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UNIVERSITE OFFICIELLE DE MBUJIMAYI

U.O.M BP : 2105


E-mail : www.uom.@yahoo.fr

FACULTE Des sciences sociales

Droit administratif, institutions


administratives et contentieux
administratifs

Notes de cours à l’usage des étudiants de G3 Droit


Par
Zacharie NTUMBA MUSUKA
Professeur

ANNEE ACADEMIQUE 2020-2021

[Texte] Page 1
CHAPITRE INTRODUCTIF
Section 1 : Objet du droit administratif
§1. Définition
Le droit administratif est la branche du droit public interne qui comprend les
règles juridiques spéciales relatives à :
a) l’organisation de l’administration ;
b) l’activité des autorités chargées de pouvoir à la satisfaction des
intérêts publics ;
c) la manière de mettre fin aux litiges suscités par cette activité 1.
§2. Développement de la définition
A. Le droit administratif est une branche du droit
public interne
Comme l’un de deux succès de l’Ecole du droit naturel 2 qui fait reconnaître que
le Droit devait s’étendre à la sphère des relations entre gouvernants et
gouvernés, entre l’administration et les particuliers, le droit public représente
l’ensemble des règles juridiques qui déterminent les droit et les devoirs de
l’Etat et des organismes subordonnés à celui-ci envisagé comme corps politique
et souverain et ceux de ses membres considérés soit comme sujets, soit
comme bénéficiaires de l’activité publique3.
Le droit public est naturellement opposé au droit privé, mais la distinction n’est
ni la conséquence d’un principe juridique fondamental préalablement établi, ni
le fruit d’une réflexion juridique ordonnée. Elle est le résultat contingent d’une
série de faits dont la réunion a donné consistance à une classification devenue
désormais traditionnelle4.
Au demeurant, la distinction est faite de plusieurs éléments qui se superposent
sans toujours se recouvrir. Ces éléments sont notamment d’ordre matériel,
formel et fonctionnel.

1
L. Moreau, notes de cours de droit administratif, Liège, Dever, 1944, cité par Jaques Dembour, dans Droit
administratif, 3è édition, Liège, 1978.
2

[Texte] Page 2
a) Sur le plan matériel, la distinction du droit public et du droit privé
repose sur une idée simple : le droit public étant le droit applicable à l’Etat et
aux personnes administratives, le critère de distinction sera l’intervention de
l’Etat dans les rapports juridiques. Dès que cette intervention sera réalisée, le
droit applicable aura le caractère de droit public5.
b) D’un point de vue formel, on peut distinguer le droit public et le droit
privé par leur technique. Il y a droit public, en ce sens, dès que sont
utilisés des concepts et des techniques étrangers au droit commun des
rapports privés6.

c) Sur le plan des actes, le droit public utilise aussi le contrat, qui est un
accord de volontés égales, mais, il utilise surtout l’acte unilatéral, qui est
une manifestation d’autorité permettant à une volonté de s’imposer à
une autre. Et si même le contrat est utilisé comme technique juridique
de droit public, il se transforme et devient un accord de volontés
illégales, l’une des parties – Etat – ayant une situation privilégiée par
rapport à son cocontractant.

d) La distinction fonctionnelle se réfère au but même des règles de droit


public et privé. Ces dernières protègent que des intérêts privés alors que
les règles de droit public sont destinées à la sauvegarde de l’intérêt
général7.

En définitive, aucun des critères de distinction n’a en lui-même une valeur


absolue. Les activités publiques et souvent privées s’interprètent de telle sorte
que l’Etat agit selon des techniques juridiques de droit commun, tandis que les
particuliers se voient appliquer de plus en plus des règles traditionnellement
considérées comme étant de droit public.

Le terme de « droit semi-public », bien que n’ayant aucune portée précise, est
pourvu de signification. Il met, en effet, en lumière toute la relativité sur la
distinction fondée sur la notion d’Etat-gendarme et dont le fondement
disparaît à mesure que l’Etat se fait industriel et que les particuliers participent
à l’exécution des tâches de l’Etat.

[Texte] Page 3
B. Le droit administratif comprend des règles juridiques
destinées à la satisfaction des intérêts publics

La « spécialité » du droit administratif permet de différencier celui-ci non


seulement du droit privé, mais aussi des autres branches du droit public.

1. Droit administratif et droit privé

Le droit administratif apparait comme l’ensemble des règles dérogatoires au


droit commun qui régissent l’activité de l’administration. Ces règles
dérogatoires au droit commun sont nombreuses et variées.

En effet :

1°L’administration est titulaire de privilèges, de droits et de pouvoirs


exorbitants par rapport à ceux dont les particuliers disposent. Ainsi, elle a :

- Le droit de prendre des décisions exécutoires génératrices par


elle-même d’obligations à charge des administrés ;

- Les privilèges du préalable et de l’action d’office ;

- Les droits d’exproprier, de réquisitionner et d’établir de servitudes


d’utilité publique ;

- Il n’existe pas d’exécution forcée sur les biens de l’administration ;

- Les biens du domaine public bénéficient d’un régime particulier,


etc.

2° Même lorsqu’elle recourt à des procédés de droit privé, l’administration


demeure fréquemment soumise à des règles auxquelles les personnes du droit
privé échappent :

Par exemple :

- L’intervention d’autorité disposant de pouvoirs de tutelle


administrative ;

- Les règles spéciales relatives à la comptabilité publique ;

[Texte] Page 4
- Les dispositions légales relatives à la passation des marchés
publics.

3° En cas de contestation, l’activité de l’administration échappe, dans une large


mesure, au contrôle des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.

4° En revanche, l’administration a ses servitudes qui résultent notamment :

- De la règle de continuité et de régularité du service public ;

- De l’obligation de respecter « le principe de légalité » ;

- De l’interdiction de recourir à l’arbitrage.

2. Droit administratif et autres branches du droit public


interne

Le droit administratif, branche du droit public interne, est distinct des autres
branches de ce droit, et notamment du droit constitutionnel avec lequel il
partage un certain nombre de similitudes d’objet.

En effet, étant donné que le droit constitutionnel, entendu au sens matériel,


comprend l’ensemble des règles juridiques fondamentales qui déterminent la
structure de la Nation constitué en Etat. L’organisation et le fonctionnement
des pouvoirs ainsi que le statut des membres de la collectivité au sein de
laquelle ces pouvoirs s’exercent. Sur ce point, il était considéré que le droit
administratif était une espèce de « droit constitutionnel détaillé » surtout au
niveau de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs.

De plus, l’étude détaillée du fonctionnement du pouvoir législatif relève du


droit constitutionnel tandis que les règles qui concernent le fonctionnement et
la compétence des organes judiciaires relèvent du droit judiciaire.

Reprenons la formule du professeur A. buttgenbach 8 : « Si le droit cependant


qu’une partie de ce droit ».

Cela montre simplement que le droit constitutionnel est la branche


fondamentale du public interne.

8
A. Buttgnbach, Manuel de droit administratif, 3è éd., Bruxelles, Larcier, 1966, cité par J. Denbour, op. cit.

[Texte] Page 5
En réalité, la raison d’être de l’administration et du droit spécial qui la régit se
rattache au but propre qui leur est assigné : la réalisation du bien public.9

Certes, les autres organes de la puissance publique contribuent indirectement


à la réalisation du bien public, mais ils ne font qu’énoncer des règles qui
tendent à cette réalisation ; par eux-mêmes ils ne le réalisent pas. En effet :

- Si le législateur élabore des normes obligatoires, il ne dispose


cependant ni du pouvoir d’exécution, ni du pouvoir de contrainte ;

- Si les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire rendent, selon la loi,


leurs arrêts et jugements, ils n’assument cependant pas leur
exécution ;

- Au contraire, les autorités administratives disposent, dans le cadre


des lois, des pouvoirs d’exécution et de contrainte.

En définitive, ce qui fonde et explique que le droit administratif possède, parmi


les diverses branches du droit, une certaine autonomie et des caractères
propres, c’est la nécessité de réaliser le bien public et de disposer de moyens
propres à assurer, de manière régulière et constante, cette réalisation 10.

3. Droit administratif règle l’organisation et l’activité des


services publics ainsi que la manière de mettre fin aux
litiges suscités par cette activité.

1° les règles relatives à l’organisation des services publics sont d’une grande
importance en droit administratif. C’est ainsi que ce dernier étudie le cadre
institutionnel dans lequel se déroule l’activité administrative. De même qu’il
existe des instructions politiques (parlement, Gouvernement qui sont étudiées
par le droit constitutionnel), de même il existe des institutions administratives
(services de l’Etat, de provinces ou régions, des villes, des communes, des
territoires, des établissements publics, etc. qui composent l’organisation
administrative).

2° A l’intérieur de ce cadre institutionnel se déroulent les activités


administratives. C’est incontestablement cet élément du droit administratif qui
intéresse le plus directement les administrés, puisque ces activités prennent
9

10

[Texte] Page 6
deux formes : « les activités de réglementation », « police administrative », et
« les activités de présentation » ou de services publics.

3° Mais le droit administratif proprement dit est constitué par les règles
juridiques qui s’appliquent à la vie interne de l’administration et aux rapports
de l’administration avec les administrés. C’est la fonction normative de
l’administration. Par cette fonction, l’administration établit des décisions
générales et abstraites, entourées de formes de publicité et fixant les
conditions moyennant lesquelles se créent, se transforment ou s’éteignent les
droits et obligations des particuliers.

En raison de son caractère général, la norme s’établit sans nécessairement


l’accord de personnes concernées. Tous ceux qui remplissent les mêmes
conditions objectives et impersonnelles sont soumis au même régime
juridique.

4° Pour réaliser sa mission, l’administration a besoin de moyens d’action :

- Un personnel (organes et préposés des personnes publiques


administratives) ;

- Des pouvoirs juridiques (droit d’accomplir des actes juridiques :


actes unilatéraux et contractuel) ;

- Des biens matériels (domaines public et privé, deniers publics,


biens appartenant à des particuliers grevés de certaines
servitudes d’utilité publique).

5° Enfin, toute action implique des mécanismes de contrôle. Ceux-ci ont été
largement développés depuis le XIXè Siècle, qu’il s’agisse des conditions
internes, organisées par l’administration elle-même, ou des contrôles
juridictionnels, œuvres des juridictions dites administratives ainsi que des
contrôles politiques, œuvre des assemblées délibératives de la presse ou des
ombudsmans.

Le contrôle juridictionnel assure la protection des droits et libertés des


administrés11. Il intervient lorsque la juridiction est saisie par voie de recours
contentieux, en vue d’obliger l’administration à respecter la règle de droit ou à

11

[Texte] Page 7
réparer un dommage. Il se fonde sur des moyens juridiques et exclut, en
principe, tout contrôle de l’opportunité.

En raison de son objet, le contrôle juridictionnel a des exigences particulières :


motivation des arrêts et jugements, respect des droits de la défense,
interdiction de modifier la composition de la juridiction en cours d’instance,
respect de la règle de juridiction, droit de récusation, etc.

Section 2 : La technique juridique du droit administratif

Tout exposé scientifique d’une branche du droit suppose que l’on prenne
position sur la définition et sur ses concepts de base qui constituent ce que l’on
appelle la technique juridique12.

1. Les éléments essentiels de la technique juridique

Les éléments essentiels de la technique juridique concernent, pour un milieu


social donné, l’analyse de l’ordonnancement juridique et de l’activité juridique.

- L’ordonnancement juridique est constitué par les règles de droit


qui régissent le milieu social en question et par les situations
juridiques dont peuvent être titulaires les individus ;

- L’activité juridique consiste dans l’accomplissement par les


individus d’actes matériels et surtout d’actes juridiques
susceptibles de réaliser le bien collectif.

2. Les règles de droit

L’ensemble des règles de droit en vigueur dans un pays à un moment donné


constitue le premier élément de l’ordonnancement juridique (le droit positif).

La règle de droit est donc définie par son caractère abstrait et impersonnel ;
elle consiste en une prescription de portée générale ; c’est du moins cette
conception qu’on retiendra.

3. Les situations juridiques

12

[Texte] Page 8
On appelle situation juridique l’ensemble de droits et obligations dont une
personne peut être titulaire p. ex. Situation d’un propriétaire, d’un enfant
mineur, d’un créancier ou d’un fonctionnaire public, etc.

Les situations juridiques sont de deux types :

1° Situations générales et impersonnelles (on dit aussi objectives et statutaires)


sont celles dont le contenu est nécessairement le même pour tous les individus
qui en sont titulaires parce que ce contenu est déterminé par voie générale
dans les lois ou règlement. Du fait de cette source, ces situations sont encore
appelées situations légales ou réglementaires. Ainsi les droits et obligations de
la femme mariée, de l’enfant mineur en droit privé, les compétences et les
devoirs d’une autorité administrative, en droit public, sont identiques
respectivement pour toutes les femmes mariées, tous les mineurs, toutes les
autorités administratives, parce qu’ils sont définis dans le code civil ou dans la
loi.

2° Au contraire, les situations juridiques individuelles ou subjectives sont celles


dont le contenu, déterminé individuellement, peut varier d’un titulaire à un
autre. La situation d’un créancier, d’un locataire, d’un contribuable dont la
dette d’impôt a été sont de ce type parce qu’elles diffèrent ou du moins
peuvent différencier dans leur contenu et ce contenu est déterminé, par l’acte
individuel qui, à la fois crée la situation juridique et en investit son titulaire.

4. Relativité de la distinction : les situations mixtes

Si les situations générales et impersonnelles correspondent intégralement à la


définition que l’on vient de donner, les situations ne se rencontrent jamais à
l’état pur. Elles sont toujours en réalité des situations plus ou moins mixtes,
c’est-à-dire qu’elles comportent toujours certains éléments déterminés par des
dispositions générales et impératives de la loi.

Par exemple, dans la situation issue d’un contrat, qui est le type le plus
caractéristique de la situation individuelle subjective, le régime des voies de
droit qui sanctionnent l’obligation (action en justice, voies d’exécution) est
déterminé par la loi elle-même par voie générale et impersonnelle ; il est le
même pour tous les créanciers et tous les débiteurs.

[Texte] Page 9
0
Mais cette fréquence des situations mixtes n’enlève aucunement son intérêt à
la distinction de deux types de situations car, à l’intérieur de la situation mixe,
les caractères et conséquences de chacun de deux types s’appliquent
distinctement.

5. Intérêt de la distinction

La distinction des situations légales et individuelles est capitale, car à chacun de


deux types s’applique un régime juridique propre qui n’est que la conséquence
logique de leurs définitions.

1) Le principal intérêt de la distinction concerne la possibilité des


modifications apportées par voie générale aux situations
juridiques une fois que celles-ci ont été acquises par des titulaires
déterminés.

Les situations générales et impersonnelles ayant leur contenu déterminé par


les lois et règlements, les modifications apportées à des lois et règlements
s’appliquent de plano aux titulaires déjà investis de ces situations ; il en va de
même des parties légales des situations mixtes. Ainsi, la loi modifiant la
capacité de la femme mariée ; une loi élargissant les attributions des
commissaires d’un A, s’appliquera aux A déjà en fonction ; une loi modifiant les
règles de procédure s’appliquera aux actions en justice que prétendait intenter
un créancier pour faire exécuter un contrat déjà conclu.

Par contre, les situations individuelles ne sont pas touchées par les
modifications des lois ou règlement parce que leur contenu n’a pas été
déterminé par ceux-ci. Elles sont, dit-on parfois, « intangibles ».

On voit que la distinction fournit ainsi le critère technique de solution du


problème de l’application des lois dans le temps, autrement dit du problème de
la non-rétroactivité des lois.

2) Les régimes juridiques respectifs des situations générales et


individuelles comportent encore d’autres différences que nous
aurons l’occasion d’étudier à propos de diverses situations du
droit administratif. Ainsi, le contenu des situations générales étant
déterminé par les lois et règlements, ne peut faire l’objet de

[Texte] Page 10
1
stipulations particulières au moment où une telle situation est
attribuée à un titulaire, etc.

6. Les actes juridiques

L’acte juridique est une manifestation de volonté ayant pour but et pour effet
d’apporter une modification à l’ordonnancement juridique. Les actes juridiques
peuvent ainsi être classés soit d’après leurs effets, c’est-à-dire le genre de
modification juridique qu’ils entraînent ; c’est la classification matérielle, soit
d’après le mode de manifestation de volonté qu’ils empruntent ; c’est la
classification formelle.

Par ailleurs, ces deux classifications se combinent entre elles.

A) Classification matérielle des actes juridiques

La classification matérielle des actes juridiques est en rapport avec celle des
situations juridiques. On distingue à ce point de vue trois catégories d’actes.

1. L’acte-règle est celui qui crée, modifie ou supprime des situations


générales et impersonnelles et, par conséquent, formule des
règles de droit. La loi, le règlement administratif sont des actes-
règles ; en droit privé, la convention collective de travail est aussi
un acte-règle.

2. L’acte-subjectif est celui qui donne naissance ou touche à une


situation individuelle et subjective. Le contrat est le type
caractéristique d’acte subjectif puisque à son occasion, les parties
discutent et modèrent à leur gré le contenu, l’objet et les
modalités de leurs situations juridiques, l’objet et les modalités de
leurs situations obligatoires.

3. L’acte-condition est celui qui attribue à un individu une situation


générale objective. Il est en quelque sorte le complément de
l’acte-règle en ce qu’il investit les individus de situations dont le
contenu a été déterminé par des actes-règles mais qui,
généralement, en dehors de leur concrétisation par des actes-
conditions resteraient des situations abstraites, théories. Le
mariage en droit privé, la nomination d’un fonctionnaire en droit

[Texte] Page 11
2
public sont des actes-conditions, ils déclenchent l’attribution aux
intéressés du statut légal, objectif, de l’homme marié, du
fonctionnaire.

B) Classification formelle des actes juridiques

Du point de vue des modalités de la manifestation de volonté dont l’acte


juridique est l’expression, on distingue l’acte unilatéral, manifestation d’une
volonté unique (dont l’emploi est caractéristique du droit public) et les actes
bilatéraux et plurilatéraux qui mettent en jeu deux ou plusieurs volontés.

Mais les actes bilatéraux ou plurilatéraux sont eux-mêmes de deux sorties. Il


faut en effet, distinguer le cas où les volontés concourantes poursuivent le
même but. Il y a alors acte collectif, c’est, par exemple la délibération d’une
assemblée, et le cas où les volontés concourantes poursuivent des buts
différents ; il ya alors acte conventionnel : le contrat est le type de l’acte
bilatéral conventionnel, chacune de deux parties visant à obtenir que l’autre
accepte d’assurer une obligation en contrepartie de celle qu’elle accepte elle-
même.

C) Combinaison de deux classifications

Les deux classifications matérielles et formelles, se combinent entre elles en ce


que chacune peut emprunter les divers types : matériel ou formel.

- L’acte-règle peut être unilatéral (règlement édité par un conseil


municipal) ; mais il est aussi et fréquemment un acte collectif (loi
votée par le parlement) et même parfois une convention
(convention collective du travail).

- L’acte subjectif peut être de même un acte unilatéral


(établissement d’un rôle d’impôt) ou un acte collectif (un contrat),
il est surtout très et fréquemment une convention ; ainsi le
contrat est le type de l’acte subjectif conventionnel et c’est du
reste ce qui le caractérise car tout accord bilatéral de volonté
n’est pas un contrat ; ainsi le mariage en droit privé est un accord
de volonté non un contrat, car il ne crée pas de situation
subjective.

[Texte] Page 12
3
Enfin, l’acte-condition peut être lui-même un acte unilatéral ou collectif
(autorisation donnée par un agent administratif ou une assemblée) ou une
convention.

Section 3 : Les sources du droit administratif

On entend par source du droit les procédés par lesquels s’élaborent les règles
de droit. Il existe en effet, pour « fabriquer du droit », divers techniques,
d’ailleurs en nombre limité : l’élaboration spontanée, qui aboutit à la règle
coutumière ; l’élaboration par l’autorité politique, qui aboutit à la règle écrite
dont la loi est le prototype ; enfin l’élaboration par le juge, qui aboutit à la règle
jurisprudentielle13.

§1. Les sources écrites

Les sources écrites sont la constitution, la loi, les traités internationaux


régulièrement relatifs auxquels la constitution reconnait « une autorité
supérieure à la loi » et les règlements.

I. La Constitution

Elle est la source, directe ou indirecte, de toutes les compétences qui


s’exercent dans l’ordre administratif.

Elle contient, en outre un certain nombre de dispositions fondamentales qui


intéressent l’action administrative et, dès lors, s’imposent à elle. Ce qui est en
vigueur a été promulgué le 18 février 2006.

II. Les traités internationaux

Ils s’imposent à l’administration dès qu’ils ont été régulièrement ratifiés et


publiés à condition qu’ils soient appliqués par d’autres parties. C’est la règle de
la réciprocité en Droit international.

III. La loi et le règlement

Quelque soit l’importance de la source constitutionnelle et des règles


internationales, les sources écrites du droit administratif sont essentiellement
la loi et le règlement. L’élaboration et le statut juridique de la loi relèvent du
droit constitutionnel, non du droit administratif.
13
Jean RIVERO, Droit administratif, 6è éd., Dalloz, 1973, p. 52 et s.

[Texte] Page 13
4
Pendant la période coloniale, l’article 7 de la « loi sur le Gouvernement du
Congo-Belge ». Connue aussi sous le nom de « Charte coloniale » disposait que
« la loi intervient souverainement en toute matière »14.

Cette curieuse disposition était tirée de la tradition constitutionnelle belge et


française d’avant 1958 qui s’attachait à la suprématie de la loi. On ne la
retrouve pas dans la constitution belge elle-même, et n’a été reprise ni par la
constitution du 1er Août 1964 appelée Constitution Luluabourg.

Par contre, à partir de la Constitution du 24 Juin 1967, le constituant se réfère,


une fois de plus à la nouvelle tradition française issue de sa constitution de
1958, qui distingue le domaine de la loi et celui du règlement. Toutes les autres
Constitutions qui ont suivi celle du 24 Juin 1967, y compris celle du 18 Février
2006, opèrent toujours la distinction entre le domaine de la loi et celui du
règlement.

1. La distinction de la loi et du règlement15

Deux catégories d’organes ont, dans l’Etat, compétence pour poser des règles
générales ; d’une part le législateur, d’autre part certaines autorités relevant du
pouvoir exécutif, à l’échelon national ou local. C’est cette différence d’origine
qui fonde la distinction de la loi et du règlement est l’acte à portée générale
élaborée par une autorité administrative. La distinction tient donc à l’autorité
dont l’acte émane ; elle n’est pas d’ordre matériel, puisque dans les deux cas, il
s’agit d’actes qui ont en principe, la même nature de règle générale.

Les rapports entre loi et règlement varient nécessairement avec les rapports
établis par le régime constitutionnel entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif.
La primauté constitutionnelle du parlement par rapport au Gouvernement a
pour corollaire la subordination rigoureuse de la règle posée par celui-ci à la
règle votée par celui-là.

2. La distinction classique

Dans la conception démocratique initiale, le parlement, directement issu de la


volonté de la nation, est l’organe souverain ; le Gouvernement, bien qu’il

14

15

[Texte] Page 14
5
possède des attributions propres, demeure à son égard dans une certaine
subordination.

Cette situation détermine le statut respectif de la loi et du règlement au double


point de vue leur force juridique et de leur domaine.

A. Force juridique

Œuvre du parlement, la loi est l’expression directe de la volonté générale ; elle


constitue donc la règle suprême, à laquelle toutes les autres sont
subordonnées, et par-là même la règle souveraine, à laquelle tout est
juridiquement possible.

Expression de la volonté générale et acte de puissance initiale et


inconditionnée, la loi occupe dans la hiérarchie des règles de droit le degré
supérieur.

Suivant Carré de Malbeg, « la matière éventuelle de la loi s’étend à l’infini ».


D’une part, le législateur peut se saisir de toutes les matières qu’il désire
traiter, celles-ci appartiennent dès lors, au domaine législatif par détermination
de la loi. D’autres part, certaines matières sont, par la « tradition
constitutionnelle républicaine » réservées exclusivement à la loi et
appartiennent au domaine législatif par création des impôts, limitation des
libertés, électorat, etc.) Et ne peuvent faire l’objet de délégation du pouvoir
législatif en faveur de l’exécutif.

Le règlement, au contraire, émanation d’une autorité subordonnée, est lui-


même subordonnée à la loi. La tradition constitutionnelle rattache le pouvoir
réglementaire à la formule qui confie à l’exécutif le soin d’assurer « l’exécution
des lois ». il en résulte que le règlement ne peut être pris que sur la base d’une
loi, pour en regler les modalités d’application ; qu’il ne peut ni modifier
expressément la loi, ni la contredire, et enfin, que le juge peut toujours vérifier
la conformité du règlement à la loi, et censurer l’illégalité du règlement.

B. Domaines respectifs de la loi et du règlement

Il résulte nécessairement de ce qui précède qu’il n’était pas possible, dans la


conception traditionnelle, d’assigner à la loi un domaine propre : souverain, le

[Texte] Page 15
6
législateur peut nécessairement se saisir de n’importe quelle matière et poser
les règles qu’elle lui parait appelé.

Il ne peut donc y avoir non plus, dans ce système, de domaine réservé au


pouvoir réglementaire, puisque son champ coïncide avec celui de la loi, dont il
ne peut que s’assurer l’exécution, et que le législateur est toujours maître de
descendre lui-même jusqu’aux détails d’application, soit de se contenter de
poser les principes, élargissant d’autant le champ ouvert au pouvoir
réglementaire.

Celui-ci, toutefois, se voit totalement écarté d’un certain nombre de questions


qui, en vertu soit des textes constitutionnels, soit de la tradition, relèvent
intégralement et exclusivement du législateur. Il s’agit de matières considérées
comme touchant de trop près à la sécurité des individus pour que l’exécutif
puisse s’y voir reconnaître une quelconque compétence : la fixation des délits
et des peines, le régime des libertés publiques, l’établissement des impôts, etc.

C. L’évolution de la distinction initiale

Elle s’est faite en plusieurs étapes :

a. Les règlements autonomes

Tout d’abord, on a dû reconnaître au gouvernement un pouvoir réglementaire


« autonome », c’est-à-dire le pouvoir de réglementer des matières dont le
législateur n’avait pas cru devoir se saisir. En ce cas, on ne pouvait évidement
rattacher le règlement à l’exécution d’une loi puise, par hypothèse, il n’en
existait pas sur ce point. Du moins a-t-on cru possible de le fonder sur
l’exécution des lois en général, qui exige toujours un minimum d’ordre dans
l’Etat ; le règlement autonome se justifiait par la nécessité de maintenir dans
un domaine précis un certain ordre sans lequel eût été compromis l’ensemble
de l’exécution des lois.

b. Les décrets-lois et ordonnances-lois

Par la suite, il semble que le législateur n’était plus en mesure de faire


entièrement face à sa mission. La multiplication des inventions de l’Etat
supposait une production législative beaucoup plus abondante que celui de
l’époque libérale : la procédure parlementaire ne permettait pas de répondre à

[Texte] Page 16
7
ces besoins accrus. De plus, la situation économique et politique posait des
problèmes urgents, qui exigeaient des solutions rapides ; or, l’action du
législateur est lente. Enfin, les mesures à prendre imposaient souvent des
sacrifices qui risquaient d’exposer leurs auteurs à l’impopularité ; les
parlementaires étaient peu désireux d’en assumer la responsabilité.

C’est ainsi que, dès lors, on a vu apparaître, à des intervalles qui se font de plus
en plus brefs, une technique nouvelle, celle des lois de pleins pouvoirs, par
lesquelles, le parlement conférait à un mouvement, pendant un laps de temps
donné, le pouvoir de réaliser par voie réglementaire toutes les modifications
aux lois en vigueur que pouvait exiger le rétablissement de la situation. Cette
extension de compétence, outre qu’elle était enfermée dans un délai
relativement bref, était assortie de conditions qui visaient soit le but à
atteindre, soit la procédure à suivre.

Dans ce système, l’acte qui modifie la loi reste, formellement, un acte de


l’exécutif, soumis dès lors au contrôle du juge, mais du point de vue de son
autorité, il emprunte les caractères de la loi. C’est pourquoi la pratique lui
donne le nom de décret-loi ou d’ordonnance-loi, suivant le système choisi.

La distinction de la loi et du règlement dans la Constitution du 24 Juin 1967

La technique constitutionnelle d’aménagement des domaines de la loi et du


règlement n’est pas connue de l’ancien colonisateur. En effet, ni la constitution
belge du 7 Février 1831 telle que modifiée à ce jour, ni la Loi-fondamentale du
19 Mai 1960 qui était l’œuvre du législateur belge ni enfin, la Constitution du
1er Août 1964, aucune n’a prévue cette technique16.

La Commission constitutionnelle restreinte qui avait élaboré le projet de


constitution soumis au référendum et promulgué le 24 Juin 1967 avait fait
preuve de sa grande administration de la constitution française du 24 Octobre
1958 dont elle avait tiré un certain nombre de dispositions et adapté un certain
nombre d’autres dispositions à la situation du pays au regard du régime qui
venait d’être mis en place.

Le régime politique de la constitution française de 1958 est semi-présidentiel et


semi-parlementaire ou exécutif comprend aussi bien le Président de la

16

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8
République que le Gouvernement, ce dernier détermine et conduit la politique
de la Nation sous la direction du Premier Ministre, face un à parlement.

Par contre, le régime présidentialiste mis en place par la Constitution du 24 Juin


1967 fait du Chef de l’Etat le chef de l’exécutif en face d’un parlement
monocaméral appelé Assemblée Nationale.

Il est à noter que les autres Constitutions qui ont suivi celle du 24 Juin 1967 ont
hérité de cette distinction du domaine de la loi de celui du règlement.

1° Domaines respectifs de la loi et du règlement

a) La loi

Nous avons noté qu’en vertu des textes antérieurs, la loi pouvait intervenir en
toute matière. Désormais elle est enfermée dans un domaine délimité par
l’article 46 du texte initial, lequel a changé de numérotation en fonction de
plusieurs amendements intervenus jusqu’en 1990. Ce texte énumère
limitativement les matières pour lesquelles le législateur est compétent. Il
distingue, d’une part, celle dont la loi « fixe les règles » (p. ex. les droits
civiques, la nationalité, la détermination des infractions, etc.) et, d’autre part,
celles dont elle ne peut que déterminer les principes fondamentaux (p. ex.
l’organisation de la défense nationale, le régime de propriété, etc.)

L’acte constitutionnel de la transition du 9 Avril 1994 a suivi la même tradition ;


il en est de même de la Constitution de la Transition du 04 Avril 2003 ainsi que
de la Constitution du 18 Février 2006 en ses articles 122 et 123.

De ce « domaine de la loi », le législateur est seul maître mais il y est, en même


temps, prisonnier ; seul compétent pour statuer sur les matières à lui
réservées, il est incompétent sur toutes les autres.

b) Le règlement

Quelle est donc l’autorité compétente pour statuer par voie générale dans les
matières ainsi interdites au législateur ?

D’après l’article 47 de la constitution initiale de 1967 et 128 alinéa 1 de la


Constitution du 18 Février 2006, les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère règlementaire. Le domaine du règlement se

[Texte] Page 18
9
déduit donc, a contrario de l’énumération des matières législatives données ; il
n’est limité que par cette énumération. Il en résulte :

- Que l’autorité règlementaire possède désormais la compétence


de droit commun, le législateur n’exerçant plus qu’une
compétence d’attribution ;

- Que, dans les matières règlementaires, le gouvernement exerce


en principe une compétence inconditionnée, et statue avec une
liberté analogue à celle du législateur, puisqu’aucun texte de
nature législative n’y vient limiter cette liberté ;

- Que le nouveau domaine ainsi ouvert au pouvoir règlementaire


laisse néanmoins subsister son champ d’action traditionnel, défini
par l’exécution des lois.

c) Sanctions de la délimitation

Elles sont précises et rigoureuses. La Constitution prévoit un ensemble de


procédure principalement destinées à empêcher le législateur de déborder
hors de son domaine :

- Pour le passé, les lois ayant statué sur des matières désormais
règlementaires perdent leur force propre ; elles peuvent être
modifiées par décret pris après arrêt de la cour constitutionnel
(art. 128 alinéa 2, Constitution du 18 Février 2006) ;

- Il suit de là que le gouvernement peut alors opposer


l’irrecevabilité à toute initiative parlementaire jugée par lui
étrangère au domaine de la loi et en cas de désaccord, la Cour
constitutionnelle décide souverainement auquel de deux
domaines appartient l’acte en question ;

- Nous pouvons déduire, en outre, que si le gouvernement n’a pas


fait jouer cette procédure et qu’il estime après coup que le texte
qu’il a laissé voter empiète sur le domaine réglementaire, la Cour
constitutionnelle peut encore être appelée à se prononcer, et si sa
réponse est affirmative, la loi pourra être modifiée par décret. Il
en résulte que, désormais, la force législative ne s’attache plus

[Texte] Page 19
0
nécessairement à la force législative ; pour qu’une règle ait
l’autorité de la loi, il faut, non seulement qu’elle ait été votée par
ce parlement, mais encore qu’elle statue en matière législative ;

- A ces sanctions s’ajoute, une autre, traditionnelle, qui résulte de la


possibilité pour la Cour suprême de justice, section administrative,
saisie par la voie du recours pour excès de pouvoir, d’annuler un
règlement entaché d’illégalité du fait qu’il aurait statué sur une
matière réservée au législateur.

d) Valeur pratique de la délimitation

Elle soulève une difficulté. En effet, l’énumération des articles 122 et 123 n’est
pas précise au point de permettre, à coup sûr, de dire qu’une matière relève ou
non du domaine législatif. La difficulté est particulièrement aigue en ce qui
concerne les matières dont la loi fixe seulement les principes fondamentaux.

2° Autorité respective de la loi et du règlement

Sur ce point essentiel, la solution traditionnelle subsiste dans la plus large


mesure : dans la hiérarchie juridique car la loi possède une autorité supérieure
à celle du règlement.

a) La solution est évidente pour les règlements pris pour « assurer


l’exécution des lois » ;

b) Sur ce point, la subordination traditionnelle du règlement à la loi


demeure entière. Il en va de même pour les règlements appelés à
statuer sur les matières dont la loi, d’après l’article 123, fixe
seulement « les principes fondamentaux » ; si bien que ce qui
excède ces principes entre, dans le domaine règlementaire, le
gouvernement, en statuant, reste lié par la loi les a posés.

c) Le même principe s’applique aux règlements intervenus sur la


base de l’article 128 dans les matières exclusivement
règlementaires. Certes, dans ces domaines, le gouvernement
statue avec une liberté voisine de celle du législateur puisqu’il
n’existe, par définition aucune loi régissant la matière, et que, dès
lors, comme celui-ci, il ne trouve au-dessus de lui qu’une règle

[Texte] Page 20
1
écrite : la Constitution. Mais sa décision reste un acte du pouvoir
exécutif, soumis comme tel à la censure du juge, qui peut en
sanctionner l’irrégularité, et qui, par cette voie, pourra l’assujettir
au respect des principes généraux du droit.

Au contraire la loi, si elle peut être soumise à la Cour constitutionnelle en cours


d’élaboration, échappe, sitôt promulguée, à tout contrôle. Elle reste donc, dans
son domaine, un acte souverain, alors que le règlement, même dans le sien ne
possède jamais cette qualité, même lorsqu’il est, comme la loi, inconditionné. Il
n’est jamais, contrairement à elle, incontestable.

En résumé, le règlement demeure subordonné à la loi dans toutes les matières


où les deux compétences règlementaire et législative restent appelées à
s’exercer l’une et l’autre. Même lorsqu’il ne lui est pas subordonné dans les
matières d’où est exclue toute compétence législative, il lui demeure inférieur
quant à sa force juridique.

3°les régimes exceptionnels : ordonnances-lois

Si le gouvernement, dans le cadre normal qu’on vient d’analyser, ne peut, dans


le domaine législatif, statuer par la voie réglementaire que pour assumer
« exécution des lois », il n’en est cependant pas exclus de manière permanente.
L’article 129 de cette Constitution du 18 Février 2006, constitutionnalise et
organise dans le cadre du nouveau régime, l’ancienne pratique des lois
d’habilitation (art. 37 de la loi fondamentale du 19 Mai 1960 ; art. 95 de la
Constitution du 1er Août 1964). « Le Gouvernement peut, pour l’exécution
urgente de son programme d’action, demander à l’Assemblée nationale ou au
Sénat l’autorisation de prendre, par ordonnances-lois, pendant un délai limité
et sur des matières déterminées, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi ».

a) Les conditions de l’habilitation

Quant à la forme, les décisions prises par le gouvernement en vertu de


l’habilitation prenaient le nom d’ordonnances-lois. Contrairement au système
français d’où est empruntée la technique et où « les ordonnances » (qui ont la
même valeur que les « ordonnances-lois ») doivent être délibérées en Conseil

[Texte] Page 21
2
des ministres après avis de Conseil d’Etat17, les ordonnances-lois ne sont que
soumises seulement au mécanisme de délibération en Conseil des ministres
(articles 129 alinéa 2 de la constitution du 18 Février 2006).

