de
faire d’importants progrès dans la protection et la préservation du
milieu marin. C’est le cas de l’accord sur les stocks de poissons
de 1995, de l’accord de la FAO visant à favoriser le respect des
mesures internationales de conservation et de gestion de 1993. Des
dispositifs de connaissance, de préservation ou de gestion de
l’environnement marin existent, plus ou moins contraignants et
prescriptifs, telles les zones (ou aires) marines d’intérêt écologique
ou biologique (ZIEB ou AIEB), instaurées en 2008 dans le cadre de
la Convention sur la diversité biologique. Elles ont pour but la
réalisation d’inventaires et peuvent servir de point de départ à la
mise en œuvre d’outils de protection comme les aires marines
protégées, ainsi qu’à la réalisation des études d’impact
environnemental.

La mise en place d’aires marines protégées

L’aire marine protégée (AMP) qui a des objectifs de gestion des


ressources, de conservation des écosystèmes et d’amélioration des
connaissances, permet aussi une gestion intégrée de différentes
activités (tourisme, activités scientifiques, pêcheries, notamment).
La première AMP voit le jour en Australie en 1960. Aujourd’hui, la
grande majorité des AMP se trouve en milieu côtier mais existent
aussi des AMP de haute mer, par définition au-delà des juridictions
nationales. Six aires marines protégées de haute mer existent dans
l’Atlantique Nord-Est, elles couvrent 285 000 km2 et sont issues de
la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du
Nord-Est ou Convention OSPAR (1998). L’adoption du traité sur la
conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en
haute mer en mars 2023 va permettre de renforcer la gouvernance
de la haute mer et de sa protection.
Lors du congrès sur les aires marines protégées au Chili en 2017,
les participants ont constaté le doublement depuis 2013 de la
superficie globale des AMP (de 3 à 6,35 %). L’objectif étant aussi
pour certains acteurs (ONG notamment) de classer 30 % de l’océan
mondial, en zone de non-prélèvement d’ici à 2030. La progression
des aires marines protégées résulte de la création de sites de très
grandes superficies. Ainsi, 30 des 15 271 AMP actuelles couvrent à
elles seules 21,3 millions de km2 soit 80 % de la superficie globale
protégée.
Néanmoins, les États, les organisations internationales et les ONG
insistent sur le fait que les AMP ne peuvent avoir d’efficacité en
termes écologiques qu’en dehors de modes de gestion unilatéraux
et centralisés ; or, si l’augmentation des espaces protégés peut
sembler satisfaisante, ces initiatives permettent aux États maritimes
dont elles dépendent d’affirmer leur souveraineté sur ces espaces.
Le concept d’écosystèmes marins vulnérables (EMV) introduit dans
les Nations unies en 2006 permet de prévenir l’effet des activités de
pêche profonde en haute mer, s’appuyant sur le principe de
précaution.
Dans ce contexte, le traité de l’Antarctique de 1959 peut-il être un
modèle en matière de protection ?
Le traité de l’Antarctique, un modèle à suivre ?

Le continent Antarctique, comme son océan, est régi depuis 1959


par le traité de Washington entré en vigueur en 1961. 36 pays l’ont
ratifié et, en 1964, des mesures de conservation de la flore et de la
faune antarctiques ont été prises. En 1972 est signée la convention
sur la protection des phoques de l’Antarctique. Dès la fin des
années 1970, la richesse de la biodiversité antarctique a favorisé les
activités de pêche (espèces pélagiques et krill), ce qui a justifié qu’à
partir de 1975, le Comité scientifique pour les recherches
antarctiques (SCAR) se mette à évaluer les stocks de ces espèces.
La Convention de Canberra de 1982 prône le maintien de
« l’équilibre écologique entre les espèces ». Depuis le protocole
signé à Madrid en 1991 et entré en vigueur en 1998, l’Antarctique
est une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». Dès
lors, les parties consultatives définissent la politique générale de
l’environnement et créent le Comité pour la protection de
l’environnement en Antarctique, organe consultatif qui se réunit tous
les ans.
Ce dispositif international construit depuis 1959 s’est révélé très
efficace grâce à la coopération internationale, l’arrêt presque total
de la pêche illicite et l’élaboration d’un cadre juridique international.

Les plus vastes AMP couvrent plus d’un million de km2


comme la réserve marine de Papahãnaumokuãkea (États-Unis,
1,5 million de km2) et le parc marin de la mer de Corail (Nouvelle-
Calédonie, 1,3 million de km2).
La géoingénierie : une solution

au réchauffement ?

La géoingénierie propose des options technologiques


pour résoudre le défi du changement climatique plus vite
que la politique internationale. Un « plan B » aux allures
de miracle qui dispense de remise en cause des
mécanismes et modes de vie ayant abouti à l’élévation du
taux de GES dans l’atmosphère. Or ces solutions
technologiques sont risquées, bien que politiquement
faciles à adopter, car elles écartent la société civile du
débat.
C ertaines options technologiques pour faire face au
changement climatique sont l’expression d’un courant de la
recherche scientifique : la géoingénierie. Elle prône l’intervention
technologique à grande échelle sur ce qui influence le climat (océan,
atmosphère, carbone), particulièrement dans deux domaines : la
gestion du rayonnement solaire et l’absorption et la séquestration
du CO2. Les technologies envisagées pour réduire l’intensité des
rayons du soleil atteignant l’atmosphère terrestre sont à la
démesure du problème : envoi de millions de vaisseaux spatiaux
munis de miroirs-parasols, accroissement du pouvoir réfléchissant
des nuages par pulvérisation de particules, couverture des déserts
avec un film blanc et des pôles avec un film isotherme
réfléchissant… Un vieux rêve de contrôler la météo pourrait être
tenté en vaporisant de l’iodure d’argent dans les nuages pour
changer leur albédo. La capture du carbone, elle, va de la
séquestration mécanique en sous-sol – une des solutions
envisagées par le GIEC – à la « fertilisation » des océans, en passant
par la modification génétique d’arbres en vue d’augmenter leur
potentiel de photosynthèse et de faire du biochar (séquestration de
CO2 + agrocarburants).

Une option non sans risques

Pensées d’emblée à l’échelle planétaire, la plupart de ces


technologies sont impossibles à expérimenter. Comment prévoir
l’impact de l’altération de la composition chimique des océans sur
leur biodiversité ? Comment connaître à l’avance les rétroactions
climatiques d’une intervention d’ampleur dans l’espace ou la
stratosphère ? Difficile également de modéliser les conséquences
de la panne d’un dispositif spatial mis en place.
L’efficacité, les effets secondaires et les risques d’irréversibilité de
ces technologies demeurent à ce jour inconnus. Hormis, peut-être,
la séquestration souterraine du carbone – sous réserve d’études
approfondies sur la sismicité des lieux de stockage, essentielles
pour l’acceptation sociale du procédé –, ces projets relèvent
directement de stratégies de déploiement sans principe de
précaution, alors qu’ils entendent modifier des pans entiers du
fonctionnement planétaire. Ils imposent aussi aux générations
futures de continuer à contrôler les perturbations climatiques
induites par leurs aînés.
Un miroir aux alouettes

La géoingénierie a l’inquiétante vertu de déculpabiliser l’ensemble


des acteurs, politiques ou simples citoyens, qui profitent du mode
de vie consommateur et pollueur. Pourquoi se hâter de prendre des
décisions qui vont changer les modes de vie et se mettre en porte à
faux avec les électeurs et les poids lourds de l’économie quand on
peut ne rien faire et se reposer sur le radicalisme de solutions qui
dureront bien le temps d’un ou deux mandats ? À la génération
suivante de se débrouiller. Face au changement de paradigme
sociétal que le bon sens impose, la géoingénierie propose de
régénérer le vieux paradigme de la révolution industrielle : il y a
toujours une solution technique aux problèmes rencontrés.
Mais en ne s’attaquant qu’aux effets, la géoingénierie mérite sans
aucun doute d’être soumise au débat démocratique.

« La priorité, c’est de faire respecter l’accord de Paris sur le climat.


Avec la géo-ingénierie solaire, qui m’apparaît être un sparadrap sur
notre addiction au pétrole, on risque de s’engager dans un processus
totalement incontrôlable. »
La climatologue Valérie Masson-Delmotte, la coprésidente du
groupe 1 du GIEC.
Quand la jeunesse indienne est confrontée aux difficultés d’accès à l’eau ;
bidonville de Kusumpur Pahadi à Delhi.
Photographie : © Farida Nouar

L’Inde, première puissance


démographique : atout ou fardeau ?
Avec plus d’1,4 milliard d’habitants, le pays a de
multiples défis à relever au risque que cette
croissance ne se transforme en cauchemar.

