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UNIVERSITE ABDOU MOUMOUNI DE NIAMEY

DEUXIEME ANNEE DE DROIT

COURS DE DROIT ADMINISTRATIF

CHARGE DU COURS : DOCTEUR ABDOULAYE


NIANDOU SOULEY

ANNEE 2008-2009
INTRODUCTION GENERALE

En guise d’introduction à ce cours de droit administratif général on


parlera d’abord de la définition de cette discipline, on se penchera
ensuite sur son objet avant d’évoquer son autonomie, ses
fondements et ses sources.

SECTION 1. : DEFINITION DU DROIT ADMINSTRATIF

On donnera une définition générale de cette discipline avant de


faire cas du débat théorique sur la définition du droit administratif.

PARAGRAPHE 1 : DEFINITION GENERALE

Selon une conception maximaliste, le droit administratif peut être


défini comme « un ensemble de règles juridiques conçues pour régir
les organes et les activités de l’Administration ».
Cette discipline se caractérise ainsi par deux données
fondamentales à savoir d’une part l’Administration et d’autre part
l’activité administrative, ce qui exclue de son champ d’application les
activités extra administratif et celles qui sont d’ordre
constitutionnel, international, financier et judiciaire.
En d’autres termes, on peut aussi définir le droit administratif
comme étant la branche du droit public interne qui comprend
l’organisation et l’activité de ce qu’on appelle couramment
l’Administration, c'est-à-dire l’ensemble des autorités, agents des
organismes, chargés sous l’impulsion des pouvoirs politiques

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d’assurer les multiples interventions de l’Etat moderne et des
collectivités locales.
Cela dit, il convient de signaler qu’il y a encore un débat théorique
sur la définition du droit administratif.

PARAGRAPHE 2: DEBAT THEORIQUE SUR LA


DEFINITION DU DROIT
ADMINISTRATIF

A ce niveau, s’opposent les tenants des écoles classiques et ceux


de la doctrine des bases constitutionnelles du droit administratif.
S’agissant des écoles classiques, il s’agit de celles du service public
et de la puissance publique.
La première école, celle du service public est fondée par Léon
Duguit (1859-1928), Doyen de la faculté de droit de Bordeaux.
La seconde école, celle de la puissance publique est fondée par
Maurice Hauriou (1856-1929), Doyen de la faculté de droit de
Toulouse.
Les deux écoles s’opposent comme s’opposent une doctrine des
buts et une doctrine des moyens.
La notion de service public, en effet, telle qu’elle est conçue par
Léon Duguit, est de l’ordre des fins, c'est-à-dire une activité
qualifiable de service public est en principe destinée au meilleur
service de l’intérêt général.
La notion de puissance publique quant à elle est de l’ordre des
moyens, c'est-à-dire qu’elle se rapporte aux procédés par lesquels
l’Administration accomplit ses missions.
Pour l’école du service public, les moyens importent peu. Dès lors
qu’il ya service public, il doit y avoir application des règles du droit

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administratif et compétence de la juridiction administrative et c’est
par la notion de service public que sont et doivent être définies les
autres notions du droit administratif.
Par contre, selon l’école de la puissance publique, ce sont les
moyens employés qui comptent. C’est seulement si le service est
assuré par les procédés de la gestion publique qu’il y aura
application des règles du droit administratif et compétence de la
juridiction administrative. Et, dans la définition des diverses notions
du droit administratif c’est celle de puissance publique qui doit
intervenir et qui intervient effectivement.
En ce qui concerne la doctrine, contrairement aux bases
précédentes, il y a des bases constitutionnelles du droit
administratif.
Cette doctrine date de la seconde moitié du 20ème siècle et est
soutenue par Georges Vedel. Elle a le mérite d’être une doctrine
constructive qui renouvelle bien les façons de voir.
Pour le Doyen Vedel, il n’est pas concevable que le droit
administratif soit défini indépendamment de toute prise en
considération de la constitution qui est la source première de l’ordre
juridique interne.
C’est parce que la constitution distingue des organes différents
(exécutif, législatif et judiciaire) qu’il faut partir de considérations
organiques en vue de définir à la fois l’Administration et le droit
administratif.
Ainsi, trois opérations successives de délimitation conduisent à la
définition.

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La première délimitation, le caractère organique aboutit à exclure
de l’Administration ce qui relève du législatif et du judiciaire et à la
rattacher à l’exécutif.
La seconde délimitation est d’ordre matériel. Elle consiste à
délimiter ce qui, dans l’activité gouvernementale n’a pas de
caractère administratif. Se trouvent alors exclus de
l’Administration les rapports de l’Etat avec l’étranger et les
organisations internationales, de même que les rapports entre
l’exécutif et les autres pouvoirs publics dont notamment le
parlement.
Par la troisième délimitation, la doctrine des bases
constitutionnelles du droit administratif rejoint celle de Maurice
Hauriou. Elle fait apparaître ce qui caractérise spécifiquement
l’Administration et le droit administratif par l’exclusion des
procédés du droit privé.
L’Administration est ainsi définie comme « l’ensemble des activités
du gouvernement et les autorités décentralisées étrangères à la
conduite des relations internationales et aux rapports entre les
pouvoirs publics et s’exerçant sous un régime de puissance
publique ».
Il suffit de retourner cette définition pour obtenir celle du droit
administratif à savoir « le régime de puissance publique sous lequel
sont exercées les activités précitées ».
Ce débat théorique n’occulte en rien l’objet du droit administratif.

SECTION 2 : OBJET DU DROIT ADMINISTRATIF

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Le domaine des interventions du droit administratif est très vaste.
Cela va de l’organisation administrative du pays au contentieux
administratif, en passant par l’activité administrative elle-même et les
moyens d’action de l’Administration.

PARAGRAPHE 1. : L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU


PAYS

En premier lieu, l’Administration apparaît en effet comme un


ensemble complexe d’autorités et d’organismes dans lequel on
distingue le pouvoir central et les autorités territoriales chargées
d’administrer les diverses collectivités, de même que les organes
chargés de gérer les multiples services publics de l’Etat et des
collectivités locales.
En second lieu, le droit administratif comprend l’étude de l’activité
administrative. Cela est dû au fait que l’Administration, même si elle
est d’abord une organisation, est aussi une activité. Il s’agit de
l’activité qu’assurent les différents services publics.
En troisième lieu, le droit administratif étudie aussi les moyens
d’action dont dispose l’Administration, c'est-à-dire en particulier le
personnel qu’elle utilise (fonctionnaires et autres agents publics),
les biens matériels qu’elle possède ou emploie (domaine public et
biens administratifs).
En quatrième lieu, l’étude du droit administratif comprend
également le contentieux administratif ou contrôle juridictionnel de
l’Administration.

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C’est pour cette raison que les procédés soulevés par l’activité
administrative sont jugés par un ordre particulier de tribunaux à
savoir les juridictions administratives.
C’est également pour cette raison que l’étude de l’organisation de
ces tribunaux, de leurs compétences, du régime juridique des
recours portés devant eux par les administrés constitue un chapitre
important du droit administratif, discipline ayant acquis son
autonomie.

PARARAPHE 2 : LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Caractéristiques de la procédure :

1. Ecrite et contradictoire :

La procédure est écrite en principe. Le juge ne doit tenir compte


que des éléments
Écrits qui figurent dans le dossier.
Elle est aussi contradictoire car les parties échangent leurs
arguments librement et
Prennent connaissance des documents produits par la partie
adverse.

2. Gratuite et secrète :

La procédure est gratuite mais le recours à un avocat n’est pas


évidemment gratuit. Il
Est conseiller de s’adresser à un vrai spécialiste du droit
administratif même quand certains
Recours sont dispensés d’avocat.

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La loi du 1er décembre 1988 permet aux justiciables les plus
démunis de demander l’aide
Juridictionnelle.
La procédure ainsi que le référé sont secrets. Les documents ne
sont pas à la
Disposition du public.

3. Inquisitoire :
La procédure devant le juge administratif est inquisitoire. Une
procédure est dite
Inquisitoire lorsque le juge exerce un rôle prépondérant dans la
conduite de l’instance.

Introduction du recours :

1. Les conditions de fond :

Le requérant doit avoir la capacité d’agir en justice. Une personne


physique incapable
ne peut agir que par une représentation.
Le requérant doit avoir la qualité pour agir. Par exemple, le maire
d’une commune ne
peut agir en justice que s’il est habilité à le faire par le conseil
municipal.
Le requérant doit avoir un intérêt pour agir. Cet intérêt doit être
direct et personnel. Le
Conseil d’Etat considère que la seule qualité de contribuable
d’une commune ou d’un

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département, ou la seule qualité d’électeur, constitue un intérêt
personnel. Cependant, la
requête peut être collective. D’après l’arrêt Syndicat des patrons
coiffeurs de Limoges rendu
par le Conseil d’Etat le 28 décembre 1906, les associations et les
syndicats peuvent agir
lorsque l’acte attaqué est contraire à l’intérêt collectif qu’ils
défendent ou atteint
indirectement les intérêts de tous les membres en étant contraire à
l’intérêt individuel d’un
membre.
Le requérant ne peut introduire un recours contentieux que s’il a
tout d’abord obtenu
une décision de l’administration qui lui soit contraire. Cette
décision s’appelle « décision
préalable ».
L’administration peut répondre de deux manières à un recours
administratif préalable :
- de façon explicite : la réponse de l’administration est une réponse
de rejet qui doit
être écrite mais peut être orale. A partir de ceci, le requérant
pourra former son recours
contentieux.
- de façon implicite : quand l’administration garde le silence. Son
silence, en principe,
vaut décision implicite de rejet à l’expiration d’un délai de deux mois.

2. Les conditions de forme :

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Le requérant doit déposer une requête introductive d’instance
auprès de la juridiction
administrative territorialement compétente dans le délai de deux
mois à compter de la date de
publicité (publication ou notification) de la décision administrative
attaquée ou de la demande
préalable. Un recours tardif est déclaré irrecevable par le juge
administratif.
Le recours doit être présenté sur papier libre signé par le
requérant. Ce dernier doit
fournir la copie de l’acte attaqué, les pièces justifiables comme par
exemple la preuve des
décisions verbales, les notifications de rejet.

L’instruction et le jugement :

1. L’instruction :

La requête introductive d’instance est communiquée par la


juridiction administrative à
la partie défenderesse. Cette dernière doit y répondre par un «
mémoire en défense ». Le juge
peut demander à l’administration de produire tous les documents et
les informations
nécessaires. Si l’administration garde le silence, cela sera au profit
pour le requérant
demandeur (CE, 28 mai 1954, Barel)
Le rapporteur rédige un « rapport » après avoir pris connaissance
des mémoires ainsi

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que les pièces du dossier. Le commissaire du Gouvernement va
ensuite rédiger ses
« conclusions » par lesquelles il fait savoir quelle est la solution
juridique qui lui paraît
satisfaisante.

2. Le jugement :

L’audience est en principe publique. Le rapporteur, les requérants


ou leurs avocats
ainsi que le commissaire du Gouvernement sont entendus. L’affaire
est ensuite mise en
« délibéré » qui est secret. Le jugement est rendu par des « juges
délibérant en nombre
impair ». Il est lu en séance publique après un délai qui est de
quelques semaines sauf en cas
d’urgence.
Le jugement est notifié aux parties par lettre recommandée avec
avis de réception.
Cette notification fait courir le délai d’appel d’une durée de deux
mois.
Les décisions rendues par les Tribunaux Administratifs
s’appellent des jugements et
pour les Cours Administratives d’Appel et le Conseil d’Etat ce
sont des arrêts.
Un jugement comprend essentiellement trois parties :
- les visas (vu …) qui se réfèrent aux textes, requêtes, observations
et conclusions des

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parties.
- les considérants (considérant que …) qui sont l’exposé des motifs
par lesquels la
décision a été prise.
- le dispositif divisé en articles qui porte la décision.

SECTION 3. AUTONOMIE DU DROIT ADMINISTRATIF

Il est important d’indiquer la signification de l’autonomie du droit


administratif avant de remonter à l’origine de celle-ci.

PARAGRAPHE 1 : LA SIGNIFICATION DE L’AUTONOMIE DU


DROIT
ADMINISTRATIF

Pendant longtemps on a pensé que le droit administratif était un


droit sans autonomie.
Il a fallu l’arrêt blanco pour que le juge administratif déclare que le
droit administratif est un droit véritablement autonome.
L’autonomie du droit administratif réside en cela qu’il n’y a pas de
code administratif et en l’absence, c’est le juge qui pose les règles
applicables au problème administratif.
De ce point de vue, l’arrêt blanco est non seulement un arrêt de
principe et de référence en droit administratif mais il est également
un arrêt qui fait jurisprudence.

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PARAGRAPHE 2. : L’ORIGINE DE L’AUTONOMIE DU DROIT
ADMINISTRATIF

Comme on l’a vu, le droit administratif tire son autonomie de l’arrêt


blanco et aujourd’hui cet arrêt fait de plus en plus l’objet de
critiques doctrinales.
C’est pour cette raison que l’on s’interroge toujours sur la question
de savoir si le droit administratif est un droit autonome ou non.
Aujourd’hui la réponse ne pose plus de questions puisqu’il est
unanimement admis qu’il s’agit bel et bien d’un droit autonome
différent des autres branches du droit.

SECTION 4 : LES FONDEMENTS DU DROIT ADMINISTRATIF

Ceux-ci sont intimement liés à l’histoire et à l’évolution


institutionnelle politique de la France.
C’est ainsi qu’on est passé par plusieurs phases :
Dans un premier temps il y a eu la justice retenue. Dans un second
temps il y a eu le passage de la justice auparavant retenue à la
justice déléguée. Ensuite la consécration du Conseil d’Etat
achèvera l’édifice.

PARAGRAPHE 1 : LA JUSTICE RETENUE

Cela correspond à la phase où on dit que « le roi ne peut mal


faire ». C’est le lieu de rappeler que la France était en effet une
monarchie et c’était un roi qui présidait aux destinées de la nation,
d’où l’expression « le bon roi ne peut mal faire ».

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En vertu de ce principe, c’est le roi qui rend la justice que la
sentence soit juste ou pas.
Après, on est passé au système de la justice déléguée.

PARAGRAPHE 2 : LA JUSTICE DELEGUEE

à Le roi ne pouvant gérer toutes les affaires tout seul, malgré


l’assistance de ses conseillers, a compris qu’il faut déléguer
certaines affaires relevant notamment de la justice un Conseil des
Sages ayant la compétence en la matière. Il s’agit de la justice
déléguée.

PARAGRAPHE 3 : LA CREATION DU CONSEIL D’ETAT

Le Conseil d’Etat, juridiction administrative suprême est né de


l’évolution juridico-politique de la France.
En effet, l’histoire de France fait apparaître que de la justice
retenue à la justice déléguée, en passant par la consécration des
juridictions indépendantes appelées Conseil d’Etat est une
avancée énorme dans l’histoire constitutionnelle et politique de la
France.
Au-delà, se pose le problème des fondements du droit
administratif.

SECTION 5 : LES SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF

Elles sont nombreuses et on peut citer principalement la


jurisprudence comme source principale du droit administratif, la
doctrine, les principes généraux du droit.

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PARAGRAPHE 1 : LES SOURCES ECRITES

Elles sont dans l’ordre la constitution, les traités internationaux et


la loi.

A. : LES SOURCES CONSTITUTIONNELLES

La constitution est la norme fondamentale dans tout Etat. C’est


elle qui régit les principes de l’organisation sociale. Il est vrai que ses
principales dispositions concernent au premier chef le pouvoir
politique. Cependant, un certain nombre de ses dispositions
concernent également l’Administration. C’est notamment le cas de
toutes celles qui sont relatives à l’exercice du pouvoir réglementaire.
Le plus important est de retenir que les sources constitutionnelles
s’imposent à l’Administration. En effet, tout acte administratif
contraire à la norme constitutionnelle encourt l’annulation.

B. LES SOURCES INTERNATIONALES

Les traités ou accords internationaux ont une autorité supérieure à


la loi à une double condition.
D’une part, ils doivent être régulièrement ratifiés ou approuvés et
publiés, et d’autre part ils doivent être appliqués par l’autre partie
surtout lorsqu’il s’agit d’accords bilatéraux.
Lorsque ces conditions sont remplies, les sources internationales
font partie intégrante des sources de droit interne et s’imposent à
l’Administration.
Cependant, comme on le verra plus loin, l’autorité de ces sources
internationales se trouve fortement atténuée par l’appel à la notion

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« d’acte de gouvernement ». En effet, l’application de cette notion
s’oppose à la recevabilité des recours dirigés contre les décisions
administratives, lorsque celles-ci touchent aux relations
internationales.

C. LES SOURCES LEGISLATIVE


Le terme « législation » doit être pris au sens large puisqu’il désigne
aussi bien les actes émanant du pouvoir législatif et c’est le cas au
sens propre du terme que les actes réglementaires émanant du
pouvoir exécutif (ordonnances-règlements).

PARAGRAPHE 2. : LES SOURCES NON ECRITES

Traditionnellement, on range sous cette rubrique la coutume, la


doctrine et la jurisprudence. En droit administratif, la coutume
occupe une place négligeable puisque le droit se caractérise
essentiellement par l’écrit.
Quant à la doctrine, elle ne constitue pas à proprement parler une
source du droit administratif. En effet, dans la mesure où elle ne
s’impose pas au juge, la doctrine n’est qu’une source indirecte.
Si en France elle a joué un grand rôle dans l’élaboration du droit
administratif du fait de l’autorité des grands maîtres que sont
Hauriou, Duguit, Jèze, Laferière, Eiseman…, il n’en est pas de
même en Afrique où elle joue un rôle extrêmement mineur.
En fin de compte, la véritable source non écrite du droit
administratif est constituée par la jurisprudence.
Cette dernière tient en effet une place de choix dans la formation
de ce droit. Cela tient à plusieurs raisons : d’une part, il est

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unanimement reconnu tant par la doctrine que par la législation que
toute juridiction exerce une fonction normative. De prime à bord il
importe de souligner que le rôle normal assigné au juge consiste à
résoudre le différend dont il a connaissance en disant le droit tel
qu’il est prévu et applicable pour le cas d’espèce.
En d’autres termes, le juge se contente de dégager la règle
préalablement en vigueur qu’il convient d’appliquer. Ce faisant, il
n’exerce aucune fonction créatrice puisque la décision qu’il prend
n’a de véritable portée que pour le cas d’espèce.
Il est cependant amené à créer le droit dans les circonstances
suivantes : le juge a pour fonction d’interpréter la règle de droit,
celle-ci, dans certains cas peut être soit obscure, soit en
contradiction avec d’autres règles.
Dans de pareilles hypothèses, l’apport personnel du juge est d’une
très grande importance. En effet, l’on a ainsi vu des règles qui ont
été interprétées successivement dans des acceptions totalement
différentes. L’exemple le plus clair est fourni par l’arrêt du T.C du
30 juillet 1873 (PELLETIER).
De plus, le droit peut receler des lacunes en ce sens qu’aucune
règle n’a prévu le cas posé au juge. Or, ce dernier ne peut
s’abstenir puisqu’il se considère comme lié par les dispositions de
l’article 4 du code civil qui interdisent au juge de se retrancher pour
refuser de statuer, derrière le silence ou l’obscurité de la loi.
Il est donc amené à formuler lui-même la disposition qu’il conviendra
d’appliquer.
Il est vrai que la règle qu’il pose ainsi n’a pas la même force juridique
qu’une règle écrite. En effet, à la différence du système anglais où

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« l’autorité du précédent » oblige le juge à ne pas s’écarter de la
jurisprudence antérieure, dans le système français, le juge n’est pas
lié par la règle qu’il pose et de ce fait, il peut toujours statuer dans
un sens différent.
Toutefois, comme prend soin de le souligner le professeur Jean
Rivéro « lorsque le juge énonce une règle, c’est qu’il la croit bonne
et qu’il entend désormais s’y tenir. L’esprit de suite qui caractérise
les grands corps de l’Etat, le souci de la sécurité juridique des
particuliers imposent au juge cette fidélité à sa propre pensée » :
Jean Rivéro, droit administratif, 7ème édition, Dalloz, page 75 et
c’est la continuité dans l’application de cette règle. Et selon la
formule d’Alain Bockel « l’autorité de la formation créatrice qui
aboutit à l’acceptation de cette règle, laquelle fait dès lors
jurisprudence » (Alain Bockel, droit administratif, NEA, 1978,
page 92).
Il ne faudrait pas oublier d’autre part que le juge administratif, juge
de droit commun de la puissance publique est dans une situation
privilégiée qui accroît sa participation à l’œuvre normative.
ON NOTE DANS DE NOMBREUX PAYS QUE LE CADRE
LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE EST SOUVENT PAUVRE EN
MATIERE ADMINISTRATIVE. DE CE FAIT, IL REVIENT AU
JUGE ADMINISTRATIF LA TACHE DE LE REMPLIR, CE QUI
EXPLIQUE LE CARACTERE JURISPRUDENTIEL DU DROIT
ADMINISTRATIF.
Quant à l’autorité des règles jurisprudentielles, elle comporte deux
aspects : d’une part l’autorité de la chose jugée qui s’attache à
toute décision juridictionnelle et d’autre part l’autorité de la règle
générale telle que dégagée par le juge.

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L’autorité de la chose jugée est attachée uniquement au dispositif
de l’arrêt. Elle s’impose à toutes les parties mises en présence par
le litige.
En général, le problème ne se pose que pour l’Administration qui
seule détient la puissance matérielle de contrainte.
La violation de la chose jugée par l’Administration est constitutive
d’une illégalité qui engage la responsabilité de celle-ci.
En outre, l’Administration se trouve dans l’obligation d’apporter
son concours à l’exécution des décisions de justice auxquelles elle
ne figure point comme partie mais seulement lorsque l’intervention
de la force publique se révèle nécessaire.
Il y aurait ainsi faute de sa part à ne pas le faire à moins que cette
non intervention ne soit justifiée par un moyen d’ordre public (C.
E, 30 novembre 1923, Couitéas : note Hauriou, conclusion Pivot).
S’agissant de l’autorité de la règle jurisprudentielle, le problème qui
se pose est de savoir à quel niveau de la hiérarchie des normes
juridiques la règle générale dégagée par le juge va se situer.
Certains auteurs ont estimé que ces règles avaient une valeur
constitutionnelle alors que pour d’autres il fallait leur conférer une
valeur législative.
En vérité, il convient de se rallier à l’opinion du professeur René
CHAPUS qui, partant d’une idée extrêmement simple à savoir la
valeur conférée à une règle de droit dépend du rang de son auteur
dans la hiérarchie des organes.
Ainsi, il affirme que « les règles jurisprudentielles ont une valeur
infra législative mais supra décrétale. »

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Un exemple de cette autorité des règles jurisprudentielles est
fourni par les principes généraux du droit. On entend par cette
expression un ensemble de règles dégagées par le juge de la
philosophie générale du régime politique d’un Etat donné. Il s’agit
là d’une œuvre constitutive de la jurisprudence administrative
réalisée progressivement.
Cela dit, ce cours se déroulera en trois moments :
- première partie : l’organisation administrative du Niger ;
- deuxième partie : la théorie générale de l’action administrative ;
- troisième partie : les limitations de l’action administrative.

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PREMIERE PARTIE

TITRE 1 : L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE ANCIENNE


DE LA REPUBLIQUE DU NIGER

Tout système d’organisation administrative procède d’une


évolution historique. C’est pourquoi d’une part il est admis que les
structures administratives et politiques des Etats africains
francophones trouvent leur origine dans les usages administratifs
des anciennes puissances coloniales.
D’autre part, les transformations constitutionnelles et politiques de
ces Etats ont nécessairement des répercussions importantes sur
les systèmes administratifs, le Niger n’échappant pas à cette règle.
En effet, situé à la charnière de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique
Centrale et du Sahara, le Niger était rattaché avant son
indépendance à l’Afrique Occidentale Française (A.O.F) dont la
capitale était Dakar au Sénégal.

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Le pays était alors partagé en circonscriptions administratives de
base à deux niveaux : les cercles et les subdivisions.
Cependant, certains cercles n’étaient pas eux-mêmes divisés en
subdivision et étaient de ce fait qualifiés de « cercles unitaires » et
certaines circonscriptions de base comprenaient des postes
administratifs.
De plus, trois agglomérations (Niamey-Zinder-Maradi) avaient un
statut municipal avec une personnalité morale et une autonomie
financière.
Le Niger fut indépendant le 3 août 1960 et procéda à une
réorganisation de son administration territoriale par la loi du 31
décembre 1961 qui divisait le territoire de la république en 31
unités administratives, érigées en collectivités territoriales et
dénommées « circonscriptions ».
En réalité, les cercles étaient restés en place et avaient continué à
coiffer les anciennes subdivisions. Mais ces dernières, avec les
cercles unitaires existants avaient été transformées en collectivités
territoriales dotées de la personnalité morale et d’une certaine
autonomie financière.
La réorganisation de décembre 1961 n’a été qu’une étape en
attendant la mise en œuvre d’une réforme administrative plus
ambitieuse dont l’objectif était l’institution d’une véritable
administration de développement qui voulait être adaptée aux
exigences et aux conditions particulières du pays et qui devrait
rapprocher l’Administration des administrés.
Cette réforme se concrétisa par la loi 64-023 du 17 juillet 1964
portant création des circonscriptions administratives et des

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collectivités territoriales sur toute l’étendue du territoire de la
république du Niger.
Les nouvelles structures furent effectivement mises en place à
partir de 1966.
Cette loi de 1964 est encore la loi de base de l’organisation
administrative régionale et locale actuelle du Niger. Elle divise le
territoire nigérien en circonscriptions administratives
(départements-arrondissements-communes) en collectivités
territoriales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
financière.
Il convient de signaler que les collectivités coutumières sont
hiérarchiquement intégrées dans la structure administrative du
Niger et placées sous la tutelle des circonscriptions administratives
et des collectivités territoriales.
Aussi, de 1979 à 1988 la ville de Niamey était divisée en districts.
Chaque district avait à sa tête un chef de district assimilé à un chef
de poste administratif. Ainsi, Niamey la capitale comprenait 5
districts n’ayant ni personnalité, ni autonomie financière.
Du reste, pour mieux appréhender l’organisation administrative du
Niger, il nous paraît utile de distinguer les entités déconcentrées
(première partie) des entités administratives décentralisées
notamment les collectivités territoriales (deuxième partie).

CHAPITRE 1: LES ENTITES ADMINISTRATIVES


DECONCENTREES

En application de l’article 1er de la loi n°64-023 du 17 juillet 1964,


le territoire nigérien a été d’abord découpé en départements.

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SECTION 1 : LES DEPARTEMENTS

Le Niger comptait à l’époque 7 départements à savoir Agadez,


Diffa, Dosso, Maradi, Tahoua, Tillabéry et Zinder. Ce
découpage procède du souci de doter le pays d’une structure
efficace permettant une régionalisation du développement national.
Le département ne possède aucune personnalité juridique. Il s’agit
d’une circonscription administrative, d’un simple découpage du
territoire réalisé dans le but de faciliter et d’améliorer en l’adaptant
aux réalités régionales l’administration de l’Etat.
Unité de développement, le département est administré par un
préfet, secondé par un secrétaire général et un secrétaire général
adjoint, tous nommés par décret pris en conseil des ministres.
Les attributions du préfet sont déterminées par la loi n°64-023 du
17 juillet 1964, modifiée par l’ordonnance n°85-01 du 10 janvier
1985.

PARAGRAPHE 1 : LES ATTRIBUTIONS DU PREFET

Dépositaire de l’autorité de l’Etat dans les départements, le préfet


veille à l’exécution des lois, des règlements et des décisions du
pouvoir exécutif. Il est le délégué du Président de la République et
le représentant de chacun de ses ministres.
Il assure la direction générale de l’activité des fonctionnaires civils
de l’Administration à l’exception des Cours et Tribunaux.

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Le préfet est responsable du développement du département. En
matière de conception, il fournit au Président de la République
toutes informations relatives au développement. En matière
d’exécution, il a la charge de la mise en œuvre du plan national de
développement au niveau du département.
Dans l’exercice de ses responsabilités en matière de
développement, le préfet est assisté d’un comité technique
départemental (COTEDEP) composé essentiellement de
directeurs ou chefs de services départementaux. C’est le lieu de
mentionner que la plupart des ministères disposent d’une
représentation dans les chefs lieux de département.
Présidé par le préfet, le COTEDEP est un organe technique de
coordination mais aussi de décision. Il se réunit sur convocation de
son président au moins une fois par trimestre.
En matière de comptabilité publique, le préfet est ordonnateur des
crédits délégués au niveau du chef lieu de département.
A ce titre, les bons de commande engagés par les services
départementaux doivent être impérativement approuvés par le
préfet en sa qualité d’ordonnateur.
Au vu de ses attributions, examinons à présent les moyens
financiers dont dispose le préfet.

PARAGRAPHE 2 :. LES RESSOURCES FINANCIERES

La loi n°64-023 du 17 juillet 1964 portant création des


circonscriptions administratives est restée muette sur les ressources
financières des départements.

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L’on comprend aisément l’attitude du législateur nigérien dans la
mesure où le département n’est qu’une circonscription
administrative et à ce titre, son fonctionnement doit être supporté
par le budget de l’Etat, à l’image des autres services déconcentrés
de l’Etat. Ainsi, jusqu’en 1983, le département ne connaissait de
ressources financières que les crédits délégués par le budget
général de l’Etat, affecté au fonctionnement de la préfecture. Mais
avec l’accroissement au plan politique des attributions du préfet, il
s’ensuivra une augmentation des ressources financières du
département sans répercussion sur le budget de l’Etat mais au
détriment des collectivités territoriales.
Cette situation s’est matérialisée par la naissance du fonds
régional de développement (FRD) et la contribution des
collectivités territoriales au fonctionnement de la préfecture.
Voyons à présent le contenu de ces ressources.

A. LES CREDITS DELEGUES

C’est la contribution de l’Etat au fonctionnement des préfectures.


Ils concernent plusieurs chapitres qui sont :
- matériel et fournitures de bureau ;
- transport ;
- fonds politiques ;
- frais de représentation ;
- petites et grosses réparations de bâtiment ;
- entretien véhicules.

B. LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITES


TERRITORIALES AU

26
FONCTIONNEMENT DES PREFECTURES

Le montant a été fixé à l’époque par l’organe délibérant du


département qui était le conseil régional de développement
(CRD). Il s’élève à 2 % de la taxe d’arrondissement ou de la taxe de
voirie perçue par chaque collectivité. Son institution trouve son
explication dans l’amenuisement des ressources de l’Etat qui
n’arrivait pas à honorer ses engagements en matière de crédits
délégués aussi bien dans les délais que dans leur volume. C’est
donc des fonds qui viennent en appoint à la dotation de l’Etat en
matière de fonctionnement des préfectures.
Il arrive que pour la gestion de cette contribution, le préfet délègue
ses attributions au secrétaire général de la préfecture. Dans la
réalité, cette contribution sert à couvrir le chapitre « fêtes et
réceptions ».

C. LE FONDS REGIONAL DE DEVELOPPEMENT

Il est né en 1983 avec l’avènement de la société de développement


pendant l’Etat d’exception. Le fonds a toujours continué à exister
malgré la disparition des structures de la société de développement
en août 1991. Son montant varie selon les régions ou
départements, c'est-à-dire selon la santé financière des collectivités
qui composent le département.
Le minima est de 5 % de la taxe d’arrondissement ou taxe de voirie
perçue et le maxima, de 10 % des mêmes taxes.
L’assiette est assise par l’organe délibérant du département.
La particularité de ce fonds, c’est qu’il n’a pas de fondement
juridique. Sa seule base demeure le message radio ou la circulaire

27
du ministre de l’intérieur et les procès-verbaux de réunion du conseil
national de développement (CND).
Dans tous les cas, il s’apparente à un budget d’investissement mis à
la disposition des préfets pour réduire les inégalités entre les
entités décentralisées. L’affectation et les zones d’intervention
sont décidées en COTEDEP.
La gestion de ce fonds incombe au préfet et au secrétaire général
adjoint. En effet, tout chèque lié à ce fonds doit être signé par le
préfet et contresigné par le secrétaire général adjoint.
Mais dans la pratique et dans la plupart des cas, le préfet est le
seul signataire des chèques.
Hormis le département, il existait au Niger une autre entité
administrative qui ne disposait pas de ressources financières
propres et ne jouissait ni de la personnalité morale, ni de
l’autonomie financière : il s’agissait des postes administratifs (P.A).

SECTION 2 : LES POSTES ADMINISTRATIFS

Ils ont vu l jour à la faveur du décret n°65-159/MI du 4 novembre


1965 déterminant les modalités de création et de fonctionnement
des postes administratifs.
Aux termes de ce texte, les postes administratifs sont des
structures transitoires appelées à disparaître progressivement au
fur et à mesure de l’installation des communes rurales. Mais cette
formule transitoire est restée vaine.
En effet, la plupart des postes administratifs qui ont été créés ont
continué à exister s’ils n’ont pas été érigés en arrondissement (cas
d’Abalak) et mieux encore, six nouveaux postes administratifs

28
avaient été créés en 1988. Il s’agit d’Iférouane, Aderbisnat, Tibiri,
Bermo, Doungas et Belbédji.
De ce fait, la république du Niger a compté jusqu’à 26 postes
administratifs.
La création de ces entités permettait non seulement d’assurer
l’intervention de l’Etat à la base mais aussi paraissait être liée aux
exigences d’un quadrillage politique efficace.
Comme indiqué ci-dessus, les postes administratifs ne bénéficient
ni de la personnalité morale, ni de l’autonomie financière. Ils ne
disposent pas non plus de ressources financières propres. Leurs
seules ressources proviennent des crédits délégués par l’Etat et
des subventions provenant des arrondissements auxquels ils sont
rattachés.
Du reste, les agents qui y travaillent sont en majorité des agents de
l’Etat exerçant leurs activités sous l’autorité d’un chef de poste
administratif nommé par décret pris en conseil des ministres.
Le chef de poste administratif exerce lui-même ses attributions par
délégation du sous-préfet de l’arrondissement qui est à la fois
autorité déconcentrée et autorité décentralisée.

CHAPITRE 2 : LES ENTITES DECENTRALISEES

Aux termes de l’article 3 de la loi 64-023, seuls : « les


arrondissements et les communes sont érigés en collectivités
territoriales. ». Ces dernières sont dotées de la personnalité morale
et de l’autonomie financière.
D’une manière générale, le but poursuivi à travers leur création est
de promouvoir le développement économique, social, culturel et

29
scientifique de la collectivité par elle-même ainsi que par
l’aménagement du territoire.
Les arrondissements et les communes étant à la fois des
circonscriptions administratives et des collectivités territoriales on
peut parler de dualité de l’organisation régionale et locale.

SECTION 1 : LES ARRONDISSEMENTS

L’arrondissement était administré par un sous-préfet, nommé par


décret pris en conseil des ministres. Il est le subordonné direct du
préfet.
Le sous-préfet est secondé par un adjoint nommé comme lui par
décret pris en conseil des ministres.
Dès 1964, 32 arrondissements furent créés. Par la suite, ils sont
passés au nombre de 36.
Dans un arrondissement il peut y avoir un ou plusieurs postes
administratifs.

