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UNIVERSITE DE YAOUNDE II-SOA

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE

Master I

COURS DE POLITIQUE ETRANGERE

Équipe pédagogique :

Pr. Nadine MACHIKOU


Politologue, Professeure

Dr. Aïcha PEMBOURA


Politologue, Chargée de Cours

Dr. Prisca ASSIENE BISSOSSOLI


Politologue, Chargée de cours
Dr. Alex ONDOUA
Politologue, Chargée de cours

Année académique 2021-2022


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PLAN

INTRODUCTION GENERALE

PREMIÈRE PARTIE : L’INFLUENCE DES FACTEURS, DES ACTEURS ET DES


THEORIES SUR LA FORMULATION DE LA POLITIQUE ETRANGERE

CHAPITRE 1 : LES FACTEURS D’INFLUENCE DE LA DECISION EN


POLITIQUE ETRANGERE
I- Les Facteurs naturels, historiques et philosophiques
II- Les facteurs politico-stratégiques

CHAPITRE 2 : ACTEURS ET RESSOURCES INSTITUTIONNELLES DE LA


POLITIQUE ETRANGERE

I- Acteurs décisionnels prééminents


II- Ressources/Moyens de la politique étrangère

CHAPITRE 3 : QUELQUES THEORIES EXPLICATIVES DE LA POLITIQUE


ETRANGERE

I- Le réalisme et les approches libérales explicatives de la


politique étrangère
II- Les propositions du paradigme constructiviste à l’analyse de la
politique étrangère.

DEUXIEME PARTIE : LA POLITIQUE ETRANGERE DU CAMEROUN

CHAPITRE 4 : LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE ETRANGERE DU


CAMEROUN
I- Les objectifs politiques de défense de la souveraineté et de
rayonnement international
II- Les objectifs économiques de coopération gagnante et de
captation des opportunités de développement
III- Les objectifs stratégiques de sécurité et de stabilité de l’État

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CHAPITRE 5: LES PRINCIPES DOCTRINAUX DE LA POLITIQUE ETRANGERE
DU CAMEROUN

I- Les principes doctrinaux originels de la politique étrangère du


Cameroun
II- L’avènement du renouveau national et l’évolution des principes
doctrinaux de politique étrangère du Cameroun

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INTRODUCTION

L'analyse de la politique étrangère, comme domaine distinct de la discipline des


relations internationales, s'est considérablement développée au cours des deux dernières
décennies. Ce mouvement se caractérise par un choix fondamental : traiter la politique
étrangère comme tout autre phénomène social. Il s'appuie également sur une distinction nette
entre deux champs empiriques théoriquement dissociables : celui de la politique étrangère
proprement dite, et celui du système international. Enfin, au niveau des méthodes, ce courant
s'oppose, sans la renier, à la tradition historico-juridique qui a dominé la discipline des
relations internationales jusqu'à tout récemment. L’étude de la politique étrangère doit
conduire à un savoir cumulatif, que seules la méthode comparative et l'élaboration de théories,
soutenues l'une et l'autre par l'emploi de nouvelles techniques d'analyse, rendront possibles. Il
s'agit, en somme, d'appliquer la démarche scientifique, telle qu'on l'entend dans les sciences
sociales contemporaines, aux phénomènes de politique étrangère. La politique étrangère étant
un domaine mouvant, il existe dans à ce propos un certain nombre d'ouvrages généraux de
relations internationales qui traitent de cette question. L’on peut à cet effet citer: les travaux
de James E. Dougherty et Robert L. Pfaltzgraff Jr., Contending Théories of International
Relations, Philadelphia J. B. Lippincott Company, 1971 et Joseph Frankel, Contemporary
International Theory and the Behaviour of States, London, Oxford University Press, 1973.
Plusieurs publications, néanmoins, ont posé le problème spécifique de la théorie et de la
méthode comparative en politique étrangère. On peut citer en particulier, Feliks Gross,
Foreign Policy Analysis, New York, Philosophical Library, 1954 ; Gabriel A. Almond, «
Comparative Study of Foreign Policy », dans Roy C. Macridis (éd.), Foreign Policy in World
Politics, Englewood Cliffs, Prentice-Hall, Inc., 1958, pp. 1-8.

Cette discipline, exerce par ailleurs un fort attrait chez les étudiants, et plus
généralement chez les curieux de tous âges et de tous acabits. Certains espèrent y trouver un
champ d’études plus concret, plus appliqué que les théories des relations internationales.
D’autres sont fascinés par les grandes figures historiques, d’Otto von Bismarck à Winston
Churchill, ou encore attirés, sans toujours vouloir l’admettre, par le romantisme attribué à la
pratique diplomatique. Marcel Merle, pionnier de l’école française de la sociologie des
relations internationales, distingue la politique étrangère des autres politiques publiques par
son domaine particulier. Pour Merle, la politique étrangère est « la partie de l’activité
étatique qui est tournée vers le dehors, c’est-à-dire qui traite, par opposition à la politique
intérieure, des problèmes qui se posent au- delà de la frontière ». Elle est déployée dans

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l’environnement international. Pour James Rosenau, dans une perspective d’interrelation entre
l’interne et l’externe, la politique étrangère est une exportation de la politique interne; sa
réplication à l’extérieur des frontières nationales. Par la politique étrangère, l’État cherche à
répondre au comportement des autres acteurs internationaux, et, d’une manière plus générale,
agir sur son environnement pour le conserver tel quel, quand il lui est favorable et le
transformer quand il lui paraît défavorable. En d’autres termes, l’État cherche, par le moyen
de la politique étrangère à au moins maintenir et au mieux accroître ses capacités d’influence
à l’extérieur du territoire national.

C’est le passage de l’interne vers l’externe qui confère à la politique extérieure sa


spécificité : l’autorité politique qui l’adopte et la met en œuvre a un contrôle particulièrement
limité sur son résultat puisque celui- ci dépend de variables qui échappent à sa souveraineté  :
le gouvernement brésilien par exemple ne peut réformer le Conseil de sécurité de l’ONU
comme il réforme ses propres institutions ; le gouvernement français ne peut s’attaquer aux
navires de Greenpeace qui naviguent dans les eaux internationales comme il régule les
activités des ONG en France ; et le gouvernement chinois ne peut protéger ses
investissements en Afrique comme il le fait sur son territoire.

Pourtant, il faut toutefois reconnaître que la ligne de démarcation entre l’extérieur et


l’intérieur est poreuse. Plusieurs questions, autrefois considérées comme strictement
internationales, intègrent la politique interne. Inversement, d’autres questions
traditionnellement perçues comme nationales ont maintenant des ramifications internationales
évidentes. La distinction entre high politics et low politics, qui se superpose à celle entre
politique interne et externe, est un prisme qui a longtemps été alimenté par les manuels
d’introduction à la politique étrangère. Sous cet angle, Hans Morgenthau, considère la
politique étrangère comme un instrument au service des intérêts vitaux de l’État, visant plus
particulièrement à garantir sa sécurité ou à maximiser sa puissance. L’objectif de ce cours est
d’appréhender la politique étrangère dans ses multiples facettes politiques, économiques,
culturelles et stratégiques ; d’identifier, avec le plus de précision possible une politique
étrangère, de la comprendre et de pouvoir l’expliquer.
Il est indispensable, pour comprendre et expliquer la politique étrangère, de prendre en
compte les spécificités de l’environnement national et international. La distribution de la
puissance entre les pays, l’influence des acteurs transnationaux et les organisations
intergouvernementales déterminent en partie la politique étrangère. Cela étant, l’autorité
publique qui adopte une politique étrangère perçoit l’environnement national et international à

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travers des filtres qui lui sont propres, qu’ils soient culturels, organisationnels ou cognitifs. Il
est donc indispensable, pour comprendre et expliquer une politique étrangère, d’étudier dans
un premier temps, les acteurs, les ressources et les facteurs d’influence de la décision en
politique étrangère (Première partie). Ensuite, il est essentiel d’analyser et de comprendre les
spécificités nationales en matière de conception et de mise en œuvre de la politique étrangère.
Dans cette perspective l’analyse particulière de la politique étrangère du Cameroun sera
effectuée dans un deuxième temps (Deuxième partie).

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PREMIERE PARTIE :

L’INFLUENCE DES FACTEURS, DES ACTEURS ET DES THEORIES SUR LA


FORMULATION DE LA POLITIQUE ETRANGERE

Les facteurs peuvent être considérés comme le faisceau d’éléments et de données qui
influencent ou déterminent toute politique étrangère. Ils déterminent les options et les choix
en matière de politique extérieure (Chapitre 1). Ces facteurs sont à la fois d’ordre naturel,
politique, idéologico-stratégique et relèvent également des dynamiques conjoncturelles de la
scène internationale qui est l’arène de projection de toute politique étrangère. Par ailleurs,
pour sa mise en œuvre efficiente et efficace, la politique étrangère est dotée de ressources/
moyens institutionnels et humains, à la mesure de l’intérêt et des attentes de l’autorité
publique (Chapitre 2). Ces influences théoriques restent fondamentalement importantes dans
la formulation de la politique étrangère.

CHAPITRE I :

LES FACTEURS D’INFLUENCE DE LA DECISION EN POLITIQUE ETRANGERE

L’étude de la politique étrangère comporte nécessairement une part de spéculation car


le processus de décision est très complexe et opaque. Elle est influencée par l’historicité de la
société nationale et déterminée par un certain nombre de facteurs objectifs et subjectifs qui
sont susceptibles d’influencer différemment les acteurs responsables de la décision finale.
Chaque pays met ainsi en œuvre une politique étrangère qui reflète son histoire, sa
géographie, sa doctrine philosophique (I), son revenu national et des facteurs politico-
stratégiques (II).

I- Les Facteurs naturels, historiques et philosophiques

a) La Géographie

Selon Jean-Frédecric Morin, la politique étrangère se définit par un critère


géographique. Le recours à la géographie dans l’étude d’une politique étrangère peut se faire à

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plus d’un niveau, en allant du discours à la mise en œuvre. Nous pouvons ainsi parler d’une
lecture géographique globale, c’est-à-dire d’un regard géographique porté sur différents
aspects ou étapes de la politique étrangère. Par ailleurs, toute action (ou inaction) d’une
autorité politique déployée dans l’environnement hors des frontières de l’État peut être
considérée comme une composante de la politique étrangère, qu’elle soit prise en charge par
le ministère des Affaires étrangères ou par n’importe quelle autre autorité publique. La prise
en compte de la situation géographique d’un état, contribue ainsi à une meilleure élaboration
de la politique étrangère d’un État.
La maîtrise de la géographie est constitutive de tout ordre politique et de la manière
dont il se projette à l’extérieur du territoire national. L’ordre politique, qui se met en œuvre à
travers le commandement, s’inscrit dans une dynamique de maîtrise de l’espace dont le
contrôle constitue un gage de stabilité de l’État. Les politiques nationales sont ainsi avant tout
des politiques de conquête, de maîtrise et de domination spatiale. Et c’est cette ambition de
rester maître sur son espace qui, dans une large mesure, oriente et détermine les relations
extérieures des États. La géographie constitue alors un déterminant quasi primordial de
l’élaboration, de l’organisation et de la mise en œuvre de la politique étrangère. La géographie
est par ailleurs étroitement liée à la démographie.

b) L’histoire

L’histoire est une donnée capitale dans l’élaboration et la mise en œuvre de la


politique étrangère des États. Il n y a pas de politique étrangère qui ne reflète la mémoire de
l’État et ne décline en quelque sorte sa trajectoire historique. On peut ainsi dire, à la suite de
Marie-Christine Kessler, qu’« un pays fait la politique étrangère de son histoire », lointaine ou
récente. Chaque pays, comme toute entité sociopolitique, a une histoire qui façonne
continuellement son « être-dans-le-monde » et détermine ses orientations de construction
nationale, ses lignes de projection internationale et ses choix diplomatico-stratégiques.

c) La philosophie

La politique étrangère repose sur un certain nombre de fondements philosophiques ou


options fondamentales qui servent de rationalisation et de légitimation de l’action publique
extérieure. Des courants philosophiques divers et variés peuvent fournir le corpus d’idées et
de convictions qui servent de racines nourricières à l’action internationale notamment
l’idéalisme, pour les États africains le nationalisme africain et la négritude/ civilisation de

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l’universel peuvent être des marqueurs philosophiques ; ainsi que le pacifisme international et
l’humanisme. Les démocraties occidentales par exemple, telles que la France ou encore les
Etats-Unis, ont une politique étrangère originelle d’inspiration philosophique
idéaliste/libérale, fondée sur la construction de l’ordre international, et sur les valeurs de
justice, de liberté, de paix et de dignité humaine. Selon cette vision, les relations
internationales doivent s’incarner à travers les notions de liberté, d’égalité, de fraternité, de
dignité, de solidarité, d’harmonie et d’humanisme, etc... Les discours diplomatiques dans ce
contexte dégagent en effet la conviction forte que les nations ne peuvent par exemple
pleinement s’accomplir que dans la solidarité.