E
t le premier, c’est celui de l’emploi. La moitié des Indiens
ont moins de 25 ans. Ce dividende démographique est une
force potentielle ou une plaie si le pays ne peut l’absorber.
C’est le cas aujourd’hui. Les jeunes Indiens connaissent un
chômage de masse et les raisons sont multiples : manque d’écoles,
le budget consacré à l’éducation n’est que de 6 %, le secteur privé
n’offre pas assez d’emplois. 80 % de l’économie du pays est en
réalité informelle, des emplois précaires sans statut. Mais il faut du
travail pour tous et tout de suite car la population en âge de
travailler s’élèvera à plus d’un milliard dans la prochaine décennie.
Donner à boire est l’autre défi majeur du pays. Il manque de l’eau
potable, des stations d’épuration, les nappes phréatiques sont
surexploitées, les réseaux vétustes. Se procurer de l’eau est un
challenge au quotidien. Des défis urbanistiques, écologiques, de
santé accompagnent aussi cette croissance. En 2024, Narendra
Modi, le Premier ministre nationaliste hindou, briguera un
troisième mandat. Pour relever tous ces enjeux, il devra aller au-
delà du culte de la personnalité et engager son pays dans des
politiques publiques afin de ne pas gâcher cette manne
démographique.
Farida Nouar
Grand reporter, cheffe adjointe du service Reportage de franceinfo
Kourou, Guyane française, 4 août 2015 : les drapeaux des membres de
l’ESA au pied d’Ariane 5, au centre spatial guyanais.
Photographie : © Matyas Rehak/Shutterstock

Un moment crucial pour l’Europe


spatiale
Depuis juin 2023, l’Europe ne dispose plus d’accès
propre à l’espace. Sa fusée historique, Ariane 5, a
effectué son cent-dix-septième vol, le dernier après
un quart de siècle de loyaux services. Quant à son
deuxième lanceur, Vega-C, il n’a pas encore repris
sa place sur le pas de tir du centre spatial
guyanais de Kourou, après l’échec du dernier
décollage, en décembre 2022. Les mois à venir
sont donc cruciaux.

T
ous les regards sont tournés vers Ariane 6, qui devait
prendre la relève de son aînée dès 2020. Mais la mise au
point de cette nouvelle fusée, plus performante et moins
chère, a pris du retard, avec un premier vol d’essai attendu au
mieux à l’hiver 2023.
Pour autant, l’Europe spatiale garde de nombreux atouts et un
programme solide auquel la France, l’Allemagne et l’Italie, les trois
principaux pays financeurs, ont réitéré leur soutien, en assurant à
ses fusées une dizaine de vols institutionnels par an. Un minimum
vital auquel s’ajoutent déjà d’importants contrats privés pour
Ariane 6, comme ces dix-huit lancements prévus pour Amazon afin
de mettre sur orbite sa constellation de satellites de
télécommunication Kuiper dans les prochaines années. Ceci avant
le déploiement, théoriquement à partir de 2027, de la propre
constellation de l’Union européenne.
L’Europe tente également de répondre à la concurrence des fusées
partiellement réutilisables, comme celles de l’entreprise américaine
SpaceX, en développant son propre projet.
Elle n’a en revanche pas encore tranché une question majeure :
celle de son autonomie pour de potentiels vols habités, technologie
maîtrisée aujourd’hui uniquement par trois grandes puissances, les
États-Unis, la Russie et la Chine.
Olivier Emond,
Chef du service Science, Santé, Environnement et Technologie de
franceinfo
DOSSIER SPÉCIAL

Crises, gérer l’urgence ?

Sommaire

Crises et risques croissants


Catastrophes naturelles :de l’aléa au risque
La forêt en crise
Les risques liés à l’eau
Des risques épidémiques croissants
Des inégalités face aux risques
Des risques amplifiés par le réchauffement
climatique
La France face aux risques : quelle(s)
politique(s) ?
La biodiversité menacée par l’économie du
sexe
franceinfo
Réchauffement climatique, la porte ouverte
aux épidémies
Crises et risques croissants

Aux risques naturels liés aux aléas climatiques et


géologiques s’ajoutent les risques industriels,
technologiques et nucléaires qui proviennent des
dysfonctionnements des activités industrielles, des
transports, des centrales nucléaires et des déchets
associés. Les crises et catastrophes qui peuvent naître de
ces situations à risques sont importantes à connaître pour
mieux les gérer.

Des risques liés à des aléas naturels

Si certains risques correspondent à des aléas naturels (séismes,


volcans, mouvements de terrain, avalanches, canicules, tempêtes,
inondations), d’autres résultent d’aléas naturels déclenchés ou
aggravés par les activités humaines (incendies, désertification). La
plupart des risques climatiques sont amplifiés par le changement
climatique. La maîtrise du risque nécessite donc la compréhension
de l’aléa physique et des spécificités du corps social menacé.
Les sociétés sont d’abord confrontées à de multiples défis liés à
l’eau. Les excès hydrologiques des cours d’eau (étiage et crues)
génèrent des risques. Outre les inondations, souvent lentes, des
fleuves et rivières, existent des crues rapides torrentielles liées à de
fortes précipitations dans les régions méditerranéennes ou en
relation avec les cyclones tropicaux. Le ruissellement pluvial en
milieu urbain est principalement lié à l’imperméabilisation des sols.
Les inondations surviennent aussi par remontée de nappes.
Les sécheresses qui affectent depuis des millénaires et
irrégulièrement les marges désertiques, tel le Sahel en Afrique,
peuvent aussi se produire en domaine tempéré. L’énergie libérée
dans l’écorce terrestre engendre des séismes qui se produisent en
bordure des plaques tectoniques, le long des dorsales océaniques
et au niveau de chaînes de montagnes intracontinentales.
L’intensité d’un séisme pour une magnitude donnée dépend des
caractéristiques du lieu de l’observation (type de bâti...). Les
séismes de forte magnitude en fond de mer peuvent provoquer des
tsunamis. Les volcans actifs se situent principalement dans des
arcs insulaires, le long de grandes cassures et des dorsales
océaniques. En fonction du type de magma, les éruptions sont
explosives ou effusives ; des nuées ardentes (Saint-Pierre,
Martinique) et des lahars (Arméro en Colombie) peuvent provoquer
de nombreuses victimes. Les volcans des pays développés sont
bien équipés pour prévenir et alerter les populations. Les
mouvements de terrain fréquents sur les pentes et en montagne
recouvrent différentes dynamiques, lentes ou rapides (affaissement,
effondrement, glissement, écroulement, coulée). Les roches
argileuses sont parfois affectées par le retrait en période sèche et le
gonflement lors des pluies, ce qui provoque des désordres sur les
bâtiments.
Les littoraux marqués par la montée du niveau marin sont soumis à
divers aléas, liés aux tempêtes en région tempérée, aux cyclones
sur les façades orientales des continents aux latitudes tropicales.
Côtes basses et côtes à falaises reculent sous l’effet d’une érosion
accélérée dans certaines régions du monde. Ces différents aléas et
risques peuvent se cumuler, un glissement de terrain barrant une
vallée peut faire naître un lac dont la vidange peut provoquer des
écoulements dangereux à l’aval.

Les risques technologiques et sanitaires

Les dangers technologiques sont nombreux : d’origine nucléaire,


industrielle, liés au transport de matières dangereuses, à la rupture
de barrages ou à l’exploitation minière (mouvements de terrain,
explosions...).
Le risque industriel résulte du possible déroulement d’un événement
accidentel sur un site industriel mobilisant des procédés et des
produits dangereux. Il peut s’agir d’incendies, d’explosions, de
pollutions ou d’accidents nucléaires.
Les risques sanitaires, épidémies et pandémies (peste, sida, vache
folle, Ebola, coronavirus) sont à l’origine de grandes peurs et de
nombreuses victimes. Les crises de diverses origines peuvent selon
leur importance être considérées comme un incident, un accident,
une perturbation grave, une catastrophe ou une mégacatastrophe.
Anticiper la crise

La gestion de crise doit réduire la gravité de l’événement quand il se


produit. Elle comprend la prévention et la préparation aux crises par
élaboration des plans de gestion, intégrant des scénarios établis sur
différentes intensités de l’aléa ou du danger. Lorsque l’état de crise
est déclaré, les responsables doivent rapidement mettre en œuvre
les procédures de gestion prévues. L’organisation de gestion de
crise doit établir les modalités de diffusion de l’information ; si la
communication est défaillante, des discours « complotistes »
peuvent circuler, réduisant les possibilités de rétablissement des
individus affectés.
La qualité de la gestion institutionnelle de crise diffère entre les
pays, ceux où responsables politiques et administratifs agissent
efficacement et ceux où l’État est faible et le développement
économique insuffisant. La gestion de crise reste alors limitée, en
dépit parfois d’une forte implication de la population et des ONG
(Haïti). Après la crise, le retour d’expérience permet de réenvisager
la chaîne des décisions et les modes de gestion, leurs impacts et
leurs limites.