Quant au fond, la loi d’habilitation délimite, en principe, le champ ouvert à


l’action gouvernementale dans le domaine législatif. Telle était la situation sous
l’emploi de deux textes constitutionnels de la première République.

b) Effets de l’habilitation

Ils sont doubles :

- Dans le champ qui lui est ouvert, le gouvernement statue avec la


même liberté que le législateur, il peut donc modifier la loi ;

- Systématiquement, le parlement est dessaisi ; il ne peut, jusqu’à


l’expiration de l’habilitation, modifier les ordonnances-lois par
voie législative.

c) Force juridique des ordonnances-lois

Leur entrée en vigueur est immédiate. Toutefois, ils deviennent caduques


faute, pour le gouvernement, d’avoir, avant la date fixée par la loi
d’habilitation, déposé devant le Parlement un projet de loi tendant à leur
ratification. Telle était la situation sous l’empire de deux constitutions de la
première République.

Jusqu’à ce que le Parlement ait statué sur le projet de ratification, les


ordonnances-lois conservent leur nature propre d’actes du pouvoir exécutif :
leur régularité peut être contestée devant le juge, notamment par la voie du
recours pour excès de pouvoir, mais le contrôle de juge est, quant au fond,
nécessairement limité, étant donné les termes très larges employés
traditionnellement par les lois d’habilitation.

La ratification a pour effet de conférer, à l’ordonnance-loi, la nature juridique


de la loi, il échappe dès lors à tout contrôle juridictionnel. Le refus de
ratification entraîne, comme l’absence de dépôt d’un projet de ratification, la
caducité de l’ordonnance-loi, qui perd, à compter de cette date, toute force
juridique.
17

[Texte] Page 22
3
A l’expiration du délai ouvert par la loi d’habilitation, le gouvernement est
dessaisi : les ordonnances-lois ne peuvent plus être modifiées que par des lois.

Rappelons, pour mémoire que la technique du domaine de la loi et du


règlement, qui a connu des fortunes diverses sous la deuxième République, par
suite des révisions qui ont affectées la constitution du 24 Avril 1967, a été
maintenu par l’acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la
période de transition (CNS ; art. 60 et 62 ainsi que la loi n°98-001 du 02 Avril
1993 portant Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition
(conclave, art. 58 et 610). Toutefois, le projet de Constitution de la CNS pour la
3ème République s’est méfié de cette technique, en revenant néanmoins sur la
technique de la loi d’habilitation (art. 95). La Constitution de la Transition du 04
Avril 2003 a repris la pratique de la loi d’habilitation. Il en est de même de ma
Constitution du 18 Février 2006.

4°Le pouvoir réglementaire

A. Définition et fondement

C’est le pouvoir de statuer par voie générale, accordé à des autorités autres
que le parlement, soit nationales, soit locales.

1° En ce qui concerne les premières, le problème du fondement juridique du


pouvoir règlementaire ne se pose pas pour le moment :

- L’acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période


de transition (CNS) accordait ce pouvoir au Premier ministre (art.
73) qui l’exerçait par voie de décrets délibérée en conseil des
Ministres ;

- L’acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition


(conclave), attribuait curieusement ce pouvoir au Président de la
République (art. 56) qui l’exerçait par voie d’ordonnances
délibérées en conseil des Ministres comme si la transition était la
2ème République prolongée ;

- L’acte constitutionnel de la transition (Palais du peuple) reprend


les dispositions de l’Acte de la CNS ;

[Texte] Page 23
4
- Le projet de Constitution pour la 3 ème République (CNS) révservait
ce pouvoir au Premier Ministre (art. 21) ;

- La Constitution de la Transition du 04 Avril 2003 l’attribuait au


Président de la République ;

- La Constitution du 18 Février 2006 l’attribue au Premier Ministre


sur base de l’article 92.

2° En ce qui concerne les autorités locales, leur compétence résulte de la loi. La


jurisprudence attache à la qualité de « chef de services » le pouvoir de prendre
les mesures réglementaires au bon fonctionnement du service, ces mesures, à
la différence des précédentes, ne s’imposent à l’assemble des citoyens ; mais
seulement à ceux qui entrent en rapport avec le service.

B. Titulaires

1° Pour l’Etat, dans un régime parlementaire, le pouvoir règlementaire est


attribué, en principe, au Premier Ministre, Chef du gouvernement ; tandis que
dans un régime présidentialiste de type moniste, c’est au Président de la
République qu’il est dévolu. En tout état de cause, il faut le savoir, interroger la
Constitution. Cependant, dans un régime semi-présidentiel – semi-
parlementaire, ce pouvoir appartient aux deux sommets de l’Exécutif.

2° En principe, les ministres ne possèdent pas en propre un pouvoir


règlementaire général ; ils participent seulement, par l’exercice du contreseing,
à celui du Premier Ministre et, le cas échéant, du Président de la République.
Mais, en pratique, cette participation suffit à mettre ce pouvoir à leur
disposition : les règlements sont les plus souvent élaborés par les bureaux des
ministres, et le Premier Ministre ne fait que les sanctionner. En outre, quelques
textes accordent à certains ministres un pouvoir règlementaire sur une matière
déterminée. Enfin, la jurisprudence reconnaît aux chefs de service un pouvoir
règlementaire pour ce qui concerne « le bon fonctionnement de
l’administration placée sous leur autorité » et qui bénéficie en premier lieu aux
ministres. Tout ceci leur confère en pratique un rôle de premier plan dans
l’exercice du pouvoir règlementaire du niveau national.

3° les autorités locales

[Texte] Page 24
5
Les ordonnances-lois n°82-006 et 82-008 du 25 février 1982 portant
respectivement organisation territoriale, politique et administrative de la
République et statut de la ville de Kinshasa attribuaient ce pouvoir surtout aux
organes délibérants et subsidiairement, en cas d’urgence, notamment pendant
les intercessions, aux Gouverneurs de Régions, aux Commissaires urbains, aux
Commissaires de Zone et aux Chefs de collectivités. Selon la loi n°08/012 du 31
Juillet 2008 portant Principes fondamentaux relatifs à la libre administration
des Provinces, le Gouverneur dispose du pouvoir règlementaire en province
qu’il exerce par voie d’arrêté provincial (article 28) tandis que l’article 29
reconnait ce pouvoir règlementaire du Ministre provincial qui exerce sur base
de l’article 29 de la même loi.

De plus, la loi n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation


et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports
avec l’Etat et les provinces confie ce pouvoir au Maire, au Bourgmestre, au
Chef de Chefferie et au Chef de Secteur.

4° Certaines autorités professionnelles (par ex. l’ordre des médecins, des


avocats, etc.) tiennent de la loi un pouvoir de règlementation dans le cadre de
la profession.

C. Les modalités d’exercice du pouvoir règlementaire

1° Du point de vue de la compétence, l’élaboration d’un règlement est, tantôt


discrétionnaire, tantôt légalement obligatoire, pour l’autorité compétence ;
ainsi, un bourgmestre commet une illégalité lorsque se trouvant dans les
situations prescrites par l’O-L n°82-006 du 25 Février 1982, refuse de prendre
un règlement de police nécessaire au maintien de l’ordre ou de la salubrité.

De même, le gouvernement, en retardant au-delà d’un « délai raisonnable »


que le juge apprécie, l’élaboration d’un règlement nécessaire à l’application
d’une loi, agit illégalement et engage la responsabilité de l’Etat.

2° Du point de vue de la forme, les règlements empruntent celle assignée à


l’ensemble des actes de l’autorité dont ils émanent : l’ordonnance, pour le
règlement pris par le Président de la République ; le décret, pour le Premier
Ministre ; l’arrêté, pour le Ministre, le gouverneur, le Bourgmestre, le chef de
Chefferie et le chef de Secteur.

[Texte] Page 25
6
Cependant, étant donné que le texte de l’O-L n°82-006 du 25 Février 1982
attribue le pouvoir réglementaire aux organes délibérants, leurs décisions
s’appellent « Délibérations ». il en est de même de la loi n°08/016 précitée qui
donne le nom de décision aux actes du conseil Urbain, du Conseil Communal,
du conseil de Chefferie ou de Secteur.

3°Du point de vue du contenu, il faut mettre à part les règlements de police,
qui ont pour objet d’imposer à la liberté des citoyens les limitations exigées par
les nécessités de l’ordre public ; ils bénéficient automatiquement d’une
sanction pénale : la désobéissance à leurs prescriptions constitue une infraction
dont le code pénal prévoit la répression.

4° Du point de vue de l’autorité du règlement

On retrouve ici, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir règlementaire à


l’échelon national, les distinctions qui résultent des articles 46 et 47 de la
constitution du 24 Juin 1967 telles que reprises par celle du 18 Février 2006 :

a) Dans les matières exclusivement règlementaires, le gouvernement


jouit d’une liberté limitée seulement par la constitution et les
principes généraux du droit ;

b) Dans les matières législatives, quant aux principes fondamentaux,


règlementaires pour le reste, le règlement demeure subordonné à
la loi ;

c) Dans le domaine exclusivement législatif, les solutions dégagées


subsistent. Il en résulte que :

- De sa part, le législateur peut charger le gouvernement de


prendre les règlements nécessaires pour l’application de
lois ; dans ce cas l’entrée en vigueur de la loi est
subordonnée en général à la publication de ces
règlements. Le gouvernement étant tenu d’exercer son
pouvoir règlementaire, il est lié par les termes de la loi,
qu’il doit compéter, mais qu’il ne peut contredire. Le
législateur peut lui imposer l’obligation de ne prendre ces
règlements d’application qu’après avis d’un autre
organisme.

[Texte] Page 26
7
- D’autre part, même si la loi expressément prévu, la
mission d’assurer l’exécution des lois » qui continue
d’incomber au gouvernement l’habilite à prendre
spontanément les dispositions réglementaires que peut
exiger l’application d’une loi, dans ce cas, la conformité à
la loi conditionne la validité du règlement.

d) Quand aux règlements des autorités locales, ils sont tenus de


respecter la loi et les dispositions réglementaires prises par une
autorité supérieure.

§2. Les sources non écrites

On cite traditionnellement, comme telles, la coutume, la jurisprudence et la


doctrine.

A. La coutume

En droit administratif congolais, la coutume est une source fondamentale du


droit contrairement au droit français et belge où la coutume est pratiquement
négligeable. La coutume est un usage implanté dans une collectivité et
considéré par elle comme juridiquement obligatoire 18. Donc par définition, la
coutume a le caractère d’une norme obligatoire. Elle est, selon l’expression de
Du Pasquier(21), le droit créé par les mœurs, « le jus moribus constitutum ».

Mais, pour que la coutume occupe une place effective au sein des sources de la
légalité en droit administratif, encore faudrait-il que la collectivité fasse
réellement passer certaines pratiques habitudes de leur rang de simples usages
à celui de coutume.

Trois principes dominent la matière :

- L’usage ne peut prévaloir sur un texte ; en d’autres termes, la


coutume n’aura jamais qu’une valeur supplétive et il n’ya pas
d’abrogation d’un texte par désuétude ;

18
Jacques DAMBOUR, Droit administratif, op. cit., n°24, p.58 et S.
(21)
A. BUTTGEBAUR, Droit administratif, op. cit., n°27, p.24

[Texte] Page 27
8
- L’usage vaut à tout le moins comme source d’interprétation des
textes légaux ou réglementaires, car il éclaire sur la façon dont ces
textes sont compris par l’administration ;

- La violation d’un usage peut être invoquée à l’appui d’une


demande tendant à obtenir réparation d’un dommage
exceptionnel.

En appui à la force de la coutume comme source de droit administratif, l’article


153 alinéa 4 martèle que « les Cours et Tribunaux appliquent la coutume pour
autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes
mœurs ».

La règle répond au souci constant d’équilibre qui guide son auteur : la


conciliation entre les nécessités de l’action administrative et les droits et
libertés des citoyens, qui est une directive générale dont il s’inspire, interdit les
formules tranchées, et réclame des nuances.

La règle jurisprudentielle, d’autre part, se caractérise par un certain


hermétisme ; il faut, pour la comprendre, se familiariser avec le langage du juge
administratif.

d)L’autorité de la jurisprudentielle

Du point de vue formel, on a déjà vue qu’aucun texte n’habilite le juge à créer
du droit chaque arrêt ne statue que pour l’espèce dans laquelle il intervient.

L’analyse matérielle d’un arrêt démontre deux situations ci-après :

1° Que le juge n’est que juridiquement lié par la règle qu’il pose comme il l’est
par la règle écrite. A la différence de ce qui se passe dans les pays où l’autorité
du précédent oblige à ne pas s’écarter de la jurisprudence antérieure, le juge
administratif peut toujours statuer dans un sens différent. Mais en pratique,
lorsqu’il énonce une règle, c’est qu’il la croit bonne, et qu’il entend désormais
s’y tenir : l’esprit de suite qui caractérise les grands corps de l’Etat, le souci de
la sécurité juridique des particuliers, imposent au juge cette fidélité à sa propre
pensée. Sans doute, elle n’exclut pas le revirement de jurisprudence ; il arrive
que le juge décide de changer la règle qu’il appliquait jusque là ; mais la

[Texte] Page 28
9
possibilité de modifier une règle reconnue à l’autorité dont elle émane, n’altère
en rien le caractère obligatoire de cette règle.

2° Si le juge en théorie, n’est pas lié par sa propre règle d’administration et les
particuliers, eux, sont tenus de s’y conformer ; lorsqu’ils l’enfreignent, le juge
applique à cette violation les mêmes sanctions que celle des règles écrites ;
peut être même se montre-t-il plus rigoureux lorsque la règle méconnue
émane de lui, car c’est alors son autorité qui est en jeu. Il en résulte, chez les
administrés et les administrateurs, le même sentiment d’obligation, à l’égard
de la règle jurisprudentielle, qu’à l’égard écrite, liée à l’identité de la sanction.
Ainsi, la règle jurisprudentielle, au double point de vue objectif (existence
d’une sanction) et subjectif (sentiment d’obligation pesant sur les assujettis)
présente tous les caractères de la règle de droit.

D. Les principes généraux

1°Définition

A côté de règles qu’il élabore lui-même, le juge administratif affirme l’existence


de « principes généraux du droit administratif » dont il sanctionne la violation
par l’administration. Ces principes sont empruntés pour la plupart, soit à la
tradition libérale, (égalité des citoyens devant l’autorité publique, liberté de
conscience, possibilité pour un citoyen menacé d’une sanction de se défendre
contre les griefs allégués contre lui, etc.), soit aux impératifs de l’équité
(principe de l’enrichissement sans cause) etc.

2° Caractères juridiques

a) Les principes généraux du droit ont force obligatoire à l’égard de


l’administration : ceux de ses actes qui les transgressent sont annulés, et
peuvent, s’ils ont causé un dommage, engager la responsabilité
administrative. Ils ont donc valeur de droit positif ;

b) Cette force ne leur vient pas de leur rattachement à une source écrite. Le
juge les déclare « applicables même en l’absence de texte » leur autorité est
indépendante de tout élément formel ;

c) Il ne s’agit pas de règles coutumières : le juge ne se réfère pas non plus à la


tradition, ou au consentement et l’option ;

[Texte] Page 29
0
d) S’agit-il de règles jurisprudentielles ? le juge paraît exclure : il présente les
principes comme s’ils existaient en dehors de lui, son rôle étant non de les
créer, mais de les constater. Les principes généraux se rattachent à un
certain fondement éthique. La constatation opérée par le juge est en réalité,
largement créatrice ; en affirmant l’existence d’un principe, le juge attache la
sanction dont il était dépourvu, et l’insère par là dans le droit positif.

3°Autorité des principes généraux

Les principes généraux ont valeur constitutionnelle. D’ailleurs, dans notre pays,
la plupart de ces principes sont repris par la constitution, notamment chapitre
réservé aux droits et libertés des citoyens. Il en résulte, dès lors, que ces
principes s’imposent à tous les actes soumis à la censure du juge.

Section 4 : Méthode en droit administratif

L’absence de codification du droit administratif ainsi que certains de ses traits


commandent, dans une large mesure, la méthode à exclure par celui qui
cherche à en découvrir les règles.

Les travaux de droit administratif, s’apparentent souvent à des travaux de


laboratoire. Fréquemment seule l’étude minutieuse des précédents plus ou
moins semblables permettra de dégager un principe.

Au surplus, une décision de juge qui ne se situe pas exactement dans la ligne
d’un prince précédemment admis n’implique pas, à coup sûr, la reconnaissance
d’une exception ou d’un fléchissement de la règle, mais oblige souvent de
revoir la formule du principe peut-être trop hâtivement posé.

Par là, la méthode strictement inductive a, en droit administratif une valeur


scientifique particulière. C’est en partant des données concrètes fournies par le
droit positif et par la jurisprudence qu’il convient de construire
progressivement le droit administratif qui est un droit en évolution.

En outre, le droit administratif utilise des instruments de l’école de l’exégèse


ainsi que conceptions téléologiques, fonctionnelles et sociologiques du droit 19.

19
CH Perelman, Méthodes du Droit, logique, nouvelle rhétorique, Dalloz, 2 ème édition, 1989.

[Texte] Page 30
1

PREMIERE PARTIE

ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION

L’étude de l’organisation administrative conduit à examiner d’abord la notion


d’administration (chapitre I), les personnes administratives (chapitre II), les
équilibres de l’organisation administrative (chapitre III) et la soumission de
l’administration au droit (chapitre IV).

CHAPITRE I : L’ADMINISTRATION

Dans la langue courante, le mot désigne, tantôt une activité – le fait


d’administrer, c’est-à-dire de gérer une affaire – tantôt l’organe – ou les
organes – qui exercent cette activité.

Ecrit avec une minuscule, le mot désigne une activité. On dit le Bourgmestre est
chargé de l’administration de la Commune. Ecrit avec une majuscule, il désigne
l’ensemble du personnel chargé de l’activité administrative. C’est en ce sens
que l’on dira ‘’l’Administration de la santé ne fonctionne pas bien’’. Lorsqu’on
parle de ‘’l’administration’’ tout court, avec une majuscule, on entend désigner

[Texte] Page 31
2
« l’ensemble d’organes par lesquels sont conduites et exécutées les tâches
publiques »20.

Section 1 : Nature de l’administration

L’Administration apparaît à la fois comme une activité et comme une


organisation.

§1. Administration est une activité

Etymologiquement « administrer » signifie prendre soin des hommes.


L’Administration apparaît donc, en premier lieu, comme une activité humaine
dont l’application aux éléments ne s’exerce qu’en fonction de leur utilisation
par des êtres humains.

Dans ce sens le plus large d’ailleurs, l’administration désigne l’ensemble des


actes nécessaires à la gestion d’une entreprise.

A la gestion des affaires , l’Etat fait intervenir traditionnellement les trois


catégories de fonctions juridiques qui sont la fonction législative, la fonction
exécutive et la fonction juridictionnelle.

a) La fonction législative concerne l’élaboration des règles générales


et impersonnelles qui sont obligatoires pour les activités publiques ou privées,
au sein de la communauté nationale.

Elle est épisodique, limitée dans le temps. Elle est directe car les décisions du
législateur, abstraites par nature, ne sont pas susceptibles d’une application
immédiate.

b) La fonction juridictionnelle intéresse la désignation de la règle de


droit applicable aux litiges et aux situations individuelles qui sont soumises par
les intéressés au juge.

Elle assure l’application de la loi. Le juge considère le respect du droit comme


un but mais sa compétence est d’ordre exclusivement juridique : il lui est
interdit de tirer les conséquences de ses jugements sur le plan de l’action
pratique.

20

[Texte] Page 32
3
c) La fonction exécutive consiste en l’exécution des lois. C’est une
fonction permanente qui nécessite pour son exercice l’emploi des moyens
conséquents. Et c’est l’Administration qui remplit cette mission. En effet, la
fonction administrative est celle qui touche à la conduite ainsi qu’à l’exécution
des tâches publiques qui sont, de part leur nature, multiples et variées.

De ce qui précède, on dirait que le législateur fait de l’administration en ce sens


que le parlement vote une loi destinée à faciliter le maintien de l’ordre, il y
aurait l’activité de police de la part du législateur. De même, lorsque le
parlement vote une loi destinée à créer ou à faire fonctionner un service public,
il aurait activité de service public de la part du législateur.

De même façon, on pourrait dire que les tribunaux font de l’administration


Quand une juridiction répressive punit un individu qui a commis un crime ou
toute autre infraction, on pourrait dire qu’elle poursuit le but de maintenir
l’ordre et qu’il a là une activité de police. On peut même, dire que le besoin de
justice est un des besoins fondamentaux de la société et alors on parle du
service public de la justice.

Ainsi tout deviendrait administration et M. Duguit a pu soutenir que l’Etat n’est


pas autre chose qu’un faisceau de services publics.

2° Le double objet de l’administration : maintien de l’ordre public et


satisfaction de certains besoins sociaux.

a) L’administration doit assurer l’ordre public, c’est-à-dire faire respecter le


minimum des conditions générales essentielles à une vie sociale. Dans l’état
actuel des choses, l’ordre public a un contenu élémentaire qui comprend la
sécurité, la tranquillité et la salubrité. Ce triptyque, nous allons le voir plus
loin, a éclaté en s’élargissant.

§2. L’administration est une organisation

C’est sous l’aspect d’une organisation que l’Administration apparaît le plus


souvent aux gouvernés, avec ses agents, ses bureaux, son matériel et ses
crédits budgétaires destinés à l’exercice de l’activité administrative.

1° L’administration est une organisation placée sous la direction des organes


exécutifs de l’Etat.

[Texte] Page 33
4
Puisque l’activité administrative relève de la fonction exécutive, il est normal
que l’organisation chargée de cette activité se trouve placées sous la direction
des organes exécutifs de l’Etat.

Pour que l’Administration puisse mener à bien la mission qui lui est confiée, la
Constitution la place sous l’autorité du chef du Gouvernement (art. 91
constitution. Du 18/02/2006).

L’Administration apparaît comme une vaste organisation analogue par son


aspect extérieur à celle des grandes entreprises du secteur privé. Sa ‘’clientèle’’
c’est la collectivité publique et pour satisfaire les besoins de celle-ci, elle va
exercer, dans le cadre tracé par les dispositions constitutionnelles, une activité
très générale sous les deux formes d’action : action de police et action de
service public.

2° Mais l’organisation administrative de l’Etat n’est pas toute l’Administration

L’ensemble des services qui, sur tout le territoire national, relèvent de


l’autorité du chef de l’exécutif, représente la partie la plus apparente de
l’organisation administrative mais il ne constitue pas toute l’administration.

En effet,

a) Le droit congolais reconnaît, à côté de l’Etat, d’autres personnes publiques ;


les collectivités locales (Provinces, Villes, Communes, Chefferies et Secteurs
et les établissements publics (UNIKIN). Ces institutions n’exercent aucune
compétence législative ou juridictionnelle mais elles possèdent par contre
une organisation et un pouvoir administratif plus ou moins autonome. Elles
assurent la gestion de services publics et parfois même ont des activités de
police qui échappent à l’autorisation directe des organes de l’Etat et qui ne
sont soumises qu’à leur contrôle (tutelle administrative).

b) De plus en plus, à notre époque, des tâches administratives sont confiées


par les pouvoirs publics à des organismes privés sur lesquels l’Etat n’exerce
qu’une autorité relativement lointaine ou même un simple contrôle.

Section 2 : Le but de l’administration : l’intérêt général

[Texte] Page 34
5
Les particuliers dirigent leur action en vue de la recherche d’un avantage
matériel ou moral, parfois même désintéressé, mais toujours d’ordre
essentiellement personnel.

L’administration, au contraire, agit toujours dans le même but désintéressé qui


est la recherche de l’intérêt général (appelé parfois « utilité publique » ou
« bien commun »)21.

Cet intérêt général n’est d’ailleurs ni la somme des intérêts particuliers, ni


l’intérêt de la communauté, considérée comme une entité distincte de ceux qui
la composent. C’est plus simplement ce que J. Rivero appelle « un ensemble de
nécessités humaines, celles auxquelles le jeu des libertés ne pourvoit pas de
façon adéquate et dont la satisfaction conditionne pourtant l’accomplissement
des destinés individuelles. La délimitation de ce qui entre dans l’intérêt général
varie avec les époques, les formes sociales, les données psychologiques, les
techniques. Mais si le contenu varie, le but reste le même : l’action
administrative tend à la satisfaction de l’intérêt général ».

L’intérêt général est cependant une notion vague que chacun applique à ses
propres objectifs en fonction de sa conception personnelle du rôle des pouvoirs
publics et de l’avenir de la collectivité nationale.

Les hauts-fonctionnaires de beaucoup de pays conçoivent l’intérêt général


selon deux thèmes principaux :

1. Pour une première communauté d’esprits, la recherche de


l’intérêt général s’identifie à un effort pour transformer la société
dans le sens du progrès technique et économique… le rôle de
l’élite administrative étant de susciter ou du moins d’encourage
les forces qui vont dans le sens de l’expansion et de la
modernisation. La société de demain à laquelle aspirent plus ou
moins confusément ces grands fonctionnaires et dont ils pensent
hâter l’avenir par leur action quotidienne n’est pas une collectivité
inhumaine peuplée de robots, c’est une cité prospère d’où la
misère aurait disparu et, avec elle, la souffrance et l’ignorance. Les
serviteurs de l’Etat sont des humanismes : l’avenir promis au

21

[Texte] Page 35
6
peuple est un monde d’abondance, où il y aura augmentation du
bien-être et l’élévation de la culture.

Mais l’accroissement du niveau de vie et l’épanouissement des personnes sont


inséparables d’une certaine rationalisation de la société : celle-ci implique
l’élimination du gaspillage sous toutes ses formes et l’organisation de la vie en
commun, où les individus et les institutions seraient unis par des rapports clairs
et stables.

2. A l’opposé de cette conception se trouve celle beaucoup plus


traditionaliste de ceux qui sont moins préoccupée de faire
progresser la société au moyen des plans à long terme que de
maintenir l’équilibre et l’harmonie.

Pour eux l’intérêt général réside dans le maintien de certaines valeurs, telles
que l’unité de la nation, l’ordre, la souveraineté de l’Etat, etc. que menacerait
le triomphe des intérêts particuliers. L’Etat doit être avant tout un arbitre. Il
doit éliminer l’emploi de la violence dans les relations entre individus et entre
groupes ; prévenir et réduire les conflits en amenant les adversaires à
composer et accepter l’arbitrage des pouvoirs publics, évité que les nécessaires
mutations économiques et sociales ne se fassent dans le désordre : maintenir
l’Etat au-dessus de la mêlée afin de lui garder le prestige sans lequel il ne
pourrait exercer sa fonction régulatrice : tels sont les soucis principaux de ces
grands fonctionnaires.

Ces deux conceptions de l’intérêt général ne sont d’ailleurs pas antinomiques


et sur bien des points elles pourraient être complémentaires.

Elles ont un trait commun : l’apolitisme. « Cet apolitisme est moins une
hostilité de principe à l’égard des hommes politiques et des partis, de leurs
passions et de leurs jeux négligeables ».

[Texte] Page 36
7
CHAPITRE II : PERSONNES PUBLIQUES

L’activité administrative des agents et organismes publics s’exerce, en principe,


pour le compte d’une personne publique ou personne administrative. En effet,
selon les rapports de droit administratif, les agents publics n’agissent pas pour
leur compte, mais au nom et pour le compte de personnes morales de droit
public (Etat, collectivités territoriales, établissements publics). C’est à travers
son agent que la personne morale s’oblige, acquiert des droits.

En principe, ces rapports mettent en présence une personne morale de droit


public et une personne morale de droit privé, soit une personne morale (par
exemple une association ou une société), soit une personne physique ou
encore deux personnes morales de droit public (par exemple, l’Etat et une
Commune).

On verra :

- Quelles sont les caractéristiques communes des personnes


morales de droit public et des personnes morales de droit privé
(section 1) ;

- Quelles sont les diverses personnes (de droit public et de droit


privé) et les critères de distinction entre ces deux catégories de
personnes morales en insistant sur la confusion qui apparaît
aujourd’hui entre personnes morales de droit public et personnes
morales de droit privé (section 2). Nous nous interrogeons ensuite
sur l’intérêt que présente l’existence d’une personne
administrative, avant de faire la distinction entre personnes
administratives et autorités administratives et rechercher les
rapports entre ces personnes administratives.

Section 1 : la notion de personne morale

Les « personnes morales » sont des groupements considérés comme des


personnes juridiques (« sujet de droit », « centre d’intérêts juridiquement
protégés » - M. Waline), distinctes des membres qui composent (tous les
membres du groupe sont représentés par leurs organes et le patrimoine du
groupe et celui des personnes membres du groupe sont séparés) et qui sont
titulaires de droits et d’obligations.

[Texte] Page 37
8
Deux problèmes dominent la théorie de la personnalité morale :

- Celui du caractère réel ou fictif de la personnalité morale (§1) ;

- Celui de la distinction entre personnes morales et personnes


physiques (§2).

§1. Caractère réel ou fictif de la personnalité morale

La reconnaissance juridique de l’existence de « Sujets de droit » qui ne seraient


pas des personnes physiques, mais des personnes morales distinctes des
membres qui les composent, a soulevé d’après controverses tournant autour
de la question : l’attribution de la personnalité morale n’est-elle qu’une simple
fiction juridique ou bien reflète-t-elle une réalité ?

A. Théorie de la fiction22

Certains auteurs (Duguit, Jèze) proposaient de rayer purement et simplement


cette fiction du vocabulaire juridique en raison de son caractère « ridicule ».

D’autres (Barthélémy, Planiol) expliquaient les conséquences attribuées à la


personnalité morale par l’idée de « patrimoine affecté ». Ceux-ci refusaient de
parler de personnes juridiques. « les personnes morales ses définissent comme
des personnes fictives cachant la propriété collective »23.

Cependant, il ne peut y avoir de patrimoine, de droits et d’obligations, sans


qu’existe un titulaire à ces droits et obligations. Aussi, pour d’autres juristes, la
personnalité morale, tout en n’étant qu’une fiction, apparaissait comme une
fiction utile et nécessaire. Le législateur disposait donc d’un pouvoir
discrétionnaire pour l’attribuer ou le retenir. La personnalité morale revêtait
ainsi à l’origine un caractère essentiellement patrimonial.

B. Théorie de la réalité de la personne morale

A l’opposé, on soutenait qu’il existe une volonté collective du groupe et que


l’octroi de la personnalité morale ne fait que traduire, dans le droit, la réalité
de ce groupe. « Il est incontestable – écrivait Maurice Hauriou :

22

23

[Texte] Page 38
9
- Qu’une association, un établissement, une fondation, lorsqu’ils ont
fonctionné pendant un certain temps, prennent aux yeux de tous une
personnalité de fait (…) il ne faut pas dire qu’ils sont devenus des êtres
abstraits ou fictifs, car ils sont une réalité concrète, ils ont un local, un mobilier,
un budget, un patrimoine, ils existent dans la pensée de tous ceux qui les
connaissent ou qui y collaborent ». On note que si cette citation insiste sur
l’idée de « réalité concrète » du groupe, elle donne aussi à la personnalité
morale un caractère « fictionnel ».

C. La portée du débat

On doit distinguer deux choses : la notion juridique abstraite de personnalité


morale, d’une part et la notion concrète que la société juge digne d’une
protection, d’autre part.

1. Juridiquement, les groupements d’individus, comme les individus


eux-mêmes, ne sont pris comme « sujet de droit » que par une
abstraction juridique (G. Vedel) : par exemple la société
esclavagiste refusait la qualité de droit à l’esclavage, tout comme
la Révolution française ne connaissait que des personnes
physiques ;

2. Concrètement, l’attribution de la personnalité juridique repose sur


la notion d’intérêts auxquels la société désire accorder une
protection particulière. De même, la création d’une personne
morale résulte d’une « rencontre » entre la volonté de l’Etat et
celle du groupement. Elle a lieu lorsqu’il a été constaté « qu’un
certain nombre de personnes physiques se sont reconnues des
intérêts communs, que ces intérêts leur sont propres, les
distinguant du reste des hommes » (M. Waline) ;

3. Cette « rencontre » suppose ainsi l’accord de deux volontés.


Juridiquement, celle de l’Etat est prédominante. Politiquement, la
chose est moins sûre. L’Etat peut-il refuser longtemps la
personnalité morale lorsque la volonté du groupe s’affirme avec
force ? peut-on craindre un éventuel arbitraire dans l’attribution
ou le retrait de la personnalité morale ?

[Texte] Page 39
0
Tout dépend alors du contexte historique et des valeurs dominantes de l’ordre
social. L’ancien régime connaissant les « corps » ou « communautés »,
« considérés dans l’Etat comme lieu de personnes »24. Après la parenthèse
révolutionnaire et jusqu’à l’avènement de l’Etat industriel, la personnalité
morale présente un caractère à la fois patrimonial 25, sociologique et politique
(par ex. la liberté d’association, le droit syndical la démocratisation de
l’Administration locale ou de l’Etat par la décentralisation territoriale ou par
service). La notion de personne morale de droit privé est implicitement de
« personne civile » est employé très tôt par la Cour de cassation (de France).

Aujourd’hui, le problème se pose sur un plan surtout « fonctionnel ».

En ce qui concerne les personnes morales de droit public et sans remettre en


cause explicitement la réalité municipale ou « collective », les pouvoirs publics
considèrent qu’il s’agit de cadres inadaptés aux tâches nouvelles de
planification et de programmation et qu’il convient de leur substituer des
entités juridiques nouvelles mieux adaptés aux missions de l’Etat. On
superpose alors aux collectivités territoriales traditionnelles, d’autres
personnes morales qui sont des établissements publics.

En ce qui concerne les personnes morales de droit privé, des préoccupations


analogiques inspirent les pouvoirs publics lorsque, dans le cadre de politique
industrielle, ils incitent les entreprises publiques ou privées à se concentrer, à
fusionner ou bien lorsqu’ils créent directement des personnes morales de droit
privé (sociétés d’économie mixte, associations, etc.) qui servent de
« paravent » à leur action.

§2. Caractéristiques communes aux personnes morales

Deux éléments sont à l’origine de la personnalité morale qui permettent de


distinguer les personnes morales des personnes physiques et de définir un
régime juridique commun aux personnes morales de droit public et aux
personnes morales de droit privé.

Une réalité d’intérêts unissant les membres d’un groupe humain possédant
une certaine homogénéité (intérêt des habitants d’une Commune ou des
actionnaires d’une société), ou bien n’impliquant pas forcément l’existence
24

25

[Texte] Page 40
1
d’une communauté homogène mais une réalité objective d’intérêts à un seul
centre (la personne morale), lui donne une permanence et institue des organes
au nom de cette personne.

A. Personnes morales et personnes physiques

Dans beaucoup de systèmes juridiques, la personne morale se distingue de la


personne physique par divers caractères.

1) Permanence

La personne morale ne meurt pas de mort naturelle, elle subsiste après la


disparition des personnes physiques qui l’ont fondé. Sa disparition résulte,
suivant les cas, de la volonté directe du législateur, de celle de ses membres, ou
de celle du juge. Par exemple, une zone (privée) de population subsiste tant
qu’un acte de l’autorité publique ne l’a pas supprimée.

2) Acquisition de la personnalité morale

Une personne physique acquiert de plein droit la personnalité juridique (le


nouveau-né est sujet de droit). La personne morale ne nait que sur décision de
l’autorité publique estimant que certains intérêts sont dignes d’une
protection : directement, en créant elle-même la personne morale ;
indirectement, en fixant les conditions auxquelles les particuliers ou d’autres
personnes publiques devront satisfaire pour créer une personne morale d’un
certain type (loi sur les associations).

3) Objet

La personne humaine peut poursuivre n’importe quel objet, sous réserve de la


licéité. La personne morale ne peut agir que dans le cadre de sa spécialité, ne
peut faire des actes, mêmes licites, qui ne se rapportent pas à l’objet qui est
sien.

4) Capacité

En principe les personnes physiques XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
XXXXXXXXXX

[Texte] Page 41
2
a) Les organes des personnes morales

Dans le système représentatif, le « clivage » entre « gouvernements » et


« gouvernés » est traditionnel. La personne morale est administrée par des
organes composés de personnes physiques (Conseil d’administration d’une
association, d’une société, Conseil municipal dans une Commune) distincts des
individus qui la composent. Cependant, certains gouvernés peuvent agir
directement au nom de la personne morale (action d’un contribuable au nom
de la Commune) et l’assemblée générale des actionnaires joue, dans une
S.A.R.L., un rôle théoriquement important. Par contre, dans certains cas, les
intéressés ne jouent aucun rôle (les fondations). On doit distinguer entre les
organes des personnes morales et les personnes physiques qui composent ces
personnes morales.

