Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
www.seuil.com
Copyright
Bibliographie
Remerciements
PROLOGUE
État d’impuissance
L’agitation présidentielle
Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron s’active
beaucoup à l’international. Il ambitionne de restaurer « l’image de la
France » à l’étranger, et cherche à se construire une stature aux côtés des
grands de ce monde, récoltant ici ou là les lauriers de la presse
internationale. Mais quel est son bilan diplomatique après cinq ans ? La
France trouve-t-elle sa place sur cette planète en plein bouleversement ?
« Je me suis fait une certaine idée de la France », écrivait le général
de Gaulle dans ses Mémoires de guerre. C’était au siècle dernier. Ses
successeurs du XXIe siècle ne paraissent avoir aucune idée, et Emmanuel
Macron remplit ce vide avec des discours parfois contradictoires.
L’agitation présidentielle masque la fragilité de ce « vieux pays » dans
le concert des nations. Depuis le refus de Jacques Chirac de participer à la
guerre américaine en Irak, en dehors peut-être des accords de Paris sur le
climat, à l’issue de la fameuse COP21 en 2015, la France n’a guère
démontré son influence. Son image a été abîmée par la violente répression
des Gilets jaunes qui a fait le tour des télévisions du monde. Et puis
Emmanuel Macron montre un certain talent depuis cinq ans pour
surprendre. Que dissimulent ces multiples revirements, ce « en même
temps » international ? Mes interlocuteurs se perdent en conjectures.
Certains diplomates ou grands patrons – en off, bien sûr – vont jusqu’à
dire : « Il est tenu. » Ou bien Emmanuel Macron doit-il tout simplement
composer avec de multiples contraintes dans un monde de plus en plus
interdépendant ?
En écoutant le président, on constate cependant qu’il présente souvent
le monde qui l’entoure comme une menace. En février 2020, en pleine
affaire de la sextape de Benjamin Griveaux, il affirme à la conférence sur la
sécurité, à Munich, que la Russie va « continuer à essayer de déstabiliser »
les démocraties occidentales par la manipulation des réseaux sociaux ou des
opérations offensives numériques. Puis, soudainement, le président français
met en garde contre « les tentatives d’ingérence » de la Turquie dans
l’élection présidentielle de 2022.
Quelques mois plus tard pourtant, le silence est lourd du côté de
l’Élysée et de l’État quand des journalistes du monde entier dévoilent
l’ampleur de l’espionnage réalisé via le logiciel israélien Pegasus. On
apprend à cette occasion que plusieurs ministres et l’un des téléphones
portables personnels du président français apparaissent sur un listing
d’écoutes et d’interceptions. Un conseil de défense est convoqué dans
l’urgence, mais aucune commission d’enquête parlementaire n’est
organisée, et plus personne n’évoque ensuite les « ingérences ». Pour
justifier ce silence, on invoque la « raison d’État ».
Sur le front de la pandémie, le pouvoir est moins silencieux : les
« éléments de langage » empreints de langue de bois se succèdent mois
après mois. Mais le vent de la défaite souffle sur cette « guerre ». Certains
évoquent même devant moi une « débâcle ». Il est loin le temps où la
France s’enorgueillissait d’être une nation d’ingénieurs et de scientifiques.
La pandémie de Covid-19 a provoqué la sidération dans la population :
impréparation de l’État, échec de la « Big Pharma » française à développer
un vaccin (la France est le seul pays du Conseil de sécurité de l’ONU à
n’avoir pas fabriqué le sien), incapacité à mobiliser des ressources
industrielles suffisantes pour disposer en urgence ne serait-ce que de
masques.
Mais cette perte considérable de puissance de la France ne date pas
d’hier. Elle est la conséquence de choix anciens. Il faut revenir à Valéry
Giscard d’Estaing et à François Mitterrand. Ces deux présidents ont opté
pour une « économie de services », accélérant la désindustrialisation du
pays, pariant sur le développement du tourisme et des loisirs. Insouciante,
convertie à marche forcée à la financiarisation de l’économie, la France
s’est finalement désarmée sur le front industriel depuis une quarantaine
d’années. Airbus, Alstom, Alcatel… : nos industries stratégiques se sont
retrouvées attaquées par les États-Unis comme par la Chine.
Depuis trente ans, nos dirigeants politiques et économiques se
désintéressent des questions stratégiques et industrielles. Résultat, le pays
est ballotté au gré des interventions des uns et des autres, des présidents
Sarkozy, Hollande ou Macron. Tous ces dirigeants sont finalement les pions
d’une partie d’échecs qui les dépasse entre Chine et États-Unis. Sans qu’on
y prenne garde, la France a abandonné la maîtrise de son destin.
Concrètement, cela se paie par des emplois perdus, mais aussi par une
sécurité nationale affaiblie ou par l’absence d’actions efficaces face à la
crise écologique.
Les diplomates français sont perdus. Tout va trop vite pour eux.
Dépassés par la fureur des réseaux sociaux, les alertes des chaînes d’info en
continu, les confidences échangées entre les « grands » de ce monde par
messageries électroniques. Face à ces bouleversements, le Quai d’Orsay
paraît inaudible, diminué. Sans cap ni boussole. Comme si la « voix de la
France » dans le monde, souvent attendue par le passé, ne comptait plus, ou
moins qu’avant. C’est le sentiment de nombreux diplomates que j’ai
rencontrés au cœur de la pandémie de Covid-19. L’un d’eux, actuellement
en poste à Paris, n’a pas encore cinquante ans. Sa barbe de quelques jours
lui donne des airs d’étudiant. Cela fait pourtant déjà un quart de siècle qu’il
a embrassé cette carrière considérée, dans un lointain XXe siècle, comme
l’une des plus prestigieuses au sein de l’État. « On assiste à la mise en
cercueil de la politique gaullienne de la troisième voie », juge-t-il
gravement. Il sait bien que la diplomatie se forge ailleurs que parmi les
hommes du rang dont il fait partie. Au Quai, il y a toujours eu les
exécutants et les diplomates de pouvoir, ou proches du pouvoir. Il
n’empêche, ce n’est pas une raison pour laisser filer les choses sans réagir :
« C’est le renoncement à une forme d’ambition. La France avait la
possibilité de créer un espace dans le jeu international, pour ouvrir une voie
différente. Aujourd’hui, la France est clairement en perte de vitesse,
incapable de préserver sa singularité. » On sent ce « jeune » diplomate
encore concerné par l’avenir du pays et l’état du monde. Il n’a pas prévu de
raccrocher, comme tant d’autres de ses confrères, qui se laissent tenter par
des carrières dans le privé, bien plus lucratives. Du moins tant que la France
n’oublie pas les leçons de la realpolitik : « On ne pèse pas très lourd, mais
on ne pèse pas rien non plus. Les États-Unis, la Russie, la Chine, eux, sont
constamment dans le rapport de force. »
Quand ce n’est pas l’actualité de la pandémie ou les nouvelles tensions
internationales entre Chine et États-Unis qui bousculent les diplomates du
Quai, les surprises proviennent du plus haut niveau de l’État. Comme en
cette fin d’août 2019 à l’Élysée, pour la traditionnelle « conférence des
ambassadeurs et des ambassadrices ». Rassemblés face au chef de l’État, les
diplomates écoutent silencieusement plusieurs mises au point
présidentielles. C’est l’occasion pour Emmanuel Macron de discourir sur sa
vision de la politique étrangère : « Nous sommes en train de vivre la fin de
l’hégémonie occidentale sur le monde. Nous nous étions habitués à un ordre
international qui, depuis le XVIIIe siècle, reposait sur une hégémonie
occidentale. Les choses changent. »
Face aux diplomates, ce jeune président est bien obligé de reconnaître
que, dans ce contexte international bouleversé, la place de la France est
menacée : « Cela doit nous conduire à interroger notre propre stratégie : les
deux qui ont les vraies cartes en main sont les États-Unis d’Amérique et les
Chinois. Et ensuite, nous avons un choix face à ce grand basculement :
décider d’être des alliés minoritaires de l’un ou l’autre, ou un peu de l’un et
un peu de l’autre, ou décider d’avoir notre part du jeu, et de peser. » Rester
dans le jeu : voilà l’objectif d’une France en voie de marginalisation.