L’accident de Three Mile Island (1979), la catastrophe de Tchernobyl


(1986), puis celle de Fukushima (2011) ont contribué à faire du
risque nucléaire l’une des préoccupations majeures de la fin du
e
siècle.
Catastrophes naturelles :de

l’aléa au risque

Au cours des vingt dernières années, 1,3 million de


personnes sont mortes en raison de catastrophes
naturelles et 4,4 milliards de personnes ont été blessées.
Si les aléas constituent des épisodes normaux de la
dynamique planétaire (météorologique, géologique), leurs
manifestations paraissent exceptionnelles à des
populations de plus en plus vulnérables, notamment en
raison des effets du changement climatique.

Les risques et crises d’origine naturelle

En zone tempérée, les aléas sont multiples, des épisodes de


canicule ont marqué l’Ouest américain et canadien en 2021,
l’Europe en 2022. Les tempêtes affectent les littoraux mais peuvent
se développer à l’intérieur des terres. Les épisodes pluvieux de forte
intensité sont, en montagne, responsables d’inondations rapides
particulièrement connues sur le pourtour de la Méditerranée, où
peuvent se produire alors des mouvements de terrain.
Aux latitudes tropicales, les façades orientales des continents
subissent des ouragans ou cyclones qui provoquent dans les pays
riches (sud-est des États-Unis) des pertes matérielles
considérables, tandis que le plus grand nombre de victimes se situe
dans les pays en développement (300 000 victimes au Bangladesh
en 1970). Tous ces aléas peuvent se multiplier ou voir leur intensité
croître en relation avec le changement climatique. Déjà, le nombre
et l’importance des incendies qui affectent principalement des
espaces forestiers augmentent et la simulation des climats pour le
xxie siècle indique que les cyclones devraient être plus nombreux et
forts en intensité.
Un peu plus de la moitié des volcans actifs et 55 % des épicentres
des failles actives se localisent dans l’espace intertropical.
S’agissant des séismes, pour une magnitude comparable, ils font
beaucoup plus de victimes et de dégâts matériels dans les pays en
développement que dans un pays riche en raison notamment des
modes de construction. Dans ces pays, la surveillance des volcans
n’est pas toujours effectuée, or les flancs des volcans actifs sont
souvent très peuplés. Environ 500 000 personnes vivent par
exemple dans la zone d’exposition maximale du volcan Merapi, en
Indonésie.

Les pays en développement plus vulnérables

L’indice mondial du risque (World Risk Index) calculé pour près de


180 États par l’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine
des Nations unies (UNU-EHS) montre qu’à niveau d’exposition égal,
les pays les plus pauvres restent plus vulnérables et moins résilients
que les pays riches. Cela s’explique par la fragilité globale de
l’habitat, l’installation des populations les plus défavorisées,
notamment en ville, sur des terrains à fortes pentes, en zones
inondables, la surpopulation fréquente et l’incapacité financière et
matérielle de nombreux États à se doter d’organisations capables
d’anticiper la survenue d’une crise. Ainsi, au cours des dix dernières
années, 96 % des décès dus à des catastrophes naturelles ont eu
lieu dans des pays en développement.

Menaces sur les villes

Le rapport des Nations unies (DESA), « Les villes du monde


en 2018 », rappelle que près de trois villes sur cinq dans le monde
(soit 1,4 milliard d’habitants) comptant au moins 500 000 habitants
sont exposées à un aléa naturel. Certaines grandes villes et des
mégapoles sont exposées à plusieurs aléas, telles Manille, Tokyo,
Santiago, Guatemala City, New York. Plus de 60 % de la population
mondiale vit à l’heure actuelle à proximité d’un littoral et selon les
dernières prévisions du GIEC, avec la montée prévisible du niveau
des mers, une vingtaine de mégapoles parmi les plus peuplées du
monde (Tokyo, Londres, New York, Bombay, Manille, Djakarta) sont
confrontées à la menace de submersion. Il en va de même pour les
villes des grands deltas (du Nil, du Gange et du Brahmapoutre, du
Mississippi, du Sénégal ou du Mékong) et des côtes basses à
lagunes (La Nouvelle-Orléans, Abidjan). Avec la disparition du delta
du Mékong, le Vietnam pourrait perdre près de la moitié de sa
production agricole (riz) et devrait déplacer plusieurs millions de
personnes.
À ces menaces directes, il faut ajouter celles associées à
l’intensification des phénomènes extrêmes (cyclones, tempêtes) qui
pourraient accentuer les conséquences d’une élévation du niveau
marin.

Selon les dernières prévisions du GIEC, avec la montée prévisible du


niveau des mers, environ 1 milliard de personnes pourraient
vivre d’ici à 2050 dans des zones côtières directement
menacées de submersion.
La forêt en crise

Lors de la 26e Conférence des parties (COP26) en 2021,


une centaine de nations représentant 85 % des forêts de
la planète s’est engagée à signer un accord pour cesser
et inverser la déforestation d’ici à 2030. Depuis 1990,
178 millions d’hectares ont été perdus par la
déforestation, tandis que la superficie de forêt plantée n’a
augmenté que de 123 millions d’hectares. En cause,
l’anthropisation et les incendies qu’elle provoque et
qu’aggrave le changement climatique.

La forêt entre recul et plantations

Les hommes ont depuis longtemps considéré la forêt comme un


espace à défricher, en témoignent les défrichements médiévaux en
Europe effectués sous l’impulsion des communautés monastiques
pour développer l’agriculture. Face aux conséquences de ces
défrichements (pénuries en bois, dégradation des terres), des
politiques nationales ont favorisé le reboisement. La surface
forestière des pays d’Europe a ainsi recommencé à augmenter,
évolution amplifiée par l’abandon des campagnes. Ce scénario vaut
pour les pays industrialisés, tandis que les pays en développement
sont encore globalement affectés par la déforestation.
En 2020, la forêt occupe 4,06 milliards d’hectares selon la FAO,
malgré un ralentissement du déboisement depuis 1990 avec un taux
de perte annuel qui est passé de 7,8 millions à 5,2 millions
d’hectares par an.
La forêt, régulateur du climat

La forêt rend des services écosystémiques, en particulier de


régulation du climat, avec la captation du carbone. Les forêts
forment des « puits de carbone » par fixation de carbone par
photosynthèse, qui dépasse la masse de carbone libérée par la
respiration et l’oxydation. Le stock de carbone dans la biomasse
vivante et dans les sols est de l’ordre de 25 000 tonnes/km2 pour
une forêt tropicale.
La forêt intervient aussi dans la régulation des flux hydriques,
purification des eaux, régulation de l’érosion et des risques naturels
(inondations). Elle produit des ressources (bois, fruits, des produits
issus de la chasse, de la pêche). Elle est à l’origine de molécules
chimiques et médicamenteuses et fournit des gènes pour la bio-
ingénierie. La forêt est aussi un patrimoine qui garde la mémoire
d’usages anciens, c’est un lieu de l’imaginaire.

Un espace menacé par les effets du changement

climatique

Chaque année, les incendies détruisent en moyenne dix millions


d’hectares de forêts dans le monde, et ce chiffre tend à augmenter.
Le service de surveillance européen de l’atmosphère (CAMS,
Copernicus Atmosphere Monitoring Service) fournit, grâce à sept
satellites, des informations sur les feux de forêt à l’échelle mondiale.
En 2021, les conditions climatiques (épisodes de canicule ou de
fortes chaleurs) expliquent l’ampleur des incendies de forêt qui ont
affecté plusieurs régions du monde. Cette situation n’est pas
totalement nouvelle : à l’été 1915, la sécheresse dans le centre et
l’est de la Sibérie a généré de très grands incendies qui se sont
prolongés pendant près de 50 jours et ont affecté 14,2 millions
d’hectares. La fumée de ces incendies a recouvert environ
680 millions d’hectares en Sibérie. En 2021, plusieurs régions de la
taïga ont été touchées par des feux, en Sibérie occidentale les feux
se sont poursuivis pendant deux mois. D’autres régions russes
(oblast autonome de Tchoukotka et celui d’Irkoutsk) ont connu des
incendies de moindre ampleur qu’en 2020 et 2019.
En Amérique du Nord, les incendies ont concerné plusieurs
provinces du Canada, les États américains du nord-ouest du
Pacifique et la Californie où a sévi l’un des plus grands feux de
l’histoire de cet État (Dixie Fire). De violents incendies ont marqué le
pourtour de la Méditerranée (Turquie, Grèce, Espagne…). Le nord
de l’Inde a aussi subi de grands incendies générant une importante
pollution dans la plaine indo-gangétique.
Ces incendies ont des causes variées, beaucoup sont naturelles,
d’autres anthropiques. L’importance accrue des incendies observés
par les scientifiques du CAMS en 2021 correspond à une
augmentation des températures et à une diminution de l’humidité du
sol dans les régions concernées.