Pour l’établissement de leur règle d’organisation, certaines personnes morales


sont plus « autonomes » que d’autres (M. Waline) . Les personnes morales
« autonomes » se donnent librement leur « loi ». La liberté est moins grande
pour les personnes publiques : par exemple les Provinces ou les Communes,
l’organisation est fixée en détail par les lois (Loi n°95-005 du 20 décembre
1995).

On doit distinguer aussi entre les différents organes d’une même personne
morale. Les actes d’un organe sont opposables aux autres organes de la même
personne morale.

Enfin, les intérêts des personnes morales peuvent diverger et deux personnes
morales peuvent agir en justice l’une contre l’autre.

b) Séparation des patrimoines

La séparation du patrimoine de la personne morale des patrimoines des


membres du groupe a des conséquences importantes. Le patrimoine de la
personne morale consacre la solidarité des membres du groupe, par exemple,
un contrat passé par les organes qualifiés d’une personne morale engage le
groupe tout entier. Par contre, les créanciers du groupe n’ont pas le même
gage : en ce qui concerne les premiers, il s’agit du patrimoine de chaque
débiteur pris individuellement, en ce qui concerne les autres, il s’agit du
patrimoine de la personne morale.

[Texte] Page 42
3
c) Le principe de la spécialité

A l’exception de celle de l’Etat, l’activité des personnes morales publiques et


privées est limitée par le principe de la spécialité. Si les collectivités territoriales
(Communes, Villes, Provinces) disposent d’une compétence « générale », cette
exemple, sur des objets d’intérêt national. Par conséquent, une personne
morale ne peut agir dans des domaines étrangers à son objet. C’est ainsi
qu’une personne publique ne peut accepter de dons ou des legs qui lui
imposent une activité étrangère à sa spécialité.

Section 2 : Les diverses personnes morales

La distinction fondamentale est entre personnes morales de droit public et


personnes morales de droit privé. En principe, les premières relèvent du droit
public et les secondes du droit privé. On verra, tout d’abord, quelles sont les
personnes morales de droit privé et les personnes morales de droit public, en
classant à part certaines personnes « innomées » à propos desquelles la
doctrine reste partagée entre personnes morales de droit privé (§1) et
personnes morales de droit public (§2).

§1. Personnes morales de droit privé

A but lucratif, les sociétés civiles et commerciales se caractérisent


essentiellement par leur but lucratif (profit pécuniaire). Trois éléments les
caractérisent : accord de volonté, apports en commun, participation des
associés aux délibérations de la société avec un poids plus ou moins grand
suivant l’importance de cet apport.

A but non lucratif, apparues plus tardivement leur régime fut dans l’ensemble
plus sévère, pour deux raison essentielles ; sur le plan politique, la philosophie
individualiste de la révolution, s’opposait à la reconstitution des « corps
intermédiaire ; sur le plan économique, le libéralisme s’oppose à la mise hors
du circuit économique et commercial d’une des masses de biens trop
importantes qui pourrait leur appartenir (notamment grâce aux dons),
reconstituant ainsi des « biens de mainmorte ».

1. Association

[Texte] Page 43
4
L’évolution démocratique a conduit, pendant l’ère classique, à la
reconnaissance du droit d’association, fondement des démocraties pluralistes.
Celles-ci regroupent les individus désireux de poursuivre ensemble un but légal
d’une part, non lucratif d’autre part. On distingue trois types d’associations ;
déclarées licites, mais dépourvues de la personnalité morale ; déclarées dotées
d’une capacité restreinte, elles disposent d’une capacité de la personnalité
morale : déclarées d’utilité publique par les pouvoirs publics, elles disposent
d’une capacité plus étendue. Sont soumises à des régimes particuliers : les
congrégations religieuses, les associations entre étrangers (régime restrictif),
les sociétés mutualistes et les coopératives (régime plus libéral).

2. Fondation

Celles-ci forment une catégorie à part. Lorsqu’un particulier affecte un


patrimoine à une tâche désintéressée et organise la gestion de ce patrimoine
en vue de cette mission, la personnalité morale lui est accordée par un acte des
pouvoirs publics qui en déclare, en même temps, l’utilité publique
(établissement d’utilité publique). Dans cette hypothèse, la déclaration d’utilité
publique crée la personnalité alors qu’elle élargit seulement la capacité
lorsqu’il s’agit d’une association.

3. Syndicats professionnels

Le développement du mouvement ouvrier a imposé la reconnaissance des


syndicats professionnels qui ont pour but la défense des intérêts professionnels
de leurs adhérents. Leur régime est très favorable. Leur influence sur le droit
administratif moderne se traduit notamment dans le statut de la fonction
publique et celui des agents des entreprises nationales, dans la participation
des syndicats à l’administration consultative, dans l législation des conventions
collectives qui associe les syndicats à l’exercice du pouvoir réglementaire.

Cependant, certaines associations peuvent exprimer la défense d’intérêts


professionnels : par exemple, lorsque le droit syndical n’était pas encore
reconnu dans la fonction publique, ou lorsque certains corps n’ont pas le droit
syndical.

§2. Personnes morales de droit public

[Texte] Page 44
5
a) Les collectivités territoriales : l’Etat qui personnifie la
communauté nationale ; les villes et les communes, etc. qui
personnifient des intérêts moins larges mais généraux, etc.

b) Les établissements publics appelés à satisfaire un ou plusieurs


besoins publics nettement différenciés.

§3. Les personnes « innommées »

Il s’agit des ordres professionnels. Ceux-ci n’ont pas la qualité d’établissement


public, mais assurent (cependant) une mission de service public et se placent
« à la frontière du droit public et du droit privé » ou plutôt dans une sorte de
« no man’s land ». il est, en effet, difficile de dire si les ordres professionnels
sont des personnes physiques d’un type nouveau ou bien des personnes
privées chargées d’un service public.

§4. Critères de distinction entre personnes morales de droit privé et


personnes morales de droit public

Deux problèmes se posent : tout d’abord celui du ou des critères de classer


telle personne morale dans l’une ou l’autre catégorie (A) ; ensuite, celui qui
découle de l’existence de personnes morales (publiques ou privées) présentant
un caractère mixte, c’est-à-dire relevant en partie du droit public et en partie
du droit privé (B).

A. Les critères

On procédera à une énumération sommaire des critères en partant de la


volonté du législateur d’abord, puis des règles de création et des modalités
d’adhésion aux personnes morales, de leurs buts et de la capacité qui leur est
reconnue.

a) La volonté du législateur. Ce critère est déterminant, puisque le


législateur qualifie souverainement les groupements qu’il crée ou
autorise ;

b) Création. En principe, la création d’une personne morale de droit


privé résulte d’une initiative privée et celle d’une personne
morale de droit public de l’initiative des pouvoirs publics ;

[Texte] Page 45
6
c) Adhésion. La liberté d’appartenance ou non à un groupe privé est
totale. Les particuliers par contre, n’ont pas de liberté d’adhésion
à une personne morale de droit public ;

d) But. Les personnes publiques poursuivent un but d’intérêt général


et gèrent un ou plusieurs services publics. Suivant certains
auteurs, l’existence d’un but d’intérêt général suffit pour
reconnaître une personne publique, mais, ainsi qu’on va le voir,
ceci est très contesté ;

e) Capacité. La capacité des personnes privées se limite aux actes de


droit privé, tandis que celles des personnes physiques se
caractérise par la détention de prérogatives de puissance
publique.

Partant de ces critères, la doctrine a cherché à définir un critère unique de


distinction entre personnes morales de droit public et personnes morales de
droit privé.

En effet, aucun des critères évoqués plus haut ne suffit, à lui seul, pour
distinguer une personne morale de droit public d’une personne morale de droit
privé.

1. Le caractère de l’origine mixte ou privé ne suffit pas, puisque l’Etat


crée des sociétés commerciales (société mixte d’Etat, par exemple
la MIBA) et certains établissements, fondés sur initiative privée se
sont parfois vus reconnaître la qualité d’établissement public ;

2. Celui de la liberté d’adhésion n’est pas non plus satisfaisant,


puisque l’adhésion à l’UNTZA, pour les travailleurs, à l’ANAPEZA,
pour des parents (qui sont des personnes privées) était obligatoire
à l’époque du parti-Etat ;

3. Le critère de l’intérêt ne permet pas aux associations reconnues


d’utilité publique en raison de leur but (hôpitaux, œuvres
charitables) d’être reconnues comme personnes publiques ;

[Texte] Page 46
7
4. Certaines personnes morales, parce qu’elles sont d’intérêt public,
peuvent cependant disposer de prérogatives de puissance
publique, sans être pour autant des personnes publiques ;

5. D’autres, parce qu’elles disposent de prérogatives de puissance


publique, sont reconnues comme établissements publics, bien que
ne poursuivant pas des buts de service public ;

6. Enfin, des personnes morales de droit privé peuvent gérer un


service public.

Aussi, plutôt que de retenir un critère unique, la jurisprudence recherche, à


partir d’un examen d’ensemble de la situation du groupement considéré, les
« indices » permettant de le classer dans l’une ou l’autre catégorie.

B. La confusion et les démembrements de l’Administration

L’évolution actuelle manifeste une tendance au rapprochement entre


personnes morales de droit public et personnes morales de droit privé.
Certains groupements ont, en effet, des caractères mixtes et relèvent du droit
privé pour certains aspects et du droit public pour d’autres.

1. Les ordres professionnels. Nous avons noté plus haut que ces
personnes morales sont « inclassables » ;

2. Les établissements publics. Le développement des établissements


publics à caractère industriel et commercial fait reconnaître une
catégorie de personnes publiques dont les activités analogues à
celles que peuvent avoir les particuliers, ont pour effet de les
soumettre à un régime de droit privé dans leurs relations avec
leurs agents. On verra plus loin la situation des entreprises
nationalisées ;

3. Les organismes privés. On admettrait, depuis longtemps, que le


concessionnaire de service public, personne privée, pouvait gérer
un service public ;

4. Les sociétés d’économie mixte permettant d’associer des


personnes publiques et des personnes privées. Certaines sont
entièrement entre les mains de l’Etat (banque et compagnies

[Texte] Page 47
8
d’assurances nationalisées, dans d’autres, la part de l’Etat est
moins grande ; parfois l’Etat participe à ces sociétés par
l’intermédiaire d’un organisme spécial ;

5. La création par les pouvoirs publics d’association permet de


surmonter la rigidité administrative, d’obtenir la participation de
chefs d’entreprises et de surmonter les obstacles du statut de la
fonction publique. L’action administrative « transite » alors par
ces organismes qui échappent à tout contrôle administratif, bien
que ne constituant qu’un prolongement déguisé de
l’Administration.

Section 2 : L’intérêt de l’existence d’une personne administrative26

1. L’existence d’une personne administrative permet à la collectivité


d’exprimer sa volonté dans des actes juridiques inspirés par
l’intérêt collectif et qu’on appellera des actes administratifs : un
contrat passé par le bourgmestre, sera réputé passé par la
commune qui se trouvera engagée par les droits et obligations
souscrits par celle-ci ;

2. Elle assure ainsi une continuité de son existence juridique propre,


c’est-à-dire d’une existence juridique indépendante de l’existence
des personnes physiques qui en font partie et qui la représentent.

Cette continuité se réalise :

a) Par l’existence d’un patrimoine permanent de la personne


administrative comprenant des immeubles et des meubles et,
évidemment un budget ;

b) Par le fait que la personne morale est responsable des actes


accomplis en son nom par les personnes physiques (autorités et
fonctionnaires) qui agissent pour son compte. Ainsi, si un accident
est causé par un véhicule appartenant à l’Etat, la victime pourra
demander réparation de son préjudice à l’Etat.

26
J.M. AUBY et R. DUCOS Ader, Cours élémentaire-droit-économie, éd. Sirey, Paris, 1984, p.194.

[Texte] Page 48
9
3. Elle donne à la collectivité le moyen de défense de ses droits en
justice et aux particuliers la possibilité de s’adresser également à
la justice pour obtenir que la collectivité respecte ses obligations à
son égard ;

4. Enfin, les personnes juridiques disposent de certains privilèges ;


par exemple, on ne peut pas exercer à leur encontre des voies
d’exécution du droit privé.

Section 4 : personnes administratives et autorités administratives27

A la tête des personnes administratives, on trouve des personnes physiques


sous l’autorité desquelles œuvrer le personnel des services.

§1. Définition des autorités administratives

a) On peut définir les autorités administratives comme étant « des


individus ou des groupes d’individus qui ont le pouvoir pour agir
au nom des personnes administratives, soit en les représentant,
soit en prenant en leur nom des actes juridiques » ;

b) A titre d’exemple, on citera :

1° Pour les personnes territoriales :

- Les autorités de l’Etat (Président de la République, Premier


Ministre, Ministres) ;

- Les autorités des entités administratives décentralisées.

2° Pour les personnes spécialisées (établissements publics)

- Le Président et les membres du Conseil d’administration ainsi en


est-il du Conseil d’administration des Universités, des entreprises
publiques…

- Le Conseil de l’ordre (des avocats, des médecins, des


pharmaciens, etc.)

§2. La compétence des autorités administratives

27
J.M. AUBY et R. DUCOS Ader, op, cit., p. 197 et s.

[Texte] Page 49
0
1° On attend par compétence, l’aptitude des autorités administratives à agir au
nom des personnes administratives pour exercer les droits et accomplir les
obligations qui leur ont été dévolus par les lois et les règlements.

Ces autorités administratives sont désignées dans les formes qui ont été
prévues par les textes qui les ont instituées :

- L’élection au suffrage universel, direct ou indirect, pour le chef de


l’Etat ;

- La désignation du Premier ministre et sa nomination,


conformément à la Constitution ;

- L’élection pour les organes délibérants provinciaux et locaux ;

- La désignation des membres des collèges exécutifs à tous les


niveaux des EAD ;

- Nomination des certains cas (établissements publics).

2°Certaines autorités administratives exercent leurs pouvoirs de façon


individuelle (le Ministre). D’autres les exercent en Conseil (Conseil municipal)
ou en collège (Collège exécutif communal).

3° Ces autorités sont distinctes :

- Des simples particuliers ;

- Du personnel (fonctionnaires ou salariés du droit privé).

4° ces compétences doivent en principe être exercées par celui qui en est
investi. Toutefois, il peut exceptionnellement les déléguer si la loi le permet.

Il existe aussi les suppléances (adjoint en cas d’absence ou d’empêchement) et


l’organisation d’un intérim.

5° Les compétences sont délimitées :

- Par les objectifs (fonction des attributions qui leur ont été confiées
par la loi) (compétence rationne materiae) ;

- Et par la période pendant laquelle elles s’exercent (compétence


rationne temporise).

[Texte] Page 50
1
CHAPITRE III : LES EQUILIBRES DE L’ORGANISATION
ADMINISTRATIVE : CENTRALISATION, DECENTRALISATION
ET LE REGIONNALISME CONSTITUTIONNEL

Comme l’organisation constitutionnelle, l’organisation administrative est à base


d’équilibre.

L’équilibre constitutionnel repose notamment sur les rapports existant entre


les « gouvernants » et les « gouvernés » (il s’agit de problèmes de
« souveraineté » et de « souveraineté populaire »).

L’équilibre administratif reflet de l’équilibre constitutionnel, se traduit surtout


dans l’opposition entre la centralisation et la décentralisation administratives.

La définition politique de ces notions-clés a été donnée par le Doyen Maurice


Hauriou :

- « La centralisation administrative, c’est la mainmise du


gouvernement de l’Etat sur la Nation par le monopole que le
gouvernement central s’attribue de satisfaire, par ses propres
décisions et par ses propres agents, à tous les besoins communs
du pays » ;

- « La décentralisation administrative, c’est la réaction de la Nation


reprenant le contrôle sur tous les services qui assurent la
satisfaction des besoins communs du pays répartissant, entre des
corps locaux et des corps spéciaux autonomes, une bonne partie
des pouvoirs de décision » ;

- L’Etat régional est une forme intermédiaire entre l’Etat unitaire


classique et l’Etat fédéral. Il se par la reconnaissance d’une réelle
autonomie politique reconnue au profit des entités régionales et
notamment d’un pouvoir normatif autonome. Mais à la différence
de l’Etat fédéral, la structure étatique reste unitaire même si elle
peut être appelée à évoluer.

Cependant la centralisation, comme la décentralisation, comportent des


degrés : la centralisation absolue- ou concentration des pouvoirs peut être
assortie d’une certaine dose de déconcentration administrative impliquant le

[Texte] Page 51
2
transfert de pouvoirs, des organes centraux vers les agents du gouvernement
installés dans les circonscriptions territoriales ; la décentralisation connaît aussi
des degrés, dont l’étape ultime, le fédéralisme, met en cause l’idée même de
l’Etat unitaire.

Enfin, les équilibres de l’organisation administrative ont été définis à l’ère


classique et reposent sur l’idée de personnalité morale, de patrimoine et
d’autonomie de la collectivité locale face à l’Etat dans un contexte libéral, que
sur celle plus fonctionnelle de division du travail entre l’Etat et ses collectivités
secondaires dans le cadre d’une économie planifiée ou semi-planifiée.

Section 1 : Centralisation et décentralisation

Ces deux concepts découlent de l’histoire, du régime politique et de certaines


nécessités pratiques. La centralisation et la décentralisation présentent
chacune des caractéristiques propres et connaissent des degrés. Leur
combinaison donne à notre système administratif la forme qu’il a aujourd’hui.

Se plaçant sur le plan juridique, on donnera les caractéristiques de la


centralisation (§1) puis celles de la décentralisation (§2).

§1. La centralisation

Elle implique une centralisation des tâches administratives entre les mains de
l’Etat : les décisions sont prises par les organes centraux de l’Etat à partir de la
capitale.

Méthode d’organisation de l’Administration de l’Etat, seule personne morale


publique, la centralisation trouve son épanouissement pendant la première et
la deuxième phase de notre histoire administrative (la colonisation, puis la
deuxième République). Elle a laissé des traces profondes dans notre régime. La
centralisation présente un certain nombre de caractères généraux, elle repose
sur le principe de hiérarchie, et correspond à type spécial d’administration
territoriale.

A. Caractères généraux de la centralisation

La centralisation présente trois caractéristiques essentielles.

[Texte] Page 52
3
1. Elle repose sur la concentration des pouvoirs de décision entre les
mains des ministres placés au sommet de la hiérarchie
administrative.

Cette concentration est facilitée par une division du travail qui décharge les
administrateurs – les ministres – des tâches de préparation et d’exécution de la
décision. En effet, au niveau central, les tâches d’exécution sont confiées aux
services techniques assistés éventuellement de conseils consultatifs ; les tâches
d’exécution, d’impulsion et d’information, sont confiées à ces services qui
« répercutent » alors les ordres vers les agents placés aux différents niveaux
territoriaux et en suive l’exécution.

Les services centraux permettent ainsi au ministre dans un régime


présidentialiste, d’être le véritable serviteur et l’œil du Président ; tandis que
dans un régime parlementaire, il joue son rôle de représentant de
l’administration auprès du Parlement et de représentant du Parlement devant
son administration et d’assurer la primauté de la politique sur la technique (M.
Waline).

2. Elle repose ensuite sur la concentration de la contrainte et de la


force publique au profit du pouvoir central ; il n’existe aucune
force armée qui ne soit rattachée à l’armée nationale ; les forces
de police sont « étatisées », la police « communale » n’existe plus,
encore moins celles des collectivités, Chefferies ou secteurs ;

3. Elle implique enfin le choix par le gouvernement des agents qui


sont recrutés directement ou indirectement au niveau national,
conformément à leur statut. L’administration, rigoureusement
hiérarchisée, a pour chef le Premier Ministre et le ministre, sinon
le Président de la République.

Ainsi, le pouvoir de décision et de contrainte est concentré au sommet de la


hiérarchie administrative. Dans un système politique et administratif
totalement concentré (régime présidentiel ou césarien) le pouvoir de décision
appartient au Chef de l’Etat seul. Dans un régime parlementaire, le
gouvernement est responsable devant les chambres législatives.

B. La hiérarchie

[Texte] Page 53
4
Un régime centralisé repose sur la hiérarchie. Les ordres du pouvoir central
doivent parvenir, comme un fluide, jusqu’au plus petit village. La notion de
hiérarchie repose sur le triptyque suivant : pouvoir hiérarchique (a), contrôle
hiérarchique (b) et le recours hiérarchique (c)

a) Le pouvoir hiérarchique

Celui-ci s’analyse en une autorité absolue du chef sur ses subordonnés et, par
suite, en une responsabilité politique entière du chef de la hiérarchie (le
ministre).

L’Etat centralisé forme ainsi une pyramide au sommet de laquelle se placent les
autorités administratives suprêmes. Aux différents degrés de la hiérarchie, se
trouvent les agents inférieurs qui n’ont pas pour obligation unique et directe
d’observer la loi, mais d’obéir au chef qui s’interpose entre eux et la loi. Ceci ne
va pas, dans certaines périodes troublées, sans poser délicats problèmes :
système de « l’obéissance passive » ou « des baïonnettes intelligentes ».

Les composants juridiques du pouvoir hiérarchique sont les suivants : le Chef


donne des instructions à ses subordonnés ; contrôle leurs actes et dispose d’un
pouvoir disciplinaire.

En principe, le subordonné n’a, dans ce système, aucun pouvoir propre de


décision.

b) Le contrôle hiérarchique

Il est exercé par le supérieur sur les actes du subordonné. Au sommet de la


hiérarchie administrative de l’Etat, il appartient au ministre. Il s’agit de
l’organisation de l’Etat, personne morale. Ce contrôle porte à la fois sur la
légalité et sur l’opportunité des actes du subordonné.

Le contrôle hiérarchique s’exerce en principe, sur les actes de tous les agents
de l’Etat de quelque espèce qu’ils soient, par échelons, en remontant les
degrés de la hiérarchie, depuis l’agent qui a fait l’acte jusqu’au ministre. Ces
degrés ne sont constitués que par les agents qui ont la qualité d’autorité
administrative (Chef de Secteur, Chef de Chefferie, Bourgmestre, Maire,
Gouverneur de Province, Ministre).

[Texte] Page 54
5
Il comporte des prescriptions ou instructions adressées par le supérieur à
l’inférieur ; des autorisations ou approbations d’actes ; des annulations ou des
réformations d’actes ; des substitutions d’action ; des confirmations d’actes ;
des ordres donnés d’avoir à réparer les conséquences d’un acte.

En bref, le pouvoir hiérarchique est une compétence générale qu’exerce un


chef sur ses subordonnés. Il est inconditionné. Sous réserve de ne pas prescrire
d’illégalité, le supérieur peut donner à ses inférieurs tel ordre qu’il juge bon et,
sous réserve de droits acquis par cette décision, il peut toujours réformer ou
annuler la décision de ses subordonnés.

Excepté les cas où une décision porterait atteinte à son statut ou à ses intérêts
de carrière, le subordonné ne peut attaquer les décisions de contrôle de son
supérieur. Le jeu du recours pour excès de pouvoir est paralysé, en effet, par
l’absence d’intérêt.

Deux éléments ressortent ainsi pour préciser la portée du contrôle


hiérarchique : un pouvoir inconditionné de donner des ordres et un pouvoir de
réformation des décisions des subordonnés. Le pouvoir de donner des ordres
se traduit dans des « instructions de services » (ordres individuels)
« circulaires » et « instructions générales » (actes collectifs). Par une survivance
de l’ancien régime, ces actes qui jouent un rôle capital dans l’administration et
sont la « loi » pour les fonctionnaires, n’ont de valeur juridique qu’à l’intérieur
de la hiérarchie ; les administrés ne sont pas obligés par eux comme ils le
seraient par un règlement ; ils n’ajoutent rien (tout au moins théoriquement,
car nous verrons plus loin le problème des circulaires « réglementaires ») aux
règles juridiques. Cependant, leur méconnaissance par les subordonnés
constitue une faute professionnelle les exposant à des sanctions disciplinaires,
même si cette méconnaissance ne constitue pas la violation d’une règle de
droit.

Le pouvoir de réformation consiste dans l’aptitude que possède le supérieur


hiérarchique de modifier, d’annuler ou de remplacer une décision prise par un
subordonné. Il peut intervenir à l’issue d’une inspection ou bien, à la demande
d’un administré à la suite d’un recours hiérarchique.

c) Le recours hiérarchique

[Texte] Page 55
6
Celui-ci est mis en mouvement par l’administré. Les recours hiérarchiques sont
des recours administratifs. Ils ont constitué la première forme de recours à
l’époque de la « justice retenue » et ont un caractère non contentieux.

On distingue deux recours administratifs :

- Le recours gracieux qui consiste dans la demande adressée par


l’administré à l’autorité administrative qui a pris l’acte, d’en faire
un nouveau ou de le rapporter elle-même ;

- Le recours hiérarchique est formé contre tous les actes de tous les
agents devant l’autorité administrative qui leur est
immédiatement supérieure. Nous en verrons les caractéristiques
plus tard. Disons, pour l’instant, qu’il a pour objet de mettre en
mouvement la hiérarchie administrative et aboutit aux
conséquences indiquées plus haut (annulation, réformation etc.).

C. Centralisation et administration territoriale

La centralisation absolue suppose l’existence d’une seule personne morale.


L’Etat. Celui-ci assume, sur l’ensemble du territoire, par ses décisions, par son
budget, par ses agents, la satisfaction de l’ensemble des besoins d’intérêt
général (national et local).

1. Cependant, les « contraintes de l’espace » et les nécessités d’une


bonne administration (on n’administre que de près) imposent de
circonscriptions territoriales quadrillant l’ensemble du territoire.
Ces circonscriptions n’ont pas la personnalité, elles ne sont que
des cadres territoriaux d’administration générale ou spécialisée de
l’Etat. Dans ces circonscriptions, sont placés des agents du pouvoir
central.

Les relations entre le pouvoir central et les agents installés dans ces
circonscriptions reposent sur les principes hiérarchiques :

- Les problèmes qui se posent en un point quelconque du territoire


sont soumis au ministre qui, après étude par ses services, prend la
décision ;

[Texte] Page 56
7
- Celle-ci est transmise, par un mouvement descendant, vers
l’échelon territorial qui n’a plus qu’à exécuter.

Dans un système concentré où le pouvoir de décision appartient au Chef de


l’Etat seul, les agents (les gouverneurs) placés dans des circonscriptions
polyvalentes (les provinces), dirigent toutes les administrations placées dans
des circonscriptions (unité d’action). Lorsque le pouvoir de décision est partagé
entre les ministres, en raison notamment de la spécialisation des tâches par
ministère, on distingue alors entre les tâches d’administration générale (police
administrative notamment) comportant la direction de plusieurs services qui
sont confiés aux gouverneurs dans le cadre de la province et certaines tâches
d’administration spécialisée qui peuvent être confiées à des agents placés dans
des circonscriptions adaptées à ces tâches ; ces circonscriptions peuvent être
différentes suivant le ministère considéré ; il peut s’agir du département ou de
circonscriptions plus larges (que le département – circonscription des eaux et
forêts, circonscriptions militaires ou académiques par exemple). Ces agents
reçoivent directement les ordres du ministre et non plus du gouverneur.

2. D’autre part, l’histoire a aussi ses contraintes et peut imposer aux


régimes les plus centralisateurs la reconnaissance de certaines
réalités humaines possédant des intérêts propres à satisfaire
(intérêt local). Tel est le cas de la commune ou zone, collectivité,
dont on reconnait la personnalité juridique, mais dont on réduit
au strict minimum les pouvoirs de décision (gestion du
patrimoine) et dont on soumet les délibérations à un régime
d’approbation préalable ; il leur est confié, de préférence, un
pouvoir consultatif et de « doléances » et on nomme leurs
administrateurs ;

3. Les contraintes financières sont aussi motif de reconnaissance,


même de facto, de la personnalité juridique. C’est ainsi que, pour
se décharger de son entretien sur le contribuable local, l’empire
français confia la gestion d’une partie du domaine routier impérial
aux départements et les autorise, à cet effet, à voter des
« centimes additionnels ».

[Texte] Page 57
8
D. Avantages et inconvénients de la centralisation28

a) Rappelons que la centralisation administrative peut se définir


comme le procédé qui confie la direction de toutes les affaires
administratives au pouvoir central ; celui-ci l’exerce sans autres
intermédiaires que les simples agents d’exécution locaux.

L’Administration du pays est alors dirigée en totalité par les instructions qui
sont directement adressées de la capitale par le gouvernement. La
centralisation est généralement le fait des Etats autoritaires ou totalitaires.

La centralisation peut revêtir deux formes :

- Elle est directe, lorsque les ordres viennent immédiatement du


gouvernement ou pouvoir central (le cas de la concentration des
pouvoirs) ;

- Elle est indirecte, lorsque ce sont des agents du pouvoir central se


trouvant sur place qui transmettent les ordres en son nom. Ces
agents sont délégués par le pouvoir central et lui sont soumis
hiérarchiquement ; ils sont de simples subordonnés n’ayant
qu’une initiative très limitée (il s’agit de la déconcentration
administrative).

Dans un régime de centralisation, il peut y avoir des circonscriptions


administratives, par exemple anciennes sous-régions, les cités, etc. mais ces
circonscriptions ne sont pas personnes publiques car elles n’ont pas la
personnalité morale et sont strictement dépendantes du pouvoir central dont
elles se bornent à exécuter les instructions. Elles sont de simples agents de
transmission et sont intégrées dans l’Etat qui a seul la personnalité juridique.

b) Les avantages de la centralisation étaient apparus aux hommes


issus de la Révolution française, soucieux d’affirmer l’unité de la
Nation en faisant disparaître les particularismes provinciaux, de
restaurer la puissance de l’Etat et de sauvegarder l’égalité des
citoyens. On pouvait également penser qu’elle permettait le bon
fonctionnement des services publics d’une manière économique,
rationnelle et impartiale ;
28
J.M. AUBY et R. DUCOS, Ader, op. cit., p. 200 et s.

[Texte] Page 58
9
c) Il est inutile d’insister sur les inconvénients de ce système qui rend
la solution des affaires administratives inévitablement lente et
rigide et qui risque d’encombrer les administrations centrales,
tout en les empêchant d’adapter leurs décisions aux circonstances
locales. On concevra également la difficulté que présente une
semblable technique administrative en raison de la multiplicité
des tâches auxquelles doit faire face l’administration d’un Etat
moderne et ce, dans toutes les parties du territoire national.

§2. La décentralisation

« La décentralisation consiste à remettre des pouvoirs de décision à des


organes autres que de simples agents du pouvoir central, non soumis au devoir
d’obéissance hiérarchique et qui sont souvent élus par les citoyens
intéressés »29.

Par comparaison avec la centralisation, la décentralisation implique :

1) Une répartition des pouvoirs de décision et de contrainte entre


diverses autorités ;

2) Une modification radicale des rapports entre les autorités


centrales et les autorités locales ;

3) Une modification, radicale aussi, des procédés de désignation des


agents décentralisés.

Elle est d’abord appliquée aux collectivités territoriales (décentralisation


territoriale), puis le procédé s’est étendu à des services publics
(décentralisation par service) auxquels une certaine autonomie a été donnée et
qui ont été dotés de la personnalité juridique (procédé de l’établissement
public). L’évolution récente a conduit à « l’éclatement de la notion
d’établissement public, à l’apparition de personnes morales » innomées (les
ordres professionnels) de personnes morales de droit privé gérant un service
public a compliqué quelque peu le schéma classique de la décentralisation
administrative.

29
G. Ve*EDEL, op. cit., p. 561.

[Texte] Page 59
0
Nous verrons d’une part, la décentralisation territoriale (A) avec ses
prolongements actuels. Puis, nous aborderons la décentralisation par service
en limitant notre propos au procédé de l’établissement public (B). Nous verrons
ensuite en quoi la décentralisation territoriale et la décentralisation par service
se distinguent et se rapprochent (C). Nous examinons, enfin, avantages et
inconvénients de la décentralisation (D).

A. La décentralisation territoriale

Elle repose sur la réunion de trois conditions : 1) reconnaissance par l’Etat de


l’existence autonome d’une solidarité d’intérêts à base territoriale consacrée
par le droit sous la dénomination « d’affaires locales » ; 2) gestion de ces
intérêts confiés à des organes disposant d’une certaine indépendance par
rapport au pouvoir central ; 3) existence d’un contrôle administratif exercé par
l’Etat (la tutelle).

a) La notion « d’affaires locales »

Il existe entre les habitants d’une même collectivité territoriale une solidarité
d’intérêts consacrée dans le droit sous la dénomination d’affaires locales. Cette
solidarité apparaît d’abord au niveau territorial le plus bas, celui de la
collectivité. Groupement naturel d’habitants ayant une vie collective (assez
développés) et de nombreux intérêts communs, la collectivité est une réalité
sociologique très ancienne. L& « communauté » villageoise se forme autour de
biens agricoles (terre) et autour des liens ancestraux. Cette solidarité est
apparue, plus tardivement, au niveau du territoire ou zone, sur une base
patrimoniale également.

- Enfin, le développement d’agglomérations « multi territoriales » ou


communales a fait naitre une solidarité entre les habitants des communes
ou territoires de ces agglomérations tandis qu’au niveau régional, le
gouvernement s’efforce de créer un « fait régional », générateur d’une
« conscience régionale ».

1. Comme toute personne morale, la collectivité territoriale est


soumise à la règle de la spécialité. La spécialité locale peut être
plus ou moins large ; la collectivité territoriale ne peut intervenir
que dans les domaines d’intérêt local (elle ne saurait intervenir

[Texte] Page 60
1
dans les services publics nationaux) et public (la collectivité ne
peut intervenir, en principe, dans le domaine industriel et
commercial) ;

2. L’attribution de la personnalité morale découle de la notion


d’affaires locales. Les collectivités, les territoires et communes
ainsi que les villes et les provinces sont des collectivités
territoriales dont la constitution et la loi garantissent la « libre
administration » par des « organes, en principe, élus » ; les unes
et les autres disposent d’organes qui leur sont propres ; gèrent un
patrimoine, créent et dirigent des services locaux ;

3. L’autonomie financière, conséquente normale de la personnalité


morale, repose sur un certain nombre de conditions : possibilité
de choisir leur emploi (l’existence de « dépenses obligatoires »
mises à la charge des collectivités par l’Etat, les « transferts de
charge » du budget de l’Etat vers les budgets locaux, réduisent
cette autonomie) ; possibilité de voter librement leur budget.

b) Gestion des affaires locales par des organes indépendants du


pouvoir central

L’élection au suffrage universel direct constitue le procédé fondamental de la


décentralisation. Suivant le Doyen Maurice Hauriou, la décentralisation est le
corolaire de l’élection : « si les démocraties se décentralisent, c’est pour
donner plus d’efficacité à l’action du corps électoral, c’est-à-dire du pouvoir
majoritaire de la souveraineté nationale »30.

L’élection au suffrage universel direct des organes des collectivités territoriales


comporte deux modalités :

- Pour l’élection de l’ensemble des organes de la collectivité :


l’organe délibérant est élu au suffrage universel direct, l’exécutif
est désigné par l’organe délibérant (système municipal, suffrage
au second degré) ;

- L’élection peut se faire pour le seul organe délibérant, l’exécutif


étant nommé par le pouvoir central ‘système départemental)
30
Maurice HARIOU, Droit constitutionnel, p. 130

[Texte] Page 61
2
c) Contrôle exercé par le pouvoir central

Dans un Etat unitaire, la puissance est mise en œuvre par les pouvoirs locaux
du pouvoir central qui en concède et en surveille l’emploi. Cette surveillance
est assurée par les procédés de tutelle. On verra maintenant la notion de
tutelle (1), ses buts et ses procédés (2).

1° La notion tutelle

La tutelle administrative se distingue de la tutelle civile (a), du pouvoir


hiérarchique (b) et du contrôle administratif (c)

a) « Tutelle » administrative et tutelle civile

En droit civil, ce terme désigne un mode de gestion des biens des personnes
incapables. L’autonomie des entités décentralisées repose, à l’origine, sur un
patrimoine. Ce terme désigne alors, le contrôle qu’exerçait le pouvoir central
sur ces entités, alors assimilées à des incapables. La tutelle présente
aujourd’hui un autre caractère : l’entité décentralisée peut ester librement en
justice ; elle peut agir contre l’Etat ; le rôle de la tutelle consiste seulement à
sauvegarder l’intérêt général contre les excès possibles des autorités
décentralisées.

b) « Tutelle » et pouvoir hiérarchique

Le contrôle hiérarchique est « de droit commun », il est celui qu’exerce un chef
sur ses subordonnés, il est inconditionné et s’exerce même sans texte ; pouvoir
conditionner, la tutelle est constituée par une somme de compétence
particulières définies par la loi. Elle n’existe que dans la mesure et les limites de
la loi qui l’organise.