II- Les Facteurs politico-stratégiques


a) Les perceptions et la personnalité des dirigeants

Selon la théorie psycho-politique, développée entre autres par Kenneth Boulding et


T. B. Millar, les décisions des leaders politiques, en politique étrangère comme dans d’autres
domaines, sont principalement influencées par leurs perceptions de la réalité qui sont faites
des valeurs qu’ils ont intériorisées au fil des années, de l’appréciation qu’ils portent sur leur
Etat comme sur celui des pays tiers, de leurs informations, de l’attirance ou de la répulsion
qu’ils éprouvent face à tel interlocuteur ou fait international, de leur prédisposition à agir ou à
temporiser. Étudier la politique étrangère c’est « sonder la pensée de ceux qui ont pris les
décisions, découvrir leur image du monde et de leur propre système politique, déceler les faits
qui ont constitué pour eux des facteurs et comprendre la façon dont ils en ont tenu compte ».
Or, quels sont les principaux facteurs qui influencent les perceptions ou l’image du monde des
décideurs ? Selon l’approche la plus ancienne, c’est leur personnalité, soit leurs structures
affectives et les valeurs auxquelles ils adhèrent en raison de leur histoire familiale. Divers
auteurs ont tenté d’expliquer la politique étrangère de certains hommes d’État tels Hitler,
Staline et Woodrow Wilson par les caractéristiques de leur personnalité psychique,
caractéristiques induites de l’étude de leur biographie et de leurs comportements vis-à-vis de
leurs proches, de leurs collègues et de leur environnement social et interprétées à l’aide des
modèles fournis par la psychologie ou la psychanalyse.

b) Les calculs couts/bénéfices des dirigeants

Selon la théorie des choix rationnels, dérivée de la théorie réaliste de Hans


Morgenthau et de la pensée économique néoclassique, ce ne sont pas les perceptions et la

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personnalité des leaders politiques qui orientent leurs choix de politique étrangère mais leur
raison. Cela signifie qu’ils cherchent en tout temps à parvenir à une solution optimale. Ils
doivent donc choisir, parmi les options qui s’offrent à eux, celles qui impliqueront des coûts
minimaux et des bénéfices maximaux en regard de l’intérêt national. La possibilité pour les
décideurs de choisir l’option qui offre le meilleur rapport coûts/bénéfices dépend toutefois de
la quantité, de la qualité et de la fiabilité des informations dont ils disposent sur les enjeux, les
causes et les conséquences prévisibles des différentes options disponibles. La théorie des jeux,
très proche de la théorie de l’acteur rationnel, compare la prise de décision à un jeu
stratégique dont les principales règles sont les suivantes : 1) chaque joueur est rationnel et
fonde son appréciation sur un calcul coûts/bénéfices ; 2) chaque joueur dispose de plusieurs
options qui permettent de préserver ou de maximiser les gains tout en limitant les coûts ou les
risques ; 3) l’issue du jeu est incertaine car elle dépend de l’ordre de préférence dans lequel
chaque joueur classe les options disponibles ; néanmoins, elle se traduit toujours par la
coopération ou un conflit entre les participants. Dans le premier cas (jeu à somme variable), la
décision résulte d’un compromis entre certaines options privilégiées par les participants. Dans
le second cas, ou bien aucune décision n’est adoptée, ou bien la décision reflétera le choix
d’un seul participant (jeu à somme nulle). Selon Charles Hermann la dynamique du processus
de décision dépend de l’attitude, directive ou conciliante, du chef de l’État. Ce dernier
impose-t-il sa vision des choses ou recherche-t-il un consensus parmi les décideurs ? Cette
donnée ne dépend pas nécessairement de la nature du régime politique : les premiers ministres
des régimes parlementaires ou les présidents des régimes présidentiels ou semi-présidentiels
démocratiques peuvent être plus directifs que les présidents des républiques autoritaires, dont
le pouvoir est basé sur l’appui d’un clan ou d’un réseau clientéliste.

c) Les rapports de force politiques et économiques

Selon la plupart des auteurs réalistes et néoréalistes, la politique étrangère est


principalement déterminée par la puissance militaire et politique des États et les modalités
d’équilibre de cette puissance au sein du système international. Kenneth Waltz, Morton
Kaplan, Michael Brecher, David Singer et Kim Nossal, parmi d’autres, ont montré que
l’histoire moderne a été caractérisée par divers systèmes d’équilibre : le système multipolaire
des XVIIIe et XIXe siècles, le système bipolaire de la période 1945-1990, le système
unipolaire post-guerre froide. Chacun d’eux a modifié la position politique et militaire des
États, leurs alliances stratégiques et la nature conflictuelle ou pacifique de leurs relations.

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Kaplan et Holsti ont analysé les impacts des systèmes politiques internationaux sur la
conception que se font les dirigeants de leur rôle – en tant que chefs ou membres d’un bloc,
d’une coalition ou sous-système d’alliés. Selon eux, c’est cette conception qui façonne leur
image de la réalité et les orientations de leur politique étrangère.

En ce qui concerne les rapports de force économiques, selon les marxistes, les
néomarxistes et plusieurs néolibéraux et néoréalistes, la politique étrangère des États est
principalement déterminée par leur puissance économique, qui est le fondement de leur
pouvoir militaire et politique. La politique extérieure des États varie en fonction de leur
niveau de développement, de l’importance et de la rentabilité de leurs échanges commerciaux
et financiers et de leur capacité subséquente d’influencer les règles et les institutions des
relations économiques internationales. Selon ces théories, les acteurs économiques les plus
puissants exercent donc une influence prépondérante sur les décisions de la politique
étrangère. L’évaluation de cette influence diffère cependant selon les auteurs. Robert Cox
soutient, à l’instar des marxistes, que les groupes oligopolistiques multinationaux dictent aux
États leur politique extérieure. La néoréaliste Susan Strange affirme que les gouvernements
jouent désormais un rôle de leader uniquement en matière de sécurité. Dans le domaine de
l’économie, de la finance, du commerce, de la recherche et de l’innovation technologique, le
pouvoir de décision appartient aux Firmes multinationales. Robert Gilpin, un autre
néoréaliste, reconnaît que la croissance phénoménale des Firmes multinationales a érodé
sérieusement l’autonomie de décision des États, mais ces derniers et les organisations
économiques gouvernementales conservent le pouvoir de réglementer le fonctionnement des
marchés et l’activité des Firmes multinationales.

d) Les pressions des acteurs domestiques

Selon la théorie néolibérale, les intérêts économiques des divers groupes de pression
influencent largement les décisions de la politique étrangère. Quoique néolibéral, Karl Deutch
soutient que le lobbying de ces acteurs n’est pas uniquement motivé par leurs intérêts
économiques. Les élites politiques (membres du pouvoir exécutif, du Parlement, de la haute
fonction publique et des appareils de partis), les médias d’information, les notables (le petit
pourcentage de la population qui suit de près les débats politiques et sert de relais
sociologique) et l’ensemble des citoyens qui participent aux élections peuvent également
influencer les décisions de la politique étrangère. Chaque palier transmet des messages et
exerce une influence sur les autres paliers. Le flux principal est descendant, à partir de l’élite

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économique ou politique. Mais, parfois, des communications directes s’établissent entre les
paliers inférieurs (électeurs, notables, médias) et influencent les paliers supérieurs. Les
dirigeants tentent de réduire les conflits ou les tensions dans les messages transmis par ces
différentes catégories d’acteurs, en faisant des choix de politique étrangère qui équilibreront
les demandes en provenance du système national de décision. Toutefois, l’application de ces
choix provoque des impacts qui obligent les dirigeants à modifier ou à ajuster les orientations
de leur politique étrangère. Celle-ci est donc déterminée par l’autorégulation des flux
d’information et leur rétroaction. En raison de ces deux mécanismes, le résultat d’une
politique est souvent différent, sinon contraire à l’intention initiale des leaders politiques.

À titre d’exemple, lorsque le gouvernement américain décida d’installer des bases militaires à
l’étranger, au début de la guerre froide, il fut soumis à une double pression interne : celle du
département de la Défense, qui souhaitait établir de nombreuses bases aériennes et navales
afin d’assurer la sécurité de l’Alliance atlantique, et celle des départements des Affaires
étrangères et des Finances, alors préoccupés par les risques politiques et financiers de
l’opération. La volonté d’équilibrer ces pressions contradictoires conduit la Maison-Blanche à
implanter des bases militaires dans les pays sous-développés à régime autoritaire souvent
corrompu.

e) La culture identitaire des États

Selon la théorie constructiviste, la politique étrangère est principalement déterminée


par la culture des Etats et la façon dont ils se perçoivent les uns les autres. Pour Alexander
Wendt, dont la théorie s’inspire notamment de celle de Hedley Bull, trois cultures déterminent
le comportement des États : celle de Hobbes, en vertu de laquelle les États sont des ennemis
les uns pour les autres ; celle de Locke, selon laquelle les États sont des partenaires rivaux ; et
celle de Kant, selon laquelle les États sont des amis. Wendt n’explique pas clairement
pourquoi les États adhèrent à l’une ou l’autre de ces cultures, mais la littérature constructiviste
associe largement le comportement méfiant, coopératif ou amical des Etats à leur degré
d’attachement aux valeurs démocratiques. Celui-ci ne dépend pas du niveau de modernisation
économique et sociale de l’État, mais d’un apprentissage de ces valeurs, grâce aux
transformations culturelles et institutionnelles de leurs sociétés et à leur participation à des
organisations internationales et réseaux dominés par les pays occidentaux. La théorie

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constructiviste complète la théorie libérale de la paix démocratique qui prétend que les
démocraties ne se font pas la guerre en raison de leurs normes et de leurs institutions
communes, sans expliquer l’origine de ces normes et institutions.

L’application de la politique étrangère est caractérisée par deux approches ou


comportements fondamentaux : la stratégie et la diplomatie. Machiavel associe la première à
la force du lion et la seconde à la ruse du renard. Raymond Aron est plus prosaïque. Selon lui,
la stratégie est « la conduite d’ensemble des opérations militaires » ou « l’action qui n’exclut
pas le recours à la force armée » alors que la diplomatie est « la conduite du commerce avec
les autres unités politiques, l’art de convaincre sans employer la force ». Dans la réalité, ces
deux dimensions sont étroitement imbriquées. Les conflits militaires ne sont pas uniquement
basés sur l’emploi des armes ; ils font appel à plusieurs comportements non violents inhérents
à la ruse diplomatique telle l’espionnage, la manipulation de l’information et la négociation.
Les relations diplomatiques, de leur côté, sont souvent influencées par la puissance militaire
des États et les menaces ou risques d’interventions armées.

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CHAPITRE II :

ACTEURS ET RESSOURCES DE LA POLITIQUE ETRANGERE

La politique étrangère est avant tout une politique publique gouvernementale mise
en œuvre pour des fins de contrôle et de maîtrise de l’international. Elle est donc animée par
des acteurs qui, en fonction de la distribution institutionnelle des compétences au plan interne,
la conçoivent, la mettent en œuvre et contrôlent son déploiement (I). Cette mise en œuvre se
fait à travers une multitude de moyens et de ressources institutionnelles (II).