Quand il était ministre de l’Économie, Emmanuel Macron avait su
séduire les milieux diplomatiques. Il n’avait quasiment aucune expérience
internationale, mais qu’importe, on lui prêtait déjà de grandes qualités.
Entre les deux tours de l’élection présidentielle, soixante ambassadeurs à la
retraite lui déclaraient leur flamme dans un appel publié dans Le Figaro :
« Seul Emmanuel Macron saura défendre les intérêts de la France en
Europe et dans le monde », écrivaient-ils alors. Ajoutant : « Emmanuel
Macron possède cette qualité de n’avoir marqué aucune complaisance à
l’égard d’aucune puissance extérieure. »
Une fois élu, le président veille donc à s’imposer à l’international. Son
image de jeune premier lui sert, et il communique tous azimuts :
« bromance » sous l’œil des caméras et des photographes avec le Premier
ministre canadien Justin Trudeau dans le cadre du G7, prise à partie de
Donald Trump lorsque ce dernier décide de sortir de l’accord de Paris sur le
climat, en s’adressant aux Américains en anglais – « Make our planet great
again » –, ou invitation en grande pompe de Vladimir Poutine au château
de Versailles. Emmanuel Macron prétend troquer les « valeurs » pour la
realpolitik. Il entend parler avec tout le monde. Voilà pour les intentions.
Deux ans plus tard, le bilan est moins brillant. L’image internationale
d’Emmanuel Macron s’est ternie. L’affaire Benalla comme le mouvement
des Gilets jaunes et sa répression violente sont passés par là. Plus grave, le
président a du mal à convaincre ses partenaires européens de la nécessité de
défendre la « souveraineté européenne » qu’il appelle de ses vœux. Et si la
presse française et internationale le félicite pour la réussite de son G7 à
Biarritz, Emmanuel Macron sait au fond que sa marge de manœuvre est
réduite. C’est pourquoi il n’hésite pas à faire la leçon à ses propres
diplomates : « Si on continue à faire comme avant, qu’on soit une
entreprise, un diplomate, un ministre, un président de la République, un
militaire… tous ici dans cette salle, si on continue à faire comme avant,
alors nous perdrons définitivement le contrôle, et alors ça sera l’effacement.
Je peux vous le dire avec certitude. Nous savons que les civilisations
disparaissent, les pays aussi : l’Europe disparaîtra. » Tout est dit :
Emmanuel Macron souhaite conserver le contrôle du pays comme il croit
maîtriser son destin.
Au Quai d’Orsay, ce rappel à l’ordre – bien que ponctué d’une touche
d’autocritique – est peu apprécié. Les diplomates ont l’impression d’être
pointés du doigt pour les échecs du président. La lune de miel entre
Emmanuel Macron et le corps diplomatique est terminée. En off, un
diplomate de la direction Afrique du Nord, Moyen-Orient l’assure : « Il y a
un fort sentiment de malaise au Quai d’Orsay, avec l’impression d’un
déclassement. Les diplomates se sentent méprisés. Il n’y a plus la
considération d’avant. » Ce n’est pas la première fois que le Quai se sent
mal aimé par l’Élysée. Bien avant Emmanuel Macron, cette défiance
présidentielle à l’égard de l’administration diplomatique s’était déjà
exprimée. En 2007, en pleine campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy
avait carrément lâché : « Il devient important de se débarrasser du Quai
d’Orsay. » Quelques années plus tard, sous Emmanuel Macron, un
diplomate en poste m’avoue que son administration est totalement
contournée par le président : « Le Quai est souvent mis devant le fait
accompli par le Château, on découvre dans le journal des trucs décidés par
l’Élysée, comme l’initiative d’Emmanuel Macron sur la Libye. » Un dossier
dans lequel le président a effectivement multiplié les canaux de diplomatie
parallèle, comme je l’ai découvert au cours de mon enquête (voir
chapitre 6). Le diplomate poursuit : « Dans le même temps, on assiste à une
désorganisation totale du travail. Il n’est pas rare que de simples conseillers
techniques de l’Élysée interpellent directement les directions du Quai.
Résultat, avec ces demandes immédiates sur des dossiers de fond, on ne
réfléchit plus à ce qu’on fait. Et puis, chaque fois que Macron intervient, on
ne sait pas ce qu’il va dire : c’est déstabilisant. »
Depuis l’établissement de la Ve République en 1958, la diplomatie, au
même titre que la défense, relève du « domaine réservé » du président.
Résultat, plus le pouvoir politique du ministre des Affaires étrangères est
faible, plus la centralisation du pouvoir à l’Élysée est importante. Sans
ministre fort, le Quai est écrasé sous les foucades présidentielles et les
désirs de la « cellule diplomatique », qui rassemble quelques hauts
diplomates autour du président. Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron,
Jean-Yves Le Drian est souvent apparu effacé, mis de côté, lui qui avait
pourtant été l’un des piliers de l’équipe de François Hollande comme
ministre de la Défense. Face à l’Élysée, le Breton n’a pas servi de tampon.
Au grand dam des diplomates : « Jean-Yves Le Drian, ce n’est pas un
ministre des Affaires étrangères, c’est un ministre des affaires
sahéliennes », ironise l’un d’eux. Ancien conseiller presse de Laurent
Fabius au Quai d’Orsay, Gaspard Gantzer se souvient : « La concentration
du pouvoir à l’Élysée en matière de diplomatie s’est accentuée sous Nicolas
Sarkozy. À l’époque, Jean-David Levitte, patron de la “cellule diplo”, avait
clairement l’ascendant sur Bernard Kouchner. » Et le communicant de
confirmer : « Aujourd’hui, Le Drian fait de la figuration. »
1. En 2002, les États-Unis sont sortis du traité sur les missiles antimissiles, puis en 2019
du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) qui avait permis le
dénouement de la crise des euromissiles (mettant fin au déploiement des missiles SS-
20 soviétiques et des Pershing américains). En février 2021, le traité New Start est
arrivé à expiration.
2. Le Monde, 6 décembre 2020.
CHAPITRE 3
Business en Arabie
LIAISONS DANGEREUSES
CHAPITRE 4
L’amiral de l’Élysée
La compagnie maritime
de la mondialisation
Un an plus tard, en 1970, la Mediterranean Shipping Company (MSC)
est fondée en Belgique, s’installant donc dans un premier temps à Bruxelles
et au port d’Anvers, avant de rejoindre Genève. C’est à cette époque que les
familles Denat et Aponte se séparent sur un désaccord. Les Aponte
poursuivent seuls l’aventure. Si les affaires sont difficiles au début, elles
s’améliorent lorsque, dès 1973, une banque américaine, la First National
Bank of Chicago, investit dans le groupe. Gianluigi, un bourreau de travail,
vit alors sept jours sur sept pour sa compagnie. Le capitaine napolitain
achète des navires d’occasion à bas prix qui lui permettent de facturer à ses
clients des tarifs défiant toute concurrence. MSC ne renâcle pas non plus à
acheminer des déchets toxiques ou des matières dangereuses, chimiques ou
radioactives, tout en se diversifiant dans les minerais et le pétrole.