PARAGRAPHE 1 : LES ATTRIBUTIONS DU SOUS –


PREFET

Les attributions du sous-préfet sont marquées d’un dualisme


fonctionnel très net. En effet, dans le cadre de l’arrondissement, il
exerce ses fonctions tantôt en tant qu’autorité déconcentrée,
tantôt en tant qu’autorité décentralisée.
En tant qu’autorité déconcentrée, les qualités du sous-préfet sont
comparables mais au plan cette fois de l’arrondissement et non du
département à celles du préfet. De ce fait, le sous-préfet est dans
l’arrondissement le représentant du pouvoir exécutif et le seul

30
dépositaire de l’autorité de l’Etat. Il est en outre officier de police
judiciaire et membre du COTEDEP.
Comme organe de la collectivité territoriale exerçant par
conséquent une parcelle de pouvoirs que celle-ci détient en propre,
le sous-préfet est en premier lieu le représentant de
l’arrondissement. Ce dernier possède la personnalité morale et
peut donc passer des actes juridiques, agir en justice et surtout
régler lui-même les problèmes d’intérêt d’arrondissement.
Le sous-préfet exerce aussi des fonctions de contrôle et de conseil
sur l’ensemble des communes situées dans son arrondissement.
Il met tout en œuvre pour éveiller, susciter, encourager, guider et
soutenir l’initiative des populations, leur participation volontaire et
active au développement de l’arrondissement. Du reste, les
attributions du sous-préfet sont nombreuses et ont trait à la
salubrité publique, aux élections, au domaine, aux établissements
pénitentiaires, aux autorités coutumières…
Dans l’accomplissement de ses multiples tâches, le sous-préfet
dispose de certains organes à commencer par les organes
délibérants.

PARAGRAPHE 2 : LES ORGANES DELIBERANTS

Il s’agit du conseil d’arrondissement d’une part et du comité


technique d’arrondissement (COTEAR) d’autre part.

A. LE CONSEIL D’ARRONDISSEMENT

31
La loi n°64-023 ne reconnaît qu’un organe délibérant au niveau de
l’arrondissement. C’est le conseil d’arrondissement dont les
membres doivent être élus au suffrage universel direct.
Les députés de l’Assemblée Nationale résidant dans
l’arrondissement sont membres de droit du conseil. Il en est de même
du sous-préfet.
En effet, la loi n°64-023 dispose en son article 17 alinéa 1er : « le
sous-préfet préside le conseil d’arrondissement ». De ce fait, le
conseil ne peut en aucun cas priver le sous-préfet de sa qualité de
président.
Le conseil intervient dans toutes les affaires de développement de
l’arrondissement en tant que collectivité territoriale et vote le
budget. De 1983 à 1991, ce rôle était joué par le conseil sous
régional de développement (CSRD).
Ces structures n’ont cependant pas répondu aux espoirs qu’elles
avaient suscités. Ainsi, les conseils d’arrondissement, au lieu d’être
des lieux actifs de décision ou de contrôle par l’intermédiaire
desquels les populations auraient été associées à la gestion de
leurs propres affaires n’étaient en réalité dans la plupart des cas
que des chambres d’enregistrement des décisions et des actes des
autorités administratives. Les conseillers d’arrondissement
n’avaient reçu il est vrai aucune formation préalable qui leur
permette d’acquérir des connaissances et les moyens
d’appréciation et de contrôle sans lesquels ils ne pourraient
prétendre exercer pleinement leurs responsabilités.

32
De plus, la population n’avait pas la possibilité de choisir librement
ses représentants ; les candidats aux fonctions de conseillers étant
désignés par les instances supérieures du parti unique.
Après, c’est le comité technique d’arrondissement (COTEAR)
qui joue le rôle d’organe délibérant en attendant les élections
locales devant désigner les conseillers d’arrondissement.

B. LE COMITE TECHNIQUE D’ARRONDISSEMENT


(COTEAR)

Cet organe a connu au fil du temps plusieurs dénominations :


commission exécutive d’arrondissement, commission consultative
provisoire puis comité technique d’arrondissement.
C’est un organe technique qui regroupe tous les chefs de service
technique. Dans la réalité, il regroupe, en plus des chefs de services
techniques, les représentants des partis politiques et syndicats, les
chefs traditionnels et les députés résidant dans la localité.
Il a un rôle d’étude des dossiers de l’arrondissement : études
techniques et suivis techniques des opérations ainsi que le vote du
budget.
Etant une collectivité territoriale dotée de la personnalité morale et
de l’autonomie financière, l’arrondissement dispose donc de
ressources financières propres. Il peut même recourir à des
ressources financières extraordinaires ou emprunts.

PARAGRAPHE 3 : LES RESSOURCES FINANCIERES

33
Les ressources financières des collectivités ayant déjà été
exposées, nous ne nous attarderons pas là-dessus. Néanmoins, il
convient de rappeler que conformément à l’article 20 de la loi 65-
006 du 8 février 1965 déterminant l’administration des
arrondissements et des communes, les règles d’aliénation et de
gestion de leurs domaines public et privé ainsi que leurs ressources,
empruntent les chemins suivants : s’agissant des ressources des
arrondissements, elles sont constituées par :
- la fiscalité ;
- les emprunts ;
- les revenus et les produits d’aliénation du patrimoine et du
portefeuille ;
- les dons et legs ;
- l’aide de l’Etat.
Il est à préciser que les 2/3 des recettes totales des
arrondissements proviennent essentiellement de la taxe
d’arrondissement qui est une taxe fiscale.
Le sous-préfet est l’ordonnateur du budget de la collectivité qu’il
administre. Il est nommé dans chaque arrondissement un secrétaire
et un receveur d’arrondissement. Les fonctions de ces derniers
peuvent être cumulées.
Aussi, toute collectivité territoriale peut demander à l’autorité de
tutelle que les fonctions de receveur soient exercées par le
comptable de l’Etat communément appelé « agent spécial ». Quant
au personnel administratif de ces arrondissements, il est composé
en majorité d’agents de l’Etat détachés ou mis à leur disposition.

34
Aussi, manque-t-il de politiques de recrutement et de gestion du
personnel propre à l’arrondissement tout comme à la commune ?
En effet, ce personnel contractuel est régi par la convention
collective interprofessionnelle, d’où la nécessité de l’élaboration
d’un statut particulier pour ce personnel.

SECTION 2 : LES COMMUNES

L’article 1er de la loi n°64-023 divise le territoire en départements,


les départements en arrondissements et les arrondissements en
communes.
Dans l’esprit de cette loi, la commune est l’échelon de base de
l’organisation territoriale.
Quant à la loi n°66-005 du 14 septembre 1966 déterminant les
modalités par lesquelles une commune peut recevoir le nom de ville
et être assimilée à un arrondissement, elle dispose en son article 1er :
« toute commune urbaine comprenant au moins 25.000 hbts peut
recevoir la dénomination de ville par décret pris en conseil des
ministres ».
La ville est assimilée à un arrondissement et constitue une division
directe du département dans les limites duquel elle est située. C’est
dire que cette disposition vient créer une ambiguïté de la situation
entre les arrondissements et les communes.
Par ailleurs, dans l’organisation communale de l’époque on comptait
18 communes urbaines et 3 communes rurales. A cela s’ajoute le
cas de la Communauté Urbaine de Niamey.

PARAGRAPHE 1 : TYPOLOGIE DES COMMUNES

35
A ce niveau on constate qu’aucun texte ne fait la distinction
juridique entre ces deux types de commune.
En principe c’est le texte de création qui précise la catégorie dans
laquelle est classée l’entité administrative.
Sur le plan fonctionnel et organisationnel, les deux types de
commune sont dirigés par des maires qui disposent des mêmes
organes et ressources financières.

PARAGRAPHE 2 : LES ATTRIBUTIONS DU MAIRE

Le maire est statutairement élu. Mais de l’indépendance à l’an


2004 il a toujours été nommé par décret pris en conseil des
ministres.
Il est secondé par un secrétaire général nommé par arrêté du
ministre de l’intérieur.
Les maires des villes sont assimilés quant à leur qualité et leurs
attributions aux sous-préfets et les villes ont le même statut par
conséquent que les arrondissements. Ce qui suit ne concerne que
les maires des communes n’ayant pas statut de ville.
Le maire d’une commune n’est pas automatiquement représentant
du pouvoir exécutif. Le maire est le représentant de la commune, le
chef de son administration, l’ordonnateur du budget, le président du
conseil municipal et du comité technique communal (COTEC).
Il est à préciser que ces deux derniers organes ont les mêmes
fonctions et la même organisation que ceux des arrondissements.
Le maire est par ailleurs officier de police judiciaire.

36
Certaines fonctions d’intérêt général peuvent lui être confiées par
le pouvoir exécutif. Lorsqu’il les exerce, il agit en qualité de
représentant de ce pouvoir sous l’autorité du sous-préfet.
Rappelons cependant que le maire ne peut être appelé à assurer la
suppléance légale de l’inspecteur du travail, du contrôleur du travail
et en l’absence des deux, du représentant local du service de la main
d’œuvre.

PARAGRAPHE 3 : LES RESSOURCES FINANCIERES

La loi n°64-023 attribue aux communes les mêmes ressources


financières qu’aux arrondissements à la seule différence que la taxe
d’arrondissement est remplacée par la taxe de voirie pour la
commune.
Donc le budget de la commune est presque identique à celui de
l’arrondissement. Il convient de signaler que les patentes et les
contributions foncières constituent près de 52 % des recettes
totales des communes.
Le comptable municipal appelé receveur municipal est seul chargé
de manier les fonds communaux.

SECTION 3 : LE CAS SPECIFIQUE DE LA COMMUNAUTE


URBAINE DE NIAMEY

La ville de Niamey qui constituait une seule commune jusqu’en


octobre 1988 a reçu la dénomination de Communauté Urbaine de
Niamey par décret n°88-393/PCMS/MI du 24 novembre 1988.

37
La Communauté Urbaine de Niamey jadis composée de trois
communes est aujourd’hui composée de cinq. Ces cinq communes
plus la Communauté Urbaine elle-même disposent chacune de la
personnalité et de l’autonomie financière. Après sa création, la
Communauté Urbaine de Niamey est dirigée par un Préfet-
Président nommé par décret pris en conseil des ministres.
C’est dire donc que seule une collectivité territoriale avait dans le
fait rang de département même si le décret la créant ne le précise
pas.
Le Préfet-Président est secondé par un secrétaire général et un
secrétaire général adjoint, tous nommés par décret pris en conseil
des ministres ;
L’article 8 du décret n°88-393 détermine le domaine de
compétence de la Communauté Urbaine par rapport aux trois
communes de l’époque : « dans le cadre des dispositions légales et
réglementaires, la compétence de la Communauté s’étend aux
objets d’utilité communautaire et aux objets qui intéressent
conjointement les communes qui y sont comprises. Il s’agit
notamment de :
- la gestion du garage communautaire ;
- la réalisation et l’entretien des réseaux de voirie inter-
communale ;
- la réalisation des réseaux primaires d’assainissement ;
- la tutelle sur la gare routière centrale ;
- les transports urbains ;
- la tutelle sur les établissements publics inter-communaux ;
- la planification et la programmation urbaine ;

38
- l’installation et l’entretien des réseaux d’eau et d’électricité.
La tutelle des deux catégories d’entité administrative
(déconcentrée et décentralisée relève au niveau central du ministère
de l’intérieur.
A travers cette tutelle administrative, financière et comptable, il
exerce un contrôle sur les collectivités territoriales. Ce contrôle se
pratique de façon épisodique et n’est pas efficace.
Au niveau régional, c’est le Préfet-Président qui assure le contrôle
sur ces collectivités territoriales. Il faut dire que ce contrôle, hormis
les missions d’évaluation de l’exécution des fiches d’opération est
en réalité inexistant en ce qui concerne l’aspect administratif et
financier.
D’une manière générale, en dehors des inspections financières, le
contrôle de tutelle est resté à l’état léthargique. Cette situation est
d’autant plus grave que la loi n°65-007 déterminant le régime de
tutelle applicable aux collectivités territoriales est muette quant au
contrôle juridictionnel.
En conclusion, l’organisation administrative ancienne du Niger se
caractérise par la grande différence entre les principes et la réalité.
La loi organique 64-023 du 17 juillet 1964 qui régit l’organisation
administrative ancienne du Niger a eu à l’époque le mérite de jeter
les bases de la décentralisation au Niger.
Dans la pratique, cette loi a été viciée notamment en ce qui
concerne l’organisation structurelle et fonctionnelle des entités
décentralisées.

39
Ainsi, le mouvement communal devrait favoriser l’intégration des
populations dans la vie publique et promouvoir le développement
n’y a répondu que partiellement.
Il faut ajouter à cela l’imbrication des structures parfois aux rôles
contradictoires au niveau de l’administration territoriale ou
l’existence des structures surannées comme les postes
administratifs qui ont perduré jusqu’aux élections locales de juillet
2004.
Cette mauvaise application de la loi organique doublée de la
faiblesse des finances locales, du manque de personnel en qualité a
conduit à faire certaines propositions. En premier lieu, il s’agissait
de respecter l’esprit de la loi organique. Ainsi, les dispositions
devraient être prises pour donner à la commune la place qui lui
revenait de droit par rapport à l’arrondissement et de définir
clairement la différence entre la commune urbaine et la commune
rurale.
Il a également été suggéré que le processus de transformation des
postes administratifs en communes doit être exécuté comme prévu
par la loi n°64-023.

40
TITRE 2 : LA NOUVELLE ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU
NIGER

Parler de la nouvelle organisation administrative du Niger suppose


qu’il ya une organisation administrative ancienne. Celle-ci est
l’œuvre de la loi n°64-023 du 17 juillet 1964 portant création des
circonscriptions administratives et des collectivités territoriales sur
toute l’étendue du territoire de la république du Niger.
L’avènement de la démocratie multipartite a impliqué une nouvelle
organisation du territoire de l’Etat du Niger. Dans cette
perspective, plusieurs lois et décrets ont été adoptés. Avant de les
énumérer, il convient de souligner que cela n’est qu’une application
de l’article 127 de la constitution qui dispose : « l’administration
territoriale repose sur les principes de la décentralisation et de la
déconcentration.
Les collectivités territoriales sont créées par une loi organique. La
loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration
des collectivités administratives, leurs compétences et leurs
ressources ».
S’agissant des lois, il s’agit des suivantes :
- loi 2007-023 du 10 août 2007 portant création des
circonscriptions administratives et des collectivités
territoriales ;
- loi 98-31 du 14 septembre 1998 portant création des régions
et fixant leur limite et le nom de leur chef lieu ;
- loi 2002-14 du 11 juin 2002 portant création des communes
et le nom de leur chef lieu ;

41
- loi 2002-012 du 11 juin 2002 déterminant les principes
fondamentaux de la libre administration des régions, des
départements et des communes ;
- loi 98-32 du 14 septembre 1998 déterminant le statut des
Communautés Urbaines ;
- loi 2002-015 du 11 juin 2002 portant création de la
Communauté Urbaine de Niamey ;
- loi 2002-016 du 11 juin 2002 portant création des
Communautés Urbaines de Maradi, Tahoua et Zinder ;
- loi 2002-013 du 11 juin 2002 portant transfert des
compétences aux régions, départements et communes ;
- loi 98-35 du 12 septembre 1998 relative à la limitation du
cumul des mandats électifs et de certaines fonctions ;
- loi 2002-017 du 11 juin 2002 déterminant le régime financier
des régions, départements et communes.
En ce qui concerne les décrets, il s’agit des textes suivants :
- décret 98-274/PRN/MI/AT du 2 octobre 1998 fixant les
conditions de nomination, les attributions et les avantages
accordés aux secrétaires généraux des collectivités
territoriales ;
- décret 99-023/PRN/MI/AT du 5 mars 1999 fixant les
modalités d’exercice du contrôle sur les actes des autorités
décentralisées ;
- décret 99-034/PRN/MI/AT du 5 mars 1999 fixant la
rémunération et les taux des indemnités accordés aux
secrétaires généraux des régions, départements et communes.

42
La nouvelle organisation administrative consacre la division du
territoire en divisions administratives situées à plusieurs niveau,
s’emboitant les unes dans les autres.
Initialement, du sommet à la base, on distinguait :
Des départements (préfectures), des arrondissements (sous-
préfectures) et des postes administratifs dans le cadre de la
déconcentration. Il existait également des entités décentralisées,
mais dans un contexte où les maires étaient plutôt nommés
qu’élus.
L’avènement du multipartisme a impliqué comme cela a déjà été
dit, une nouvelle organisation administrative du territoire du
Niger.
Celle-ci consacre à la fois des entités déconcentrées, de même
que des entités décentralisées, d’où la nécessité de dégager
d’abord les principes de base de la nouvelle organisation
administrative du Niger (chapitre 1) avant de se pencher sur
l’organisation de l’administration territoriale de l’Etat du Niger
(chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LES PRINCIPES DE BASE DE LA NOUVELLE


ORGANISATION
ADMINISTRATIVE DU NIGER

On ne peut évoquer celles-ci sans au préalable procéder à une


clarification des concepts. Il s’agit notamment de clarifier les
concepts de décentralisation et de déconcentration (section 1)
et les circonscriptions administratives (section 2).

43
SECTION 1 : DECENTRALISATION ET DECONCENTRATION

Ces deux notions ne doivent pas être confondues. C’est pour


cette raison qu’il convient de définir de manière suffisamment
claire l’une et l’autre et de mettre en relief leurs principales
caractéristiques.

PARAGRAPHE 1 : LA DECENTRALISATION

Il y a décentralisation lorsque les pouvoirs propres de décision


appartiennent à des organes élus qui agissent au nom et pour le
compte d’une collectivité personnalisée. La décentralisation peut
se présenter sous des formes différentes :
- la décentralisation territoriale se fait au profit de personnes
administratives territoriales : la région, le département et la
commune qui sont des fractions géographiques de l’Etat central
mais dotées de la personnalité morale avec tous ses attributs :
droit de posséder un patrimoine distinct de celui de l’Etat,
d’établir un budget autonome, d’exercer des prérogatives de
puissance publique.
- la décentralisation par service entraîne le transfert des
attributions du pouvoir à des personnes administratives
spécialisées dans un service déterminé en les dotant de la
personnalité juridique. Ce sont les établissements publics à
l’instar de l’Université Abdou MOUMOUNI de Niamey et
les instituts de type technologique (I.U.T de Maradi, Tahoua
et Zinder).

44
C’est le lieu de signaler que la décentralisation territoriale est
fondée sur le libre exercice des libertés locales. Elle assure aux
populations une participation effective à la gestion des affaires
publiques par le biais de l’élection des représentants locaux élus.
La décentralisation territoriale est donc un mode de gestion des
entités locales qui consiste en une responsabilisation de celles-ci
en ce qui concerne la gestion quotidienne. De ce fait, elle
implique plusieurs aspects :
En premier lieu, sur le plan politique, la décentralisation est le
corollaire de la démocratie. Elle favorise la formation du citoyen,
le jeu de l’élection et lui permet la maîtrise des rouages du pouvoir
et de la technique, s’agissant de la gestion des affaires
publiques. Dans cette optique, la décentralisation territoriale est
perçue comme une véritable école politique d’apprentissage.
En second lieu, sur le plan économique, il s’agit d’assurer un
développement harmonieux et équilibré des entités territoriales
décentralisées.
Le droit de prendre des initiatives en matière de programmes et
projets de développement économique et social est reconnu aux
entités locales.
Enfin, sur le plan juridique ou administratif, décentraliser, c’est
transformer en centre d’impulsion les entités locales.
A ces trois aspects pratiques, on peut ajouter un quatrième qui
résulte de la pratique même de la décentralisation et qui revêt
une coloration managériale. On conçoit que sur cet angle,
décentraliser, c’est motiver.

45
En effet, le degré de responsabilisation d’un individu et la liberté
d’action qui lui est laissée peut être à la base d’une prise de
conscience capable de stimuler sa production.
Cela dit, il convient de souligner que la mise en application de la
décentralisation territoriale est subordonnée au respect de trois
conditions qui sont les suivantes :
- elle implique d’abord que soit déterminée une sphère de
compétence spécifique au bénéfice des collectivités locales ;
- elle suppose ensuite que les affaires locales soient prises en
charge par des autorités locales indépendantes du pouvoir
central tant par leur nomination que par leur révocation ;
Enfin, sa réalisation implique que la gestion des autorités locales
relative à leurs affaires propres soit autonome.
Cependant, ce principe de libre administration est généralement
tempéré par la tutelle administrative, un mécanisme de régulation
étatique permettant au pouvoir central de contrôler l’autonomie
des autorités locales. C’est notamment tous les aspects relevant
du contrôle de légalité sur les actes des collectivités et sur ses
organes.
Corollaire de la démocratie, le système de décentralisation
repose sur l’idée d’une gestion par les administrés des affaires
les concernant directement.

PARAGRAPHE 2 : LA DECONCENTRATION

On appelle déconcentration la délégation à un agent local de


l’Etat d’un pouvoir de décisions exercé jusque là au niveau

46
central. C’est toujours l’Etat qui décide mais sur place et non
depuis la capitale.
C’est au sein de l’administration de l’Etat que certaines
compétences sont attribuées à des agents locaux de l’Etat.
La déconcentration n’est donc qu’une modalité de la
centralisation puisque les autorités locales de l’Etat sont
soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales
auxquelles elles doivent rendre compte et qui ont le pouvoir de
substitution, d’annulation, de réformation et de retrait des actes.
La déconcentration se définit comme le procédé qui permet la
direction de toutes les affaires administratives par le pouvoir
central et sans autres intermédiaires que de simples agents
d’exécution locaux.
L’administration du pays est alors dirigée en totalité par les
instructions qui sont directement adressées de la capitale par le
gouvernement.
Ce système comporte malgré ses mérites (assurer l’unité de la
nation en faisant disparaître les particularismes locaux, restaurer
la puissance de l’Etat, sauvegarder l’égalité absolue des
citoyens) plusieurs inconvénients.
Le système de la centralisation rend la résolution des affaires
administratives lente et rigide.
Le risque d’encombrer les administrations centrales, tout en
rendant difficile l’adaptation de leurs décisions aux
circonscriptions locales est réel.
Indispensable modalité d’agencement d’un régime centralisé, la
déconcentration apparaît alors comme un collectif nécessaire.

47
C’est un moyen qui consiste à remettre tout en maintenant le
principe centralisé à des agents locaux nommés par le pouvoir
central, certaines attributions. Ils se voient reconnaître une
certaine marge d’initiative notamment le pouvoir de prendre
certaines décisions.
Si cette déconcentration atténue les rigueurs de la
centralisation, les agents locaux n’en sont pas moins soumis à
l’autorité centrale par ce que l’on appelle le pouvoir hiérarchique.
Ainsi, l’autorité centrale peut sanctionner les agents locaux. Elle
peut aussi procéder à l’annulation de leurs décisions, à leur
suspension ou à leur reformulation pour des raisons de légalité
ou d’opportunité.

SECTION 2: COLLECTIVITES TERRITORIALES ET


CIRCONSCRIPTIONS
ADMINISTRATIVES

On procédera ici à la définition des concepts (paragraphe 1er)


avant d’étudier les distinctions entre la collectivité territoriale et
la circonscription administrative (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : DEFINITION DES CONCEPTS

La collectivité territoriale est un groupement humain


géographiquement localisé sur une portion du territoire national
disposant de la personnalité morale de droit public, de
compétences, de ressources propres et de l’autonomie de
gestion à travers des organes élus.

48
C’est en effet un groupement de personnes réunies sur une
base territoriale, chargé de pourvoir aux besoins considérés
comme étant nécessaires à la collectivité.
Les circonscriptions administratives sont quant à elles des
divisions administratives de l’Etat dénuées de toute personnalité
juridique.
Plusieurs signes distinctifs apparaissent dans la définition et la
détermination des éléments appliqués à la collectivité territoriale
ou à la circonscription administrative.
Ainsi, la collectivité territoriale est le cadre d’intervention des
autorités décentralisées alors que la circonscription
administrative constitue le cadre d’intervention des autorités
déconcentrées.

PARAGRAPHE 2 : DISTINCTIONS ENTRE LA


COLLECTIVITE
TERRITORIALE ET LA CIRCONSCRIPTION
ADMINISTRATIVE

La collectivité territoriale et la circonscription administrative se


distinguent tant en ce qui concerne leurs statuts juridiques (A)
et leurs organes d’administration et de gestion (B) mais
également par la gestion des intérêts locaux (C) et par les
différentes formes de contrôle exercées sur elles (D).

A. DES STATUTS JURIDIQUES


DIFFERENTS

49
La collectivité territoriale a une existence juridique propre,
distincte de l’Etat. C’est une personne publique créée par
l’Etat et dotée d’une personnalité juridique. Elle dispose à cet
effet d’un patrimoine, peut signer des contrats ou ester en
justice. Elle est dotée d’une autonomie financière et
administrative. Elle dispose d’un pouvoir propre de gestion de
ses recettes et ses dépenses regroupées dans un budget.
Cela suppose l’existence de recettes propres à la collectivité
territoriale sous forme d’impôts, taxes et redevances diverses
pour couvrir les besoins des administrés par des prestations de
services ou par la réalisation d’équipements et infrastructures.
La collectivité territoriale s’administre par ailleurs librement dans
le respect des lois et règlements en prenant ses décisions sans se
référer au pouvoir central. C’est une autonomie administrative
qui se développe dans un cadre juridique tracé par l’Etat.
La circonscription administrative est quant à elle, un relais du
pouvoir central. C’est un découpage administratif qui ne
constitue pas une personnalité juridique.
C’est à l’échelle des circonscriptions administratives que l’Etat
organise ses différentes actions et ses services extérieurs :
- ce sont d’abord les lieux où s’exerce l’autorité de l’Etat à
travers les gouverneurs (régions), les préfets (départements) et
les sous-préfets (arrondissements) ;
- c’est aussi à travers les circonscriptions administratives que
sont organisés les services techniques déconcentrés de l’Etat
(aménagement du territoire, développement communautaire,
santé, impôt…).

50
B. DES ORGANES D’ADMINISTRATION ET DE
GESTION DIFFERENTS

Pour les collectivités territoriales, ce sont des organes


autonomes que sont :
- l’organe de délibération composé de conseillers élus. Il
constitue une assemblée locale qui prend des décisions appelées
délibérations.
- l’organe exécutif qui est le président de l’assemblée locale. Il est
élu par ses pairs. Il prépare et exécute les délibérations de
l’assemblée locale et représente la collectivité territoriale. Il
participe à l’exercice de certaines compétences de l’Etat.
Ces différents organes de la collectivité locale exercent leur
compétence dans le cadre des lois et règlements de l’ensemble
des affaires locales.
Dans la circonscription administrative, les représentants du
pouvoir central sont :
- le gouverneur pour la région,
- le préfet pour le département,
- le sous-préfet pour l’arrondissement,
- le maire, strictement dans les conditions prévues par la loi.
Placé à la tête des circonscriptions administratives par le pouvoir
central, ils sont investis de compétence générale à l’intérieur de
leur circonscription.
Représentants nommés par le pouvoir central, ils exercent les
attributions ci-après :
- le maintien de l’ordre et de la sécurité publique,

51
- l’application des lois, des règlements et autres décisions
gouvernementales,
- l’animation, la coordination, l’information et la formation des
acteurs du territoire,
- la tutelle des collectivités territoriales.

C. LA GESTION DES INTERETS LOCAUX


CONSTITUE UN AUTRE SIGNE
DISTINCTIF

Les collectivités territoriales délibérant sur les affaires locales


d’intérêt général, c’est à l’Etat qu’incombe le rôle de gérer les
affaires générales. Cependant, dans un Etat décentralisé,
certaines compétences sont transférées aux collectivités
territoriales.
Il y a décentralisation, lorsque les autorités administratives
locales ont le pouvoir de prendre des décisions relatives aux
affaires locales dans le cadre de compétence transférée et dans
le respect des lois et des règlements.
C’est dans les circonscriptions administratives que sont
exécutées et adoptées les décisions prises par les autorités
centrales. Les représentants du pouvoir central dans les
circonscriptions administratives sont mieux placés que les
organes centraux (siégeant au niveau central) pour fournir la
solution convenable aux problèmes locaux.

D. DES FORMES DE CONTROLE DISTINCTES

52
Les formes et les modalités de contrôle des collectivités
territoriales et des circonscriptions administratives sont
différentes. Deux types de contrôle sont prévus :
Il s’agit du contrôle hiérarchique d’une part et d’autre part du
contrôle de tutelle.
1. Le contrôle hiérarchique exercé par l’administration centrale
sur les autorités déconcentrées

Il s’exerce sur les autorités déconcentrées de l’Etat. L’autorité


supérieure possède à l’égard de l’autorité subordonnée de
larges pouvoirs. Le contrôle hiérarchique qu’elle exerce est à la
fois sur les personnes (nominations et sanctions disciplinaires) et
sur les actes.
Le supérieur hiérarchique peut prendre des actes de mesure
imposés au subordonné, annuler ses décisions ou les réformer
pour des raisons de légalité ou même d’opportunité. Ce pouvoir
est inhérent au rang qu’il occupe dans la hiérarchie.

2. Le contrôle de tutelle ou contrôle de légalité exercé sur les


collectivités territoriales

Le contrôle de tutelle est le contrôle de l’Etat sur un organe


décentralisé. L’Etat exerce ce service qui est un véritable devoir
de surveillance, de respect des lois et devoirs par les autorités
décentralisées.
Ce contrôle est nécessaire à la fois dans l’intérêt de l’Etat qui
doit sauvegarder son unité politique et veiller au respect des lois

53
dans l’intérêt de la collectivité déconcentrée qui doit préserver (à
l’intérêt général de la collectivité) de même dans l’intérêt des
citoyens locaux qui doivent être égaux devant l’action publique.
A la différence du pouvoir hiérarchique, le pouvoir de tutelle ne
peut s’exercer sans textes. D’où l’expression « pas de tutelle
sans textes ».
Si certaines des procédures se trouvent dans l’un et l’autre cas
(pouvoir de suspension, voire de substitution dans des cas
exceptionnels) par contre, l’autorité de tutelle ne dispose ni du
pouvoir d’instruction, ni du pouvoir de réformation des actes de
l’autorité décentralisée.

54
CHAPITRE 2 : L’ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION
TERRITORIALE DU NIGER

L’Etat est organisé afin d’assurer à travers son administration la


bonne marche du pays. Il s’agit par là de satisfaire partout les
besoins d’intérêt général de la population. L’exécution des
tâches d’intérêt général est repartie entre l’Etat, expression de
la collectivité nationale et les collectivités territoriales investies
de la personnalité morale et chargées de gérer les affaires locales
dans le respect des lois et règlements.
La constitution du 9 août 1999 a consacré de façon solennelle
le principe de subordination de l’administration au gouvernement
« qui dispose de l’Administration » (article 61).
Il existe aussi une administration territoriale d’Etat placée sous
l’autorité directe du gouvernement et des administrations
décentralisées agissant sous l’autorité d’organes élus.
Avant d’étudier l’organisation administrative proprement dite, il
convient au préalable de faire un bref rappel historique.

SECTION 1: L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA


DECENTRALISATION AU NIGER

Avant l’indépendance, le Niger était divisé en circonscriptions


administratives de base à deux niveaux : Cercles et subdivisions
administratives.
Dans certains cas, les circonscriptions administratives de base
comprenaient des postes administratifs.

55
Enfin, trois agglomérations Niamey, Zinder et Maradi avaient
un statut municipal avec personnalité morale et autonomie
financière.

PARAGRAPHE 1: L’ORGANISATION
TERRITORIALE SUR LA BASE DE LA
LOI 61-50 DU 31 DECEMBRE
1961

La république du Niger, après l’acquisition de l’indépendance a


procédé à une première organisation de son administration
territoriale. Cela a été l’œuvre de la loi 61-50 du 31/12/1961
qui divisait le territoire de la république en 31 unités
administratives érigées en collectivités.
Au premier janvier 1962, l’organisation territoriale se présentait
comme suit :
- 31 circonscriptions
- 13 postes administratifs
- 03 communes.
Les représentants du pouvoir central aux différents échelons
étaient :
- les commandants de cercle
- les chefs de subdivision devenus chefs de circonscriptions
- les maires dans les communes
- les chefs de postes administratifs.

PARAGRAPHE 2 : LA LOI 64-023 DU 17 JUILLET


1964

56
Cette loi portant création de circonscriptions administratives et
collectivités territoriales divise le territoire de la république du
Niger en circonscriptions administratives : départements,
arrondissements et communes et érige certaines de ces
circonscriptions (les arrondissements et les communes) en
collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie financière. C’est dans la vision d’une administration
de développement que furent définis les termes de référence de
cette réforme administrative. Il s’agissait de proposer une
organisation se situant dans le schéma général du système
politique administratif du pays et permettant la rencontre de
trois impératifs :
- le maintien de l’ordre public considéré comme préalable à
toute action
- le resserrement de l’unité nationale considérée comme une
condition essentielle de réussite
- le développement optimum du pays considéré comme objectif
principal et fondamental.
La réforme de 1964 dite réforme structurelle concernait à la
fois :
- l’ensemble de l’organisation administrative régionale et locale
- les structures de soutien, d’assistance ou de contrôle au
niveau central.
Les arrondissements et les communes étaient à la fois
circonscriptions administratives et collectivités territoriales.

57
Outre la loi de base n°64-02 précitée, trois lois importantes
règlent respectivement l’organisation, l’administration et la tutelle
des circonscriptions territoriales :
- loi n°65-005 du 8 février 1965
- loi n°65-006 du 8 février 1965
- loi N°65-007 du 8 février 1965.

PARAGRAPHE 3 : LA CREATION DE LA SOCIETE DE


DEVELOPPEMENT

L’instauration d’une société de développement avec le régime du


Conseil Militaire Suprême a permis la création de nouvelles
structures pour une participation volontaire et active des
populations à la gestion de leurs propres affaires ainsi qu’au
développement national.
Ces nouvelles structures de développement étaient les
suivantes :
- le conseil villageois ou de tribu de développement
- le conseil sous régional de développement
- le conseil régional de développement
- le conseil national de développement.
Avec la mise en place des structures de la société de
développement se trouve actualisé le principe de la
décentralisation.

PARAGRAPHE 4: L’AVENEMENT DE LA
DEMOCRATIE ET DU
MULTIPARTISME

58
Celle-ci a été perçue depuis l’avènement de la démocratie
multipartite au Niger comme une réponse institutionnelle du
problème fondamental de la participation de la population à la
gestion des affaires publiques.
Les tentatives de réorganisation administrative sus la 3ème
république et surtout sous la 4ème république avec les premières
élections municipales de février 1999 ont échoué.
La nouvelle réforme administrative, intervenue avec la loi de base
n°2001-023 du 10 août 2001 portant création de
circonscriptions administratives et de collectivités territoriales
tente de corriger les insuffisances du système administratif
passé.

SECTION 2 : L’ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION DE


L’ETAT

L’ordonnance n°99-56 du 22 novembre 1999 détermine


l’organisation générale de l’administration civile de l’Etat et fixe
ses missions.
Même si elle ne s’applique pas à l’Assemblée Nationale, aux
Cours et Tribunaux, elle s’applique aux administrations assurant
la supervision de ces mêmes institutions suivant les dispositions
de l’ordonnance précitée (art 3).
L’administration civile de l’Etat comprend :
- les services centraux
- les services déconcentrés
- les services décentralisés

59
- les programmes et projets publics.

PARAGRAPHE 1 : LES SERVICES CENTRAUX

Ils sont constitués des institutions supérieures de l’Etat, des


administrations centrales des ministères, des organes
consultatifs et des organes d’inspection, de contrôle et
d’évaluation.

A. LES INSTITUTIONS SUPERIEURES DE L’ETAT

Elles comprennent les structures administratives chargées de


l’organisation, de la gestion et de l’appui administratif et
technique aux pouvoirs constitutionnels de l’Etat. Il s’agit
notamment des services administratifs et des institutions de la
république précitées. C’est le cas des services administratifs de
la Présidence de la République, de l’Assemblée Nationale, du
Cabinet du Premier Ministre et d’une manière générale de tous
les services administratifs des institutions de la République.
L’administration des organes constitutionnels est globalement
composée comme suit :
- un Cabinet dirigé par un Directeur de Cabinet assisté d’un
adjoint et de Conseillers ;
- un Secrétariat Général dirigé par un Secrétaire Général
assisté d’un adjoint ;
- des services rattachés (Inspections Générales et autres).