I- Acteurs décisionnels prééminents

Dans chaque État, ces acteurs comprennent généralement le président de la


République, le Premier ministre et le Parlement. Tandis que, suivant la nature du régime qui
est lui-même tributaire de la répartition institutionnelle des compétences, les deux premiers
acteurs sont maîtres dans l’élaboration et la détermination de l’architecture de la politique
extérieure, le dernier, bien que y participant, exerce davantage une mission de contrôle.

a) Le Président de la République

Très souvent, le président de la République dans la plupart des États du monde a d’énormes
prérogatives en matière de politique étrangère de par les pouvoirs constitutionnels qu’il
détient et les fonctions diplomatiques qu’il exerce.

b) Le Premier ministre, chef du gouvernement

De même, le Premier ministre se situe très souvent en position de retrait relatif en


matière de politique étrangère qui est d’abord un domaine présidentiel. Toutefois, la position
de retrait n’est synonyme ni d’exclusion, ni de marginalisation. Même s’il n’a pas l’initiative
en matière de politique extérieure qui est une prérogative du chef de l’État, le Premier
ministre participe pleinement, en sa qualité de patron du gouvernement, à l’orientation et à la
mise en œuvre de la politique diplomatique de l’État. Il dispose de pouvoirs dérivés et des

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fonctions spécifiques en la matière de même que d’un statut diplomatique prééminent en tant
que plénipotentiaire ès qualité.

c) Le Parlement et son action extérieure

Acteur important de la politique extérieure de l’État, le Parlement ne dispose pas de


pouvoirs d’initiative ou de compétences en matière de détermination et d’orientation de celle-
ci, presque entièrement dévolue à l’exécutif. Il joue plutôt un rôle de veille, de contrôle et
participe de ce fait à l’action extérieure de l’État. Le Parlement dispose, en matière de
politique extérieure, d’un certain nombre de compétences : l’habilitation législative du
président de la République à adhérer ou à ratifier les accords et traités internationaux, le
contrôle de l’action extérieure du gouvernement et l’allocation des moyens financiers à
l’administration des relations extérieures.

II- Les Ressources/Moyens de la politique étrangère

La politique étrangère est principalement mise en œuvre par les autorités centrales de
l’État et leurs représentants. L’éventail de ces représentants est très large. Il comprend les
fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui travaillent dans les ambassades, les
consulats, les délégations auprès des Organisations Internationales (OI) et autres missions
diplomatiques de l’État. Il inclut également les membres de toutes les institutions de l’appareil
gouvernemental (armée, services de renseignement et de sécurité, agences d’aide au
développement, ministères,…) qui sont impliqués dans l’action internationale que mène l’État
en dehors du circuit des missions diplomatiques.

Enfin, il comprend toutes les personnes extérieures à l’appareil gouvernemental


auxquelles les dirigeants politiques peuvent confier des missions internationales officielles ou
officieuses, publiques ou secrètes, ad hoc ou prolongées : par exemple, des universitaires et
des chercheurs qui sont embauchés à titre d’experts dans des négociations commerciales, des
gens d’affaires et des responsables d’ONG qui sont impliqués dans des projets de
développement et de coopération économique. Dans cette section, nous nous intéresserons
uniquement au rôle et au personnel des missions diplomatiques.

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Bien que le rôle des missions diplomatiques au sein des OI soit devenu de plus en plus
important au fil du temps. Il est question ici de focaliser sur les ambassades et les consulats
qui demeurent des instruments essentiels d’application de la politique étrangère des États.

a) Le Ministère des affaires étrangères

Il apparaît donc clairement que celui-ci est avant tout un agent d’exécution, un metteur
en scène d’une pièce rédigée par quelqu’un d’autre ; c’est-à-dire le chef de l’État. Néanmoins,
ce dernier participe à la conception de la politique extérieure de par les suggestions d’action
qu’il soumet au chef de l’État.

b) Les ambassades

Les fonctions d’une ambassade consistent principalement à : (1) représenter l’État
accréditant auprès de l’État accréditaire ; (2) protéger les intérêts de l’État accréditant et de
ses ressortissants dans les limites du droit international ; (3) négocier des ententes avec l’État
accréditaire ; (4) s’informer par tous les moyens licites de l’évolution de la situation dans
l’État accréditaire et faire rapport à l’État accréditant ; (5) encourager des relations amicales et
développer des relations économiques, culturelles et scientifiques entre l’État accréditant et
l’État accréditaire. Au surplus, toute ambassade peut remplir les fonctions d’un consulat.
C’est généralement le cas lorsqu’un État n’a pas de consulat dans un pays ou lorsque sa ou ses
missions consulaires ne suffisent pas à la tâche. Toute ambassade est dirigée par un chef de
mission (ambassadeur). Le nombre de diplomates et d’employés affectés à des tâches
administratives et techniques varie selon l’importance accordée par l’État à chacune de ses
ambassades.

L’établissement de relations diplomatiques entre deux États se fait par consentement mutuel.
Un État peut poser des conditions à l’établissement de ces relations. Ainsi, la République
Populaire de Chine a exigé que le Canada s’engage par écrit à ne pas reconnaître
officiellement le gouvernement de Taiwan avant d’accepter de nouer des relations avec
Ottawa, en 1970. En outre, tout État peut décider d’établir des relations diplomatiques de jure
(sans ambassade) ou de facto (avec ambassade) avec un autre État. En fait, aucun pays ne
possède des ambassades dans tous les pays. Ce sont évidemment les États les plus riches et les
plus influents qui ont le réseau d’ambassades le plus étendu. La pratique veut que lorsqu’un
État n’a pas d’ambassade dans un pays, il confie à un État ami le mandat de protéger ses

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intérêts et ceux de ses ressortissants. En cas de guerre, un tel mandat est souvent confié à un
pays neutre ou à une OI humanitaire telle la Croix-Rouge. L’ambassadeur n’est désigné que
lorsqu’il est agréé par l’État d’accueil. Chaque État peut décider du niveau ou de l’importance
de son ambassade, mais le pays hôte peut fixer des règles minimales à cet égard. En vertu du
principe d’extraterritorialité, chaque État exerce une pleine souveraineté sur le territoire et
l’édifice de son ambassade (située obligatoirement dans la capitale) et de son consulat
(installé dans la capitale ou une autre ville). Cela signifie qu’ils ne peuvent faire l’objet
d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou autre mesure d’intervention de la part du pays
hôte.

Les mesures prévues par la Convention de Vienne de 1964 en cas de conflit entre l’État
accréditaire et l’État accréditant sont limitées. L’État accréditaire peut à tout moment expulser
les membres du personnel d’une ambassade – ou d’un consulat – jugés personæ non gratæ.
L’État accréditant doit alors rappeler les personnes visées par cet ordre sous peine de voir
l’État accréditaire cesser de reconnaître leur statut diplomatique. Généralement, l’État
accréditant s’exécute tout en adoptant des mesures d’expulsion équivalentes à l’encontre des
diplomates de l’État accréditaire. Le rappel des ambassadeurs est une procédure couramment
utilisée par l’État accréditant pour signifier à l’État accréditaire son désaccord avec l’une ou
l’autre de ses politiques. En cas de conflit très grave, l’État accréditant peut aussi fermer son
ambassade.

c) Les consulats

L’établissement de relations consulaires repose sur le consentement mutuel des États.


Sauf indication contraire, un État peut ouvrir un ou plusieurs consulats dans un pays lorsqu’il
dispose déjà d’une ambassade dans ce dernier. Toutefois, la présence d’une ambassade n’est
pas une condition sine qua non à l’ouverture d’un consulat. Un État peut confier à un consulat
la mission de le représenter dans plus d’un pays bien qu’il n’ait pas d’ambassade dans chacun
d’entre eux. Il faut toutefois que les États concernés y consentent. Le nombre de consulats
dont dispose un État dans un pays est fonction de divers critères : ses ressources financières,
le nombre de ses ressortissants séjournant dans ce pays, l’importance des relations,
notamment économiques, qu’il entretient avec ce dernier. À l’instar d’une ambassade, le
consulat d’un État peut également représenter les intérêts d’un État tiers et ceux de ses
nationaux si l’État d’accueil ne s’y oppose pas. La rupture des relations diplomatiques

17
n’entraîne pas ipso facto la fermeture des consulats des États impliqués. Chaque consulat est
dirigé par un chef de mission (consul).

Les fonctions consulaires, qui peuvent être exercées par des ambassades, consistent
notamment à : (1) protéger les intérêts de l’État accréditant et de ses ressortissants dans les
limites du droit international ; (2) favoriser le développement de relations commerciales,
économiques, culturelles, scientifiques et amicales entre l’État d’envoi et l’État hôte ; (3)
s’informer, par tous les moyens licites, de l’évolution de la situation économique,
commerciale, culturelle et scientifique de l’État hôte et faire rapport à l’État d’envoi ; (4)
délivrer des passeports aux ressortissants de l’État d’envoi ainsi que des visas et autres
documents de voyage aux ressortissants de l’État hôte ; (5) agir en qualité de notaire ou
d’agent de l’administration civile dans la mesure où les lois et règlements de l’État hôte
l’autorisent ; (6) représenter les ressortissants de l’État accréditant devant les tribunaux de
l’État hôte ; (7) contrôler et inspecter les bateaux et avions ayant la nationalité de l’État
d’envoi lors de leur présence sur le territoire de l’État hôte.

d) Le personnel des missions diplomatiques

Le personnel des ambassades comprend les personnes qui ont le statut de diplomate,
les administrateurs et techniciens, et les employés de service. Les diplomates, qui sont
obligatoirement des citoyens de l’État accréditant alors que les autres employés sont souvent
des ressortissants de l’État accréditaire, assument les fonctions de représentation propres aux
ambassades décrites ci-dessus. Compte tenu que les délégations des États au sein des OI sont
équivalentes à des ambassades, plusieurs de leurs membres ont également un statut de
diplomate. Dans la hiérarchie des diplomates, le poste le plus élevé est celui d’ambassadeur,
le poste de chargé d’affaires est le deuxième en importance. Le personnel des consulats inclut
les citoyens de l’État accréditant qui ont le statut de fonctionnaire consulaire et les
administrateurs, techniciens et employés de soutien qui sont souvent des ressortissants de
l’État accréditaire. Les fonctionnaires consulaires assument les fonctions de représentation
dévolues aux consulats. Au sein de la hiérarchie des fonctionnaires consulaires, le poste le
plus important est celui de consul. Bien que les fonctionnaires consulaires remplissent parfois
les fonctions d’un diplomate d’ambassade, ils n’acquièrent pas le statut de diplomate, sauf
s’ils exercent ces fonctions au sein d’une OI.

18
Les diplomates bénéficient des mêmes immunités et privilèges que ceux accordés aux
missions avec statut d’ambassade. Leur personne, leur domicile privé, leurs biens, leur
correspondance, leurs télécommunications, leurs bagages et les documents diplomatiques
qu’ils transportent – la valise diplomatique – sont inviolables. Ils ne peuvent faire l’objet
d’aucune fouille, inspection, confiscation ou rétention de la part des services de sécurité des
États. Les diplomates jouissent également d’une complète immunité face à la justice pénale,
civile et administrative de l’État accréditaire. En revanche, ils sont soumis à la justice de leur
État. Lorsqu’un membre du personnel diplomatique d’une ambassade viole une loi de l’État
accréditaire, il est généralement renvoyé dans son pays d’origine et jugé par ce dernier. On se
souviendra qu’en 2000, un diplomate de l’ambassade russe à Ottawa a causé la mort d’une
Canadienne alors qu’il conduisait sa voiture en état d’ivresse. Le gouvernement canadien l’a
renvoyé en Russie après avoir obtenu l’assurance qu’il serait jugé pour son acte, malgré
l’opposition des proches de la victime qui craignaient qu’il ne soit grâcié en raison du laxisme
des lois russes à l’égard de l’alcool au volant. Cela étant dit, en vertu de l’article 37 de la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, un État accréditant peut renoncer à de
telles immunités pour ses diplomates. Au chapitre des privilèges, les diplomates sont
exemptés des impôts et taxes de l’État accréditaire. En cas de rupture des relations
diplomatiques ou de conflit armé, l’État accréditaire doit assurer la protection des diplomates
de l’État accréditant et de leurs familles, et faciliter leur départ de son territoire dans les plus
brefs délais.