Changement de cap dans les années 1980 : Gianluigi a l’intuition que le
transport de conteneurs est l’avenir. Pour se lancer et s’équiper de nouveaux
bateaux, il n’hésite pas à vendre sa flotte d’une vingtaine de cargos. En
1996, la société a suffisamment grossi pour commander ses premiers
navires neufs auprès des chantiers navals de toute la planète. En moins de
trente ans, MSC rafle 15 % du marché mondial des conteneurs.
Dans notre monde globalisé, environ 80 % du commerce mondial se fait
par les mers et les océans. Au même titre que les câbles internet qui
parcourent les mers du globe, les routes maritimes, devenues de vrais
« méga-couloirs » de circulation, sont les veines de la mondialisation. Avec
un principe : la livraison juste à temps. Les bateaux, des porte-conteneurs
toujours plus gros, ne restent jamais plus de quelques heures dans les ports.
Tout, ou presque, est automatisé et fait pour abaisser les coûts. Les
armateurs en profitent pour investir tous azimuts, dans la gestion de port,
les entrepôts, le transport routier, ferroviaire, pour éviter les ruptures de
charges et améliorer la compétitivité. On assiste à une course au gigantisme,
amenant une intégration verticale croissante des groupes maritimes
mondiaux dans le transport terrestre et logistique, à l’heure où la Chine met
en place ses « nouvelles routes de la soie ». À travers l’alliance mondiale
2M, le groupe MSC coopère avec son concurrent direct, le Danois Maersk,
numéro un mondial du transport de conteneurs, mais également avec la
société israélienne ZIM Integrated Shipping Services. Cette course a son
revers. Selon l’ONG Transport et Environnement, MSC est le huitième plus
gros pollueur européen, ses navires émettent chaque année 11 millions de
tonnes de CO2. Près de deux cent soixante-dix conteneurs ont été perdus en
deux ans dans la mer du Nord du fait d’intempéries. Mais, en dehors de
quelques accidents spectaculaires, ces dégâts collatéraux du transport
maritime mondial ne font pas les gros titres.
MSC pratique le culte du secret. Cette société familiale domiciliée en
Suisse n’est pas cotée en Bourse. Elle n’est donc pas tenue de publier ses
résultats financiers. « Un groupe impénétrable », témoigne un initié en
Italie. Cette opacité est renforcée par un écheveau de holdings et filiales
dans les paradis fiscaux. Les navires du groupe, comme dans le reste du
secteur maritime, naviguent sous pavillon de complaisance. Malgré la crise
financière de 2008, la pandémie de Covid-19, MSC tient bon.
Insubmersible. Cette réussite suscite de nombreuses jalousies. Le groupe
maritime semble résister plus facilement que ses concurrents à tout
retournement de conjoncture, et il est l’un des rares de son secteur à ne pas
procéder à des licenciements. Avec 70 000 salariés dans le monde,
510 navires, 200 routes maritimes et 500 ports desservis, MSC est un
empire. En 2001, le slogan du groupe était conquérant : « Un tiers du globe
est couvert par la terre, le reste, nous le couvrons. »
1. La « cérémonie des pièces » est une tradition navale qui consiste à intégrer dans la
structure des navires des pièces d’or ou d’argent pour porter chance au bateau, à
l’équipage et aux passagers. La cérémonie marque les tout débuts du chantier.
CHAPITRE 5
Déconfiture à Beyrouth
Affaires africaines
Alexandre et Genève
La volte-face de Takieddine
En septembre 2020, nouvelle alerte pour le « clan » Djouhri : la justice
souhaite remettre ce dernier en prison. Ses avocats réussissent néanmoins à
gagner du temps, malgré l’appel du Parquet national financier (PNF). En cet
automne d’après-confinement, l’attention médiatique se focalise sur Nicolas
Sarkozy et son show au « procès des écoutes ». Au même moment, le
calendrier judiciaire s’accélère. Dans le fameux dossier sur le financement
libyen présumé, plusieurs figures de la droite française sont mises en
examen pour « association de malfaiteurs » : Claude Guéant, Brice
Hortefeux, Thierry Gaubert et… Nicolas Sarkozy. Une première sous la
Ve République pour un ancien président ! Ce dernier se défend comme un
beau diable, s’emporte devant Ruth Elkrief sur BFM TV ; ses soutiens
assurent à bas bruit qu’il pourrait même revenir sur le devant de la scène
politique pour 2022. À droite pourtant, la sauce a du mal à prendre, malgré
les succès à répétition de l’intéressé en librairie.
Au sein du tribunal, les réflexes de l’avocat Nicolas Sarkozy font
mouche devant une partie de la presse. Et voilà qu’un premier coup de
théâtre vient du Liban. Là-bas, l’intermédiaire et homme d’affaires franco-
libanais Ziad Takieddine, autre personnage clé du dossier libyen, revient
contre toute attente sur ses déclarations mettant en cause Nicolas Sarkozy,
dans une interview à Paris Match. Une opération montée de toute pièce, et
qui vaut à Mimi Marchand, la patronne de l’agence de paparazzis
Bestimage, comme le révèlera Mediapart, une mise en examen pour
« subordination de témoin » et « association de malfaiteurs en vue de
commettre une escroquerie en bande organisée ». Quelques jours plus tard,
nouvelle surprise : Takieddine, qui fait l’objet d’une notice rouge à Interpol
(un mandat d’arrêt international), est arrêté à Beyrouth, alors qu’il est
poursuivi dans deux affaires de financement de campagne électorale, celle
d’Édouard Balladur en 1995 et celle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Coïncidence ? Au même moment, le bruit court dans quelques cercles
d’initiés à Paris qu’Alexandre Djouhri, présenté comme un acteur central du
dossier libyen, est désormais libre de ses mouvements. Face à mes
questions insistantes, l’embarras du Parquet national financier est palpable.
« Je ne suis pas en mesure de communiquer à ce propos », me répond une
magistrate. De leur côté, les avocats parisiens d’Alexandre Djouhri restent
muets comme des tombes. Le bruit court, et les questions s’accumulent :
« S’agit-il d’un deal ? », se demande un observateur informé. « Cela
n’existe pas dans la justice française, le PNF a manifestement été
contourné », rétorque un autre. Encore aujourd’hui, le mystère reste entier
sur cette « libération ». Une chose est sûre : Alexandre Djouhri, alors mis
en examen pour neuf chefs d’inculpation dans le dossier du financement
libyen présumé, dont « corruption active » ou « complicité et recel de
détournements de fonds publics », « mais pas pour association de
malfaiteurs », comme le rappellent régulièrement ses amis et soutiens, est
désormais libéré du bracelet électronique et a rejoint Genève en toute
discrétion. Quand je sors ce scoop sur Twitter, puis dans La Tribune,
quelques jours avant la Noël 2020, le silence à Paris est total. Aucun média
ne reprend l’info, même pas ceux qui ont largement couvert l’affaire
judiciaire du financement libyen présumé. Même Le Journal du dimanche
ou Paris Match, dont les rédactions sont alors dirigées par Hervé Gattegno,
censé être un proche ami d’Alexandre Djouhri, restent silencieux. Seul Le
Figaro, avec l’AFP, se fend d’un article sur Internet pour confirmer la fin de
la surveillance électronique d’Alexandre Djouhri, sans expliquer qu’il se
trouve à Genève depuis bientôt trois semaines.