La tutelle met en rapport l’Eta (gardien de l’intérêt général) et des personnes


publiques ayant des intérêts propres, tandis que le pouvoir hiérarchique se
déploie à l’intérieur d’une même personne morale. « Pas de tutelle sans texte
et pas de tutelle au-delà des textes ».

Le supérieur hiérarchique peut donner des instructions à ses subordonnés, le


pouvoir de la tutelle ne le peut pas. Si l’autorité de tutelle peut contraindre les

[Texte] Page 62
3
autorités décentralisées à respecter les lois et les règlements, elle ne peut
ajouter de prescriptions supplémentaires.

On verra comment le contrôle de tutelle exercé sur les autorités locales est
cependant susceptible de degrés qui la rapprochent parfois du pouvoir
hiérarchique.

2° But et procédés de tutelle

La tutelle administrative a pour but de faire respecter la légalité et peut aussi


impliquer un contrôle de l’opportunité visant à prévenir les négligences ou la
partialité des autorités administratives décentralisées. Elle repose sur le
principe : « pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes » et
s’exerce sur les personnes (a) et sur les actes (b) des administrateurs locaux.
Elle prend cependant aujourd’hui des formes nouvelles (c).

a) Contrôle exercé sur les personnes

La forme de contrôle la plus efficace consiste dans la nomination par le pouvoir


central de l’argent décentralisé. Cependant, celui-ci est nommé. La différence
s’estompe au profit du pourvoir central, lorsque par « dédoublement
fonctionnel » l’argent de la personne morale décentralisée est aussi agent de
l’Etat. Par exemple le conseiller municipal par la suite commissaire de zone
(voir 0-L n°82-006.

Un autre procédé de contrôle est l’exercice d’un pouvoir disciplinaire : l’agent


décentralisé peut être suspendu ou révoqué, une assemblée locale peut être
dissoute, ses membres peuvent être déclarés démissionnaires d’office, ce
procédé se distingue du contrôle hiérarchique en raison de caractères
fondamentaux de la tutelle d’une part, certaines sanctions disciplinaires ; par
exemple, le commissaire de zone agissant comme agent du pouvoir central est
placé « sous l’autorité de l’Administration supérieur », tandis qu’agissant
comme agent local, il est seulement « sous la surveillance de l’Administration
supérieure. Les déplacements d’office ne sont pas utilisables en raison du
caractère électif des fonctions de l’agent décentralisé qui l’attachent à la
circonscription ; d’autre part, ce pouvoir disciplinaire sanctionne des
manquements aux devoirs de la charge et des illégalités et non des
désobéissances, puisque l’organe sous tutelle n’est pas soumis à l’obéissance ;

[Texte] Page 63
4
enfin, si le pouvoir central peut révoquer un agent décentralisé, il ne peut le
remplacer par un autre ou même surseoir à son remplacement, mais il doit
convoquer, dans les délais stricts, le collège électoral.

b) Contrôle exercé sur les actes

Dans un certain cas, le contrôle se limite à la vérification de la légalité de l’acte


et peut prendre trois formes : 1) pouvoir de déférer aux autorités
juridictionnelles l’acte illégal (les décisions des Bourgmestres étrangères à la
police) ; 2) pouvoir d’annuler ou de faire annuler par d’autres autorités
administratives les décisions illégales (délibération des conseils municipaux ou
des assemblées) et dans des conditions très strictes ; 3) pouvoir de se
substituer à l’autorité décentralisée, lorsque celle-ci refuse de faire les actes
que lui prescrit la loi (par exemple, en cas de refus par un bourgmestre de faire
un des actes qui lui sont prescrit par la loi ou en cas des refus par un conseil
municipal d’inscrire au budget une dépense obligatoire).

Dans d’autres cas, le contrôle s’étend jusqu’à l’opportunité et se traduit : 1) par


un pouvoir d’application expresse ou l’acte de certaines décisions ; 2) par un
pouvoir d’annulation pour inopportunité.

Ces divers procédés existent aussi dans le contrôle hiérarchique. Cependant, un


seul procédé de contrôle hiérarchique ne se retrouve pas dans le contrôle de
tutelle ; peut certes le pouvoir de donner des instructions. L’autorité de tutelle
peut certes refuser son approbation à certaines décisions pour des motifs
d’inopportunité, sauf bien entendu, en cas de compétence liée (« faculté
d’empêcher » - M. Waline).

B. La décentralisation par service ou décentralisation technique

La décentralisation par service tend à conférer la personnalité juridique à un


service. Le procédé le plus couramment employé est, bien entendu, celui de
l’établissement public. Mais comme on l’a dit, il n’est pas le seul : la gestion
d’un service public peut être confiée à certaines personnes morales
« innomées » (les ordres professionnels) ou même à des personnes morales de
droit privé. Nous allons voir plus particulièrement le procédé de l’établissement
public.

[Texte] Page 64
5
a) Dans l’ensemble, la décentralisation par service se rapproche de la
décentralisation territoriale par certains traits :

- Reconnaissance dans certains cas d’une solidarité d’intérêts


(intérêt des commerçants en ce qui concerne les chambres de
commerce) ;

- Existence d’un patrimoine propre ;

- Compétences spécialisées ;

- Ressources propres ;

- Gestion de ces intérêts confiée à des organes dotés d’une certaine


autonomie ;

- Existence d’un contrôle administratif.

b) Elle s’en distingue en raison notamment du caractère assez peu


libéral du procédé, la tutelle sur les établissements publics est en effet
présumée. D’autre part, les procédés de désignation des administrateurs font
souvent une large place à la nomination par le pouvoir central et la solidarité
d’intérêts, dont l’établissement public assure la reconnaissance est souvent
artificielle.

En bref, la notion de décentralisation par service est assez controversée.


Certains auteurs (M. Elsenmenn) en nient l’existence. D’autres voient en elle un
procédé décentralisateur très insuffisant et en tout cas susceptible de degrés
pouvant, à la limite, se traduire en une simple décentralisation (Duguit,
Homont, Maspétiol et Laroque).

C. Décentralisation territoriale et décentralisation par service

Pour comparer et rapprocher ces deux notions, il faut, à notre sens, partir de
trois éléments : le dénominateur commun qui est l’idée de « décentralisation »
et les notions de « territoire » et de « service » qui les différencient.

a) La décentralisation territoriale implique une solidarité d’intérêts à


base territoriale et repose, dans la doctrine classique, sur l’idée de
compétence générale confiée à des organes agissant dans un
cadre territorial donné : la collectivité territoriale gère ainsi un

[Texte] Page 65
6
nombre important de services. La décentralisation par service vise
simplement à personnaliser un ou plusieurs services nettement
définis dans l’acte Constitutif ;

b) La décentralisation territoriale tend à démocratiser les rapports


existant entre l’Etat et les collectivités humaines à base
territoriale (collectivités, territoires), la décentralisation par
service vise à mieux gérer un service en assurant son autonomie
par rapport à la collectivité territoriale qui le gérait jusque-là
directement (l’Etat ou la région). Elle concerne ainsi les rapports
entre les diverses collectivités territoriales et leurs services ainsi
« personnalisés ».

c) Lorsqu’il s’agit d’un service public de l’Etat, ses incidences


démocratiques sont sensiblement analogues à celles de la
décentralisation territoriale. Lorsqu’il s’agit des établissements
publics régionaux, interrégionaux (ententes), des territoires
(hôpitaux) ou territoriaux (syndicats d’initiatives), elle suppose un
double contrôle sur l’établissement public : celui qu’exerce l’Etat,
en vertu notamment de son pouvoir général de contrôle, et celui
qu’exerce la collectivité territoriale dont il gère un ou plusieurs
services. Et si le contrôle exercé par l’Etat sur, ces établissements
s’avère plus lourd que celui qu’exerce la collectivité territoriale, on
aboutit à un affaiblissement de la décentralisation. Les notions de
« territoire » et de « service » permettent ainsi de différencier ces
deux formes de décentralisation, mais elles les rapprochent
aujourd’hui, par exemple, la constitution d’établissements publics
regroupant les territoires auxquels est confiée la gestion, non d’un
ou de quelques services, mais de la quasi-totalité des services de
ces territoires leur donne une vocation générale, tandis que celle
des territoires revêt un caractère résiduel. Le fait de rendre ces
établissements indépendants des territoires qu’ils regroupent, de
prévoir des modalités de désignation de leurs conseils moins
démocratiques et de les placer sous tutelle exclusive de l’Etat,
contribue également à le vider de son contenu ;

[Texte] Page 66
7
Section 3 : les degrés dans la centralisation et la décentralisation
administrative

Un régime centralisé peut être, décentralisé (§1) : un régime décentralisé pour


devenir fédéral (§2) : comme l’écrit le Professeur Waline : « la décentralisation
(§3) entre la pseudo-décentralisation qu’est la simple déconcentration et cette
sur-décentralisation qu’est le fédéralisme »

§1. La déconcentration administrative

Variété du centralisme, la déconcentration consiste dans l’attribution de


pouvoir de décision aux agents du pouvoir central (gouverneurs, commissaires
de district. Chef des services extérieurs de l’Etat, etc.) Placés à la tête des
circonscriptions territoriales de l’Etat.

1. Quatre éléments principaux la caractérisent : 1) les pouvoirs de décisions


ainsi transférés ressortissent aux intérêts généraux dont l’Etat à la
charge ; 2) les agents du pouvoir central bénéficiaires de ces transferts
sont soumis à la discipline administrative et, en général, sont nommés à
la « discrétion » du pouvoir central ; 3) comme on l’a dit, la
déconcentration peut être réalisée en faveur d’un agent élu, par exemple
le Commissaire de Zone fut à la fois agent du pouvoir central et autorité
de la personne morale décentralisée, la zone ; 4) la circonscription au
sein de laquelle se réalise l’opération de déconcentration n’a pas la
personnalité morale.

2. La déconcentration peut revêtir deux formes principales

1) Elle est « verticale » à l’intérieur d’un même ministère, lorsque le


ministère délègue certains pouvoirs de décision aux chefs des
administrations extérieures (par exemple du ministre de EPSP vers le
chef de division provinciale) ;

2) « Verticale » mais elle peut être aussi « horizontal », lorsque le transfert


des pouvoirs s’opère obligatoirement au profit d’un fonctionnaire
d’administration générale (le gouverneur) lequel dispose alors d’un
pouvoir de déconcentration de l’échelon national vers l’échelon local. La
concentration des pouvoirs est ainsi déconcentrée, à l’échelon de la
circonscription (« unité d’action »).

[Texte] Page 67
8
§2. Les degrés de la décentralisation administrative

Il faut maintenant apprécier à quel moment un Etat centralisé mais


déconcentré, peut se décentraliser et à quel moment un Etat décentralisé
devient fédéral. Cependant, l’étape intermédiaire demeure l’Etat régional.

Différents éléments interviennent alors, dont aucun n’est à notre avis,


prépondérant ; mais ils constituent un « faisceau d’indices » permettant
d’apprécier à quel moment est franchi le seul du fédéralisme.

On peut les apprécier en comparant fédéralisme et décentralisation


administrative (a) puis en examinant ce que l’on appelle « faisceau d’indices »
(b).

a) Fédéralisme et décentralisation administrative

On partira de deux « lois » qui dominent le fédéralisme : la loi d’autonomie (I)


et la loi de participation (II).

I. Le degré d’autonomie atteint par une collectivité décentralisée


s’apprécie en fonction de la nature de ces collectivités et des pouvoirs
qui leur sont dévolus.

1) L’Etat fédéral nait d’un « pacte » entre Etats ; la constitution consacre,


non seulement l’existence et les compétences de ces Etats, mais encore
leur laisse, sous certaines réserves plus ou moins importantes – la liberté
pour se donner leurs propres institutions. L’Etat unitaire décentralisé nait
des travaux des représentants du peuple incarnant la souveraineté
indivisible de la Nation ; la décentralisation est alors une modalité
d’organisation démocratique de ce type d’Etat. Les constitutions
consacrent en général la reconnaissance de l’existence des diverses
catégories de collectivités et le principe de la libre administration des
intérêts locaux par des organes élus, mais « la RDC est une République
indivisible », « aucune section de peuple » ne peut s’attribuer l’exercice
de la souveraineté et « la loi est votée par le Parlement ». Les
collectivités territoriales sont donc exclusivement des personnes morales
« administratives ». (Acte Constitutionnel de la transition, art. 1,4,5 et
58)

[Texte] Page 68
9
2) Entre l’Etat fédéral et les Etats qu’il fédère, la répartition des
compétences s’opère à l’intérieur des trois pouvoirs « législatif, exécutif
et judiciaire ». dans certaines matières l’Etat fédéral dispose de la
plénitude des pouvoirs, exécutif et judiciaire. Les collectivités
décentralisées ne possèdent pas – sauf exceptions historiques – de
pouvoirs politiques ressortissant au pouvoir central, mais administrent
des intérêts strictement locaux, subordonnés à l’intérêt général dont
l’Etat est le gardien.

L’exercice des compétences distingue également le fédéralisme et la


décentralisation administrative. L’Etat fédéré dispose, dans le cadre de la
constitution, d’une compétence discrétionnaire. La collectivité décentralisée
est soumise au contrôle administratif, car « la puissance mise en œuvre par les
autorités locales procède du pouvoir qui en concède et surveille l’emploi ».

II. La loi de participation impose la représentation en principe sur une


base égalitaire – des Etats fédérés dans les organes fédéraux si les
collectivités territoriales sont elles aussi « représentées » au sein de la
seconde Chambre du Parlement ; cette représentation, qui n’est pas
égalitaire, constitue plus une modalité du suffrage visant à tempérer
les effets du suffrage universel directe qu’une volonté de
représentation de ces collectivités.

b) Le faisceau d’indices

Ce qui précède montre la variété des formes que peuvent emprunter le


fédéralisme et la décentralisation administrative. Ces divers indices ont une
valeur plus ou moins grande ; cependant le passage de la décentralisation vers
le fédéralisme peut ne pas s’opérer brutalement, mais suivant une série
d’étapes qui réunissent progressivement, en une sorte de faisceau, les
différents « indices » de fédéralisme. D’autre part, d’autres critères que
juridiques interviennent (critères humains, techniques, politiques et
géographiques)s qui se conjuguent pour conduire à cette idée que le législateur
l’ait voulu. De même l’eau devient vapeur à 100 degrés après avoir subi divers
changements quantitatifs, de même la décentralisation devient fédéralisme
lorsqu’un certain degré a été franchi par la combinaison et l’accumulation des
indices évoqués précisément.

[Texte] Page 69
0
c) Le régionalisme constitutionnel

Dans l’Etat régional, l’autonomie accordée aux Provinces va plus loin qu’une
simple décentralisation. La régionalisation politique débouche sur une dualité
de sources normatives, sur la reconnaissance d’un pouvoir législatif régional.
Cette autonomie régionale se trouve garantie par la Constitution qui organise le
contrôle de constitutionnalité.

L’Etat régional reste indivisible. Les provinces ne possèdent pas des attributs
d’un Etat fédéral ; leur pouvoir d’auto organisation est encadré et leur
participation à l’exercice du pouvoir étatique national est très limitée.

Section 3 : Avantages et inconvénients de la décentralisation

§1. Les avantages

La décentralisation présente un certain nombre d’avantages. Elle est en faveur


de bon fonctionnement de l’Administration, puisque celle-ci pourra, s’agissant
d’affaires locales ou spécialisées, prendre des décisions rapides, adaptées aux
circonstances et en pleine connaissance des besoins des administrés dont elle
se trouve rapprochée.

a) La décentralisation territoriale est fondée sur le libre exercice


libertés locales qui est l’un des aspects essentiels du libéralisme
politique promu par le régime démocratique.

Elle assure au peuple une participation active aux affaires publiques par
l’élection de représentants qui demeurent sous son contrôle immédiat. On a
ainsi pu dire de la décentralisation qu’elle était «la démocratie appliquée à
l’Administration ».

Enfin, la décentralisation, à l’inverse de la centralisation, développe les foyers


d’activité et évite la concentration dans la capitale des éléments moteurs de la
Nation. Ce qui a généralement pour effet de rendre l’Etat très vulnérable,
puisque, si le pays est coupé de la capitale, il risque de se trouver
inévitablement paralysé.

b) La décentralisation technique, présente des avantages similaires.


Notamment elle permet de faire assurer la gestion du service par
un personnel de techniciens.

[Texte] Page 70
1
§2. Les inconvénients

A ces avantages correspondent des inconvénients correctifs

- La décentralisation diminue la force du pouvoir central et peut affaiblir


l’Etat, ce qui présente toujours un risque, notamment en période de
crise. Elle amène à méconnaître l’intérêt général et à lui préférer certains
intérêts particuliers locaux ;

- En ce qui concerne la décentralisation technique, elle est parfois source


de gaspillage et de désordre financier.

§3. La mesure de la décentralisation

A vrai dire, la décentralisation n’existe jamais à l’état pur, car elle conduirait
alors à la dissociation de l’Etat, c’est-à-dire l’anarchie, ce qui arriverait si l’Etat
remettait l’ensemble de ses pouvoirs aux autres personnes administratives. On
admet donc qu’il conserve une fraction de ceux-ci et qu’il puisse contrôler les
personnes décentralisées.

Au stade relativement avancé, la décentralisation aboutit au fédéralisme qui


prévoit la remise à des collectivités locales, non seulement de certains pouvoirs
administratifs, mais même des pouvoirs politiques. Toutefois, même dans cette
hypothèse extrême, la liberté des collectivités décentralisées que sont les
« Etats fédérés », n’est pas totale ; ils sont limités par le contrôle du pouvoir dit
« Etat fédéral ».

De même, la décentralisation se trouve en pratique toujours limitée par le


procédé de la tutelle administrative.

La tutelle administrative nous venons de le voir, peut se définir comme une


limite à la décentralisation, destinée à éviter que celle-ci ne mette en péril
l’unité et cohésion de la Nation. C’est un contrôle administratif que l’autorité
centrale exerce sur les actes de collectivités décentralisées. Ce contrôle est
appelé improprement « tutelle administrative », parce qu’on feint de croire
que les personnes administratives décentralisées sont mineures et que leurs
actes sont soumis au contrôle d’une personne administrative majeure qui
serait l’Etat.

[Texte] Page 71
2
Les personnes administratives locales décentralisées n’en conservent pas
moins leur autonomie : elles s’administrent elles-mêmes avec leurs propres
autorités ; on dit qu’elles sont « compétence générale », ce qui veut dire qu’en
règle générale, elles conservent leurs pouvoirs sous la réserve et dans les
limites du contrôle apporté par la tutelle.

CHAPITRE IV : SOUMISSION DE L’ADMINISTRATION AU


DROIT : LEGALITE ET OPPERTUNITE DANS
L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’action administrative se présente comme une relation dialectique entre deux


pôles : celui de la légalité et celui de l’opportunité. Les deux notions s’opposent
et se conjuguent à la fois, pour atteindre le double objectif que s’assignent la
plupart des systèmes juridiques : -mettre obstacle à l’arbitraire administratif en
organisant la protection des droits et libertés des citoyens ; - assurer cependant
à l’Administration une certaine liberté de manœuvre, garantie d’efficacité.
 L’instrument progressif de l’Etat de droit (par opposition à l’Etat
de police où le règne la « raison d’Etat ») passe par
l’assujettissement sans cesse accru de l’action administrative à la
règle de droit. Le domaine de l’opportunité tend alors à apparaître
comme une zone résiduelle ;
 Inversement pourtant, l’extension des tâches administratives
provoquée par l’incessant développement des interventions
économiques, sociales ou culturelles des autorités publiques a
suscité l’application d’un « droit administratif de l’aléatoire »,
terre d’élection de l’appréciation d’opportunité. On a parfois le
sentiment qu’alors que gagne en étendue et en intensité l’action
administrative, la règle de droit, elle perd en rigueur et en
précision. Cette impression se fonde sur l’apparition d’actes dits
« prospectif » (plans, schémas, directives…) et des pratiques
légales mais discutables (la dérogation), que le droit administratif
a en effet du mal à maîtriser.

Section 1 : Le principe de légalité

[Texte] Page 72
3
Définition : le principe de légalité exprime l’obligation dans laquelle se trouve
l’Administration d’agir conformément à l’ensemble des règles de droit qui lui
sont applicables et non pas seulement à la loi stricto sensu.
Un tel principe a de solides raison d’être :
- Il réalise certains des objectifs fondamentaux de l’Etat de droit et des
régimes de démocratie libérale imposant le respect des décisions
prises par les organes d’un pouvoir politique élu et donc légitime, il
est un instrument fondamental de protection du citoyen ;
- Quelle que soit la nature du régime politique, il remplit une fonction
régulatrice essentielle. En assurant la transmission de ses directives, il
est un des principaux moyens d’action du pouvoir.

§1. Les éléments du principe : les normes de référence

A. La légalité écrite
a) Les règles constitutionnelles

Elles s’imposent à l’administration : lorsqu’elles sont inclues dans la


constitution elle-même le juge annule l’acte administratif directement
contraire à une disposition constitutionnelle. (Arrêt n°R.A.266 Témoin de
Jéhovah contre la République du Zaïre, C.S.J, 8 Janvier 1993).
Il n’en va plus de même si l’action est prise en exécution d’une loi qui faisant
écran entre lui et la constitution, couvre son irrégularité.

b) Les traités internationaux

Le juge assure donc la suprématie des traités régulièrement ratifiés et publiés


ainsi que des accords en forme simplifiée approuvés par le Président de la
République, sur les actes administratifs. (Art. 215 de la Constitution du 18
Février 2006).

c) La loi et les textes assimilés

La loi est, de très loin, la source principale de la légalité administrative. Acte du


parlement, élaboré selon la procédure législative fixée par la constitution (Art.

[Texte] Page 73
4
130 à 142 de la Constitution du 18 Février 2006), elle s’impose à
l’administration.
Il en va de même de texte que l’on peut dire assimilés aux lois par l’autorité
qu’ils acquièrent : les ordonnances-lois.
N.B : le système juridique de la transition sous l’ACT ne connaissait pas la
pratique des ordonnances-lois. Les autres Constitutions ont institué cette
pratique, y compris la Constitution du 18 Février 2006 en son article 129.

d) Les actes administratifs


Ils font aussi partie de la légalité administrative bien que l’Administration elle-
même en soit l’auteur. Parmi eux, les règlements ont une particulière
importance, s’agissant d’actes qui posent des règles générales et
impersonnelles.
B. Légalité non écrire
a) La coutume
C’est l’usage considéré comme obligatoire. Distincte des pratiques
administratives qui, même répétées, n’acquièrent pas force obligatoire, la
coutume joue un rôle important en droit administratif congolais. (Art. 153 al.4
et 207).
b) Les règles d’origine jurisprudentielle
Leur rôle est fondamental
1° La chose jugée est une source de légalité comme la loi ou les règlements ;
2° Les principes généraux du droit. Le juge se refuse à reconnaître qu’il les crée,
mais en les formulant, il les amène à l’existence juridique. Il n’en est pas le
géniteur, il en est l’accoucheur. Les principes généraux du droit constituent un
élément essentiel de la légalité :
- Parce que leur violation entraîne, comme celle la loi, l’annulation des
actes administratifs irréguliers ;
- Parce qu’étant donné leur nature, ils couvrent un champ considérable de
l’action administrative, c’est-à-dire principe de légalité sous ses multiples
formes (devant la loi, devant le service public, égalité de traitement entre
agents d’un même corps, etc.) ; principe consacrant les libertés publiques
et les droits individuels, principe de non-rétroactivité des actes
administratifs, principe du respect des droits de la défense applicable à

[Texte] Page 74
5
toute mesure prenant en considération la personne ou le comportement,
etc. leur valeur juridique est aujourd’hui précisée de la façon suivante :
Certains principes fondamentaux « reconnus par les lois de la République et
solennellement réaffirmés par la constitution » ont valeur constitutionnelle et
s’imposent au législateur lui-même.
Les principes généraux du droit ont valeur « infra-législative » mais « supra-
décrétale » (R. Chapus). Ils peuvent être tenus en échec par la loi, à condition
que celle-ci soit expresse.
En revanche, ils s’imposent à l’autorité administrative qui ne peut pas y
déroger :
- Ni dans l’exercice du pouvoir réglementaire « ordinaire », c’est-à-dire en
application ;
- Ni, surtout dans l’exercice du pouvoir réglementaire autonome (de
l’article 128 de la Constitution du 18 Février 2006).
 Certaines règles, parfois appelées « principes » et applicables
même sans texte (règles générales de procédure par exemple),
n’ont qu’une portée interprétative ou supplétive. Elles s’inclinent
devant un texte contraire et, à ce titre, ne méritent pas de label
« principes généraux du droit ».
§2. La hiérarchie des normes de référence

- Le principe de légalité postule l’aménagement de l’ensemble des


normes de référence sur un mode pyramidal ou hiérarchique ;
- En droit congolais, cette hiérarchie est de type organique ; elle est
principalement liée à la qualité de l’auteur de l’acte ;
- Cependant l’innovation de la constitution délimitant des domaines
respectifs de la loi et du règlement conduit à une présentation dualiste
(J.M. Auby) de la hiérarchie des règles de droit.

§3. La double expression du principe de légalité


- L’expression classique et rigoureusement imposée est en quelque sorte
négative : il s’agit de ne pas violer la hiérarchie des actes ;
- L’expression nouvelle, qui la complète, est positive mais reste encore
d’une portée réduite : elle cherche à assurer la mise en œuvre effective
de la règle de droit.
A. Le respect de la hiérarchie des actes juridiques

[Texte] Page 75
6
1° La conformité de l’acte administratif aux actes de valeur supérieure
(constitution, lois, traités, principes généraux, etc.) ;
2° La conformité de l’acte administratif aux actes émanant d’une autorité
administrative supérieure (le décret du 1 er ministre à l’arrêté ministériel par
exemple) ;
3° La conformité de l’acte particulier au règlement. Toute l’autorité
administrative est notamment tenue de respecter dans ses actes individuels, la
règle générale qu’elle-même posée (« tu pater legem quam fecisti).

B. La mise en œuvre de la légalité : le problème de l’effectivité de la règle


de droit
L’effectivité de la règle de droit est d’être compète ; la mise en œuvre de la
légalité est encore largement subordonnée à l’appréciation discrétionnaire fin à
une situation illégale.
- L’inaction ou l’impuissance fautive de l’Administration se résolvent en
dommages-intérêts attribués, sur la base d’une rupture de l’égalité, sur
la base d’une rupture de l’égalité devant les charges publiques, aux
particuliers victimes, en raison du défaut d’application d’une
réglementation, d’un préjudice spécial et anormalement grave ;
- Exceptionnellement, il peut y avoir dans certains cas l’obligation pour
l’Administration de mettre fin à l’illégalité commise par elle-même ou par
les administrés ou de prendre une mesure indispensable pour faire
cesser un péril grave, résultant d’une situation particulièrement
dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, (Etat
d’urgence ou de siège, Art. 144 et 145 de la Constitution du 18 Février
2006).
2° Mais l’Administration est dans l’obligation de prendre, dans un délai
raisonnable, les mesures nécessaires à la mise en application des lois et
règlements. Juridiquement, elle ne peut donc s’arroger le pouvoir de paralyser
par son abstention l’exécution d’un texte insusceptible d’entrer en vigueur sans
mesures complémentaires ; dans les faits, cela reste trop souvent le cas.
L’Administration a donc le devoir de compléter l’appareil juridique
indispensable pour la mise en œuvre effective de la règle de droit. Son refus
éventuel constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

§4. La sanction de l’illégalité

- Le jeu du principe de légalité comporte, par le biais du contrôle exercé


sous différentes formes, une gamme de sanctions pour l’étude
complète, cf. 2ème partie) ;

[Texte] Page 76
7
- Les deux formes essentielles du contrôle peuvent pratiquement être
opposées terme à terme. Elles ne sont cependant pas exclusives l’une
de l’autre ; elles ne sont cependant pas exclusives l’une de l’autre ; elles
peuvent certes jouer alternativement mais aussi successivement.

Section 2 : Les limites du principe de légalité : pouvoir et circonstances


exceptionnelles

Certaines d’entre elles sont parfaitement compatibles avec le principe de


légalité. Elles constituent la réserve d’opportunité sans laquelle aucune activité
administrative ne serait possible dans un Etat moderne.
D’autres se présentent comme de véritables brèches ouvertes dans la légalité.
Il s’agit alors d’atteintes au principe au lieu d’être des limites proprement dites.

§1. Les limites inhérentes au principe

- L’une est quotidienne et usuelle, c’est l’existence d’un pouvoir


discrétionnaire ;
- L’autre est, par hypothèse, inhabituelle ; c’est la théorie
jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles.

A. Le pouvoir discrétionnaire de l’Administration

a) La notion de pouvoir discrétionnaire

1. Pouvoir discrétionnaire et compétence liée :

Si la règle de droit détermine l’action administrative et en précise les


modalités, la compétence de l’argent est liée (octroi d’un avancement à
l’ancienneté, p. ex.).
Lorsqu’au contraire une autorité administrative conserve sa liberté de choix ou
d’appréciation, elle exerce un pouvoir discrétionnaire (jury d’un concours
comparant les mérites respectifs des candidats pour retenir certains d’entre
eux et écarter les autres).
Selon la définition classique de Michoud : « il y à pouvoir discrétionnaire toutes
les fois qu’une autorité agit librement sans que la conduite à tenir lui soit
dictée à l’avance par une règle de droit ».

2. Pouvoir discrétionnaire et légalité

[Texte] Page 77
8
L’existence du pouvoir discrétionnaire ne correspond pas l’institutionnalisation
de l’arbitraire administratif. En application du principe de légalité, il n’ya pas
(hormis le cas particulier des actes de gouvernement) d’activités
administratives totalement soustraites à la règle de droit et au contrôle du
juge. Il n’y a que des attributions légales de compétences comportant plus ou
moins de pouvoir discrétionnaire.

b) Les manifestations du pouvoir discrétionnaire

1. Variabilité
Le pouvoir discrétionnaire n’est pas une donnée intangible. Un texte peut
toujours intervenir pour lier (ou délier, mais c’est plus rare) une compétence.
Mais les manifestations pouvoir discrétionnaire varient surtout en fonction de
l’attitude du juge, et de l’intensité, elle-même variable, du contrôle que celui-ci
exerce. Le juge peut créer des nouveaux cas de compétence liée.

2. Concomitance
Les activités administratives se caractérisent par l’association constante de la
compétence liée et du pouvoir discrétionnaire. Dans chaque acte coexistent
une certaine dose de pouvoir discrétionnaire et une certaine dose de
compétence liée. Le dosage est à proportions variables selon le degré de
précision de la règle de droit et l’intensité du contrôle juridictionnel.

B. La théorie des circonstances exceptionnelles

a) Signification

Certaines circonstances exceptionnelles imposent le recours à des moyens qui,


en temps ordinaire, seraient illégaux. Cette extension des pouvoirs de
l’Administration est parfois prévue par des textes (la constitution : état de siège
et état d’urgence art. 144 et 145 de la Constitution du 18 février 2006). Mais
au-delà de ces hypothèses, une construction jurisprudentielle permet à
l’Administration, lorsque les circonstances l’exigent, de s’affranchir des règles
dont le respect irait en définitive à l’encontre de l’intérêt public. C’est-à-dire
que la théorie respecte l’intention implicite du législateur qui, posant les
bornes de l’activité ordinaire de l’administration, n’a pas entendu priver celle-ci
de toute capacité de réaction à une situation exceptionnelle. Il ne s’agit donc
pas d’une négation du principe de légalité dont l’ultime sauvegarde est assurée
par le contrôle juridictionnel, mais d’une atténuation plus ou moins marquée
selon nécessités de ses conséquences.

[Texte] Page 78
9

b) Portée : l’extension des pouvoirs de l’Administration

1. Variable

L’extension des pouvoirs reconnus à l’Administration en cas de circonstances


en cas de circonstances exceptionnelles ne peut être uniforme. La nature
même de la théorie s’y oppose qui vise à donner à l’Administration les moyens
adéquats pour faire face aux nécessités imposées par les circonstances,
nécessairement imprévisibles.

2. Considérables

Toutes les mesures nécessaires se trouvent légitimées par les circonstances


exceptionnelles. Des décisions qui, en temps normal, constitueraient de graves
illégalités, seront, du fait des circonstances, jugées valables :
- Suspension par ordonnance d’une disposition de loi ;
- Restrictions aux libertés individuelles ;
- Attributions de compétences à des « autorités de fait »,
substituées en raison de l’urgence et de la nécessité légale.

c) Limites : le contrôle juridictionnel

Face aux évidents dangers de la théorie, le contrôle juridictionnel de


circonstances exceptionnelles est sévère et entendu (art. 145 al.2 de la
Constitution du 18 Février. Le juge contrôle :
- L’existence d’une situation exceptionnelle, sa réalité que sa
persistance au lieu et au moment de l’action litigieuse. Ne saurait
par exemple être valable une mesure édictée sans limitation de
durée ;
- La nécessité dans laquelle se trouve l’Administration, poursuivant
un but d’intérêt public, de s’affranchir des règles de la légalité
ordinaire ;
- L’adéquation des mesures prises aux exigences de la situation.

Section 3 : Les dérogations au principe

§1. Les actes de gouvernement

A. Problématique

[Texte] Page 79
0

Ces actes bien qu’émanant d’autorités administratives congolaise, bénéficient


d’une immunité juridictionnelle. Dans la mesure om le juge décline de
compétence. Naguère absolue, l’immunité de juridiction demeure totale en ce
qui concerne la régularité des actes de gouvernement ; ils constituent bien en
ce sens une importance dérogation au principe de légalité. En revanche, et en
droit français, cependant le juge peut examiner un recours en indemnité pour
les dommages résultant d’une conversion internationale régulièrement
introduite dans l’ordre juridique interne (C.E, 30 mars 1966, cie gie. D’énergie
radioélectrique. GA Nn°107.

La doctrine s’affronte sur la pertinence du concept d’acte de gouvernement.


Ces actes constituent-ils une catégorie juridique autonomie ?

L’immunité de juridiction dont ils bénéficient ne s’expliquent-elle –pas, au


contraire, par des raisons diverses mais « toutes tirées du jeu normal des règles
du contentieux administratif » ? (Vede). La controverse est inépuisable.

Sans doute, le fondement de la théorie des actes de gouvernement est-il


incertain. De même n’a-t-on pas trouvé de critère précis à l’acte de
gouvernement depuis l’abandon de l’ancien critère du « mobile politique, c’est
très aisément invocable pour qu’il pût subsister dans un système juridique
fondé sur le principe de légalité. Mais la théorie de l’acte de gouvernement
traduit bien la « surveillance de l’Etat » et l’utilité du concept comme notion de
classement regroupant les cas où les réticences du juge s’expliquent
notamment par référence à cette raison d’Etat, parait indéniable.

B. Détermination des actes de gouvernement

La liste des actes de gouvernement, qui se dégage empiriquement de la


jurisprudence, va s’amenuiser. Elle ne comporte plus que deux rubriques.

1. Les actes concernant les rapports du gouvernement avec le


Parlement

Le juge refuse de connaître notamment :


- Des actes par lesquels le gouvernement participe à la fonction
législative (refus de déposer un projet de loi ; retrait d’un projet
déposé ; refus de convocation du Parlement en session

[Texte] Page 80
1
extraordinaire ; clôture des sessions ; dissolution de l’Assemblée
nationale, etc.) ;
- Des décisions du Président de la République affectant les relations
entre les pouvoirs publics constitutionnels ; décision de recourir
aux circonstances exceptionnelles ; nomination du Premier
ministre et des membres du gouvernement, etc.

2. Les actes qui se rattachent à la conduite des relations


internationales de l’Etat.
- D’une façon générale, les actes à caractère diplomatique
constituent des actes de gouvernement (refus de soumettre un
litige à la CIJ ; exerce de la protection diplomatique) ;
- De même les actes relatifs à l’élaboration, à la conclusion ou à
l’exécution des traités ou accords internationaux sont
insusceptibles de recours ;
- Cependant, les mesures détachables des relations diplomatiques
ou des conventions internationales peuvent être soumises au
juge.

3. Les actes d’assemblée

Ceux-ci concernant notamment les votes d’assemblée sur les motions, sur
l’élection de membres du gouvernement, en l’occurrence l’élection de Premier
ministre, les avis sollicités par l’Exécutif, etc.
En droit congolais, l’article 87 alinéa 2 de l’Ordonnance-loi 82-017 du 31 Mars
1982 portant Procédure devant la C.S.J. donne au juge la compétence
discrétionnaire de déterminer la catégorie d’actes qui échappent à son
contrôle.