60
B. LES ADMINISTRATIONS CENTRALES DES
MINISTERES

L’administration centrale d’un ministère comprend :


- le Cabinet du ministre constitué d’un Directeur de Cabinet
et de Conseillers ;
- l’Inspection Générale des services dirigée par un Inspecteur
Général assisté d’Inspecteurs de service ;
- le Secrétariat Général dirigé par un Secrétaire Général
assisté d’un adjoint ;
- les Directions Générales ;
- les Directions Nationales qui sont intégrées dans une
hiérarchie comprenant les divisions administratives les services
et les bureaux.
Ce sont des structures dont la compétence s’étend sur
l’ensemble du territoire national. Installées dans la capitale, les
administrations centrales des ministères sont investies des
missions qui présentent un caractère national dont l’exécution en
vertu de la loi ne peut être concédée à un échelon territorial.
Les administrations centrales des ministères ont pour principaux
objectifs de :
- préparer, élaborer et exécuter les actes et décisions politiques,
économiques, administratifs et techniques liés aux prérogatives
de direction, d’orientation, de planification et de contrôle du
ministre à l’égard du secteur dont il a la charge.
- les structures de l’administration centrale sont chargées
d’assurer les fonctions visant à garantir la pérennité de l’action
administrative et le bon fonctionnement des services publics.

61
PARAGRAPHE 2 : LES SERVICES DECONCENTRES

Ils sont des émanations locales des ministères. Ils se composent


des services extérieurs et des services rattachés.
Les services déconcentrés de l’Etat se décomposent comme
suit :
- les services de l’administration territoriale
- les services extérieurs de l’administration
- les services rattachés de l’administration.
Ils comprennent les services de l’Etat situés à l’intérieur du
territoire national et les services de l’Etat situés à l’extérieur du
territoire national.

A. LES SERVICES DE L’ADMINISTRATION


TERRITORIALE

Les services déconcentrés de l’administration assurent dans le


ressort territorial d’une circonscription administrative l’exécution
des directives des administrations centrales, des ministères dont
ils relèvent techniquement.
Pour exercer leurs missions, les services de l’administration
territoriale de l’Etat sont organisés dans le cadre de
circonscriptions administratives à savoir la région, le
département, l’arrondissement et la commune.
Ils prennent respectivement les appellations de direction
régionale, départementale et d’arrondissement.

62
Les services de l’administration territoriale sont créés par décret
pris en conseil des ministres. Leur organisation ainsi que les
modalités de leur fonctionnement sont déterminées par arrêté du
ministre.
Ils sont placés sous l’autorité hiérarchique du représentant de
l’Etat dans la circonscription administrative dont ils relèvent.
Ainsi :
- dans la région, les services techniques déconcentrés de l’Etat
sont placés sous l’autorité du gouverneur. Il est assisté dans
l’accomplissement de ses fonctions par les Secrétaires
Généraux, les Préfets, les Directeurs et Chefs de services
régionaux et d’autres organes qui peuvent être créés dan le
cadre de la décentralisation.
Ils coordonnent et contrôlent l’action des Chefs de services
déconcentrés du département.
- Dans l’arrondissement, les services déconcentrés de l’Etat
sont placés sous l’autorité hiérarchique du Sous-préfet qui est
le représentant de l’Etat dans l’arrondissement. Ce dernier est
placé sous l’autorité hiérarchique du Préfet dont il est le
subordonné. Il est assisté par les Chefs de services
déconcentrés et d’autres organes qui peuvent être créés dans le
cadre de la déconcentration.
Les services déconcentrés d’un même ministère entretiennent
des relations hiérarchiques suivant le niveau de la circonscription
administrative.

63
Les services déconcentrés de ministères différents entretiennent
des relations de collaboration entre eux quelque soit le niveau de
la circonscription administrative.
Les services de l’administration de l’Etat peuvent concourir par
leur appui technique aux projets de développement économique,
social et culturel des collectivités territoriales qui en font la
demande.

B. LES SERVICES DE L’ETAT A L’EXTERIEUR DU


TERRITOIRE
NATIONAL

Ils sont créés par décret pris en conseil des ministres et se


composent notamment d’ambassades, de représentations
permanentes auprès d’organisations internationales, de
consulats généraux, de consulats de plein exercice et de consulat
honoraire.

C. LES SERVICES RATTACHES

Les services rattachés assurent en général leur prestation dans


un secteur particulier d’activités. Ils sont dotés en raison des
exigences et de la technicité de leur mission d’une organisation
structurelle et d’un régime de fonctionnement qui leur sont
propres.
Ils sont créés par décret pris en conseil des ministres.
L’organisation et le fonctionnement sont fixés par décret pris en
conseil des ministres lorsqu’ils sont rattachés au cabinet du

64
ministre, à une direction nationale. Ils sont fixés par arrêté du
ministre lorsqu’ils rattachés à un service de l’administration de
l’Etat.

D. LES STRUCTURES DECENTRALISEES

Les missions des structures décentralisées sont dévolues par la


loi et concernent soit l’échelon territorial, soit une mission
spécifique des services publics.
Les structures décentralisées sont des collectivités territoriales,
des entreprises et des établissements publics.

PARAGRAPHE 3 : LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

La loi n°2001-023 du 1er août 2001 portant création des


circonscriptions administratives et des collectivités territoriales
institue trois niveaux de décentralisation que sont les régions, les
départements et les communes qui sont érigés en collectivités
territoriales.
Les régions sont au nombre de 7 d’après la loi n° 98-31 du 14
septembre 1998 portant création des régions et fixant leurs
limites et la dénomination des régions, notamment de leur chef
lieu.
Cependant, la Communauté Urbaine de Niamey a rang de
région.
Les départements sont au nombre de 36 d’après la loi n°98-30
du 14 septembre 1998. Les communes quant à elles sont au
nombre de 265.

65
Les circonscriptions territoriales présentent les caractéristiques
suivantes :
- la capacité juridique, c'est-à-dire l’aptitude à acquérir des droits
ou des obligations notamment le droit de passer des contrats ou
d’ester en justice pour défendre ses droits.
- la personnalité financière, en particulier le droit de percevoir
des taxes pour couvrir ses dépenses dans le cadre d’un budget
établi.
- le patrimoine, c'est-à-dire le droit de disposer d’un domaine, de
bâtiments, de véhicules et autres.
Ce sont des personnes juridiques et comme telles, elles
disposent des attributions de la personnalité juridique.
En outre, elles disposent d’une autonomie d’administration tout
comme leur gestion est confiée à une autorité délibérante et à
une autorité exécutive, toutes deux résultant d’un processus
électoral.
Ce sont des personnes publiques qui à ce titre bénéficient de
privilèges exceptionnels tels que l’impossibilité d’être exposé à
des voies d’exécution.
Ce sont des personnes territoriales qui ont une compétence très
large, mais limitée aux affaires intéressant les affaires des
habitants de leurs circonscriptions.
Le principe de la communalisation intégrale du territoire national
a été retenu avec la création de 52 communes urbaines et 213
communes rurales selon la loi n°2002-014 portant création des
communes et fixant le nom de leur chef lieu.

66
Les décideurs ont privilégié le principe de la progressivité dans la
mise en œuvre de ce schéma.
De ce fait, seules les communes seront installées dans une
première étape. Quant aux régions et aux départements, en tant
que collectivités, seront installés ultérieurement.
La loi n°2002-012 du 11 juin 2002 détermine les principes de la
libre administration des collectivités territoriales de même que
leurs compétences et leurs ressources.
Elles sont dotées chacune d’un organe délibérant et d’un
organe exécutif qui sont élus et des services propres.

PARAGRAPHE 4: LES ENTREPRISES ET


ETABLISSEMENTS PUBLICS

Les entreprises et établissements publics poursuivent une


mission spécifique de service public. Ils disposent d’un organe
délibérant à savoir le conseil d’administration ayant à sa tête un
président nommé par décret pris en conseil des ministres et d’un
organe dirigeant à savoir le directeur général nommé par décret.

PARAGRAPHE 5 : LES PROGRAMMES ET PROJETS


PUBLICS

Dans le cadre de l’action de développement économique, social


et culturel, l’Etat peut ériger une ou plusieurs activités sous
forme de programmes ou projets dont les objectifs, l’organisation
et le fonctionnement sont précisés par des textes réglementaires.

67
DEUXIEME PARTIE : THEORIE GENERALE DE L’ACTION
ADMINISTRATIVE

Cette expression regroupe en fait trois réalités :


D’abord il s’agit de parler des différents types d’actions
administratives. Ensuite il s’agit d’évoquer les organes qui sont
chargés de cette action administrative. Enfin, il est question
d’examiner les moyens juridiques de cette action.

TITRE 1 : LES TYPES D’ACTIONS ADMINISTRATIVES

68
L’administration a deux tâches essentielles. D’une part elle
assure le maintien de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité
publique en surveillant et en réglementant les activités des
particuliers, cette mission étant dévolue à la police administrative.
D’autre part, elle se charge de pourvoir à la satisfaction des
besoins d’intérêt général grâce aux multiples moyens
d’intervention qu’elle détient ou qu’elle confie à des tierces.
Comme on le sait, ce sont les services publics qui se chargent de
cette mission prestative.
Dans le contexte africain la première préoccupation a prévalu
sur la seconde.
En effet, comme le reconnaissent la plupart des auteurs, tous les
Etats africains portent la marque du fait colonial. Lorsqu’ils ont
accédé à l’indépendance, ces Etats ont hérité d’une
administration dont les principes directeurs se référent aux
traditions et règles étrangères à ce continent et dont les finalités
étaient définies en fonction des intérêts du développement des
pays concernés.
Cela n’est pas étonnant dans la mesure où tous les systèmes
administratifs coloniaux obéissent à une logique de domination. Il
s’agissait avant tout d’assurer la souveraineté de l’Etat
colonisateur.
Ayant pour principal objectif et unique souci le respect de
l’ordre public et la défense des intérêts métropolitains, ces
administrations étaient par nature autoritaires.

69
Cet autoritarisme n’a disparu qu’avec l’accession des Etats
africains à l’indépendance. Bien au contraire, les conditions dans
lesquelles elle est intervenue ne pouvaient que la renforcer.
En effet, l’administration nigérienne de l’époque était beaucoup
plus une administration de souveraineté qu’une administration de
mission, voire de développement et les titulaires du pouvoir tant
au niveau national que local détenaient des pouvoirs exorbitants.

CHAPITRE 1 : LA POLICE ADMINISTRATIVE

Cette expression de police a revêtu plusieurs significations dans


l’histoire et même à notre époque elle correspond à trois sens
précis :
- d’abord le terme police s’analyse en un service public. C’est en
ce sens qu’on parle de service de police ou de force de police.
- ensuite cette expression équivaut à l’idée d’une réglementation
juridique quelconque d’où l’expression « Etat de police ».
- enfin, dans un troisième sens, la police administrative est une
activité administrative qui poursuit un but précis à savoir le
maintien de l’ordre public avec application d’un régime spécial.
Cela dit, on étudiera tour à tour la notion de police
administrative, les autorités de police administrative, les modalités
d’exercice des pouvoirs de police, les limites des pouvoirs de
police et les extensions exceptionnelles des pouvoirs de police.

SECTION 1 : LA NOTION DE POLICE ADMINISTRATIVE

70
La police administrative se définit par les buts ou objectifs en
vue desquels elle est exercée. C’est un ensemble de mesures à
caractères réglementaire ou individuel ayant pour objet d’assurer
le bon ordre, la tranquillité ou la salubrité publique.
Aussi, y a-t-il lieu de distinguer d’une part la police administrative
de la police judiciaire et d’autre part la police administrative
générale des polices administratives spéciales.

PARAGRAPHE 1: DISTINCTION POLICE


ADMINISTRATIVE ET POLICE
JUDICIAIRE

La police judiciaire consiste dans la recherche des infractions


pénales et de leurs auteurs pour les faire traduire par les soins
du ministère public devant les tribunaux judiciaires.
La police administrative quant à elle consiste au contraire à
prendre et à faire respecter toutes les mesures nécessaires au
maintien de l’ordre.
La police administrative est préventive alors que la police
judiciaire est répressive.
La police administrative relevant du pouvoir réglementaire de
l’administration est soumise au contrôle du juge administratif.
A l’inverse, la police judiciaire exercée sous l’autorité du
Procureur de la République relève du contrôle des tribunaux
judiciaires.
Cependant, il existe des cas de dédoublement fonctionnel où les
mêmes autorités (par exemple le préfet ou le maire) agissent

71
tantôt comme autorité ou agent de police administrative tantôt
comme autorité de police judiciaire.
Pour les dissocier, il faudrait recourir au critère finaliste qui a été
retenu par le juge (C.E, 24 juin 1960, Société Frampar).

PARAGRAPHE 2 : POLICE ADMINISTRATIVE


GENERALE ET
POLICES ADMINISTRATIVES
SPECIALES

L’expression « police générale » est ambiguë et équivoque. A


l’origine, elle était appréhendée comme la police générale de
l’Etat englobant la prévention des menées révolutionnaires.
Actuellement, la notion de police générale est restreinte aux
buts qui lui sont assignés par la loi ou les règles en vigueur.
La police administrative générale comprend l’ensemble des
pouvoirs donnés d’une façon générale aux autorités de police en
vertu du maintien de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité
publique.
Par ailleurs, on dit qu’il y a polices spéciales lorsqu’un ordre
déterminé d’activités des citoyens peut faire l’objet de limitations
particulières, lesdites autorités ayant reçu en cette matière des
pouvoirs particuliers en vertu d’une loi (par exemple en France la
police des chemins de fer ou la police des jeux).

SECTION 2 : LES AUTORITES DE POLICE

On entend par autorités de police l’ensemble des autorités


administratives qui ont compétence pour prendre des décisions à

72
portée générale ou individuelle entrant dans le domaine de la
police administrative.

PARAGRAPHE 1 : DANS LE CADRE DE LA POLICE


GENERALE

On distingue deux sortes d’autorités. Certaines agissent au


nom de l’Etat, d’autres au nom de la collectivité locale
décentralisée.

A. AUTORITES AGISSANT AU NOM DE L’ETAT

Au niveau central, il s’agit principalement du Président de la


République et du Premier Ministre, ce dernier agissant en tant
qu’autorité délégataire.
A l’échelon régional il s’agit du gouverneur et au niveau
départemental c’est le préfet qui exerce les pouvoirs de police
générale au nom de l’Etat. Dans les arrondissements ce pouvoir
est exercé par le sous-préfet.

B. AUTORITES AGISSANT AU NOM DE LA


COMMUNE

Dans une municipalité, c’est le maire qui exerce les pouvoirs de


police mais il est tenu de le faire sous la surveillance de l’autorité
de tutelle compétente, c'est-à-dire en principe le préfet.

73
PARAGRAPHE 2 : AUTORITES DE POLICES SPECIALES

Les polices spéciales sont exercées par diverses autorités


administratives déterminées par les textes par exemple le maintien
de l’ordre dans les locaux universitaires est confié au recteur de
l’université.

PARAGRAPHE 3 : COMBINAISON DES POUVOIRS DES


AUTORITES DE POLICE

La pluralité des autorités de police et leur superposition


géographique entraînent des chevauchements.
En effet, lorsqu’en une matière déterminée plusieurs autorités
de police ont reçu concurremment le pouvoir de limiter les
activités des administrés, à laquelle de ces réglementations le
citoyen doit-il obéir ?
D’autre part, dans quelle mesure ces réglementations peuvent-
elles se combiner ?
Pour répondre à cette question il y a deux hypothèses à
envisager.

A. EN CAS DE CONCOURS DE DEUX POLICES


GENERALES

La solution est la suivante : l’autorité qui a une compétence


géographique plus limitée ne peut pas assouplir une mesure prise
par une autorité qui a une compétence géographique plus
étendue.

74
Au contraire, elle peut la renforcer si les circonstances locales le
justifient.

B. EN CAS DE CONCOURS D’UNE POLICE GENERALE


ET D’UNE POLICE
SPECIALE

On distingue ici deux cas à étudier selon que le concours est


impossible ou selon qu’il est possible.

1. Le concours est impossible

C’est le cas de la police spéciale prévue par le législateur qui


exclut tout recours à la police générale (exemple en France la
police des chemins de fer est de la compétence exclusive du
ministère des transports).

2. Le concours est possible

C’est l’hypothèse où une mesure prise par une autorité de police


spéciale peut être aggravée par une autorité de police générale.
C’est ainsi que dans sa commune, le maire qui est une autorité de
police générale (maintien de l’ordre public et préservation des
bonnes mœurs) peut interdire la projection d’un film dont le
ministre de l’information et de la culture (autorité de polices
spéciales) avait autorisé la diffusion.

75
SECTION 3 : LES MODALITES D’EXERCICE DES POUVOIRS
DE POLICE

L’action de police administrative revêt toujours la forme de


prescription unilatérale. En effet, les actes de police
administrative sont essentiellement unilatéraux. En particulier
police et contrat sont deux notions qui s’excluent.
Les actes de police administrative sont préventifs, c'est-à-dire
qu’ils visent à empêcher le désordre. Ils sont obligatoires et non
facultatifs. Ils ne sont pas créateurs de droit et peuvent par
conséquent faire l’objet d’un retrait.
Enfin, ils échappent au principe des droits de la défense.

SECTION 4 : LES LIMITES DU POUVOIR DE POLICE

Le respect de l’ordre public commande que les autorités de


police puissent bénéficier d’une grande liberté dans l’édiction de
certaines mesures de police. D’autre part, la prise en
considération des droits individuels et surtout des libertés
publiques conduit à enfermer l’action des autorités de police
dans des limites bien précises.
Le compromis entre ces deux préoccupations contradictoires a
été recherché à deux niveaux :
- d’abord au niveau de l’activité sur laquelle porte la
réglementation.
- ensuite au niveau de la prise en compte des circonstances dans
lesquelles s’exercent le pouvoir de police.

76
PARAGRAPHE 1. DOMAINE D’INTERVENTION DU POUVOIR DE
POLICE

Il s’agit de la nature de l’activité, objet de la réglementation


(manifestation sur la voie publique). Celle-ci peut être regroupée
sous trois rubriques :
- activités illicites : elles sont prohibées et l’autorité de police
intervient pour préciser la portée de l’interdiction légale.
- activités révélant le caractère d’une simple faculté : ce sont des
activités qui, bien que non prohibées, n’ont pas le caractère
d’une liberté publique (par exemple manifestation sur la voie
publique). L’autorité de police dispose d’un pouvoir
discrétionnaire pour interdire, autoriser ou réglementer cette
activité.
- activités revêtant le caractère d’une liberté publique : l’exercice
du pouvoir de police est étroitement limité dans cette dernière
hypothèse.
Cette restriction du pouvoir de police varie selon qu’il s’agit
d’une liberté publique simplement relative comme c’est le cas par
exemple de la liberté du commerce et de l’industrie.
En effet, la liberté du commerce et l’industrie est exprimée en
termes généraux, c'est-à-dire moins clairs et précis qu’une liberté
publique fondamentale comme celle de réunion, d’aller et revenir,
qui sont des libertés garanties et protégées autant par la
constitution que par le juge.

PARAGRAPHE 2. NATURE DE LA SITUATION OBJET DE LA


REGLEMENTATION

77
Les mesures de police administrative emportent comme
conséquences la limitation de la liberté des citoyens. Elles ne
doivent pas cependant aller au delà de ce qui est nécessaire à la
réalisation des objectifs de maintien de l’ordre. C’est la raison
pour laquelle le contrôle exercé par le juge est très étendu en ce
domaine.
C’est l’un des rares domaines où le juge administratif exerce non
seulement un contrôle de légalité mais également d’opportunité
des décisions administratives puisque selon un dicton célèbre,
dans cette matière spéciale, la liberté est la règle alors que la
restriction imposée par les mesures de police est l’exception.
Il s’agit d’un contrôle minutieux exercé par le juge. Celui-ci
recherche si la mesure de police a été prise dans le but prévu par
le législateur, c'est-à-dire en vue d’assurer le maintien de l’ordre,
en particulier, les conditions nécessaires pour l’édiction et
l’usage d’une telle mesure doivent être réunies.
La légalité et l’opportunité des pouvoirs de police se trouvent
ainsi soumises aux circonstances de lieu (lieu public, lieu privé,
lieux semi-public et semi-privé) et de temps (période normale et
période de crise).
Enfin, la mesure de police doit être exactement adaptée aux
circonstances. C’est ainsi que le juge administratif apprécie,
compte tenu des circonstances de lieu et de temps si la mesure
prise était ou non indispensable ou nécessaire au maintien de
l’ordre et au résultat recherché (voir C.E, 19 mai 1933,
Benjamin).

78
SECTION 5. LES EXTENSIONS EXCEPTIONNELLES DES
POUVOIRS DE POLICE

Les exigences du maintien de l’ordre sont fonction des


circonstances. C’est ainsi qu’en période de troubles, il se révèle
indispensable d’avoir des pouvoirs de police. Cette aggravation
des mesures de police peut être le fait du juge en vertu de la
théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles.
Elle peut aussi être le fait du législateur qui s’y réfère dans des
cas précis tel l’état d’urgence, l’état de siège ou l’état
d’exception.

PARAGRAPHE 1. L’ETAT DE SIEGE

Il s’agit d’une situation anormale extrêmement grave qui entraîne


non seulement un transfert mais également un accroissement des
pouvoirs de police.

A. IL S’AGIT D’UNE PART D’UN TRANSFERT DES


COMPETENCES DE POLICE

Cela signifie que les pouvoirs de police qui appartiennent


normalement aux autorités civiles se trouvent pour la plupart
transférés aux autorités militaires.
En outre, la compétence des tribunaux militaires se trouve
également étendue puisque ces derniers peuvent être saisis
quelque soit la qualité des auteurs principaux ou des complices,
de la connaissance des crimes et délits.

79
B. IL S’AGIT D’AUTRE PART D’UN ACCROISSEMENT DES
POUVOIRS DE POLICE

Il en est ainsi puisque l’autorité militaire reçoit des pouvoirs


exceptionnels pouvant la conduire à procéder à des perquisitions
de jour et de nuit dans le domicile des citoyens ainsi qu’à
interdire les publications et les réunions susceptibles d’exciter ou
d’entretenir le désordre. Il s’agit là d’une catégorie juridique qui
n’est pas expressément prévue par le droit nigérien. C’est plutôt
l’état d’exception, prévue par l’article 55 de la constitution de la
3ème république qui se rapproche de cette situation.
PARAGRAPHE 2. L’ETAT D’URGENCE

Dans le cas précis du Niger, l’état d’urgence est prévu par la


constitution du 26 décembre 1992 qui dispose en son article 56 :
« le Président de la République proclame l’état d’urgence dans
les conditions déterminées par la loi ».
Ces dispositions ont été reprises par la constitution du 12 mai
1996 (4ème république) dans les termes suivants en son article
54 : « le Président de la République proclame, après délibération
du conseil des ministres, l’état d’urgence dans les conditions
déterminées par la loi ».
Au Niger, c’est la loi n°98-024 du 11 août 1998 qui porte
réglementation de l’état d’urgence.
C’est le lieu de rappeler qu’en France l’avènement de l’état
d’urgence (loi du 3 avril 1955 modifiée par celle du 7 août 1955

80
et par l’ordonnance du 15 janvier 1960) est lié à la situation
créée par les troubles en Algérie.
L’état d’urgence est un régime restrictif des libertés publiques
pouvant être appliqué par une loi sur tout ou partie du territoire
national, caractérisé surtout par l’extension des pouvoirs
ordinaires de police des autorités civiles.
En matière d’état d’urgence, la loi du 11 août 1998 obéit au
schéma classique et s’apparente largement à la réglementation
française.

A. S’AGISSANT DE LA PROCLAMATION

L’état d’urgence peut être déclaré soit en cas de péril imminent


résultant d’atteintes graves à l’indépendance de la nation,
l’intégrité du territoire et à l’ordre public, soit en cas
d’évènements présentant par leur nature et leur gravité le
caractère de calamité publique.
L’état d’urgence est déclaré par décret pris en conseil des
ministres. Sa prorogation au-delà de 15 jours (en France c’est
12 jours) ne peut être autorisée que par la loi.

B. S’AGISSANT DES EFFETS DE L’ETAT D’URGENCE

Les pouvoirs de police des autorités civiles (ministres,


gouverneurs et préfets) sont considérablement étendus.
Outre la restriction de la liberté d’aller et venir, des mesures
d’assignation à résidence peuvent être prononcées (articles 3 et
4).

81
Toutefois, les personnes à l’encontre desquelles sont
prononcées de telles mesures peuvent en demander le retrait et
en cas de maintien un recours pour excès de pouvoir peut être
formulé (article 5 al.1er et 3).
Enfin, pour ce qui est de la cessation de l’état d’urgence, elle
intervient lorsque la durée pour laquelle il est prévu est écoulée.
Les mesures prises cessent alors d’avoir d’effets (article 11).
Dans certains Etats comme le Cameroun par exemple, la
pratique fait apparaître que l’état d’urgence a été décrété et
même prolongé plusieurs fois sur certaines parties du territoire
national. Mais dans ce pays, comme le relève un auteur, le plus
surprenant est que le recours constat à l’état d’urgence n’a pas
donné lieu à une retentissante jurisprudence administrative des
circonstances exceptionnelles (Joseph Owona,
« l’institutionnalisation de la légalité d’exception dans le droit
public camerounais », revue camerounaise de droit, page 116).
Il est important de souligner que l’état d’urgence proclamé sur
une partie du territoire national emporte cependant des
conséquences sur l’ensemble du territoire national, à cause de
l’élargissement des attributions du ministre de l’intérieur, des
gouverneurs, des préfets, des sous-préfets et de toutes les
autres unités administratives.
En effet, ces différentes autorités peuvent prendre des mesures
individuelles, tel que l’éloignement des individus et repris de
justice, la réglementation du séjour en zone de protection ou de
sécurité, la garde à vue, les autorisations de réquisition et des

82
mesures générales telle que l’interdiction de toutes les réunions
et publications de nature à entretenir le désordre.
En particulier, il y a l’extension des juridictions militaires aux
zones soumises à l’état d’urgence, et à l’ensemble du territoire
pour les affaires expressément réglementées, avant tout
jugement définitif par le ministre des forces armées avec
application de la loi pénale et des règles de procédures spéciales
à l’état d’urgence.
C’est ainsi qu’il pourrait y avoir par exemple substitution des
officiers supérieurs des forces armées aux magistrats, membres
des forces armées.

CHAPITRE 2 : LES SERVICES PUBLICS

L’administration est constituée par un regroupement de plusieurs


services publics. La notion de service public a joué un rôle
important dans le développement et l’évolution du droit
administratif.
En effet, pendant longtemps, la notion de service public a servi non
seulement à personnaliser l’administration, mais aussi et surtout,
pour les auteurs se réclamant du service public, cette notion était
considérée comme le champ d’application du droit administratif et
de la compétence des juridictions administratives.
Cet intérêt a disparu à l’heure actuelle à la suite des controverses
nées autour de cette notion, conséquence de la diversification des
tâches de l’Etat et de la multiplicité de ses procédés d’intervention

83
si bien que la notion de service public est appréhendée
actuellement comme une simple technique d’actions administratives.

SECTION 1. LA NOTION DE SERVICE PUBLIC

L’expression de service est ambiguë et équivoque, en ce sens


qu’elle est prise dans des acceptions différentes selon qu’elle est
appréhendée par le juriste, par le politicien ou par l’homme de la rue.

PARAGRAPHE 1. LA CONCEPTION CLASSIQUE DU SERVICE


PUBLIC

Dans sa donnée première, la notion de service public fait appel à


deux éléments : il s’agit d’une part de l’élément organique et d’autre
part de l’élément matériel.
Au sens matériel, on peut définir le service public comme « une
activité exercée par une personne morale de droit public ou sous
son contrôle en vue de pourvoir à la satisfaction d’un besoin
d’intérêt général ».
Le critère organique quant à lui se réfère à la personne publique qui
crée ou gère l’activité alors qu’avec le critère matériel, l’accent est
mis sur la prestation à fournir.
La conception objective et fondée sur l’idée qu’il existe des
services publics par nature, c'est-à-dire des activités qui de façon
intrinsèque relèvent de l’intérêt général et doivent être érigées en
service public. C’est ce que disait le commissaire du gouvernement
Matter dans ses conclusions sous l’arrêt du T.C en date du 2
février 1921 dans des termes suivants « certains services sont de la

84
nature de l’essence même de l’Etat ou de l’administration
publique. ».
Autre chose est la conception subjective qui fait appel à la volonté
de l’Etat. En effet, avec cette théorie, c’est l’Etat, seul juge des
exigences de l’intérêt général qui apprécie discrétionnairement de
donner lieu à la création d’un service public. C’est ce que disait l’un
des pères fondateurs de l’école du service public Gaston Jèze
dans les propos suivants : « sont uniquement, exclusivement services
publics, les besoins d’intérêt général que les gouvernants d’un pays
donné à un moment donné ont décidé de satisfaire par le procédé
du service public, l’intention des gouvernants est seule à
considérer ».
Toutes ces différences d’approche montrent la difficulté qu’il y a à
définir de façon précise le service public. En réalité, sur ce point, la
jurisprudence est tâtonnante. Elle se réfère à ce qu’il est permis
d’appeler un faisceau d’indice. En effet, ni la conception classique,
ni les approches objectives ou subjectives n’ont jamais cadré
parfaitement avec les données du droit positif.

PARAGRAPHE 2. L’EVOLUTION DE LA NOTION DE SERVICE


PUBLIC

Les éléments retenus par la conception classique des services


publics se sont étiolés au fil des âges en ce sens que tous ont perdu
de leur pureté et de leur caractère intrinsèque.
Il n’y a plus désormais qu’une différence de degré et non de nature
quant au but poursuivi par un service public et un service privé. En
effet, un même besoin d’intérêt général peut être satisfait aussi bien

85
par un service public que par un service privé. C’est ainsi qu’un
service d’intérêt général comme celui des transports est assuré
aussi bien par un service public et c’est le cas de la SNTN que
par un groupement corporatiste à l’image du syndicat national des
transporteurs du Niger. L’un et l’autre obéissent à une
réglementation imposée par la loi.

B. DILUTION DE L’ELEMENT ORGANIQUE

Le critère organique signifie le rattachement du service public à


l’administration et surtout, il constituait un complément du critère
vague et flou de l’intérêt général, notion politico-juridique aux
contours imprécis.
Ce deuxième critère a perdu de son caractère opératoire puisqu’à
l’heure actuelle, un service public n’est plus nécessairement géré par
une personne publique. C’est par exemple le cas de la concession
des services publics, mais aussi et surtout des services publics
industriels et commerciaux (SPIC).

C. DILUTION DU REGIME JURIDIQUE

Tout service public doit être soumis à un régime juridique


dérogatoire au droit commun, c'est-à-dire qu’il doit être soumis au
droit administratif. C’était en tout cas le principe cardinal des
auteurs qui se réclamaient de l’école du service public. Celui-ci a
trouvé l’application concrète avec l’arrêt du T.C du 8 février 1873
(Dalloz, 1873, conclusions David).

86
Avec l’immixtion de l’administration dans les activités relevant du
secteur commercial et industriel, il y a eu une progressive
renonciation aux prérogatives de puissance publique,
l’administration agissant de ce fait comme un simple particulier et
son action est dès lors régie par les règles de droit privé.
Il importe de souligner que dans le contexte africain, les dirigeants
se soucient plutôt d’efficacité et ont de ce fait une conception du
service public purement opérationnelle en ce sens que seul compte
pour eux l’objectif recherché à savoir contribuer au développement
économique du pays.
Dans cette optique, l’analyse des structures internes de ces
services, le jeu de leurs rapports externes et internes est très
secondaire par rapport au but assigné et cela cadre parfaitement
avec la philosophie politique des Etats africains qui appréhendent
le droit administratif comme une technique organisationnelle et non
une science relationnelle.

SECTION 2. LE REGIME JURIDIQUE DU SERVICE PUBLIC

Parler du régime juridique des services publics revient à s’interroger


sur la création et l’organisation de ces services avant de se pencher
sur les principes qui régissent leur fonctionnement.

PARAGRAPHE 1. CREATION ET ORGANISATION DES SERVICES


PUBLICS

87
Une distinction s’impose selon qu’il s’agit de services publics
nationaux dépendant de l’Etat ou de services publics locaux placés
sous la juridiction des collectivités locales.

A. AU NIVEAU NATIONAL

La création des services publics relève du domaine réglementaire.


En effet, l’article 53 de la constitution du 26 décembre 1992
dispose : « le Président de la République est le chef de
l’administration. ». On peut en déduire qu’il est de ce fait juge de
l’opportunité de la création ou non d’un service public.
Cette disposition a été reprise par toutes les constitutions
successives notamment celle du 12 mai 1996 et celle du 9 août
1999.

B. AU NIVEAU LOCAL

En théorie, la décentralisation étant effective au Niger depuis les


élections du 24 juillet 2004, les services publics communaux doivent
être créés par l’assemblée délibérante de chaque municipalité.
Dans cette perspective de décentralisation réelle, certaines
créations de service public sont facultatives alors que d’autres sont
obligatoires comme par exemple la police municipale.
PARAGRAPHE 2. ORGANISATION DES SERVICES PUBLICS

D’entrée de jeu il convient de souligner que l’organisation des


services publics, sauf compétence expressément réservée au
législateur relève du domaine réglementaire.

88
Cette compétence d’organiser les services publics appartient non
seulement au gouvernement envisagé dans sa totalité mais
également à chaque ministre pris individuellement et c’est d’ailleurs
le seul domaine où les ministres possèdent de plein droit le pouvoir
réglementaire.

SECTION 3. LES PRINCIPES COMMUNS A TOUS LES SERVICES


PUBLICS

Ceux-ci sont au nombre de trois :


- le principe de continuité
- le principe d’égalité
- le principe d’adaptation

PARAGRAPHE 1. LE PRINCIPE DE CONTINUITE

Pour satisfaire aux exigences de l’intérêt général, les services


publics doivent fonctionner de manière ininterrompue quelques
soient par ailleurs les circonstances.
Comme l’a écrit par ailleurs le professeur Charles
DEBBASCH « les services publics ayant été créés pour la
satisfaction d’un intérêt général particulièrement important, on ne
saurait admettre des services publics à l’éclipse.» (Charles
Debbasch : droit administratif, page 217).
En effet, si une activité a été élevée au rang de service public, c’est
bien parce qu’elle présente un caractère particulièrement important
au regard de l’intérêt général. Il faut donc que le service public
fonctionne à tout prix. C’est la raison pour laquelle pendant très

89
longtemps c’est sur le principe de la continuité du service public que
s’est appuyée l’interdiction de toute grève des fonctionnaires.
De nos jours, on admet le droit de grève mais en le tempérant par la
notion de service minimum.

PARAGRAPHE 2. LE PRINCIPE DE L’EGALITE DES USAGERS


DEVANT LE SERVICE PUBLIC

Cette règle d’égalité devant le service public est une extension en


ce domaine du principe d’égalité devant la loi et les règlements posé
par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
La règle de l’égalité signifie que tous les usagers doivent être
traités de la même façon sans aucune discrimination dans la mesure
où ces derniers se trouvent dans une situation comparable au
regard du service public (voir Carbajo : remarques sur l’intérêt
général et l’égalité des citoyens devant le service public, AJDA,
1982, page 176).
Le principe de l’égalité des usagers devant le service public
appartient à la catégorie des principes généraux du droit (C.E, 9
mars 1951, Société de concerts du conservatoire).
Ce principe qui ne souffre d’aucune exception en ce qui concerne
les services publics administratifs voit néanmoins sa portée limitée
en ce qui concerne le domaine des services publics industriels et
commerciaux (SPIC).

PARAGRAPHE 3. LE PRINCIPE D’ADAPTATION DU SERVICE


PUBLIC

90
Ce principe autrement appelé la loi du changement signifie que
l’administration qui a en charge un service public doit pouvoir le
modifier afin de l’adapter aux exigences de l’intérêt général.
La règle d’adaptation revêt plusieurs aspects : d’une part l’usager
peut se voir imposer des modifications dans le fonctionnement du
service lorsque l’intérêt général le commande (C. E, 27 janvier
1961, Vannier).
En contrepartie, l’administration serait tenue pour fautive si elle ne
procéderait pas aux changements nécessaires.
D’autre part, comme on le verra plus loin, le pouvoir de modification
que possède l’administration dans l’exécution des contrats
administratifs trouve son fondement et ses limites dans les
nécessités d’adaptation du service public (C. E, gaz de Delville-
les Drouon).