Dans la cité helvétique, l’homme d’affaires semble déjà avoir tourné la
page, multipliant les rendez-vous au vu et au su de tous à l’hôtel Four
Seasons, situé sur les bords du lac Léman. Via son entourage, j’ai essayé de
rencontrer Alexandre Djouhri, sans succès. « Alexandre est en pleine
forme ! », se réjouit l’un de ses proches, qui ajoute, comme un
avertissement : « Et il conserve de solides soutiens en Algérie ! » Cela fait
d’ailleurs plusieurs mois que l’universitaire algérien Naoufel Brahimi El
Mili annonce régulièrement, dans des articles qu’il publie dans Le Soir
d’Algérie, son intention de sortir un livre d’entretiens exclusifs avec
Alexandre Djouhri. Une manière de menace ? Mais, on l’a vu, ce ne sont
pas les seuls soutiens de l’homme d’affaires. À Genève, où elle habite une
bonne partie de l’année, Pascale Jeannin-Perez rend régulièrement visite à
son ami. Leurs réseaux sont très liés, et saisir les relations de l’un c’est
comprendre l’influence de l’autre dans les dossiers les plus sensibles,
nationaux comme internationaux, en Chine, en Russie ou en Afrique. Les
deux complices adorent également commenter la vie politique française, et
ils sont bien informés…
1. L’ancien socialiste Jean-Marie Le Guen, passé par la MNEF, la mutuelle des étudiants,
est devenu conseiller spécial de Pierre Donnersberg après avoir « abandonné » la
politique en 2017.
2. Comme je l’ai expliqué dans le chapitre 7, ces 10,7 millions d’euros de prêts sont une
aubaine pour Emmanuel Macron. En effet, alors que le candidat se trouvait, dès
février 2017, dans une impasse financière, cet argent arrivé en toute fin de campagne
lui permet de boucler son budget. Dans les comptes du candidat, déposés en
juillet 2017 auprès de la commission chargée de les contrôler, les recettes officielles
sont décomposées de la manière suivante : seulement 1 million d’euros de dons
venant de l’association de campagne, 4,2 millions d’euros de dons issus d’En
marche !, auxquels il faut donc ajouter les 10,7 millions d’euros de prêts et
408 000 euros en nature, soit un budget total de 16,8 millions d’euros. On est très loin
du storytelling d’un candidat croulant sous les dons privés.
3. Au sujet de Qwant, lire mon enquête publiée le 18 mai 2020 sur Le Média, « Qwant,
boulet d’État ».
4. À lire, mon livre publié dès 2015, L’Ambigu Monsieur Macron, Paris, Seuil,
« Points », 2018.
5. Pierre Péan, La République des mallettes. Enquête sur la principauté française de
non-droit, Paris, Fayard, 2011.
6. C’est en 2012 qu’Areva vend discrètement à Sawiris La Mancha, une pépite
méconnue du groupe nucléaire rassemblant déjà de nombreuses mines d’or, qui
permettra à Endeavour Mining de prendre son envol. Lors de cette vente, Sébastien
de Montessus, alors qu’il est déjà sur le départ à Areva, est à la manœuvre et se
retrouve finalement nommé quelques mois plus tard à la tête d’Endeavour, une fois la
vente de La Mancha conclue.
7. Michel Koutouzis et Pascale Perez, Crime, trafics, réseaux : géopolitique de
l’économie parallèle, Paris, Ellipses, 2012.
PARTIE III
La guerre du gaz
À l’assaut d’Airbus
1. Marc Endeweld, « Airbus risque de tomber aux mains des Américains », Marianne,
4 août 2017.
CHAPITRE 10
Agents doubles
L’homme face à moi est assis sur un tas de secrets d’État. Au cœur de la
machine française de renseignement depuis près de trente ans, il confie son
dépit quant au « monstre » qui a été créé ces dernières années, à base
d’espionnage électronique de masse, au nom de la lutte contre le
terrorisme : « L’affaire Pegasus est en réalité le résultat d’un long processus.
C’est un problème persistant. Les services de renseignement sont-ils
devenus incontrôlables ? Peut-on donner à des groupes d’individus des
moyens d’exception aussi colossaux ? » Les interceptions de masse comme
les opérations ciblées d’espionnage électronique se trouvent aujourd’hui au
cœur des rivalités mondiales. Dans les entrailles de l’Internet, et avec
l’explosion des communications, le numérique est devenu un Far West où
les moyennes et grandes puissances se livrent une guerre sans merci. Selon
un ancien ponte du renseignement français, près d’une quarantaine de pays
disposent désormais de moyens électroniques offensifs.
Au début de l’été 2021, les révélations journalistiques sur le logiciel
d’espionnage Pegasus, vendu par la société israélienne NSO, provoquent un
séisme international. En France, pourtant, les réactions politiques sont
timides, voire gênées (du fait notamment des États concernés, le Maroc
comme Israël), jusqu’à ce qu’on apprenne que le chef de l’État lui-même
aurait pu être une cible. Pour montrer l’extrême gravité de la situation,
Emmanuel Macron convoque un conseil de défense exceptionnel. Une bien
maigre initiative au regard des enjeux, mais il faut bien faire un peu de
théâtre pour les médias. Sur le fond, le président français, comme ses
prédécesseurs, semble impuissant face au pouvoir des services de
renseignement qui espionnent sans limites, cet « État profond mondial des
services », comme l’évoque avec effroi mon interlocuteur. La même
semaine, Guillaume Poupard, directeur de l’Agence nationale de la sécurité
des systèmes d’information (ANSSI), chargée de la cybersécurité en
France, en profite pour alerter, par un étrange statut sur son profil LinkedIn,
sur une autre menace, « une vaste campagne de compromission, toujours en
cours et particulièrement virulente, touchant de nombreuses entités
françaises. Elle est conduite par le mode opératoire APT31 ». Derrière ce
nom de code, on trouve en fait la Chine, qui serait donc en train d’attaquer
numériquement plusieurs « entités » françaises.
C’est un secret de polichinelle : toutes les puissances réalisent
aujourd’hui des captations électroniques à grande échelle. Officiellement
pour lutter contre le terrorisme. En réalité, ce renseignement numérique
concerne avant tout la guerre économique entre nations parfois amies, et la
lutte pour le leadership mondial. À ce petit jeu, la France n’est d’ailleurs
pas la plus mal placée, avec l’expertise de la puissante « direction
technique » de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Cette
dernière dispose du monopole des moyens techniques d’interception, de la
captation des données informatiques et de la crypto-analyse. La « piscine »,
comme est surnommée la DGSE, mène ses premiers piratages
informatiques en 1992. Trois ans plus tard, elle acquiert ses premiers
moyens d’interception et sa capacité de crypto-analyse, alors que le
terrorisme frappe de nouveau durement la France, au cœur des années
noires en Algérie. Ses premiers outils sont d’origine américaine –
notamment les supercalculateurs Cray pour procéder au déchiffrement –,
mais, très vite, la direction technique de la DGSE demande à différentes
sociétés françaises qui travaillent pour le secteur de la défense de lui
concocter des moyens indépendants. Il y a urgence : lors de la vague
d’attentats de 1995, la géolocalisation du terroriste Khaled Kelkal n’a été
possible qu’avec l’aide des services britanniques, qui, eux, possédaient déjà
les moyens techniques pour le faire. Avec le développement de l’Internet,
l’échange de données devient de plus en plus massif. À cette époque, seuls
les États-Unis et leur allié britannique, la Russie et la France sont capables
de procéder à des interceptions électroniques. Reste que la puissante
National Security Agency (NSA), responsable du renseignement d’origine
électromagnétique et de la sécurité des systèmes d’information du
gouvernement américain depuis sa création en 1952, en pleine guerre
froide, est la seule à disposer de moyens hors normes, et la DGSE est
souvent confrontée à son agressivité.