Les immunités et privilèges des fonctionnaires consulaires sont plus restreints que ceux des
diplomates. Leur immunité face à la justice pénale de l’État d’accueil est limitée. Ils ne
peuvent être ni arrêtés, ni détenus de manière préventive, ni incarcérés, ni jugés sauf en cas de
crime grave ou d’une décision des autorités compétentes. Leur immunité face à la justice
administrative de l’État d’accueil n’est pas complète. Ils peuvent faire l’objet de poursuites
pour un contrat conclu en dehors de leurs fonctions consulaires et pour un accident ayant
causé des dommages à un ressortissant de l’État de résidence. Ce dernier a le pouvoir de les
obliger à comparaître comme témoins dans des procès. Ils sont exemptés des impôts, des
taxes et des droits de douane de l’État d’accueil. Toutefois, contrairement aux diplomates,
leurs bagages personnels et ceux de leur famille peuvent être inspectés si l’État d’accueil a de
sérieux motifs de croire qu’ils contiennent des objets interdits par ses lois et règlements.

e) Les organisations non gouvernementales et les multinationales

19
La diplomatie non gouvernementale, en tant que « nouvelle diplomatie », a atteint aujourd’hui
ses lettres de noblesse dans la mesure où les Organisations internationales non
gouvernementales (OING) qui en sont les animateurs principaux ont élargi leur surface
d’action et d’influence internationale. Ces OING, estimées aujourd’hui à plus de 20 000 dans
le monde, ont, pour les plus puissantes, des stratégies internationales, des structures
d’intelligence, des services diplomatiques sinon parfois aussi performants, influents et
efficients que ceux de nombreux États. Il a ainsi émergé au plan global une diplomatie dite «
non gouvernementale » à laquelle l’on peut rattacher quelques caractéristiques : diplomatie
opérationnelle axée sur l’approvisionnement de certains services publics (santé, alimentation,
environnement, scolarisation, pauvreté) ; diplomatie tribunitienne fondée sur le plaidoyer
(advocacy), la défense, la dénonciation ou la sensibilisation sur les grandes causes de
l’humanité ; diplomatie alternative qui s’enracine dans le lobby et l’influence, notamment.

CHAPITRE III :

QUELQUES THEORIES EXPLICATIVES DE LA POLITIQUE ETRANGERE

Ce chapitre tente de démontrer que les connaissances et les réflexions sur la politique
étrangère, souvent nombreuses et variées, s’appuient sur les théories « positivistes » des
Relations Internationales. L’étude des relations internationales et l’étude de la politique
étrangère ont longtemps été considérées comme une seule et même chose. Le travail combiné
des approches théoriques des RI nous dote de puissants outils analytiques pour comprendre
les dynamiques d’un monde de plus en plus interconnecté et réellement global. Prises
individuellement, ces théories ne semblent nous offrir que des portraits partiels de la
complexité qui marque notre époque, mais, prises ensemble, elles peignent un tableau aux
couleurs et formes riches et variées. C’est pour cette raison qu’il est certainement raisonnable
de s’intéresser autant à la sagesse que nous offrent les réalistes qu’à l’optimisme qui teinte la
vision des libéraux, qu’il faut ouvrir la « boîte noire » de l’État et revenir aux décideurs
humains tout en gardant à l’esprit que nul n’évolue en vase clos et que les idées sont souvent
plus fortes que les armes. Dire quelque chose de significatif à ce sujet, revient à considérer
que la politique étrangère des États requiert plus que jamais d’abattre les barrières théoriques
qui divisent et empêchent une synthèse fructueuse des différents points de vue théoriques
complémentaires.

20
I- Le réalisme et les approches libérales explicatives de la politique étrangère
a) Le réalisme de la politique étrangère

Les approches théoriques en RI ont beaucoup à dire sur la politique étrangère, même si
les messages peuvent être parfois antinomiques. Dans le cadre de cette première partie, deux
tendances théoriques feront l’objet d’analyse : l’approche réaliste et les approches libérales.
Alors que certains réalistes prêchent d’abord et avant tout la prudence, d’autres militent plutôt
en faveur d’une attitude proactive pour maximiser la puissance relative de leur État. Qui plus
est, le réalisme dans son ensemble reste marqué par une profonde obsession envers la sécurité
militaire de l’État, faisant le pari que celle-ci pèsera toujours plus que les autres lorsque des
choix déchirants doivent être faits. Ses postulats épurés, qui font de la scène internationale le
domaine de la nécessité, de la récurrence et de la tragédie, en font sans conteste une des
approches les plus puissantes que la discipline puisse offrir pour saisir les racines du
comportement des États sur la scène internationale. Cela explique certainement autant
l’attrait qu’il peut exercer auprès d’une frange toujours nombreuse de chercheurs en RI, toutes
langues et origines nationales confondues, que le rôle d’épouvantail que lui font jouer les
théoriciens plus critiques de la politique globale. Une présentation des visions théoriques sur
la politique étrangère pourrait donc difficilement débuter autrement que par la prise en compte
des postulats réalistes en la matière. Plusieurs historiens, philosophes et praticiens des siècles
passés ont laissé une trace indélébile sur les développements récents de cette approche.
Comme le rappelle Dario Battistella (2012), le réalisme contemporain offre trois postulats qui
ont trait à la politique étrangère et qui réussissent à faire consensus. Ces trois postulats
concernent la rationalité instrumentale qui anime les décideurs étatiques, l’unité de l’État et sa
prépondérance comme acteur de la politique globale, ainsi que la séparation nette entre les
considérations politiques intérieures et extérieures. Le chemin pour se rendre à une telle unité
théorique n’a cependant pas été des plus simples au regard des précurseurs qui ont participé
par leur travaux respectifs à la construction du champ théorique réaliste allant de Thucydide
(460-406
av. J.-C.) à Hobbes (1588-1679)1. Machiavel avant lui, expose les fondements de la nature
1
Si l’ancien général et historien athénien Thucydide (460-406 av. J.-C.) est généralement considéré comme le premier
penseur réaliste que nous a laissé l’histoire, tant son Histoire de la guerre du Péloponnèse contient de nombreux passages
qui expriment les fondements de l’approche (absence d’autorité interétatique capable d’imposer un règlement pacifique
aux cités en guerre ; droit des cités de défendre leurs intérêts par la force ; vertu de l’équilibre des puissances, dont la
rupture a entrainé la guerre), a cependant Machiavel (1469-1527) qui fait figure de premier réaliste moderne. Le Prince
nous offre une réflexion sur les relations entre États qui fait encore école chez les réalistes contemporains. À partir de sa
considération très négative de la nature humaine (ingrate, sauvage, violente, conspiratrice, arrogante, insatiable), qui reste

21
humaine, la quête individuelle de la sécurité qui mène au contrat social et l’impossibilité pour
tout État d’accepter d’être dominé par d’autres comme les facteurs qui rendent impossible le
dépassement de l’anarchie des relations internationales. Ce faisant, la politique étrangère ne
pourra être jamais plus que la défense des intérêts de l’État dans un monde hostile. Pour toute
la sagesse qu’ils ont pu insuffler à la philosophie politique de l’international, Thucydide,
Machiavel et Hobbes demeurent des précurseurs du réalisme moderne. Cependant, cet durant
la moitié du XXe que la discipline connaitra trois vagues de développement académique. La
première, qui l’emportera sur l’idéalisme de l’entre-deux-guerres est considérée comme le
premier « grand débat » théorique de la discipline qui produira des analyses maintenant
classiques et associés à des géants tels Edward H. Carr (1964), Hans J. Morgenthau (1948),
George F. Kennan (1951), Henry Kissinger (1957) et Raymond Aron (1962). La seconde,
lancée par Kenneth N. Waltz en 1979 avec la publication de son magnum opus, Theory
of International Politics, verra naître un « néoréalisme » soucieux de devenir une
véritable théorie scientifique de la politique internationale. Et enfin la troisième, dite «
réalistes néoclassiques », qui regroupe des chercheurs revendiquant à la fois la prise en
compte des contraintes structurelles aux relations entre les États, comme les expriment les
néoréalistes, et celle des facteurs internes qui déterminent les décisions de politique étrangère
des États, sujet au centre des réflexions des réalistes classiques. Parmi ces réalistes
néoclassiques, on comptera William C. Wohlforth (1993), Gideon Rose (1998), Randall L.
Schweller (1998) et Fareed Zakaria (1998).

De nos jours en effet, les réalistes en RI se repèrent assez facilement par leur intérêt
marqué pour débattre : de la longévité potentielle de l’ordre (unipolaire ou multipolaire) issu
de la fin de la guerre froide et de ses conséquences sur la politique étrangère américaine
(Mearsheimer, 1990 ; Huntington, 1999 ; Kapstein et Mastanduno, 1999 ; Brooks et
Wohlforth, 2002 ; Ikenberry, 2002 ; Brzezinski, 2004 ; Layne, 2006) ; de la préférence que les
États devraient avoir (ou non) envers la maximisation de leur puissance (particulièrement
militaire) au détriment d’une recherche plus prudente de la sécurité passant par une
autorestriction stratégique (Mearsheimer, 2001) ; de l’utilité de la dissuasion (nucléaire ou
conventionnelle) comme stratégie militaire et politique (Waltz et Sagan, 1995 ; Mearsheimer
inchangée depuis la création des hommes, il en vient à conseiller aux princes de ne se soucier que de la pérennité de leur
pouvoir, ce qui implique chez lui de chercher continuellement à étendre leur domination sur les autres États. Dans la
mesure où, chez Machiavel, ni l’autorité ecclésiale, ni celle impériale ne saurait se présenter comme garantes de la sécurité
des princes, il fait figure de précurseur du réalisme moderne qui identifie l’anarchie du système international comme
structure impérative des rapports entre les unités politiques, qui les contraint toutes à la méfiance envers leurs semblables
et leur permet de régler leurs différends par la force. Le philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679), pour sa part, est
certainement l’une des sources les plus influentes sur la vision réaliste contemporaine des rapports interétatiques et de la
politique étrangère.

22
et Walt, 2003). De par ces débats, la palette des recommandations réalistes en matière de
politique étrangère ne cesse de croître. Mais comme toujours, une politique étrangère guidée
par des réflexions réalistes se reconnaît par l’accent qui est mis sur les questions de sécurité
militaire et économique où le « chacun pour soi » demeure la stratégie la plus éprouvée.

b) Saisir la politique étrangère par les approches libérales

La politique étrangère peut être saisie suivant quatre idées principales empruntées aux
philosophes libéraux classiques afin de guider l’analyse. La première, plus optimiste est
héritée à la fois de la philosophie stoïcienne gréco-romaine et de la morale chrétienne
médiévale. La foi en l’universalité du genre humain et en la nature foncièrement pacifique de
l’homme marque profondément les libéraux classiques, tels que de John Locke (1632-1704) à
Benjamin Constant (1767-1830) et John Stuart Mill (1806-1873), en passant par Jean Jacques
Rousseau (1712-1778) et Emmanuel Kant (1724-1804). Deuxièmement, les libéraux mettent
en relation la nature du régime politique d’un État et son comportement à l’international,
relevant particulièrement le pacifisme des régimes républicains et démocratiques les uns
envers les autres, si ce n’est à l’égard des régimes autoritaires. Pour la troisième, les libéraux
ont depuis Adam Smith et David Ricardo fortement associé paix et prospérité, voyant dans
l’organisation capitaliste des sociétés nationales comme dans celle du commerce international
le gage d’un partage des richesses profitant à tous. On notera cependant, que la dimension
économique des relations internationales n’aura pas été au XXe siècle l’intérêt principal des
libéraux œuvrant dans la discipline des RI, qui semblent souvent avoir laissé ces réflexions à
leurs confrères économistes. Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner la place de choix que
les libéraux accordent au droit dans la régulation des rapports internationaux. Si la tradition
médiévale de la guerre juste marque un jalon important de leur réflexion en la matière, elle
mènera à terme aux réflexions des libéraux internationalistes de la fin du XIXe et du début du
XXe siècles, qui feront du droit international le socle sur lequel la paix entre les États doit
reposer. C’est sur cette base que l’argument idéaliste, premier véritable courant théorique de
notre discipline naissante après la Grande Guerre, aboutira à la notion de sécurité collective
telle que pensée par Norman Angell (1910), David Davies (1930), Leonard Woolf (1916) ou
Alfred Zimmern (1936 et 1939).