§2. Le transfert exceptionnel du pouvoir législatif au gouvernement

Dans certaines périodes d’exception, qui ont pour commun dénominateur une
indisponibilité du Parlement, ou au moins le bouleversement profond du
fonctionnement des institutions constitutionnelles, le pouvoir législatif est
remis au gouvernement. Celui-ci est habilité à prendre des mesures revêtues
de l’immunité juridictionnelle habituellement réservée aux actes du Parlement.
Ses décisions échappent donc à tout contrôle effectif de légalité.
Il en fut ainsi des « lois » du gouvernement français de Vichy, des ordonnances
du gouvernement provisoire de la libération, et des ordonnances de l’article 92
de la Constitution française de 1958, permettant au gouvernement de prendre,

[Texte] Page 81
2
pendant un délai de quatre mois, les mesures « nécessaires ». Il en va de même
des décisions prises par le Président de la République dans le cadre de l’article
16 de la Constitution lorsqu’elles interviennent dans le domaine
habituellement réservé à la loi par l’article 34.

PARTIE II : LES FORMES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

CHAPITRE I : ACTIVITES DE REGLEMENTATION : LA POLICE


ADMINISTRATIVE

Introduction

La police administrative, activité de service public, a pour objet le maintien de


l’ordre public. Cette dernière notion est définie par les missions suivantes :
tranquillité, sécurité et salubrité publiques. Sa caractéristique est d’être
préventive à la différence de la police judiciaire qui, elle, est répressive. La
distinction entre les deux types de police, parfois délicate à établir, a des
conséquences immédiates quant au juge compétent pour en connaître : juge
administratif dans le premier cas, juge judiciaire dans l’autre. Les pouvoirs de
police administrative générale sont confiés au Premier Ministre (par l’art. 92 de
la Constitution du 18 février 2006) au niveau national, aux assemblées
délibérantes de manière générale et aux autorités individuelles de la
Territoriale, en cas d’urgence (en vertu de la loi n°95-005 du 20 Décembre
1995) et celle 08/016 du 07 Octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des E.T.D. et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces.
D’autre part, ces autorités se voient confier des pouvoirs de police spéciale qui
peuvent entrer en concurrence avec ceux exercés au nom de la police générale.
Parce que l’exercice du pouvoir de police risque de porter atteinte aux libertés
et parce qu’il est admis que la liberté est la règle et restriction de police,
l’exception, le juge administratif exerce un contrôle étendu, vérifiant en
particulier l’adéquation de la mesure de police à la gravité de la menace à
l’ordre public. Le compromis entre ordre et liberté doit respecter une juste
mesure, équation quasi « mathématique » où le bon sens et l’institution de
l’autorité de police ont néanmoins leur rôle à jouer.

[Texte] Page 82
3
Lorsqu’elles sont illégales et fautives, les mesures de police peuvent engager la
responsabilité de l’Administration. Une faute simple suffit en général mais
étant donné que l’exercice de l’activité de police est particulièrement délicat,
une faute lourde peut être exigée.

Section 1 : les finalités de la police administrative : ordre public et prévention

§1. La notion d’ordre public

Cette notion repose sur la défense de certaines finalités fixées par les textes.
Contingent et évolutif, son contenu varie en fonction d’un certain consensus
social mais ne saurait être rapproché ou confondu avec la notion d’ordre social
ou d’ordre moral.
Traditionnellement protéger les citoyens contre les désordres engendrés par le
tapage, les manifestations dégénérant en violences, les épidémies, les
maladies, la pollution, etc. certains y ajoutent d’autres finalistes plus modernes
sous l’appellation « bon ordre » comprenant notamment l’esthétique, la
défense de l’environnement architectural et naturel (écologique).

§2. Le caractère préventif de la police administrative : police administrative et


police judiciaire

1) La police administrative a pour objet d’éviter que l’ordre public soit


troublé : elle est préventive. La police judiciaire a pour mission de
« constater les infractions, d’en réunir les preuves et d’en rechercher les
autres » : elle est répressive. Le contentieux de la première appartient à
la juridiction administrative, celui de la seconde relève des tribunaux
judiciaires ;
2) La distinction entre les deux polices n’est pas toujours aisée. Le
personnel est souvent commun et les autorités agissent, selon les cas, au
titre de l’une ou l’autre police : il est agent de police administrative
quand il règle la circulation et exerce une mission de police
administrative et agent de police judiciaire quand il dresse un procès-
verbal, constatant l’infraction commise ;
3) La jurisprudence retient comme critère de distinction un critère finaliste,
se référant à l’objet de l’opération et à l’intention dans laquelle les
autorités ou personnels de police ont agi ; il ya police judiciaire lorsque
les décisions ou les opérations sont en relation avec une infraction
pénale réelle ou seulement éventuelle et présumée.

[Texte] Page 83
4
Par ailleurs, certaines opérations ont un caractère mixte connaissant à la fois
des phases de prévention et de répression et il convient de situer le moment
où s’effectue la transformation.

§2. Les autorités compétentes

Les pouvoirs de police générale obéissent à une division tripartie des


compétences : les mesures applicables à l’ensemble du territoire national
relèvent de la compétence du chef du gouvernement, celles applicables à la
Province au Gouverneur, celles intervenant à l’intérieur d’une ville au Collège
Exécutif urbain, etc.

Cette première approche a besoin d’être complétée par l’analyse des règles
spécifiques nées de l’existence de police spéciale et des récentes réformes
décentralisatrices.

1. Au niveau national

L’article 92 de la Constitution du 18 Février 2006 accorde au Premier Ministre


l’exercice du pouvoir réglementaire par voie de décrets délibérés en Conseil
des Ministres. En combinant cette disposition avec celle de l’article 91 qui
donne au Gouvernement la responsabilité de la gestion de l’Etat, on peut
déduire qu’il dispose également du pouvoir de police générale. De plus, le fait
que les personnels de la police d’Etat sont à la disposition du gouvernement
ainsi que ceux des services de sécurité civile et militaire.

2. Au niveau provincial

La loi sur la décentralisation se méfie de pouvoir important de police à la


disposition d’un individu. C’est ainsi qu’aux différents niveaux des entités
administratives décentralisées, le pouvoir de police est accordé, de manière
générale aux conseils, tandis que de manière exceptionnelle aux collèges
exécutifs.

3. Les polices spéciales

Elles s’appliquent à certaines catégories d’administrés (étrangers), certains


lieux (gares, aérodromes), certains bâtiments (édifices menaçant ruine…). Elles
sont définies par des textes spécifiques, aux dispositions plus précises que
celles de la police générale.

[Texte] Page 84
5
Les autorités compétentes sont différentes de celles de la police générale.
Ainsi, c’est le ministre des transports qui exerce la police des chemins de fer, le
ministre de l’intérieur, celles des étrangers, le ministre de la culture, la police
du cinéma etc.

Section 3 : Les limites du pouvoir de police

Ces limites sont imposées par les libertés publiques et les droits humains. En
effet, parce que le pouvoir de police porte atteinte aux libertés et qu’il est
admis que la liberté est la règle et la restriction de police, l’exception, le juge
administratif exerce un contrôle étendu sur l’exercice de ce pouvoir.
C’est ainsi qu’il existe des cas de responsabilité de l’Administration du fait du
service ou du fait de l’agent, préposé de l’Administration. Sur ce point, il est à
signaler qu’il existe des cas de la responsabilité du fait des mesures de la police
administrative bien connus sous le nom de la responsabilité extracontractuelle
de l’Administration.

CHAPITRE II : LES ACTIVITES DE PRESENTATION : LES


SERVICES PUBLICS

Section 1 : La notion de service public

L’expression « service public » est ambiguë, car elle est prise dans des sens
différents : le juriste, l’homme politique, l’homme de la rue lui donnent des
contenus variables. Il est donc nécessaire de faire plusieurs distinctions pour
répondre à la question « qu’est-ce qu’un service public » ?

§1. Définition du service public.

A. Service public au sens organique et service public au sens


matériel.

Couramment la notion de service public est utilisée dans deux sens différents :

[Texte] Page 85
6
1. D’une part, le service public est l’organisation, c’est-à-dire l’ensemble
des bureaux, des personnels et des moyens, chargée de fournir certaines
prestations à la population. C’est le service public au sens organique. On
parlera ainsi de service de l’éducation nationale pour signifier les
bureaux du ministère de l’éducation nationale, ceux des proved et sous-
proved des établissements d’enseignement, etc. ;
2. D’autre part, au sens matériel, le service public est la prestation elle-
même fournie à la population pour satisfaire un besoin d’intérêt général.
Exemple :
Le service de l’enseignement est l’activité qui consiste à fournir un
enseignement à la population scolaire et universitaire.
Le plus souvent, c’est en ce sens que l’on prendra ici l’expression service public.
Dès lors, la définition la plus couramment admise par la doctrine est formulée
de la façon suivante : un service public est une activité prise en charge par
l’Administration pour satisfaire un besoin d’intérêt général.

B. Analyse de cette définition du service public

La question est de savoir si cette définition permet de déterminer de façon


précise ce que sont les services publics par rapport aux autres activités qui
n’ont pas la qualité de service publics. Autrement dit, ya t-il un critère du
service public ?
Dans l’état du droit, il n’ya pas de critère net et précis de l’existence d’un
service public. Certes dans la majorité des cas, la solution ne soulève aucune
difficulté (ainsi nul ne contestera que la justice ou la défense nationale soient
des services publics) ; mais, dans les cas marginaux, on doit s’en remettre soit à
ce que dit l’autorité qui a crée le service (critère purement formel), soit au juge
qui tranche au mieux sur la base de faisceaux d’indices.
Reprenons les deux éléments contenus dans la définition.
1. Activité prise en charge par l’administration
a) A l’origine, le service public était synonyme d’activité organisée, et gérée
exclusivement par l’administration (sous réserve du cas très limité de la
concession de service) ;
b) La difficulté est venue à partir du moment où l’on a admis que la gestion
d’une activité de service public pouvait être confiée à une personne
privée. L’élément organique (la personne qui prend en charge la gestion
du service) n’est donc plus un élément déterminant pour savoir si l’on
est en présence ou non d’un service public.

[Texte] Page 86
7
Toutefois, cet élément organique n’a pas perdu toute signification ; il constitue
toujours une présomption de l’existence ou de l’absence d’un service public :
- Une activité d’intérêt général prise par une personne publique est
présumée constituer un service public ;
- Par contre, une activité d’intérêt général prise une charge par une
personne privée est présumée ne pas être un service public, sous
réserve d’autres éléments qui détruiront la présomption, par
exemple, la présence de règles juridiques de droit public ;
- Mais, lorsque la gestion d’un service public est confiée à une
personne privée, l’Administration conserve toujours un droit et
même un devoir de contrôle et de surveillance. Certes, elle n’est
plus le gestionnaire, mais elle n’est pas déchargée de sa
responsabilité en ce qui concerne la bonne marche de service.

En toute hypothèse, l’Administration garde un droit de regarde ; elle reste donc


présente dans l’organisation et le fonctionnement d’un service public.

2. Pour satisfaire un besoin d’intérêt général

Les notions de « besoin d’intérêt général » ou « d’activité d’intérêt général » ne


sont pas suffisamment précises pour constituer une condition suffisante de la
présence d’un service public.

a) Absence de critère qualitatif : l’intérêt général est une notion plus large
que celle de service public. En effet, il existe des activités d’intérêt
général qui, bien que for utiles à la population, n’ont pas droit à la
qualité de service publique. Il en est ainsi :
- Soit pour des activités privées de l’administration
Exemple : la gestion du domaine privé ;
- Soit pour des activités privées de personnes privées ;
Exemple : la fourniture de pain à la population.
b) Absence de critère juridique : il n’existe pas de critère juridique pour
déterminer parmi les activités d’intérêt général celles qui ont la qualité
de service public.

Au mieux, il ya des indices ou des faisceaux d’indices qui permettent de


trancher dans un sens ou dans l’autre :
- Règles dérogatoires au droit privé ;

[Texte] Page 87
8
- Octroi de prérogatives de puissance publique ; exemple : octroi de
pouvoir d’expropriation, du pouvoir de taxation ou de perception
de cotisations obligatoires, etc. ;
- Conditions dans lesquelles le service a été créé ;
- Qui contrôle la marche du service ?
- Etc.

Mais l’on voit combien cette méthode de raisonnement est difficile à utiliser.
Ces différents éléments, notamment les règles dérogatoires au droit privé ou
les prérogatives de puissance publique, sont à la fois des indices permettant,
comme ici, de qualifier une activité de service public, et une conséquence de
cette qualification.
En définitive, il n’y a pas de critère net et précis de l’existence d’un service
public. Il faut s’en remettre soit à la tradition (c’est le cas pour la grande
majorité des services de l’Etat), soit à l’autorité qui a créé le service lorsqu’elle
a elle-même précise de façon formelle la nature du service, soit au juge qui doit
chercher les éléments susceptibles de faire d’une simple activité d’intérêt
général un service public.
Cette absence de critère juridique explique que, dans les cas marginaux, les
opinions soient parfois opposées.

§2. Le service public, notion politique et sociale

En fait, la qualité de service public ne tient pas à la présence de tel ou tel


élément de droit. A l’origine de l’existence d’un service public, il y a toujours
une donné sociale et un choix politique.

1. Donnée sociale
A un moment donné un besoin est ressenti par la population comme étant
d’intérêt général. Mais, comme toute donnée sociale, celle-ci dépend de l’état
de la société (degré d’évolution de la population, carence des initiatives
privées, etc.). Ceci explique que, selon les pays et selon les époques, les
services publics ne soient pas les mêmes (exemple : la protection de la nature
et de l’environnement n’est devenue un « besoin d’intérêt général » et n’a
donné naissance à des services publics que récemment).

2. Choix politique
En outre, l’existence d’un service public (qui implique la prise en charge par
l’Administration de ce besoin collectivement ressenti) résulte d’un choix
nécessairement politique. C’est le Parlement, le gouvernement ou les autorités

[Texte] Page 88
9
locales qui, prenant conscience de ce besoin collectif décident de charger
l’Administration de cette activité nouvelle en lui donnant les moyens
correspondants : moyens matériels et moyens juridiques. Ainsi, l’existence d’un
service public et les règles applicables à ce service résultent de choix politique.

On comprend dès lors pourquoi le champ d’application des services publics est
plus étendu lorsqu’il est défini par des gouvernements favorables à une gestion
collective de la société et moins étendu lorsqu’il est défini par des
gouvernements favorables à l’initiative privée. Au surplus, les règles applicables
ne sont pas les mêmes selon que l’on se place dans une optique socialiste ou
dans une optique libérale.

Section 2 : Champ d’application de la notion de service public

§1. Evolution historique

Depuis deux cents ans la société a évolué ; il en est de même des idées
concernant le champ d’intervention de l’Etat et des autres collectivités
publiques.

A. Les origines libérales

Au début du XIXè siècle l’idéologie libérale dominante a entraîné une


conception restrictive du champ des services publics.

1. Exclusion des activités économiques

a) Idée : Pendant des années, il fut admis que l’Etat n’avait pas à prendre
en charge des activités économiques, industrielles ou commerciales.
D’une part, parce que ces interventions auraient fait concurrence aux
particuliers. D’autre part, parce qu’elles auraient fait déchoir l’Etat des
nobles missions de souveraineté qui lui sont propres (armée, police,
politique étrangère, justice, etc.) ;
b) Bases juridiques : la constitution pose le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie (art. 35 de la Constitution du 18 Février
2006).

- La jurisprudence du Conseil d’Etat de France érige cette liberté au


rang de principe général du droit.

[Texte] Page 89
0
De ces règles ont déduit que seuls les particuliers ont le droit de créer des
activités industrielles et commerciales. L’Etat et les collectivités publiques ne le
peuvent pas.

2. Les activités de souveraineté

Les activités de l’Etat sont exclusivement des activités de souveraineté ou de


puissance publique. Les seuls services publics sont donc : l’armée, la police, les
affaires étrangères, les finances (impôts et Trésor), l’enseignement public, la
justice.

B. Le virage doctrinal entre le XIX et le XXè siècle

L’évolution de la société (révolution industrielle, développement de


l’économie) et l’évolution des idées (apparition des idées socialistes) expliquent
que, à la fin du XIXè siècle et au début du XXè siècle, les conceptions
concernant l’Etat et les services publics aient changé. Des juristes comme L.
Duguit, G. Jeze ou L. Bonnard, et certains magistrats du Conseil d’Etat Français
tels que David, Romieu, Léon Blum, ont contribué à ce changement de
conception et ont constitué les bases de ce que l’on a appelé « Ecole du service
public » et la « théorie du service public ».

L’Etat n’est plus conçu comme étant exclusivement le titulaire de la puissance


(conception autoritaire), mais comme un ensemble de services utiles au public
(conception démocrate et socialiste). L’Etat puissance est désacralisé.

Tout naturellement cette conception de l’Etat, ensemble de services publics


devait favoriser la multiplication de ces derniers : dès qu’un besoin d’intérêt
général est mal ou insuffisamment satisfait par l’initiative privée, il est normal
que l’Etat ou une autre collectivité publique le prenne en charge. Aucun
domaine (même économique) n’est pas par nature exclu du champ des services
publics.

C. L’extension des services publics au domaine économique

Dès lors tout concourrait à favoriser la prise en charge par l’Etat et les autres
collectivités publiques de services publics nouveaux dans le domaine
économique. Ce sont ces services que l’on a nommé en France « Services
publics économiques de l’Etat ».

[Texte] Page 90
1
Directement (services publics en régie) ou indirectement (services publics
confiés à un organisme autonome, par exemple les entreprises nationalisées),
l’Etat a pris en charge des services industriels et commerciaux.

Exemples :
- Services publics industriels et commerciaux ;
- Services publics industriels et commerciaux e règle en France
comme les arsenaux, poudreries, l’imprimerie nationale, les
monnaies et Médailles, etc.
-

Section 3 : Régime juridique des services publics

Au début du XXè siècle, les juristes (Conseil d’Etat français et doctrine


française) ont cherché à la notion de service public un contenu juridique
précis : l’existence d’une activité de service public impliquerait ou entrainerait
d’une part un certain nombre de règles de droit public exorbitantes du droit
commun, et d’autre part, la compétence des juridictions administratives.

Cette tentative pour faire coïncider l’existence d’un service public avec un
régime juridique de droit public était conforme à l’esprit cartésien des Français.
En outre, elle manifesterait la volonté politique de soustraire tous les services
publics au droit privé et aux tribunaux judiciaires.

Mais elle s’est vite heurtée à des difficultés : des exceptions ont été publiques,
règles de droit public= juridiction administrative. De sorte que désormais il est
impossible de parler d’un régime juridique unique applicable à tous les services
publics qui répondent à la définition vue plus haut (section 1, 1). Au mieux,
constate-t-on des principes généraux communs à l’ensemble des services
publics, mais qui donnent lieu à des modalités concrètes différentes selon les
services.

§1. Création, suppression et organisation

A. Création et suppression

Il faut distinguer selon qu’il s’agit de services publics nationaux dépendant de


l’Etat ou de services publics locaux dépendant des EAD.

1. Services publics nationaux

[Texte] Page 91
2

Conformément à la Constitution, la création et la suppression d’un service


public sont normalement de la compétence législative en vertu de l’article 123.

2. Services publics locaux

a) Créations facultatives : les services sont en principe créés par


l’assemblée délibérante (assemblée Provinciale) article 204 point
10 de la Constitution du 18 Février 2006 sous réserve de respecter
les Règlement types tels que le respect de l’équilibre financier ;

b) Création obligatoires : la création de certains services publics peut


être imposée aux collectivités locales par la loi.

B. Organisation

1. Services gérés par l’Etat : l’organisation, les règles de gestion, les


modalités de fonctionnement sont du domaine réglementaire.
C’est le pouvoir exécutif (en pratique les ministres chacun dans
son département ministériel) qui est compétent pour organiser
les services publics, même lorsque ces derniers ont été créés par
la loi ;

2. En ce qui concerne les services gérés par une collectivité publique


autre que l’Etat, l’article 204 point 10 dispose à cet effet que
« l’organisation et le fonctionnement des services publics,
établissements et entreprises publics provinciaux dans le respect
de la législation nationale sont de la compétence de l’Edit
provincial ».

§2. Les principes généraux des services publics

On doit à l’Ecole du service public (notamment à Rolland) d’avoir dégagé les


grands principes communs à l’ensemble des services publics. Ces principes ont
été constamment réaffirmés par la jurisprudence sous l’appellation des « lois
de Rolland ».
A. Le principe de continuité

Dès lors que les services publics sont des activités d’intérêt général, il paraît
normal qu’ils fonctionnent de façon régulière et continue.

[Texte] Page 92
3

1. Les bénéficiaires de ce principe sont les usages du service qui ont


ainsi un droit reconnu au fonctionnement correct du service.
Toutefois ce droit est inégalement défendu :
a. Service public administratif : les usages qui sont dans une
situation légale et réglementaire peuvent intenter une action
devant le juge administratif pour non-fonctionnement du
service ;
b. Service public industriel et commercial : les usages qui sont
dans une situation contractuelle ne peuvent intenter une
action devant le juge que sur la base de la violation du contrat.

2. Le principe de continuité fait peser des obligations particulières


sur tous ceux qui participent à son fonctionnement :
a. Les droits des agents sont limités. Exemple le droit de grève : le
principe de droit de grève est admis, mais le gouvernement
peut toujours prendre une mesure pour limiter l’exercice de ce
droit « en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux
nécessités de l’ordre public » ;
b. Les personnes à qui est confiée la gestion d’un service public
(par exemple le concessionnaire) sont soumises à l’obligation
de faire fonctionner ce service, même si des circonstances
nouvelles apparaissent (sous réserve d’une compensation
pécuniaire). Seule la force majeure peut les dispenser de cette
obligation.

B. Le principe d’égalité

Le principe d’égalité devant les services publics est une extension au domaine
des services publics du principe d’égalité devant la loi et les règlements posé
par la Constitution.
Il implique que toutes les personnes qui sont, à un titre ou à un autre, en
contact avec le service, soient traitées de la même manière, sans discrimination
ni arbitraire.

1. Les services publics concernés


a. Services publics administratifs : le principe ne doit souffrir
d’aucune exception ;
b. Services publics industriels et commerciaux :

[Texte] Page 93
4
i. La jurisprudence admet que les usages sont traités
différemment dès lors qu’ils sont dans des situations de
fait objectivement différentes (exemple : tarifs
différenciés). Ceci permet aux services publics industriels
et commerciaux d’avoir une politique commerciale plus
souple ;
ii. Les agents des services publics industriels et
commerciaux n’ont toujours pas les mêmes droits que
ceux des services publics administratifs.

2. Les personnes concernées


- Les usagers : ce sont les principaux bénéficiaires du principe
d’égalité ;
- Les agents : égal accès à tous les emplois publics, avancement à
l’ancienneté, garanties disciplinaires, classement des emplois et
des grades selon une grille indiciaire, etc.
- Les fournisseurs : la passation des contrats, en particulier
l’adjudication avec appel d’offres.

C. Le principe d’adaptation

L’Administration qui a en charge un service public doit le modifier, l’adapter si


les circonstances le demandent (évolution des besoins du public, progrès
technologique, conjoncture économique, etc.)
Ce principe est généralement favorable aux usagers du service. Toutefois son
application soulève des difficultés car elle peut porter atteinte aux intérêts et
même aux droits de telle ou telle personne.
Ces difficultés expliquent que la jurisprudence varie selon les hypothèses, en
assouplissant la rigueur du principe :

1. A l’égard des usages

a) Services publics administratifs : les usagers sont dans une


situation légale et réglementaire. L’Administration peut donc
modifier quand elle le veut et comme elle le veut les règles de
fonctionnement du service ;
b) Services publics industriels et commerciaux : les usagers sont dans
une situation contractuelle. L’Administration ne peut donc
modifier unilatéralement que les clauses dites réglementaires de
ces contrats.

[Texte] Page 94
5

2. A l’égard des agents


- Tous les agents qui sont placés dans une situation légale et
réglementaire peuvent voir celle-ci modifiée unilatéralement par
l’Administration ;
- De plus, l’ensemble des agents des services publics (y compris
ceux qui dont dans une situation contractuelle) sont soumis à des
règles que l’Administration fixe par sa seule volonté.

3. A l’égard des personnes chargées par un contrat de gérer un


service public :
- Le principe est que le contrat lui-même ne peut modifier que par
accord de deux parties ;
- Toutefois, l’Administration peut intervenir unilatéralement pour
modifier les conditions d’exécution du contrat (théorie du fait du
principe ; pouvoir de résiliation unilatérale du contrat). En
contrepartie elle doit au cocontractant une indemnisation.

§3. La diversité des régimes juridiques

En dehors des principes généraux, communs à l’ensemble des services publics,


les régimes juridiques sont très variés ; ils mêlent au droit public le droit privé
selon des proportions variables.
Le principe de distinction oppose les services publics administratifs pour
lesquels le droit public est la règle et le droit privé l’exception, aux services
publics industriels, commerciaux ou sociaux pour les quels le droit privé est la
règle et le droit public l’exception.

A. Les services publics administratifs

1. Le droit public est la règle


Ainsi :
- Les agents sont des agents publics ;
- Possibilité d’utiliser des procédés exorbitants du droit commun :
expropriation, réquisition, etc.
- Les usagers sont dans une situation légale et réglementaire de
droit public ;
- En cas de litige, le contentieux relève de la juridiction
administrative.

[Texte] Page 95
6
2. Exceptions
Très tôt, la jurisprudence a admis la possibilité pour les services publics
administratifs d’agir dans les mêmes conditions qu’un simple particulier, par
exemple pour passer un contrat de fourniture ou pour recruter des agents.
Ainsi, à la « gestion administrative » on oppose la « gestion privée ». Dans ce
cas le droit privé s’applique et les litiges sont de la compétence des tribunaux
judiciaires.

B. Les services publics industriels et commerciaux

Lorsque l’existence de ces services a été reconnue, l’innovation principale sur le


plan juridique consistait à admettre que :
1° ces services constituent une catégorie nouvelle de services, un « bloc de
service » ;
2° cette catégorie relève entièrement, globalement, du droit privé.

1. Le droit privé est la règle


Relèvent du droit privé et des tribunaux judiciaires :

- Le personnel ;
- Les contrats avec les fournisseurs, avec les usagers ;
- Les responsabilités tant à l’égard des usagers que des tiers ;
- Les droits de l’usager sont différents des droits d’un usager de
service public administratif.
2. Exceptions

Le droit public est l’exception. Certes, cette exception porte sur des points
importants qui touchent à l’organisation et au fonctionnement du service
public.

C. Les autres types de services publics

Au fur et à mesure que le champ des services s’étendait, la variété des régimes
juridiques croisait, mêlant, à dose variable, droit public et droit privé.

1. Services publics sociaux


a) Les services publics sociaux de type ancien (exemple : les
services publics de l’aide sociale) continuent à être considérés
comme des services administratifs, tant pour leur régime
juridique que pour leur régime contentieux ;

[Texte] Page 96
7
b) Par contre, les services sociaux de type nouveau posent
davantage de problèmes.

Section 4 : Les modes de gestion des services publics

1. Nous avons vu précédemment (section 1 et 2) que le service public défini


comme une activité d’intérêt général prise en charge par
l’Administration ne signifie pas que cette activité soit gérée directement
par l’Administration. Celle-ci peut confier cette gestion à différents
organismes, publics ou privés ;
2. Quels que soient les organismes chargés de la gestion, la présence du
service public entraîne diverses conséquences : l’organisme gestionnaire
bénéficie de prérogatives de droit public ; en contrepartie, il est soumis à
des suggestions particulières ;
3. On se bornera à exposer brièvement les différents modes de gestion des
services publics.

§1. Les services publics gérés directement par les collectivités territoriales :
les régies

A. Définition

La régie est la gestion directe d’un service public par une collectivité publique
territoriale (Etat, province, ville, Commune, Territoire).
Les exemples sont nombreux : les principaux services de l’Etat et ceux des
collectivités locales sont gérés en régie : la perception des impôts, la défense
nationale, la police, les postes et télécommunication, l’éducation nationale, etc.
Ainsi, tous les ministères gèrent des services publics en régie, bien que
l’expression soit rarement utilisée.
Le régime juridique des services en régie est typiquement un régime de droit
administratif qui s’applique tant en ce qui concerne les autorités
administratives, le personnel, les actes juridiques que le contentieux.

B. Cas particuliers

1. Les règles commerciales sont une survivance historique qui date de


l’époque où l’Etat, en principe, n’avait pas d’activité économique :
l’imprimerie nationale, les ateliers de l’armée ;
2. La régie intéressée est une forme intermédiaire entre la régie simple et
la concession. La collectivité publique assure la gestion du service, mais

[Texte] Page 97
8
elle le fait par l’intermédiaire d’un régisseur. Celui-ci a un salaire ; il est
intéressé aux bénéfices, mais ne supporte pas les pertes ;
3. Une confusion doit être évitée : certains organismes sont appelés des
régies, alors qu’ils ne correspondent en rien à cette catégorie juridique
mais sont au contraire des établissements autonomes. En utilisant le
mot. Exemple : Regideso, etc.

§2. Les services publics gérés par des organismes privés

Une évolution s’est produite :


1. Traditionnellement, il fallait un contrat de concession pour que soit
confiée à un particulier ou à un organisme privé la gestion d’un service
public. De plus, seuls les services publics industriels et commerciaux
pouvaient être ainsi concédés ;
2. Actuellement, il n’est plus de même
a) Les textes (lois ou règlements) peuvent confier directement à un
organisme privé la gestion d’un service public. Dans d’autre cas, en
l’absence de texte, la jurisprudence admet qu’un organisme privé
peut gérer un service public : des associations des syndicats
professionnels, des sociétés mutualistes et autres « établissements
privés » qui assurent « une mission de service public ».

I. Les services publics concédés

1) Historique

Bien que l’existence d’un service public et la gestion par un simple particulier
soient à première vue contradictoires, l’idée de la concession est ancienne. Dès
le XIXè siècle, il apparut que certains services (en particulier les services publics
industriels et commerciaux de l’époque : réseaux ferrés, services de
distribution des eaux, du gaz, de l’électricité, etc.) ne devraient pas être gérés
directement par une collectivité territoriale. Ils devaient être « concédés » à
une personne privée. Après une certaine défaveur, la formule a de nouveau eu
un grand succès.
De plus en plus des activités sont ainsi concédées (exemple les autoroutes, les
ponts à péage, etc.). C’est une des formes prises par la « privation » des
services publics.

2) Définition

[Texte] Page 98
9
La concession est un contrat par lequel une collectivité publique, l’autorité
concédante, confie à une personne privée, appelée concessionnaire, la gestion
d’un service public, moyennant le droit de se rémunérer sur les usages du
service.
Il est à noter qu’à côté de la concession de service public proprement dite, il
existe d’autres concessions : concession d’ouvrage public, concession de
travaux publics, concession portant sur le domaine public.

3) Idée générale

Le régime juridique de la concession de service public est soumis à deux


principes différents, et même contradictoires. D’une part, la présence d’un
service public entraîné des particularités propres au droit public et d’autre part,
le caractère privé de la personne privée à qui est confiée la gestion du service
public.

4) Remarque

Les contrats de concession font partie de contrats administratifs. Ils


empruntent donc de nombreuses règles au régime général de ces contrats.

II. Les services publics gérés par des organismes privés sans qu’il y ait
concession

A. L’attribution de la gestion du service à un organisme privé

Désormais cette attribution peut se faire selon des modalités très variées :
- Dans certains cas des textes précis (lois ou règlements) confient
expressément la gestion du service à un organisme privé ;
- Dans d’autres cas, la jurisprudence reconnaît dans les
circonstances de l’affaire qu’un organisme privé assure « une
mission de service public » ;
- Enfin, il existe des conventions différentes du contrat de
concession, qui permettent à l’Administration de confier la gestion
d’un service public à un organisme privé.
-
B. Le régime juridique

Le régime juridique des services publics gérés par des organismes privés n’est
pas homogène :

[Texte] Page 99
00
- En général, l’existence d’un organisme privé entraîne l’application
du droit privé et la compétence judiciaire pour ce qui concerne
l’organisation et le fonctionnement du service, les relations avec
le personnel, les contrats conclus avec une personne privée et les
litiges avec une autre personne privée sont de la compétence
judiciaire ;
- Par contre, la présence du service public entraîne l’application du
droit public et la compétence administrative pour tout ce qui
concerne les décisions unilatérales, réglementaires ou
individuelles (ex. Me Muyi-Mbiye déjà cité).

C. Les organismes

Les organismes de statut privé à qui est confiée la gestion d’un service public
ou une mission de service public sont variés : sociétés d’économie mixte,
associations, syndicats professionnels, sociétés mutualistes et autres
« établissements privés » (cette dernière expression est utilisée parfois par la
jurisprudence, bien qu’elle ne corresponde à aucune catégorie juridique
précise), etc.

L’évolution de la jurisprudence s’est faite dans le sens d’un élargissement de la


notion d’organisme ou de personne privée à qui peut être confié un service
public. Certains auteurs critiquent ce phénomène qui affaiblit la spécificité des
services publics et tend à les « privatiser ».

III. Les relations entre les organismes privés de l’Administration et la


présence d’un service public

La question se pose de savoir si les différents organismes privés qui font partie
de l’organisation administrative gèrent nécessairement un service public (les
sociétés dont la totalité des actions est propriété de l’Etat, les sociétés
d’économies mixtes, les sociétés mutualistes, les associations créées par
l’Administration).

En réalité, il n’y a aucune coïncide obligatoire entre l’existence de ces


organismes parapublics et la présence d’un service public.

1. Certains organismes gèrent un service public :


a) Soit qu’un texte l’ait prévu ;

[Texte] Page 100


01
b) Soit qu’il ait eu contrat, notamment contrat de concession
confiant à un organisme privé la gestion d’un service public. En
conséquence, les actes de portée générale qui concernent
l’organisation du service sont des actes administratifs (TC,
1968, Air-France c/ époux Barbier, GA, n°108);
c) Soit que la jurisprudence ait reconnu que l’organisme privé
assurait « une mission de service public » (CE, 13 Janvier 1961,
Manager) ;
2. D’autres organismes ne gèrent pas de service public : la Banque
nationalisée (BCCE, BCA) ;
3. D’autres sont encore considérés come gérant d’une part une
activité de droit public et, d’autre part des activités étrangères au
service public ;
4. Enfin, il est important de noter que, de plus en plus, la
jurisprudence a adopté des formules nouvelles qui permettent de
ne pas se prononcer nettement sur le point de savoir s’il ya ou
non service public, tout en soumettant bénéficier de prérogatives
de droit public.

Dès lors, la présence ou l’absence d’un service public perd de son intérêt. Il en
est de même de la qualification publique ou privée de l’organisme. Désormais,
la jurisprudence s’attache moins aux critères formels (présence ou absence
d’un service public ; organisme privé ou public) qu’à une analyse « au coup par
coup » des actes ou des opérations effectuées par l’organisme privé en cause.

Exemple :
- Les travaux effectués par des organismes privés peuvent avoir la
qualité de travaux publics (il en est ainsi pour des travaux
routiers) ;
- De même, les marchés passés pour l’exécution de ces travaux
peuvent être qualifiés de marchés de travaux publics soumis au
juge administratif, dès lors que l’organisme privé agit « pour le
compte de l’Etat »).

§3. Les établissements publics

A. Définition

[Texte] Page 101


02
La formule juridique de l’établissement public été imaginée pour donner à
certains services publics une certaine autonomie par rapport aux collectivités
territoriales (Etat, Province, Ville, Commune).
Le principe de l’établissement public consiste donc à donner la personnalité
juridique à un service, ce qui permet d’avoir des droits et d’accéder ainsi à une
vie juridique autonome.

Toutefois, tous les établissements publics ne gèrent pas nécessairement un


service public : on a parfois reconnu l’existence d’un établissement sans service
public. Mais ceci reste exceptionnel. Dans la plupart des cas, l’établissement
public est un service public doté de la personnalité juridique. Ceci peut
provenir :
- De la loi elle-même qui peut confier expressément le contentieux
soit à la juridiction judiciaire ; soit à la juridiction administrative ;
- De la nature juridique de l’organisme auquel est confié le service,
en fonction des modalités de son organisation et de son
fonctionnement.

En droit congolais, les établissements publics sont régis par la loi n°08/099 du
07 Juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux Etablissements
publics. Cette loi a prévu un organe de tutelle auquel est rattaché
l’Etablissement public.

B. Services publics gérés par des organismes publics autonomes

Apparus à la dernière guerre, et confiés à des organismes particuliers, (les


ordres professionnels), les services publics professionnels relèvent d’un régime
juridique mixte mêlant le droit public et le droit privé, mais différent du régime
des services publics industriels et commerciaux et des services publics sociaux.

Les organismes publics autonomes, ou personnes administratives spécialisées


(établissements publics, ordres professionnels) peuvent se voir confier la
gestion d’un service public.

La jurisprudence a reconnu que les comités d’organisation professionnelle et


les ordres professionnels gèrent un service public consistant dans l’organisation
et la réglementation de la profession (CSJA 253, Me MBUYI-MBIYE c/l’Ordre
National des Avocats).