SECTION 4. MULTIPLICITE DES SERVICES, DIVERSIFICATION


DES REGIMES JURIDIQUES

Les services publics s’étant diversifiés, il n’existe en réalité plus de


régime juridique uniforme commun à l’ensemble de toutes les
catégories de services publics administratifs et les services publics
industriels et commerciaux. Chacune de ces catégories de services
publics a son régime juridique propre.

PARAGRAPHE 1. LE REGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS


ADMINISTRATIFS

91
C’est le lieu de rappeler que le service public a pendant longtemps
revêtu la forme d’un service public géré par l’administration : service
public administratif.
Ici l’application du droit public est de règle et les agents sont
considérés comme des agents publics. Un service public
administratif peut prendre des décisions exécutoires, c'est-à-dire
des actes administratifs unilatéraux. Il peut recourir à des procédés
exorbitants du droit commun telle que l’expropriation ou la
réquisition.
Les usagers du service public administratif sont placés dans une
situation légale et réglementaire de droit public. Il est important de
souligner qu’en cas de litige, le contentieux relève des juridictions
administratives. De façon exceptionnelle, cependant, le droit privé
peut s’appliquer aux services publics administratifs lorsque ceux-ci y
reconnaissent. Par exemple En cas de passation d’un contrat de
fourniture ou de recrutement d’agent sur la base d’un contrat.

PARAGRAPHE 2. LE REGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS


INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

La définition des services publics industriels et commerciaux n’est


pas facile (voir les arrêts Chabrier dans le JCP 1955 Vol I PP
1210/1220). C’est surtout la jurisprudence qui y a beaucoup
contribué. Celle-ci exige en général que deux conditions soient
réunies pour qu’un service soit qualifié d’industriel et commercial. Il
s’agit d’une part de l’objet du service qui doit être commercial et
d’autre part, il s’agit de son mode de fonctionnement.

92
Dans cette optique le service doit être organisé et géré dans des
conditions identiques à celles des organismes privés. Les services
publics industriels et commerciaux sont soumis à un régime mixte
combinant des éléments de droit privé et ceux du droit public. Alors
que les éléments de droit privé s’expliquent par le caractère
commercial des activités, ceux de droit public se justifient par la
notion de service public. En fait selon VEDEL, la jurisprudence
a surtout adapté un critère empirique (C.E 8 mars 1957, Dalloz, P
378).
S’agissant des services publics industriels et commerciaux les
éléments suivants relèvent du droit privé :
- personnel
- contrats avec les fournisseurs et avec les usagers
- actions en responsabilité tant à l’égard des usagers qu’à
l’égard des tiers.
D’autre part, les éléments suivants relèvent du droit public :
- personnel de direction, c'est-à-dire le DG du SPIC, son
comptable lorsqu’il a la qualité de comptable public ;
- cependant une précision s’impose : si le détachement d’un
fonctionnaire auprès d’un service ne porte pas atteinte à son
statut, par contre certains éléments de celui-ci s’en
trouveraient altérés. Il en est ainsi des conditions de sa
nouvelle fonction, de la limite d’âge imposée par sa nouvelle
fonction et sa rémunération ;
- également certains contrats avec des fournisseurs lorsqu’ils
renferment un clause exorbitante du droit commun.

93
94
TITRE 2 : LES ORGANES DE GESTION DE L’ACTION
ADMINISTRATIVE

Diverses modalités sont employées par l’Etat et les collectivités


territoriales pour gérer les activités dont ils ont à titre principal la
responsabilité.
L’importance de ces formules varie à la fois selon le secteur
d’intervention et selon l’époque.
Si certains procédés sont rarement utilisés de nos jours (la
concession des services publics), d’autres le sont un peu plus (la
régie).
Enfin, le dernier procédé utilisé et qui constitue de loin le plus
intéressant est la formule de l’établissement public, qui va assez loin
dans le sens de l’individualisation et dans la mesure où il confère la
personnalité publique.

CHAPITRE 1 : LA GESTION DU SERVICE PUBLIC PAR UNE


PERSONNE
PRIVEE

95
C’est ce qu’on appelle traditionnellement la concession de service
public. Celle-ci consiste en un acte c'est-à-dire « un contrat par
lequel l’administration, en tant que personnalité concédante, confie
à un particulier qualifié de concessionnaire, la gestion d’un service
dont il supportera la charge, moyennant une rémunération perçue
sur les usagers ».

SECTION 1. LE CONTRAT DE CONCESSION

Celui-ci se trouve à la base de toute concession. C’est un contrat


passé par une personne publique concédant avec une personne
privée, qu’elle choisit en toute liberté et en raison de ses qualités,
ses compétences techniques et sa solvabilité.
Il importe de noter qu’en général, tout contrat de concession est
composé de deux documents :
D’une part, il s’agit des cahiers de charges dans lesquels sont
rédigés les droits et les obligations. Ces premiers documents
renferment l’accord des différentes parties.
D’autre part, le contrat de concession est un acte mixte du point de
vue de sa forme et du contenu. Il contient en effet deux catégories
de clauses, à savoir celle de nature réglementaire et celle de nature
contractuelle.

PARAGRAPHE 1. IL Y A D’UNE PART DES CLAUSES DE NATURE


REGLEMENTAIRE

Celles-ci sont relatives à l’organisation et au fonctionnement. Elles


sont les seuls faits de l’administration qui les élabore de façon

96
unilatérale. En conséquence, elles peuvent toujours être modifiées
par elle, afin de faire face aux nouvelles exigences de l’intérêt
général.

PARAGRAPHE 2. IL Y A DE L’AUTRE DES CLAUSES DE NATURE


CONTRACTUELLE

Celles-ci consistent en un ensemble de dispositions financières,


relatives à la rémunération du concessionnaire. Ces clauses ont
bien entendu pour but de contribuer à l’équilibre financier du
contrat. Elles s’imposent en revanche au concédant.

SECTION 2. L’EXECUTION DU CONTRAT DE CONCESSION

On ne saurait en parler sans faire cas des droits du


concessionnaire, ainsi que des obligations de celui-ci.

PARAGRAPHE 1. LES DROITS DU CONCESSIONNAIRE

Ceux-ci sont relatifs à la gestion du service d’une part et d’ordre


pécuniaire d’autre part.
- Ainsi, le concessionnaire a un droit exclusif d’exploitation du
service. Ce qui signifie concrètement que l’autorité administrative
concédante s’interdit désormais de passe un contrat ayant le même
objet.

97
Le concessionnaire bénéficie en outre de prérogatives de
puissance publique. Il peut par exemple recourir à l’usage
d’expropriation pour cause d’utilité publique.
- Le concessionnaire a le droit de percevoir des redevances sur les
usagers du service public et cela en vertu du droit à l’équilibre
financier qui joue dans deux hypothèses à savoir en application de
la théorie du fait du prince ou de celle de l’imprévision.
Cet équilibre financier requiert une indemnisation intégrale dans le
cadre de la théorie du fait du prince, alors que celle-ci n’est que
partielle dans l’hypothèse de l’imprévision.
En effet, dans ce dernier cas, le concessionnaire qui est un
entrepreneur doit prendre à sa charge certains aléas d’ordre
économique.

PARAGRAPHE 2. LES OBLIGATIONS DU CONCESSIONNAIRE

C’est en premier lieu l’obligation d’assurer le fonctionnement


régulier du service. Aussi, le concessionnaire doit-il se soumettre
aux diverses modifications opérées par la personne publique dans
l’intérêt général. En outre, il doit assurer la continuité du service
public. En conséquence, il ne peut donc se prévaloir des difficultés
matérielles ou pécuniaires pour se soustraire à cette obligation sauf
en application de la théorie de l’imprévision.
Enfin, le concessionnaire doit se conformer au principe d’égalité
des usagers. C’est ainsi que tout administré qui remplit les
conditions requises est en droit de réclamer des prestations du
service.

98
SECTION 3. LE CONTENTIEUX DE LA CONCESSION

Comme on l’a déjà souligné, le contrat de concession est un acte


mixte. De ce fait, le contentieux né de son exécution se trouve
automatiquement partagé entre les deux ordres de juridictions
administrative et judiciaire. C’est ainsi que la compétence du juge
administratif s’étend au litige opposant l’autorité publique
concédante aux usagers du service public concédé. Les autres
éléments relèvent de la compétence du juge judiciaire.

CHAPITRE 2. LA REGIE

On dit qu’un service public est géré en régie, lorsque c’est


l’administration qui non seulement en assure la direction de principe,
mais aussi lorsqu’elle prend elle-même en main le fonctionnement du
service, en le faisant fonctionner avec ses propres biens et ses
propres agents.
De nos jours, on distingue deux catégories de régie : simple et
intéressé.

SECTION 1. LA REGIE SIMPLE

Généralement, on admet que la régie simple est la forme normale


d’exploitation d’un service public par l’administration. Cette formule
retient l’attention en ce qui concerne le recrutement du personnel et
les biens dont use le service.

PARAGRAPHE 1. REMARQUES RELATIVES AU RECRUTEMENT


DU PERSONNEL

99
En cas de régie simple, le personnel est directement recruté par
l’Etat ou la personne publique à laquelle le service est rattaché.
En premier lieu, le personnel peut être composé de fonctionnaires
au sens strict du terme.
En second lieu, il peut s’agir d’agents placés sous un régime de
droit administratif mais n’ayant pas la qualité de fonctionnaires
comme c’est le cas par exemple des agents contractuels, des
stagiaires, des auxiliaires ou des requis.
En troisième lieu, il peut s’agir d’un personnel recruté sous un
régime de droit privé.

PARAGRAPHE 2. REMARQUES RELATIVES AUX BIENS DU


SERVICE

Normalement, en cas de régie simple, les biens qu’utilise le service


appartiennent à l’administration et sont placés sous le régime de la
domanialité publique ou de la domanialité privée.

SECTION 2. LA REGIE INTERESSEE

Selon le Doyen Georges VEDEL, « la régie intéressée se


rapproche de la régie simple en ce que c’est l’administration elle-
même qui, à l’aide d’une direction recrutée par elle, fait fonctionner
le service. Elle s’en éloigne parce que la personne ou la société
placée à la tête du service est intéressée financièrement aux
résultats de l’exploitation (Georges VEDEL, droit administratif,
PUF, P. 1129).

100
Le principal problème que pose la notion de régie intéressée est un
problème de définition. En effet, on risquerait de confondre régie
intéressée et concession de service public puisque comme nous
l’avons déjà vu, le concessionnaire est lui aussi intéressé aux
résultats de l’exploitation, car, normalement, ce sont même les
résultats de l’exploitation qui lui procurent sa rémunération. Dès
lors qu’est-ce qui distingue la régie intéressée de la concession de
service public ?
Selon Marcel WALINE (voir revue du droit public, 1948, P.
337) la différence résiderait au niveau de la rémunération.
Selon cet auteur, le régisseur intéressé est rémunéré d’une façon
substantiellement différente de celle du concessionnaire.
Ce dernier trouve normalement sa rémunération dans les bénéfices
tandis que le régisseur intéressé trouve la sienne dans son
intéressement à certains résultats d’exploitation qui ne sont pas
eux-mêmes des bénéfices.

CHAPITRE 3. LES ETABLISSEMENTS PUBLICS

Les établissements publics constituent une notion générique en ce


sens qu’il existe plusieurs sortes d’établissements publics et autant
de régimes juridiques différents. Par exemple la chambre de
commerce, d’agriculture, d’industrie et d’artisanat du Niger,
l’ENAM, la SNAR LEYMA sont autant d’établissements
publics très différents les uns des autres non seulement par l’objet
de leurs activités mais également par leurs régimes juridiques.

101
La notion d’établissements publics est donc une catégorie éclatée
dont il convient de voir la définition avant de se pencher sur les
différentes classifications.

SECTION 1. DEFINITION

On entend par établissement public : « une personne morale de


droit public chargée de la gestion d’un service public spécialisé sous
le contrôle d’une collectivité publique ». Ce qui sous-entend donc
qu’un établissement public constitue une individualité juridique
propre dont il convient d’étudier à la fois la nature juridique et le
régime juridique.

PARAGRAPHE 1. NATURE JURIDIQUE

Les établissements publics sont des personnes morales puisqu’ils


sont dotés de la personnalité juridique. C’est la raison pour laquelle
ils ont une autonomie administrative et financière.
Cependant, il convient de souligner qu’ils sont toujours rattachés à
une collectivité territoriale tels que l’Etat, la région, le département
ou la commune qui en assure le contrôle.
Les établissements publics sont essentiellement des personnes
morales de droit public. Cela signifie que cette catégorie juridique
n’a pas son équivalence en droit privé.
Ces personnes morales gèrent une activité d’intérêt général,
laquelle est soumise à un régime juridique spécifique. C’est par
exemple le cas des actions médico-sociales des hôpitaux, de

102
l’enseignement et de la recherche, et de la production d’énergie
(c’est par exemple le cas du centre national d’énergie solaire au
Niger).
Enfin, l’activité d’un établissement public est toujours particulière,
c'est-à-dire spécialisée en ce sens que celle-ci est limitée à un type
de compétences déterminées.
De ce point de vue, les établissements publics n’ont aucune
compétence générale, c'est-à-dire concernant toutes les activités.

PARAGRAPHE 2. REGIMES JURIDIQUES

Il a trait à la création et à l’organisation des établissements publics.

A. CREATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS

En principe, les établissements publics sont créés à l’initiative de la


collectivité territoriale à laquelle ils sont rattachés. C’est ainsi qu’au
niveau national, la création des établissements publics est du
domaine réglementaire.

B. ORGANISATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS

Un établissement public bénéficie d’une certaine autonomie. En


particulier, il échappe au pouvoir hiérarchique puisqu’il est doté
d’organes propres qui détiennent un véritable pouvoir de décision
qu’ils exercent cependant sous le contrôle de tutelle.
Ces organes sont de deux sortes à savoir un organe exécutif et un
organe délibérant.

103
L’organe délibérant, appelé conseil d’administration est souvent
composé de fonctionnaires, des représentants des intérêts privés,
parfois du personnel ou des usagers, ou encore de personnes
qualifiées en raison de leur compétence.
L’organe exécutif quant à lui, est soit nommé, soit désigné sur
présentation par l’organe délibérant, soit enfin élu.
Du point de vue de leurs régimes financiers, les établissements
publics ont un patrimoine et un budget propres. C’est l’organe
délibérant qui vote chaque année le budget et justement le degré de
l’autonomie de l’établissement public est fonction de ses
ressources.
Les établissements publics administratifs ainsi que certains
établissements à caractère industriel et commercial (EPIC) doivent
appliquer des règles de la comptabilité publique pour leurs
opérations de recettes et dépenses.
En particulier, la règle de la séparation des ordonnateurs et des
comptables s’applique aux mêmes catégories des établissements
publics.

SECTION 2. CLASSIFICATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS

Il existe deux grandes catégories d’établissements publics. Il s’agit


d’une part des établissements publics administratifs (EPA) et
d’autre part des établissements publics industriel et commercial
(EPIC).
A côté de cette classification traditionnelle, une nouvelle est
apparue qui tient compte des données récentes. C’est ainsi qu’à
l’heure actuelle, on parle d’établissements publics professionnels et

104
même d’établissements publics à caractère scientifique,
technologique et culturel comme c’est par exemple le cas de
l’Université Abdou Moumouni de Niamey.

PARAGRAPHE 1. LES ETABLISSEMENTS PUBLICS


ADMINISTRATIFS

On désigne ainsi ceux chargés de la gestion d’une activité classique


de service public. Ils sont régis par les règles du droit administratif
et leurs contentieux relèvent normalement de la compétence des
juridictions administratives.

PARAGRAPHE 2. LES ETABLISSEMENTS PUBLICS INDUSTRIEL


ET COMMERCIAL

C’est une catégorie controversée d’établissements publics, gérant


dans des conditions comparables à celles dans les entreprises
privées, des activités de nature industrielle et commerciale.
Leur fonctionnement et leurs contentieux empruntent à la fois au
droit public et au droit privé.

PARAGRAPHE 3. LES ETABLISSEMENTS PUBLICS


PROFESSIONNELS

C’est une illustration ou mieux une conséquence découlant de la


participation des professionnels à l’organisation de leurs
professions.
L’établissement public professionnel se distingue des deux
catégories anciennes.

105
Il se distingue de l’établissement public administratif par la
particularité de sa structure et de son organisation. C’est en effet
un organisme de type corporatif en ce sens qu’il est essentiellement
animé par des professionnels et cela selon un modèle beaucoup
plus souple et démocratique.
Il se distingue aussi de l’établissement public industriel et
commercial par sa fonction. En effet, l’établissement public
professionnel n’a pas pour vocation le commerce ou l’industrie mais
plutôt la discipline et la représentation.

CHAPITRE 4. LES ORDRES PROFESSIONNELS

L’émergence des ordres professionnels est le fruit d’un


interventionnisme de type corporatif.
Les ordres professionnels doivent être considérés comme de
véritables organismes publics qui participent au fonctionnement des
services publics.
Certains auteurs comme Jean-Marie Auby et Roland Ducos-
Ader les qualifient d’établissements publics professionnels.
Généralement, les ordres professionnels les plus importants sont
l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des avocats et des
notaires.
On examinera tour à tour la nature juridique puis les pouvoirs des
ordres professionnels.

SECTION 1. NATURE JURIDIQUE DES ORDRES PROFESSIONNELS

106
Elle est sujette à discussion dans la mesure où le problème se pose
de savoir si les ordres professionnels sont des personnes publiques
ou au contraire des personnes privées chargées de la gestion d’un
service public.
Alors que sur la question la doctrine est divisée, de son côté la
jurisprudence n’a guère contribué à clarifier le débat.
Quoiqu’il en soit, on admet que l’ordre professionnel est un
groupement professionnel ayant la personnalité juridique auquel
sont obligatoirement affiliés les membres de la profession et
jouissant de prérogatives d’autorité tels que le pouvoir
réglementaire et le pouvoir disciplinaire.

SECTION 2. LES POUVOIRS DES ORDRES PROFESSIONNELS

Ceux-ci sont à la fois de nature administrative et juridictionnelle.

PARAGRAPHE 1. LES POUVOIRS ADMINISTRATIFS

Les ordres professionnels sont dotés d’un pouvoir réglementaire


qu’ils exercent à travers :
- l’établissement de codes de déontologie : ce sont des documents
qui résument en un énoncé des règles obligatoires pour les membres
de la profession.
Le code de déontologie constitue un acte administratif susceptible
de recours pour excès de pouvoir.
- la prise de décisions à caractère individuel qui s’imposent aux
membres de la profession.

107
Les plus importantes parmi ces décisions traitent de l’inscription au
tableau de l’ordre. Celle-ci est en effet nécessaire à l’exercice de la
profession.
- ces décisions individuelles sont des actes administratifs
susceptibles d’être attaquées devant le juge par la voie du recours
pour excès de pouvoir (C.E, 14 février 1969, Ass. Syn Nat. Des
Médecins exerçant en groupe, AJDA, 1969).

PARAGRAPHE 2. LES POUVOIRS JURIDICTIONNELS

L’ordre doit à titre principal veiller à la discipline de ses membres


auxquels il peut infliger des sanctions pouvant aller jusqu’à
l’exclusion de l’ordre.
Cette exclusion emporte comme conséquence l’interdiction de
l’exercice de la profession.
La jurisprudence estime que ces mesures, vu leur gravité, sont de
nature juridictionnelle. En conséquence, l’ordre, dans l’exercice de
ce pouvoir disciplinaire se doit de respecter les principes
fondamentaux de la procédure juridictionnelle tel que le respect des
droits de la défense par exemple.

108
TITRE 3 : LES MOYENS JURIDIQUES DE L’ACTION
ADMINISTRATIVE

Dans le cadre de l’exécution de leur mission, les personnes


publiques sont amenées à prendre des actes juridiques. Ceux-ci, il
convient de le noter ne représentent pourtant qu’une part infime de
leur activité. Pour l’essentiel celle-ci consiste en un ensemble
d’opérations matérielles qui ne sont point destinées par elle-même à
modifier le droit existant (exemple dotation du COU en vivres, le
contrôle de l’exécution d’un ouvrage telle la construction d’un
hôpital).
Bien que soumises au droit, toutes ces activités ne sont pas
juridiques par elles-mêmes. En effet, l’activité juridique est
principalement constituée en acte administratif unilatéral d’une part
et le contrat administratif d’autre part.
L’acte administratif est une décision qui émane de l’administration
alors que le contrat administratif qui rappelle les techniques et
procédés qui ont cours en droit privé est un accord de volonté
émanant d’une personne morale de droit public et d’une personne
privée.
Il est important de relever que l’acte administratif unilatéral reste à
l’heure actuelle le procédé privilégié de l’Etat pour caractériser la
puissance de son intervention. Toutefois, cette technique a perdu
de sa pureté, l’administration la transformant de plus en plus en un
procédé hybride grâce aux multiples formes de consultation et de
concertation qui sont la traduction complète d’une prise en compte
et d’une imbrication entre les intérêts généraux et la masse des
intérêts privés.

109
On étudiera donc l’acte administratif unilatéral avant de
s’intéresser au contrat administratif.

CHAPITRE 1. L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

La possibilité de prendre des décisions exécutoires, c'est-à-dire de


faire naître unilatéralement des droits et des obligations au profit
ou à la charge des tiers sans leur consentement est l’illustration des
prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration.

SECTION 1. DEFINITION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL

C’est un acte juridique unilatéral pris par une autorité


administrative dans l’exercice d’un pouvoir administratif et créant
des droits et des obligations pour les particuliers. Cette définition
appelle trois observations :
D’abord, l’acte administratif unilatéral est un acte juridique qui
émane d’une seule volonté.
Ensuite, l’acte administratif unilatéral est pris par une autorité
administrative dans l’exercice d’un pouvoir purement administratif.
Enfin, l’acte administratif unilatéral matérialise sa puissance par la
création des droits et obligations qui s’imposent aux particuliers.

PARAGRAPHE 1. L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL EST UN


ACTE JURIDIQUE QUI EMANE D’UNE SEULE VOLONTE

110
Il est important de souligner que c’est tout d’abord un acte
juridique. Cela signifie que l’acte administratif unilatéral est une
manifestation de volonté destinée à modifier des situations
juridiques existantes. Il s’agit d’une volonté délibérée d’introduire
des bouleversements dans la situation juridique d’une personne.
C’est une action libre et volontaire. Cela permet de distinguer
l’acte administratif unilatéral des faits juridiques qui eux, sont
involontaires (comme par exemple dans l’hypothèse d’un accident
de la circulation ou d’une balle perdue au cours d’une opération de
police : C.E, 24 juin 1949, consorts Lecomte).

PARAGRAPHE 2. L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL EST PRIS


PAR UNE AUTORITE ADMINISTRATIVE AGISSANT EN CETTE
QUALITE

Cet élément de la définition permet de cerner de très près la notion


d’autorité administrative. Cela est d’autant plus important que dans
l’esprit des justiciables, il est difficile de classer les différentes
autorités qui agissent au nom de l’Etat. Pour « l’homme de la rue » le
Président de la République, les ministres, les députés, les préfets et
sous-préfets, les maires ou même le président d’une juridiction sont
des autorités administratives puisqu’ils agissent tous au nom de
l’Etat. Il s’avère donc nécessaire d’opérer une classification devant
tenir compte de la véritable nature de chacune de ces autorités.
En règle générale la qualité d’autorité administrative n’est reconnue
qu’aux agents du pouvoir exécutif agissant à ce titre. Ce qui exclut
les actes pris par les personnes privées, les actes des autorités
législatives et des actes des autorités judiciaires.

111
PARAGRAPHE 3. L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL EST UN
ACTE QUI CREE DES DROITS ET DES OBLIGATIONS POUR LES
PARTICULIERS

Cela signifie qu’il s’agit d’une décision exécutoire faisant grief.


Celle-ci peut être écrite ou simplement orale tout comme elle peut
être explicite ou implicite.
La notion de décision exécutoire (acte administratif unilatéral)
faisant grief permet de distinguer l’acte administratif unilatéral des
actes préparatoires des décisions, des mesures d’ordre intérieur,
des circulaires et les instructions de service qui ne constituent pas
des sources de légalité.

SECTION 2. CLASSIFICATION DES ACTES ADMINISTRATIFS


UNILATERAUX

On peut classifier les actes administratifs unilatéraux en se situant


à deux points de vue, c'est-à-dire en se référant soit au critère
organico-formel, soit au critère matériel.

PARAGRAPHE 1. LE CRITERE ORGANICO-FORMEL

Ce critère permet une classification hiérarchisée des actes


administratifs. Une telle classification est indifférente à la nature
réglementaire ou non réglementaire des actes administratifs, elle
s’attache plutôt aux personnes signataires, selon qu’il s’agit du
Président de la République, du Premier ministre, des ministres ou
d’autres responsables administratifs.

112
Quant à l’aspect formel, il s’agit des formes proprement dites selon
lesquelles l’acte est pris.
Il n’y a pas à proprement parler de règle générale qui serait
commune à toutes les décisions exécutoires. Chaque autorité
administrative doit observer les formalités qui lui sont imposées pour
l’édiction des actes entrant dans le domaine de ses compétences.

PARAGRAPHE 2. LE CRITERE MATERIEL

Cette classification est relative aux effets juridiques de l’acte. Du


point de vue de ce critère l’acte administratif unilatéral vise à
entraîner des bouleversements dans l’ordonnancement juridique.
On entend par là que l’acte administratif unilatéral est pris dans le
but de modifier l’état de droit existant. A ce propos, le Doyen
Léon Duguit, l’un des tenants de l’école de Bordeaux a opéré une
division terniaire des actes administratifs selon leur apport au
monde juridique.
- il s’agit d’une part des actes-règles : ceux-ci sont conçus pour
créer des situations d’ordre général, les modifier ou les supprimer ;
- il s’agit d’autre part des actes-subjectifs, c'est-à-dire des actes
élaborés pour influer sur une situation individuelle ou particulière
(par exemple licenciement d’un agent public) ;
- il s’agit enfin des actes-conditions, c'est-à-dire des actes qui visent
à appliquer à un individu un statut préexistant défini par une règle
(par exemple une nomination à la fonction publique soumet
l’intéressé au statut général de la fonction publique).

113
PARAGRAPHE 3. ACTES REGLEMENTAIRES ET ACTES
INDIVIDUELS

Les actes réglementaires : ceux-ci s’appliquent à un nombre


indéterminé de personnes sans viser quiconque. C’est par exemple
le cas d’un arrêté municipal interdisant le stationnement dans une
rue.
Les actes particuliers au contraire sont individuels puisqu’ils
concernent une ou plusieurs personnes dont la situation juridique
est individualisée. C’est le cas par exemple de la nomination d’un
fonctionnaire.
Cette distinction est très importante à la fois du point de vue de la
publicité et du point de vue de ses effets de même que du point de
vue des pouvoirs du juge.

A. DU POINT DE VUE DE LA PUBLICITE

L’acte réglementaire pour être opposable aux administrés doit être


publié au journal officiel.
Par contre l’acte individuel lui, doit être notifié à l’intéressé. Ce que
l’on appelle la théorie de la « connaissance acquise » n’est pas admis
par la jurisprudence.

B. DU POINT DE VUE DES EFFETS

L’acte réglementaire ne crée aucun droit au profit de quiconque. Il


peut donc être abrogé, modifié ou retiré à tout moment.

114
L’acte individuel au contraire est créateur de droits acquis et ne
peut être retiré que dans les délais fixés par la jurisprudence.

C. DU POINT DE VUE DES POUVOIRS DU JUGE

Une fois les délais du recours pour excès de pouvoir épuisés, l’acte
administratif individuel devient intangible. Le juge ne peut plus le
remettre en cause. On considère en effet qu’en matière
administrative, tout acte dont l’annulation n’a pas été demandée
dans les délais du recours contentieux devient définitif et que passé
ce délai, il doit donc être considéré comme étant régulier.
Il en va autrement pour les actes réglementaires dont la régularité
peut être remise en cause par la voie de l’exception d’illégalité ;
On considère en effet que si la nullité d’un acte illégal ne peut être
invoquée après l’expiration des délais de pourvoi, l’illégalité dont est
entaché un acte réglementaire peut par contre être encore
invoquée à l’appui d’une demande d’annulation d’un acte individuel
pris en application de cet acte réglementaire illégal.
Enfin, il convient de ne pas confondre les actes administratifs des
autres décisions administratives.

SECTION 3. LE REGIME JURIDIQUE DE LA DECISION


EXECUTOIRE

Il a trait à trois choses :


- son entrée en vigueur ;

115
- sa force juridique ;
- son extinction.

PARAGRAPHE 1. L’ELABORATION DES ACTES ADMINISTRATIFS


UNILATERAUX

L’existence juridique d’un acte administratif suppose que l’autorité


qui l’a édicté l’a fait dans le cadre de sa compétence et selon une
procédure spécifique prévue à cet effet.

A. LA COMPETENCE DES AUTORITES ADMINISTRATIVES

La prise des décisions administratives suppose que certaines


autorités ont reçu compétence pour émettre des actes juridiques.
Le qualificatif d’autorité administrative est reconnu à un certain
nombre d’organes qui jouent au sein de la collectivité nationale un
rôle moteur. Il en est ainsi du Président de la République, du
Premier ministre et des ministres au niveau national, des
gouverneurs au niveau régional et des préfets à l’échelon du
département.
Ces diverses autorités doivent agir en observant certaines règles
de procédure, de forme et de publicité.
Toute autorité administrative (à l’exclusion des autorités centrales
compétentes pour l’ensemble du pays) a un domaine d’action
doublement limité :
- d’abord, elle n’est habilitée à s’occuper que de certaines questions
et cela, à l’intérieur d’un cadre territorial bien délimité ;

116
- ensuite, elle tire son pouvoir d’un texte qui l’habilite à agir, ce qui
confère à cette habilitation un caractère personnel, empêchant par
là ladite autorité de déléguer ses compétences à une autre.
Toutefois, les nécessités de la vie courante et le respect du
principe de la continuité du service public impliquant que celui-ci ne
soit pas interrompu voire paralysé en cas de vacances, de maladie
ou de déplacement du titulaire d’une compétence, ont conduit à
tempérer les rigueurs de ce principe et à lui trouver des
aménagements qui ont pour noms : suppléance, intérim, et surtout
délégation de pouvoirs et délégation de signature.

1. La Délégation de Compétence

Il importe d’opérer une distinction entre les différents types de


délégation (a), de voir ensuite les conditions des délégations (b)
avant d’examiner enfin les effets de la délégation (c).

a. Distinction des délégations

Traditionnellement, on distingue deux types de délégations. Il s’agit


d’une part de la délégation de signature qui s’analyse en une
attribution conférée par une autorité supérieure à une autorité
subordonnée du pouvoir de prendre au nom de l’autorité supérieure
des décisions qui continuent à relever d’elle. Le délégué n’étant
selon la formule consacrée qu’un « fondé de pouvoir ».
Il s’agit d’autre part de la délégation de pouvoirs qui est un véritable
transfert d’une autorité supérieure à une autorité subordonnée du

117
pouvoir de prendre certaines décisions. Celle-ci la fera désormais
pour son propre compte.
Cela emporte comme conséquence une modification de l’ordre des
conséquences puisque le délégué se substitue par ce fait au
délégant.

b. Conditions de Délégations

Celles-ci sont les suivantes :


- en premier lieu, les délégations doivent être autorisées par un
texte législatif ou réglementaire, c'est-à-dire que la délégation n’est
possible que s’il existe un texte permettant de l’accorder. Par
exemple en France le décret du 23 janvier 1947 modifié par le
décret du 19 juillet 1968 autorise les ministres à déléguer par simple
arrêté et dans certaines conditions leur signature à certains de leurs
collaborateurs.
- en second lieu, les délégations doivent être partielles, ce qui
signifie qu’elles ne peuvent porter que sur un nombre limité de
matières.
En conséquence, certaines délégations sont donc interdites. Il
s’agit de toutes celles qui impliqueraient un transfert total des
attributions de l’autorité délégante à l’autorité déléguée, de toutes
celles qui comporteraient transfert de certains pouvoirs de
l’autorité supérieure lorsque l’exercice de ces pouvoirs par cette
autorité même constitue une garantie au profit des administrés (voir
C.E, 1er février 1946, Loriot).

118
En effet, comme l’écrit le Doyen Vedel « le souci majeur est
d’éviter une perturbation de l’ordre des compétences substituant
ainsi dans sa totalité l’autorité inférieure à l’autorité supérieure et
d’éviter ainsi que soit tournée la loi qui, en raison de la garantie que
l’on voulait donner aux administrés, exigeait l’intervention de
l’autorité supérieure elle-même » (Georges Vedel, droit
administratif, p. 268).
- en troisième lieu, les délégations doivent être publiées lorsque les
décisions auxquelles elles s’appliquent doivent être opposables à
des tiers.
- enfin, la délégation de signature doit émaner du titulaire des
pouvoirs alors que la délégation de compétences peut être imposée
au titulaire des pouvoirs par une autorité supérieure.

c. Les Effets des Délégations

Ils varient selon qu’il s’agit de la délégation de signature ou de la


délégation de pouvoirs.
- la délégation de signature
Trois points méritent d’être précisés :
D’abord la délégation de signature permet au délégué de prendre
un acte pour le compte du délégant.
Ensuite elle laisse au délégant le droit de continuer à prendre des
actes qui ont fait l’objet de la délégation.
Enfin elle est personnelle et de ce fait elle cesse avec la fin des
fonctions du délégant ou du délégué.
- la délégation de pouvoirs

119
Ici également trois points méritent d’être précisés :
En premier lieu il convient de signaler que la délégation de pouvoirs
permet au délégué de prendre en son nom propre des mesures
relevant avant la délégation d’une autorité supérieure.
En second lieu la délégation de pouvoirs empêche l’autorité dont
les pouvoirs ont été délégués de prendre désormais des décisions
qui ont fait l’objet de la délégation.
En troisième lieu, à la différence de la délégation de signature la
délégation de pouvoirs est impersonnelle et anonyme en ce sens
qu’elle subsiste même lors des changements de la personne du
délégué ou de l’autorité dont les pouvoirs ont été délégués.

B. EXCEPTIONS A LA COMPETENCE : LA THEORIE DES


FONCTIONNAIRES DE FAIT

Selon le Professeur André de Laubadère, le fonctionnaire de fait


est un « agent incompétent souvent même un simple citoyen qui,
s’étend substitué aux autorités défaillantes voit ses actes déclarés
valides ». (André de Laubadère, traité de droit administratif,
P.287).
Cette théorie qui est un assouplissement des règles de
compétence peut jouer dans deux séries de circonstances selon
qu’il s’agisse d’une période normale ou d’une période
exceptionnelle.

1. En période normale

120
Quand c’est le cas, la théorie des fonctionnaires de fait se fonde
sur l’idée d’apparence. On suppose que le fonctionnaire de fait est
passé aux yeux des administrés pour un agent régulier investi des
prérogatives qu’il a exercées. En ce sens, l’arrêt n°224 Conseil du
Contentieux Africain (CCA) en date du 27 mars 1953 (Dame
CIVIAC contre administration du territoire) dit ceci :
« considérant que la jurisprudence prétorienne du Conseil d’Etat
décide que l’individu qui se fait irrégulièrement investir ne doit pas
pouvoir invoquer à son profit un titre irrégulier, le fonctionnaire de
fait peut cependant réclamer une indemnité égale à l’enrichissement
procuré par son fait en patrimoine investi ».

2. En période exceptionnelle

En période exceptionnelle, cette théorie repose sur l’idée de la


nécessité du fonctionnement des services publics.
Les actes accomplis par les fonctionnaires de fait dans un souci
d’intérêt général sont considérés comme valides.

C. LA PROCEDURE

La procédure administrative non contentieuse n’est pas codifiée.