De nos jours, le libéralisme propose plusieurs interprétations des facteurs déterminants et


des comportements rationnels que devraient adopter les États, dans l’articulation de leurs
politiques étrangères respectives. En premier lieu, l’idée d’une paix perpétuelle acquise par la

23
consolidation d’une fédération de républiques s’est transformée en théorie de la paix
démocratique, selon laquelle les États démocratiques ne se font pas la guerre entre eux (ce qui
n’implique nullement qu’ils éviteront à tout prix un affrontement armé avec des États non
démocratiques). Il est clair que considérés sous cet angle, les intérêts nationaux des
démocraties résident dans la diffusion de leur modèle politico-économique, garant d’une
pacification des rapports interétatiques à long terme. Les théoriciens de la perspective
transnationaliste nous rappellent quant à eux qu’au cours des dernières décennies, la politique
globale est devenue un espace décentralisé où interagissent un nombre toujours grandissant
d’acteurs non étatiques dont l’influence cumulative représente un défi de taille au monopole
de l’État sur l’évolution de cet espace. Les auteurs phares de cette approche (Keohane et Nye,
1977 ; Rosenau, 1980 ; Rosenau, 1990 ; Rosenau, 2003 ; Merle, 1988 ; Badie et Smouts, 1992
; Badie, 1999) proposent de considérer le monde comme un ensemble complexe, où les
notions de souveraineté et de puissance ont perdu leur pertinence d’antan et où
l’interdépendance entre tous les types d’acteurs influence la marge de manœuvre de ces
derniers dans leurs choix et actions. Les décideurs de politique étrangère devraient en ce sens
prendre en compte ces évolutions, renoncer à voir dans la puissance militaire un outil utile
pour garantir la sécurité, se soucier grandement des facteurs qui influencent la prospérité du
pays et composer avec la présence d’acteurs non étatiques influents pour favoriser l’atteinte
de leurs propres objectifs. Si l’intérêt national devient un objet en constante redéfinition chez
les transnationalistes, c’est bien parce que l’environnement international ne pardonnera pas
une rigidité en la matière. Des lors, on notera que c’est un ensemble de doctrines
économiques néolibérales qui ne sont pas inspirées du libéralisme en RI qui semble avoir,
depuis près de trente ans, capturé les cœurs et les esprits d’une large part des dirigeants
étatiques, qui demeurent en dernière analyse les décideurs ultimes de la politique étrangère.
Le champ de l’analyse décisionnelle gagne à considérer le plus de variables possibles pour
saisir toutes les nuances d’un phénomène social extrêmement dense et souvent invisible au
commun des mortels. Cependant, il est très difficile d’établir lequel ou lesquels, parmi ces
facteurs, devraient être priorisés par les chercheurs pour obtenir une vue d’ensemble
satisfaisante du phénomène à l’étude. Considérer que c’est le cas à l’étude qui détermine cette
hiérarchisation des facteurs explicatifs pose de sérieux problèmes méthodologiques aux
chercheurs du domaine, tout en effaçant toute prétention à la généralisation, ce qui mine en fin
de compte le pouvoir prescriptif de ce type d’analyse.

24
II- Les propositions du paradigme constructiviste à l’analyse de la politique
étrangère

Apparu dans les dernières années de la guerre froide, le constructivisme en relations


internationales marque l’ambition d’offrir une perspective plus profonde de la mécanique des
rapports sociaux qui sous-tendent la politique globale et, ce faisant, d’obtenir un portrait plus
affiné des rapports interétatiques que ne peuvent dresser les réalistes, les libéraux ou même les
théoriciens des approches décisionnelles. Alexander Wendt, qui a lancé le débat en 1987 par
la publication d’un article dans la prestigieuse revue International Organization, posera en
1992 les jalons de l’approche constructiviste dominante dans son article « Anarchy is What
States Make of It » dont les idées formeront le cœur de son livre publié en 1999, Social
Theory of International Relations. Il prend alors position en faveur d’une forme de
constructivisme centré sur les États, qui postule simplement que ces derniers reproduisent
inconsciemment l’anarchie internationale dans la mesure où leurs actions sont guidées par
cette anarchie, uniquement parce qu’ils croient qu’il s’agit là d’une contrainte qui les dépasse.
Ainsi, s’ils sont les victimes d’un environnement hostile, c’est uniquement parce qu’ils le
perçoivent comme tel et élaborent leurs intérêts nationaux en conséquence. Lorsque les États
modifient les perceptions qu’ils ont du type d’environnement dans lequel ils évoluent, du rôle
qu’ils doivent y jouer et du type de relations qu’ils peuvent escompter établir avec autrui, le
système international peut évoluer vers de nouvelles formes d’organisation, plus ou moins
anarchiques, plus ou moins conflictuelles. Dans cette version « conventionnelle » du
constructivisme, l’environnement façonne les identités étatiques, qui déterminent les intérêts
nationaux, qui guident les actions de la politique étrangère, dont la somme fait évoluer le
système international, qui modifie les identités étatiques... Tout cela dans une roue qui tourne
sans fin et que les constructivistes appellent le phénomène de la co-constitution agent-
structure. Deux voies s’offrent alors aux constructivistes de décortiquer les réelles politiques
étrangères des États.

La première est celle de l’étude des valeurs, croyances, normes et idées qui sont
collectivement produites et reproduites de manière intersubjective sur la scène
internationale. Cet environnement offre alors une liste infinie de sujets de recherche :
l’anarchie comme institution sociale des relations interétatiques, le tabou face à l’utilisation
d’armes de destruction massive, le concept d’intervention humanitaire et les processus visant
à mettre en place et à appliquer des conventions internationales régulant les moyens d’actions
des États dans des domaines précis. On imagine difficilement un décideur de politique

25
étrangère prendre un temps d’arrêt pour considérer le rôle que peuvent jouer les normes et les
idées débattues à l’international sur l’élaboration des actions à poursuivre, mais il est clair
que, dans la pratique, les acteurs de la prise de décision sont affectés par ce qu’ils conçoivent
être des comportements légitimes ou illégitimes dans l’arène diplomatico-stratégique.
Souvent, la prise en compte de ce type de considération nous permettra d’approfondir les
pistes déjà offertes par l’analyse des facteurs culturels, bureaucratiques, perceptuels et
cognitifs qui sont étudiés par les approches décisionnelles.

La seconde voie qui s’offre aux constructivistes est d’élargir leur canevas et de se
concentrer sur les conditions qui forgent les identités étatiques, en portant une attention
toute particulière à la teneur des discours par lesquels sont véhiculées ces identités.
Sachant que les intérêts nationaux que vont énoncer les décideurs de politique étrangère dans
une situation donnée reposent sur leur compréhension de l’identité de leur pays, les
constructivistes qui empruntent cette voie permettent de faire la transition entre la version
holiste et la version individualiste de cette approche. Le travail à accomplir pour réussir ce
tour de force relève alors de l’herméneutique : le but est de comprendre le sens que les acteurs
en présence accordent aux divers concepts qui construisent les identités collectives, ce qui
permet à terme de saisir pourquoi la politique étrangère d’un État prend une direction
particulière à un moment donné. Cette démarche peut être entreprise autant dans un but
principalement explicatif qu’avec une visée critique. En effet, plusieurs constructivistes se
contenteront de raconter la construction intersubjective des identités, qui aboutissent à
l’identification d’intérêts nationaux lors de la prise de décision en politique étrangère.
D’autres souligneront la nature conflictuelle des débats sur les composantes de l’identité
nationale, qui ne sont jamais sans conséquences sociales : les visions dominantes auront
tendance à marginaliser ou même à réduire au silence leurs rivales, imposant ainsi une
hégémonie idéologique (au sens gramscien) à l’ensemble de la société en matière de questions
internationales.

Finalement, le constructivisme aussi connaît certains ratés en matière d’analyse et de


recommandations pour la politique étrangère. Dans le monde universitaire, il s’agit
certainement d’un atout que d’être en mesure d’assimiler à sa vision de la construction
sociale des identités bon nombre d’idées émises dans des approches théoriques concurrentes.
L’utilité d’une telle versatilité théorique est cependant loin d’être évidente pour faire du
constructivisme une base pour la conduite de la politique étrangère. Par exemple, le
constructivisme ne peut offrir aucune réponse à une équipe décisionnelle

26
qui se demande si elle devrait suivre une piste plus « réaliste » ou « libérale » face à un
enjeu international, ni même fournir une alternative claire. Un autre exemple des
limites constructivistes est sa plus grande facilité à expliquer de quelle manière une série
d’idées ont façonné une certaine définition des intérêts nationaux et ainsi un comportement
étatique spécifique, qu’à nous aider à comprendre pourquoi ce sont ces idées, plutôt que
d’autres, qui ont joué un tel rôle. Car pour rester fidèle à la complexité de la vie sociale (une
aspiration constructiviste évidente), il faudrait prendre plus sérieusement en compte le fait que
les idées évoluent dans un environnement compétitif. La version critique du constructivisme
offre à cet égard une tentative de réponse (ce sont les luttes de pouvoir qui déterminent le
destin des idées), mais elle repose malheureusement trop souvent sur des faits difficilement
vérifiables, en plus de suivre un raisonnement logique discutable : si telle idée s’est imposée,
ses capacités de réduction des tensions internes ou de ralliement des opinions divergentes n’y
sont pour
rien, elle n’est que l’expression des préférences d’un groupe que la lutte pour le pouvoir a
favorisé.

DEUXIEME PARTIE :

LA POLITIQUE ETRANGERE DU CAMEROUN

La politique étrangère est considérée dans son acceptation traditionnelle, comme une
action qui, par son auteur et par son destinataire, se situe dans la sphère de l'activité étatique.
Holsti Kalevi Jaakko utilise toutefois au niveau des destinataires de la politique étrangère, le
concept d'environnement externe (externat environment), ce qui ne semble pas exclure, de
façon expresse et catégorique, des destinataires non étatiques. En tant qu’État souverain, le
Cameroun a bel et bien une partie de son activité politique nationale «tournée vers le dehors »,
dont la visée est la maîtrise de l’environnement international, le renforcement de son
influence et de sa respectabilité internationale ainsi que la maximisation de ses intérêts
nationaux. Explorer et comprendre la politique étrangère du Cameroun, se feront dans un
premier temps par l’étude des principes doctrinaux du pays (Chapitre 1), dans un second

27
mouvement, il s’agira d’analyser les multiples objectifs de la politique étrangère du Cameroun
(Chapitre 2).