[Texte] Page 102


03

PARTIE III : LES MOYENS DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’Administration recourt à divers moyens pour sa mission d’intérêt général. Ces


moyens sont soit matériels, soit humains ou soit juridiques.

L’étude des biens de l’Administration ainsi que des moyens financiers de cette
dernière a déjà été réalisée respectivement dans les cours de Droit Civil des

[Texte] Page 103


04
Biens et dans celui des Finances Publiques. Le cours de Droit de la Fonction
Publique étudie les moyens humains de l’Administration.

Ainsi, dans cette partie du cours, nous examinerons principalement les moyens
juridiques à la portée de l’Administration

CHAPITRE I : L’ACTE UNILATERAL DE L’ADMINISTRATION :


LA DECISION EXECUTOIRE

Trois postulats introduisent ce chapitre, on va voir quels sont les actes


unilatéraux de l’Administration pour en isoler, parmi eux, la décision exécutoire
(section première). On traitera ensuite du régime juridique de la décision
exécutoire (section deuxième).

Section 1 : Classification des actes unilatéraux de l’Administration

§1. Décision exécutoire et autres actes unilatéraux de l’Administration

Définition : est une décision qui modifié l’ordre juridique existant, qui confère
des prérogatives aux particuliers, ou met des obligations à leur charge, c’est un
acte créateur des droits.

A. Critère juridique
a) La distinction classique repose sur cette idée : un acte revêt le
caractère de décision exécutoire lorsqu’il possède la double qualité
de décision et d’exécution
1) Le caractère décisoire de l’acte pose divers problèmes notamment
celui de sa forme (des circulaires que nous verrons plus lois dans
cette section) ;
2) Par contre, la qualification exécutoire de l’acte a évolué. A
l’origine, on associait la qualité exécutoire d’une décision à ses
modes d’exécution (forcée ou non). « la décision exécutoire est
toute déclaration de volonté en vue de produire un effet de droit
vis-à-vis des administrés, émise par une autorité administrative
dans une forme exécutoire, c’est-à-dire dans une forme qui
entraîne l’exécution d’office »31.
Puis, on dissociait la qualité exécutoire d’une décision de son mode
d’exécution32. Suivant Rivero : « la décision exécutoire est l’acte par lequel

31
Hauriou, Op. Cit.
32
G. Vedel, J. Rivero,

[Texte] Page 104


05
l’Administration met en œuvre le pouvoir de modification unilatérale des
situations juridiques33.

La décision exécutoire se caractérise ainsi par son pouvoir de modification


unilatérale des situations juridiques.

b) Autres critères : on peut également distinguer suivant certains


auteurs, les actes positifs et les actes négatifs, et les actes
susceptibles ou non de faire grief.
1) L’Acte positif : est celui qui « apporte un élément nouveau à
l’ordonnancement juridique ; il modifie l’état de droit existant, en y
ajoutant ou en retranchant quelque chose ». il se définit comme une
décision exécutoire ;
2) L’Acte négatif : par contre « omet, refuse d’apporter une telle
modification ».
Cependant, une décision de refus peut prendre un caractère exécutoire, c’est-
à-dire modifier une situation antérieure.

La jurisprudence ne retient pas la distinction entre les décisions positives et les


décisions négatives ; elle préfère plutôt les formules de refus ou de rejet ;
3) La distinction entre décision « exécutoire » et décision « faisant
grief », notions jusqu’ici confondues, apparait.

B. Critères fonctionnels

Le processus décisionnel compte cinq phases principales : détermination du


but, préparation de la décision, prise de décision, préparation de l’exécution de
la décision et l’exécution de la décision.
- La détermination du but implique une intention ; elle se place au
niveau de l’activité « axiologique » et, dans le système
constitutionnel actuel prend la forme de loi ou de règlement
« autonome » ;
- La préparation de la décision et la préparation de l’exécution,
visent à rendre rationnelle la décision et efficace son exécution.
Ces étapes ne comportent pas, en principe, d’éléments de
décision ;
- La décision et l’exécution impliquent une modification dans une
situation de droit ou de fait et soit ainsi, en principe, des décisions
exécutoires.

33
Idem, p. 89

[Texte] Page 105


06

§2. Les actes unilatéraux de l’Administration ne présentant pas le caractère


de décision exécutoire

On distingue parmi ces actes, ceux qui préparent directement la décision ou


l’exécution de la décision (A) ; les mesures d’ordre intérieur (B) ; les actes
prospectifs émanant de l’Administration (C).

A. Acte préparant directement la décision ou l’exécution de la décision

Il s’agit d’actes à valeur indicative (a), d’actes types (b), de propositions et


transmissions (c), des procédures consultatives (d).

a) Actes à valeur indicative : par ex. l’annonce d’un projet de texte


par l’Administration, un simple renseignement (qui n’a pas
forcément de lien avec la décision) ;
b) Actes-types : il s’agit de « modèle de décision exécutoire qu’une
autorité supérieure propose à une autorité qui lui est
hiérarchiquement subordonnée ou décentralisée. L’acte-type doit,
tantôt être obligatoirement observé, parfois « à peine de nullité »
et « sans adjonction ni substitution », tantôt n’est qu’un modèle
proposé en échange d’un avantage économique ou d’un
allégement de la tutelle. L’acte-type ne se rattache à la catégorie
des mesures d’ordre intérieur que s’il s’adresse à des autorités
administratives. Certains (cahiers des charges-types de concession
de service public) parce qu’ils organisent le service public que le
concessionnaire est chargé de faire fonctionner sont considérés
comme de véritables décisions exécutoires réglementaires et
peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
c) Proposition et transmission : la proposition peut être facultative :
par ex. les vœux d’un conseil municipal n’ont pas valeur de
décision exécutoire et ne tient pas l’autorité compétente. La
transmission d’un dossier ne constitue pas, en soi une décision
exécutoire car elle ne préjuge pas de la décision finale, mais le
refus de transmission d’un dossier qui interrompt le cours normal
d’une procédure et préjuge ainsi de la décision, constitue une
décision exécutoire. Pour le même motif, le refus de réunir une
commission consultative constitue une décision et, en tout cas,
faisant grief.

[Texte] Page 106


07
d) Procédures consultatives : celles-ci sont diverses mais présentent
un certain nombre de caractéristiques communes.

1. Classification : la consultation peut être facultative, obligatoire ou


conforme
- Consultation facultative : l’autorité appelée à prendre la décision
n’est pas tenue, ni de procéder à la consultation, ni de suivre l’avis
donné. Elle ne peut pas se considérer comme liée par l’avis
demandé, sous peine d’aliéner irrégulièrement une partie de sa
compétence ;
- Consultation obligatoire : l’autorité est libre de la décision finale,
mais doit obligatoire solliciter l’avis (formalité substantielle) ;

2. La procédure consultative présente deux caractéristiques :

La consultation est une mesure préparatoire qui


- S’incorpore à l’acte définitif ;
- Elle ne constitue pas une décision exécutoire.

De ce fait, les irrégularités la concernant ne peuvent être soulevées qu’à


l’occasion de recours dirigés contre l’acte administratif lui-même.

B. Mesures d’ordre intérieur

Prises à l’intérieur de l’Administration, elles ne concernent pas directement les


administrés. Elles peuvent inspirer de nouvelles décisions dans le cadre de
l’exécution de la décision initiale.

Ces mesures apparaissent comme la manifestation d’une « vie intérieure de


services publics »34 et échappent, en principe, au contrôle du juge administratif.

On distingue les circulaires et institution de service (a) et les mesures de


réglementation interne autres que les circulaires (b).

a) Circulaires : il s’agit de prescriptions données par les supérieurs


(Ministres notamment) aux fonctionnaires placés sous leur
autorité.

34
HAURIOU,

[Texte] Page 107


08
i. Les différentes catégories de circulaires : compte tenu de
l’importance que prend la circulaire et des pouvoirs de
l’autorité qui la rend, on distingue trois catégories de
circulaires, dont les deux premiers n’ont pas le caractère
réglementaire, tandis que la troisième présente ce
caractère ;
ii. Circulaires réglementaires : il s’agit des circulaires comblant
un « vide juridique ». le Ministre n’a alors ni texte à
interpréter, ni pouvoir d’appréciation à utiliser, il se trouve
en présence d’un vide de droit qu’il entend combler par sa
circulaire. La circulaire présente un caractère réglementaire
car elle crée une règle opposable aux intéressés (ex. la circ.
8008 de la F.P).
b) Circulaire comme fondement du pouvoir réglementaire du
Ministre

Il reste à savoir d’une part, sous quelles conditions et dans quelles limites, le
Ministre dispose, en l’absence d’un texte spécial, du pouvoir réglementaire et,
d’autre part, si le Ministre seul dispose de ce pouvoir.

1. Fondement : pouvoir hiérarchique

La doctrine distingue comme fondement du pouvoir réglementaire du Ministre,


en l’absence de texte : le pouvoir hiérarchique et le pouvoir de prendre des
décisions individuelles.

A l’origine des circulaires réglementaires, on trouve le pouvoir hiérarchique du


Ministre (chef d’un ensemble des services), sur les fonctionnaires et agents et
sur les usagers de ces services. Tel est le sens de jurisprudence jamart (CE, 5
Février 1953, n°57) nécessités du service l’exigent et envers les seules
personnes se trouvant en relations avec le service (collaborateurs et usagers).

Le pouvoir réglementaire qui découle du pouvoir hiérarchique appartient au


Ministre seul, sauf texte contraire, les secrétaires généraux et les directeurs
d’Administration ne possèdent pas ce pouvoir.

C. Mesures d’ordre intérieur autres que les circulaires.

On distingue :

[Texte] Page 108


09
1) Les ordres hiérarchiques adressés à leurs subordonnés par les
autorités, instructions particulières de service qui ne s’adressent
qu’à des fonctionnaires ;
2) Les mesures intérieures de certains services qui concernent des
rapports entre les agents et les usagers ;
3) Les mesures individuelles généralement des sanctions visant les
fonctionnaires, les usagers ou fournisseurs de l’Administration :
exclusion de fournisseurs de marché de l’Etat.

Ces mesures perdent leur caractère d’ordre intérieur lorsqu’elles prennent un


caractère disciplinaire sitôt qu’elles portent atteinte au statut juridique des
intéressés.

D. Actes prospectifs émanant de l’Administration

Comme on l’a dit, ces actes assimilés par certains auteurs aux mesures d’ordre
intérieur, visent l’organisation des services. Certains pourtant produisent des
effets à l’égard des particuliers.

§2. Actes unilatéraux présentant le caractère de décision exécutoire


A. Classement des décisions exécutoires

1. Point de vue formel

La classification repose, à titre principal, sur l’organe qui prend la décision et, à
titre accessoire, sur la procédure d’élaboration.
- Ordonnance : celle-ci émane du Président de la République ;
- Décret : Premier Ministre ;
- Décisions des ministres : prennent la forme d’arrêts (formes
solennels), d’inscription, de circulaire, dépêche, lettre ou note.
Attention, il existe des arrêtés interministériels ;
- Décisions des autres autorités administratives ;
- Le Gouverneur de province : Arrêté provincial ;
- Le Maire : arrêté urbain ;
- Le bourgmestre : arrêté communal ;
- Le chef de chefferie et le chef de secteur : arrêté de chefferie et
arrêté de secteur ;
- Les collégiales : Décision.

[Texte] Page 109


10
2. Point de vue matériel

On distingue les décisions réglementaires et les décisions non réglementaires.


- Les règlements sont décisions exécutoires à caractère général et
impersonnel et permanent ;
- Les actes non réglementaires sont des décisions exécutoires :
 Individuelles, concernant une personne nommément
désignée (ex. une ordonnance nommant un ambassadeur) ;
 Collective, concernant plusieurs personnes nommément
désignées (ex. une attribution d’une décoration à plusieurs
personnes) ; il s’agit d’une succession de décisions
individuelles.

Si le règlement n’est qu’une variété de la décision exécutoire, la distinction


entre acte réglementaire et acte non réglementaire présente un intérêt
particulier en ce qui concerne le mode de publicité, d’appréciation de la légalité
ou l’interprétation par les tribunaux judiciaires de ces actes, le problème des
droits acquis, l’exception d’illégalité, etc.

3. Combinaison des deux points de vue (formel et matériel)

La combinaison des points de vue formel et matériel permet de qualifier une


décision exécutoire. C’est ainsi qu’une ordonnance (point de vue formel) peut
être, soit un règlement (code de la route), soit une décision individuelle
(nomination d’un recteur de l’Université). Un règlement peut être, soit une
ordonnance, soit un décret, soit un arrêté de gouverneur de Province, soit une
délibération de l’Assemblée provinciale ou d’un Conseil municipal.

B. Classification des règlements (points de vue matériel)

On distingue quatre catégories de règlements : les règlements « autonomes »


(a) ; les règlements d’application des lois (b) ; les règlements des ministres pris
en vue de l’organisation des services publics (c) et les règlements de police (d).
a) Les règlements « autonomes » : ils sont pris en vertu de l’article
128 de la Constitution du 18 Février 2006 ;
b) Les règlements d’application des lois : on distingue les règlements
d’application de loi en général (1) ; les règlements
d’administration publique (2) et les décrets pris en vertu dune loi
d’habilitation spéciale (3)

[Texte] Page 110


11
1) Application des lois (art. 128 de la Constitution)

Malgré l’existence d’un domaine où la loi fixe les règles (art. 122 de la
Constitution du 18 Février 2006, le gouvernement peut être amené, sur
l’habilitation de la loi ou spontanément à préciser, par des règlements, les
modalités d’application des lois. Ceux-ci ne peuvent contredire la loi ; ne
peuvent imposer aux citoyens d’obligations supplémentaires nécessitant une
intervention législative ; en cas d’habilitation pure, ils peuvent ajouter les
compléments indispensables, mais ne peuvent dépasser les termes de
l’habilitation.

Fréquemment, des lois ou des décrets peuvent attribuer à tel ministre le


pouvoir de prendre des règlements d’application. Sous réserve de ne pas
constituer une subdélégation, ce renvoi confère au ministre le pouvoir de
prendre des règlements. De même, la jurisprudence admet que le ministre
peut, sans que le texte lui ait explicitement donné le pouvoir réglementaire
déduire, par arrêté, les conséquences nécessaires de ce texte.

2) Les règlements d’administration publique (rap.)

Formellement : ceux-ci interviennent, sur invitation expresse du législateur.


Matériellement : le rap. Est un acte à caractère général et impersonnel dont le
champ d’action est limité par la loi. Le rap. Doit donc respecter la loi en
application de laquelle il intervient.

Son intervention conditionne, en principe, l’entrée en vigueur de la loi. On


distingue deux situations : si la loi dispose expressément qu’elle n’entrera en
vigueur qu’après publication du rap, aucun problème ne se pose ; dans le
silence de la loi, on recherche s’il ya, ou non, possibilité matérielle de
l’appliquer.
Dans l’intervalle, la loi antérieure reste applicable ainsi que les rap.
d’application dans leurs dispositions non incompatibles avec la loi nouvelle.

Section 2 : Régime juridique de la décision exécutoire

On verra l’élaboration (§1), les effets (§2) et la fin des effets de la décision (§3).
§1. Elaboration de la décision exécutoire

Celle-ci pose deux problèmes : le problème de l’autorité compétente (a) et


celui de la procédure d’élaboration (b).

[Texte] Page 111


12

a) Règles de compétence

Celles-ci sont par la Constitution, les lois, les règlements et la jurisprudence. En


vertu du principe du parallélisme des compétences, l’autorité compétente pour
étudier l’acte, l’est aussi, dans le silence de la loi, pour le supprimer.
Les règles de compétence sont d’ordre public, la non observance de ces règles
constitue une illégalité qui peut être soulevée à tout moment, même d’office
par le juge. Cette règle est appliquée de manière très stricte, c’est ainsi que
l’autorité compétente commet une illégalité si elle n’a fait que s’inspirer, dans
sa décision, d’une décision analogue prise par une autorité incompétente pour
lui permettre de s’approprier la décision. De même, la ratification ne couvre
pas l’illégalité.

Cependant, lorsqu’une autorité incompétente signe un acte contresigné par


l’autorité compétente, l’acte reste valable.

On distingue les règles normales de compétence et certaines exceptions


dérogatoires.
b) Règles normales de compétence : la compétence s’apprécie
« ratione materiae » (1), « ratione loci » (2) et « ratione
temporis » (3).

1. Ratione materiae

Il s’agit des matières entrant dans la compétence de chaque autorité


administrative. La répartition hiérarchique des compétences repose sur les
principes suivants :
- Il est interdit aux autorités de poser les actes qui reviennent à
l’autorité supérieure. De même, l’autorité supérieure ne peut,
sans texte, se substituer à l’autorité inférieure ;
- L’autorité supérieure ne peut déléguer sa compétence aux
autorités inférieures. Cependant, la situation est différente si la
délégation est autorisée par un texte. On distingue alors la
délégation de compétence (stricto sensu) ou de pouvoir (qui
modifie l’ordre des compétences) et la délégation de signature
(qui décharger le supérieur d’une partie de ses tâches matérielles
et fait du délégataire un « fondé de pouvoir » ;

[Texte] Page 112


13
- La délégation (de pouvoir ou de signature), ainsi que la
subdélégation, doivent être prévues explicitement par un texte,
législatif ou réglementaire.

Effets

Les effets sont différents suivant qu’il s’agit d’une délégation de pouvoir ou
d’une délégation de signature.

 La délégation de pouvoir :
a) Dessaisit l’autorité délégante, qui ne peut évoquer une affaire
comprise dans la délégation ;
b) Vise le titulaire du poste « in abstracto » (le changement de
titulaire laisse subsister la délégation) ;
c) Fait du délégué l’auteur réel de l’acte.

 La délégation de signature :
a) Ne fait pas perdre au délégant l’exercice de sa compétence
(possibilité d’évocation d’une affaire particulière) ;
b) Est personnelle et tombe s’il se produit un changement dans la
personne du délégant ;
c) Fait garder à l’autorité délégante le rôle d’auteur réel de l’acte.

2. Ratione loci

La compétence des autorités centrales s’étend à tout le territoire, celle des


autorités territoriales à une partie du territoire. L’autorité centrale peut
n’exercer sa compétence que sur une partie du territoire. Une même autorité
territoriale peut avoir plusieurs ressorts.

3. Ratione temporis

L’autorité administrative n’exerce sa compétence qu’à partir de son investiture.


Celle-ci débute dès la signature de l’acte de nomination, même avant sa
publication.
Elle perd sa compétence avec la désinvestiture. Cette compétence survit
cependant jusqu’à l’installation de son successeur ; soit en vertu de la loi, soit
au titre de principe général non écrit (le fonctionnaire
démissionnaire « expédie les affaires courantes »). Les assemblées

[Texte] Page 113


14
administratives soumises à un régime de sessions ne peuvent délibérer que
dans les sessions.

4. Sanction des infractions aux règles de compétence

Les infractions aux règles de compétence constituent une illégalité particulière


dénommée « incompétence » qui revêt deux formes :

- L’usurpation de fonction : l’acte est accompli en dehors de tout


pouvoir légal (individu étranger à la fonction, agent administratif
intervenant dans le domaine législatif ou judiciaire, agent exécutif
intervenant dans les attributions d’une assemblée délibérante).
C’est la forme la plus grave de l’incompétence ;
- L’empiètement de fonction : l’acte est accompli par une autorité
administrative s’immisçant dans les attributions d’une autre
autorité administrative.

d) Dérogation exceptionnelle aux règles de compétence : les


fonctionnaires de fait.

Dans deux hypothèses les actes faits par un agent incompétent, ou même par
un simple administré, peuvent être considérés comme valides (théorie de la
fonction de fait).

1°) L’investiture plausible : en période normale, accidentellement pourrait-on


dire un individu se présente aux yeux de l’administré comme ayant reçu une
investiture plausible (Jeze).

L’administré ne pouvait savoir que le fonctionnaire n’était pas régulièrement


investi, les décisions sont alors considérées comme valides. La théorie de
fonctionnaire de fait repose sur l’apparence.

2°) En période exceptionnelle de désorganisation de services de l’Etat, de


guerre civile, etc., la théorie de la fonction de fait repose sur la nécessité
d’assurer le fonctionnement des services publics.

On distingue trois situations :


- Application de la théorie des circonstances exceptionnelles, par
exemple, mesures d’urgences prises par un groupe qui se
substitue à l’autorité légale défaillante ;

[Texte] Page 114


15
- En période insurrectionnelle, les actes des agents dits
« usurpateurs » peuvent être considérés comme nuls, en principe.
Cependant certains actes concernant les services publics dont le
fonctionnement est indispensable au corps social (soins de
santé…) peuvent être valides en vertu de la théorie des
fonctionnaires de fait ;
- Gouvernement de fait. Ces gouvernements prennent le pouvoir
pendant un certain temps. Ils se maintiennent ou sont renversés.
Dans la première hypothèse, la théorie ne s’applique pas, leurs
actes sont juridiquement valables, leurs agents sont
fonctionnaires de droit. Dans la deuxième hypothèse, ils sont
« une autorité de fait ».

§2. Règles de forme et de procédure

Il s’agit des « opérations de procédure » (M. Hauriou) ou encore de la


« procédure administrative non contentieuse » par opposition à la procédure
contentieuse, bien qu’elles aient l’une et l’autre des préoccupations commune
(droit de la défense, exigence de l’impartialité).

Ces règles sont fixées par les lois, les règlements et la jurisprudence (règles
jurisprudentielles et principes généraux de droit).

On distingue diverses catégories de règles :

a) Formes

1. L’acte est le plus souvent écrit, mais il peut être oral, il peut
consister en un geste (agent de police réglant la circulation) ; il
peut consister dans le silence de l’Administration (le silence de
l’Administration à l’égard d’une demande d’un administré
équivaut, au bout de quelque temps fixé par les textes, à une
décision implicite de rejet) ;
2. Motif : la motivation doit s’entendre comme l’explication par
l’Administration des raisons de sa décision. A la différence de la
procédure contentieuse, la procédure administrative n’importe
pas à l’Administration de motiver ses décisions. Cependant, celle-
ci peut être explicitement imposée par un texte (voir p.ex. l’art.
206 de l’O-L n°82-006 du 25 Février 1982 portant organisation
territoriale, politique et administrative de la République qui

[Texte] Page 115


16
dispose : « Le Président de la République, peut après avis motivés
du Commissaire d’Etat à l’administration du Territoire, décider de
la dissolution de l’Assemblée régionale) ;
3. Parallélisme des formes : comme le parallélisme des
compétences, ce principe s’applique lorsque le texte ne fixe pas
les conditions de suppression ou de motivation d’un acte
administratif. Cependant, la règle ne s’applique que dans la
mesure où il s’agit d’un acte contraire ;
4. Formes substantielles et formes non substantielles :
- Les formes substantielles (essentielles) sont celles dont l’omission
entraîne ipso facto nullité de l’acte. Il s’agit des formes ayant pour
objet de garantir les droits des administrés (formalités conçues
dans l’intérêt des administrés) ;
- Les formes non substantielles= accessoires.

b) Procédure

1. Procédures consultatives (déjà vues)


2. Détails dans lesquels doit être édicté l’acte administratif : le
principe est le suivant : lorsqu’un texte impose un délai,
l’Administration n’est tenue de la respecter que dans la mesure
où ce texte a un caractère impératif (délai de rigueur). Si le délai
n’a qu’un caractère indicatif ou comminatoire, l’acte administratif
édité après son expiration reste valide.
3. « Droit de la défense »

Définition : lorsqu’une décision administrative prend le caractère d’une


sanction et qu’elle porte une atteinte assez grave à une situation individuelle, la
jurisprudence exige que l’intéressé ait été mis en mesure de discuter les motifs
de la décision qui le frappe (voir arrêt NGBENZI et consorts contre République
du Zaïre, CSJ/RA 182, 186 et 1991 et aussi l’ACT, art. 15).

Ce principe consacre le caractère contradictoire des procédures de


l’Administration.

Nature : le principe s’applique lorsqu’un texte le prévoit (ex. dans le domaine


du droit disciplinaire de la fonction publique, en matière d’enquête publique) ;
il s’applique aussi sans texte comme principe général du droit, mais dans un
domaine nettement déterminé).

[Texte] Page 116


17
Domaine : en l’absence de texte, le principe s’applique lorsque la mesure d’une
sanction est particulièrement grave. Le principe cesse de s’appliquer dans deux
hypothèses :

- Lorsque la mesure est émise dans l’intérêt du service et ne


constitue pas une sanction ;
- Lorsqu’elle est prise dans l’intérêt de l’ordre, de la salubrité et de
la sécurité publique (police).

Il est parfois assez difficile de distinguer la mesure de police de la sanction, par


exemple lorsqu’il s’agit d’une décision de retrait, d’internement, d’éloignement
et d’assignation à résidence prise à l’égard d’individu dangereux.

Conséquences : diverses conséquences en découlent :


- L’intéressé doit informer dans un délai raisonnable, de la
procédure engagée contre lui et des griefs invoqués à son
encontre (« audit altarem partem » : écoute l’autre partie) ;
- Un organisme collégial, appelé à prendre ou à participer à une
décision faisant grief à un individu, ne doit pas comprendre des
membres ayant des intérêts opposés à ceux de l’intéressé ou liés
aux siens ;
- L’intéressé a droit, en principe, à l’assistance d’un avocat ;
- Lorsqu’un texte prévoit la communication du dossier, celle-ci doit
être intégrale.

§3. Les effets de la décision exécutoire

A partir de quel moment la décision exécutoire produit-elle ses effets (A), quels
sont ces effets sur l’ordre juridique (B) ?

A. Entrée en application de la décision exécutoire

Cette question soulève trois problèmes : celui de l’émission (a), celui de la


publication ou de la notification (b) et celui de la non-rétroactivité (c).

a) Emission

La décision exécutoire entre en vigueur dès son émission par l’autorité


administrative compétente. C’est ainsi qu’un acte administratif non publié peut
faire l’objet de mesures d’application, mais celles-ci ne produiront effet à

[Texte] Page 117


18
l’égard des administrés que du jour de sa publication. La validité de l’acte (p.
ex. en ce qui concerne la compétence de son auteur) s’apprécie ainsi au jour de
l’émission. La non publication n’entache pas l’acte d’illégalité, mais le rend
inopposable aux administrés.

b) Publication et notification

La décision exécutoire n’est donc opposable aux particuliers que si elle a fait
l’objet d’une publication ou d’une notification.

- Publication : elle s’impose en ce qui concerne les actes


réglementaires ;
- Notification : la notification à chaque intéressé s’impose en ce qui
concerne les actes individuels lorsqu’elle est matériellement
possible. La publication peut cependant suffire.
o Lorsque les intéressés sont très nombreux ;
o Lorsque les intéressés sont inconnus de l’Administration.

Deux conséquences du principe de l’obligation de la publicité :


- En ce qui concerne les obligations, une décision administrative
non publiée est inopposable aux tiers ou aux intéressés et ne peut
créer d’obligations (voir supra) ;
- En ce qui concerne les droits, une décision non réglementaire
peut conférer des droits dès sa signature avant sa notification ;
- Les actes réglementaires ne créent pas des droits au profit des
individus.

c) Non-rétroactivité de la décision exécutoire (réglementaire ou


individuelle)

Le principe en vertu duquel les décisions (réglementaires ou individuelles) ne


disposent que pour le présent et pour l’avenir est un « principe général du
droit ». il rencontre cependant quelques exceptions :
- La loi peut (explicitement ou implicitement) autoriser
l’Administration à donner une portée rétroactive à ses actes ;
- L’exécution d’un jugement d’annulation d’un acte ;
- La mesure de régulation ou décision ou décision émise en cours
d’année qui soit prendre nécessairement effet au début de
l’année.

[Texte] Page 118


19
B. Effet sur l’ordre juridique

La décision exécutoire « modifie unilatéralement la situation juridique qu’elle


vise » (J. Rivero). Elle est obligatoire et exécutoire. Elle bénéficie du « privilège
du préalable » (a) ; son autorité est moins forte que l’autorité de la chose
jugée, mais supérieure à celle des actes privés. Elle possède l’autorité de la
chose décidée (b).

a) Le privilège du préalable

Ce privilège (Hauriou) concrétise le caractère obligatoire et exécutoire de la


décision qui bénéficie d’une « présomption de conformité au droit » (J. Rivero).
Quatre conséquences en découlent :

1. La décision exécutoire crée immédiatement une situation


juridique nouvelle à laquelle sont soumis les administrés, qui
deviennent titulaires des droits ou des obligations qu’elle établit ;
2. L’Administré ne peut faire tomber la présomption de conformité
au droit qu’en faisant la preuve, devant le juge, de sa non-
conformité (par voie de recours pour excès de pouvoir ou
d’exception d’illégalité) ;
3. Sauf possibilité de sursis à exécution, ce recours n’est pas
suspensif, de ce fait :
a. La décision produit ses effets jusqu’à l’annulation ;
b. L’Administration n’est pas défenderesse ;
c. Le particulier doit apporter la preuve de l’illégalité.
4. Un tempérament a été apporté à la rigueur de ce principe : le
sursis à exécution.
b) L’autorité de chose décidée

Cette expression est du Doyen G. Vedel (op. cit., p. 179). Elle définit la force
juridique de la décision exécutoire par opposition à la décision de justice ou à
l’acte unilatéral des particuliers.

1) L’autorité de chose décidée est moins forte que l’autorité de la


chose jugée.

Même après expiration des délais de recours contentieux, la décision


exécutoire n’acquiert pas l’autorité de la chose jugée :

[Texte] Page 119


20
- Un jugement ne peut être retiré, une décision exécutoire peut se
faire l’objet d’une abrogation ou d’un retrait ;
- Un jugement définitif ne peut être critiqué directement ou
indirectement qu’à l’occasion d’un autre procès : par contre, un
particulier lésé par un règlement peut toujours, même après
expiration du délai de recours pour excès de pouvoir, soulever
l’exception d’illégalité à l’occasion d’un recours dirigé contre une
mesure d’application de ce règlement : de même, il pourra
toujours demander une réparation du préjudice subi en invoquant
l’illégalité entachant la décision réglementaire ou individuelle ;
- L’exécution forcée d’un jugement est de droit, celle de décision
exécutoire n’a lieu que dans des conditions limitativement
énumérées.

2) L’autorité de la chose décidée est supérieure à celle des actes


privés unilatéraux.

En effet :
- Un particulier ne peut imposer des obligations aux tiers sans leur
consentement ;
- Le recours contre un acte privé a un caractère suspensif ;
- L’exécution par la force des privés exige un jugement.

§4. Exécution de la décision exécutoire

Lorsque l’exécution de la décision incombe à l’Administration elle-même,


aucun problème particulier ne se pose ; celle-ci doit prendre les mesures
nécessaires (p. ex. versement de la bourse) ; de même, lorsque la décision
donne au particulier un droit ou une faculté, l’administration ne peut y mettre
obstacle, mais il appartient au particulier d’en user.

Le problème se pose lorsque la décision met une obligation à la charge d’un


particulier. En principe, ainsi qu’on l’a vu, l’Administration n’a nul besoin pour
le contraindre de se faire délivrer par le juge un titre exécutoire (privilège du
préalable). Le particulier doit exécuter, cependant, s’il peut mettre obstacle à
l’exécution de la décision, l’Administration dispose alors d’une gamme de
procédés pour l’y contraindre, qui sont : la crainte de sanction pénale (A) et
administrative (B) et la contrainte ou exécution forcée (C). Bien entendu,
l’usage de ces procédés est strictement réglementé par les textes et la
jurisprudence.

[Texte] Page 120


21

A. Sanction pénale

1. Le refus d’exécution n’est pénalement réprimé que dans les cas prévus
par la loi (nulla poena sine lege)
a. Exécution des règlements ; il s’agit, en particulier, des règlements de
police ;
b. Exécution des actes individuels. Certaines lois assortissant parfois les
actes administratifs individuels de sanctions pénales.
Actes civils : l’Administration peut-elle, comme un particulier, engager une
action civile à l’encontre d’un administré récalcitrant.

B. Sanction administrative

La loi peut autoriser l’Administration à infliger des sanctions à des administrés ;


ce pouvoir exorbitant constitue une forme extrême des prérogatives, puisque
l’Administration, à la fois juge et partie, prononce la sanction sans les garanties
que donne la procédure pénale. Il faut dire pourtant que l’évolution a
considérablement étendu ce droit « pseudo-pénal » (M. Waline).

On verra le domaine (a) et le régime (b).

a) Domaine

La sanction administrative intervient en vue de l’exécution de la décision


administrative, mais elle peut aussi intervenir en vue de l’exécution directe de
la loi (infraction à la législation économique).

Sous réserve de la répartition des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, elle


est en général organisée par la loi. Bien de domaine portent sur la répression.
- Disciplinaire (Droit disciplinaire de la fonction publique) ;
- Des manquements commis sur des usagers des services publics
lorsque ceux-ci n’observent pas la discipline nécessaire à leur
fonctionnement (p. ex. les sanctions que peuvent prononcer les
instances académiques contre les étudiants ;
- Des infractions à la législation et à la réglementation économique
(p. ex. fermeture d’établissement) ;
- Des infractions commises en matière d’activités professionnelles
(p. ex. la confiscation du permis de conduire).

[Texte] Page 121


22
b) Régime
La pénalité administrative sanctionne une faute (ce qui la distingue d’autres
mesures de retrait, de refus, d’interdictions de poursuivre une activité, de
police qui ne sanctionnent pas toujours une faute).

La sanction administration constitue une décision administrative et se distingue


ainsi de la sanction pénale dont elle emprunte les formes.
- Elle est indépendante de la répression pénale : elle peut être
prononcée nonobstant un non lieu pénal : le principe de cumul
des peines n’est pas strictement appliqué ; l’amnistie pénale
n’efface pas la sanction administrative ; cependant la constatation
de l’existence de faits donnant lieu à sanction par le juge pénal à
l’autorité de la chose jugée et lie l’Administration ;
- La sanction administrative n’est pas soumise aux règles du droit
pénal ; elle est applicable aux personnes morales, la transaction
est possible : la majoration du taux des amendes pénales n’a pas
d’effet sur celui des amendes administratives.

Constituant une décision administrative, la sanction administrative est placée


sous le contrôle du juge administratif et soumise ainsi au contentieux
administratif :
 Celui-ci exige un minimum de procédure contradictoire (droit de
la défense) ;
 Il interprète les textes prévoyant les sanctions administratives de
façon très étroite ;
 Cependant, le contrôle ne porte que sur la régularité des formes
et la matérialité des faits motivant la sanction.

c) Exécution forcée

Il s’agit d’un « problème limite » (G. Vedel) qui se pose en ces termes :
l’Administration est-elle endroit d’user de la force publique dont elle est
détentrice pour exécuter ses décisions à l’encontre des administrés
récalcitrants ?

On verra les conditions de l’exécution d’office (a), puis les sanctions de l’emploi
illégal de l’exécution d’office (b).

a) Conditions

[Texte] Page 122


23
L’exécution d’office est licite lorsque la loi l’autorise expressément (1) ; en cas
d’urgence et circonstances exceptionnelles ou de nécessité absolue (2) ou bien
hors ces cas, lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies (3).

1) La loi l’autorise expressément, p. ex. les réquisitions militaires, des


médecins (O-L n°68-07 du 1er Mars 1968 portant réquisition des
médecins Zaïrois, telle que modifiée et complétée par l’O-L n°82-
013 du 2 Mars 1982, art. 7 et 8) ;
2) L’urgence, la nécessité absolue et les circonstances
exceptionnelles : « il est de l’essence même du rôle de
l’Administration d’agir immédiatement et d’employer la force
publique sans délai ni procédure, lorsque l’intérêt immédiat de la
conservation publique l’exige ; quant la maison brûle, on ne peut
demander au juge l(autorisation d’y envoyer les pompiers) » ;
3) L’exécution d’office est alors indépendante de l’existence de
sanction pénale. Elle est justifiée par l’urgence (p. ex. la création
d’office pour raison d’ordre public), par la nécessité absolue
(enlèvement d’objet encombrant sur le domaine public, véhicules
en stationnement irrégulier) et s’intègre également dans la
théorie plus générales des circonstances exceptionnelles. Bien
entendu le juge administratif contrôle l’urgence, la nécessité
absolue ou l’existence des circonstances exceptionnelles.

Autres situations : hors ces deux hypothèses, l’exécution d’office est licite
lorsque quatre conditions sont réunies :

1. La décision à exécuter doit avoir sa base dans un texte de portée


générale ;
2. L’Administration doit se heurter à la résistance ;
3. La résistance ne peut être vaincue par d’autres moyens ;
4. Les mesures prises ne doivent pas dépasser le but recherché.

Tout ceci veut dire que « l’exécution administrative n’est justifiée, en principe,
que pour la nécessité d’assurer l’obéissance à la loi et l’impossibilité de
l’assurer par tout autre procédé juridique ».