Toutefois, il existe généralement des textes qui prescrivent la
procédure à suivre avant toute prise de décision.
Ces textes exigent parfois que des avis soient requis, que des
enquêtes soient ordonnées et que des délais soient respectés et
tout ceci dans le souci légitime de ne pas porter atteinte à certains

121
droits individuels (par exemple en matière d’expropriation pour
cause d’utilité publique ou en cas de sanction disciplinaire).
Ces formalités servent également à améliorer la qualité technique
de certaines décisions en y associant des experts.
C’est le développement sur une grande échelle du phénomène bien
connu de ce que l’on appelle l’administration consultative.

D. LES REGLES DE FORME

L’administration donne à ses décisions une certaine solennité.


C’est ainsi que les décisions formelles comportent des visas, des
motifs et un dispositif le plus souvent divisé en articles. Elles sont
datées et signées.
Les textes déterminent dans certains cas les formes par lesquelles
les autorités doivent statuer et si rien n’est prévu, si aucune forme
spéciale n’est obligatoire la façon dont la décision est prise est
entièrement libre.
Soucieuse cependant d’éviter le laxisme et toute insécurité
juridique, la jurisprudence a élaboré la théorie dite du parallélisme
des formes. Cela signifie que lorsqu’un texte établit des formes
pour l’édiction d’un acte, les mêmes formes doivent être suivies pour
l’acte contraire qui modifie ou abroge le premier. On considère en
effet qu’un acte administratif individuel, lorsqu’il a fait naître
quelques droits au profit d’un particulier ne peut être abrogé que
dans les délais pendant lesquels un intéressé pourrait le faire
annuler pour excès de pouvoir.
Cette abrogation ne peut avoir lieu que par la voie d’un acte
contraire nouveau, soumis aux conditions requises par la loi.

122
Ce principe du parallélisme des formes exige notamment que
lorsque l’édiction de l’acte abrogé avait été accompagnée d’une
certaine formalité imposée par la loi ou les règlements, l’abrogation
doit procéder des mêmes formalités.

E. LA PUBLICITE DES ACTES

Le problème qui se pose ici est celui de savoir à quel moment une
décision administrative va produire ses effets.
En règle générale, tout acte produit ses effets de droit, c'est-à-dire
modifie l’ordonnancement juridique dès qu’il est pris, dès que sont
accomplies les formalités qui conditionnent son existence. Par
exemple dès que l’autorité compétente aura apposé sa signature.
A cette règle générale il importe cependant d’apporter deux
précisions. L’opposabilité de l’acte aux particuliers ne peut être
valable que si celui-ci a été porté à leur connaissance par le procédé
de la publicité. Cette publicité des actes administratifs prend deux
formes :
- pour les actes réglementaires il s’agit de leur publication soit au
journal officiel, soit dans la presse, soit également par voie
d’affichage, soit enfin par diffusion à la radio comme c’est surtout le
cas au Niger.
- pour les particuliers cette publicité se fait sous la forme d’une
notification.
Cela dit, l’effet essentiel de la publicité est de rendre l’acte
opposable aux intéressés. Elle fait également courir les délais de
recours.

123
Cependant, l’acte non publié n’est pas nul. S’il n’est pas
opposable aux administrés, il lie en revanche l’administration qui est
tenue de respecter ses dispositions.
Enfin, une dernière conséquence c’est que l’administration ne peut
pas faire remonter les effets d’une décision administrative au-delà
de la date à laquelle elle l’a prise. C’est le principe de la non-
rétroactivité des actes administratifs.

F. LA MOTIVATION DES ACTES ADMINISTRATIFS

La motivation est la formulation des motifs qui sont à la base de la


décision.
Une décision administrative a toujours des motifs qui peuvent être
bons ou mauvais, de fait ou de droit.
Il faut noter que la motivation est favorable aux administrés qui
connaissent dès l’adoption de la décision les raisons qui l’ont
provoquée et peuvent plus facilement les contester.
En France même, pendant longtemps, l’obligation de la motivation
est restée limitée. Elle n’était imposée par les textes que pour
certaines matières comme par exemple les décrets de dissolution de
conseils municipaux ou en ce qui concerne les arrêtés municipaux de
police.
Cependant, la volonté des pouvoirs publics d’assurer désormais la
transparence de l’administration a eu pour effet l’extension de
l’obligation de la motivation. Elle est en tout cas l’objet de la loi du
11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs en
France.

124
PARAGRAPHE 2. L’AUTORITE DE LA CHOSE DECIDEE DES
DECISIONS ADMINISTRATIVES

L’autorité de la décision administrative est l’une des manifestations


les plus nettes du caractère exorbitant du droit administratif. En
effet, l’acte administratif jouit de notoriété qui se manifeste de deux
façons.
D’une part il emporte par lui-même un changement dans
l’ordonnancement juridique (c’est le privilège du préalable) et
d’autre part, il est reconnu à l’administration la possibilité de
procéder elle-même à l’exécution forcée de la décision (c’est le
privilège de l’exécution d’office).

A. LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE L’ACTE : LE PRIVILEGE DU


PREALABLE

On explique ce privilège par le fait que la décision administrative


bénéficie d’une présomption de légalité, c'est-à-dire de conformité
au droit.
La charge de la preuve contraire incombe au particulier qui à cet
effet peut recourir au juge ; le fait que l’acte administratif est
présumé conforme au droit emporte comme conséquence de créer
des droits ou des obligations au profit ou à l’encontre des tiers sans
intervention préalable d’un juge.
Quand on dit que l’acte administratif est obligatoire, cela signifie
qu’il s’impose aux administrés concernés qui sont tenus de s’y plier.
En cas de résistance de leur part, l’administration peut recourir à

125
des sanctions de nature à la fois administrative, pénale et civile
l’encontre des récalcitrants.

B. LE CARACTERE EXECUTOIRE DE L’ACTE : LE PRIVILEGE DE


L’EXECUTION D’OFFICE

L’exécution d’un acte administratif est la réalisation effective de


son objet, c'est-à-dire sa matérialisation. C’est le cas par exemple
dans l’hypothèse de la prise de service d’un agent nommé ou le
respect d’une réglementation établie. Affirmer qu’un acte
administratif est obligatoire signifie donc qu’il dispose d’une
autorité suffisante pour entrainer son exécution. Comme l’écrit le
professeur ALAIN BOCKEL « l’administration se délivre à
elle-même un titre exécutoire, sans recours aux offices du juge, en
ce sens, toutes les décisions administratives sont exécutoires ». En
règle générale, cela seul suffit pour obtenir l’exécution d’une
décision. C’est notamment le cas des décisions permissives (par
exemple l’octroi d’une autorisation) ou de celles dont l’exécution
dépend de la volonté (par exemple la révocation du personnel).
Par contre, il en va autrement lorsque l’exécution de l’acte est
conditionnée par la bonne ou mauvaise foi de l’administré. La
question est en effet de savoir : que faire en cas de refus de sa part
de s’exécuter, comment faire pour surmonter un tel obstacle ? C’est
le problème délicat de l’exécution forcée. Il s’agit en effet de savoir
si l’administration a-t-elle le droit de passer elle-même à l’exécution
forcée d’une décision, au détriment d’un administré récalcitrant ?
Deux impératifs commandent la réponse à cette question.

126
- d’une part, l’administration qui détient la puissance de prendre des
décisions obligatoires serait encline à violer constamment les
libertés et droits individuels, s’il lui était permis d’user de la force
sans autorisation préalable de l’autorité judiciaire.
- d’autre part, l’administration qui a agi au nom de l’autorité de
l’Etat ne doit pas voir son action entravée par les particuliers qui le
plus souvent n’incarnent que de simples intérêts individuels et
corporatistes.
Il convient d’indiquer que la solution qui a été trouvée à ce dilemme
est le résultat d’un compromis. Elle repose sur le principe suivant :
« l’administration doit recourir au juge répressif avant de procéder
à l’exécution par la force, l’exécution forcée sans intervention
judiciaire n’est autorisée que comme ultime remède lorsqu’aucune
autre solution n’est possible ».
Toutefois, ce privilège de l’exécution forcée n’est accordé à
l’administration que dans trois hypothèses :
- la loi le prévoit (par les réquisitions militaires).
- aucune sanction pénale ou voie de droit n’est prévue pour
venir à bout de la résistance de l’intéressé.
- il y a une chance ou nécessité absolue (par exemple un péril
immédiat qui menace la sécurité, la salubrité ou l’ordre public.
Tel l’incendie d’une maison.
Les conditions posées pour le recours à l’exécution forcée sont
également au nombre de trois :
- en premier lieu, il doit y avoir mise en demeure de l’administré
de s’exécuter.

127
- en second lieu, il faudrait que celui-ci oppose réellement une
résistance à l’exécution.
- en troisième lieu, le recours à la force doit être limité à ce qui
est nécessaire à l’exécution.
Ce qui revient à dire que la mesure prise doit être proportionnée au
but à atteindre.
Toutes ces conditions qui sont toujours en vigueur ont été définies
par le commissaire du gouvernement ROMIEU dans le célèbre
arrêt du T.C en date du 02-12-1902 « Sté immobilière de Saint
Just ».
Lorsque l’administration dépasse ses limites, ou si elle exécute par
la force alors qu’elle n’en avait pas le droit, elle commet une voie de
fait par manque de procédure.

PARAGRAPHE 3. LA CESSATION DES EFFETS DE L’ACTE


ADMINISTRATIF UNILATERAL

La fin des effets de l’acte administratif peut intervenir de trois


façons : soit par la volonté administrative, soit par décision
judiciaire, soit enfin à cause du changement de circonstance.

A. LA FIN DES EFFETS PAR DECISION ADMINISTRATIVE

Ici, la question est de savoir à partir de quel moment une décision


administrative cesse de produire ses effets ?
La réponse à cette question est fonction de plusieurs données.
Tantôt la décision elle-même fixe les termes de son échéance (par
exemple interdiction de la tenue d’une réunion publique jusqu’à une

128
date déterminée), tantôt, et c’est la procédure normale, la décision
prend fin par la volonté de l’autorité qui l’a prise. Soit que cette
autorité la modifie (hypothèse de l’abrogation partielle), soit qu’elle
la fait disparaître. Mais sur ce dernier point, l’administration ne
dispose pas d’une totale liberté de manœuvre. S’il est logique et
normal que l’activité administrative puisse s’adapter à l’évolution, il
est tout aussi normal que les administrés ne puissent pas souffrir
d’une incessante adaptabilité des textes aux réalités.
Si c’était le cas, cela constituerait pour eux une insécurité juridique
évidente, d’où la recherche d’un compromis à ce délicat problème
dont les éléments de solution sont fondés sur deux considérations :
- la solution varie selon que l’administration veut abroger l’acte,
c'est-à-dire mettre fin à ses effets pour l’avenir ou selon qu’elle
entend le faire disparaître de façon rétroactive.
- la solution est également différente selon que l’acte est créateur
de droits (acte particulier) ou non créateur de droits (acte
réglementaire).
En effet, comme cela a déjà été dit, les actes réglementaires ne
créent point de droits au profit d’une personne déterminée, les
situations qu’ils établissent étant abstraites ou générales.
Les solutions imaginées pour résoudre ces problèmes
contradictoires ont été posées par l’arrêt Dame Cachet du C.E
en date du 3 novembre 1922.
Il s’agit soit de l’abrogation ou du retrait de l’acte ;

1. L’abrogation

129
Elle consiste à mettre in aux effets d’un acte pour l’avenir tout en
laissant subsister les effets antérieurs. L’abrogation est toujours
possible pour les actes réglementaires. Elle est également admise
pour les actes particuliers non créateurs de droits ;
Il est également permis à l’administration de mettre fin aux effets des
actes particuliers créateurs de droits, mais en se conformant au cas
et formes prévus par les textes, sinon, il y aurait violation du principe
de l’intangibilité des effets individuels des actes créateurs de droits.

2. Le retrait

C’est l’annulation rétroactive d’une décision administrative en ce


qu’il supprime à la fois ses effets passés et futurs. Il anéantit l’acte
dès son origine.
Procédé extrêmement dangereux pour la sécurité des relations
juridiques parce que violant le principe de non-rétroactivité et des
droits acquis, le retrait des actes se trouve enfermé dans des limites
précises et rigoureuses :
- le retrait est possible s’il s’agit d’un acte non créateur de droits, il
est obligatoire si l’acte non créateur de droits est par ailleurs illégal.
- le retrait est impossible pour un acte créateur de droits. Si l’acte
créateur de droits était illégal, le retrait serait possible sous les
conditions suivantes : il doit intervenir dans le laps de temps
pendant lequel le juge de l’excès de pouvoir pourrait être saisi (deux
mois à compter de la publication ou de la notification de l’acte). Si
pendant ce délai un recours a été effectivement fondé contre la
décision, le retrait peut intervenir pendant la durée de l’instance,

130
c'est-à-dire tant que la juridiction n’a pas statué. Passé ce délai, le
retrait devient impossible, le souci de la sécurité des administrés
l’emportant sur celui de la légalité.

B. DISPARITION DE L’ACTE PAR SUITE DE CHANGEMENT DE


CIRCONSTANCES

La légalité et la régularité d’un acte administratif sont fonction des


motifs sur lesquels il repose. En effet, tout acte est pris sur la base
de situation de fait et de droit commun. Or celle-ci n’est guère
immuable, les faits se modifiant au fil des ans voire des mois. Si les
bouleversements intervenus sont importants à tel point que les
motifs précédemment invoqués ne peuvent plus fonder la décision,
celle-ci devient illégale. Cependant, cela ne signifie pas que cet
acte doit nécessairement disparaître. En vertu du principe général
de l’adaptation de l’action administrative, l’autorité administrative
dont émane l’acte se trouve seulement dans l’obligation de modifier
sa décision. Cette théorie de l’adaptation de l’action administrative
trouve son application la plus concrète en matière contractuelle
avec la théorie de l’imprévision. L’obligation de modifier l’acte
administratif n’a pas la même portée que les actes réglementaires ou
actes individuels.
- pour les actes réglementaires, la solution est largement appliquée,
le principe d’adaptabilité jouant surtout à leur égard. Ainsi une
simple modification des circonstances de droit emporte comme
conséquence l’obligation pour l’administration de modifier sa
décision (C.E, 10 janvier 1930,D’espijol)

131
- pour les actes individuels, en vertu du principe de l’intangibilité des
effets individuels des actes administratifs, l’administration ne peut
abroger ou modifier ses décisions que si l’acte n’a pas été créateur
de droits.

SECTION 4. LE POUVOIR REGLEMENTAIRE

Il est la compétence reconnue à une autorité administrative de


prendre des actes normateurs de portée générale et impersonnelle.
Il s’agit d’un pouvoir essentiellement normatif. La norme est la même
pour tous et s’impose même à l’organe qui l’a édictée. La source du
pouvoir réglementaire réside dans la distinction des compétences
législatives et réglementaires.
D’inspiration française (Constitution du 4 octobre 1958, article
34) cette distinction a été reprise par la Constitution du Niger du
26 décembre 1992 qui dispose en son article 84 « les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi, ont un caractère
réglementaire ». Pareille disposition sera reprise par la Constitution
de la 4ème République, celle du 12 mai 1996 et qui pose en son
article 83 « les matières autres que celles qui sont du domaine de la
loi ont un caractère réglementaire ». On retrouvera pareille
disposition dans la Constitution de la 5ème République en date du
9 août 1999.
Autrement dit, comme on le souligne souvent, le domaine de la loi
est limité alors que celui du pouvoir réglementaire est illimité.

PARAGRAPHE 1. LES DETENTEURS DU POUVOIR


REGLEMENTAIRE

132
Si l’on se situe dans l’optique de l’évolution constitutionnelle du
Niger, on s’apercevra que le Président de la République est à titre
principal le détenteur du pouvoir réglementaire. Si cela figure dans
la Constitution du 26 décembre 1992, la disposition est fondée de
façon encore plus nette avec la Constitution du 12 mai 1996,
consacrant le passage d’un régime semi-présidentiel à un régime
présidentiel.
Dans cette optique, la Constitution du 12 mai 1996 dispose en
son article 57 « le Président de la République exerce le pouvoir
réglementaire.
A ce titre, il assure l’exécution des lois et des décisions de justice et
prend les règlements applicables à l’ensemble du territoire de la
République ».
Cependant, par le jeu des contreseings et délégation de pouvoirs, il
y a des détenteurs dérivés, secondaires du pouvoir réglementaire.
Par exemple en vertu de l’article 60 al3 de la Constitution du 26
décembre 1992, le Premier ministre peut déléguer certains de ses
pouvoirs aux ministres. D’autre part l’article 61 de ce texte
fondamental dispose « les actes du Premier ministre sont
contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur
exécution ». Par ailleurs, l’article 63 de la Constitution de la 3ème
République (12 décembre 1992) selon laquelle « les actes du
Président de la République autres que ceux prévus à l’alinéa 1 de
l’article 47, aux articles 50, 51, 55, 78 et à l’alinéa 2 de l’article 98
sont contresignés par le Premier ministre et le cas échéant par les
ministres concernés ».

133
Avec le passage du régime semi-présidentiel au régime présidentiel,
l’article 58 de la Constitution du 12 mai 1996 dispose « le
Président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs
au Premier ministre ». Pareille disposition sera reprise par la
Constitution du 9 août 1999. On peut en déduire que d’un régime
à l’autre le principe de la délégation des pouvoirs est maintenu.
Au niveau local, les gouverneurs et les préfets exercent un pouvoir
réglementaire pour assurer la bonne marche des services publics, il
en est de même des différents directeurs des services publics.

PARAGRAPHE 2. LE DOMAINE DU POUVOIR REGLEMENTAIRE

A ce niveau, il convient de préciser que le domaine du règlement n’a


pas été défini de façon précise par une énumération de matière mais
plutôt par une clause générale que l’on retrouve dans toutes les
Constitutions de 1992 à nos jours. Elle réside dans la formulation
bien connue à savoir les matières que celles qui sont du domaine de
la loi ont un caractère réglementaire. Il s’agit là d’une compétence de
droit commun qui crée une nouvelle catégorie de règlements qu’on
appelle les règlements autonomes. Mais parallèlement à ceci,
subsiste le pouvoir réglementaire traditionnel qu’on retrouve dans
les matières réservées au législateur. Il existe donc deux catégories
de règlements à savoir les règlements d’exécution des lois et les
règlements autonomes.

A. LES REGLEMENTS D’EXECUTION DES LOIS

134
Ils ont un caractère subordonné à la loi. Les mesures prises pour
l’exécution des lois (les décrets d’application) ne doivent pas
dénaturer les dispositions des lois qu’elles prétendent appliquer.
Ces règlements sont pris, soit sous indication expresse du
législateur, soit de façon spontanée.

B. LES REGLEMENTS AUTONOMES

Le règlement autonome est au même titre que la loi un acte


conditionné. Mais cela ne signifie pas que l’autorité juridique d’un
règlement autonome est assimilée à celle de la loi. De plus, il doit
respecter les principes généraux du droit car si dans la hiérarchie
des normes juridiques ces derniers ont une valeur infra législative, ils
ont souvent une valeur supra décrétale.

C. LES EXTENSIONS DU DOMAINE REGLEMENAIRE

L’extension du domaine réglementaire peut se faire par le jeu d’une


loi d’habilitation. Cela était d’ailleurs expressément prévu par la
Constitution du 26 décembre 1992 qui dispose en son article 89
« le gouvernement peut pour l’exécution de son programme,
demander à l’Assemblée Nationale l’autorisation de prendre par
ordonnance pendant un délai limité des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi. Cette autorisation prend la
forme d’une loi d’habilitation ». Les conditions de validité de ces
ordonnances sont fixées par cette même disposition.
Avec la Constitution de la 4ème République, celle du 12 mai 1996,
l’extension du domaine réglementaire est prévue en ces termes par

135
l’article 96 qui dispose « le Président de la République peut, pour
l’exécution de son programme demander à l’Assemblée Nationale
l’autorisation de prendre par ordonnances pendant un délai limité
des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». L’alinéa 4
de cette disposition précise qu’à « l’expiration du délai mentionné
au 1er alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus
être modifiées que par la loi dans les dispositions qui sont du
domaine de la loi ».
Bien entendu il est précisé à l’alinéa 2 que comme dans les
conditions de l’article 89 de la Constitution du 26 décembre 1992,
« cette autorisation prend la forme d’une loi d’habilitation ».
Enfin, l’alinéa 3 précise les modalités en indiquant que : « les
ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis de la
Cour Suprême le cas échéant. Elles entrent en vigueur dès leur
publication et deviennent caduques si le projet de loi de ratification
n’est pas déposé à la date fixée par la loi d’habilitation ».
On retrouve cette formulation dans les Constitutions qui ont suivi
avec un changement notable puisque sous la 5ème République en
lieu et place de la chambre constitutionnelle de la Cour Suprême,
est érigé un organe dénommé Cour Constitutionnelle.

PARAGRAPHE 3. LES MODALITES D’EXERCICE DU POUVOIR


REGLEMENTAIRE

Le pouvoir réglementaire est institué pour assurer la bonne marche


des services publics nécessaires au fonctionnement des institutions
et pour garantir l’ordre public et la sécurité. Le Président de la
République l’exerce pour pourvoir aux emplois civils et militaires

136
ainsi que pour la création, l’organisation et la direction des services
publics administratifs (article 58 al.2 et suivants de la Constitution
du 26 décembre 1992). Dans la même optique, la Constitution du
12 mai 1996 dispose en son article 46 : « le Président de la
République est le détenteur du pouvoir exécutif. », avant de
préciser à l’article 47 que non seulement il préside le conseil des
ministres mais il procède aussi à la nomination aux emplois civils et
militaires supérieurs de l’Etat (al.6).
Dans le cadre du régime semi-présidentiel, le Premier ministre
l’exerce pour l’administration courante des affaires publiques pour
certains départements ministériels à l’exception de ceux rattachés à
la Présidence de la République ainsi que pour l’exécution des lois et
des décrets présidentiels (article 60 al.2 de la Constitution du 26
décembre 1992).
Quant aux ministres, aux autorités locales et aux directeurs des
services publics, ils utilisent le pouvoir réglementaire pour
l’organisation et le fonctionnement de leurs services. Pour ce faire,
ils recourent à deux catégories d’actes :
Les premiers dont la normativité est certaine résident dans les
décrets présidentiels et les arrêtés du Premier ministre, des
ministres ou des autorités locales.
Les seconds dont la normativité est douteuse résident dans la
fameuse distinction entre les circulaires et les instructions
normatives et des circulaires et instructions interprétatives (voir
arrêt Notre Dame de Kresker).

SECTION 5. L’APPRECIATION DE LA LOI ET L’INTERPRETATION


DES ACTES ADMINISTRATIFS PAR LES TRIBUNAUX JUDICIAIRES

137
Il existe un problème général appelé « problème des questions
préjudicielles. » Celles-ci apparaissent dans les conditions
suivantes : au cours d’un litige relevant de sa compétence le juge
saisi se trouve en présence d’une question qui ne relève pas
normalement de sa compétence. Mais la solution de celle-ci est
nécessaire pour trancher le litige qui lui est soumis.
Dans une telle hypothèse que doit-il faire ?
- Doit-il statuer lui-même sur la difficulté rencontrée sachant qu’elle
ne relève pas de sa compétence ?
- Ou alors doit-il au contraire arrêter le cours du procès, c'est-à-
dire surseoir à statuer et renvoyer les parties devant le juge
compétent afin que celui-ci tranche les questions préjudicielles ?
En droit français la tendance dominante consiste à dire « que le
juge de l’action est juge de l’exception » Cependant, le problème de
la question préjudicielle se pose avec une acuité particulière dans
les relations entre juge judiciaire et juge administratif.
En effet, il est fréquent que se posent à titre de questions
préalables devant le juge administratif des questions qui relèvent
normalement de la compétence du juge judiciaire et inversement.
C’est ainsi par exemple que le juge administratif peut être appelé à
connaître de la régularité d’un arrêté d’expulsion. Dans cette
hypothèse il peut se trouver en présence de l’argumentation
suivante : l’individu expulsé soutient qu’il est de nationalité française
et que par conséquent il ne saurait être expulsé. En effet, les
questions de nationalité relevant du juge judiciaire, quelle attitude le
juge administratif doit-il adopter ?

138
Inversement, on pourrait évoquer la situation : un propriétaire
demande à un tribunal judiciaire de déclarer occupant sans droit, ni
titre, ni qualité, un individu qui s’est installé dans sa propriété. Ce
dernier présente un ordre de réquisition et des débats jaillissent
soit sur la portée exacte de l’ordre de réquisition, soit sa légalité. Le
juge de l’ordre judiciaire compétent, saisi de la question principale,
peut-il trancher ? A ce sujet, certains auteurs estiment qu’il n’y a
pas question préalable lorsque la question soulevée peut être
tranchée par le juge saisi de l’action principale. Au contraire, on dit
qu’il y a question préjudicielle lorsque le juge saisi de la question
principale doit surseoir à statuer et attendre la décision d’un autre
juge.
En fin de compte la question qui se pose est : lorsqu’un tribunal
judiciaire se trouve en présence d’un problème qui relève de
l’autorité administrative, doit-il le considérer comme question
préalable ou comme question préjudicielle ?
Face à ce dilemme, les solutions dégagées sont :
- Il n’y a de question préjudicielle que si la difficulté soulevée est
pertinente (T.C 25 novembre 1963, Préfet de Ardenne contre
Ardy et Chopen).
- La question préjudicielle peut porter sur l’interprétation de l’acte
administratif ou sur sa légalité. En pareille hypothèse, il s’agira par
exemple de savoir si un ordre de réquisition permet l’occupation
d’une maison entière ou seulement de certaines pièces de cette
maison. Dans certains cas ce serait la légalité même de l’acte
administratif qui sera mise en cause car on soutiendra que l’ordre de
réquisition présenté par des parties n’a pas été régulièrement pris.

139
S’y ajoute le caractère contradictoire des positions en présence. Il
est d’entrée de jeu aisé de ne pas reconnaître systématiquement au
tribunal judiciaire la possibilité d’interpréter et d’apprécier la
légalité des actes administratifs. A ce niveau, il est nécessaire en
premier lieu de ne pas reconnaître au tribunal judiciaire la possibilité
d’interpréter systématiquement les actes administratifs ou d’en
apprécier la légalité.
D’une façon générale, on distingue deux situations :
- les personnels des tribunaux judiciaires statuant en matière non
répressive d’une part.
- d’autre part le personnel des tribunaux statuant en matière
répressive.

PARAGRAPHE 1. L’APPRECIATION DE LA LEGALITE :


L’INTERPRETATION DE L’ACTE ADMINISTRATIF DEVANT LES
TRIBUNAUX JUDICIAIRES NON REPRESSIFS

Après de longues incertitudes et de longues divergences entre la


Cour de cassation et le Conseil d’Etat, la question des tribunaux
répressifs a été réglée par un arrêt du tribunal des conflits en date
du 16 juin 1923. A l’avenue de la jurisprudence du T.C, les
principes adoptés sont les suivants : il faut distinguer entre
l’interprétation des actes administratifs et l’appréciation de leur
légalité.
La première est possible dans certains cas. La seconde ne l’est
jamais. Ainsi, l’interprétation des actes administratifs est de droit
pour les actes ayant un caractère certain, c'est-à-dire comportant
des dispositions générales et impersonnelles. Elle est au contraire

140
interdite aux tribunaux judiciaires lorsqu’il s’agit d’actes non
réglementaires (Cass. Civ, 12 mai 1974, ville de Dinard, JCP
1975).
En revanche, il y a interdiction absolue aux tribunaux judiciaires
non répressifs d’apprécier la légalité des actes administratifs
lorsque dans un procès-verbal relevant de leur compétence, la
solution du litige dépend de la régularité ou de l’irrégularité d’un
acte administratif, que celui-ci soit réglementaire ou individuel, juge
judiciaire ne le déclare lui-même illégal.

PARAGRAPHE 2. L’APPRECIATION DE LA LEGALITE :


L’INTERPRETATION DES ACTES ADMINISTRATIFS DEVANT LES
TRIBUNAUX REPRESSIFS DE L’ORDRE JUDICIAIRE

Il arrive que les tribunaux judiciaires répressifs aient à résoudre des


problèmes concernant l’interprétation surtout la légalité des actes
administratifs qui sont portées devant eux.
A ce niveau se pose la question à reviendra-t-il la question
d’apprécier la régularité des actes administratifs ? Ce sera au juge
répressif lui-même ou faudra-t-il renvoyer la question au juge
administratif ?
Deux solutions ont été conçues :

A. SOLUTION EN MATIERE NON REPRESSIVE

Les solutions déclarées ne sont applicables qu’aux tribunaux


judiciaires statuant en matière non répressive.

141
B. L’ARRET ABRANCHE ET DESMARETS

Pendant longtemps la question des pouvoirs des tribunaux non


répressifs est restée incertaine. En principe elle a été tranchée par
un arrêt du tribunal des conflits qui est en matière répressive le
pendant de l’arrêt Sephonds en matière civile (T.C, 1951
Abranche et Desmarets).
S’agissant des règles applicables aux tribunaux répressifs en ce qui
concerne la légalité des actes administratifs, deux observations :
- d’abord en ce qui concerne les actes administratifs de nature
interne : lorsque ces actes commandent l’existence des infractions
ou l’application de la peine, le juge répressif peut et doit en
apprécier la légalité si celle-ci est contestée devant lui.
- ensuite pour les non réglementaires : le juge répressif peut et doit
en principe se prononcer désormais sur leur légalité. En effet,
l’arrêt limitait à une seule hypothèse la compétence du juge
répressif sur cet acte. C’est l’hypothèse où le législateur lui-même a
prévu que le juge répressif examine la question de la légalité de
l’acte administratif.
Enfin le troisième, c’est l’existence d’un juge administratif chargé de
sanctionner les éventuelles violations de ces dispositions.

CHAPITRE 2. LE CONTRAT ADMINISTRATIF

Le procédé contractuel est un moyen très important de l’action


administrative. Il est de plus en plus utilisé dans la mesure où il n’a
plus pour seule préoccupation d’obtenir des prestations mais il est
devenu au contraire un instrument privilégié pour la poursuite et la

142
mise en œuvre d’une économie concertée et d’une orientation des
activités socio-économiques. En un mot, à travers le procédé
contractuel, les pouvoirs publics africains entendent maîtriser une
grande partie des grands secteurs de la vie nationale.

SECTION 1. LES CRITERES DU CONTRAT ADMINISTRATIF

Il existe deux procédés pour valider un contrat administratif.


Parfois, c’est la loi ou le règlement qui qualifie la nature
administrative du contrat. En l’absence d’une telle détermination,
on fait recours alors aux critères élaborés par la jurisprudence.

PARAGRAPHE 1. DETERMINATION LEGISLATIVE OU


REGLEMENTAIRE DU CONTRAT

Ici, il convient de garder constamment à l’esprit les textes. Il s’agit


d’une part de l’ordonnance n°2002-007 du 18 septembre 2002
portant code des marchés publics au Niger, et d’autre part de
l’ordonnance n°2008-06 du 21 février 2008 modifiant celle de
2002.
Aux termes de l’article 2 de cette dernière : « les marchés publics
sont des contrats écrits, conclus à titre onéreux pour la réalisation
des travaux, la livraison des fournitures, la prestation de service et la
délégation du service public par l’Etat, les collectivités territoriales,
des établissements publics, des sociétés d’Etat et des sociétés à
participation financière publique majoritaire ainsi que les personnes
morales de droit privé agissant pour le compte de l’Etat ou des

143
personnes morales de droit public lorsqu’elles ne bénéficient pas de
leur concours financiers.
Les principaux types de contrats administratifs sont les marchés
publics, les marchés de travaux publics (construction des bâtiments
ou des routes), la concession des services publics, l’emprunt public,
l’offre de concours…
Tous les litiges soulevés à l’occasion de l’exécution de ces contrats
sont de la compétence du juge administratif.

PARAGRAPHE 2. LA QUALIFICATION JURISPRUDENTIELLE

La jurisprudence administrative a dégagé une condition organique


et deux éléments complémentaires alternatifs qui permettent de
reconnaître un contrat administratif. Il s’agit d’une part du critère de
clause exorbitante du droit commun et d’autre part du critère de
service public.

A. LES CRITERES DE CLAUSE EXORBITANTE DU DROIT COMMUN

Le critère organique met l’accent sur la présence d’une personne


publique. De ce point de vue, même s’il n’a pas un objet de service
public, le contrat conclu par l’administration peut être administratif
en raison du régime exorbitant qu’il comporte.
Ce que l’on appelle clause exorbitante du droit commun est une
stipulation insérée dans un contrat passé par l’administration ou
pour le compte de celle-ci et dont le caractère exorbitant du droit
commun entraîne la qualification administrative de ce contrat. Il est
important de noter que le régime exorbitant peut figurer dans le

144
contrat lui-même ou le contrat peut être conclu à l’intérieur d’un
régime exorbitant.
Dans le premier cas, les clauses exorbitantes du droit commun
insérées dans le contrat ont pour objet de conférer aux parties des
droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par
leur nature à celles qui sont susceptibles d’être librement
consenties par quiconque dans le cadre des lois civiles et
commerciales (C.E, 20 octobre 1950, Stein). De telles clauses
sont, par leur nature, différentes de celles qui peuvent être inscrites
dans un contrat analogue de droit civil (TC, 19 juin 1952, Sté des
combustibles et carburants nationaux). Ainsi, sont exorbitantes du
droit commun, les clauses dites pénales, les clauses prévoyant le
droit de résiliation unilatérale au profit de l’administration, le
pouvoir de l’administration de donner des instructions…
Dans le second cas, c'est-à-dire dans l’hypothèse d’un contrat
conclu dans un régime exorbitant, on fait allusion aux contrats
types, même sans lien direct avec le service public et sans clause
exorbitante de droit commun sont conclus dans un contexte
juridique imposé par le législateur et comportant pour les parties
des droits et surtout des obligations que ne connaît pas le droit
commun.
Le critère du contrat conclu dans un régime exorbitant résulte de
l’apport de l’arrêt de société d’exploitation de la Rivière du saut
(C.E, 19 janvier 1973, voir également la décision du T.C, Société
de boulangerie de Kourou en date du 24 avril 1978).
En particulier, l’arrêt de 1973 illustre très bien ce critère. Il est
relatif au contrat de fourniture (Electricité de France) d’électricité

145
par les entreprises exemptées de la nationalisation et les
producteurs autonomes qui sont tenus de conclure ce contrat.
Les désaccords concernant de tels contrats sont tranchés par
décision ministérielle. Ces contrats sont soumis à un régime
exorbitant du droit commun. C’est pourquoi on les qualifie de
contrats administratifs.

B. LE CRITERE DE SERVICE PUBLIC

En dehors de l’élément organique, on sait que la détermination du


caractère administratif d’un contrat repose sur deux critères
alternatifs qui sont d’une part la présence des clauses exorbitantes
de droit commun, et d’autre part de la participation à l’exercice
même d’un service public.
S’agissant de ce dernier critère, il est important de noter que la
notion de service public est essentielle à la qualification du contrat
administratif même si celui-ci ne comporte aucun régime exorbitant
du droit commun. A ce niveau, il y a deux hypothèses :
- la participation du cocontractant à l’exécution même du service
public
- le contrat a pour objet même l’exécution du service public.

1. La participation du cocontractant à l’exécution même du service


public

De ce point de vue, on retient que sont administratifs les contrats


dans lesquels un particulier assure l’exécution d’un service et non

146
pas seulement une simple collaboration. Il en est de même de la
concession, mais également du contrat liant un agent chargé d’une
partie de service public (C.E, 4 juin 1954, Affortit et Vingtain). Il
en est ainsi, aussi du contrat même verbal par lequel un particulier
assure directement la nourriture des ressortissants d’un centre de
rapatriement. La nourriture étant dans une telle hypothèse
considérée comme l’un des objectifs du service public (C.E, 20 avril
1956, époux Bertin).