1. Mehdi Ben Barka, socialiste, fut l’un des principaux opposants au roi Hassan II, le
père de Mohammed VI. Le 29 octobre 1965, il est enlevé à Paris ; son corps ne sera
jamais retrouvé. Malgré une enquête interminable, la complicité entre les services
secrets français et marocains n’a jamais pu être totalement établie. L’implication du
Mossad a également été pointée. Une chose est sûre : le général Mohamed Oufkir,
ministre marocain de l’Intérieur et chef des services secrets, est arrivé le 30 octobre à
Paris, avant de repartir le lendemain.
2. Philippe Thyraud de Vosjoli, Lamia. L’anti-barbouze, Paris, Éditions de l’Homme,
1970.
3. Pierre Marion, Mémoires de l’ombre. Un homme dans les secrets de l’État, Paris,
Flammarion, 1999.
CHAPITRE 11
La faute Alstom
LA CHINE À L’OFFENSIVE
CHAPITRE 12
La bataille de Grenoble
En Europe justement, la Commission européenne, pétrie d’idéologie
néolibérale et obsédée durant de longues années par le respect de la
« concurrence libre et non faussée », commence tout juste à se réveiller face
à l’immensité de ces sujets industriels sur un plan stratégique. Au printemps
2021, Thierry Breton, désormais commissaire chargé de la politique
numérique, explique soudainement que l’Union européenne devrait changer
sa politique en la matière, « trop naïve et trop ouverte », et rattraper son
retard en visant au moins 20 % de la production mondiale de semi-
conducteurs d’ici à 2030.
Les fabricants européens de semi-conducteurs, même s’ils ont parfois
conservé leurs chaînes de production sur le continent, se sont spécialisés sur
des secteurs très particuliers, comme celui de l’automobile, se concentrant
sur des circuits intégrés bien moins évolués que les microprocesseurs les
plus innovants, qui nécessitent des investissements colossaux.
Parmi ces fabricants, on trouve STMicroelectronics, un groupe franco-
italien de 46 000 salariés, dont 10 200 en France, qui grave pour l’instant
des puces entre 22 et 28 nanomètres, et vise les 18. Après avoir été fragilisé
il y a quelques années à la suite de l’alliance avec Ericsson, au moment où
le Suédois était lui-même en difficulté sur le marché des téléphones, ST
retrouve des couleurs en produisant plusieurs composants des iPhones
dernière génération d’Apple. En France, sa plus grosse usine se situe près
de Grenoble, à Crolles. Sur ce site exceptionnel, les ingénieurs, issus
souvent du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de son LETI
(Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information), ont réussi à
construire plusieurs salles blanches, totalement hermétiques, sur une dalle
de béton gigantesque, reposant elle-même sur le sol grâce à des centaines de
pieux de vingt-cinq mètres enfoncés, pour éviter toute vibration. Une
« cathédrale de technologie », comme s’extasie un élu local que j’ai
interrogé, où sont disposées plusieurs machines de gravure, d’une valeur de
150 millions de dollars chacune.
Parmi les élus les plus mobilisés depuis les années 1990 pour
sauvegarder, malgré la concurrence internationale, ce site industriel
exceptionnel, trois socialistes : l’ancien maire de Grenoble, Michel Destot,
l’ancien député-maire de Crolles, François Brottes, et la députée Geneviève
Fioraso, dont Olivier Véran, devenu ministre de la Santé, a été le suppléant.
« On était trois à se battre contre Bruxelles, les chantres du fabless, cette
idée idiote de garder l’amont, la R&D, et l’aval, les services ; et de laisser à
l’Asie le manufacturing. Or, la maîtrise de la chaîne doit être complète »,
m’explique l’un d’eux. Élus comme ingénieurs militent pour investir de
nouveau dans le site de Grenoble, alors que STMicroelectronics se trouve
dans le creux de la vague. Considérée comme une industrie stratégique,
cette activité est l’une des rares pour lesquelles Bruxelles accepte les
subventions directes. Une « lutte entre ingénieurs et financiers » débute au
sein de ST. Les Grenoblois craignent que les futurs investissements partent
à Milan, en Italie, où le groupe dispose d’un autre site industriel. Les
tensions montent. D’autant que le PDG du groupe, Carlo Bozotti, ne fait
plus l’unanimité. Il est loin le temps où Pasquale Pistorio, patron
charismatique de ST dans les années 1990, réussissait à contenter Italiens
comme Français, avec les deux États actionnaires.
Très vite, côté français, tout un tas de hauts fonctionnaires se mobilisent
sur le dossier. Le cabinet d’Emmanuel Macron à l’Économie également,
avec bien sûr Alexis Kohler, son dir’ cab. Le dossier traîne pourtant. Alors
que les élus locaux craignent pour la survie du site de Grenoble et savent
que l’industrie des microprocesseurs nécessite des milliards
d’investissements pour se maintenir dans la course mondiale, à Paris, les
jeux de pouvoir et les manigances en coulisses priment. En mai 2016, un an
avant la présidentielle, Emmanuel Macron flingue sans le nommer Carlo
Bozotti au Sénat, en dénonçant devant les parlementaires « un management
qui ne répond plus à nos objectifs, qui a une politique de communication
non coordonnée et qui a, à plusieurs reprises, tiré contre son camp ».
Alexis Kohler à Bercy, Boris Vallaud à l’Élysée, alors secrétaire général
adjoint de François Hollande, et Nicolas Dufourcq, patron de la Banque
publique d’investissement (BPI), actionnaire pour l’État de
STMicroelectronics avec le CEA, conjuguent leurs efforts pour virer Carlo
Bozotti. Cinq ans après, un élu grenoblois soupire encore : « Les ministres
n’ont jamais fait la différence entre des neutrons, des microprocesseurs, et
les technos ne connaissent rien à la technique. Nous, on en avait marre. Le
seul truc qu’ils avaient compris, c’est qu’on ne voulait plus de Bozotti qui
était surtout dans une logique financière, et pas assez industrielle. »
Mais, dans les faits, cette campagne française contre le patron italien
aiguise surtout les appétits de pouvoir des uns et des autres. Ancien haut
cadre de France Télécom dans les années 1990, Dufourcq vise en réalité la
tête de ST. C’était compter sans la proximité de Bozotti avec le ministre
italien de l’Industrie et du Développement économique, Carlo Calenda,
alors nommé dans le gouvernement centriste de Matteo Renzi. Les Italiens
argumentent en soulignant que la plupart des sites industriels de ST sont
situés en France. Côté français, l’impatience gagne la technostructure qui se
raidit mois après mois face à l’opposition italienne : « On ne veut pas traiter
avec Bozotti, on veut sa peau », balance Vallaud. Le temps passe et la crise
s’amplifie, alors que le marché mondial des microprocesseurs évolue à
vitesse grand V. Les tensions entre Chine et États-Unis s’intensifient. Ces
enjeux fondamentaux passent à la trappe face aux batailles de strapontins
entre la France et l’Italie.