Il faut entendre par sanction légale, la sanction pénale, mais aussi la possibilité
d’user de voies de droit spéciales pour ramener le récalcitrant à l’obéissance.

b) Sanction

[Texte] Page 123


24

L’Administration agit à ses risques et périls. De ce fait, elle engage sa


responsabilité en cas de voie de fait.

§5. La fin des effets de la décision exécutoire

Elle intervient de trois manières : du fait de la décision elle-même (a), du fait


des circonstances extérieures à la volonté de son auteur (b) ; du fait de la
volonté de son auteur (c).

a) Du fait de la décision elle-même

La décision exécutoire s’applique, en général, sans limitation de durée. Dans


certains cas cependant, la décision peut fixer elle-même, explicitement ou
implicitement, la durée de son application. La loi peut également fixer la durée
d’application de la décision (autorisation temporaire, p. ex.).

Elle peut aussi comporter une condition suspensive ou résolutoire.

b) Du fait des circonstances extérieures à la volonté de son auteur

Les actes administratifs ne tombent pas en désuétude ; ils ne s’absorbent pas


non plus par leur application (principe de la pérennité). Dans certaines
circonstances cependant, l’acte peut devenir caduc, faire l’objet d’une
modification ou d’une abrogation ou être annulé, indépendamment de la
volonté de son auteur.

1) Caducité : l’acte réglementaire devient caduc s’il a été pris en


application d’une loi abrogée ou bien si l’objet de l’acte a disparu
ou en cas du décès de l’intéressé par exemple (faits extérieurs) ;
2) changement de circonstances affectant les éléments qui ont
motivé et justifié l’acte ;

Il s’agit essentiellement du problème de « retraits ». La théorie de « retrait »


distingue le retrait proprement dit de l’abrogation.

I. Généralité et définition

1. La théorie de « retrait » : elle est dominée par le principe général du


droit de l’intangibilité des effets positifs (« droits acquis ») dont le

[Texte] Page 124


25
fondement repose sur la nécessité d’une certaine sécurité juridique des
administrés que la jurisprudence concilie cependant avec les intérêts de
l’Administration qui exigent que celle-ci ne soit pas liée par des décisions
inopportunes ou irrégulières ;

2. Définition : on distingue le retrait proprement dit de l’abrogation.

- Le retrait (proprement dit) se définit comme une annulation


intervenant ab initio dont l’effet est d’anéantir l’acte dès l’origine
et d’en effacer les conséquences juridiques, futures ou passés ;
- L’abrogation met fin, pour l’avenir, aux effets d’une décision ; elle
n’a donc pas d’effet rétroactif.

3) Distinction : le régime du retrait et de l’abrogation doit être


envisagé à partir de trois hypothèses :
- Suivant que l’acte est régulier ou irrégulier ;
- Suivant qu’il crée ou non des droits au profit des individus (théorie
des « droits acquis ») ;
- Suivant qu’il s’agit d’un acte réglementaire ou d’un acte
individuel.

II. Le retrait

Les règles sont strictes en raison du caractère rétroactif de l’opération. Nous


partirons de la distinction entre actes ayant conféré des droits et actes n’ayant
pas conférés des droits que nous combinerons avec la distinction entre actes
réguliers et actes irréguliers.

1) Retrait d’un acte ayant conféré des droits

Il faut distinguer suivant que l’acte est régulier :


- L’acte régulier ne peut être retiré pour inopportunité, en raison
des principes déjà évoqués de la non-rétroactivité des actes
administratifs et de l’intangibilité des droits acquis ;
- L’acte irrégulier ne peut être retiré que pour un motif d’illégalité
et dans le délai du recours contentieux. Si un recours a été formé,
le retrait est possible pendant la durée de l’instance, mais dans les
limites des conclusions du requérant. Comme on l’a vu, l’effet
générateur du droit se produit dès sa signature et, de ce fait, le
retrait ne peut avoir lieu, même si la décision est irrégulière.

[Texte] Page 125


26

Cependant, il n’y a pas de dissociation du délai de recours (qui commencerait


avec la publication ou la notification) et du délai de retrait (qui commencerait
dès l’émission de l’acte). Un acte illégal peut être rapporté tant qu’il est
susceptible d’être attaqué, soit par l’intéressé, parce qu’il ne lui a pas été
notifié, soit par des tiers, parce qu’il n’a pas été publié. Par exception à la règle
suivant laquelle un acte crée des droits dès sa signature, lorsqu’un texte
permet, dans un certain délai, la naissance des droits est rapportée à la date de
la décision du supérieur ou à l’expiration du délai qui lui est imparti pour
statuer.

2) Retrait d’un acte n’ayant pas conféré des droits

L’acte peut être retiré à tout moment, que cet acte soit :
- Régulier, c’est ainsi que la décision d’ouvrir un concours ne fait
pas naître des droits au profit des actes de candidature ;
l’Administration peut rapporter une sanction légalement infligée,
sous réserve ; cependant que ce retrait ne porte pas préjudice à
un tiers ;
- Irrégulier ; peut être retiré à toute époque : l’acte constant « une
situation de fait », l’acte conditionnel est un acte inexistant.

III. L’abrogation

On distingue alors l’abrogation des actes réglementaires et celle des actes


individuels.
1. Abrogation des actes réglementaires
Un acte réglementaire peut toujours être abrogé, car nul n’a de droits acquis à
son maintien ;
2. Abrogation des actes individuels
3. On retrouve alors la distinction entre actes non générateurs de
droits et actes générateurs de droits.
- Actes non générateurs : abrogation d’un acte n’ayant pas fait
naître de droits ou n’a pas conféré de droits définitifs, est toujours
possible et même obligatoire s’il est irrégulier ;
- Actes générateurs de droits : L’abrogation n’est possible que par
le moyen de l’acte contraire  soumis aux conditions prévues par
les lois (une nomination peut être abrogée par la mise à la
retraite, révocation, etc.

[Texte] Page 126


27

CHAPITRE II : L’ACTE CONTRACTUEL

Le contrat administratif constitue, après l’acte unilatéral, le second moyen


juridique d’action de l’administration. Mais il s’en différencie
fondamentalement dans la mesure où il ne concerne pas une mais deux
volontés et où il s’efforce d’assurer un certain équilibre entre elles. Dès lors,
trois questions se posent : quelle est la définition du contrat public, quelles
sont ses caractéristiques et notamment les procédures le caractérisant et enfin
quelles sont les relations qui s’établissent entre l’administration et son
partenaire (le cocontractant).

Section 1 : la définition du contrat administratif

§1. La distinction entre les contrats publics et privés de l’administration

Les contrats conclus par les personnes publiques se divisent en deux grandes
catégories ; celle des contrats administratifs proprement dits, et celle des
contrats de droit commun. Cette distinction commande, d’une part, les règles
de droit applicables – droit civil pour les contrats de droits commun, droit
public pour les contrats administratifs – et, d’autre part, le juge compétent
pour connaître des litiges nés de leur application – juge judiciaire pour les
premiers tribunaux administratifs pour les seconds.

[Texte] Page 127


28
Cette distinction n’est pas ancienne : elle est apparue avec l’abandon de la
théorie des actes d’autorité et de gestion, consacrée par le célèbre arrêt Blanco
rendu par le tribunal des conflits. Avant cette évolution, tous les contrats
conclus par les personnes publiques entraient logiquement dans la catégorie
des actes de gestion (donc privé). Par opposition aux actes d’autorité, ils
relevaient alors exclusivement du juge judiciaire et obéissant aux règles du
droit privé. Seuls échappaient à cette règle de compétence les contrats dont le
contentieux avait été attribué aux juridictions administratives par l’effet d’un
texte de loi ou de règlement, tels que marchés de travaux ou les marchés de
fournitures de l’Etat.

La distinction entre contrats administratifs et contrats de droit commun


découle logiquement du critère général de la compétence administrative tiré
de la notion de service public. Les contrats conclus en vue de l’organisation ou
du fonctionnement du service public furent désormais considérés comme des
contrats administratifs, ceux n’ayant aucun lien avec le service public étant
pour leur part soumis au régime et droit commun des contrats. Cette
distinction n’est plus contestée et commande aujourd’hui le régime applicable
à chaque contrat passé par une collectivité publique. Celle-ci peut passer soit
des marchés privés relevant du droit civil et du droit commercial dont le
contentieux est confié au juge judiciaire et qui ne comportent théoriquement
aucune clause particulière ou dérogatoire (principe de l’égalité entre les
contractants), soit des marchés publics relevant du droit administratif dont le
contentieux est confié au juge administratif et qui peuvent comporter des
clauses spécifiques dérogatoires au régime du droit privé.

§2. Les contrats administratifs par détermination de loi

Il s’agit des contrats qui ont acquis la qualité de contrats publics en raison de la
volonté du législateur. On distingue huit catégories :

1) Le marché des travaux publics est un contrat par lequel un


particulier. Entrepreneur des travaux publics, s’engage vis-à-vis
d’une personne administrative à exécuter un travail dans les
conditions qui lui seront fixées et moyennant un certain prix. Par
travail public, on entend aujourd’hui un travail immobilier
accompli dans l’intérêt général par une personne administrative
ou pour son compte.

Ce contrat est un contrat administratif par détermination de la loi.

[Texte] Page 128


29

Même solution aurait été donnée dans le silence des textes, car les règles de
formation et d’exécution de ce contrat sont largement exorbitantes du droit
commun.
2) Le marché de fourniture (ou de transport)
Est le contrat par lequel un particulier cède volontairement à l’administration,
moyennant un prix convenu, un ou plusieurs objets mobiliers. Le marché de
transport consiste à effectuer un transport pour le compte d’une personne
administrative ou à mettre à sa disposition un moyen de transport ;

3) La concession de travaux publics

Est le contrat par lequel un particulier s’engage à édifier à ses frais et à ses
risques un ouvrage et à en assurer l’exploitation pendant un certain temps : en
contrepartie, l’Administration lui donne le droit de percevoir des taxes sur les
usagers.

Ce contrat, d’origine ancienne (concession de construction de canaux), a joué


un grand rôle au XIXè siècle (chemins de fer, tramways, distribution d’eau, gaz
et électricité). La jurisprudence lui a toujours reconnu le caractère
administratif, en considérant l’élément de travail public qu’il contient.

4) La concession de service

Est une forme assez voisine de la précédente. C’est l’acte par lequel une
personne administrative charge un particulier (ou dans certains cas
exceptionnels une autre personne administrative) de faire fonctionner, en
partie à ses risques et moyennant des avantages convenus, un de services
publics.

La concession de service public est souvent est liée à une concession de travaux
publics (p. ex. distribution d’électricité), mais il en va parfois autrement
(concession de transports publics). La jurisprudence reconnaît sans difficulté à
ces contrats le caractère administratif, car ils sont par excellence ceux qui
contiennent le plus de clauses exorbitantes du droit commun.

5) L’offre de concours

Est le contrat par lequel un particulier offre à une personne administrative


certaines prestations en argent et en nature, à la condition que cette personne

[Texte] Page 129


30
accomplisse un certain travail public ou fasse fonctionner d’une certaine
manière un service public (par exemple un don à une commune en vue de la
construction d’une route) ;

6) L’emprunt public

Est l’acte par lequel l’Etat s’endette. Il est considéré comme un contrat
administratif. La solution aurait été donnée sans texte, ce contrat comportant
de nombreuses règles exorbitantes du droit commun (insaisissabilité, immunité
fiscale, etc.) ;

7) Les contrats comportant une occupation du domaine public

Ces contrats portent généralement le nom de concession domaniale et


concernant par exemple l’occupation du domaine public maritime (parc à
huîtres, cabines de bains) ou terrestre (concession dans les halles et marchés,
concession funéraire). Par applique du décret-loi du 17 Juin 1938, ces contrats
sont, dans tous les cas, des contrats administratifs ;

8) Ces catégories particulières de contrats concernant certains


marchés d’études

(Le contractant s’engage à effectuer des études) ou de définition (étude


préalable nécessaire à la réalisation d’un dossier), les ventes domaniales de
l’Etat des contrats n’ayant pas d’intitulé précis (contrat par lequel l’élève d’une
grande école administrative s’engage à servir l’Etat pendant une certaine
durée), des contrats d’aménagement du territoire…

§3. Les contrats par détermination du juge


Dans de nombreux cas, la nature administrative d’un contrat n’est pas
expressément prévue par les textes. C’est alors au juge qu’il revient de lui
conférer (ou non) cette qualité. Il recherche alors la présence de « critère »
permettant de rattacher ce contrat au droit administratif. Pour ce faire, deux
critères complémentaires sont retenus.

La première condition est simple dans son principe. C'est-à-dire, a contrario,


qu’un contrat passé entre deux personnes privées ne peut être administratif.

Toutefois, la jurisprudence a atténué ce principe : elle a admis en effet qu’un


particulier agissant « pour le compte » d’une collectivité publique pouvait

[Texte] Page 130


31
passer un contrat administratif avec une autre personne privée (théorie du
mandat).

La seconde condition pour qu’un contrat soit administratif est la suivante : le


contrat doit soit comporter des clauses exorbitantes du droit commun, soit
particulier à l’exécution d’une mission de service public. Cette seconde
condition, qui doit obligatoirement s’ajouter à la première, comporte donc une
alternative.

1. Premier volet de l’alternative : qui signifie qu’un contrat est


administratif lorsqu’il contient une dérogatoire au droit commun.
On distingue à cet égard deux catégories de notions : les
premières sont des clauses inhabituelles dans des contrats privés
conclus entre particuliers ; il s’agit notamment des clauses
imposant au cocontractant des obligations en faveur du public
(aménagement des lieux, heures d’ouverture, vérification
spéciale…) ou au contraire lui donnant certains privilèges face à ce
même public (monopole notamment). Les secondes clauses se
rattachent aux prérogatives du service public portant atteinte à
l’égalité entre les contractantes.
L’administration peut en effet disposer, pour exécuter le service public, d’un
certain nombre de privilèges que ne possèdent pas les particuliers (droit de
contrôle ou de résiliation du contrat, charges indues, modification de l’objet en
cours d’exécution) ;

2. Second volet de l’alternative : la participation directe du


cocontractant à l’exécution du service public, qui signifie qu’un
contrat est administratif lorsqu’il comporte une participation
directe ou cocontractant à l’exécution même du service public. Le
contrat devient alors administratif par son objet qui est de
contribuer à l’exécution d’une mission d’intérêt général.

Dans la pratique, l’appréciation de cette participation directe à une mission de


service public est assez délicate et relève très largement de l’appréciation du
juge. On observe cependant que ce critère permet souvent au juge
administratif de donner la qualité publique à des contrats passés par des
organismes relevant très largement par ailleurs du droit privé.

En conclusion, le juge reconnaît à un contrat un caractère administratif lorsque


deux conditions cumulatives sont réunies :

[Texte] Page 131


32
- La présence d’une personne publique (sauf dans le cas particulier
de l’Arrêt peyrot) ;
- La présence soit de clauses exorbitantes, soit d’une participation à
une mission de service public.

Section 2 : La procédure de passation des contrats administratifs

§1. Le choix du cocontractant

Il s’agit d’une étape essentielle dans la passation du contrat. Elle associe deux
préoccupations contradictoires : la liberté de choix de l’Administration et la
nécessaire égalité entre les concurrents. Il existe en fait trois procédures
principales laissant plus ou moins d’autonomie à l’Administration dans son
choix.

1. La première est celle de l’adjudication, qui est la formule la plus


ancienne mais actuellement la moins utilisée. Il s’agit du système
le moins favorable pour l’Administration puisqu’elle est obligée de
lancer une consultation très ouverte et surtout de choisir
obligatoirement l’offre de prix la plus basse (« moins disante »).

Les trois principes fondamentaux de l’adjudication sont les suivants :


- La publicité, puisque l’adjudication doit être annoncée
suffisamment à l’avance (affichage ou insertion dans les bulletins
spéciaux) ;
- La concurrence, car, pour obtenir les meilleurs prix, il faut le plus
grand nombre de candidats possibles ; cependant,
l’Administration, avant l’adjudication, peut écarter ceux qui ne
présentent pas de garanties techniques ou financières ;
- L’égalité entre les concurrents, car c’est le concurrent qui aura
consenti le moindre prix qui sera préféré (ou le plus souvent le
plus souvent le plus fort rabais pour un prix prévu à l’avance) ;
cette règle a souvent donné lieu à des critiques, car elle conduit
en effet à donner parfois la préférence à des entrepreneurs peu
scrupuleux et résolus à effectuer des prestations des qualités
médiocres.

Aussi a-t-on prévu des formes particulières d’adjudication qui corrigent dans
une certaine mesure cet inconvénient, et notamment l’adjudication restreinte
qui permet à l’Administration, avant l’ouverture des soumissions, d’écarter à

[Texte] Page 132


33
son gré les candidats qui lui paraissent indésirables ou ne présentant pas
toutes les qualités techniques requises.

La procédure de l’adjudication peut donc varier, mais les principes de base


restent les mêmes et sont marqués par un grand formalisme. Les candidats
font en effet parvenir au bureau d’adjudication, organe collectif dont la
composition varie pour chaque sélection, une série de pièces telles que la
déclaration de participation, les références et un certificat attestant le
versement d’un cautionnement. Ils déposent ensuite leur « soumission » dans
une lettre cachetée où ils indiquent le prix ou le plus fort rabais qu’ils
consentent. Le bureau ouvre alors les soumissions et déclare enfin
adjudicataire celui qui a consenti le plus bas prix ou le plus fort rabais.

2. La seconde procédure de choix du contractant est l’appel d’offres,


qui est actuellement utilisé dans un tiers des cas. Il s’agit d’une
formule intermédiaire dans laquelle l’Administration lance une
consultation ouverte, mais n’est pas liée par la proposition la
moins chère. Ce procédé comporte donc la même publicité que
l’adjudication : l’Administration invite à soumissionner toutes les
entreprises intéressées (appel d’offre ouvert) ou certaines d’entre
elles qu’elle détermine à l’avance (appel d’offre restreint, qui lui-
même peut revêtir des formes variées, appel d’offres restreints
« avec publicité préalable » ; appel d’offres restreins « avec appel
des candidatures » ; appel d’offres restreins « sans publicité
préalable ni appel des candidatures »).
Les formalités d’appel à la concurrence s’opèrent donc comme en matière
d’adjudication mais, à la différence de ce qui se passe pour celle-ci,
l’Administration n’est pas obligée de choisir l’entrepreneur qui demande le
moindre prix et elle choisit librement son contractant. A noter que l’appel
d’offres sert souvent de support à une formule en plein essor : le marché sur
concours.
Dans ce marché, après un appel public à la concurrence, il est organisé un
concours (portant, par ex. sur un projet d’ouvrage) dont le jury classe les
concurrents (selon les cas, il donne un simple avis ou prend une décision
obligatoire pour l’Administration) ;
3. La troisième et la dernière formule utilisable pour choisir un
contractant est le marché négocié, il s’agit de la formule la plus
souple qui laisse la liberté la plus grande à l’Administration. Celle-
ci peut, en effet, non seulement restreindre le nombre de
destinataires de la consultation, mais également choisir

[Texte] Page 133


34
discrétionnairement la candidature qu’elle préfère
indépendamment du prix demandé. Cependant, afin d’éviter
d’éventuels abus, l’Administration doit consulter par écrit les
principales sociétés susceptibles d’exécuter un marché et ne peut,
de concernant la défense nationale, marchés inférieures à certains
montants, urgence…). Néanmoins, la souplesse des marchés
négociés explique leur succès, puisque les deux tiers des marchés
administratifs nationaux sont désormais passés selon cette
procédure.

§2. La signature du contrat

En premier lieu, l’Administration doit disposer d’une autorisation budgétaire.


En application des principes généraux de la comptabilité publique, une
collectivité ne peut en effet contracter que si elle dispose des crédits
budgétaires régulièrement ouverts à cet effet et suffisants pour couvrir la
dépense. Ainsi, une dépense engagée en exécution d’un contrat sans le visa du
contrôleur des dépenses engagées est budgétairement irrégulière. Cependant
cette irrégularité ne fait pas obstacle à la validité administrative du contrat qui
reste donc applicable à l’Administration vis-à-vis de son contractant. Si la
créance de ce dernier est valide, il n’en demeure pas moins qu’elle ne pourra
être honorée par l’Administration qu’après régularisation de la dépense au
regard des dispositions de droits budgétaires.

La seconde étape est l’obtention de l’autorisation de contracter. Certains


contrats ne peuvent en effet être conclus par l’Administration que lorsque
l’organe qualifié pour procéder à cette conclusion l’ya autorisé. Sont ainsi
soumis à l’autorisation du Parlement les emprunts publics de l’Etat (aliénation,
beaux…) dans certaines conditions. De même, lorsqu’il s’agit de contrats de
collectivités locales, il est nécessaire pour l’organe d’exécution (Gouverneur,
Maire) d’obtenir une autorisation de l’organe délibérant (Assemblée
Provinciale, Conseil Exécutif Urbain).

Une troisième étape est constituée par la consultation d’organisme spécialisé.


C’est ainsi que les administrations centrales doivent recueillir l’avis favorable
des commissions techniques au sein de leur ministère puis l’accord de
commissions interministérielles spécialisées placées auprès de la commission
centrale de marchés. De même, pour certaines opérations, les administrations
doivent obtenir l’accord d’organismes techniques comme p. ex le service de
domaines.

[Texte] Page 134


35

La quatrième étape est la rédaction du contrat. Dans un souci de


rationalisation, les pouvoirs publics ont unifié le contenu et la présentation des
documents qui doivent respecter des cahiers de charges. Ces cahiers des
charges déterminaient la plus grande partie des obligations contractuelles, et le
cocontractant de l’Administration, qui ne peut discuter le contenu, doit les
accepter ou les refuser en bloc, auquel cas, naturellement, il ne passera pas le
contrat.

Ces cahiers de charges (pris en application du code de marchés publics)


comprennent des documents généraux et les documents particuliers.

Les documents généraux sont :


- Les cahiers des clauses administratives générales qui posaient les
règles valables pour toute une catégorie de marchés (comme ex.
on peut citer le cahier de clauses administratives générales des
marchés des travaux publics) ;
- Les cahiers de clauses techniques générales qui concernent les
dispositions applicables à toutes les prestations d’une même
nature.

Les documents particuliers sont :


- Les cahiers des clauses administratives particulières qui fixent les
dispositions propres à chaque marché ;
- Les cahiers des clauses techniques particulières qui fixent les
dispositions techniques nécessaires à l’exécution des prestations
prévues au marché.
Enfin, la dernière étape est constituée par la signature proprement dite du
contrat.
D’une manière générale, chaque collectivité publique comprend un organe
exécutif et c’est cet organe qui est compétente pour conclure le contrat au
nom de la collectivité en question.

Pour les contrats de l’Etat ce sont, en principe, les ministres qui sont qualifiés
pour conclure les marchés de l’Etat (un contrat non approuvé par le ministre ne
lie pas l’Etat).

Section 3 : Les droits et les devoirs des cocontractants

§1. Les prérogatives de l’Administration

[Texte] Page 135


36

Un contrat administratif se différencie fondamentalement d’un contrat de droit


privé, car les deux partenaires ne se trouvent pas dans une situation d’égalité.
L’Administration peut en effet, se prévaloir des prérogatives particulières lui
permettant d’imposer sa volonté et de surveiller l’exécution du contrat.

1. L’Administration peut tout d’abord contrôler l’activité du cocontractant.


Il n’est pas possible de dresser une nomenclature de toutes les formes
que peut prendre cette surveillance ; toutefois, un certain nombre de
règles ont été dégagées par la jurisprudence qui s’impose au
collaborateur de l’Administration.
Le cocontractant doit tout d’abord exécuter les obligations de sa charge (c’est
ainsi que, dans la concession de services publics il a l’obligation de faire
fonctionner le service concédé dans un marché de fourniture et de faire livrer
la marchandise). Il doit par ailleurs exécuter ses obligations de la manière et
dans les conditions prévues dans le document contractuel et d’une manière
correcte (il faut comprendre par « manière correcte » une exigence des
qualités des prestations qui s’apprécient et fonction des règles de l’art). le
contractant doit également assumer ses obligations « de bonne foi » (il s’agit
d’un principe général du droit inscrit dans le code civil et qui s’applique
naturellement aux contrats administratifs : ceux-ci ont été conclus intuitu
personne et doivent donc être exécutés par ceux qui ont été choisis en raison
de leur capacité personnelle.

A cet effet, elle dispose d’un véritable pouvoir d’agrément lors de la


« présentation » du sous-traitant et peut contrôler et même rémunérer
directement ce dernier. Néanmoins, seul le contractant reste juridiquement
responsable devant l’Administration.

Enfin, l’Administration dispose d’un très large pouvoir de contrôle


généralement organisé par les cahiers des charges et par des textes
réglementaires.

D’ailleurs la présence dans un contrat de clauses relatives au pouvoir de


contrôle de l’Administration est souvent considérée par le juge administratif
comme une clause exorbitante du droit commun entraînant la qualification du
contrat comme contrat administratif. Ce contrôle qu’exerce l’Administration
porte principalement sur la bonne exécution du contrat par le cocontractant et
s’exerce sur le respect par ce dernier des clauses contractuelles : visites,
vérification sur place, ou sur pièces, demandes de renseignements permettant

[Texte] Page 136


37
à l’Administration d’exercer matériellement ses contrôles… dispose, d’une part,
de moyens juridiques pour lui permettre de contrôler de l’échéance de
réalisation, en voie d’ingénieurs…

A ce contrôle spécifique s’ajoute un contrôle plus général, confié à une série


d’organismes : à vocation générale ou spécialisée – qui se développe plus
particulièrement dans le domaine de marchés publics, qu’il s’agisse des
commissions techniques, de commissions interministérielles spécialisées, ou de
la Cour des comptes.
2. La seconde catégorie de privilèges se trouve dans le pouvoir de modifier
unilatéralement le contrat. L’Administration peut en effet exercer un
droit de modification unilatérale. Cela signifie qu’elle peut imposer au
cocontractant toute modification de l’objet ou des moyens du contrat.
Ce pouvoir reconnu à l’Administration imprime au régime juridique de
l’exécution des contrats un particularisme important qu’il l’écarte au
maximum de celui de contrat de droit privé.

Par ex. l’Administration peut imposer une extension du service concédé ou


accroissement de la masse de travaux convenus au marché, voire une
augmentation des fournitures que le cocontractant doit livrer. Elle peut aussi
imposer un procédé technique nouveau, l’utilisation de matériaux différents de
ceux prévus au contrat. De la façon générale, l’Administration peut opérer le
chargement portant sur l’importance ou les modalités d’exécution du contrat.

De plus, l’Administration, si elle peut modifier les clauses du contrat, ne peut le


faire à tout moment et n’importe quelle raison, car on ne pourrait plus parler
de contrat, le cocontractant serait dans une situation de totale insécurité
juridique. Les modifications sont d’autant plus importantes que le
cocontractant ne fournit qu’un concours extérieur (fourniture par exemple),
l’Administration pourra modifier les conditions d’exécution du contrat, mais
non les fournitures, sauf si une clause contractuelle le prévoit. Par contre, dans
la concession, le pouvoir de modification est très important (fonctionnement
du service dans son ensemble).

De toute façon, les modifications ne peuvent porter que sur les clauses
financières, car l’Administration est tenue d’assurer l’équilibre financier du
contrat.

3. La troisième catégorie de prérogatives dont dispose l’Administration


réside dans son pouvoir de résiliation unilatérale.

[Texte] Page 137


38

L’Administration peut mettre fin à tout instant au contrat qu’elle a passé (alors
qu’en droit privé, cette possibilité est toujours exclue dans les contrats à durée
déterminée). Le fondement de ce pouvoir de résiliation donnée à
l’Administration est toujours le même : l’intérêt du service public. En dehors de
toute faute grave du cocontractant, en l’absence même de dispositions dans le
contrat, l’autorité administrative peut en effet toujours mettre fin à un contrat
dans le l’intérêt du service. Cette compétence discrétionnaire et d’ordre public
entraîne pour le cocontractant de l’Administration un droit à indemnisation.
Concrètement, l’Administration peut résilier unilatéralement dans trois cas :
- Le contrat prévoit les conditions de résiliation ;
- La résiliation est dans l’intérêt du service. Dans ce cas, il n’ya
aucun caractère de sanction, car les contrats administratifs étant
conclus pour satisfaire un besoin d’intérêt général, cet intérêt
peut à tout moment exiger une résiliation. En procédant ainsi,
l’Administration ne commet pas de faute, quoi qu’elle soit tenue
d’indemniser le cocontractant en vertu du principe de l’équilibre
financier du contrat ;
- Le contrat peut même être résilié à titre de sanction par
l’Administration lorsqu’il y a faute grave ou défaillance complète
du cocontractant. Toutefois l’inverse n’est pas possible, et si
l’Administration a manqué à ses obligations, le particulier doit
s’adresser au juge du contrat pour faire prononcer la résiliation
aux trois tors de l’Administration (de même il devra s’adresser au
juge en cas de résiliation abusive par l’Administration, mais le juge
ne pourra qu’accorder des dommages-intérêts et ne pourra pas
annuler la résiliation).

Cependant, une telle solution ultime peut être évitée, notamment par le
recours à un comité consultatif de règlement amiable institué en 1981 auprès
du Premier Ministre.
4. Enfin, l’Administration dispose d’une dernière prérogative : sanctionner
le cocontractant. Elle peut tout d’abord imposer des sanctions
pécuniaires lorsqu’elle considère que les prestations sont de médiocre
qualité (prestations d’un niveau insuffisant, délais non respectés). Celles-
ci prennent la forme soit de dommages-intérêts soit de pénalités. Il
s’agit, dans les deux cas, de mettre une somme d’argent à la charge du
cocontractant.

[Texte] Page 138


39
Les dommages-intérêts constituent le mode de réparation pécuniaire
applicable lorsque le contrat n’a pas prévu de réparation. Ils ne présentent pas
un caractère forfaitaire et son contrat a causé un préjudice à l’Administration.
Ils sont donc calculés selon le préjudice effectivement subi par l’Administration
et sont mis d’office à la charge du cocontractant.

Les pénalités sont des dommages-intérêts prévus dans le contrat et forfaitaires.


Elles sont encourues de plein droit au seul fait du manquement à ses
obligations du cocontractant (la jurisprudence n’exige donc pas un préjudice).
Elles sont d’usage courant pour sanctionner le respect des délais d’exécution
(pénalité de retard fixées par jour…) et l’application des pénalités – comme
celle des dommages-intérêts résulte d’une décision unilatérale de
l’Administration (privilège du préalable). Mais l’Administration doit
préalablement mettre le cocontractant en demeure d’exécuter son contrat,
sauf clause contraire du contrat.

Lorsque ces sanctions ne sont pas suffisantes, l’Administration peut aller plus
loin en prenant des sanctions coercitives. Il s’agit de sanctions destinées à
assurer, en dépit de grandes difficultés, l’exécution du contrat, l’Administration
dispose ici de toute une série de mesures telles que la mise sous séquestre, la
mise en régie, l’exécution par défaut… autant d’opérations contraignantes qui
visent à substituer au cocontractant défaillant soit l’Administration elle-même,
soit un tiers qu’elle choisit.

Et dans la mesure où cet arsenal ne se révèle pas suffisant, l’Administration


dispose d’un ultime recours : la résiliation unilatérale (sanction résolutoire), qui
peut intervenir lorsqu’il est indiscutable que le cocontractant est défaillant ou
qu’il commet une faute.

Il est évident que, dans les deux cas (sanctions coercitives, sanctions
résolutoires), les sanctions ne peuvent intervenir que pour des manquements
graves au contrat.

A noter enfin que, dans certains cas, des sanctions pénales peuvent être
appliquées au cocontractant. Cependant le contrat ne peut instituer lui-même
de telles sanctions qui ne trouvent leur fondement que dans la loi (principe de
la légalité des « délits er des peines ») et ces sanctions pénales sont donc
exceptionnellement appliquées aux manquements à des obligations
contractuelles. On peut citer le cas dans certaines concessions de services
publics, de manquements du concessionnaire placé sous le régime régressif des

[Texte] Page 139


40
contraventions de voirie, ou de « délits des fournisseurs » (le code pénal punit
en effet de peines privatives de liberté et d’amendes les infractions qui peuvent
avoir été commises par les fournisseurs de l’Etat).
Il est évident que le cocontractant a en premier lieu droit à l’exécution du
contrat par l’Administration, qu’il s’agisse de la fourniture de renseignement ou
de matériels, de sa collaboration (notamment par l’octroi de prérogatives de
puissance publique et parfois d’un monopole) et d’une manière générale de la
« bonne foi » pour l’exécution de toutes ses obligations contractuelles (et
notamment le paiement par l’Administration des factures dans les délais
prévus, sinon elle s’expose à supporter des pénalités et des intérêts
moratoires). En outre, le cocontractant peut disposer d’acomptes (et même
d’avance) en cours de réalisation du contrat ainsi que de multiples avantages
(taxes).

Mais le droit principal dont dispose le cocontractant est indiscutablement le


versement de sa rémunération intangible et l’équilibre financier de son contrat.

En ce qui concerne l’intangibilité de la rémunération, le principe peut s’énoncer


de manière suivante : la rémunération du cocontractant, telle qu’elle résume
au contrat, ne peut être modifiée que par un nouvel accord des parties.
L’Administration ne peut donc toucher unilatéralement aux dispositions du
contrat concernant le paiement du cocontractant. L’intangibilité des éléments
contractuels de la rémunération, qu’il s’agisse du prix dû au fournisseur, des
subventions ou garanties d’emprunt, des délais de règlement, de l’actualisation
des montants financiers.

La première de ces situations est la « force majeure », il s’agit d’un événement


imprévisibles et impossible à contrôler, qui libère le cocontractant de son
obligation d’exécuter le contrat. On se trouve donc confronté à une situation
dans laquelle un évènement exceptionnel rend en fait impossible l’exécution
normale des prestations contractuelles, ce qui tout naturellement délie les
partenaires de leur engagement.

La seconde situation est celle des « sujétions imprévues » (strictement limitée


aux marchés de travaux publics). Lorsque des difficultés matérielles. D’un
caractère absolument anormal et imprévisible au moment de la conclusion du
contrat, rendent plus onéreuse l’exécution de celle-ci, ses sujétions
exceptionnelles ouvrent à l’entrepreneur un droit à être intégralement
indemnisé sous la forme d’un relèvement du prix du marché. Cette théorie

[Texte] Page 140


41
d’origine jurisprudentielle est très ancienne, puisqu’on en trouve trace dans
des décisions remontant au XIXè siècle.

Le troisième cas de modification de l’équilibre financier d’un contrat est celui


du « fait du prince ». Dans son sens le plus étroit, le fait du prince (ou fait de
l’Administration) désigne toute intervention des pouvoirs publics ayant pour
résultat d’affecter les conditions d’exécution du contrat et qui donne lieu au
profit du cocontractant de l’Administration à une indemnité intégrale. Bien
évidement, il faut pour qu’il y ait fait du prince, que l’intervention de
l’Administration modifie profondément l’équilibre général du contrat, qu’il y ait
préjudice, que l’Administration ait seul la responsabilité de la modification, et
enfin que cette intervention ait été impossible à prévoir lors de la conclusion
initiale du marché.

Le dernier cas pouvant affecter l’équilibre financier du contrat est


« l’imprévision ».

Toute entière élaborée par la jurisprudence du Conseil d’Etat, elle a pour but
de régler l’incidence de faits nouveaux, extérieurs aux parties, anormaux,
imprévisibles qui bouleversent l’économie générale du contrat et en rendent
l’exécution particulièrement difficile. Cet élément nouveau crée, au sein même
de l’exécution du contrat, une situation « extracontractuelles ». Et
l’Administration va devoir partager avec le cocontractant l’accroissement des
charges dû à l’imprévision.

Pour qu’il y ait imprévision, il faut donc deux conditions soient réunies :

- L’équilibre du contrat doit être bouleversé par un évènement


exceptionnel, imprévisible, totalement indépendant des parties
contractantes, tel que l’apparition d’une nouvelle réglementation
ou des conditions économiques et sociales révolutionnaires
(difficultés d’approvisionnement ou multiplication du prix d’une
matière première) ;
- Le bouleversement de l’équilibre ne peut être que temporaire et
la théorie ne s’applique que si elle permet de trouver une solution
à un problème conjoncturel. Elle ne saurait permettre de
compenser un déficit permanent car cela justifierait alors tous les
refus d’adaptation des cocontractants à l’évolution générale.

[Texte] Page 141


42
Lorsque les conditions sont réunies, le déficit occasionné par le
bouleversement est supporté par l’Administration en majorité et son
cocontractant (qui doit en financer de l’ordre de 5 à 10%), ce qui implique donc
que l’indemnisation n’est pas intégrale (ce qui est logique, puisque
l’Administration n’est pas responsable du nouvel état de fait). Mais la nécessité
de continuer à faire fonctionner le service public indépendamment des
difficultés conjoncturelles impose le maintient du contrat, qui ne peut donc
être résilié du seul fait de l’application de la théorie de l’imprévision.