2. Le contrat ayant pour objet même l’exécution du service public

Il y a des situations où sans confier aux particuliers l’exécution du


service public, le contrat peut être à lui-même une modalité
d’exécution du service public, celui-ci s’exécutant par la conclusion
du contrat. Ce qui suffit à conférer au contrat un caractère
administratif (C.E, 26 juin 1994, Sté la Maison des Isolants de
France, C.E, 18 juin 1976, Dame Culard, TC, 24 juin 1968, Sté
d’approvisionnement alimentaire et Sté Distillerie de Bretonnes).
Il importe de souligner qu’à l’heure actuelle il y a une totale remise
en cause de ce critère dégagé par la jurisprudence.
Le régime juridique des contrats administratifs est différent de celui
des contrats de droit privé à un double titre :
- en vertu du principe que représente l’intérêt général, la partie
publique contractante possède vis-à-vis de l’autre d’importantes
prérogatives qui se situent au moment de l’exécution du contrat.

147
- agissant au nom de tous et pour le bien commun, la puissance
publique est soumise à certaines obligations. Ces sujétions se
rencontrent au moment de la formation du contrat administratif.

SECTION 2. LA FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

La formation du contrat administratif soulève trois questions :


- quelle est l’autorité administrative compétente pour passer un
contrat administratif ?
- quels sont les modes de passation des contrats administratifs ?
- comment sont élaborées les clauses du contrat administratif ?

PARAGRAPHE 1. LA CONCLUSION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

S’agissant de la conclusion des contrats administratifs, il convient


de faire une distinction entre les deux parties au contrat à savoir le
particulier d’une part et la personne publique contractante d’autre
part.
En ce qui concerne les personnes privées, seules peuvent
contracter ou soumissionner, celles qui remplissent de conditions de
capacité telles qu’elles sont prévues par le code des marchés
publics qui dispose « l’exécution des marchés ne peut être confiée
qu’à un fournisseur, prestataire de service ou entrepreneur ayant la
capacité juridique, technique et financière nécessaire ».
Du côté de la personne publique, seules les personnes morales
administratives sont habilitées à contracter.
Cela signifie que les particuliers traitent uniquement avec l’Etat,
les collectivités territoriales ou les établissements publics et pour

148
chaque personne morale de droit public, le texte désigne l’autorité
compétente pour signer le contrat.
L’autorité contractante doit s’assurer par tous moyens appropriés
que l’offre et les conditions qui lui sont faites sont les plus
avantageuses. Elle a la responsabilité de la définition des besoins
ainsi que de la préparation de l’établissement et du contrôle de
l’exécution du marché.
Il est donc nécessaire de savoir qui est l’autorité contractante. A
cet égard, l’ordonnance n°2002-007 du 18 septembre 2002
portant code des marchés publics et d’autre part l’ordonnance
n°2008-06 du 21 février 2008 modifiant celle de 2002 reprennent
à peu près des dispositions de l’ordonnance de 1989.
Dans le code, il est dit que le terme autorité contractante désigne
selon le cas :
- le ministère, sous l’autorité duquel est placé l’administration
utilisatrice des biens ou bénéficiaire du service des travaux.
- le ministère technique compétent pour certains marchés des
travaux. Le ministère technique et les marchés sont arrêtés par
décret.
- la collectivité locale concernée pour tous les marchés mentionnés
dans le code.
Il importe de souligner par ailleurs qu’en dehors de l’autorité
contractante, le code renvoie et précise aussi qui est la personne
responsable du marché.
Le terme « personne responsable du marché » désigne selon le cas :
soit le ministère chargé du département ministériel dont dépend
l’autorité contractante, soit le gouverneur en charge de la

149
collectivité contractante ou mandataire, soit la personne habilitée à
engager l’établissement ou la société contractante conformément
aux dispositions légales ou statutaires la régissant ou son délégué.

PARAGRAPHE 2. LE CHOIX DU COCONTRACTANT

A la différence du droit privé où chacun choisit librement son


partenaire et traite avec qui il veut, le droit administratif impose des
sujétions aux personnes publiques. En matière contractuelle le
choix du cocontractant obéit à certains procédés. Selon le code
des marchés publics, ceux-ci peuvent être passés soit sur appel
d’offres ouverts, soit restreint ou sous la forme de marché de gré à
gré.

A. LE MARCHE SUR APPEL D’OFFRES

Le marché sur appel d’offres est attribué après un appel public au


candidat dont l’offre est jugée la plus importante, compte tenu du
prix des fournitures de leur coût, de leur valeur technique, de
garanties professionnelle et financière présentées par chacun des
candidats et des délais d’exécution.
L’appel d’offres peut être ouvert ou restreint. Il est dit ouvert
lorsque tout candidat peut remettre une offre.
L’appel d’offres est dit restreint, lorsqu’il ne s’adresse qu’à un
nombre limité de candidats choisis par l’administration.
D’autre part, il est prévu un appel d’offres avec concours lorsque
des motifs d’ordre technique, esthétique ou financier justifiant des
recherches particulières.

150
Le concours a lieu sur la base d’un programme établit par l’autorité
contractante qui indique les besoins auxquels doit répondre la
prestation et fixe le cas échéant le maximum de la dépense prévue
pour l’exécution du projet. Le concours peut porter soit sur
l’établissement d’un projet, soit sur l’exécution d’un projet, soit à la
fois sur l’établissement et l’exécution d’un projet.

B. LE MARCHE DE GRE A GRE

Un marché est dit de gré à gré lorsque l’administration engage


librement les discussions qui lui paraissent utiles et a prévu
librement le marché à l’entrepreneur ou au fournisseur qu’elle aura
retenu.
Toutefois, l’administration reste tenue de mettre en compétition
dans toute la mesure du possible et par tous les moyens appropriés,
les fournisseurs, prestataires ou entrepreneurs susceptibles de
réaliser les fournitures, service ou travaux qui doivent faire l’objet
d’un tel marché.

C. LE MARCHE PAR ADJUDICATION PUBLIQUE

C’est un procédé qui restreint les possibilités de choix de


l’administration. En effet, il s’agit là d’un mode de désignation de
cocontractant entièrement automatique. L’administration étant

151
obligée de retenir la candidature du particulier qui a offert le plus
bas prix.

PARAGRAPHE 3. L’ELABORATION DES CLAUSES DU CONTRAT

Contrairement au droit privé où les clauses d’un contrat sont


débattues d’un commun accord, le droit administratif a érigé en
règle et en principe général ce qui est exceptionnel en droit privé.
Il s’agit du contrat d’adhésion. Technique administrative par
excellence, où le contenu du contrat est fixé par l’administration elle
seule, sauf sur un point : le prix.
Un contrat administratif prend souvent la forme d’un document
écrit. Il mentionne l’accord des parties aux conditions définies par
les documents qui sont annexés au contrat : il s’agit des cahiers de
charge qui précisent les conditions dans lesquelles les marchés sont
passés et exécutés. Ceux-ci comprennent notamment :
- les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) qui
fixent les dispositions applicables à tous les marchés publics.
- les cahiers de prescription commune (CPC) qui fixent les
dispositions administratives applicables à tous les marchés portant
sur une même nature des travaux et passés par une collectivité
publique ou un établissement public.
- enfin, les cahiers de prescription spéciale (CPS) qui fixent les
clauses propres à chaque marché.

SECTION 3. L’EXECUTION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

152
Le particularisme du droit administratif du contrat, caractérisé par
des prérogatives dévolues à la puissance publique, se révèle surtout
au moment de l’exécution du contrat. En effet, à l’égalité des
situations juridiques individuelles, se substitue l’inégalité au profit
de l’administration.
L’intérêt général et la nécessité d’adapter les contrats aux
impératifs des besoins des services publics expliquent ces
dérogations de droit commun.
Toutefois, cette inégalité est compensée sur le terrain financier par
l’octroi de certains droits au cocontractant de la personne publique.
On ne saurait donc étudier l’exécution des contrats administratifs
sans d’abord évoquer les prérogatives de l’administration avant de
se pencher sur les droits du cocontractant.

PARAGRAPHE 1. LES PREROGATIVES DE L’ADMINISTRATION

Elles sont au nombre de quatre. Il s’agit :


- du pouvoir de direction et de contrôle
- du pouvoir de sanction
- du pouvoir de modification unilatérale
- du pouvoir de résiliation.

A. LE POUVOIR DE DIRECTION ET DE CONTROLE

L’administration dispose d’un pouvoir de surveillance afin de


s’assurer de la bonne exécution d’un marché. C’est ainsi qu’en
matière de travaux publics par exemple, les techniciens de

153
l’administration que sont les ingénieurs des ponts et chaussées ont
accès aux chantiers et peuvent donner des ordres aux entreprises.

B. LE POUVOIR DE SANCTION

Les sanctions sont prévues en cas d’inexécution du cocontractant


fautif après une simple mise en demeure préalable.
Ces diverses sortes de sanctions sont les suivantes :
Des sanctions pécuniaires sous forme de pénalités ou de
dommages et intérêts, des sanctions coercitives par lesquelles
l’administration, en cas de défaillance, se substitue à son
cocontractant ou désigne une autre personne qui sera chargée aux
frais et risque de la partie défaillante de poursuivre l’exécution du
contrat, des sanctions résolutoires, c'est-à-dire la résiliation du
contrat aux torts du cocontractant.
Enfin il peut y avoir une sanction contre l’administration défaillante.
Cela pose un problème puisque c’est ici que la rupture de l’égalité
contractuelle apparaît avec netteté étant donné que le
cocontractant ne peut pas invoquer le principe « excéptio non
adimplati contractus » (suspension de l’exécution de ses obligations
en cas de défaillance de l’autre partie). Il est obligé de remplir ses
engagements, quitte à se retourner par la suite contre
l’administration pour se faire payer.

C. LE POUVOIR DE MODIFICATION UNILATERALE

Selon le principe d’immutabilité des contrats « les conventions


légalement formées tiennent lieu de loi à l’égard de ceux qui les ont

154
faites ». Ce principe ne s’applique pas au contrat administratif. En
effet, la personne publique peut par sa seule volonté modifier
l’étendue des obligations du cocontractant soit pour les accroître,
soit pour les réduire.
Ce pouvoir d’adaptation des contrats aux nouvelles exigences est
admis par le juge (C.E, 21 mars 1910, compagnie générale des
tramways).
Cependant, il est important de noter que la modification unilatérale
ne doit pas porter atteinte à l’équilibre financier du contrat.
La modification ne peut pas aller jusqu’à provoquer un véritable
bouleversement du contrat, c'est-à-dire en portant atteinte à la
substance même du contrat, par exemple en imposant au
cocontractant une obligation ou une prestation totalement
différente de celle qui était prévue initialement.

D. LE POUVOIR DE RESILIATION

Il s’agit là d’une originalité du contrat administratif à cause du


pouvoir que possède l’administration d’y mettre fin à tout moment.
En vérité, c’est plutôt une seconde phase du pouvoir de
modification unilatérale du contrat administratif.
Ce pouvoir de résiliation est général puisqu’il existe à l’encontre de
tous les contrats administratifs.
Comme le précise le juge administratif français, il s’agit là d’une
règle de « droit commun des contrats administratifs (C.E, 2 mai
1958, distillerie de magnac Laval).
Cette résiliation faite dans l’intérêt du service public est d’ordre
public. Il s’agit d’une compétence discrétionnaire de

155
l’administration. Elle entraîne cependant pour le cocontractant un
droit à l’indemnisation pour le dommage causé et le manque à
gagner.

PARAGRAPHE 2. LES DROITS DU COCONTRACTANT DE


L’ADMINISTRATION

Le cocontractant de l’administration, du fait qu’il est chargé d’une


mission d’intérêt général et en vertu du principe de la continuité du
service public se voit imposer certaines obligations étrangères au
droit privé.
En contrepartie, il bénéficie de certains privilèges qui s’analysent
en des compensations pécuniaires :
- il a droit à une rémunération. Il s’agit là d’avantages financiers qui
ne peuvent être modifiés de façon unilatérale par la personne
publique.
- il a droit à l’équilibre financier du contrat. Cet équilibre financier
peut être remis en cause par la survenance de faits nouveaux qui
viennent bouleverser l’exécution du contrat. Il s’agit de la théorie du
fait du prince d’une part et de celle de l’imprévision d’autre part.

A. LA THEORIE DU FAIT DU PRINCE

Il s’agit d’une œuvre constructive de la doctrine introduite dans la


théorie des contrats administratifs à dessein de couvrir des
situations nouvelles découlant d’une intervention administrative
extracontractuelle, c'est-à-dire celle qui est exercée en dehors des

156
spéculations convenues et modifiant de façon substantielle les
conditions d’exécution du contrat.
On entend par fait du prince une mesure prise par la personne
publique sur la base de ses pouvoirs généraux de police et qui
entraîne des répercussions sur la situation du cocontractant. Par
exemple une mesure fiscale ou de police à l’instar du blocage du prix
de vente de certaines marchandises. Il convient d’ajouter que la
théorie du fait du prince est soumise à des conditions d’application
et entraîne des effets.

1. Conditions d’application de la théorie du fait du prince

Elles sont au nombre de trois :


- la mesure doit émaner de la personne publique contractante.
- c’est une mesure spéciale qui doit frapper particulièrement le
cocontractant.
- la mesure doit avoir une répercussion directe sur l’un des éléments
essentiels du contrat.

2. Les effets de la théorie du fait du prince

Le premier effet c’est que le cocontractant est obligé de poursuivre


l’exécution du contrat sauf en cas de force majeure.
En second lieu il a droit à une réparation intégrale des charges
supplémentaires occasionnelles.

157
Cette réparation porte aussi bien sur le « damnum emergens »,
c'est-à-dire le dommage subi que sur le « lucrum cessens », c'est-à-
dire le manque à gagner, résultat de l’intervention administrative.

B. LA THEORIE DE L’IMPREVISION

Cette théorie répond à un objectif bien précis à savoir faire face à


une situation particulière. Elle a en effet été élaborée en vue de
permettre au cocontractant de continuer à s’acquitter de ses
obligations en vertu des engagements pris même lorsque les termes
du contrat ont été bouleversés à la suite d’événements imprévisibles
comme une crise économique ou politique ou une inflation
importante qui rend l’exécution du contrat financièrement ruineuse.
Lorsqu’une telle situation surgit en droit privé, cela n’entraîne
aucune modification du contrat et le créancier est en droit d’exiger
de son débiteur que ce dernier s’exécute aux conditions initialement
prévues même si cela entrainerait sa ruine.
De telles préoccupations ne guident pas le droit administratif. Le
but de l’intérêt général est en jeu et le principe sacro-saint de la
continuité du service public commande que les prestations promises
par l’une des parties puissent être fournies.
La ruine du cocontractant conduirait au résultat inverse puisqu’elle
compromettrait cette continuité et bloquerait le fonctionnement de
la machine administrative.
L’intérêt général exige que le service public puisse continuer
d’exister et il est fait obligation au cocontractant de poursuivre
l’exécution du contrat à charge pour la partie adverse d’accorder
une assistance financière.

158
Cette théorie est née d’une décision du Conseil d’Etat rendue à
propos des difficultés d’application d’une concession de fourniture
de gaz de ville produit à partir de charbon dont le prix s’est accru de
façon considérable par suite de la première guerre mondiale.
La faillite de l’entreprise et l’interruption du service public ont été
évitées grâce à une participation de la commune concessionnaire
(C.E, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de
Bordeaux).

1. Conditions d’application de la théorie de l’imprévision

Elles sont les suivantes :


- il s’agit d’abord de l’événement perturbateur survenu pendant
l’exécution du contrat et ne pouvant pas être prévu au moment de la
conclusion de celui-ci. Cet aléa peut être d’origine économique ou
administrative comme par exemple dans les hypothèses d’une
réglementation des prix ou d’une dévaluation.
- cet événement imprévisible doit entrainer un véritable
bouleversement de l’économie du contrat. Concrètement, cela
signifie que le manque à gagner doit se traduire par un déficit dont
l’importance et l’ampleur n’auraient pu être prises en compte au
moment de la conclusion du contrat.

2. Contenu de la théorie de l’imprévision

159
La théorie de l’imprévision ne délie pas le cocontractant de
l’obligation d’exécuter le contrat. En effet, elle est plutôt destinée
à lui permettre de pourvoir à cette exécution sans se ruiner.
Cette théorie lui ouvre droit à une indemnité même si cette
indemnisation n’est pas totale, c'est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une
réparation intégrale comme dans le cadre du fait du prince. Il s’agit
ici d’une contribution publique qui s’applique uniquement sur la
charge extracontractuelle, c'est-à-dire la partie du déficit non
prévisible. C’est une contribution.
Cela signifie que le cocontractant doit assumer une partie de cette
charge extracontractuelle (exemple sa participation est mineure. Il
ne peut supporter plus de 10 % du déficit).

3. Limites de la théorie de l’imprévision

La théorie de l’imprévision est conçue comme un moyen permettant


de franchir un cap difficile. De ce fait, elle revêt un caractère
essentiellement provisoire et temporaire. Aussi, si le déséquilibre
du contrat se révèle définitif, on est dès lors dans un cas de force
majeure qui emporte comme conséquence de mettre fin à la
convention.
En effet, s’il s’avère impossible de rétablir l’équilibre du contrat,
c’est que celui-ci ne peut plus être adapté donc maintenu d’où sa
résiliation.
Le Conseil d’Etat a prévu cette situation dans un arrêt du 9
décembre 1932 (Compagnie des tramways de Cherbourg).

SECTION 4. L’EXTINCTION DU CONTRAT ADMINISTRATIF

160
Le contrat administratif peut prendre fin comme les autres
conventions lorsque les deux parties se sont acquittées
intégralement de leurs obligations (par exemple l’objet du contrat
est réalisé, il est arrivé à terme).
Il peut également prendre fin par la mort du cocontractant si le
contrat a été conclu intuitu personae.
Enfin, il y a des clauses d’extinction propres aux contrats
administratifs. Elles sont au nombre de trois :
- la résiliation-sanction
- la résiliation dans l’intérêt du service qui prend le nom de rachat
dans le cadre des contrats de concession de service public
- les résiliations prononcées par le juge en cas de faute grave de
l’administration, du fait du prince ou de l’imprévision.

161
TROISIEME PARTIE : LES LIMITATIONS DE L’ACTION
ADMINISTRATIVE

Il s’agit essentiellement des principes assujettissant l’administration


au droit.
Il existe en effet des mécanismes de nature à assurer la soumission
de l’administration au droit.
L’action des autorités administratives s’inscrit dans le cadre des
principes juridiques d’origine jurisprudentielle pour la plupart. Il
s’agit de deux principes fondamentaux et classiques à savoir le
principe de légalité également appelé principe de juridicité d’une
part et le principe de responsabilité d’autre part.

TITRE 1. LE PRINCIPE DE LEGALITE

Le principe de légalité signifie que « les autorités administratives


sont tenues dans les décisions qu’elles prennent de se conformer à
la loi ou plus exactement à la légalité, c'est-à-dire un ensemble de
règles de droit » (André de Laubadère, traité de droit administratif,
6ème édition, n°406.
Les raisons d’être de ce principe sont pour l’essentiel au nombre de
deux.
D’un côté il réalise certains des buts essentiels de l’Etat de droit
en imposant « le respect des décisions pises par les organes du
pouvoir politique ». A ce titre, il se révèle comme un excellent
instrument de protection des droits des citoyens, d’où l’expression
« légalité de libéralisme ».

162
De l’autre côté, le principe de légalité remplit des fonctions
régulatrices très importantes par la transmission des directives du
pouvoir. Il se révèle comme un de ses principaux moyens d’action.
Le principe de légalité se présente donc comme un principe de
compatibilité et de non-contrariété des actes administratifs aux
prescriptions du législateur.
En cas de violation, sa sanction par un juge spécial fait appel à
trois éléments :
Le premier c’est l’édiction de lois par les législateurs représentant
le peuple souverain.
Le second c’est l’établissement de la hiérarchie des normes
juridiques.
Le troisième c’est l’existence d’un juge administratif chargé de
sanctionner les éventuelles violations de ces dispositions.

CHAPITRE 1. LES SOURCES DE LA LEGALITE

Ces sources constituent ce qu’on appelle communément la


pyramide de la légalité ou en d’autres termes la hiérarchie des
normes juridiques.
Les juristes du 19è S avaient une conception extrêmement
restrictive de la légalité. Pour eux, l’Etat de droit devait être avant
tout l’Etat légal, c'est-à-dire la soumission du gouvernement au
parlement.
De nos jours, le terme s’est dépouillé de cette conception originelle
et ses entendu dans un sens beaucoup plus large comme étant
synonyme de régularité juridique.

163
Le bloc de la légalité, c'est-à-dire l’ensemble des règles qui
s’imposent à l’administration est composé de règles à la fois
extérieures à l’administration et internes à celle-ci.

SECTION 1. LES REGLES DE DROIT EXTERIEURES A


L’ADMINISTRATION

Au sommet de la pyramide se trouve la constitution dont le respect


s’impose à l’administration ainsi que les dispositions claires et
précises de son préambule. Ensuite viennent dans l’ordre les traités
internationaux régulièrement ratifiés, la loi et les principes généraux
du droit.

SECTION 2. LES REGLES DE DROIT INTERNES A


L’ADMINISTRATION

Toutes les décisions administratives prises de façon régulière sont


sources de droit et font partie de la légalité. L’administration
apparaît ainsi comme l’une des sources principales de la légalité.
La soumission de l’administration à ses propres règles comporte
des variables en particulier elle doit tenir compte à la fois de critères
organico-formels et de critères matériels. Ainsi, du point de vue
organique il existe une hiérarchie entre les différentes autorités
administratives. Cela signifie que chaque autorité administrative se
doit dans l’exercice de son pouvoir réglementaire de respecter les
règlements pris par son supérieur. En effet, entre deux actes
administratifs revêtant la même nature réglementaire ou individuelle,
celui qui émane de l’autorité hiérarchiquement supérieure prime celui

164
pris par l’autorité inférieure (un décret présidentiel s’impose à un
arrêté ministériel).
Du point de vue matériel, on se réfère à la nature de l’acte émis. On
distingue ainsi les actes réglementaires, actes à portée générale et
les actes individuels. Les premiers l’emportent sur les seconds. En
effet, chaque autorité administrative doit se conformer lorsqu’elle
prend une décision individuelle aux actes réglementaires.
Cette subordination aux actes réglementaires joue aussi bien pour
l’autorité administrative inférieure de l’auteur de l’acte que pour cet
auteur lui-même en vertu du principe(tu dois souffrir des
conséquences de la loi que tu as faite toi-même).
Enfin, cette subordination joue pour le supérieur de l’auteur de la
décision administrative. Cela signifie qu’une autorité administrative
ne peut pas déroger par un acte individuel à une règle de portée
générale même si cette règle de portée générale a été prise par une
autorité de rang hiérarchiquement inférieur. Bien entendu il s’agit là
d’une hypothèse extrêmement rare. Néanmoins, si elle se
présentait, c’est l’acte à portée générale de l’autorité subordonnée
qui s’impose à l’acte individuel de l’autorité supérieure (C.E, 3
juillet 1931, ville de Clamart).

CHAPITRE 2. LES LIMITES DE LA LEGALITE

Elles sont pour l’essentiel au nombre de trois. Les premières


tiennent au pouvoir discrétionnaire des autorités administratives,
les secondes interviennent en période de circonstances

165
exceptionnelles et enfin, les troisièmes sont relatives aux actes de
gouvernement.

SECTION 1. LE POUVOIR DISCRETIONNAIRE

On ne saurait comprendre cette notion sans la situer à celle du


pouvoir lié.

PARAGRAPHE 1. NOTION DE POUVOIR DISCRETIONNAIRE ET DE


POUVOIR LIE

La limitation du pouvoir administratif par la règle de droit ne peut et


ne doit pas être absolue parce que cela conduirait à un automatisme
administratif préjudiciable à toutes les parties. Cela aurait pour
résultat de priver les agents administratifs de tout esprit d’initiative,
sclérosant par là même l’appareil administratif.
D’autre part un tel automatisme serait désastreux parce que
l’opportunité de certaines décisions ne peut pas être appréciée à
l’avance par voie de réglementation générale mais seulement au
contact des faits, d’où la nécessité, tout en dictant une certaine
conduite aux autorités administratives, de leur laisser une certaine
liberté d’appréciation, d’où la distinction entre pouvoir
discrétionnaire d’une part et pouvoir lié de l’autre.

A. LE POUVOIR DISCRETIONNAIRE

Il y a pouvoir discrétionnaire lorsque en présence de certaines


circonstances de fait, l’administration a le choix entre plusieurs

166
solutions. Autrement dit, lorsque sa conduite ne lui est pas dictée à
l’avance par une règle de droit.
Cela ne signifie pas qu’il faille assimiler le pouvoir discrétionnaire à
l’arbitraire. Même lorsque l’administration dispose de ce pouvoir,
elle est toujours tenue de respecter les règles de procédure et de
fond et elle doit surtout agir dans l’intérêt public.
En fait, la caractéristique majeure du pouvoir discrétionnaire c’est
que la décision à prendre par l’autorité administrative n’est pas
entièrement prédéterminée. Il en va autrement en cas de
compétence liée.

B. LE POUVOIR LIE

Il y a pouvoir lié ou compétence liée lorsque la règle de droit fait


obligation à l’autorité administrative, lorsqu’elle se trouve en
présence de certaines circonstances de fait ou de droit d’agir d’une
certaine manière sans avoir la liberté de choix. Par exemple en
matière de fonction publique et dans l’hypothèse de l’avancement
des fonctionnaires à l’ancienneté, celui qui a une certaine durée de
service prévue par les textes doit être nommé à l’échelon supérieur.
L’administration est tenue de le faire et non d’apprécier si cela est
juste ou non, opportun ou pas.

PARAGRAPHE 2. PORTEE DE LA DISTINCTION

Les notions de pouvoir discrétionnaire et de compétence liée sont


relatives à l’appréciation de l’opportunité de la mesure à prendre.

167
Dans l’hypothèse d’un pouvoir discrétionnaire, l’autorité
administrative est juge de l’opportunité de la mesure qui lui semble la
plus adéquate alors qu’en cas de pouvoir lié, l’administration doit se
déterminer non pas en fonction de son opinion personnelle mais
plutôt dans le sens qui lui est à l’avance dicté. La distinction entre
pouvoir discrétionnaire et pouvoir lié fixe les limites du contrôle
exercé par le juge.
Lorsqu’il y a compétence liée, l’attitude des autorités
administratives pose un problème de légalité, c'est-à-dire une
question de conformité de l’action administrative au droit. Dans un
tel cas, le juge possède plus de pouvoir et exerce ce qu’on appelle
« un contrôle maximum ».
Au contraire lorsqu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, le
comportement de l’administration intéresse non plus la légalité,
c'est-à-dire ce qui est licite ou non mais plutôt ce qui est opportun.
Les pouvoirs du juge se trouvent alors réduits et il n’exerce qu’un
contrôle minimum.
Dans l’un et l’autre cas, le juge dispose des pouvoirs suivants :
- il vérifie la compétence de l’auteur de l’acte
- il vérifie également si la procédure pour l’élaboration de l’acte a
été suivie
- il vérifie l’exactitude des motifs de fait ou de droit allégués par
l’auteur de l’acte
- il s’assure que le but poursuivi par l’administration est légal.

168
SECTION 2. LES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

Depuis l’arrêt HYRIES (C.E, 28 juin 1918) il est admis que les
règles de droit qui gouvernent l’activité administrative en période
normale changent de régime juridique en période exceptionnelle. Il
est en effet reconnu aux pouvoirs publics la possibilité de prendre
des mesures qui débordent largement le cadre de leur compétence
normale en vue de pourvoir d’extrême urgence aux nécessités du
moment.

PARAGRAPHE 1. LA NOTION DE CIRCONSTANCES


EXCEPTIONNELLES

Cette notion a évolué dans le sens d’un élargissement de son


champ d’application.
- à l’origine l’expression s’identifiait à la période de guerre.
- par la suite le juge l’a étendue aux périodes de difficultés
considérées comme des suites de la guerre.
- puis, toujours dans le sens de l’élargissement, on a appliqué cette
théorie à certains moments de troubles de la période de paix. Par
exemple en cas de menace de grève générale.
Enfin, en dehors de toute période de grève lorsqu’à propos d’un
cas d’espèce l’application de la légalité normale comporte des
risques sérieux de trouble, c’est ce qui ressort d’une jurisprudence
de la haute juridiction administrative française (C.E, 30 novembre
1923, Couitéas). Il s’agissait en l’occurrence de pourvoir à
l’exécution d’un jugement qui ordonnait l’expulsion de tribus

169
autochtones installées dans le sud tunisien sur le domaine du sieur
Couitéas. L’autorité administrative craignant de troubles sérieux
refusa de faire exécuter le jugement en invoquant cette théorie.
L’extension de cette notion a donc contribué à accroître les
pouvoirs des autorités administratives.

PARAGRAPHE 2. EFFETS DES CIRCONSTANCES


EXCEPTIONNELLES

L’autorité administrative dispose de pouvoirs plus étendus en


période exceptionnelle, c'est-à-dire que la possibilité lui est
reconnue de prendre des mesures normalement illégales.
Concrètement, cela se traduit sur le domaine du droit par la
légitimation de certaines dispositions prises pour assurer le
fonctionnement régulier des services et qui n’auraient jamais revêtu
ce caractère en période normale.
- c’est ainsi que possibilité est reconnue aux autorités
administratives d’intervenir dans le domaine de la loi en y prenant
des mesures sous forme de circulaires.
- il est admis qu’en période de crise, l’autorité administrative peut
intervenir dans le domaine de la justice sous forme d’arrestation ou
d’internement.
- cette théorie trouve son application concrète avec la théorie de
fonctionnaire de fait (C.E, Ass ; 29 janvier 1954, Institution
Notre Dame du Kreisker).
- l’invocation des circonstances exceptionnelles justifie les
restrictions apportées à l’exercice des libertés publiques.

170
PARAGRAPHE 3. LES LIMITES DES POUVOIRS EXCEPTIONNELS

Les prérogatives conférées aux autorités administratives sont


limitées dans le temps et dans l’espace. En effet, les pouvoirs
exorbitants détenus par les autorités administratives ne le sont que
pour la durée d’un événement précis.
D’autre part, les mesures prises en période de circonstances
exceptionnelles doivent être limitées à ce qui est nécessaire, c'est-à-
dire au but poursuivi.
En toute hypothèse, il existe un contrôle juridictionnel, le juge
vérifiant toujours si les circonstances sont réellement
exceptionnelles d’une part et d’autre part si la bonne marche des
services publics exige la mise en parenthèse de la légalité normale.
Tous ces principes ont été posés par la jurisprudence
administrative française et ils sont généralement repris par les pays
qui s’inspirent du droit français.

SECTION 3. LES ACTES DE GOUVERNEMENT

Il convient d’abord de définir cette notion avant de tenter d’en


dresser une liste.

PARAGRAPHE 1. DEFINITION DE LA NOTION D’ACTE DE


GOUVERNEMENT

Les actes de gouvernement sont des mesures qui, bien que prises
par le gouvernement échappent au principe de la légalité et
bénéficient à ce titre d’une immunité juridictionnelle. Ils ne peuvent

171
ni être attaqués pour illégalité devant le juge de l’excès de pouvoir,
ni engager en principe la responsabilité de l’administration.
La théorie des actes de gouvernement marque les limites de la
soumission du gouvernement aux lois et constitue une survivance
très révélatrice de ce que l’on appelle « la raison d’Etat ».
Cependant, il convient de souligner que l’évolution de la notion
d’acte de gouvernement s’est faite dans le sens d’une restriction de
son champ d’application.
Ainsi, sous le second empire, était considéré comme acte de
gouvernement tout acte inspiré par un « mobile politique » (C.E, 9
mai 1867, Duc d’Aumale et Michel Levy).
Cette théorie du mobile politique laissait toute latitude au
gouvernement de déterminer de façon discrétionnaire les limites de
sa soumission au juge.
Avec la fin du 18ème siècle la théorie du mobile politique est
abandonnée avec l’arrêt prince Napoléon (C.E, 19 février 1875).
Il appartient désormais au juge de tracer les limites de la soumission
du gouvernement au droit.

PARAGRAPHE 2. LA LISTE DES ACTES DE GOUVERNEMENT

De nos jours la jurisprudence administrative française a retenu


deux domaines pour l’application de la théorie.
- le premier est relatif aux actes du pouvoir exécutif dans ses
rapports avec le parlement. C’est le cas par exemple des actes par
lesquels le gouvernement collabore à l’élaboration des lois en
exerçant son droit d’initiative ou les décrets de promulgation des
lois.

172
Cette notion a été par la suite étendue à la décision par laquelle le
Président de la République met en application l’article 16 de la
constitution française du 4 octobre 1958 (C.E, 2 mars 1962,
Rubin de Serves).
Du même, constitue un acte de gouvernement la décision par
laquelle le Président de la République soumet un projet de loi au
référendum.
- le deuxième domaine d’application de cette théorie a trait aux
actes relatifs aux relations internationales. C’est le cas des actes
qui se rattachent à la procédure d’élaboration et de dénonciation
des traités internationaux.

CHAPITRE 3. LE RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR

Selon la définition du Doyen VEDEL « le recours pour excès de


pouvoir est l’action par laquelle toute personne y ayant intérêt peut
provoquer l’annulation d’une décision exécutoire par le juge
administratif en raison de l’illégalité de cette décision ».
Le recours pour excès de pouvoir s’inscrit dans le cadre de la
philosophie globale de préservation, de renforcement et de
consolidation de l’Etat de droit. Le principe selon lequel tout acte
administratif illégal doit pouvoir être annulé par un juge s’est forgé
progressivement. La première formulation se trouve dans la loi des
7 et 14 octobre 1790 selon laquelle « les réclamations
d’incompétence à l’égard des corps administratifs ne sont en aucun
cas le sort des tribunaux. Ils doivent être portés devant le roi, chef
de l’administration générale ».

173
Ce texte rejette la compétence des juridictions judiciaires, il admet
le recours administratif devant le chef de l’Etat.
Par la suite, le REP connaîtra plusieurs évolutions, notamment en
ce qui concerne les ouvertures de ce recours jusqu’au vice de forme
et à l’incompétence s’est ajouté le détournement de pouvoir puis le
recours pour violation de la loi et des droits acquis.

SECTION 1. CARACTERES GENERAUX DU RECOURS POUR


EXCES DE POUVOIR

Ils sont à titre principal au nombre de cinq (5) même si en sixième lieu
se pose le problème du caractère objectif du REP.

PARAGRAPHE 1. C’EST UN RECOURS EN ANNULATION

Cela signifie que le juge a un pouvoir d’annulation puisqu’il


considère le recours introduit comme recevable et fondé. Le juge de
l’excès de pouvoir ne puis qu’annuler en tout ou en partie l’acte
attaque. Outre l’annulation, si le requérant veut obtenir d’autres
résultats notamment des dommages-intérêts, il est tenu de joindre à
ses conclusions d’excès de pouvoir d’autres conclusions relatives à
la procédure du plein contentieux.

PARAGRAPHE 2. C’EST UN RECOURS DIRIGE CONTRE UN ACTE


ADMINISTRATIF UNILATERAL

Bien entendu ceci exclut les contrats du contentieux de l’excès de


pouvoir. Par ailleurs, il y a lieu de distinguer les recours pour excès
de pouvoir dirigés contre des actes administratifs unilatéraux, c'est-

174
à-dire des décisions exécutoires de ceux dirigés contre les
jugements rendus en dernier ressort par une juridiction
administrative car cette seconde hypothèse relève du recours en
cassation.

PARAGRAPHE 3. LE REP NE PEUT ETRE FONDE QUE SUR


L’ILLEGALITE

C’est en ce sens que l’on dit que les différentes ouvertures au


REP sont : incompétence, vice de forme, détournement de
pouvoirs, violation de la loi et des droits acquis ne constituent que
divers aspects de l’illégalité au sens du mot, c'est-à-dire entendu
comme violation du droit par l’administration.