CHAPITRE IV :

LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE ETRANGERE DU CAMEROUN

Certains analystes des relations internationales attribuent à la politique étrangère un


objectif général et prédéfini, valable pour tous et en toutes circonstances, et ce de façon
universelle et intemporelle. Dario Battistella par exemple, considère que la politique
étrangère vise tour à tour la stabilité du système international, l’accumulation de richesses, la
croissance de la puissance relative, le maintien des dirigeants au pouvoir ou encore la
reproduction de l’identité nationale. Stephen Krasner, quant à lui, avance que la politique
étrangère vise la protection de la souveraineté nationale et la préservation de l’intégrité
territoriale et politique. Ainsi, les objectifs de politique étrangère varient d’un Etat à l’autre et
sont déclarés ou déduits du comportement de ces États. Certaines techniques peuvent être
mobilisées au-delà des objectifs déclarés publiquement, pour déduire les objectifs de la

28
politique étrangère du comportement des États. L’une d’elles consiste à analyser les résultats
obtenus. Si une politique est maintenue sur une longue durée et que les décideurs ont eu
maintes occasions de l’évaluer et de la modifier, on peut inférer que ses résultats
correspondent aux objectifs poursuivis. Par exemple, de nombreuses études sur l’aide
publique au développement notent que l’aide bilatérale a un impact minime sur le
développement économique des pays bénéficiaires. Puisque cette pratique est répétée depuis
plusieurs des décennies, on peut légitimement mettre en doute que l’objectif premier soit de
favoriser le développement économique.
En tant qu’« activité par laquelle un État établit, définit et règle ses rapports avec les
gouvernements étrangers », la politique étrangère est en effet, une politique publique, c’est-à-
dire qu’elle fait d’abord intervenir les autorités publiques qui lui donnent un contenu, des
ressources et un programme dont la finalité est la maîtrise de l’environnement extérieur de
l’État. La politique étrangère du Cameroun vise ainsi une série d’objectifs à la fois politiques
(I), économiques (II) et stratégiques (III). Pour sa mise en œuvre efficiente et efficace, celle-ci
est dotée de ressources/ moyens financiers, matériels, humains et institutionnels, à la mesure
de l’intérêt et des attentes de l’autorité publique.

I- Les objectifs politiques de défense de la souveraineté et de


rayonnement international

Pour lever toute ambiguïté dans la définition du concept de souveraineté, le


politologue américain Stephen Krasner a établi qu’il existe différents types de souveraineté. Il
en délimite quatre : la souveraineté domestique, la souveraineté interdépendante, la
souveraineté internationale légale et la souveraineté westphalienne. Chacun de ces types de
souveraineté fait appel à un niveau d’intervention différent où s’exercent distinctement
l’autorité, soit le « droit mutuellement reconnu pour un acteur de s’engager dans certaines
activités », et le contrôle qui ne nécessite pas de reconnaissance mutuelle du droit
d’intervenir, l’intervention pouvant alors être simplement exercée par la force.

 Ainsi, la souveraineté domestique qui réfère à l’organisation de l’administration qu’un


gouvernement exerce à l’intérieur d’un État, fait appel autant à l’autorité

29
(reconnaissance de la légitimité d’un gouvernement et de ses actions, par exemple)
qu’au contrôle (par la police et l’application des lois, par exemple).
 La souveraineté interdépendante qui se définit comme étant la capacité des autorités
de contrôler les mouvements transfrontaliers, fait exclusivement appel au contrôle : la
personne refoulée aux frontières n’a pas à reconnaître le droit d’un État de lui refuser
l’accès à son territoire pour que ce refus soit opérationnel.
 De leur côté, la souveraineté internationale légale, qui confère à un État sa
reconnaissance internationale, et la souveraineté westphalienne, qui se traduit par
l’exclusion d’acteurs extérieurs dans le processus domestique de gouverne, font toutes
deux davantage appel à l’autorité puisque pour s’exercer, deux États en relation
doivent mutuellement reconnaître leur droit à cet exercice. L’exemple le plus clair de
la souveraineté internationale légale est la reconnaissance que les autres États vont
donner à un État qui acquiert son indépendance : sans cette reconnaissance, l’État
nouvellement indépendant aura beau se réclamer de ce statut, celui-ci ne sera effectif
et ne lui donnera accès, par exemple, à l’onu, que s’il est reconnu. Pour ce qui est de la
souveraineté westphalienne, il doit aussi y avoir reconnaissance mutuelle. Autrement
qu’est-ce qui empêcherait l’État A de s’immiscer dans l’organisation de la gouverne
de l’État B ?
 Et bien sûr, un État qui n’exerce ni contrôle ni autorité peut difficilement être
considéré comme étant souverain.

La politique étrangère du Cameroun se structure autour de la poursuite de ses objectifs


politiques qui sont la défense et la valorisation de la souveraineté et de l’indépendance
nationale. Il s’agit là à la fois d’un objectif et d’un principe de politique internationale. Ainsi,
dans son premier discours devant le Corps diplomatique le 30 décembre 1982, le président
Paul Biya indiqua que l’objectif majeur de la politique extérieure du Cameroun était de
consolider toujours davantage la souveraineté nationale dans un monde agité et toujours
exposé à toutes les volontés de domination. La consolidation et la sauvegarde de
l’indépendance et de la souveraineté sont tributaires de la stabilité politique interne et même
externe. D’où l’assignation à la politique extérieure de l’objectif de la création de conditions
extérieures favorables à la survie de l’entité nationale, notamment un ordre international juste,
équitable et pacifique.
Dans sa mise en œuvre effective, l’objectif de rayonnement s’inscrit dans un effort de
placement des nationaux dans la fonction publique internationale d’une part, et de

30
participation aux grands forums internationaux d’autre part. Ainsi, comme on peut le lire dans
une publication du ministère des Relations extérieures, « Le Cameroun entend désormais
mieux rayonner sur la scène internationale en mettant un nombre plus important de ses fils au
service de l’humanité dans le cadre des organisations internationales (...) C’est aussi pour
concrétiser cette diplomatie faite de plus de rayonnement et de plus de présence que le
Président de la République a décidé de faire participer notre pays à tous les grands forums
internationaux où se discutent les affaires du monde ».

II- Les objectifs économiques de coopération gagnante et de captation


des opportunités de développement

On a déjà souligné que la politique étrangère est une projection hors du territoire
national du temps politique interne ; du paradigme politique qui structure la vie nationale de
l’État. Au moment de l’accès du Cameroun à la souveraineté internationale, le paradigme
politique dominant et déterminant de l’action publique est celui de la construction du
développement en tant que dimension fondamentale de la consolidation de l’État-nation.

En tant que pays en voie de développement, la politique étrangère du Cameroun a une forte
dimension économique ; c’est-à-dire qu’elle vise à la fois la construction du pays comme une
terre sûre d’investissement, un marché porteur et une terre de richesses et de ressources
précieuses. De plus, cette politique s’inscrit dans une logique forte de captation des ressources
liées à la coopération internationale et à la mobilisation des financements internationaux à des
fins de construction du développement.

Le premier objectif économique de la politique étrangère du Cameroun est de densifier le


cadre de sa coopération au développement. Il s’agit de permettre au pays de tirer un meilleur
profit des ressources de la coopération internationale en tant qu’outil de développement.
L’instauration de partenariats nouveaux et la consolidation de ceux traditionnels sont au
centre de l’agenda économique de l’action extérieure camerounaise.

Le deuxième objectif économique de politique étrangère est l’ouverture de marchés


extérieurs pour les entreprises camerounaises. Il s’agit de promouvoir le commerce extérieur
du Cameroun et de construire en même temps le pays en espace économique sûr, susceptible
d’accueillir et de faire fructifier les investissements étrangers.

31
Le troisième objectif économique de politique étrangère est de hisser le Cameroun au rang
des économies dites émergentes à très moyen terme ; en tout cas à l’horizon 2035.

III- Les objectifs stratégiques de sécurité et de stabilité de l’État

Toute politique étrangère vise un certain nombre d’objectifs stratégiques ayant trait à
la garantie de la stabilité et de la sécurité de l’État, de sa tranquillité et de sa paix. Arnold
Wolfers dès 1952, percevait la sécurité, dans un sens objectif comme l’absence de menaces
sur les valeurs centrales (acquired) ou, dans un sens subjectif, l’absence de peur que ces
valeurs centrales ne fassent l’objet d’une attaque. Mais cette définition a été réduite à sa plus
simple expression par Barry Buzan qui estime que la sécurité concerne l’absence de toute
menace. La politique extérieure se dresse par conséquent sur un background militaro-
stratégique et se nourrit de considérations sécuritaires qui déterminent les postures et les
lignes de conduite. Celle du Cameroun intègre bel et bien, dans son élaboration doctrinale et
son déploiement pratique, un certain nombre d’enjeux et de données sécuritaires.

Le premier objectif stratégique de la politique étrangère du Cameroun est d’œuvrer à la


sécurité intérieure et extérieure du territoire national. C’est l’objectif de préservation de la
survie de l’entité étatique. Cet objectif stratégique a conduit à la structuration de deux
tendances lourdes dans le déploiement régional du Cameroun : premièrement une politique de
voisinage vigoureuse dans le cadre global des « cercles concentriques de sécurité » et,
deuxièmement, une affirmation quasi inébranlable de l’attitude de neutralité par rapport aux
conflits sous-régionaux. Cette diplomatie de la neutralité est, dans sa dimension tactique, une
technique d’évitement de la contamination conflictuelle à partir des foyers extérieurs qui sont
légion dans sa zone naturelle d’appartenance géopolitique.

Le deuxième objectif stratégique de la politique étrangère du Cameroun est celle de la


promotion inlassable de la « consolidation de la paix et de l’entente entre les nations ». Il
s’agit là d’une ligne forte de projection et d’action internationale du Cameroun qui vise à
prendre part à l’édification de la paix et de la sécurité internationales. C’est en droite ligne de
cet objectif que le Cameroun consacre un pan entier de son action internationale à la
résolution des conflits et à la diplomatie préventive et qu’il participe à plusieurs opérations de
maintien de la paix organisées par l’Organisation des Nations unies à travers le monde. Au
niveau régional et sous-régional plus précisément, le pays cherche à jouer un rôle prééminent,

32
tant institutionnel qu’opérationnel, dans la lutte contre le terrorisme international, la
criminalité économique et la criminalité transnationale.

Le troisième objectif stratégique est celui de la participation à la définition des enjeux


sécuritaires internationaux en général et sous-régionaux en particulier.

CHAPITRE V :

LES PRINCIPES DOCTRINAUX DE LA POLITIQUE ETRANGERE DU


CAMEROUN

La doctrine internationale du Cameroun, entendue comme l’ensemble d’idées-forces qui


servent de référence à son action extérieure et à sa pratique diplomatique. Des marqueurs
doctrinaux spécifiques ont rythmé et accompagné la constitution du jeune Etat camerounais
au lendemain de l’indépendance (I) ; Bien qu’ils aient à la faveur du renouveau connu
quelques évolutions (II).

I- Les principes doctrinaux originels de la politique étrangère du


Cameroun

33
La politique extérieure originelle du Cameroun (à l’indépendance du pays) est ainsi
celle de l’affirmation et de la défense de la souveraineté, de la construction de l’unité et de
l’identité nationale, du développement économique et social, de la construction de la paix et
de la stabilité nationales. Toute sa doctrine première s’en inspire et tous ses principes
fondamentaux en découlent.

1- Souveraineté et indépendance nationales

La souveraineté désigne la pleine capacité d’exercer son libre arbitre, d’agir selon son bon
vouloir sans obligation ni contrainte exercée par qui que ce soit. Ce principe semble à
première vue une lapalissade dans la mesure où les relations diplomatiques sont, pour les
États, une expression de leur souveraineté et de leur caractère indépendant. Elles constituent
également une marque de reconnaissance internationale de l’État. La diplomatie traduit la
souveraineté en situation relationnelle. Toutefois, replacé dans le temps politique de son
énonciation, le principe du respect de la souveraineté s’inscrit dans une stratégie de
renforcement de la stature internationale du jeune État camerounais nouvellement sorti de la
tutelle extérieure.

2- Non-alignement et non-ingérence

Dans un contexte bipolaire, marqué par la domination quasi-hégémonique des deux


superpuissances américaine et soviétique, le refus de l’alignement derrière l’une ou l’autre est
un acte de pleine expression de l’indépendance et de la souveraineté. Il se revendique aussi
comme un positionnement en faveur de la paix internationale et de la concorde entre les
nations. Le non-alignement s’inscrit enfin dans une optique de diversification des amitiés
internationales et des partenaires à la coopération pour le développement.