Des risques accrus

L’année 2021, avec ses épisodes de canicule, préfigure les


situations qui peuvent se multiplier en relation avec le changement
climatique. On ne peut donc que s’interroger quant à l’évolution de
la forêt sous l’effet de grands incendies répétés. Bien que le feu soit
un élément de la dynamique naturelle des forêts, notamment de la
taïga, des incendies répétés peuvent être dommageables.
L’augmentation des périodes de sécheresse avec le changement
climatique pourrait modifier les régimes des feux.

La sécheresse liée à des épisodes de forte canicule peut en effet


provoquer le dépérissement de la forêt et sa disparition par le
développement de ravageurs et de pathogènes. Beaucoup
d’essences d’arbres sont concernées : en montagne tempérée,
l’épicéa subit une épidémie de scolytes, insectes qui se
développent quand les arbres sont fragilisés. Avec le réchauffement
climatique, la composition des forêts risque aussi d’être modifiée.
Les incendies de forêt ont d’importantes conséquences en termes
de pollution atmosphérique qui peut affecter de vastes espaces, le
panache issu des incendies d’Amérique du Nord en 2021 a atteint
l’ouest des îles Britanniques avant de traverser le reste de l’Europe.
En relâchant du carbone dans l’atmosphère, ils contribuent, comme
la déforestation, à aggraver le changement climatique. S’agissant
des forêts boréales, la déforestation et les incendies peuvent
provoquer l’épaississement du mollisol (couche du sol au-dessus
du pergélisol), par réchauffement de la partie superficielle du
pergélisol, l’extension du thermokarst (dépressions à la surface du
sol liées à la fonte locale du pergélisol), avec des conséquences sur
les aménagements existants (habitat, réseaux). De plus, la fonte du
pergélisol libère d’importantes quantités de méthane, gaz à effet de
serre plus actif encore que le CO2.

1 760 MÉGATONNES
Environ 1 760 mégatonnes de carbone ont été envoyées dans
l’atmosphère en 2021 par les incendies de forêt.
Les risques liés à l’eau

Outre les risques liés aux inondations et aux fortes


précipitations, l’eau représente un risque sanitaire, en tant
que vecteur de maladies particulièrement meurtrières
pour l’homme. Le partage des eaux devient aussi, en
raison du stress hydrique, une importante source de
conflits entre États et constitue un risque majeur pour la
stabilité.

Le risque de submersion

L’Afrique est sans aucun doute le continent qui est,


proportionnellement à sa population, le plus affecté par les
inondations et les sécheresses. Ces catastrophes sont d’abord liées
à des événements météorologiques, mais elles révèlent aussi des
dysfonctionnements antérieurs : mauvais choix en termes
d’aménagement des cours d’eau ou de stratégie agricole, pollutions
agricoles, urbaines ou industrielles, qui aggravent les risques pour
les populations. Ainsi, les inondations meurtrières en ville sont l’effet
du développement anarchique des villes et de la construction dans
les bas-fonds. Dans les zones rurales, par exemple, du
Mozambique, des études ont montré que les barrages construits à
l’époque coloniale ont donné un faux sentiment de sécurité en
arrêtant les petites crues et poussé les populations à s’installer en
zone dangereuse.
À Paris, le risque d’une crue équivalente à celle de 1910 reste
possible. Si le bilan humain serait sans doute faible, les dommages
seraient plus conséquents (plus de 12 milliards d’euros), et la
résilience des Parisiens aux privations d’électricité, de chauffage et
de transport et au rationnement en eau, moins forte que celle de
leurs ancêtres.

Le risque de maladie

L’eau est aussi un vecteur de parasites intestinaux, de diarrhées et


de maladies infectieuses, tels la typhoïde, le trachome et
l’onchocercose (cécité causée par une bactérie et un parasite), la
bilharziose ou le choléra, éradiqué dans les pays du Nord. C’est loin
d’être le cas dans les pays du Sud, où cette maladie reste
endémique. Au Pérou, en 1991, la contamination de l’eau par des
matières fécales, en raison de la décision des autorités d’arrêter la
chloration de l’eau, cause l’infection d’un million de personnes et le
décès de 10 000 Péruviens. Les pertes économiques engendrées
par l’épidémie sont trois fois supérieures au coût des
investissements effectués dans les dix années précédentes pour
l’amélioration des réseaux d’eau potable. En Afrique du Sud, le
choléra est apparu au début des années 2000 chez les populations
qui n’avaient plus les moyens de se raccorder au réseau d’eau
potable et utilisaient de l’eau de cours d’eau recevant des eaux
usées.

Le risque de conflit

Enfin, la combinaison d’un aléa climatique (crue, sécheresse) et de


la vulnérabilité des populations renforce les risques hydrologiques.
Cela concerne essentiellement les régions les plus arides ou semi-
arides, où la variabilité des précipitations est la plus forte et où la
capacité d’adaptation des populations est limitée, comme dans la
bande sahélienne ou en Asie occidentale (sauf les pays du Golfe).
Quant au risque hydro-politique qui résulte de fragmentation des
bassins versants des fleuves et des tensions existantes entre un ou
plusieurs acteurs, il est particulièrement fort autour des grands
bassins fluviaux que sont le Nil, le Jourdain, le Tigre et l’Euphrate, le
Syr-Daria et l’Amou-Daria, qui alimentent la mer d’Aral.
Toutefois, si les guerres de l’eau restent improbables, ces tensions
hydropolitiques réduisent considérablement les moyens de
résoudre les risques hydrologiques. Ainsi, le Kazakhstan a entrepris
de sauver la « Petite Aral » située sur son territoire, ce qui
condamne d’autant plus rapidement la « Grande Aral » située
majoritairement en Ouzbékistan.

Sur les 6 792 événements liés à l’eau dans le monde


entre 1948 et 2008 recensés par le géographe Aron Wolf, la
coopération l’emporte sur les conflits. Seuls 1 295 cas ont
entraîné des tensions et des déclarations hostiles (modérées dans
720 cas et fortes dans 362 cas).
Des risques épidémiques

croissants

Ebola, Zika, Covid, Monkeypox : la succession récente de


crises épidémiques indique une accélération du rythme
d’émergence de nouveaux pathogènes. Plutôt qu’une
explication simpliste, qui fait des intrusions humaines
dans une nature sauvage la cause des émergences, il faut
comprendre comment les sociétés humaines, en créant
des écologies spécifiques à travers l’élevage du bétail ou
l’agro-industrie, déroulent le tapis rouge aux pathogènes.
Une épidémie d’épidémies

Les émergences virales et bactériennes se multiplient, sans qu’il


s’agisse d’un biais de détection lié aux progrès de la surveillance et
de la biologie moléculaire. Il est tentant de considérer que
l’émergence serait la conséquence d’un « saut d’espèce » suite à un
contact avec la faune sauvage, comme les grands singes ou les
chauves-souris. Selon cette vision, les sites riches en biodiversité
de la zone tropicale sont ainsi des « points chauds d’émergence », à
soumettre à des mesures de surveillance ; et les pandémies, des
conséquences d’une transgression humaine de l’ordre de la
« nature ». Cette explication laisse toutefois de côté les facteurs
structurels et sociaux de l’émergence des pathogènes.

La relation ambivalente aux animaux

Tout d’abord, la biodiversité joue un rôle protecteur face à


l’émergence : un plus grand nombre d’espèces « diluant » ce risque
en minimisant les chances pour un pathogène de « tomber » sur un
hôte réceptif. C’est plutôt la perte de biodiversité, à la fois par
l’extinction d’espèces et par les changements de paysages
associés (développement de plantations) qui facilite les
émergences. Par ailleurs, l’insistance sur le « contact fatal » avec la
faune sauvage ne rend pas compte du rôle joué par le bétail, les
animaux domestiques ou les rongeurs « commensaux » (rats et
souris).
La comparaison des épidémies d’origine animale met ainsi en relief
le poids de facteurs liés aux infrastructures, à la nourriture agro-
industrielle, aux médicaments ou aux conflits, plutôt que le danger
d’une « nature » sauvage. Alors que les animaux d’élevage sont
désormais, en masse, la première forme vivante de la planète, leur
rôle de réservoir, d’amplificateur ou d’intermédiaire dans les
émergences de nouveaux virus (Covid-19), de bactéries résistantes
aux antibiotiques, les place au cœur des défis cruciaux pour la
santé des humains au xxie siècle.
Des inégalités face aux risques

Les risques naturels, technologiques et nucléaires, très


largement répandus et potentiellement générateurs de
catastrophes, menacent une large population et
particulièrement les plus pauvres. Quant aux nuisances
olfactives et sonores, elles limitent le bien-être des
populations et agissent sur leur santé. Avec le
changement climatique, les catastrophes naturelles
seront-elles plus fréquentes et/ou plus graves ?