PARAGRAPHE 4. LE REP EST D’ORDRE PUBLIC

S’exprimer ainsi revient à dire trois choses :


- En premier lieu, le recours pour excès de pouvoir est de droit. En
d’autres termes, un texte spécial n’est pas nécessaire pour que le
recours pour excès de pouvoir existe à l’encontre d’une catégorie
d’actes administratifs. En effet, le recours est ouvert même sans
texte contre tout acte administratif car il a pour effet d’assurer
conformément aux principes généraux du droit, le respect de la
légalité (C.E, 17 février 1950, Dame Lamothe) ;
- Nul ne peut renoncer par avance au droit de former un recours
pour excès de pouvoir. Une telle renonciation serait nulle (C.E, 19

175
novembre 1955, André ni), cependant, peut se désister d’un
recours déjà formé ;
- En troisième lieu, l’annulation d’un acte par la voie du REP a un
effet d’ordre public (C.E, 22 mars 1961, Simonet).
L’une des circonstances est que la renonciation par le requérant du
bénéfice de l’annulation juridictionnelle d’un acte administratif ne
peut faire revivre la décision annulée (C.E, 13 juillet 1967, Ecole
privée des filles de Pradel).

PARAGRAPHE 5. LE REP EST UNE GARANTIE DE LEGALITE DANS


UN ETAT DE DROIT

Autrefois, les auteurs opposaient « l’Etat de police » où le pouvoir


n’est pas lié par le droit et « l’Etat de droit » où le pouvoir ne peut
agir que dans le respect des règles et principes qui s’imposent à lui.
Comme cela a déjà été dit, le principe de la légalité est l’un des
principes qui dans le cadre d’un Etat de droit assure
l’assujettissement de l’administration au droit. Cette soumission de
la puissance publique au droit est réalisée par des procédés variés.
On convient aujourd’hui que le moyen essentiel de garantir la
légalité est le REP par lequel peut être anéanti tout acte
administratif unilatéral contraire au droit.

PARAGRAPHE 6. LE PROBLEME DU CARACTERE OBJECTIF DU


REP

176
Le REP peut être formé par toute personne ayant intérêt. Quant
aux décisions d’annulation, elles ont un effet erga omnes, c'est-à-
dire à l’égard de tous.
Le recours ne peut être fondé que sur la violation par
l’administration d’ne règle de droit « objective » et non d’un contrat,
d’où l’idée selon laquelle le REP relèverait d’un contentieux
purement objectif et s’opposerait au recours de pleine juridiction.
Contentieux subjectif, en d’autres termes, on dit qu’il s’agit d’un
procès fait à un acte et non à une partie.

SECTION 2. CONDITIONS DE RECEVABILITE DU REP

Ce sont les conditions qui doivent être réunies pour que le juge de
l’excès de pouvoir consente à examiner l’affaire au fond. En
France, ces conditions, au nombre de quatre (4) ils tiennent :
- à la nature de l’acte attaqué
- à la personne du requérant
- aux conditions de forme et du délai de recours
- à l’absence du recours parallèle.

PARAGRAPHE 1. LA NATURE DE L’ACTE ATTAQUE

Seuls les actes des autorités administratives peuvent être attaqués


par la voie du REP. Concrètement cela signifie deux choses.
D’abord ne relèvent du REP que les actes qui sont de la
compétence du juge administratif, ensuite parmi ces actes ne

177
relèvent du REP que les décisions exécutoires, c'est-à-dire les
actes administratifs unilatéraux.

A. LES ACTES RELEVANT DE LA COMPETENCE DU JUGE


ADMINISTRATIF

En vertu du principe français de la séparation des autorités


judiciaires et des autorités administratives, le champ d’application
de la compétence du juge administratif est bien défini. Sont en
principe exclus de cette compétence :
- les actes faits par des personnes ou des groupements privés sauf
dans l’hypothèse où en vertu d’une mission de service public dont il
serait investi, ces groupements privés auraient reçu de la loi la
prérogative de prendre des décisions exécutoires (C.E, 31 juillet
1942, Monpeurt) ;
- les actes des autorités étrangères ;
- les actes des autorités judiciaires ;
- les actes des autorités parlementaires notamment la loi ;
- les actes que le gouvernement ou le chef de l’Etat accomplit dans
ses rapports avec le parlement ou la dans la conduite des relations
internationales ;
- les actes de ramenant à la gestion du domaine privé sauf les actes
réglementaires pris en vertu des prérogatives de puissance publique
de l’administration ;
- les actes pris par les organes gérant les services publics à gestion
privée (SPIC) sauf les règlements d’organisation générale du
service.

178
B. SEULS LES ACTES ADMINISTRATIFS UNILATERAUX PEUVENT
ETRE ATTAQUES PAR LA VOIE DU REP

Un acte juridique ou matériel peut relever de la compétence du juge


administratif. Mais cela n’est pas suffisant pour qu’il puisse être
déféré au juge de l’excès de pouvoir. Pour que cela soit possible un
certain nombre de conditions doivent être réunies.
En premier lieu, il faut qu’il s’agisse d’un acte juridique et non d’une
simple opération matérielle comme le dit si bien le Doyen G.
VEDEL « on peut demander au juge l’annulation d’un arrêté ou
d’un décret ; on ne peut pas lui demander d’annuler une collision de
véhicule ou l’implantation d’un poteau électrique » (C.E, 16
octobre 1970, Pierre contre EDF).
Cependant, dans certains cas il peut y avoir un recours pour excès
de pouvoir non pas contre l’action matérielle elle-même mais contre
la décision prise par l’administration de procéder à l’opération
(C.E, 22 novembre 1946, Mathieu).
En second lieu, comme cela a déjà été signalé, le recours pour
excès de pouvoir ne peut pas être dirigé contre les jugements ou
arrêts rendus par les juridictions administratives puisque quand
c’est le cas, il faut faire appel ou bien se pourvoir en cassation. Il ne
faut pas en effet confondre acte administratif et décision de justice.
En troisième lieu, le REP ne peut être formulé que contre les
décisions « faisant grief », c'est-à-dire les décisions exécutoires par
opposition aux mesures préparatoires. Mesures d’ordre intérieur,
instruction de service n’ayant pas valeur de décision.
En quatrième lieu, dirigé uniquement contre les actes administratifs
unilatéraux, les REP sont irrecevables contre les contrats. Les

179
rapports du REP et des contrats de base à la fois une question de
forme et une question de fond à cet égard voir VEDEL G. et
Pierre DELVOLVE : droit administratif, 8ème édition, P. 750 ;
voir également dans le même ouvrage aux P. 751 et suivants, la
théorie des actes détachables et le problème des actes inexistants.

PARAGRAPHE 2. LA QUALITE DU REQUERANT

Par qualité du requérant, on entend d’une part la capacité d’ester


en justice et d’autre part l’intérêt d’agir.

A. LA CAPACITE D’ESTER EN JUSTICE

Aux conditions habituelles de capacité, s’ajoutent deux autres


considérations :
D’abord les étrangers ont comme les nationaux accès à la barre du
juge de l’excès de pouvoir sans formalité spéciale et sans caution ;
Ensuite le Conseil d’Etat admet la formation d’un REP des
associations non déclarées qui en principe ne possèdent pas la
personnalité morale (C.E, 21 mars 1919, Dame Poiler ; C.E, 31
octobre 1969, Syndicat de défense de la Durance).

B. L’INTERET A AGIR

A la base du contrôle de la légalité des actes administratifs, il y a


certes le souci de faire respecter le principe de l’Etat de droit, mais
on ne peut faire du REP une « actio popularis », c'est-à-dire une
action que tout citoyen serait autorisé à former. S’il en était ainsi,

180
on conçoit que la ruse ou même la passion politique conduirait à
soumettre au juge tous les actes de l’administration.
Par ailleurs, on ne doit pas ignorer que la règle « pas d’intérêt, pas
d’action » est un principe général de procédure. C’est pourquoi,
pour que le REP puisse être formé, un intérêt suffisamment
spécifié doit être à la source. Ainsi :
- premièrement, un intérêt purement moral suffit. Dans cette
optique, le juge du REP déclare recevable l’intérêt d’un prêtre au
respect de la liberté religieuse (C.E, 8 février 1908, Abbé
DELIARD), l’intérêt d’une association d’anciens élèves à la
défense du prestige de l’école par laquelle ils sont passés (C.E, 13
juillet 1948, Polytechnique), l’intérêt d’un ancien combattant à ne
pas voir élargir de façon illégale la qualité d’ancien combattant
(C.E, 13 mai 1949, Bourgoin).
- deuxièmement, l’intérêt doit être légitime et raisonnable. Dans
cette perspective, le Conseil d’Etat a même admis le recours de
prostituées contre des décisions relatives aux conditions d’exercice
de leur métier.
A propos du caractère raisonnable de l’intérêt invoqué, il
conviendrait de voir l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 10 juillet
1954, Société Immobilière et Hôtelière de Cannes, Hôtel
MIRAMAR.
- Troisièmement, il n’est pas nécessaire que l’intérêt soit direct et
actuel. A ce titre, un intérêt indirect, même futur, peut, s’il est
suffisamment caractérisé, justifier un REP. Ainsi, des
fonctionnaires peuvent à l’encontre de nominations illégales, faire

181
valoir l’entrave future et éventuelle que les nominations peuvent
apporter à leur avancement (C.E, 26 décembre 1925, Rodières).
- quatrièmement, l’intérêt doit être personnel à l’individu ou au
groupement qui forme le recours (voir Georges VEDEL et Pierre
DELVOLVE, droit administratif, P.759 à 761).
- en cinquième lieu, se pose le problème de l’action corporative. A
ce titre, les groupements peuvent attaquer les décisions qui lèsent
les intérêts légitimes dont en vertu de la loi ou de leurs statuts ils ont
la charge.
- enfin, se pose la question de ce que l’on appelle les recours de
l’administration. En d’autres termes, le problème consiste à savoir si
une autorité administrative peut former un REP à l’encontre des
actes d’une autre autorité administrative. Il est admis qu’en principe
rien ne s’y oppose, pourvu cependant que a condition d’ester en
justice, c'est-à-dire en particulier la condition relative à l’intérêt soit
remplie.

PARAGRAPHE 3. CONDITIONS DE FORME ET DE DELAI

Par rapport aux autres branches du contentieux administratif,


aucune originalité ne caractérise le REP en ce qui concerne les
règles de délai.
S’agissant des formes, les REP sont dispensés du ministère
d’avocat tant devant les tribunaux administratifs que devant le
Conseil d’Etat (en premier et dernier ressort comme en appel).
D’autre part, la jurisprudence a consacré de multiples règles dont il
convient de rappeler quelques unes :

182
- en principe, les requêtes collectives ne sont pas recevables en tant
que telles. Chaque requérant doit en effet former un recours
propre. Le principe de l’irrecevabilité des requêtes collectives est
cependant écarté lorsque les requérants ont le même intérêt à
l’annulation et que les questions à examiner sont les mêmes pour
tous.
- de même, il doit être formé un recours pour chaque décision
attaquée. Cependant, un seul recours peut concerner plusieurs
décisions lorsque celles-ci sont étroitement liées ou conduisent à
juger la même question (C.E, 30 mars 1973, David).
- le recours peut être formé par requête sommaire qui sera
ultérieurement appuyée d’un mémoire ampliatif mais la requête
sommaire doit articuler de manière suffisamment précise les moyens
de l’annulation.
- il arrive que le requérant ne demande qu’une annulation partielle
(par exemple l’annulation de l’un des articles seulement d’un décret).
Si la demande est fondée et s’il n’y a pas d’indivisibilité entre la
partie attaquée et la partie non attaquée de l’acte, le juge de l’excès
de pouvoir prononcera l’annulation partielle demandée. Toutefois,
si la partie attaquée est indivisiblement liée à la partie non attaquée,
le requérant, même si son recours est fondé, et condamné à l’échec.
En effet, le juge ne peut pas prononcer l’annulation partielle
demandée et ceci en raison de l’indivisibilité de l’acte. Mais il ne
saurait non plus prononcer une annulation totale qui ne lui a pas été
demandée et qui constituerait un « ultra petita ». Il ne peut donc
que rejeter la requête.

183
- enfin, comme cela a déjà été dit, rien n’interdit de présenter dans la
même requête des conclusions d’annulation pour excès de pouvoir
et des conclusions de contentieux de pleine juridiction à condition
de respecter les règles de procédure propres à chacun de ces
contentieux.

PARAGRAPHE 4. LE PROBLEME DE L’EXISTENCE D’UN


RECOURS PARALLELE

Cette notion doit être explicitée avant que l’on se penche sur ses
conséquences.

A. LA NOTION DE RECOURS PARALLELE

On peut opposer une fin de non-recevoir tirée de l’existence d’un


recours parallèle à un requérant, c'est-à-dire l’interdiction de
présenter devant le juge de l’excès de pouvoir des requêtes
destinées à obtenir un résultat qui aurait pu être aussi efficacement
obtenu devant un autre juge.
B. LES REGLES REGISSANT LA FIN DE NON-RECEVOIR TIREE
D’UN RECOURS PARALLELE

- d’abord, la fin de non-recevoir autrement appelée « exception de


recours parallèle » ne joue que si le recours supposé parallèle
permet d’obtenir un résultat aussi satisfaisant et aussi efficace que
le REP.
- ensuite, le recours parallèle doit être un recours juridictionnel ne
serait-ce que parce qu’un recours administratif n’aboutira pas à un

184
résultat équivalent à celui d’un recours juridictionnel à cause de la
différence qui existe entre autorité de la chose décidée et autorité
de la chose jugée.
- enfin, avant la réforme du contentieux administratif en France
(1953), il était admis que l’exception ne jouait que si le recours
parallèle était de la compétence d’une juridiction autre que celle
ayant compétence pour connaître du REP.

SECTION 3. LES CAS D’OUVERTURE DU REP

Il s’agit des diverses illégalités qui peuvent vicier un acte


administratif et entrainer son annulation. Ces différentes illégalités
sont également connues sous l’appellation générique de « moyens
d’annulation ».
La doctrine les classe en deux grandes catégories :
La première est relative à la légalité externe de l’acte et on
regroupe sous cette rubrique l’incompétence, le vice de forme et de
procédure.
La seconde catégorie a trait à la légalité interne de l’acte. Il s’agit
du défaut de base légale, de la violation d’une disposition légale et
du détournement de pouvoir.
Un double intérêt s’attache à cette classification dont le principal
est relatif aux effets de l’annulation. En effet, l’annulation externe
n’empêche pas l’administration de reprendre sous des formes
extérieures régulières l’acte annulé. Elle ne censure que sur un plan
accessoire l’illégalité commise.

185
En d’autres termes, cela signifie qu’un acte annulé pour vice de
forme peut être refait à la condition que la procédure régulière soit
observée.
Les cas d’ouverture du REP sont au nombre de quatre :
- l’incompétence (illégalité relative à l’auteur de l’acte).
- le vice de forme (illégalité relative aux formes et procédures).
- la violation de la règle de droit (illégalité relative à l’objet et aux
motifs de l’acte).
- le détournement de pouvoir (illégalité relative aux buts poursuivis).

PARAGRAPHE 1. LES ILLEGALITES EXTERNES

Il s’agit de l’incompétence et du vice de forme.

A. L’INCOMPETENCE

L’incompétence de l’auteur d’une décision administrative est


historiquement le premier cas d’ouverture du REP admis par la
jurisprudence administrative française.
Ce moyen d’annulation constitue également le vice le plus grave qui
puisse entacher un acte administratif.
L’incompétence signifie qu’une décision n’a pas été prise par
l’autorité administrative qui avait qualité pour la prendre. Elle peut
être positive ou négative.
- il y a incompétence positive lorsqu’une décision administrative
émane d’une autorité qui n’avait pas légalement compétence pour
l’édicter. Cependant, si une décision est revêtue de plusieurs

186
signatures, elle est réputée prise par l’autorité compétente si la
signature de celle-ci y figure.
Ainsi, une décision qui relève de la compétence d’un département
ministériel est « compétemment prise par décret si le ministre qualifié
a contresigné le décret ».
- il y a incompétence négative lorsqu’une autorité invoque à tort son
incompétence pour refuser de prendre une décision qu’elle seule a
qualité pour prendre. Le défaut de compétence revêt quatre
formes :
L’usurpation de pouvoir, l’incompétence « ratione materiae »,
l’incompétence « ratione loci », l’incompétence « ratione temporis ».

1. L’usurpation de pouvoir

L’usurpation de pouvoir consiste d’après Lafferière « soit à


usurper un droit de décision quand on n’en possède aucun, soit à
exercer une attribution étrangère à l’autorité administrative en
empiétant sur l’autorité législative, judiciaire ou gouvernementale ».
Les cas d’usurpation de pouvoir sont rares. La plupart des
empiétements commis par les autorités administratives sur le pouvoir
législatif ou judiciaire sont considérés par la jurisprudence comme
étant plutôt des voies de fait.

2. L’incompétence ratione materiae

187
C’est le cas d’une autorité administrative qui a statué à la place
d’une autre. C’est souvent le cas pour l’autorité inférieure qui
empiète sur les pouvoirs de l’autorité supérieure et vice versa.
En fait, une autorité supérieure ne peut pas en l’absence de
dispositions législatives ou réglementaires le lui autorisant, se
substituer à une autorité inférieure pour prendre un acte que celui-
ci est seule habilitée à accomplir et l’inverse est vraie sauf
délégation de pouvoirs ou de signature.

3. L’incompétence ratione loci

C’est le cas d’une autorité administrative qui déborde le cadre


territorial de ses attributions en prenant une décision dans le
ressort géographique d’une autre entité territoriale.

4. L’incompétence ratione temporis

Il existe trois cas d’incompétence ratione temporis :


- une autorité administrative a pris une décision avant d’être investie
de ses fonctions ;
- une autorité administrative a fixé la date d’entrée en vigueur soit
rétroactivement soit trop longtemps après la date où cette décision
a été prise ;
- les applications les plus fréquentes de cette catégorie
d’incompétence consistent dans les annulations des nominations
anticipées.

188
5. Les effets de l’incompétence

Le moyen d’incompétence est un moyen d’ordre public que le juge


lui-même peut soulever d’office si le requérant avait négligé ou
oublié de la soulever. Ce vice d’incompétence ne peut pas être
couvert par la ratification ultérieure de l’autorité compétente. Cela
signifie que le vice d’incompétence ne peut pas être une
confirmation ou une approbation donnée par l’autorité compétente.

B. LE VICE DE FORME

On entend par vice de forme, le fait que l’autorité administrative n’a


pas respecté les formalités qui conditionnent la prise d’une
décision. Ces formalités qui sont classées sous la rubrique
« procédure administrative non contentieuse » embrassent des
domaines divers. C’est ainsi qu’elles ont trait au respect des droits
de la défense en matière disciplinaire. Toutefois, il faudra
reconnaître que si ces formalités ont été instituées pour assurer une
plus grande protection des intérêts des administrés, elles risquent
cependant d’entraver le bon fonctionnement de la matière
administrative. C’est pour cette raison que la jurisprudence opère
une distinction entre les formalités qualifié de substantielles de
celles dites accessoires. Seule la violation d’une formalité
substantielle, c'est-à-dire celle dont l’émission a pu exercer une
influence sur la décision intervenue peut entrainer une annulation. Il
en est ainsi lorsqu’un texte impose de façon explicite la consultation
d’un organisme. Cependant, il existe des cas où l’émission de la
formalité, bien que substantielle ne conduit pas à l’annulation de

189
l’acte irrégulier. Il en est ainsi lorsque l’administration se trouve dans
l’impossibilité de s’acquitter de la formalité. C’est également le cas
lorsque la compétence est liée.

PARAGRAPHE 2. LES ILLEGALITES INTERNES

Il s’agit de la violation de la loi et des dispositions réglementaires


ainsi que du détournement de pouvoir.

A. LA VIOLATION DE LA LOI ET DES DISPOSITIONS


REGLEMENTAIRES APPLICABLES

Ce moyen sanctionne toutes les illégalités qui n’ont trait ni à la


compétence, ni à la forme, ni au but de l’acte, c'est-à-dire « les
irrégularités relatives au contenu même de l’acte et au motif de fait
et de droit dont il procède ».

1. Définition

Il faut entendre par violation de la loi et des dispositions


réglementaires « la violation de toute règle qui, en vertu du principe
de la légalité s’impose à l’administration ». Au Niger, ces
différentes catégories de règles sont du sommet de la pyramide au
bas de l’échelle, la constitution du 9 août 1999, les traités
internationaux, la loi et les textes assimilés à celle-ci, de même que
les principes généraux du droit.

2. Modalités de la violation de la règle de droit

190
Cette violation peut intervenir sous différentes formes :
- l’auteur de l’acte a agi en ne tenant aucun compte de la règle ;
- l’auteur de l’acte, tout en connaissant la règle en a donné une
interprétation erronée ;
Enfin, l’administration a fondé sa décision sur un texte qui ne
s’appliquait pas à celle-ci (règle de droit). C’est ce que la
jurisprudence appelle manque de base légale. Dans ces diverses
hypothèses, l’administration commet une erreur de droit.
Il y a également violation de la règle de droit lorsque l’administration
commet une erreur à propos de faits qui motivent sa décision ou
lorsqu’elle fonde sa décision sur des motifs qui se révèlent
matériellement inexactes.

B. LE DETOURNEMENT DE POUVOIR

Il y a « détournement de pouvoir lorsqu’une autorité administrative


accomplit un acte relevant de sa compétence mais en vue d’un but
autre que celui pour lequel l’acte pourrait être légalement
accomplit » (André de Laubadère, traité de droit administratif, P
534).
En matière de détournement de pouvoir, le contrôle porte sur le
but poursuivi par l’auteur de l’acte. C’est pour cette raison que le
Doyen JOSSERAUD l’a qualifié de « notion téléologique ».
Le détournement de pouvoir s’apparente aussi à deux autres
notions juridiques voisines que sont celle d’abus de droit et celle de
cause illicite ou immorale.

191
A la différence des autres illégalités, le détournement de pouvoir
revêt un caractère subjectif. Il oblige le juge à pénétrer les
intentions de l’auteur de l’acte, c'est-à-dire rechercher les mobiles
qui l’animent. C’est une entreprise difficile dans la mesure où la
preuve du détournement de pouvoir est mal aisée à rapporter.
Aussi, avec le développement de la jurisprudence, le juge
administratif a-t-il été amené à privilégier les autres moyens de
contrôle par une habile substitution de la notion de « volonté de la
loi » à celle de détournement de pouvoir.

SECTION 4. EFFETS DE L’ANNULATION POUR EXCES DE


POUVOIR

La notion de cette voie de droit qu’est le REP limite les


possibilités du juge. Il n’a le choix qu’entre deux solutions :
- il rejette totalement le recours parce qu’il est irrecevable ou mal
fondé ;
- il admet le recours et annule totalement ou partiellement l’acte
attaqué. En effet, le juge de l’excès de pouvoir se contente de
prononcer une annulation pure et simple de la décision litigieuse. Il
ne peut adresser des injonctions à l’administration, ni se substituer
à celle-ci pour prendre un acte régulier à sa place.
- le juge de l’excès de pouvoir prononce une simple annulation qui
peut être totale ou partielle.
Cela dit, le juge de l’excès de pouvoir a cette particularité de
procéder à une substitution de motifs et sauver par-là même des
actes administratifs. Cette substitution des motifs peut prendre
deux formes :

192
- d’une part, le juge peut procéder à une véritable substitution des
motifs, ce qui lui permet de donner à une décision son véritable
fondement législatif et réglementaire ;
- d’autre part, le juge peut procéder à une véritable substitution des
motifs qui se traduit par le fait que la décision du juge remplace un
motif erroné par un autre motif pouvant justifier la décision prise. Il
convient donc tour à tour d’étudier les effets de l’acte de rejet
d’une part et les effets de l’arrêt d’annulation d’autre part.

PARAGRAPHE 1. EFFETS DE L’ARRET DE REJET

Il ne provoque aucun effet sur l’état antérieur du droit puisque les


recours contentieux n’ont pas d’effet suspensif, ce qui implique que
l’acte administratif incriminé a toujours reçu application. L’arrêt de
rejet n’a renforcé que la validité de cet acte en mettant fin à son
caractère précaire. L’arrêt n’a qu’une autorité relative de la chose
jugée en ce sens que si le même requérant ne peut plus former le
recours contre cet acte pour la même cause. Cette possibilité peut
être exploitée par un autre requérant ou pour une autre cause à la
stricte condition de le faire dans le délai.

PARAGRAPHE 2. EFFETS DE L’ARRET D’ANNULATION


L’arrêt d’annulation comporte deux effets :
- il a un caractère rétroactif. En effet, l’arrêt d’annulation produit
ses effets au jour même où l’acte a été pris. L’acte annulé pour
excès de pouvoir est censé n’avoir jamais existé ;
- il a un caractère absolu. L’arrêt d’annulation bénéficie de
l’autorité absolue de la chose jugée. L’annulation s’impose à toutes

193
les personnes même celles qui n’ont pas été parties à l’instance d’où
l’expression « l’annulation se produit erga omnes ». Dans cette
optique, il est important de dire que le requérant agit surtout pour
faire respecter l’Etat de droit.

TITRE 2 : LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE


L’ADMINISTRATION

Le 19ème siècle et surtout le 20è ont vu l’Etat libéral classique


renoncer à sa fonction, l’Etat-gendarme pour s’attribuer une
nouvelle, celle d’Etat-providence. Ce changement opéré depuis
longtemps a pris un tournant décisif durant la période d’entre les
deux guerres mondiales conduisant les Etats à intervenir dans
de nombreux domaines. Les interventions qui se sont amplifiées
et diversifiées avec les développements des Etats et
l’accroissement de leurs activités, sont susceptibles de causer
des dommages aux administrés. Ces faits dommageables qui
peuvent être provoqués par n’importe quel service sont de
natures variées : illégales, pertes d’objet, lenteurs excessives,
accidents divers.
Dès lors, il se pose la question de savoir qui supportera la
charge de la réparation de ces préjudices. La victime des
agissements de l’administration ou encore cette dernière elle-
même ?

194
Pendant longtemps, la première hypothèse a prévalu. En effet,
l’irresponsabilité de l’administration du fait de ses agents était de
règle jusqu’en 1870.
Les particuliers, victimes des dommages ne disposaient d’aucune
voie de recours pour se faire indemniser. Les raisons qui
expliquent cette règle étaient au nombre de trois :
- les préjudices résultant à cette époque de l’activité
administrative étaient peu fréquents et peu nombreux parce que
l’activité de l’Etat était très réduite. C’était la période de l’Etat-
gendarme qui consistait à assurer l’ordre à l’intérieur des
frontières et la défense de celle-ci à l’extérieur ;
- la révolution de 1789 n’avait pas entamé, ni détruit, la vieille
maxime « le roi ne peut mal faire », qui consacrait son
irresponsabilité. Les révolutionnaires de 1789 conservaient
l’idée de la souveraineté étatique tout en changeant le titulaire
de celle-ci. La notion, désormais souveraine, bénéficiait des
mêmes privilèges que ceux anciennement attachés à la personne
du roi ;
- le système de responsabilité à l’époque était celui institué par le
code civil, articles 1382 à 1386.
Cette théorie qui a fondé un système sur le régime sur la
responsabilité pour faute, système difficilement imposable à
l’administration où on considérait que les gouvernants peuvent
mal faire. La même théorie disparaît avec la chute du second
empire en 1810.

195
C’est aussi le début de la première République et sur le plan
politique cela se traduit par le passage d’un régime impérial à une
République libérale.
Le libéralisme politique qui inspire les sphères dirigeantes et
l’idéal démocratique qui ne sont la traduction matérielle vont
modifier les rapports entre l’administration et les administrés. De
sujets, ceux-ci deviennent des citoyens.
L’avènement de « la République parlementaire » entraine comme
corollaire la mise en jeu de la responsabilité politique du
Cabinet. Et de la responsabilité politique à la responsabilité
civile, il n’y a qu’un pas qui est vite franchi.
A côté de ce facteur politique il y a également d’autres facteurs
économiques qui interviennent, c’est l’époque du développement
du machinisme, de la multiplication des interventions des pouvoirs
publics dans de nombreux domaines avec comme conséquences
une augmentation du nombre de préjudices causés aux tiers.
L’absence de réparation de ces préjudices pose à la fois des
problèmes moraux et juridiques. En effet, ces opérations
administratives sont entreprises pour le bien de tous et il est
donc anormal qu’un petit nombre supporte les conséquences
dommageables de ces agissements. C’est pourquoi dès 1873, le
Conseil d’Etat qui venait d’acquérir son autonomie vis-à-vis de
l’administration active et le Tribunal des Conflits, nouvellement
créé par la loi du 24 mai 1872 vont élaborer un véritable droit de
la responsabilité qui sera progressivement étudié à toutes les
activités étatiques vidant ainsi de son contenu le premier nombre
du principal considérant de l’arrêt « Blanco » qui dit que « la

196
responsabilité qui peut incomber à l’Etat n’est ni générale, ni
absolue ».
Cette responsabilité administrative qui est la conséquence de
son activité dommageable, si elle et imputable aux personnes
publiques n’est jamais leur fait propre.
En effet, l’administration, personne morale de droit public, n’agit
jamais par elle-même, mais toujours par l’intermédiaire de ses
agents. Ce sont ces derniers qui sont les véritables auteurs des
dommages imputés à l’administration. Dès lors, la question se
pose : qui doit supporter la charge de la réparation ?
Le problème de la responsabilité administrative fait intervenir
trois auteurs :
- le premier, c’est le particulier, victime du préjudice ;
- le second, c’est l’agent public, auteur de ce préjudice, il joue le
rôle de préposer ;
- le troisième, c’est l’administration dont l’agent est au service,
c'est-à-dire le commettant.
Il importe de se demander quelles sont les préoccupations qui
animent chacun d’eux.
En premier lieu, l’important pour la victime du dommage c’est de
trouver un débiteur solvable. Or, en général, seule la personne
publique dispose d’un patrimoine solvable. Le mieux serait donc
de lui faire supporter la charge de l’indemnisation.
En second lieu, l’intérêt de l’agent et son principal souci, c’est de
pouvoir bénéficier d’une totale impunité tant à l’égard de la
victime que vis-à-vis de l’administration.

197
En troisième lieu, il y a les intérêts de la collectivité publique qui
sont contradictoires. D’une part, le souci de protéger le denier
public et de punir les agents publics responsables de sérieuses
indélicatesses peut l’inciter à faire supporter à l’agent auteur du
dommage une partie ou totale réparation de celui-ci.
D’autre part, le souci de ne pas entraver toute initiative des
agents publics en laissant planer sur eux la perspective d’avoir
réparé à leurs propres frais, les préjudices causés, conduit à un
effacement de la responsabilité de l’agent au profit de celle de
l’Etat. Ce qui pose le problème de mise en jeu des
responsabilités respectives des collectivités publiques et leurs
agents.

CHAPITRE 1: CONDITIONS D’EXISTENCE DE LA


RESPONSABILITE
ADMINISTRATIVE

Elles varient selon qu’on se trouve dans le régime de la


responsabilité pour faute ou celui de la responsabilité sans
faute.

SECTION 1 : LA RESPONSABILITE POUR FAUTE

Le régime de responsabilité obéit aux conditions suivantes :


- il faut un fait dommageable ;
- il faut que ce fait corresponde à une faute de service et qu’il
s’analyse en un préjudice indemnisable ;

198
- il doit y avoir un lien de causalité entre l’activité administrative et
le fait dommageable.

PARAGRAPHE 1. : LE FAIT DOMMAGEABLE

Il s’analyse en une faute de service. La faute de service, dit le


commissaire du gouvernement Lafférière dans ses conclusions
sous l’arrêt Aumôniers-Carriol (arrêt rendu par le T.C en
1877), « c’est l’acte dommageable impersonnel, qui révèle un
administrateur, un mandataire de l’Etat, plus ou moins sujet à
l’erreur ».
La faute de service revêt un double aspect :
- elle peut consister en une faute individuelle commise par un
agent identifiable. Il s’agit alors de la faute de service du
fonctionnaire.
- elle peut également consister en une faute anonyme, l’auteur ne
parvenant pas à être identifié. Alors, c’est le service dans son
ensemble qui a mal fonctionné. Dans ce cas, la jurisprudence
utilise l’expression « faute du service ».

PARAGRAPHE 2 : LE PREJUDICE INDEMNISABLE

Pour avoir droit à réparation, le préjudice doit présenter certains


caractères. Il doit être direct, certain, revêtir un caractère spécial,
matériel et moral et enfin, constituer une atteinte à une situation
juridiquement protégée.

A. PREJUDICE DIRECT

199
Pour être indemnisable, le préjudice doit résulter directement de
l’activité administrative. On verra cela dans les détails en
évoquant le lien de causalité.

B. PREJUDICE CERTAIN

Seul le préjudice est susceptible d’être indemnisé. Ce qui exclut


tout droit à réparation pour les préjudices éventuels. Le
préjudice certain n’est pas seulement le préjudice réalisé. Il peut
également être le préjudice futur, c'est-à-dire qui interviendra
inéluctablement et dont on peut prévoir l’évaluation (exemple : le
préjudice qui résulte d’une invalidité atteignant un enfant car on
peut estimer à peu près la diminution de sa capacité dans le
futur).

C. PREJUDICE SPECIAL

Le préjudice subi doit être spécial, c'est-à-dire particulier à un


individu ou à une catégorie d’individus bien délimitée. Il en va
autrement du préjudice moral ou matériel.

D. PREJUDICE MATERIEL OU MORAL

Généralement, la jurisprudence administrative indemnise


toujours le préjudice matériel. Ce qui n’était pas le cas du
préjudice moral puisque la jurisprudence estimait que la douleur

200
n’était pas susceptible d’être appréciée en argent d’où
l’expression « les larmes ne se monnayent pas ».
Mais avec l’évolution, le Conseil d’Etat en est arrive à
indemniser « les troubles graves aux conditions d’existence » et
finalement le préjudice moral.

E. ATTEINTE A UNE SITUATION JURIDIQUEMENT


PROTEGEE

Le préjudice doit consister en une atteinte à une situation


reconnue par le droit. Ainsi, à une époque la jurisprudence
administrative estimait que le préjudice qui résulte pour une
concubine de la disparition de la personne avec qui elle vivait ne
peut donner lieu à une réparation (C.E, 11 mai 1928,
Demoiselle Rucheton).

PARAGRAPHE 3 : LE LIEN DE CAUSALITE

Quelque soit le régime de responsabilité applicable (c'est-à-dire


responsabilité pour faute ou sans faute), il faut qu’un lien de
cause à effet relie le fait dommageable imputé à la personne
publique au dommage subi par la victime.
Dès lors, il est important de se demander qu’est-ce qu’est la
cause d’un dommage ?

A. LA CAUSE DIRECTE

201
En droit privé comme en droit public, trois types de solutions
sont envisageables :
- le système de l’équivalence des conditions ;
- le système de la proximité de la cause ;
- la théorie de la causalité adéquate.
Le professeur René Chapus et le Doyen Raymond Odent les
résument très bien en ces termes :
- « On peut considérer en premier lieu que tout fait sans lequel le
dommage ne se serait pas produit est la cause de ce dommage ».
C’est la théorie dite de l’équivalence des conditions. Admise à
l’origine, elle fut par la suite abandonnée par la Cour de
Cassation ;
- « On peut, à l’inverse, estimer que seul le dernier des faits qui a
rendu le dommage possible peut être retenu pour cause du
dommage » ;
- « On peut enfin, comme la Cour de Cassation parait
maintenant l’admettre, décider que seul un fait qui devait
raisonnablement entrainer un dommage peut en être la cause ».
C’est la théorie dite de la causalité adéquate. Pour la juridiction
administrative française, tous les faits n’ont pas avec le dommage
un lien nécessaire de causalité directe.
La notion de cause ne se confond pas avec celle de condition
nécessaire pour que le dommage ait pu se produire.
La doctrine moderne interprète la jurisprudence administrative
comme appliquant en principe le système de la « causalité
adéquate » (pour plus de détails voir Paul Eismen, « le nez de

202
Cléopâtre ou les affres de la causalité », Dalloz, 1954, PP. 205
à 216).
L’exigence d’un dommage direct conduit à écarter ou à atténuer
la responsabilité administrative dans quatre hypothèses.