Cette bataille est aussi une guerre de position entre réseaux français. À
Paris, un ancien de Publicis, Jean-Yves Naouri (frère de Jean-Charles,
patron du groupe Casino), fait campagne pour devenir patron de ST. Et
Yazid Sabeg, puissant patron de CS (ex-Compagnie des signaux), un groupe
technologique très discret qui travaille notamment pour la DGSE (Direction
générale de la sécurité extérieure), essaie de trouver un accord actionnarial
entre sa filiale Altis, qui produit des semi-conducteurs en région parisienne,
et ST. De son côté, Carlo Bozotti a le soutien sans failles de l’un de ses
administrateurs, qui n’est autre que Didier Lombard, l’ancien patron de
France Télécom, qui ne supporte pas son ancien salarié Nicolas Dufourcq,
et peut compter sur l’appui de Pascal Faure et de Benjamin Gallezot à la
Direction générale des entreprises. Son fidèle acolyte, Thierry Breton,
s’intéresse également au dossier. Les deux hommes constatent qu’Alexis
Kohler multiplie les aller-retours entre Paris et Rome, et le font savoir. Au
point que, cinq ans plus tard, un des élus interrogés se souvient de l’ancien
directeur de cabinet d’Emmanuel Macron comme de « celui qui se déplaçait
à Rome ». Kohler rencontre effectivement à plusieurs reprises le ministre
Calenda, mais participe également à toutes les réunions sur le sujet, jusqu’à
assister à un conseil d’administration de l’entreprise. Devenu secrétaire
général à l’Élysée, il continue de suivre de près STMicroelectronics, mais
ce dossier percute ceux de STX et Fincantieri. En Italie, on n’hésite plus à
parler de « mélange des genres », et on pointe les liens personnels du
secrétaire général avec le groupe MSC (voir chapitre 4).
Finalement, début 2018, un accord est trouvé avec les Italiens. Nicolas
Dufourcq devient bien président de ST, mais c’est un ingénieur maison,
Jean-Marc Chéry, jusqu’alors patron de la production, qui se voit bombardé
directeur général. Un an plus tard, le groupe annonce la construction d’une
nouvelle usine à Milan pour un peu plus de 1 milliard d’euros… Les
Français ont donc obtenu la tête de l’entreprise, mais le site de Grenoble
peut encore attendre.
Un autre dossier montre la légèreté de l’État sur ces dossiers industriels
pourtant stratégiques et le poids des réseaux de pouvoir parisiens. Peu de
temps avant le dénouement sur STMicroelectronics, le groupe Atos, dirigé
alors par Thierry Breton, annonce une OPA (offre publique d’achat) hostile
sur la société de sécurité numérique Gemalto (issue de Gemplus, société
française mythique qui fabriquait les premières cartes à puce), dont l’État
est actionnaire, via le Fonds stratégique d’investissement. Fin
décembre 2017, la bataille s’engage durant une semaine décisive. Alors que
Thierry Breton a le soutien de Martin Vial à l’Agence des participations de
l’État et pense également être soutenu par le président Macron (qu’il n’a
pas manqué d’informer), il se trouve confronté, trois jours après son
annonce, à une contre-offre blitzkrieg de Thales. Tandis qu’Emmanuel
Macron part avec sa femme Brigitte se reposer au château de Chambord
pour le week-end, une conférence téléphonique est organisée le vendredi
soir entre Alexis Kohler et toute l’équipe de Thales, ainsi que leurs conseils.
C’est notamment le banquier d’affaires François Roussely (que l’on a déjà
croisé à plusieurs reprises dans ce livre), un homme de réseaux toujours très
puissant sur la place de Paris, patron de la Police nationale sous François
Mitterrand et Pierre Joxe, qui deviendra patron d’EDF, qui se trouve à la
manœuvre pour Thales. Au téléphone, Roussely dit au passage à Kohler,
pour emporter l’offre : « C’est pour le bien de la France ! » Volte-face de
l’État. Atos perd son soutien, et le lendemain c’est l’offre de Thales qui
l’emporte. Au grand dam de Thierry Breton, qui laisse éclater sa colère
quelques jours plus tard dans le bureau du ministre de l’Économie, Bruno
Le Maire. Mais le protégé de Bernard Arnault ne perd pas tout. À l’automne
2019, sur les recommandations du grand patron du luxe, Emmanuel Macron
le fait nommer, contre l’avis d’Alexis Kohler, commissaire européen chargé
de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense
et de l’espace.
CHAPITRE 14
Convoitises nucléaires
GUERRES DE L’OMBRE
CHAPITRE 16
La tentation israélienne
Le désamour américain
À travers l’affrontement de plus en plus virulent entre les États-Unis et
la Chine, assisterait-on à un bouleversement des alliances internationales,
notamment au Moyen-Orient ? À Paris, je rencontre en pleine pandémie
l’historien Alexandre Adler, ancien journaliste et spécialiste en
géopolitique. Il me lance, un brin provocateur : « Il faut revenir à un
principe général : tout change. Les choses qui semblaient intangibles,
indiscutables, ne le sont pas forcément après un certain temps. Dans cette
optique, même l’alliance des États-Unis avec Israël n’est pas intangible. »
Un tabou est levé, l’air de rien. Au sujet de Trump et Biden, il ajoute :
« Certaines parenthèses se ferment assez vite, et, parfois, il y a des
tendances plus longues. » Les Européens ont encore du mal à l’admettre
mais, derrière le slogan de l’« America First », les États-Unis se replient en
fait sur leur espace continental, à travers l’ALENA, l’accord de libre-
échange avec le Mexique et le Canada. Même au temps de Joe Biden.
Certes, « depuis toujours, les Israéliens et les Américains s’aiment
beaucoup », me rappelle Adler. Mais, au-delà de ces considérations
stratégiques et géopolitiques, l’historien me fait remarquer que l’on est en
train d’assister à un changement notable au sein de la société américaine en
général, et dans la communauté juive en particulier : « Je remarque un
désengagement de plus en plus fort des élites de la communauté juive
américaine vis-à-vis des intérêts d’Israël. D’année en année, cette élite juive
est de plus en plus intégrée aux États-Unis, et se vit d’abord comme une
classe universelle. Dans le fond, ses membres restent attachés à Israël, mais
ils sont plus proches des démocrates et de la gauche, voire de l’extrême
gauche, au sein des universités. Les seuls soutiens indéfectibles d’Israël
restent finalement les évangéliques. » De fait, les milieux progressistes
américains ont multiplié ces dernières années les critiques à l’égard de
l’alliance entre Donald Trump et Benyamin Nétanyahou.
Ce désamour de l’élite américaine vis-à-vis d’Israël n’est pas du goût
d’Adler. Comme la stratégie du Pentagone et du département d’État au
Moyen-Orient n’est pas la tasse de thé du gouvernement israélien. Et
l’historien de lancer un autre pavé dans la mare : « Les Américains
n’accepteront pas la destruction d’Israël, et les Israéliens se disent qu’ils
peuvent encore compter sur les États-Unis en dernière instance. Mais le
pays le plus soucieux de la stabilité du Moyen-Orient, c’est la Chine. »
Depuis une petite dizaine d’années, la Chine s’intéresse de plus en plus
au processus de paix au Moyen-Orient, dépêchant ses propres envoyés
spéciaux, et même ses troupes dans une mission de paix au Liban. La
superpuissance asiatique n’a plus envie de laisser ces tractations
diplomatiques, qui n’ont cessé de s’enliser depuis la seconde Intifada du
peuple palestinien, dans les seules mains des États-Unis et de l’Europe. À
l’origine, si leurs relations diplomatiques n’ont été pleinement établies qu’à
partir de 1992, il faut se souvenir qu’Israël fut l’un des premiers pays à
reconnaître la République populaire de Chine, quelques mois à peine après
sa proclamation en 1949.