Un facteur aggravant de la pauvreté

Les catastrophes naturelles accentuent la pauvreté, facteur de


vulnérabilité face aux crises. Augmenter la résilience des plus
pauvres pour un développement durable passe donc par leur
installation dans des lieux plus sûrs, par des moyens d’existence
décents et des outils (notamment la connaissance) pour affronter
les chocs. À cet égard, la plupart des espaces à risques et des
populations qu’ils portent dans les pays en développement sont
bien loin de la durabilité. Les chaînes de risques naturels et
technologiques peuvent avoir des effets redoutables. En témoignent
le séisme de magnitude 9 survenu au large des côtes japonaises (à
130 km au large de Sendai) en 2011 et le tsunami (vague atteignant
10 m de hauteur) qui a suivi et conduit à la catastrophe de
Fukushima.
Le risque nucléaire à l’échelle planétaire

437 réacteurs nucléaires sont en fonctionnement, répartis dans


30 pays (États-Unis, France, Japon, Chine, Russie…) parmi les plus
peuplés de la planète, ils font courir un risque à une population
importante. Ce risque résulte du possible déroulement d’un
accident nucléaire conduisant à un rejet d’éléments radioactifs à
l’extérieur des enceintes prévues pour les contenir (accident
d’origine interne tel Tchernobyl ou d’origine terroriste, accident en
chaîne tel Fukushima).
Les accidents peuvent aussi se produire lors du transport de
produits radioactifs, lors de l’utilisation médicale, militaire et
industrielle de radioéléments. De tels accidents peuvent polluer sols
et eau sur de vastes surfaces autour des installations, les polluants
transportés dans l’atmosphère peuvent concerner de bien plus
vastes espaces quand ils retombent avec les précipitations. Les
risques sont aussi associés à l’existence de déchets dont la
dangerosité varie avec le niveau d’activité des radionucléides et la
durée de vie de ces derniers (ou de la période radioactive).
Le bruit, risque ou nuisance ?

De nos jours, les nuisances olfactives et sonores sont souvent


dénoncées comme source d’inconfort des citadins. Elles participent
au « stress » et entraînent des problèmes de santé (perturbation du
sommeil, modification du comportement…).
De toutes les conséquences environnementales induites par la
construction d’un aéroport (pollu-tion atmosphérique,
imperméabilisation du sol…), le bruit est la nuisance qui pose le
plus de problèmes. Aux États-Unis, plus de 50 aéroports, dont les
tout premiers mondiaux en nombre de passagers (Chicago) ont à
gérer des conflits liés aux nuisances sonores. Il en est de même en
Europe, avec par exemple l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol.
50 millions de personnes vivant en milieu urbain dans l’Union
européenne sont soumises à des niveaux excessifs de bruit dû à la
circulation la nuit et 20 millions d’entre elles ont des problèmes de
santé liés à ce phénomène.

Selon l’historienne Kate Brown, la catastrophe de Tchernobyl aurait


fait entre 35 000 et 150 000 victimes directes, et non quelques
centaines comme l’affirmaient les autorités soviétiques.
Kate Brown, Tchernobyl par la preuve (2021, Actes Sud).
Des risques amplifiés par le

réchauffement climatique

Les récents événements climatiques constatés au cours


des dernières années semblent confirmer la forte
aggravation des aléas météorologiques envisagés dans
les différents scénarios pour 2100 du GIEC, y compris si
le réchauffement climatique demeure inférieur à 2 °C. Ce
constat oblige à envisager bien des modifications dans
nos modes de vie.

Les vallées, littoraux et montagnes les plus affectés

Au cours du xxie siècle, l’aggravation des aléas naturels ne fait


guère de doutes : inondations, mouvements de terrain,
sécheresses, épisodes caniculaires. L’ensemble de nos modes de
vie en sera modifié. Les villes verront les épisodes de canicule se
multiplier et l’îlot de chaleur urbain s’affirmer notamment dans les
très grandes villes (Paris, Marseille, Lyon… et les autres
métropoles), avec des conséquences en termes de santé sur la
population.
Les villes devront trouver des moyens d’adaptation, non seulement
pour réduire les déplacements contributeurs de CO2 mais aussi
participer à la régulation des températures (végétalisation des
immeubles et des toits et création d’espaces verts).
Les espaces les plus concernés par les différents aléas climatiques
évoqués seront les vallées (inondations, mouvements de terrain), les
montagnes (dynamique des versants accrue, déficit de neige et
donc d’eau), les littoraux marqués par les effets aggravés des
tempêtes et soumis à la montée du niveau marin.
Presque les deux-tiers de la population mondiale vit à moins de 150
km de la mer. L’élévation d’un mètre, envisagée dans l’un des
scénarios du GIEC pour 2100, aurait des conséquences durables
notamment au Bangladesh, au Vietnam ou dans le sud de la Floride.
Les incendies de forêt devraient se multiplier à l’instar des
mégafeux que connaît au printemps 2023 le Canada, et les effets de
la sécheresse sur les sols argileux, retrait suivi du gonflement des
argiles, toucheront des milliers de résidences.
Dans les territoires français d’outre-mer, les impacts devraient être
très marqués et les risques plus élevés, les événements extrêmes
(vagues de chaleur, cyclones…) augmentant tant en nombre qu’en
intensité. La montée des eaux va concerner les côtes basses et
notamment celles d’un certain nombre d’îles françaises du
Pacifique.
L’urgence de l’adaptation

Ce constat montre la nécessité d’agir afin de parvenir à la meilleure


adaptation possible à de nouvelles conditions de vie où les aléas et
les risques seront probablement plus nombreux et de plus forte
intensité. Des mesures d’adaptation seront nécessaires pour limiter
les impacts du changement climatique sur les modes de vie et les
secteurs d’activité économique. Les agriculteurs diversifieront leur
activité et modifieront leur production en investissant dans
l’irrigation maîtrisée. L’installation ou la relocalisation des
populations loin des espaces dangereux des littoraux ou des cours
d’eau devront être systématiques.

Au cours des années 2010, des millions de personnes ont dû quitter


leur lieu de vie sous la pression du changement climatique (en Inde,
Bangladesh, Chine, Vietnam…). Ils ont migré vers les villes les plus
proches, accentuant la pression démographique dans des
métropoles sous-équipées, et le risque des tensions entre
populations défavorisées.
Au niveau juridique, les migrations posent la question du statut des
réfugiés climatiques, en particulier pour ceux dont l’État pourrait
disparaître, submergé par la montée des eaux. Aucun texte de droit
international n’a prévu la disparition physique d’un État, ni donc le
statut d’apatride en découlant.

1,176 MILLIARD D’EUROS


C’est le montant des dommages à Saint-Martin liés au cyclone
IRMA en septembre 2017.
La France face aux risques :

quelle(s) politique(s) ?

Face aux risques technologiques (accidents industriels,


incendies, explosion) et aux risques naturels (canicule,
sécheresse, tempêtes, inondations, feux de forêt,
avalanches, séismes et volcanisme dans certains DOM),
la France a mis en place une politique de prévention et
d’information du public, afin d’augmenter la résilience des
territoires et des acteurs. Les risques nucléaires sont eux
envisagés en termes de gestion de crise.
92 catastrophes par an

Du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2020, 1 964 catastrophes


naturelles ont été recensées en France et dans les DOM, soit en
moyenne 92 évé-nements par an. En dépit de la variabilité annuelle,
le nombre d’événements chaque année reste assez stable avec une
croissance modérée de l’ordre de 4 %. Les conséquences
économiques des catastrophes naturelles augmentent depuis
plusieurs décennies, en raison de la vulnérabilité croissante des
territoires exposés (croissance démographique, aménagements). À
cela s’ajoutent les possibles effets du changement climatique qui
dans le futur peuvent aggraver les risques, notamment sur les
littoraux et imposer localement de déplacer la population et les
aménagements.
Les risques naturels d’origine climatique affectent à des degrés
divers l’ensemble du territoire, tandis que les risques
technologiques concernent les installations classées (soumises à
déclaration ou autorisation, de type Seveso), les stockages
souterrains de produits dangereux et le transport de matières
dangereuses. Certains territoires d’outre-mer sont, eux, soumis à
des risques sismiques, volcaniques et aux effets des cyclones.