B. EXONERATIONS OU ATTENUATIONS DE
RESPONSABILITE

La responsabilité de l’administration est atténuée voire même


exclue s’il s’avère qu’une cause étrangère est intervenue dans la
réalisation du dommage. Dans le cadre du régime de la
responsabilité pour faute, cette cause étrangère revêt quatre
formes :
- la faute de la victime ;
- la force majeure ;
- le fait d’un tiers ;
- le cas fortuit.

1. La faute de la victime

Pour faute de la victime il faut entendre non seulement celle


directe et personnelle du demandeur en réparation mais aussi
celle des personnes dont le demandeur répond. Ainsi en est-il du
fait d’un préposé qui est opposable à son employeur, du fait des
enfants qui est opposable aux parents.
Le fait de la victime peut être aussi varié que peut l’être la faute
de l’administration :

203
- ce peut être une faute commise par la victime : par exemple son
ivresse.
- ce peut être aussi une imprudence ou une négligence. Par
exemple un manquement à l’obligation de surveillance que les
parents doivent exercer sur leurs enfants.
Le fait de la victime, à l’instar de celui de l’auteur du dommage
peut présenter des degrés différents et le juge en tient compte.
Notamment, il s’inspire toujours du principe de droit que traduit
le vieil adage « Nemo auditur proprian turpidinem allegans » (on
ne peut pas invoquer devant le juge sa propre turpitude).
D’une manière générale, le juge tient compte des fautes
respectives commises par la victime et l’administration dans la
survenance du dommage.
- la faute de la victime n’a exercé aucune influence sur la
réalisation du dommage ; dans ce cas, tout se passe comme si la
victime n’avait commis aucune faute.
- la faute de la victime est pour partie la cause du fait
dommageable ; il y a alors partage de la responsabilité).

2. La force majeure

Par force majeure la jurisprudence administrative entend


l’événement étranger à l’auteur d’un dommage, imprévisible dans
sa survenance et irrésistible dans ses effets.
Le juge administratif admet très peu les cas de force majeure
parce qu’il est très rare qu’un événement réunisse les trois
conditions.

204
3. Le fait d’un tiers

Il s’agit là non pas de la faute de la victime mais du fait d’un tiers


sans l’intervention duquel l’incident ne se serait pas produit.

4. Le cas fortuit

Un dommage est imputable à un cas fortuit lorsqu’on en ignore la


cause. La notion de cas fortuit correspond à celle de cause
inconnue.
Le cas fortuit est une hypothèse de la force majeure par son
caractère irrésistible et imprévu mais s’en diffère parce que le
dommage est dû à une cause inconnue.

SECTION 2 : LA RESPONSABILITE SANS FAUTE

Elle est engagée sur la base du principe de l’égalité de tous les


citoyens devant les charges publiques.
Le fondement de ce principe réside dans l’article 13 de la
déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
« pour l’entretien de la force publique et les dépenses
d’administration, une contribution commune est indispensable ;
elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en
raison de leurs facultés ».
L’idée générale ici c’est que l’administration use de façon
régulière les prérogatives qui lui sont conférées et cela dans

205
l’intérêt général. Mais cet usage peut causer un dommage spécial
et anormal à autrui.
La personne publique, bien que non fautive, doit rétablir
l’équilibre, en réparant le préjudice subi par le tiers.
Deux conditions sont nécessaires pour que la responsabilité de
l’administration soit engagée. D’une part il faut un préjudice et
d’autre part il faut l’existence d’un lien de causalité entre l’activité
administrative et le dommage subi ;

PARAGRAPHE 1 : LE PREJUDICE

En plus des caractères communs à tous les préjudices (certain,


matériel, moral, spécial) le juge administratif exige qu’il soit d’une
gravité particulière.
C’est le cas par exemple lorsqu’un requérant invoque le
manquement de l’Etat à son obligation de garantir à tous ceux
qui vivent sur son territoire la sécurité de leurs personnes et leurs
biens, et le cas échéant, de les indemniser du dommage qu’ils
subissent lorsque celui-ci présente un caractère spécial et
anormal.

PARAGRAPHE 2 : LE LIEN DE CAUSALITE

Dans le cadre du régime de la responsabilité sans faute, seule la


faute de la victime et la force majeure sont totalement ou
partiellement exonératoires. Il en va différemment du fait d’un
tiers ou du cas fortuit.

206
En effet, la faute d’un tiers n’est pas exonératoire dans le régime
de responsabilité sans faute. Même si le dommage est imputable
aux tiers, la victime peut toujours demander réparation à
l’administration. Il appartiendra à celle-ci de se retourner par la
suite contre le tiers auteur du dommage.

CHAPITRE 2 : LA REPARATION DU DOMMAGE

La responsabilité de la puissance publique, une fois engagée,


que ce soit sur la base de la faute ou sans faute, la victime du
préjudice doit être indemnisée. Cette réparation soulève deux
problèmes :
- le premier consiste à déterminer la collectivité publique qui doit
en répondre ;
- le second est relatif aux règles qui gouvernent la réparation.

SECTION 1 : LA COLLECTIVITE PUBLIQUE RESPONSABLE

Il s’agit de déterminer la collectivité contre laquelle la victime doit


diriger son action en indemnisation. En règle générale, la
personne publique responsable est celle dont dépend le service
public qui a causé le dommage. Ainsi, une collectivité publique
gardienne d’un véhicule administratif est responsable des
dommages posés par son véhicule même si celui-ci appartient à
une autre personne publique.
Cette règle, facile en apparence, se révèle au contraire
d’application difficile parce qu’elle soulève deux questions :

207
- qui est responsable lorsque plusieurs personnes publiques sont
associées à une même activité ?
- qui répond de la demande en réparation de la victime lorsqu’un
même agent public a agi pour le compte de plusieurs personnes
publiques ?

PARAGRAPHE 1: PLUSIEURS PERSONNES


PUBLIQUES ASSOCIEES
A UNE MEME ACTIVITE

Cette hypothèse se vérifie en France où le législateur l’a prévue


en matière d’enseignement du premier degré.
En ce domaine, les communes sont chargées de l’entretien des
locaux alors que l’Etat s’occupe de la gestion du personnel.
Lorsqu’un préjudice est posé, il faut déterminer à quelle activité il
se rattache. Est-ce le résultat du mauvais entretien des locaux ?
Alors c’est la commune qui est responsable.
S’il s’agit au contraire d’un fait imputable à un maître, c’est
l’Etat qui en répondra.
S’il y a impossibilité de dissocier les deux éléments, la
responsabilité des deux collectivités se trouve engagée même s’il
n’y a pas de solidarité entre elles comme en droit civil.

PARAGRAPHE 2 : L’AGENT PUBLIC AGIT POUR LE


COMPTE DE
PLUSIEURS PERSONNES
PUBLIQUES

208
Cette hypothèse renvoie à la technique du « dédoublement
fonctionnel », c'est-à-dire un même agent agit pour le compte de
plusieurs personnes publiques différentes. C’est en principe le
cas du maire principalement agent de la commune et
accessoirement agent de l’Etat.
Une autre hypothèse de dédoublement fonctionnel réside dans
l’exercice du pouvoir de tutelle, c'est-à-dire du pouvoir de
contrôle exercé par l’Etat sur les collectivités locales
décentralisées.
Lorsqu’un dommage a été posé à un tiers par un acte pris par
l’autorité de tutelle, la responsabilité de ladite autorité ou de la
collectivité décentralisée dépend du procédé de tutelle employé :
- si l’autorité de tutelle agit pour le compte de la collectivité sous
tutelle grâce à la technique de substitution, c’est cette dernière
qui répond du dommage.
La collectivité sous tutelle dispose dans ce cas d’une action
récursoire contre l’Etat en cas de faute lourde commise par son
représentant.
- lorsqu’au contraire, l’exercice de la tutelle ne s’analyse pas en
une substitution, la responsabilité incombe à l’autorité de tutelle.

SECTION 2 : LES REGLES D’INDEMNISATION

Celles-ci sont relatives aux formes de l’indemnisation, aux


caractères de celle-ci et à la date d’évaluation du préjudice.

PARAGRAPHE 1: LES FORMES DE


L’INDEMNISATION

209
En droit administratif, le principe de l’indemnisation en argent,
parce que le juge ne pouvant adresser des injonctions à l’Etat,
ne peut prononcer contre ce dernier que des condamnations
pécuniaires.
L’indemnité accordée par le juge à la victime peut consister soit
en un capital soit en une rente.
En règle générale, le juge accorde une indemnité en argent pour
les dommages posés aux biens et une indemnité en capital ou en
rente pour les préjudices occasionnés à une personne.

PARAGRAPHE 2: LES CARACTERES DE


L’INDEMNISATION

L’indemnisation accordée à la victime a pour but la réparation


intégrale du préjudice subi. Il s’agit de réparer le préjudice, rien
que le préjudice mais tout le préjudice.
Ce principe a trouvé une application concrète en matière de
fonction publique avec le problème des fonctionnaires
illégalement révoqués et qui sont par la suite réintégrés dans
leurs fonctions.
Pendant longtemps cette indemnité accordée aux fonctionnaires
illégalement révoqués était égale au total du traitement qu’ils
auraient s’ils étaient restés en activité. C’était le système de
rappel du traitement. Par la suite, cette jurisprudence fut
abandonnée.
Reprenant les dispositions de l’arrêt Deberles (C.E, 7 avril
1933), il est désormais admis que tout fonctionnaire illégalement

210
sanctionné voire révoqué et par la suite réintégré dans ses
fonctions n’aurait droit qu’au versement d’une indemnité destinée
à couvrir le préjudice réellement subi par lui du fait de la sanction
qui l’a frappé.
Cette indemnité réparant le préjudice subi était calculée en
tenant compte d’une part des ressources que le fonctionnaire a
pu se procurer par son travail durant la période d’inactivité
consécutive à la sanction encourue.
D’autre part, cette indemnité tenait compte de l’importance
respective des fautes commises par l’administration et son agent.

PARAGRAPHE 3: DATE D’EVALUATION DU


PREJUDICE

En théorie, le juge, pour évaluer le préjudice subi par la victime


devrait logiquement se placer au jour de la réalisation du
dommage. C’était la solution ancienne. Elle a été par la suite
abandonnée parce qu’elle lésait les droits de la victime.
C’est le phénomène de la dépréciation monétaire qui a motivé ce
revirement de jurisprudence.
La victime subissait en effet les inconvénients de la lenteur de la
procédure et recevait par conséquent une indemnité en monnaie
dépréciée.
Le juge administratif a adapté sa jurisprudence à l’évolution
monétaire et opéré une distinction entre les dommages posés aux
biens et ceux posés aux personnes :
- pour les dommages posés aux biens, c’est la solution
traditionnelle qui prévaut toujours. L’évaluation de

211
l’indemnisation se fait toujours au jour de la réalisation du
préjudice. On estime en effet, et cela à juste titre, que la victime a
dû normalement procéder à la réparation du dommage au moment
où celui-ci a été posé. Mais si, pour des raisons précises et
valables, la victime n’a pu procéder à la réparation ou au
remplacement du bien au moment où le préjudice s’est produit, la
date d’évaluation sera alors différée.
- pour les dommages posés aux personnes, la date d’évaluation
de l’indemnisation est celle du prononcé du jugement. Mais si le
retard dans la fixation de l’indemnité est imputable à la victime,
l’évaluation du préjudice se fait au jour où celle-ci aurait dû être
réparée.
Quant aux intérêts, l’indemnité accordée par le juge à la victime
porte des intérêts à compter du jour où le requérant a demandé
réparation à l’administration. On les qualifie d’intérêts
moratoires. Ceux-ci ne compensent que le retard normal mis par
un débiteur, en l’occurrence la personne publique à s’acquitter
de sa dette. L’article 1153 du code civil autorise les créanciers à
réclamer à leurs débiteurs des dommages-intérêts dits
compensatoires, distincts des intérêts moratoires mais qui
s’ajoutent à eux lorsque, par mauvaise volonté caractérisée,
l’administration apporte un retard anormal à l’acquittement de sa
dette.
Cet article du code civil est repris et appliqué par les juridictions
administratives.
Il est important de souligner que l’évaluation faite des préjudices
subis est en principe définitive. Rien ne s’oppose cependant à ce

212
que le juge prévoie lui-même une modification du montant de
l’indemnité susceptible de s’aggraver par exemple dans
l’hypothèse d’une incapacité permanente de travail susceptible
d’évolution.

CHAPITRE 3 : LES RAPPORTS ENTRE LA RESPONSABILITE


DE
L’ADMINISTRATION ET CELLE DE SES AGENTS

Ces rapports sont guidés par deux principes fondamentaux.


D’une part la personne morale de droit public (commettant) ne
répond de l’action de son agent (préposé) que dans l’hypothèse
d’une faute personnelle commise par celui-ci dans le service ou à
l’occasion du service.
D’autre part, cette personne publique, après avoir indemnisé la
victime du dommage possède une action récursoire à l’encontre
de son agent auteur d’une faute personnelle. Il s’opère ainsi une
distinction fondamentale entre faute personnelle et faute de
service.

SECTION 1 : LA FAUTE PERSONNELLE COMME CONDITION


NECESSAIRE ET
SUFFISANTE DE LA RESPONSABILITE DE
L’AGENT

Pour qu’un agent soit déclaré civilement responsable d’un


dommage envers la victime ou envers l’administration elle-même, il

213
faut qu’il ait commis une faute personnelle d’où la nécessité de
cerner d’abord la notion de faute personnelle.

PARAGRAPHE 1 :LA NOTION DE FAUTE


PERSONNELLE

Dans l’impossibilité de donner une définition absolue de la


notion de faute personnelle, Lafferière a donné la formule
suivante demeurée célèbre : « Il y a faute de service si l’acte
dommageable administratif est impersonnel et révèle
l’administrateur plus ou moins sujet à l’erreur.
La faute personnelle, au contraire, est celle qui révèle l’homme
avec ses faiblesses, ses passions, son imprudence ».
En réalité, il y a deux grandes catégories de faute personnelle.

A. IL Y A FAUTE PERSONNELLE EN L’ABSENCE


D’UNE FAUTE DE SERVICE

On parle de faute personnelle lorsque l’agissement incriminé ne


présente aucun lien avec le service. Il en est ainsi de l’accident
causé par un militaire en permission, usant de son véhicule
personnel (C.E, 28 juillet 191, Société Standard de Pétrole).
Dans un cas pareil, qu’elle soit grave ou légère, intentionnelle ou
involontaire, la faute de l’agent ne met en cause ni
l’administration, ni les principes du droit administratif.
Quant à ses conséquences, elles posent de purs problèmes de
droit privé.

214
On considère également comme faute purement personnelle,
celle commise par un fonctionnaire dans la gestion d’un
groupement privé dont il est membre (T.C, 28 mars 1955,
Confédération Générale des Petites et Moyennes
Entreprises, JCP, 1955).

B. LA FAUTE PERSONNELLE PEUT ETRE


COMMISE PAR L’AGENT
DANS LE SERVICE OU A L’OCCASION DE
CELUI-CI

En pareilles circonstances la jurisprudence du Conseil d’Etat


dit que la faute commise par l’agent n’est pas dépourvue de tout
lien avec le service. Dans cette optique, deux critères sont
retenus par la jurisprudence. Le premier est celui de l’intention.
Ainsi, on admet que l’agent qui poursuit un but malicieux, dolosif
ou purement personnel, commet une faute personnelle. Les
exemples sont légion qui illustrent cette hypothèse. C’est par
exemple le cas de services exercés par un agent de la police pour
assouvir une vengeance personnelle (C.E, 28 juillet 1951,
Cococe). C’est aussi le cas des vols commis en association par
un gardien et les détenus qu’il devait surveiller (C.E, 11 mai
1953, Oumar Samba). C’est également le cas dans l’hypothèse
d’une utilisation par des militaires à des fins personnelles des
véhicules qui leur avaient été confiés ou qu’ils avaient eux-mêmes
soustraits (C.E, 15 mai 1954, Latrompette et Morritz).
En second lieu, il se peut que les agissements d’un fonctionnaire
constituent une faute personnelle même s’ils n’ont pas été

215
accomplis dans une intention malveillante ou dans un but de pur
intérêt personnel. Il en est ainsi si la faute commise est d’une
gravité particulière dépassant la moyenne des fautes auxquelles
on peut s’attendre.
De ce point de vue, on admet que les coups de poing portés par
un agent de police dans des conditions inexcusables constituent
une faute personnelle alors même que l’agent ne poursuivait pas
l’assouvissement d’une rancune personnelle (T.C, 9 juillet 1953,
Delaitre).
De même, on admet comme faute personnelle, l’inadmissible
poltronnerie d’un commissaire de police (T.C, 9 juillet 1953,
Dame Bernadas).
Constitue également une faute personnelle le fait pour un
chauffeur de l’administration de prendre le volant en état
d’ébriété (C.E, 28 juillet 1951, Delville ; C.E, 28 juillet 1951,
Laruelle).

PARAGRAPHE 2 : LES CONSEQUENCES DE LA


FAUTE PERSONNELLE :
LA RESPONSABILITE
PERSONNELLE DE L’AGENT

La conséquence essentielle de la faute personnelle de l’agent


est que celui-ci est civilement responsable sur son patrimoine
personnel envers la victime. Cette dernière, qu’elle dispose ou
pas d’une action contre l’administration peut toujours assigner
l’agent personnellement fautif devant un tribunal judiciaire qui
peut être civil ou répressif. Cela n’exclue pas que la

216
responsabilité personnelle de l’agent puisse exister envers
l’administration. Il en est ainsi lorsque l’administration est la
victime directe de la faute personnelle. C’est le cas par exemple
lorsque l’agent endommage un véhicule qu’il a soustrait à
l’administration.
D’autre part, la responsabilité vis-à-vis de l’administration peut
résulter de ce que, par le jeu du cumul des fautes ou du cumul des
responsabilités, celle-ci a dû indemniser la victime. On ne saurait
comprendre cette hypothèse sans déterminer les conditions dans
lesquelles la responsabilité de l’administration peut coexister
avec celle de l’agent auteur de la faute personnelle.

PARAGRAPHE 3: LA COEXISTENCE DE
RESPONSABILITE

La responsabilité de l’administration envers la victime peut


coexister avec la responsabilité personnelle de l’agent dans deux
cas :
- premièrement lorsque l’administration a elle-même commis une
faute de service qui a concouru avec la faute personnelle de
l’agent à la survenance du dommage (C.E, 3 février 1911,
Anguet).
Dans le cas d’espèce de l’arrêt Delville précité, le dommage était
dû à la fois à une faute personnelle de l’agent qui avait pris le
volant en état d’ébriété et à une faute de service de
l’administration consistant dans un mauvais entretien des freins
du véhicule.

217
Dans l’arrêt Laruelle, l’accident causé par le militaire qui avait
dérobé un véhicule de l’armée, ce qui constituait de toute
évidence une faute personnelle n’avait été rendu possible que
par la négligence avec laquelle la garde des véhicules était
assurée, négligence imputable à une faute de service.
- deuxièmement, l’administration peut être tenue envers la victime
même si elle n’a pas commis de faute de service distincte de la
faute personnelle de l’agent. Il suffit pour cela que la faute ait été
commise dans le service, à l’occasion du service ou selon la
formule consacrée par le Conseil d’Etat « qu’elle ne soit pas
dépourvue de tout lien avec le service ».
Cette haute juridiction a, en 1949, réalisé un important
élargissement de cette responsabilité de l’administration en
admettant que le fait pour le conducteur d’un véhicule
administratif, désobéissant aux ordres reçus d’utiliser le véhicule
à des fins personnelles en se détournant de l’itinéraire prescrit,
bien que constituant évidemment une faute personnelle, n’était
pas dépourvue de tout lien avec le service. Est engagée en même
temps que la responsabilité personnelle de l’agent, celle de
l’administration (C.E, 18 novembre 1949, Mineurs, Défaut,
Besthelsemer).
De la même façon, dans l’arrêt Morritz du Tribunal des Conflits
on a estimé que l’accident causé par des militaires utilisant un
véhicule que la complicité du chauffeur du colonel avait permis de
faire sortir de la caserne n’était pas dépourvu de tout lien avec le
service et engageait la responsabilité de l’administration.

218
Cela dit, il convient de souligner que la victime d’une faute
personnelle dispose de deux actions en réparation lorsque la
responsabilité de l’administration s’ajoute à celle de l’agent soit
en raison d’une faute de service, soit parce que la faute
personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service.
Elle peut demander réparation à l’agent personnellement devant
les tribunaux judiciaires selon les règles du droit privé et à
l’administration devant le juge administratif selon les règles du
droit public.
Elle peut demander à chacun des deux responsables sauf à celui
des deux qui a acquitté la dette de responsabilité à se retourner
contre l’autre pour lui demander un remboursement total ou
partiel.

SECTION 2 : LES ACTIONS RECURSOIRES

Si la victime peut agir indifféremment contre l’agent auteur de la


faute personnelle ou contre l’administration dans les hypothèses
précitées il reste à régler le problème de la réparation définitive
de la charge indemnitaire entre l’agent et l’administration.
De ce point de vue, trois hypothèses doivent être distinguées.

PARAGRAPHE 1 : LE CAS OU LA RESPONSABILITE


EST PARTAGEE
ENTRE L’ADMINISTRATION ET
L’AGENT

C’est ce qui se produit lorsqu’il y a cumul d’une faute


personnelle et d’une faute de service. Dans cette hypothèse, le

219
règlement définitif de la charge se fait sur la base de la part que
chacune des deux fautes a eu dans la réalisation du dommage ou
selon leur gravité respective. Dans le cas de l’arrêt Delville par
exemple, le juge a estimé que le mauvais entretien des freins
(faute de service) et la faute personnelle de l’agent (état
d’ébriété) avaient joué des rôles égaux dans la production du
dommage. Ce qui a conduit à décider que dans les rapports
entre l’administration et son agent, la charge indemnitaire devait
être partagée par moitié.

PARAGRAPHE 2 : LE CAS OU LA CHARGE DEFINITIVE


DE LA REPARATION
INCOMBE TOTALEMENT À
L’AGENT

On en distingue deux :
- le premier est celui où l’agent doit supporter seul la charge
définitive s’il s’avère qu’en raison de l’absence de toute faute de
service, l’administration n’est concernée que parce que la faute
personnelle n’est dépourvue de tout lien avec le service.
Ainsi, l’administration peut être tenue à la demande de la victime
de réparer le préjudice causé par un agent de police en uniforme
qui, suite à une altercation avec un consommateur dans un café,
perd son sang froid et fait usage de son arme.
Cependant, elle peut se retourner contre l’agent concerné et lui
demander de reverser la totalité de l’indemnité versée à la victime
(C.E, Bernard).

220
- le second cas est celui où, bien qu’ayant commis une faute de
service, l’administration peut demander à l’agent de payer la
totalité de l’indemnité versée par elle à la victime lorsque la faute
de service est opposable par la victime et non par l’agent. C’est
l’hypothèse de l’arrêt Laruelle où la victime avait pu se prévaloir
envers l’administration de ce que Laruelle, agent de
l’administration, n’avait pu user du véhicule qui avait commis
l’accident qu’à la suite d’un défaut de surveillance constituant
une faute de service.
Laruelle lui, dans ses rapports avec l’administration, ne pouvait
se prévaloir de cette faute de service et alléguer que, si
l’administration avait mieux surveillé son parc automobile, elle ne
l’aurait pas induit en tentation.
Ainsi, exceptionnellement, bien que l’administration ait commis
une faute de service que la victime pouvait invoquer, la charge
définitive de la réparation incombât à l’agent, lequel ne pouvait
invoquer la faute de service et prétendre à un partage de
responsabilité.

PARAGRAPHE 3 : L’HYPOTHESE PREVUE PAR LE


STATUT GENERAL DES
FONCTIONNAIRES FRANCAIS

L’ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des


fonctionnaires français prévoit en son article 11 paragraphe 2

221
que «la réparation définitive peut être mise à la charge de
l’administration lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un
tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas
été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une
faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est
pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations
prononcées contre lui ».

CHAPITRE 4: APERCU D’ENSEMBLE SUR LA


RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

En droit, le mot responsabilité a des sens multiples et c’est à ce


titre qu’on parle aussi bien de responsabilité politique, de
responsabilité pénale, de responsabilité civile ou de
responsabilité disciplinaire.
La responsabilité de l’administration autrement appelée
responsabilité de la puissance publique est un instrument
important de la sujétion au droit qui s’impose à la puissance
publique.

SECTION 1 : L’EVOLUTION DE LA MATIERE

On est passé du système primitif de la garantie de fonctionnaire


à la reconnaissance de responsabilité personnelle ou partagée.

PARAGRAPHE 1 : LE SYSTEME PRIMITIF DE LA


GARANTIE DE

222
FONCTIONNAIRE

L’article 75 de la constitution française de l’an VIII qui avait


survécu aux différentes péripéties des changements politiques
disposait : « les agents du gouvernement, autres que les ministres
ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs
fonctions qu’en vertu d’une décision du Conseil d’Etat.
En ce cas, la poursuite aura lieu devant les tribunaux
ordinaires ».
Dès lors, tout particulier qui, victime des agissements d’un
fonctionnaire de l’Etat, voulait demander réparation à celui-ci
devait se munir de l’autorisation du Conseil d’Etat. En ce cas, si
le Conseil d’Etat estimait que le fonctionnaire répondait de sa
faute sur son patrimoine pour avoir commis une faute
personnelle, l’intéressé devait répondre de celle-ci devant les
tribunaux judiciaires.
Si au contraire, l’autorisation de poursuivre était refusée, la
demande en réparation devait être formée contre l’Etat.

PARAGRAPHE 2 : ABROGATION DE L’ARTICLE 75


ET DISTINCTION
ENTRE FAUTE PERSONNELLE ET
FAUTE DE SERVICE

L’abrogation de l’article 75 de la constitution de l’an VIII est le


résultat d’une revendication libérale en vertu de laquelle le
fonctionnaire ne peut répondre de ses fautes devant les
tribunaux ordinaires. Cet argument était avancé aussi pour
corroborer le principe de la séparation des autorités

223
administratives et des autorités judiciaires, principe selon lequel
le judiciaire ne doit pas s’immiscer dans l’exécutif (T.C, 30 juillet
1873, Pelletier).

PARAGRAPHE 3 : DU CUMUL DES FAUTES AU


CUMUL DES
RESPONSABILITES

Dans l’évolution et l’élaboration de la théorie de la


responsabilité administrative, il est apparu que le dommage
pouvait être causé à la fois par une faute de service et par une
faute personnelle. D’où la consécration de la théorie du cumul
des fautes illustrée par l’arrêt Anguet (C.E, 5 février 1911).
Les faits sont les suivants : le sieur Anguet se trouvait dans un
bureau de poste lorsque les portes de celui-ci allaient être
fermées avant l’heure réglementaire. L’usager (le sieur Anguet) a
donc été contraint de sortir par une autre porte que la porte
principale, et qui lui avait été d’ailleurs indiquée par un employé.
Mais d’autres employés l’ayant aperçu dans cette partie du
bureau à laquelle le public n’avait pas accès l’expulsèrent si
brutalement qu’il eut la jambe fracturée.
L’Etat à qui il demanda réparation lui refusa tout droit à
indemnité au motif que l’acte de brutalité des agents du service
concerné constituait une faute personnelle dont ils devaient
répondre devant les tribunaux judiciaires.
Le Conseil d’Etat ne conteste pas l’existence de cette faute
personnelle mais a relevé que le service avait mal fonctionné
puisque le bureau de poste avait été fermé avant l’heure

224
réglementaire, ce qui était constitutif d’une faute de service. En
conséquence, la haute juridiction condamna l’Etat à réparer
l’intégralité du préjudice subi par le sieur Anguet. Ce qui était
de façon implicite d’affirmer que la victime d’un dommage
imputable à la fois à une faute de service et à une faute
personnelle peut demander réparation alternativement au
fonctionnaire fautif devant les tribunaux judiciaires ou à
l’administration devant le juge administratif. Cependant, la
victime ne peut cumuler les demandes d’indemnité.
Le Conseil d’Etat est allé même plus loin en admettant
qu’indépendamment du cumul des fautes, il pourrait y avoir cumul
de responsabilités. Annoncée par un arrêt du 12 février 1909
(Compagnie de Colonisation du Congo Français), la théorie du
cumul de responsabilité a été définitivement consacrée par le
célèbre arrêt Lemonnier du 26 juillet 1918. Les faits sont les
suivants : la fête locale traditionnelle de la Commune de
Roquecourbe dans le Tarn comportait parmi ses attractions un
tir au fusil sur des cibles flottant sur une rivière. Le Maire de la
Commune, responsable de la police de la sécurité, n’avait pris
aucune précaution pour éviter les accidents et avait donné par sa
négligence un caractère particulièrement grave en ne répondant
pas aux avertissements des promeneurs qui, au cours de la fête,
avaient failli être atteints par des balles. Le jeu ayant continué
sans autre précaution, la dame Lemonnier fut blessée.
Le Conseil d’Etat a estimé que bien que constituant en raison
de sa gravité une faute personnelle, la faute du Maire avait été

225
commise dans le service et engageait de ce fait la responsabilité
de la Commune.
Ainsi, il était acquis que le même fait pouvait constituer une faute
personnelle et une faute de service selon l’angle sous lequel on
l’envisageait. La victime bénéficie alors du cumul de
responsabilité, c'est-à-dire dans le cas d’espèce la responsabilité
personnelle du Maire et la responsabilité de la Commune.

SECTION 2 : LES DIVERS REGIMES DE LA


RESPONSABILITE DES
PERSONNES PUBLIQUES

Dans cette optique, on distingue les cas où la responsabilité de


la puissance publique ne peut être mise en jeu devant aucune
juridiction locale. C’est en principe le cas des activités de
l’assemblée parlementaire, des rapports entre le gouvernement et
le parlement, et enfin des rapports issus du droit international.
D’autre part on distingue les cas où la responsabilité des
personnes publiques peut être mise en jeu devant le juge
judiciaire et soumise aux règles du droit privé. Ce sont tous les
cas où en vertu du principe de compétence générale, le juge
judiciaire est compétent et doit appliquer le droit privé.
Enfin, on distingue les cas où la responsabilité des personnes
publiques est mise en jeu devant le juge judiciaire sans que le
droit privé soit nécessairement applicable (voir Georges
VEDEL et Pierre DELVOLVE, droit administratif P. 471).

226
A cela s’ajoutent les cas où le juge administratif est compétent et
applique les règles générales ou spéciales de la responsabilité
publique. On en est ainsi arrivé à distinguer :
- la responsabilité personnelle des agents de l’administration
- la responsabilité publique de droit commun
- les régimes spéciaux de responsabilité résultant de textes
particuliers
- la responsabilité du fait des lois
- la responsabilité du fait des traités
- la responsabilité du fait des activités juridictionnelles
- la responsabilité du fait des attroupements

PARAGRAPHE 1 : LES REGIMES SPECIAUX DE


RESPONSABILITE
RESULTANT DE TEXTES
SPECIAUX

Les régimes particuliers de responsabilité de la puissance


publique résultant de textes législatifs spéciaux sont très
nombreux. Cependant, il est extrêmement difficile de donner une
idée générale de ces régimes législatifs. Les dérogations qu’ils
apportent au droit commun portent sur des points très divers :
- le fondement de la responsabilité ;
- la compétence juridictionnelle ;
- l’évaluation de la réparation ;
- les rapports triangulaires entre l’administration, l’agent et la
victime.

227
PARAGRAPHE 2 : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES
TRAVAUX PUBLICS

On ne saurait comprendre comment une théorie particulière de


la responsabilité s’est développée en matière de travaux publics,
sans remonter au début du 19ème siècle. A cette époque en effet,
il n’existait aucun principe général touchant la responsabilité
publique s’agissant des travaux publics. Mais, progressivement,
le régime de responsabilité a été instauré.
Le plus important est de souligner qu’est considéré comme un
travail public, un travail accompli sur un immeuble pour le compte
d’une personne publique dans un but d’intérêt général, ou par
une personne publique dans le cadre d’une mission de service
public.
Les règles présidant à la réparation de tels dommages sont les
suivantes :
- la responsabilité en pareille matière est indépendante de toute
faute. Il suffit au réclamant d’établir un lien de causalité entre le
travail public et le dommage.
- cependant, sur cette base, le dommage n’est réparable que s’il
est anormal et spécial.

PARAGRAPHE 3 : LA RESPONSABILITE DU FAIT


DES ATTROUPEMENTS

Cette hypothèse de responsabilité, improprement désignée


parfois sous le nom de responsabilité « en cas d’émeutes » a été
envisagée pour la première fois par une loi de l’an IV. Elle est

228
actuellement régie par les articles L.133-1 à L.133-8 du code
des Communes. Pour que la responsabilité soit mise en jeu cinq
conditions sont nécessaires :
- il faut que des crimes et délits aient été commis par des individus
formés en rassemblement ou attroupement. Cependant, le
principe de la responsabilité ne joue pas si les crimes ou délits
sont commis par des individus se détachant de l’attroupement ;
- les crimes et délits doivent être commis « à force ouverte »,
c'est-à-dire sans que les forces de police soient intervenues pour
les empêcher, ou qu’elles aient été impuissantes à le faire (T.C,
12 juin 1961, Dame Jean et Muracciole) ;
- les actes constitutifs de crime ou de délit doivent avoir causé
directement les dommages dont réparation est demandée et ne
pas en avoir simplement été l’occasion ;
- sont expressément exclus du champ d’application de ce régime
de responsabilité les dommages qui sont les faits de résultat de
guerre ;
- enfin, en ce qui concerne les dommages subis par les
participants aux attroupements ou au rassemblements, le
Conseil d’Etat avait jugé à une certaine époque qu’ils ne
rentraient pas dans le champ d’application de responsabilité
établie par la loi et qu’il revenait à la juridiction administrative de
statuer sur les dommages en appliquant les règles de la
responsabilité administrative.

PARAGRAPHE 4 : LA RESPONSABILITE DES FAITS


DES LOIS

229
La responsabilité éventuelle de l’Etat pour les dommages
causés par la législation diffère des hypothèses précédemment
étudiées. En effet, l’activité de l’Etat incriminée n’est pas dans
ce cas de figure, de nature administrative. Pourtant, le juge
administratif s’est reconnu compétent pour connaître de telles
actions en responsabilité.
Deux décisions illustrent la responsabilité du fait des lois :
- l’arrêt de principe est du 14 janvier 1938 (Société des
Produits Laitiers la Fleurette).
- voir également C.E, 2 mai 1962, Caucheteux et Desmont).

PARAGRAPHE 5 : LA RESPONSABILITE DU FAIT


DES TRAITES ET
ACCORDS INTERNATIONAUX

Traditionnellement, le juge administratif refusait d’envisager, sur


quelque fondement que ce soit, la responsabilité de l’Etat en
raison des préjudices causés par les traités et, de façon plus
générale, en raison des préjudices causés par des mesures se
rattachant à la conduite des relations internationales.
Ce n’est que plus tard que le Conseil d’Etat a admis une telle
responsabilité à condition qu’il s’agisse d’un préjudice grave et
spécial (C.E, 29 octobre 1976, Ministère des Affaires
Etrangères contre Dame Burgat).

230
PARAGRAPHE 6. LA RESPONSABILITE DE L’ETAT
EN RAISON DES
DOMMAGES CAUSES PAR LE
SERVICE JUDICIAIRE

Jusqu’aux années 1950, il était admis en jurisprudence comme en


doctrine qu’il ne saurait exister de responsabilité de l’Etat en
raison des dommages causés par le fonctionnement des services
judiciaires, sauf dans les hypothèses expressément prévues par
la loi.
Mais par la suite, le juge administratif a fini par admettre qu’il
pourrait y avoir la responsabilité de l’Etat du fait des services
judiciaires mais sous certaines conditions.

NB: il est strictement interdit de reproduire a des fins lucratives sur


ceux je décline toute responsabilité de ma part

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