Le principe de politique extérieure sous-jacent à la doctrine de non-alignement est celui de la


non-ingérence dans les affaires intérieures des États. Parce que, tout au long de la politique
des blocs, le rôle des deux superpuissances, véritables hégémon, était de discipliner à
l’intérieur (du bloc) tout en dissuadant à l’extérieur, la politique de l’alignement
s’accommodait de l’ingérence, notamment de celle des leaders des blocs dans les affaires
intérieures des États alignés. Selon Paul Biya « Le véritable non alignement consiste à
sauvegarder en permanence la possibilité et la liberté de négocier de nouvelles alliances ou
de dénoncer les anciennes. C’est dans cet esprit que [le Cameroun] devra rechercher une

34
coopération économique et culturelle sans exclusives, mais équitable, tout en faisant ce qui
est en son pouvoir pour consolider le front uni du tiers-monde ».

Le Cameroun, en vertu de sa nature d’État souverain, rejette toute ingérence dans ses affaires
intérieures et s’abstient, en retour, de s’ingérer dans celles des autres en raison du strict
respect de leur souveraineté. La politique étrangère du Cameroun réaffirme aussi de façon
quotidienne, autant par sa doctrine que par son action, le principe de la non-ingérence. Ce que
d’aucuns ont qualifié d’esprit d’indifférence ou de suffisance pour décrire le comportement
régional de neutralité du Cameroun apparaît alors comme une traduction diplomatique du
principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États.

3- Coopération sans exclusives et solidarité internationale

La coopération sans exclusives s’affirme pour sa part comme une conséquence du non
alignement. Celui-ci laisse le champ international ouvert à l’État camerounais qui y agit en
fonction du seul impératif absolu que constitue son intérêt national. L’alignement derrière un
camp idéologique quelconque avait pour conséquence néfaste de rétrécir les possibilités de
coopération des États alignés, compte tenu en l’espèce de la « doctrine Hallstein » à l’échelle
internationale qui régissait les rapports des États aux deux blocs en conflit. À titre de rappel,
la doctrine définie dans les années 1950 par Walter Hallstein – alors ministre ouest-allemand
des Affaires étrangères – reposait sur entre autres principes, sur celui majeur, de la rupture ou
du non-établissement des relations diplomatiques avec les pays ayant reconnu la République
démocratique allemande (RDA). Pareillement, la politique des blocs se fondait, avec
cependant moins de rigidité, sur le même principe sinon de l’exclusion du moins de la
marginalisation et du combat par les États membres d’un bloc de ceux ayant opté pour le bloc
adverse. En tout cas, la politique des blocs est une politique de l’alignement et de l’exclusion.
Le non-alignement rejette ce manichéisme diplomatique et cet exclusivisme idéologico-
politique qui constituent le socle de l’intolérance et des rivalités internationales. Il opte donc
pour une coopération sans exclusives, érigée en paradigme politique international pertinent
pour les pays en développement qui ont besoin de la solidarité de l’ensemble des pays du
monde pour construire leur modernité économique et sociale.

Dans son ouvrage intitulé Nation et développement dans l’unité et la justice, le président
Ahmadou Ahidjo explique que le Cameroun, parce que concerné au premier chef par des
problèmes de développement, doit participer à tous les grands courants d’échanges
internationaux et « œuvrer au sein des grands courants de coopération internationale ». Ce

35
principe de politique étrangère sera reconduit, approfondi et affiné par Paul Biya qui fera du
non-alignement la stratégie politique suffisamment « adaptée à [la] volonté de coopération
sans frontière » du Cameroun. La promotion de la solidarité internationale est ainsi l’un des
ressorts vitaux de la politique internationale du Cameroun : « Œuvrer pour l’avènement d’une
humanité plus solidaire constitue l’un des principaux ressorts de la politique extérieure du
Cameroun. Celle-ci vise essentiellement à servir les intérêts supérieurs de notre peuple dans
un monde de plus en plus interdépendant, mais encore douloureusement marqué par des
appétits de domination et d’exploitation des nations puissantes sur les nations faibles et par
des affrontements idéologiques de plus en plus meurtriers ».

4- Coexistence pacifique et paix internationale

Le non-alignement signifie tolérance et coexistence pacifique. La politique des blocs


était dans une large mesure belligène et par conséquent un facteur d’instabilité et de conflit en
ceci qu’elle renforçait l’animosité entre les peuples et les prédisposait à l’affrontement. Elle
n’était donc nullement un facteur de paix et de stabilité internationale. L’option en faveur du
non alignement et de la coexistence pacifique amène aussi le Cameroun à prôner et à soutenir
l’équilibre des forces – inspiré du concert européen – sur la scène internationale. Cette
politique est considérée comme une marque de réalisme et un moyen de protéger les États
faibles contre les appétits de domination des Nations puissantes et prospères. Selon Paul Biya
dans Pour le libéralisme communautaire, « (...) le réalisme, nous impose la recherche
permanente de l’équilibre des forces en jeu dans la société internationale afin d’assurer
l’autonomie des peuples faibles : la parité des forces militaires, voire nucléaires, entre les
grandes puissances reste dans ce contexte souhaitable bien que le désarmement général soit la
meilleure garantie de la paix et de la sécurité pour tous ». La coexistence pacifique et la paix
internationale s’inscrivent également dans l’option de la résolution pacifique des différends.
Celle-ci constitue une option du comportement international du Cameroun qui, depuis son
accession à la souveraineté internationale, met tout en œuvre pour entretenir des relations de
paix et de confiance avec les voisins. Il privilégie les négociations diplomatiques pour une
résolution pacifique des différends.

La coexistence pacifique et la paix internationale s’inscrivent également dans l’option de la


résolution pacifique des différends. Celle-ci constitue une option du comportement
international du Cameroun qui, depuis son accession à la souveraineté internationale, met tout
en œuvre pour entretenir des relations de paix et de confiance avec les voisins. Il privilégie les

36
négociations diplomatiques pour une résolution pacifique des différends. Cette attitude de
politique extérieure traduit l’engagement du Cameroun dans le partage des principes et
valeurs politiques universels, consacrés aussi bien par les institutions internationales que
régionales.

5- Unité et libération de l’Afrique

Le panafricanisme est un principe fondamental et constant de la politique étrangère


du Cameroun. Le pays s’affirme en effet selon le premier président du Cameroun Ahmadou
Ahidjo une « vocation panafricaine naturelle » en raison de son autre « vocation d’Afrique en
miniature née de la géographie et de l’histoire ». Il s’agit même d’un engagement
constitutionnel dans lequel le pays « affirme sa volonté d’œuvrer à la construction d’une
Afrique unie et libre » parce que « convaincu que le salut de l’Afrique se trouve dans la
réalisation d’une solidarité de plus en plus étroite avec les pays africains » (Préambule de la
Constitution de la République du Cameroun). Elle est, d’autre part, un élément de la culture
diplomatico-stratégique dans la mesure où elle s’inscrit dans une démarche tactique de
construction, à l’échelle continentale, de ce qu’on pourrait appeler, à la suite de Zaki Laïdi, un
« espace de sens » ; c’est-à-dire un espace aux frontières incertaines et aux acteurs
hétérogènes mais soucieux de se projeter collectivement sur la scène internationale à des fins
de renforcement économique, de pesée politique et de différentiation idéologique. Cette unité
s’impose également comme la condition de la visibilité internationale du continent :

« Dans le monde d’aujourd’hui, souligne une fois de plus Ahmadou Ahidjo, nous n’avons
aucune chance d’apporter notre contribution à l’histoire, de porter témoignage des valeurs
africaines devant la culture universelle, de promouvoir notre développement rapide et
harmonieux si nous ne sommes pas unis, si nous ne constituons pas une force capable de
peser sur les évènements et de les orienter avantageusement ».

L’unité est donc postulée ici comme le cadre a priori de la constitution de la


puissance africaine en tant qu’atout d’une autonomisation maximale. En tout cas, sans unité, il
n’y a pas de progrès et de liberté pour l’Afrique dans le monde. D’où la constance voire la
redondance que va revêtir l’objectif de l’unité continentale dans la doctrine extérieure
camerounaise aussi bien sous Ahmadou Ahidjo que sous Paul Biya : « Conscient de ce
qu’une Afrique désunie ne saurait espérer changer quoi que ce soit dans l’ordre mondial,
écrit ce dernier, nous pensons que le Cameroun doit déployer toute l’énergie dont il est

37
capable pour contribuer au renforcement de l’unité africaine au niveau continental, régional
et sous-régional ».

6- Indépendance économique et développement national

Au sortir de l’indépendance, le Cameroun s’est constitué comme un « État développeur » ;


c’est-à-dire un État qui tire l’essentiel de sa légitimité dans la revendication d’une mission
providentielle de développement et dont les structures institutionnelles et bureaucratiques sont
mises sur pied à des fins de réalisation du développement. Principe cardinal de la politique
intérieure, l’impératif de la construction du développement national ne pouvait que constituer
un facteur important d’élaboration et de mise en œuvre de la politique étrangère. Celle-ci a
ainsi pris, au fil des ans, le visage d’une véritable diplomatie de développement, axée
prioritairement sur la mobilisation et la captation des ressources nécessaires au financement et
au renforcement des capacités nationales d’autoréalisation.

« La recherche du développement, note à ce sujet Narcisse Mouelle Kombi, est l’un


des vecteurs majeurs de la cohérence et de la rationalité de la politique étrangère du
Cameroun [qui] prône résolument une diplomatie du développement, celle qui se veut de plus
en plus en adéquation avec les besoins et les priorités du Tiers-Monde conscient de son
retard économique et ayant foi en les vertus bénéfiques de la coopération internationale». La
politique étrangère est ainsi conçue et mise en œuvre dans l’optique de la poursuite, à
l’international, de « l’effort global de développement » en tant que ressort vital de la politique
nationale.

II- L’avènement du renouveau national et l’évolution des principes


doctrinaux de politique étrangère du Cameroun

L’alternance politique survenue à la tête de l’État camerounais le 6 novembre 1982 à


la suite de la démission d’Ahmadou Ahidjo a eu un impact sur la politique étrangère de la
nation. Ainsi que l’a relevé Maurice Kamto aux premières heures de la magistrature suprême
de Paul Biya, « (...) Le Cameroun du “Renouveau” rompt avec le passé, notamment en
matière de politique étrangère. La redynamisation de la diplomatie camerounaise se
distingue en effet par un effort doctrinal qui a le mérite de définir pour la première fois les
objectifs de [la] politique étrangère».

38
En effet, dans un contexte politique et institutionnel où la politique étrangère est
classée au rang de « domaine réservé » du président de la République – point culminant de
l’édifice institutionnel et administratif – tout changement du titulaire de la fonction ne peut
qu’avoir des répercussions sur les manières d’élaborer et de conduire la politique extérieure.
Avec l’avènement de Paul Biya à la tête de l’État et la promotion d’un nouveau programme
de gouvernement dit de « renouveau national », la politique extérieure va en sentir les effets.
Ainsi, ses fondements doctrinaux seront enrichis de nouveaux principes et sa mise en œuvre
va connaître une nouvelle impulsion. Parmi les principes nouveaux qui vont émerger, figurent
la promotion d’un nouvel ordre économique, politique et culturel mondial, le
régionalisme non hégémonique, la présence et la participation active dans les affaires
internationales.

À partir des années 1990 qui ont connu « le passage à la démocratie » de la majorité des pays
du Sud, la politique extérieure du Cameroun va voir son corpus doctrinal s’étoffer davantage
avec la souscription aux normes de l’État de droit et des droits de l’homme, de la
gouvernance ainsi que la promotion de la durabilité environnementale.