Prévention et information

La gestion des risques est fondée sur la connaissance des aléas et


des enjeux concernés et sur des moyens d’action disponibles pour
y faire face. La surveillance des phénomènes permet d’informer,
d’alerter le citoyen qui peut ainsi se préparer. La préparation
incombe également au maire dans le cadre du plan communal de
sauvegarde (PCS). La maîtrise de l’urbanisation contribue à réduire
les dommages. Le retour d’expérience fournit des données sur les
événements passés pour mieux appréhender les crises futures. Les
plans de prévention des risques naturels (PPRN) et technologiques
(PPRT) ont pour objectif de réduire l’exposition au risque ainsi que
la vulnérabilité des biens et des personnes. Approuvés par le préfet,
ils sont annexés, après enquête publique, au plan local d’urbanisme
(PLU) en tant que servitude d’utilité publique. Leurs dispositions
l’emportent sur toute autre considération.

Le cas particulier des risques nucléaires

Avec 57 réacteurs implantés au sein de 19 centrales nucléaires


réparties sur l’ensemble du territoire, la France est le premier pays
au monde en termes de production nucléaire. Le risque résulte du
possible déroulement d’accidents liés au transport de produits
radioactifs, de l’utilisation médicale ou industrielle de radioéléments
et de dysfonctionnements graves d’une installation nucléaire
industrielle ou d’une centrale électronucléaire conduisant au rejet
d’éléments radioactifs à l’extérieur des enceintes prévues pour les
contenir. En résultent la dispersion atmosphérique (particules ou
gaz) ou le rejet liquide de produits radioactifs dans l’environnement,
responsables de la contamination de celui-ci et/ou de l’exposition à
des rayonnements ionisants des travailleurs et de la population
autour de l’installation accidentée. Les fortes doses d’irradiation ont
des conséquences qui apparaissent rapidement après l’accident et
peuvent entraîner la mort, tandis que les faibles doses se
manifestent en général longtemps après celles-ci (cancer et
anomalies génétiques).
À la différence de la gestion des risques naturels ou technologiques,
il n’existe pas de plan de prévention des risques nucléaires. Ce
risque est envisagé à la source dans le cadre de la conception
même de l’équipement et de la surveillance lors du fonctionnement.
Le plan d’urgence interne (PUI), qui concerne centrales nucléaires,
usines de fabrication de combustibles nucléaires, centres de
retraitement, etc., est propre à chaque site et établi par l’exploitant.
Il a pour objectif de limiter les conséquences de l’accident et de
protéger les personnes présentes sur le site. Il est déclenché par le
directeur de la centrale sous le contrôle de l’Autorité de sûreté
nucléaire (ASN).
Gérer l’urgence

Les plans particuliers d’intervention (PPI) couvrent un périmètre de


20 km autour des centrales et comportent trois phases de gestion
d’urgence : planifier une mesure d’évacuation immédiate de 5 km
autour des centrales, distribuer des pastilles d’iode dans le
périmètre d’intervention (20 km) et mobiliser les services de secours
et des services de l’État.
Le Comité directeur des pollutions radioactives accidentelles
(CODIRPA) créé en 2005 par l’Autorité de la sécurité nucléaire pour
envisager la post-crise recommande que deux zones soient
distinguées pour la gestion des territoires les plus contaminés : une
zone de protection des populations (ZPP) définie à partir de
l’évaluation prédictive des doses susceptibles d’être reçues au
cours du mois suivant la fin de l’accident, sans tenir compte de
l’efficacité des actions de réduction de la contamination qui seraient
à mettre en œuvre dans la zone, et une zone de surveillance
renforcée des territoires (ZST), pour vérifier que dans les denrées
alimentaires et les produits agricoles les niveaux maximaux
admissibles fixés par la réglementation ne sont pas dépassés.
La sûreté demanderait plus de lisibilité et de transparence de la part
des autorités, notamment de l’ASN.

ÉCHELLE INTERNATIONALE DES INCIDENTS ET


ACCIDENTS NUCLÉAIRES
De 1 à 3, l’incident est sans conséquence significative sur les
populations et l’environnement, au-delà on parle d’accident, les
sixième et septième niveaux correspondant à un accident de la
gravité de Tchernobyl et de Fukushima.
La biodiversité menacée par

l’économie du sexe

Le culte de la performance sexuelle est omniprésent et,


selon des idées reçues ancrées dans les mémoires
collectives depuis l’Antiquité, la virilité des hommes se
mesurerait à la taille de leur pénis. Ces croyances ont des
effets dévastateurs sur l’environnement et la préservation
de la biodiversité ! En témoigne le cours de la corne de
rhinocéros qui atteint des records.

D urant la dernière décennie, une nouvelle activité criminelle, en


pleine expansion en Europe, fait régulièrement la une des
journaux. Il s’agit de vols de cornes de rhinocéros dans les musées.
Broyées et bues en infusion, ces cornes viendraient renforcer la
vigueur sexuelle masculine et sont très prisées en Asie. L’once d’or,
qui atteint déjà des valeurs records, se fait dépasser par ce produit
inattendu et pour le moins improbable. Plus d’une quarantaine de
musées ont été attaqués depuis 2009, dans une dizaine de pays
européens. Les grands musées des capitales ne sont pas la seule
cible. Des musées de villes moyennes et plus isolés comme celui de
l’île d’Aix en France ont également été victimes de ces vols. En
réaction, beaucoup de musées ont décidé de scier les cornes de
leurs rhinocéros et de les remplacer par des fausses pour protéger
leurs personnels et aussi pour sauvegarder ce patrimoine naturel.
Cette alerte médiatique est salutaire, car elle donne à voir au monde
le grand danger encouru par les rhinocéros et les grands
mammifères en voie d’extinction. Car si le vol des cornes est
préoccupant en Europe, la situation est très grave en Afrique où le
nombre de braconnages a explosé. L’organisation internationale
Traffic recense 448 cas de braconnage en 2011 en Afrique du Sud
contre 13 cas en 2007. 60 % des rhinocéros tués illégalement dans
ce pays proviennent du grand parc national Kruger. La Namibie, le
Zimbabwe et le Kenya sont également concernés par cette menace.
Le site Planetoscope indique qu’en 2015 plus de 1 300 rhinocéros
ont été abattus contre près de 750 en 2012.

Les réseaux du trafic

Plus de 27 kilos de cornes de rhinocéros, d’une valeur de plus


d’un million d’euros, ont été saisis en Thaïlande et au Vietnam au
début de l’année 2013. En provenance du Mozambique, des
morceaux de cornes ont été transportés par la route vers l’Éthiopie
avant d’être acheminés par les trafiquants via les principaux
aéroports asiatiques vers les marchés chinois et vietnamiens. Le
trafic de rhinocéros d’Afrique du Sud vers le Vietnam a fait l’objet
d’une étude très documentée par l’organisation Traffic-Cites. C’est
un réseau très structuré d’Irlandais issus du crime organisé qui
serait à l’origine de ce trafic. En septembre 2021, à Rennes, un
procès impliquant une dizaine de personnes de nationalités
irlandaise, chinoise et vietnamienne a eu lieu ; la France apparaît
comme un pays de transit majeur de ces marchandises vers l’Asie.
Les parcs africains rivalisent de créativité pour protéger du
braconnage les 30 000 rhinocéros restants dans le monde. Certains
empoisonnent les cornes, d’autres expérimentent la radioactivité
pour mieux suivre les rhinocéros dans leur mobilité. Compte tenu
des coûts nécessaires, la mise en place de ces mesures à grande
échelle a peu de chance de se généraliser rapidement et donc de
protéger efficacement les rhinocéros.
Du naturel en Asie, du chimique en Occident ?

Les Chinois et les Japonais ont de tout temps conféré aux cornes
de rhinocéros des propriétés aphrodisiaques. La consommation
d’aphrodisiaques, en particulier masculins, est en effet une pratique
ancienne tant la recherche de la performance sexuelle chez les
hommes est une valeur partagée partout dans le monde. La peur de
la panne effraie et selon les projections de l’American College of
Physicians, plus de 300 millions d’hommes dans le monde
pourraient avoir des troubles de l’érection.
L’arrivée du Viagra sur le marché, à la fin du xxe siècle, a modifié les
pratiques et les mentalités. L’exigence des femmes serait plus
grande, et les hommes trouvent grand intérêt à recourir à cet
aphrodisiaque miracle. Les Américains seraient les plus fervents
consommateurs, avec plus de 50 % de la production mondiale. Le
recours aux aphrodisiaques naturels, essentiellement des plantes
(gingembre, safran, ginseng et ginkgo biloba), est également
présent dans le monde occidental.