À la périphérie du monde
Un consulat chinois
Le fond de l’air a même un goût de guerre. Taïwan est bien sûr dans
toutes les têtes. La République populaire de Chine n’a jamais caché son
intention d’annexer un jour la petite île. Et, dans ce contexte, les défenseurs
du « bloc occidental » comme les tenants du « gaullo-mitterrandisme », les
deux écoles du Quai d’Orsay (voir chapitre 1), semblent impuissants face
aux menaces croissantes qui visent le Vieux Continent. N’oublions pas que,
durant la guerre froide entre URSS et États-Unis d’Amérique, les « conflits
périphériques » se multipliaient en Asie et en Afrique. Peu de diplomates,
de journalistes ou d’intellectuels s’en aperçoivent, ou veulent le reconnaître,
mais l’Europe est bel et bien en train de devenir la périphérie du monde.
Une anecdote est particulièrement révélatrice : il y a quelques années,
lorsque le Quai d’Orsay décide d’ouvrir un consulat à Shanghai, les
diplomates français s’attendent à ce que la Chine renvoie la pareille en
ouvrant un consulat à Lyon, la seconde ville de France. Ce n’est pourtant
pas le choix des Chinois : en retour, ils décident d’ouvrir un consulat à
Papeete, chef-lieu de la Polynésie française, situé sur l’île de Tahiti. « À
l’époque, cela avait beaucoup perturbé nos analystes du Quai », s’amuse un
ancien diplomate. C’est aussi que la Chine a des vues sur les gisements de
nickel en Nouvelle-Calédonie et sur la société minière française Eramet.
Face à ce basculement du monde, Emmanuel Macron tente tant bien que
mal de convaincre ses homologues européens de constituer une vraie
Europe de la défense, afin d’assurer « l’autonomie stratégique » du
continent et « la souveraineté européenne ». De fait, la rupture du contrat de
sous-marins avec l’Australie est d’autant plus grave qu’elle constitue
également un échec pour l’Union européenne. En effet, ces dernières
années, un embryon d’Europe de la défense s’était constitué à partir d’un
rapprochement entre Français et Britanniques. Depuis le début des années
2000, les industriels européens avaient amorcé un rapprochement. C’est
ainsi que se crée MBDA, rassemblant le Français Matra (Airbus), le
Britannique BAE, l’Allemand DASA et l’Italien Leonardo, pour produire
des missiles européens. En 2000, Thales rachète le groupe britannique
Racal, et, six ans plus tard, met la main sur l’Australien ADI, devenant le
premier fournisseur d’armement de l’Australie. À tel point que les
Australiens préfèrent s’équiper en Tigre, ces hélicoptères de combat
européens, plutôt qu’en Apache américains. Ce sont enfin les discussions
entre Français et Britanniques sur un nouveau porte-avion commun, après
les accords de Lancaster House entre les deux pays. Mais, en quelques
années, à la suite du Brexit, tous ces efforts sont réduits à néant. Et les
Américains en profitent pour vendre leur F-35 à la Belgique ou à la Suisse :
« Les banquiers suisses ont plié face aux États-Unis qui ont utilisé tous les
moyens pour s’imposer. On est face à une véritable guerre économique ! »,
me confirme un des participants aux négociations.
Pendant longtemps, de nombreux économistes ont pris leurs distances à
l’égard de cette lecture du monde économique axée sur la « guerre ». Il y a
une vingtaine d’années, Paul Krugman, spécialiste du commerce
international et éditorialiste au New York Times, ne cessait de critiquer les
tenants de cette vision guerrière de l’économie mondiale. Une de ses cibles
favorites était le géopolitologue Edward Luttwak, par ailleurs conseiller de
Bill Clinton à la Maison Blanche, qui fut l’un des premiers à utiliser ce
concept de « guerre économique », inventé à l’origine par Bernard
Ésambert, conseiller industriel de Georges Pompidou. L’heure n’est plus
aux débats d’experts. L’évidence saute aux yeux : la globalisation est
désormais synonyme de tensions. Et, contrairement aux rêves de certains,
les États sont loin d’avoir disparu.
Dans cette bagarre mondiale, la France s’est peu à peu désarmée sur le
plan industriel, préférant miser depuis trente ans sur une « économie de
services ». Cette doxa ne date pas d’hier. Le député LR Olivier Marleix
rapporte les propos tenus au début des années 1990 par un collaborateur de
Dominique Strauss-Kahn : « L’industrie, c’est fini, la mondialisation
appelle la spécialisation des économies, nous devons devenir une économie
de services, comme l’ont fait les Anglais avec la finance. » Nommé par
Emmanuel Macron « haut-commissaire au plan », François Bayrou
confirme l’enracinement de cette stratégie : « Cet abandon ne vient plus
aujourd’hui du coût de la main-d’œuvre supposée trop chère en France mais
d’un état d’esprit », a-t-il déclaré récemment. Face à cet état d’esprit, le
président français s’agite à quelques mois de la présidentielle, promeut un
« plan France 2030 », 30 milliards d’euros sur cinq ans pour « faire émerger
dans notre pays et en Europe les champions de demain ». Il cite plusieurs
domaines prioritaires, les composants électroniques, les avions à bas
carbone, les « biomédicaments », l’exploration des fonds marins et la
relance de la conquête spatiale, la sécurisation de l’accès aux matières
premières stratégiques, etc. Autant de priorités rarement mises en avant par
des médias trop souvent empreints de doxa financière et davantage
soucieux de polémiques identitaires et d’audimat facile.
Face à l’immensité des enjeux, ces 30 milliards promis par le président
Macron à quelques mois de la présidentielle ressemblent à une goutte d’eau.
Lorsque je rencontre Agnès Pannieu-Runacher, ministre déléguée chargée
de l’industrie, dans son bureau de Bercy début décembre 2021, elle semble
en être consciente en évoquant une nécessaire « reconstruction » : « C’est
un enjeu géopolitique. Si la France et l’Europe veulent rester fortes, il va
falloir investir. Qui ne fait rien au niveau européen recule mécaniquement
face à la Chine et aux États-Unis ». Pour éviter d’être « pris au piège » entre
ces deux superpuissances, la ministre parie sur « des formes de
convergence » avec le Canada et la Corée du Sud. Car, comme elle le
rappelle d’elle-même, cette question de la réindustrialisation fait pleinement
partie d’enjeux encore plus larges : « Sous l’effet des importations,
l’empreinte carbone de la France augmente de 17%. C’est une double
peine : en délocalisant, vous perdez des emplois et vous échouez à préserver
le climat ». Dans la bouche d’une fidèle supportrice d’Emmanuel Macron,
ce discours détonne. À la faveur de la pandémie de Covid-19, la promotion
de la globalisation néolibérale et de la start-up nation n’a plus bonne presse.
Signe d’un changement durable ? Face à l’intensité de la crise écologique,
au réarmement des puissances et aux crises migratoires, l’état d’urgence
mondial exige, plus que jamais, une vision, une stratégie et la volonté de
renverser la table.
Bibliographie
Daniel AMMANN, The King of Oil : The Secret Lives of Marc Rich,
New York, St Martin’s Press, 2009.
Bernard ATTALI, Un vent de violence, Paris, Descartes & Cie, 2019.
Matthieu AUZANNEAU, Or noir. La grande histoire du pétrole, Paris, La
Découverte, 2016.