1- Le nouvel ordre économique, politique et culturel mondial

Ce principe fait partie des innovations doctrinales introduites par le président Paul
Biya dans son programme politique du « Renouveau national ». D’abord soutenue comme
simple exigence de son appartenance aux instances multilatérales comme la CNUCED qui en
a fait une question essentielle, l’option pour la revendication d’un nouvel ordre économique
mondial sera par la suite érigée en dimension fondamentale de l’action internationale du
Cameroun. La recherche d’un nouvel ordre économique et culturel mondial se dresse sur un
arrière-fond critique ; notamment la critique du système international du développement et de
l’échange inégal/inéquitable, structuré et maintenu coûte que coûte par les grandes nations
industrielles. Parce que le sous-développement apparaît davantage, aux yeux de Yaoundé,
comme le résultat ou plutôt le « produit du développement » des pays industrialisés, «
l’instauration d’un nouvel ordre économique apparaît comme l’une des voies privilégiées
pour la solution des problèmes auxquels le monde est confronté».

État tiers-mondiste et non aligné, le Cameroun ne pouvait que rejeter l’ordre


international structurellement inégal qui a cours et qui se caractérise par une marginalisation
croissante des pays du Sud. Le Cameroun milite donc pour une meilleure prise en compte des
intérêts des pays en développement dans les affaires internationales et surtout pour une plus

39
grande équité des règles du commerce international. L’avènement d’un nouvel ordre
politique, économique et culturel mondial sera présenté dans Pour le libéralisme
communautaire comme un véritable objectif de politique étrangère : « (...) l’action
internationale du Cameroun recherche une plus grande intensification des échanges
équitables entre les peuples ; elle met donc en œuvre toutes ses possibilités d’intervention en
vue de l’instauration d’un nouvel ordre économique et culturel mondial que tous les peuples
appellent de tous leurs vœux ».

L’édification de ce nouvel ordre économique mondial suppose, par conséquent, la


préservation de l’indépendance économique par une meilleure maîtrise de l’économie
nationale et des échanges internationaux. Il nécessite également le maintien de la souveraineté
nationale sur les ressources naturelles dans l’optique de bâtir une économie endogène, ouverte
et diversifiée répondant aux aspirations profondes des populations. Enfin, l’action en vue de
l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial inscrit l’action extérieure nationale dans
la lutte contre toutes les causes et effets de la domination économique internationale afin de
mettre un terme à la détérioration continue des termes de l’échange et au renforcement
incessant du cycle infernal de l’endettement du tiers-monde.

3- Le régionalisme non hégémonique

Partant de la considération suivant laquelle il existe entre lui et ses voisins


immédiats des centres d’intérêt communs qui condamnent à une coopération plus étroite et
mieux organisée, le Cameroun a, dès le départ, inscrit sa politique régionale dans un parfait
esprit d’égalité et de fraternité agissante. L’égalité, la fraternité et la solidarité ont, en tant
qu’éléments de la politique de voisinage, situé celle-ci aux antipodes de la puissance et de la
domination hégémonique. Le régionalisme non hégémonique est ainsi apparu comme une
véritable ligne de politique étrangère ainsi que le confirme Samuel Eboua, ancien secrétaire
général de la présidence de la République sous Ahmadou Ahidjo : « Le Cameroun n’a jamais
été tenté par un quelconque expansionnisme politique ou territorial ». Ce refus de toute
ambition expansionniste découle de la « théorie des cercles concentriques de solidarité » qui
inscrit le rapprochement des peuples et des nations sur les « points communs » et les
contingences géographiques. C’est pourquoi, bien que se refusant à quelque expansionnisme
que ce soit, le Cameroun se dit toutefois prêt à accueillir en son sein les populations de ces
territoires auxquelles le lient tant d’affinités historiques si celles-ci, usant de leur droit
d’autodétermination, choisissaient librement d’unir leur destin au sien. Cette attitude de la

40
politique de voisinage est restée intangible. Elle a même paru s’accentuer, le Cameroun
s’étant presque entièrement tourné vers la construction de sa cohésion interne et de son
développement économique et social comme stratégie de pesée internationale et de respect au
sein du concert des nations. Le régionalisme non hégémonique est la conséquence du rejet de
ce qu’on pourrait appeler le complexe de leader dans les affaires internationales régionales: «
l’ambition du Cameroun, précise sur ce point Paul Biya, n’est pas de jouer à tout prix un rôle
de premier plan sur la scène internationale. Notre souci est de tenir dignement notre place là
où nous devons être et de défendre nos intérêts légitimes»2.

3- La présence et la participation actives dans les affaires internationales

Ce principe sonne dès 1982, année de son énonciation, comme un nouvel élan que
Paul Biya entend insuffler à la diplomatie camerounaise. Il s’agit d’un principe qui ne
présuppose pas une léthargie, une inertie ou encore une absence antérieure ; mais bien plutôt
un accroissement de la présence du Cameroun dans le monde à travers l’ouverture de
nouvelles représentations diplomatiques, un élargissement du réseau de ses amitiés
internationales et une diversification accrue de sa coopération internationale. Quant à la
participation, elle vise tout simplement, d’une part, à faire connaître les positions et les visions
camerounaises dans les affaires internationales et, d’autre part, à renforcer la présence
nationale dans la fonction publique internationale à travers une politique cohérente et
volontariste de placement des nationaux dans les organisations internationales. La présence et
le rayonnement en tant que paradigmes de politique extérieure consistent aussi à soutenir et à
promouvoir la projection d’une image de marque respectable, responsable et attractive, ainsi
qu’on peut l’appréhender dans cet engagement du président Paul Biya :

« Le Cameroun poursuivra son rayonnement par une présence active et réaliste sur
la scène internationale et continuera à offrir au monde le spectacle rassurant et édifiant
d’une jeune nation unie, paisible, stable et prospère, apportant sa modeste contribution au
maintien de la paix, au renforcement de la compréhension, de l’amitié et de la coopération
entre les nations et à la promotion de la civilisation de l’universel ».

4- L’éthique de la démocratie, des droits de l’homme et de la gouvernance


2
Paul Biya, Un nouvel élan. Entretiens avec Charles Ndongo, Paris, Éd. Africa Multi Media, 1997, p. 30.

41
Selon Stephen Krasner, Martha Finnemor et peter Katzenstein, les normes et les
valeurs peuvent être définies comme les attentes socialement partagées par une communauté à
propos des comportements jugés acceptables pour une identité donnée. Elles délimitent la
frontière entre la conformité et la déviance. Deux principaux débats théoriques associent les
normes aux comportements de politique étrangère : un premier situe les États comme les
sujets visés par les normes, et un deuxième présente les États comme des acteurs de la
diffusion des normes. Les normes et leurs effets sont analysés de différentes façons en théorie
des relations internationales. Les auteurs constructivistes à l’instar de Nicholas Onuf, Stephen
J. Toope et Jutta Brunnée, et Kratochwil définissent la norme comme étant un standard de
comportements attendus par les pairs faisant partie d'un ensemble commun. Les auteurs néo-
libéraux comme Milton Friedman et néoréalistes tels Kenneth Waltz, Hans Morgenthau,
Henry Kissinger, partagent la même vision ontologique sur l'existence de l'anarchie du
système international mais sont divisés quant à l'interprétation des conséquences qu'elle
engendre. Selon l'idéologie néolibérale, la norme est contraignante et structurante dans la
mesure où elle s'impose comme une forme d'autorité non étatique. Pour Robert Axelrod, la
norme s'avère aussi un moyen pour améliorer la coopération. Elle serait objective et
s'imposerait d'elle-même. Robert Keohane estime que les règles, les procédures et les normes
sont des éléments qui constituent un régime international, structure la société internationale et
s’impose à tous les membres de l’ONU et autres organisations internationales.

La politique internationale, c’est-à-dire l’ensemble des principes et valeurs


politiques qui dominent le monde dans l’actuelle séquence historique dénommée de manière
générique la mondialisation, est dominée par les normes démocratiques de l’État de droit, des
droits de l’homme, de la gouvernance, du pluralisme politique et de la légitimité électorale.
Ces normes se sont même affirmées dans le champ politique mondial comme des principes
éthiques et des valeurs axiologiques dont dépendent la modernité des États et le caractère
civilisé du leadership des dirigeants. Parce que ces normes et valeurs ont été érigées en «
noyau éthique commun » de l’humanité et considérées comme faisant partie comme le dit Luc
Sindjoun « du patrimoine civilisationnel commun des sociétés politiques », il n’y a point
d’États qui n’en font, ne serait-ce qu’à titre simplement décoratif et exhibitionniste, des
référentiels aussi bien de politique interne qu’externe. Symbole de la « nouvelle moralité
politique internationale », ces normes et valeurs sont ainsi au centre des interactions politiques
mondiales, déterminent et orientent pour une grande partie le discours et l’action politique
internationale des nations. Symbole de la « nouvelle moralité politique internationale », ces

42
normes et valeurs sont ainsi au centre des interactions politiques mondiales, déterminent et
orientent pour une grande partie le discours et l’action politique internationale des nations.

Cet environnement politique international a bien évidemment structuré la politique


internationale du Cameroun dans ses fondements doctrinaux. Ainsi, la démocratie, la
gouvernance, l’imputabilité (accountability), les droits de l’homme apparaissent comme la
dernière génération des principes doctrinaux de politique extérieure. Ceux-ci émergent de
manière timide et essentiellement programmatique – ou plutôt intentionnelle – avec
l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême le 6 novembre 1982. En effet, dans sa
première allocution diplomatique, notamment le « Discours de présentation des vœux au
Corps diplomatique le 30 décembre 1982 », Paul Biya, alors tout nouveau chef de l’État,
s’assigna « (...) le devoir d’œuvrer pour l’avènement d’une époque nouvelle où les valeurs de
liberté et de fraternité s’épanouissent dans toutes les nations ». Au plan interne, Paul Biya va
également indiquer que le Cameroun va s’efforcer de « bâtir une véritable démocratie au
diapason du monde » et de soutenir sa diffusion à l’échelle internationale.

Le tournant des années 1990, marqué par la vague de démocratisation de l’ensemble


du continent, suite à l’effondrement du modèle soviétique et au triomphe du libéralisme
démocratique, va renforcer la dimension éthique de la politique extérieure camerounaise. Le
Cameroun essayera même de se positionner en champion de l’édification d’un ordre moral et
éthique international. Dans le texte du « Discours à l’occasion du Sommet du Millénaire »
prononcé par Paul Biya à la tribune des Nations unies le 10 septembre 2000, l’on peut en effet
voir un véritable plaidoyer pour la moralisation de la vie internationale : « Si la
mondialisation ne s’accompagne pas d’un nouvel ordre moral, si elle manque du supplément
d’âme que constitue la solidarité entre les Nations et les peuples, elle risque de mettre en
danger la paix si chère à notre temps. [...] A la vérité, notre monde a besoin d’éthique ».

5- Le respect des normes environnementales

L’environnement s’est affirmé à la fois comme un « bien public/commun » et un


problème mondial global. Dans tous les pays du monde, il est devenu une « affaire d’État ».
Au même titre que la démocratie, les droits de l’homme et la gouvernance, l’environnement
fait partie de ces normes et valeurs proclamées universelles et qui, en vertu de cette
universalité, s’imposent à l’ensemble des nations du monde. Il s’agit même d’une norme
politique générale dont l’incorporation au sein des législations nationales et l’appropriation
dans l’action internationale des États se posent comme un indice de civilité, de modernité et

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même de rayonnement. De plus, l’environnement est devenu un secteur majeur de la
coopération internationale et partant un important canal de mobilisation des financements et
de l’aide au développement. Contrainte éthico-politique et impératif de la construction du
développement soutenu et durable, l’environnement s’affirme somme toute comme un grand
problème et enjeu contemporain.

Pour la gestion des questions environnementales au niveau supra-étatique, régional et


international. Cette option est devenue un des structurants de son action internationale et de sa
dynamique institutionnelle interne ainsi que le relève clairement Paul Biya le Cameroun est
(...) disposé à envisager l’adaptation de sa législation forestière pour la mettre en conformité
avec les nouvelles normes. En 1996 déjà, et ce à travers une loi, le Cameroun faisait de
l’environnement une partie intégrante du patrimoine universel. Dans les discours de ses
dirigeants en tout cas, le Cameroun s’engage à protéger l’environnement par le biais d’une
gestion durable des ressources naturelles et de la préservation des écosystèmes.

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