100 000 e/KG


Selon le WWF, les cornes de rhinocéros se négocient entre 25 000 et
200 000 euros la pièce ou 100 000 euros le kilo.
Manifestants brandissant des pancartes lors d’une manifestation pour le
climat et contre le réchauffement climatique organisée par le mouvement de
jeunes Vendredis pour l’avenir (FFF), le 10 mars 2023 à Paris.
Photographie : © Victor Velter/Shutterstock
Réchauffement climatique, la porte
ouverte aux épidémies
Les scientifiques en sont persuadés, la crise du
Covid n’était qu’une répétition et le monde
n’échappera pas à l’avenir aux épidémies,
favorisées par le réchauffement climatique.

L
ors de la pandémie de Covid-19, de nombreux virologues
ont affirmé que le réchauffement climatique, la
déforestation, l’urbanisation croissante et les pratiques
agricoles intensives risquaient à terme de détruire les milieux
naturels et bouleverser l’équilibre de la faune. Certains attribuent
d’ailleurs à tous ces facteurs l’origine de l’émergence du SARS-
CoV-2.
D’autres scientifiques, glaciologues, alertent eux sur la fonte du
permafrost. Elle a débuté ces dernières années sous l’effet de la
hausse des températures mondiales et pourrait réveiller des
microbes et virus emprisonnés depuis des milliers d’années. Ainsi,
des chercheurs français ont réussi à réactiver des virus sibériens
datant d’au moins 30 000 ans.
Enfin, le moustique tigre ne mesure que quelques millimètres mais
il est redoutable. Il s’étend dans l’hémisphère nord, et grâce à la
hausse des températures, s’y plaît. Le Covars, le Comité de veille et
d’anticipation des risques sanitaires, prévient. Pour le conseil
scientifique français, le moustique tigre déclenchera certainement
bientôt des épidémies saisonnières de dengue, chikungunya ou
zika, même sous nos latitudes, et nos systèmes de santé doivent s’y
préparer. Moustiques, tiques et punaises sont déjà responsables de
plus d’un million de morts par an, estime l’ONU.
Dans ce contexte, l’Organisation mondiale de la santé a décidé de
promouvoir l’approche « One Health » auprès des scientifiques,
« une santé unique » en français. En clair, santé humaine et animale
étant interdépendantes, il faut les étudier ensemble pour pouvoir
protéger à la fois hommes et animaux.
Solenne Le Hen
Spécialiste santé à franceinfo
POSTFACE

Révolution artificielle

À
À
chaque année sa révolution, à chaque année ses
inquiétudes.
À peine remise d’une pandémie mondiale, de l’urgence
climatique et d’une guerre en Europe, notre société doit faire face à
un nouveau défi qui bouleverse déjà notre quotidien, et pour ne pas
dire, l’humanité : l’intelligence artificielle. Nous sommes en effet
entrés de plain-pied dans l’ère des fausses images, des datas
utilisées à mauvais escient et des avatars plus vrais que nature qui
nous renvoient parfois aux films les plus fous de science-fiction des
années 1980.
Quelle est la place de l’homme dans ce monde ? Quel rôle donner à
la machine ? Quelle attitude adopter pour ne pas rejeter le progrès
mais réussir à le maîtriser ?
Voilà les questions qui sont les nôtres aujourd’hui.
Cette révolution artificielle est d’autant plus vertigineuse qu’elle
avance à la vitesse de la lumière. Car ce qui n’est pas encore
possible un jour le devient le lendemain.
Nous sommes passés en quelques mois d’un logiciel capable de
retranscrire de la voix à un autre logiciel – ou le même – en capacité
d’imiter la voix, le phrasé, les intonations d’une personnalité.
Et en plusieurs langues, et plus vrai que nature, s’il vous plaît !
Vertigineux, vous disais-je.
Pour nous journalistes, il nous faut être encore plus vigilants et
rigoureux face à ce déferlement d’« informations ».
Nos confrères de l’Agence France-Presse ont par exemple mis plus
de cinquante heures pour établir que la photo d’un vieil homme, le
visage en sang dans une des manifestations contre la réforme des
retraites était un « fake », généré par une intelligence artificielle.
Désormais, comment croire les images qui nous proviennent
d’Ukraine, de Chine, des États-Unis et même du coin de notre rue ?
Comment ne pas être débordés par ces algorithmes qui nous
envahissent et peuvent nous manipuler à tout instant ?
Le réflexe premier serait de refuser ces avancées technologiques.
Au contraire, l’homme doit prendre la main sur la machine et s’en
servir pour améliorer son existence.
C’est grâce à l’apport des datas que plusieurs enquêtes
d’investigation ont pu aboutir ces dernières années. C’est grâce à
l’intelligence artificielle que des journalistes sont déchargés de
tâches répétitives et sans grande valeur éditoriale. C’est grâce aux
techniques du métavers que des studios virtuels peuvent être
installés au cœur d’événements mondiaux (et au passage réduire
l’empreinte carbone des opérations). Demain, ces techniques nous
permettront d’aller plus loin si tant est que nous restions dans la
maîtrise de ces technologies.
Pour cela il faut mettre l’homme au centre de tout. Croire en son
intelligence, en sa capacité à contextualiser les faits, à les recouper,
à entendre la contradiction et à analyser les enjeux de telle ou telle
information. Bref, croire au journalisme.
Le reporter de terrain n’est pas dans la réalité virtuelle, il est dans la
vraie vie. Et ça, jamais aucune autre intelligence, si parfaite soit-elle,
ne pourra le faire.
La crédibilité de l’information est en jeu. Notre responsabilité en tant
que média est immense. Il faut donc imaginer une régulation pour
ne pas perdre la confiance du public ; et en tout cas, mener dans
chaque rédaction une réflexion pour poser les limites de cette
révolution et garantir une information juste et impartiale.
« À défaut d’une parfaite et irréalisable objectivité, face aux
tentations de l’argent, aux empiétements du pouvoir, la redoutable
concentration qu’entraîne le progrès technologique, c’est l’alliance,
l’émulation, la commune exigence de l’informateur et de l’informé,
qui restent la plus sûre garantie d’une information honnête et donc
digne de foi », écrivait le grand Hubert Beuve-Méry.