Bertrand BADIE et Dominique VIDAL (dir.), La France, une puissance
contrariée. L’état du monde 2022, Paris, La Découverte, 2021.
John BOLTON, La Pièce où ça s’est passé. 453 jours dans le bureau
ovale avec Donald Trump, traduit de l’anglais par Grégory Berge,
Olivier Bougard, Jehanne Hénin et Yannick Brolles, Paris, Talent
Éditions, 2020.
Fabrizio CALVI et Frédéric LAURENT, France États-Unis, cinquante ans
de coups tordus, Paris, Albin Michel, 2004.
Fabrizio CALVI et Thierry PFISTER, L’Œil de Washington, Paris, Albin
Michel, 1997.
Christian CHESNOT et Georges MALBRUNOT, Nos très chers émirs :
sont-ils vraiment nos amis ?, Paris, Michel Lafon, 2016.
John K. COOLEY, CIA et jihad, 1950-2001. Contre l’URSS, une
désastreuse alliance, traduit de l’anglais par Laurent Bury, Paris,
Autrement, 2002.
Roger FALIGOT et Jean GUISNEL (dir.), Histoire secrète de la
Ve République, Paris, La Découverte, 2007.
Ronan FARROW, Paix en guerre. La fin de la diplomatie et le déclin de
l’influence américaine, traduit de l’anglais par Marie-France de
Paloméra, Paris, Calmann-Lévy, 2019.
Jacques FOLLOROU, Parrains corses, la guerre continue. Au cœur du
système mafieux, Paris, Plon, 2019.
Thierry GADAULT, EADS, la guerre des gangs, Paris, First Editions,
2008.
Antoine GLASER et Thomas HOFNUNG, Nos chers espions en Afrique,
Paris, Fayard, 2018.
Andreï GRATCHEV, Un nouvel avant-guerre ? Des hyperpuissances à
l’hyperpoker, Paris, Alma Éditeur, 2017.
Gabrielle HECHT, Le Rayonnement de la France. Énergie nucléaire et
identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, traduit de
l’anglais par Guenièvre Callon, Paris, Amsterdam, 2014.
Antoine IZAMBARD, France-Chine, les liaisons dangereuses, Paris,
Stock, 2019.
Vincent JAUVERT, La Face cachée du Quai d’Orsay. Enquête sur un
ministère à la dérive, Paris, Robert Laffont, 2016.
Michel KOUTOUZIS et Pascale PEREZ, Crime, trafics et réseaux.
Géopolitique de l’économie parallèle, Paris, Ellipses, 2012.
Christian LEQUESNE, Ethnographie du Quai d’Orsay. Les pratiques des
diplomates français, Paris, CNRS Éditions, 2017.
Marc LEVINSON, The Box. Comment le conteneur a changé le monde,
traduit de l’anglais par Antonine Thiollier et Pauline Buscail, Max
Milo, 2011.
Kishore MAHBUBANI, Le jour où la Chine va gagner. La fin de la
suprématie américaine, traduit de l’anglais par Olivier Salvatori,
Paris, Saint-Simon, 2021.
Olivier MARLEIX, Les Liquidateurs. Ce que le macronisme inflige à la
France et comment en sortir, Paris, Robert Laffont, 2021.
Caroline MICHEL-AGUIRRE, La Syndicaliste, Paris, Stock, 2019.
Martine ORANGE, Rothschild, une banque au pouvoir, Paris, Albin
Michel, 2012.
Pierre PÉAN, Les Deux Bombes. Ou comment la guerre du Golfe a
commencé le 18 novembre 1975, Paris, Fayard, 1991.
—, La République des mallettes. Enquête sur la principauté française
de non-droit, Paris, Fayard, 2011.
Brice PERRIER, Sars-CoV-2, aux origines du mal, Paris, Belin, 2021.
Simon PIEL et Joan TILOUINE, L’Affairiste. L’incroyable histoire
d’Alexandre Djouhri, de Sarcelles à l’Élysée, Paris, Stock, 2019.
Frédéric PIERUCCI, avec Matthieu ARON, Le Piège américain. L’otage
de la plus grande entreprise de déstabilisation économique
témoigne, Paris, JC Lattès, 2019.
Guillaume PITRON, La Guerre des métaux rares. La face cachée de la
transition énergétique et numérique, Paris, Les liens qui libèrent,
2018.
Jean-Michel QUATREPOINT, Alstom, scandale d’État, Paris, Fayard,
2015.
Franck RENAUD, Les Diplomates. Derrière la façade des ambassades
de France, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2010.
Roberto SAVIANO, Extra pure. Voyage dans l’économie de la cocaïne,
Paris, Gallimard, 2014.
Jean-Michel VALANTIN, L’Aigle, le dragon et la crise planétaire, Paris,
Seuil, 2020.
Daniel YERGIN, The New Map. Energy, Climate, and The Clash of
Nations, New York, Allen Lane, 2020.
Quelques articles
Jérémy ANDRÉ, « Origine du Covid : le tabou français », Le Point,
2 septembre 2021.
Ariane CHEMIN, « “C’était mon copain, Robert” : l’énigmatique ami de
jeunesse d’Emmanuel Macron », Le Monde, 9 juillet 2019.
Sylvain CYPEL, « La cybersurveillance, une redoutable arme politico-
commerciale pour Israël », Orient XXI (orientxxi.info),
20 juillet 2021.
Catherine DUPEYRON, « Israël, nouveau champ de bataille entre
Chinois et Américains », Les Échos, 2 mars 2020.
Katherine EBAN, « The Lab-Leak Theory : Inside the Fight to Uncover
Covid-19’s Origins », Vanity Fair, 3 juin 2021.
Marc ENDEWELD et Pierre MANIÈRE, « Huawei en France, la drôle de
guerre de la 5G », La Tribune, 25 janvier 2021.
David IGNATIUS, « How Did Covid-19 Begin ? Its Initial Origin Story
is Shaky », The Washington Post, 2 avril 2020.
Jean-Dominique MERCHET, « Sous-marins australiens : une claque
pour la France et une rupture stratégique », L’Opinion,
16 septembre 2021.
Caroline MICHEL-AGUIRRE, « Pascale Perez, l’amie mystérieuse
d’Alexandre Benalla », L’Obs, 7 novembre 2019.
Evgeny MOROZOV, « Bataille géopolitique autour de la 5G », Le
Monde diplomatique, octobre 2020.
—, « Doit-on craindre une panne électronique ? Les semi-conducteurs
au centre d’une bataille planétaire », Le Monde diplomatique,
août 2021.
Martine ORANGE, « Les non-dits d’Emmanuel Macron dans l’affaire
Alstom », Mediapart, 20 avril 2018.
—, « Alexis Kohler, un mensonge d’État à l’Élysée », Mediapart,
4 mai 2018.
—, « Affaire Kohler : comment la police a écrit l’inverse de ce qu’elle
avait démontré », Mediapart, 23 juin 2020.
—, « L’enquête Kohler a été classée après une lettre d’Emmanuel
Macron », Mediapart, 23 juin 2020.
Charles PERRAGIN et Guillaume RENOUARD, « Les câbles sous-marins,
une affaire d’États », Le Monde diplomatique, juillet 2021.
Josh ROGIN, « State Department Cables Warned of Safety Issues at
Wuhan Lab Studying Bat Coronaviruses », The Washington Post,
14 avril 2020.
Jean STERN, « Comment Israël développe Scorpion, futur cœur de la
défense française », Orient XXI, 30 mars 2021.
Remerciements