Jean-Philippe Baille,
directeur de franceinfo
Annexes
SOURCES ET CRÉDITS
Le Grand Atlas a été conçu, édité et coordonné par Frank Tétart.
Les pages de ce livre sont pour la plupart extraites de la collection
« Atlas » des éditions Autrement, dont les données ont été mises à
jour et adaptées.
Cartes des rabats
Trame des États souverains : Cyrille Suss
Population 2015 et 2050 : Guillaume Balavoine
Jeux olympiques : Paul Gallet
Pages 8-9
Zones de tensions dans le monde : Hugues Piolet
Pages 12-13
Texte : Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier, Atlas de l’Europe
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Europe
Pages 14-15
Texte : Fabrice Argounès, Sarah Mohamed-Gaillard et Luc Vacher,
Atlas de l’Océanie
Cartes : Cécile Marin et Mélanie Marie, Atlas de l’Océanie
Pages 16-17
Texte : Thierry Sanjuan, Atlas de la Chine et Frank Tétart
Cartes : Madeleine Benoit-Guyod, Atlas de la Chine
Pages 18-19
Texte : Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud, Atlas du Moyen-
Orient et Frank Tétart
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du Moyen-Orient et création Cécile
Marin
Pages 20-21
Texte : Frank Tétart, Atlas de l’Europe
Cartes : Cyrille Suss, Atlas géopolitique de la Russie et Aurélie
Boissière, Atlas de l’Europe
Pages 22-23
Texte : Jean-Paul Chagnollaud et Pierre Blanc, Atlas du Moyen-
Orient
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du Moyen-Orient
Pages 24-25
Texte : Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier, Atlas de l’Europe
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Europe et création Cécile Marin
Pages 26-27
Texte : Frank Tétart
Cartes : Cécile Marin, Grand Atlas 2021 et Hugues Piolet, Atlas
militaire et stratégique
Pages 28-29
Texte : Frank Tétart
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du Moyen-Orient
Pages 30-31
Texte : Frank Tétart
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Afrique et Hugues Piolet, Atlas
militaire et stratégique
Pages 32-33
Texte : Jean-François Daguzan, in B. Tertrais (dir.), Atlas militaire et
stratégique
Cartes : Hugues Piolet, Atlas militaire et stratégique
Pages 40-41
Texte : Bruno Tertrais, Atlas militaire et stratégique
Cartes : Hugues Piolet, Atlas militaire et stratégique
Pages 42-43
Texte : Christian Montès et Pascale Nédélec, Atlas des États-Unis
Cartes : Cyrille Suss, Atlas des États-Unis
Pages 44-45
Texte : Olivier Dabène et Frédéric Louault, Atlas de l’Amérique
latine
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Amérique latine et création
Cécile Marin
Pages 46-47
Texte : Frank Tétart, Grand Atlas 2022
Cartes : Cécile Marin, Grand Atlas 2022
Pages 48-49
Texte : Emmanuelle Maitre in B. Tertrais (dir.),Atlas militaire et
stratégique
Cartes : Hugues Piolet, Atlas militaire et stratégique
Pages 50-51
Texte : Yvette Veyret et Paul Arnould, Atlas du développement
durable
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du développement durable et
Cécile Marin, Grand Atlas 2023
Pages 52-53
Texte : Bernadette Mérenne-Schoumaker, Atlas des matières
premières
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas mondial de l’eau et Claire
Levasseur, Atlas des matières premières
Pages 54-55
Texte : Nadine Cattan et Stéphane Leroy, Atlas mondial des
sexualités
Cartes : Justine Bergeron et Lucille Dugast, Atlas mondial des
sexualités
Pages 56-57
Texte : Yvette Veyret et Paul Arnould, Atlas du développement
durable
Cartes : Claire Levasseur,Atlas du développement durable et Cécile
Marin
Pages 58-59
Texte : Jean-Baptiste Guégan, Atlas géopolitique du sport
Cartes : Paul Gallet, Atlas géopolitique du sport
Pages 60-61
Texte : Lukas Aubin, Atlas géopolitique du sport
Cartes : Paul Gallet, Atlas géopolitique du sport
Pages 68-69
Texte : Marcel Dorigny et Bernard Gainot, Atlas des esclavages
Cartes : Fabrice Le Goff, Atlas des esclavages
Pages 70-71
Texte : Jean-Luc Chappey et Bernard Gainot, Atlas de l’empire
napoléonien
Cartes : Fabrice Le Goff, Atlas de l’empire napoléonien
Pages 72-73
Textes : Olivier Dabène et Frédéric Louault, Atlas de l’Amérique
latine
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Amérique latine
Pages 74-75
Texte : Lukas Aubin, Atlas géopolitique du sport
Cartes : Paul Gallet, Atlas géopolitique du sport
Pages 76-77
Texte : Stéphane Simonnet et Christophe Prime, Atlas de la
Seconde Guerre mondiale et Frank Tétart
Cartes : Claire Levasseur, Atlas de la Seconde guerre mondiale
Pages 78-79
Texte : Hugo Billard et Frédéric Encel, Atlas des frontières
Cartes : création Cécile Marin et Paul Gallet, Atlas des frontières
Pages 80-81
Texte : Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier, Atlas de l’Europe
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas de l’Europe
Pages 82-83
Texte : Pascal Marchand, Atlas géopolitique de la Russie et Frank
Tétart
Carte : Cyrille Suss,Atlas géopolitique de la Russie
Pages 86-87
Texte : Gilles Pison, Atlas de la population mondiale
Cartes : Guillaume Balavoine, Atlas de la population mondiale
Pages 88-89
Texte : Gilles Pison, Atlas de la population mondiale
Cartes : Guillaume Balavoine, Atlas de la population mondiale
Pages 90-91
Texte : Gilles Pison, Atlas de la population mondiale
Cartes : Guillaume Balavoine, Atlas de la population mondiale
Pages 92-93
Texte : Yvette Veyret, Paul Arnould, Atlas du développement
durable et Bernadette Mérenne-Schoumaker,Atlas des énergies
mondiales
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du développement durable et
création Cécile Marin
Pages 94-95
Texte : François-Marie Bréon et Gilles Luneau, Atlas du climat
Cartes : Hugues Piolet, Atlas du climat
Pages 96-97
Texte : Xavier Bernier, Atlas des mobilités et des transports
Cartes : Paul Gallet, Atlas des mobilités et des transports
Pages 98-99
Texte : Jean-Paul Charvet, Atlas de l’agriculture
Cartes : Claire Levasseur, Atlas de l’agriculture
Pages 100-101
Texte : Jean-Paul Charvet, Atlas de l’agriculture
Cartes : Claire Levasseur, Atlas de l’agriculture et Cécile Marin
Pages 102-103
Texte : Joël Boulier et Laurent Simon, Atlas des forêts dans le
monde
Cartes : Xemartin Laborde, Atlas des forêts dans le monde
Pages 104-105
Texte : Yvette Veyret et Paul Arnould, Atlas du développement
durable
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du développement durable
Pages 106-107
Texte : François-Marie Bréon et Gilles Luneau, Atlas du climat
Cartes : Hugues Piolet, Atlas du climat
Pages 116-117
Texte : Richard Laganier et Yvette Veyret (dir.), Atlas des risques et
des crises
Cartes : Claire Levasseur, Atlas des risques et des crises
Pages 118-119
Texte : Richard Laganier et Yvette Veyret (dir.), Atlas des risques et
des crises
Cartes : Claire Levasseur, Atlas des risques et des crises
Pages 120-121
Texte : Richard Laganier et Yvette Veyret (dir.), Atlas des risques et
des crises
Cartes : Claire Levasseur, Atlas des risques et des crises
Pages 122-123
Texte : David Blanchon, Atlas mondial de l’eau
Cartes : Aurélie Boissière, Atlas mondial de l’eau
Pages 124-125
Texte : Guillaume Lachenal et Gaëtan Thomas, Atlas historique des
épidémies
Cartes : Fabrice Le Goff, Atlas historique des épidémies
Pages 126-127
Texte : Yvette Veyret et Paul Arnould, Atlas du développement
durable
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du développement durable
Pages 128-129
Texte : Richard Laganier et Yvette Veyret (dir.), Atlas des risques et
des crises
Cartes : Hugues Piolet, Atlas du climat et Claire Levasseur, Atlas
des risques et des crises
Pages 130-131
Texte : Yvette Veyret et Paul Arnould, Atlas du développement
durable
Cartes : Claire Levasseur, Atlas du développement durable
Pages 132-133
Texte : Nadine Cattan et Stéphane Leroy, Atlas mondial des
sexualités
Cartes : Justine Bergeron et Lucille Dugast, Atlas mondial des
sexualités
LES JEUX OLYMPIQUES : UNE
HISTOIRE MILLÉNAIRE

• Ier millénaire avant notre ère : apparition des Jeux


panhelléniques dans toute la Grèce ; le sport faisant partie
intégrante de la vie des cités grecques.
• 776 av. J.-C. : 1re édition des jeux antiques à Olympe,
forgeant le nom de Jeux olympiques (JO).
• 1896 : renaissance des JO à Athènes à l’initiative du
baron Pierre de Coubertin.
• 1920 : création des cinq anneaux olympiques par le
Comité international olympique (CIO).
• 1924 : instauration des premiers Jeux olympiques
d’hiver.
• 1952 : JO d’Helsinki, le CIO accepte, dans un contexte
de guerre froide, que l’URSS, la Hongrie, la
Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne
aient leur village olympique séparé.
• 1956 : JO de Cortina d’Ampezzo (Italie), première
retransmission à la télévision.
• 1954-1968 : intégration progressive d’une trentaine
d’États africains indépendants au CIO. Les JO deviennent
un lieu d’expression de l’indépendance des pays africains
colonisés.
• 1960 : JO de Rome, 400 athlètes réunis par Sir Ludwig
Guttman concourent dans les « Jeux olympiques parallèles
», ancêtres des Jeux paralympiques.
• 1964 : JO de Tokyo, première retransmission en
mondovision.
• 1972 : JO de Munich, prise d’otages des athlètes
israéliens dont onze sont assassinés par l’organisation
palestinienne Septembre noir.
• 1976 : JO de Montréal, la cérémonie d’ouverture est
boycottée par 22 nations africaines en protestation contre
la Nouvelle-Zélande, qui soutient l’apartheid.
• 1980 : JO d’été de Moscou, boycottés par les États-Unis
et quelques dizaines de pays occidentaux.
• 1992 : présence d’une équipe d’Afrique du Sud mixte
avec des athlètes blancs et noirs après 28 ans d’absence
dans un contexte d’apartheid.
• 2000 : JO de Sydney, 199 délégations olympiques, soit
plus que de pays reconnus par l’ONU (189).
• 2013 : les recettes du CIO tirées du sponsoring sportif
(collaboration avec des marques comme Coca-Cola, Visa,
Panasonic, Samsung) s’élèvent à 1 milliard.
• 2014 : l’organisation des JO de Sotchi vire à la
démonstration de force russe. Leur coût s’élève à 50
milliards d’euros, un montant sûrement sous-estimé.
• 2017 : le CIO déclare que 43 athlètes russes étaient
dopés aux JO de 2014.
• 2020 : près de la moitié des athlètes sont des femmes
(contre 2,2 % aux Jeux de Paris en 1900).
• 2022 : JO d’hiver à Pékin, les manquements chinois aux
droits de l’homme sont pointés du doigt par les médias et
politiques occidentaux : États-Unis, Australie, Royaume-
Uni n’envoient aucun représentant à la cérémonie
d’ouverture.
• 2024 : JO à Paris.

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