En conclusion, la théorie des contrats administratifs se distingue profondément


de celle des actes unilatéraux en raison de la présence contractuelle d’une
personne privée, même que si la personne publique dispose de prérogatives
spécifiques. C’est dans cette mixité que réside son originalité. Mais il faut
également garder présent à l’esprit le fait que les marchés publics possèdent
une dimension économique.

[Texte] Page 142


43

PARTIE IV : LE CONTROLE DE L’ADMINISTRATION

Chapitre 1 : LE CONTROLE DE L’ADMINISTRATION PAR LE


JUGE JUDICIAIRE

Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires interdit


normalement aux juridictions judiciaires de connaître des litiges mettant en
cause des autorités administratives. Ce principe comporte des exceptions et
des aménagements.

La compétence du juge est naturelle lorsque l’Administration agit comme un


particulier. Cette compétence existe en vertu des textes ; elle peut, cependant,
exister en dehors des textes.

1. La compétence du juge judiciaire en vertu des textes

En droit français, le Conseil constitutionnel interprète restrictivement la notion


de liberté individuelle, qui inclut la sûreté et l’inviolabilité du domicile (Cons.
Const., 29 Déc. 1983). Il distingue parfois liberté individuelle, liberté d’aller et
venir, et inviolabilité du domicile (Cons. Const., 18 Janv. 1995). Surtout, le
Conseil d’Etat et le Tribunal des conflits ont réduit la portée du principe faisant
de l’autorité judiciaire la gardienne des libertés.

En droit congolais, la question est bel et bien tranchée, ainsi, nous avons :

[Texte] Page 143


44
- Les atteintes à la liberté individuelle

Sur la question, le droit français est plus explicité que le droit congolais. En
effet ; en vertu de l’article 136 du Code de procédure pénale française, les
tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement compétents pour statuer sur
les actions en dommages et intérêts exercées contre les fonctionnaires
personnellement ou contre les collectivités publiques dont ils relèvent, en
raison d’atteintes à la liberté individuelle (arrestations et détentions arbitraires,
violation de domicile ou de sépulture, assignations à résidence). Le conflit ne
peut alors jamais être élevé. Cet article, qui déroge au principe de séparation
des pouvoirs, est d’interprétation stricte. Seul le juge administratif peut en
conséquence se prononcer sur la légalité d’un acte administratif ou interpréter
un tel acte, à l’origine de l’atteinte à la liberté d’une action visant à paralyser
les effets d’un acte administratif contre lequel elle est dirigée ; ceci n’entre pas
dans le champ d’application de l’article 136 (T. confl., 12 Mai 1997, Préfet de
police). Un principe constitutionnel interdit au juge judiciaire d’annuler, de
reformer ou de priver de leur caractère exécutoire les actes de la puissance
publique. Cette compétence n’appartient au juge judiciaire qu’en cas de voie
de fait. Les instances civiles visées par l’article 136 sont les actions en
dommages et intérêts exercées par les victimes d’atteintes à la liberté
individuelle et fondées sur l’illégalité des actes dommageables. Le juge
administratif conserve la compétence pour connaître des actes administratifs
qui touchent à la liberté individuelle, sans constituer une voie de fait ni une
infraction sanctionnée par le Code pénal.

- La protection de la propriété privée

Divers textes attribuent compétence au juge judiciaire en matière de


protection de la propriété privée immobilière. Sur ce point, nous épinglons :

- La fixation de l’indemnité due aux personnes expropriées et


transfert de la propriété des immeubles ;
- L’indemnisation des propriétés dont les immeubles sont frappés
par certaines servitudes (pour les besoins de la distribution
d’énergie, réseaux de télécommunications, canalisations
publiques d’eau, protection de la visibilité des phares,) ;
- La fixation de la valeur des immeubles préemptés par
l’Administration ;
- Divers cas de responsabilité de la puissance publique.

[Texte] Page 144


45
Relève notamment du juge judiciaire, toute action en responsabilité tendant à
la réparation des dommages causés par un véhicule quelconque de
l’Administration. Cette action est jugée conformément aux règles du droit civil,
la responsabilité de la personne morale de droit public étant à l’égard des tiers
substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l’exercice
de ses fonctions (L. 31 déc. 1957).

2. La compétence judiciaire en dehors des textes

- Le juge judiciaire, gardien de la propriété privée

Deux théories jurisprudentielles inspirées du droit français et qui ne sont pas


encore ancrées dans le système juridique congolais permettent au juge
judiciaire d’exercer sa mission naturelle de gardien de la propriété privée. Il
s’agit de l’emprise et de la voie de fait.

a) L’emprise

L’emprise consiste en la prise de possession par l’Administration d’une


propriété privée immobilière. Il s’agit d’une véritable mainmise sur la propriété,
privant le propriétaire de l’utilisation de son immeuble.

L’emprise régulière s’effectue conformément à une loi l’autorisant (réquisitions


de logement). Le juge judiciaire n’est compétent que pour réparer ses
conséquences dommageables, si la loi retient cette compétence, qui ne peut
aller au-delà (T. conf. 17 Mars 1949, sté Rivoli-Sébastopol).

L’emprise irrégulière est réalisée en violation des textes. Et la gravité la


transforme parfois en voie de fait. Lorsque l’emprise est « simplement »
illégale, le juge administratif seul peut la constater, le juge judiciaire étant
compétent pour en réparer les conséquences dommageables (T. cofl., 17 Mars
1919, Sté Hôtel du Vieux Beffroi).

b) La voie de fait

C’est une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un


pouvoir appartenant à l’Administration (CE, ass., 18 nov. 1949, Carlier). L’acte
ou l’opération administrative est dénaturé, l’Administration perd son privilège
de juridiction.

[Texte] Page 145


46
La voie de fait répond à deux conditions : une violation grave de la légalité et
une atteinte au droit de propriété privée, mobilière ou immobilière, ou à une
liberté fondamentale entendue au sens large (liberté individuelles, de la presse,
d’association). Elle peut consister en l’exclusion forcée irrégulière d’une
décision elle-même régulière. (T. conf., 1902, Sté immob. De Saint-Just) ou en
agissement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’Administration.

Le juge judiciaire a seul compétence pour constater, faire cesser, réparer,


prévenir la voie de fait, écarter un règlement gravement illégal (T. confl., 30
Oct. 1947, Barinstein).

- L’appréciation de la légalité et l’interprétation des actes


administratifs par le juge judiciaire

Le principe de séparation interdit normalement au juge judiciaire de connaître


des actes administratifs. Totale en ce qui concerne l’annulation ou la
réformation de tels actes, l’interdiction connaît des exceptions pour
l’interprétation et l’appréciation de légalité. Saisi d’une affaire relevant de sa
compétence, mais qu’il ne peut régler sans interpréter ou apprécier la légalité
d’un acte administratif, le juge judiciaire résout lui-même la question si elle
constitue une question préalable, sursoit à statuer jusqu’à ce que le juge
administratif l’ait résolu si elle constitue une question préjudicielle.

a) Les pouvoirs du juge civil

En application de la jurisprudence Septfonds (T. cofil., 16 Juin 1923), le juge civil


peut interpréter les règlements mais ne peut ni interpréter les actes
administratifs, règlementaires ou non.

b) Les devoirs du juge pénal

L’article 111-5 du code pénal français donne compétence au tribunal statuant


en matière répressive pour interpréter les actes administratifs, réglementaires
ou non, et en apprécier la légalité, « lorsque, de cet examen, dépend la solution
du procès pénal qui lui est soumis ». la compétence du juge pénal ne s’exerce
que lorsqu’est encourue une sanction proprement pénale (Cass. Crim. 11 Juil.
1994, Fadaouche).

[Texte] Page 146


47

Chapitre II. LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

Institutionnellement rattachée au pouvoir exécutif, la juridiction administrative


n’a jamais appartenu au pouvoir judiciaire. Elle a reçu un statut constitutionnel
grâce au recours aux PFLR (Const., 22 juill. 1980 ; 23 janv. 187 ; 28 juill. 1989).
Le législateur, compétent pour créer ou supprimer des juridictions, n’a pas
compétence pour supprimer la juridiction administrative et ne peut porter

[Texte] Page 147


48
atteinte à son indépendance. Chaque ordre des juridictions a ses compétences
propres. Celles de la juridiction administrative résultent du principe de valeur
constitutionnelle qui lui réserve le contentieux de l’annulation et de la
réformation des actes administratifs. Mais le législateur peut attribuer toute
une matière à l’un ou l’autre ordre de juridictions, « dans l’intérêt d’une bonne
administration de la justice », à condition de ne pas vider le principe de toute
sa portée.

Le droit congolais s’est largement inspiré du droit français sur la question. Et en


attendant l’installation des juridictions administratives prévues par la
Constitution du 18 Février 2006, ce sont la Section administrative de la Cour
Suprême de Justice et la Section administrative de la Cour d’Appel qui font
office des juridictions administratives de droit commun en vertu des articles
223 et 224 de la Constitution du 18 Février 2006 tandis que la Cour des
comptes et la Section judiciaire de la Cour d’Appel tiennent lieu des juridictions
administratives spécialisées.

1. L’organisation des juridictions administratives

L’ordre juridictionnel administratif apparaît diversifié. Les juridictions


générales, hiérarchisées en trois degrés, côtoient des juridictions spéciales. Les
règles de compétence de la juridiction administrative relèvent du domaine
législatif. Certaines règles de procédure contentieuse sont du domaine
législatif, voie constitutionnel, mais l’essentiel d’entre elles relève du domaine
réglementaire.

1. LE CONSEIL D’ETAT

1° Organisation et fonctionnement

C’est la plus haute juridiction d’ordre administratif. Elle comporte une Section
consultative et une Section d u contentieux.
Les fonctions contentieuses du Conseil d’Etat, exercées au sein de la section du
contentieux, dont le président est assisté de trois présidents adjoints, peuvent
être remplies par plusieurs formations.
Le Conseil d’Etat comprend un Premier Président, des Présidents et des
Conseillers.

Il est institué un organe de réflexion et de décision appelé « Bureau du Conseil


d’Etat ». Il est composé du Premier Président, du procureur Général, des
Présidents et des premiers Avocats Généraux.

[Texte] Page 148


49

Le commissaire du gouvernement est un membre du Conseil d’Etat,


généralement un maître des requêtes, chargé de prononcer, en toute
indépendance, devant la formation de jugement, des conclusions proposant
une solution à l’affaire, que la juridiction reste libre d’apprécier. En droit
congolais, le projet de loi prévoit à la place le Procureur Général.
Le Conseil d’Etat connait de la cassation en matière administrative ; et cela est
une première en droit congolais.

2° La compétence du conseil d’Etat

Essentiellement juge d’attribution, il statue à plusieurs titres : en premier et


dernier ressort, en appel, en cassation et sur renvoi des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel.

a) Le Conseil d’Etat, juge premier et dernier ressort

Certains litiges relèvent directement du Conseil d’Etat en raison de leur


importance (recours contre les décrets et ordonnances, litiges relatifs à la
situation individuelle des fonctionnaires nommés par Ordonnance du Président
de la République, recours contre les actes réglementaires des ministres et les
actes des ministres pris obligatoirement après avis du Conseil d’Etat).

En relèvent les litiges directement pour lesquels il est impossible de trouver en


premier ressort un tribunal administratif compétent (litige né hors des
territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs, recours contre
les décisions prises par les organismes collégiaux à compétence nationale).
Si un tribunal administratif est saisi à la place du Conseil d’Etat, ou
inversement, l’affaire est renvoyée à la juridiction compétente par celle saisie à
tort.

b) Le conseil d’Etat, juge d’appel

Le Conseil d’Etat est juge d’appel des jugements rendus par les tribunaux
administratifs ou les Cours Administratives d’Appel.

c) Le conseil d’Etat, juge d’appel

Le Conseil d’Etat connaît des recours en cassation dirigés contre les décisions
rendues en dernier ressort par toutes les juridictions administratives.

[Texte] Page 149


50

d) Le conseil d’Etat, juge de renvoi

Un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel, rencontrant une


question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans
des nombreux litiges, peut la renvoyer au Conseil d’Etat, qui rend sur elle un
avis.

3° Le règlement des difficultés de compétence entre les deux ordres de


juridictions

La répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions relève du


législateur. Dans le silence de la loi, les tribunaux procèdent eux-mêmes au
partage des compétences. Des confits de compétence peuvent survenir et c’est
le Conseil d’Etat qui va les résoudre. Il peut être saisi des conflits d’attribution
positifs ou négatifs et de dénis de justice.

a. Le Conflit positif

Il se produit lorsque l’administration entreprend de dessaisir le juge judiciaire


d’un litige auquel elle est partie.

b. Le Conflit négatif et sa prévention

Les deux ordres de juridictions saisis du même litige se déclarent tous deux
incompétents. Le plaideur saisit le Conseil d’Etat, qui annule le jugement
d’incompétence rendu à tort.

c. Le déni de justice

Des juridictions des deux ordres ont rendu au fond, sur le même litige, des
décisions inconciliables, privant le plaideur d’une satisfaction à laquelle il a le
droit. Il saisit le Conseil d’Etat qui juge au fond.

2. LES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL

Il est institué une ou plusieurs Cours Administratives d’Appel dans le ressort de


chaque Province ainsi que dans la Ville de Kinshasa.

[Texte] Page 150


51
La Cour Administrative d’Appel est composée d’un Premier Président, d’un ou
de plusieurs Présidents et des Conseillers. Elle comporte la Section
consultative et la Section du contentieux.
Le projet de loi organique portant organisation, fonctionnement, compétence
et procédure des juridictions de l’ordre administratif prévoit que la Cour
Administrative d’appel siège avec l’assistance d’un greffier et le concours du
Ministère Public. Et l’article 224 de la Constitution du 18 Février 2006 dispose
que « en attendant l’installation des juridictions de l’ordre administratif, les
Cours d’Appel exercent les compétences dévolues aux Cours Administratives
d’Appel.
Les Cours Administratives d’Appel sont juges d’appel de droit commun des
jugements des tribunaux administratifs.

3. LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Il est prévu l’institution d’un ou de plusieurs Tribunaux administratifs dans


chaque Ville et dans chaque Territoire. Le Tribunal Administratif comprend une
chambre consultative ou d’avis et une chambre du contentieux. Le tribunal
Administratif est composé d’un Président et des juges. Le Tribunal Administratif
siège avec l’assistance d’un Greffier et le concours du Ministère Public. Les
Tribunaux Administratifs connaissent de l’exécution de toutes décisions de
justice, à l’exception de celle des arrêts du Conseil d’Etat qui est de la
compétence de ce dernier.

Les affaires sont jugées, comme dans les cours, dans des conditions similaires à
celles du Conseil d’Etat, malgré la diversification, beaucoup moins grande des
formations de jugement. Les affaires sont jugées par une chambre ; à titre
exceptionnel, en formation plénière.

Le projet de loi organique répartit les compétences entre juridictions


administratives.

La compétence des tribunaux administratifs est générale. Leur compétence


territoriale est plus délicate à discerner que leur compétence matérielle.

a) Compétence matérielle

Ils sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux


administratif. Sauf si une disposition attribue compétence à une autre

[Texte] Page 151


52
juridiction, les différents en matière administrative doivent être portés devant
un tribunal administratif.

Leurs jugements sont susceptibles d’appel en principe devant une cour


administrative d’appel, plus rarement devant le Conseil d’Etat.

b) Compétence territoriale

Chaque tribunal dispose d’un ressort territorial, déterminé par la loi organique.
En principe, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel a légalement
son siège l’autorité auteur de la décision attaquée ou signataire du contrat
litigieux. En fait, le principe ne s’applique que si aucune exception ne peut
jouer. Le tribunal compétent est soit celui du lieu où se trouve le requérant
(mesure de police, litige concernant les agents publics, ou relatif à la
reconnaissance d’une qualité), soit celui du lieu d’exercice de l’activité litigieuse
(litige relatif à l’exercice d’une profession, à une élection, contrat), soit celui du
lieu de situation des biens en cause (dommage des travaux publics, permis de
construire ou de démolir, litige relatif aux monuments, sites ou déclarations
d’utilité publique).

Un tribunal saisi à tort doit demander au président de la section du contentieux


du Conseil d’Etat de désigner la juridiction administrative compétente.

4. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

La compétence des juridictions administratives spéciales s’exerce à propos des


litiges particuliers. On citera, parmi les principales, la Cour des comptes et la
Cour de discipline budgétaire et financière.

Chapitre 3 : LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

L’ensemble des règles permettant de faire trancher par les juridictions


administratives les différends d’ordre administratif constitue le contentieux
administratif.

[Texte] Page 152


53
Section 1 : Les différents recours contentieux

Depuis Edouard Laferrière, on distingue traditionnellement quatre


contentieux : de l’annulation, de la pleine juridiction, de l’appréciation de
légalité et de l’interprétation de la répression.

A. Les recours en annulation

Ils visent à contester devant le juge un acte, dont ils tendent à obtenir
l’annulation. Le recours pour excès de pouvoir est l’action par laquelle tout
intéressé peut demander au juge administratif l’annulation d’un acte
administratif unilatéral qu’il estime illégal. Ouvert contre tous les actes
administratifs unilatéraux, même si aucun texte ne le prévoit et même si un
texte exclu tout recours contre l’acte (CE, 17 Févr. 1950, D me Lamotte), il
constitue le recours en annulation par excellence.

a) Conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir

En principe, seuls les actes administratifs unilatéraux sont susceptibles de ce


recours, qui doit être formé dans le respect des règles de procédure, par une
personne ayant qualité à agir et intérêt à obtenir l’annulation de l’acte.

En sont exclus les actes législatifs, les actes de gouvernement, les traités
internationaux et les actes émanant de l’administration mais ne constituant pas
des décisions exécutoires (mesures d’ordre intérieur ; circulaires…), ainsi que
les contrats, sauf ceux des collectivités territoriales portant engagement
d’agents contractuels, attaquables par les tiers) et les dispositions
réglementaires des contrats.

Le requérant doit justifier d’un intérêt à agir, résultant d’une qualité ou d’un
titre particulier (contribuable local, usager d’un service public, électeur…). La
qualité résulte parfois de l’intérêt (intérêt d’un campeur à faire annuler une
réglementation du camping, d’un hôtelier un arrêté fixant les dates de
vacances scolaires…). Mais un lien suffisamment direct doit exister entre l’acte
attaqué et la situation du requérant, ce qui explique notamment les conditions
de recevabilité plus restrictives mises aux recours des groupements.

Le recours est enfermé dans un délai de trois mois et dispensé du ministre


d’avocat en première instance.

[Texte] Page 153


54
L’existence d’un recours parallèle l’exclut : le requérant qui dispose d’une autre
procédure lui permettant de résoudre le litige doit utiliser cette dernière
(recours de plein contentieux en matière électorale et fiscale).

b) Les Cas d’ouverture

Classiquement, on distingue quatre cas d’ouverture ou chefs d’illégalité :


l’incompétence, le vice de forme et de procédure, la violation de la loi et le
détournement ce pouvoir.

La compétence est l’aptitude d’une autorité à édicter un acte.


1° L’incompétence est un moyen d’ordre public, que le juge peut soulever
d’office et le requérant invoquer après l’expiration du délai de recours. Elle
peut être matérielle, l’auteur de la décision intervenant dans les compétences
d’une autre autorité ; territoriale, l’auteur de l’acte intervenant dans un lieu qui
ne se trouve pas dans son ressort ; temporelle, l’auteur de l’acte intervenant
alors qu’il n’est pas encore, ou n’est plus, en fonction.

2° Le vice de forme ou de procédure consiste en ce que l’acte a été pris sans


qu’aient été respectées, ou correctement respectées, diverses formalités et
procédures prescrites (défaut de consultation d’un organisme, consultation
irrégulière, irrespect du principe du contradictoire, défaut de motivation).
Cependant, la méconnaissance d’une formalité obligatoire n’entache l’acte
d’illégalité que si cette formalité est substantielle, si son observation ou son
observation a pu avoir des conséquences sur le fond de l’acte. De même, le
juge ne censure pas l’irrespect d’une procédure impossible (organisme à
consulter disparu ou refusant de donner son avis).

3° La violation de la loi se décompose en plusieurs illégalités. Le juge censure


toujours l’erreur de droit, qui est le fait de justifier un acte par une
considération juridique qui ne pouvait jouer (fausse interprétation ou fausse
application de la loi, de donner à un texte ou un principe un sens erroné,
application d’un texte illégal, ce qui rejoint le défaut de base légale, fait de
fonder un acte sur un texte qui ne saurait lui servir de base). Le juge censure
également l’erreur matérielle, ou inexactitude matérielle des faits (CE, 14 Janv.
1916, Camino : révocation d’un maire fondée sur un comportement qu’il
n’avait pas eu ; 20 Janv. 1922, Trépont : mise en congé d’un préfet «  sur sa
demande », alors qu’il n’avait rien demandé). Là s’arrête le contrôle minimum,
qui porte sur les actes pris dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire. Pourtant,
ce pouvoir rencontre souvent la limite de l’erreur manifeste d’appréciation, qui

[Texte] Page 154


55
consiste dans la caractère à l’évidence déraisonnable, déréglé, de l’acte (CE, 20
Mars 1968, Sté du lotissement de la plage de Pampelonne).

Avec le contrôle de la qualification juridique des faits, qui doivent être de


nature à justifier la décision, correspondre à la définition légale qu’en a donné
l’auteur de l’acte, on passe au contrôle normal. Le juge classe les faits existants
dans une catégorie juridique, afin de leur appliquer des conséquences de droit.
Le contrôle de la qualification juridique des faits s’analyse comme un contrôle
sur les motifs de fait de la décision.
Le contrôle maximum comprend en plus l’appréciation du bilan coût-avantages
de l’acte, bilan qui doit être positif pour que l’acte soit légal (CE, 28 Mai 1971,
Ville Nouvelle de Lille Est). Enfin, la violation de la loi comporte à la règle de
droit applicable. Ainsi, les mesures de police doivent être adaptées aux dangers
que l’activité réglementée fait courir à l’ordre public (CE, 19 Mai 1933,
benjamin). Le juge ne contrôle pas toujours l’adéquation des mesures aux faits
(en matière disciplinaire, il ne vérifie pas le contenu de la sanction, mais ici
aussi l’erreur manifeste d’appréciation peut être censurée : CE, 9 Juin 1978,
Lebon). En revanche, le juge contrôle toujours la conformité du contenu de
l’acte à la règle de droit applicable, ou violation d’une norme juridique.

4° Le détournement de pouvoir censure le but illégal poursuivi par l’auteur de


l’acte. Il consiste en l’usage, par une autorité, de ses pouvoirs dans un but que
celui pour lequel ils lui ont été attribués (CE, 26 Nov. 1875, Pariset : utilisation
du pouvoir de police à des finis financières, but d’intérêt général, mais différent
de celui prévu par les textes ; intérêts privés : 14 Mars 1934, DIIe Rault : intérêt
personnel ; -6 Janv. 1967, Boucher : intention de nuire). Cette illégalité peut
prendre la forme du détournement de procédure, à des find publiques ou
privées (CE, 24 Juin 1960, Sté Frampar : utilisation d’une procédure, plus simple
ou plus rapide, à la place d’une autre ; 6 Juin 1947, Sté provençale des
constructions navales : procédure plus économique).
Ce contrôle est subjectif. Le juge recherche les intentions de l’auteur de l’acte,
les mobiles qui l’ont animé. Contrôle de la moralité administrative, le juge
l’utilise rarement, si aucun autre moyen ne lui permet d’annuler l’acte.

c) L’issue de recours pour excès du pouvoir

Le rejet intervient soit parce que les conditions de recevabilité ne sont pas
remplies, soit parce qu’aucun des moyens invoqués par le requérant et aucun
moyen d’ordre public ne justifie l’annulation. La décision est revêtue de

[Texte] Page 155


56
l’autorité relative de la chose jugée. L’acte pourrait être annulé ou déclaré
d’illégal à l’occasion d’un autre recours.

L’annulation est prononcée lorsque le juge constate l’illégalité de l’acte. Elle est
partielle si l’illégalité n’affecte qu’un aspect, divisible du reste de l’acte ; totale
si l’acte est entièrement illégal ou si un de ses aspects, indivisibles du reste,
l’est.

L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est
réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif
de l’annulation est de nature à emporter des situations qui ont pu se constituer
lorsqu’il était en vigueur que ce l’intérêt général pouvant s’attacher à un
maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de
prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de
l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre
part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du
droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des
effets de l’annulation.

L’arrêt rendu en dernier ressort est revêtu de l’autorité absolue de la chose


jugée, a effet rétroactif et à l’égard de tous. L’administration doit tirer les
conséquences qu’implique l’annulation ; est contraire à la constitution et
méconnait le principe de séparation des pouvoirs une disposition qui a pour
principal objet de priver d’effet un arrêt du Conseil d’Etat.

B. Les autres recours contentieux

a) Les recours en réparation

Appartement au plein contentieux, ils visent à faire condamner l’administration


à indemniser la victime d’un dommage dont elle est responsable.

Lorsqu’une personne est liée à l’administration par contrat, les litiges qui
l’opposent à celle-ci sont en principe réglés dans le cadre du plein contentieux.
En général, le cocontractant ne peut qu’obtenir la condamnation de
l’Administration à lui verser des indemnités. Le contentieux contractuel permet
aussi la constatation de la nullité et la résiliation du contrat par le juge.

[Texte] Page 156


57
La victime d’un dommage causé par l’Administration indépendamment de tout
contrat peut obtenir une indemnité conformément aux principes de la
responsabilité administrative.

b) Les recours en appréciation de légalité et en interprétation

Les recours en appréciation de légalité, ou de validité, s’exerce sur renvoi des


juridictions judiciaires, qui se heurtent à la question de la légalité d’un acte
administratif, qu’elles ne peuvent trancher en raison du principe de séparation
des autorités, à l’occasion d’un procès dont elle sont compétemment saisies. Le
juge judiciaire sursoit à statuer jusqu’à ce que le juge administratif, saisi de la
question préjudicielle par la partie la plus diligente, déclare l’acte légale ou
illégal.

Les recours en interprétation se présente soit comme des recours en


appréciation de légalité, soit comme des recours directs, intentés en dehors de
tout procès : l’Administration et un administré s’opposant sur le sens à juge
administratif d’en indiquer le sens.

c) Les recours en réformation

Ce sont les contentieux fiscal, électoral, des établissements dangereux,


incommodes et insalubres. A l’occasion de ces recours, le juge a le pouvoir de
substituer sa propre décision à celle de l’Administration. Seule la loi peut les
prévoir.

d) Les recours réservés à l’Administration

Le contentieux de la répression sanctionne les atteintes portées à certaines


dépendances du domaine public (contraventions de grande voirie) ou les fautes
commises par certaines catégories de personnes (membres de certaines
professions, ordonnateurs, enseignants).

Le contentieux des édifices menaçant ruine permet à l’administration de


demander au juge de l’autoriser à ordonner une mesure au propriétaire et
d’autoriser le maire à y faire procéder d’office aux frais du propriétaire qui ne
s’exécute pas. Le CSA peut demander au président de la section du contentieux
du conseil d’état de prononcer une astreinte afin de contraindre les organismes
de radin ou de télévision à respecter leurs obligations.

[Texte] Page 157


58
2. La procédure contentieuse

A. La saisine du juge

a) La décision préalable

« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être


saisie que par voie de recours formé contre une décision ». Faute de décision,
le contentieux n’est pas lié. Il appartient donc à l’intéresse de provoquer une
décision. Exigence qui joue surtout dans le contentieux de la réparation. Le
silence gardé par l’Administration sur la demande pendant trois mois vaut
décision implicite de rejet de celle-ci, ce qui permet de saisir le juge

b) Les délais de recours

Le délai, qui est général de trois mois à compter de l’accomplissement régulier


de la publicité dont l’acte doit faire l’objet, court de la publication, sur papier
ou sous forme électronique, ou de la notification de la décision implicite de
rejet, de l’expiration d’un délai de deux mois de silence. Une décision expresse
de rejet intervenue dans le délai de recours (de trois mois) ouvre un nouveau
délai à compter de sa notification.

Dans le plein contentieux, le requérant n’est forclos qu’à l’expiration d’un délai
de trois mois courant de la notification d’une décision expresse de rejet, ou
lorsqu’il y a prescription quadriennale. Dans tous les cas où est demandée
l’indemnisation du préjudice résultant de l’illégalité d’une décision
administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché à l’exercice au
cours duquel la décision a été régulièrement notifiée.

Les délais de recours ne sont opposables aux administrés qui ont adressé une
demande a l’Administration que si la notification de la décision envoyée en
réponse indique les voies de recours et délais contre celle-ci.

L’expiration du délai entraîne la forclusion du recours et gèle son étendue. Si le


requérant n’a invoqué dans le délai que des moyens de légalité externe, il ne
peut plus invoquer, une fois le délai expiré, des moyens de légalité interne, et
réciproquement.

c) La présentation de la requête

[Texte] Page 158


59
La requête doit contenir l’objet de la demande, le nom et domicile du
requérant, être assortie de la décision attaquée. Le ministère d’avocat,
nécessairement un avocat aux Conseils devant le Conseil d’Etat, est obligatoire
en principe, mais il existe des cas de dispense.

- Les procédures d’urgences

Certaines mesures sont susceptibles d’être obtenues rapidement du juge. Le


référé suspension permet au juge des référés – le président de la juridiction ou
un magistrat délégué par lui – d’ordonner la suspension d’une décision
administrative, même de rejet, ou de certains de ses effets seulement. La
décision doit faire l’objet d’une requête en annulation ou en réformation. Une
demande de suspension doit être présentée au juge, il doit y avoir urgence et le
requérant doit prouver l’existence d’un moyen propre à créer, en l’état de
l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. La procédure
est utilisable même si la décision revêt un caractère pécuniaire. Le juge des
référés ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de l’Administration,
ni ordonner des mesures irréversibles et non provisoires.

Le référé injonction ou référé liberté permet au juge, saisi par tout intéressé,
d’ordonner, dans un délai de 48 heures, toutes mesures nécessaires à la
sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne publique ou
privée gestionnaire d’un service public aurait porté une atteinte grave et
manifestement illégale. Il doit y avoir urgence.

Le référé conservatoire permet au juge des référés, en cas d’urgence et sur


simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision
administrative préalable, d’ordonner toute autre mesure utile à prévenir
l’aggravation d’une situation dommageable, la prolongation d’une situation
illicite, à protéger les droits d’une partie, sans faire obstacle à l’exécution
d’aucune décision administrative.

L’appel n’est possible que contre les ordonnances rendues sur référé liberté ;
dans les autres cas, seul le pourvoi en cassation est ouvert.

- L’instruction

Elle est inquisitoire et contradictoire. Le juge dirige le procès, détermine les


mesures à prendre décide des expertises et des enquêtes ; il aide le requérant
à la manifestation de la preuve. Face à des présomptions sérieuses alléguées

[Texte] Page 159


60
devant lui, il demande à l’Administration de produire les documents
susceptibles d’établir sa conviction et, faite de réponse, regarde comme établie
l’affirmation du requérant. Il demande même à l’administration d’indiquer les
raisons pour lesquelles l’acte a été pris.

Le principe du contradictoire implique que les parties aient connaissance de


tous les mémoires et documents produits par les autres et disposent d’un délai
suffisant pour les étudier et y répondre. On trouve là une application du
principe des droits de la défense.

- La décision et son exécution

Le juge clôt l’instruction. L’audience doit être publique et peut donner lieu à
des plaidoiries, de portée limitée en raison du caractère écrit de la procédure.
Les conclusions, oracles, du commissaire du gouvernement ont souvent un
aspect déterminant. Le juge ne peut statuer au-delà des conclusions du
requérant, sauf à soulever d’office un moyen d’ordre public, dont il doit
auparavant informer les parties. Les pouvoirs du juge varient selon la nature du
contentieux. La décision juridictionnelle bénéfice, sous certaines conditions, de
l’autorité de la chose jugée. Seul l’exercice des voies de recours permet sa
remise en cause.

Chacun doit respecter le jugement et en tirer les conséquences. Le préfet peut


aller jusqu’à faire vendre les biens d’une collectivité territoriale, sauf motif
d’intérêt général, pour faire exécuter une décision de justice. Lorsqu’un
jugement ou un privé chargé de la gestion d’un service public prenne une
mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction administrative, saisie
de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d’un
délai d’exécution (art. L. 911-1, C. just. Adm). Lorsque la décision impliquée
nécessite un nouvel examen du dossier, le juge prescrit que cette nouvelle
décision doit intervenir dans un délai qu’il détermine le requérant doit indiquer
précisément les mesures qu’il entend voir ordonnées.

Les voies de recours

Les plus importantes sont l’appel et le pourvoi en cassation. Revêtent une


moindre importance : l’opposition, la tierce-opposition, les recours en révision,
recours en rectification d’erreur matérielle et recours dans l’intérêt de la loi.

a) L’appel

[Texte] Page 160


61

Il permet de demander à une juridiction supérieure de réformer le jugement


rendu par une première juridiction. Saisi par l’effet dévolutif de l’appel, le juge
d’appel revoit l’ensemble du dossier, y compris les éléments non traités en
premier ressort. Le délai d’appel est normalement de deux mois à compter de
la notification du jugement. N’étant pas suspensif, l’appel peut être assorti
d’une demande de sursis à exécution. Lorsque le jugement l’a condamné au
paiement d’une somme d’argent, l’appelant peut obtenir le sursis si l’exécution
risque de l’exposer à la perte définitive d’une somme qui ne devrait pas rester
à sa charge en cas de réformation du jugement. Lorsque le jugement a annulé
un acte pour excès de pouvoir, le sursis peut être ordonné si les moyens
invoqués par l’appelant paraissent sérieux et de nature à justifier l’annulation
du jugement et le rejet des conclusions accueillies en premier ressort. Dans les
autres cas, il peut être si les moyens paraissent sérieux et si l’exécution du
jugement risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables.

b) Le pourvoi en cassation

Il peut être formé devant le Conseil d’Etat contre toutes les décisions rendues
en dernier ressort par des juridictions administratives, même si aucun texte ne
l’a prévu. Il porte essentiellement sur les arrêts des cours administratives
d’appel. Le pourvoi doit être formé dans le délai de deux mois de la notification
de la décision et n’a pas d’effet suspensif – le sursis à exécution peut être
demandé, dans des conditions semblables à celles des jugements frappés
d’appel. S’il prospère, l’affaire est renvoyée aux juridictions normalement
compétentes, mais le Conseil d’Etat peut régler lui-même l’affaire au fond « si
l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». Cette solution s’impose si
l’affaire donne lieu à un second pouvoir en cassation. Le contrôle du juge de
cassation porte sur l’incompétence, le vice de forme, la violation de la loi, la
matérialité et la qualification juridique des faits, mais non sur l’appréciation des
faits et le détournement de pouvoir.

[Texte] Page 161


62
Chapitre V. LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

L’administration doit, dans certaines conditions, réparer les dommages que son
activité peut causer. L’arrêt Blanco pose le principe de l’autonomie de la
responsabilité administrative par rapport au droit privé. S’il existe plusieurs
régimes de responsabilité, celle-ci ne saurait être engagée que dans le respect
des conditions communes.

Le principe de la responsabilité de la puissance publique s’impose lentement à


partir de la fin du XXème siècle. « La responsabilité qui peut incomber à l’Etat
pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il
emploie dans le service public n’est ni générale ni absolue… ; elle a ses règles
spéciales » (arrêt Blanco).

Cette responsabilité est autonome par rapport au Code civil. Aujourd’hui les
régimes spéciaux de responsabilité d’origine législative se sont multipliés. De
plus, nombreux sont les services publics soumis au droit privé ; la
responsabilité personnelle des fonctionnaires en relève également. La
responsabilité est partagée entre l’Administration et ses agents.

Dans tous les cas, le préjudice, pour être indemnisé, doit être certain et
évaluable en argent. Une relation de cause à effet doit être démontrée entre le
fait dommageable et le préjudice. La faute de la victime, le fait d’un tiers, la
force majeure et parfois le cas fortuit, constituent des causes étrangères,
exonérant totalement ou partiellement l’administration de sa responsabilité.
L’Etat n’est pas responsable de l’application d’une décision communautaire.
Certains préjudices ne peuvent ouvrir droit à indemnisation ; le fait qu’un
médecin ou un hôpital ait tenté de sauver la vie d’un patient.

Le droit à réparation s’ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui est


directement la cause du dommage.

Le préjudice doit être intégralement réparé. Un patient dans un état végétatif


profond et irréversible a droit à l’indemnisation de son préjudice physique et
de son préjudice d’agrément de la part de l’hôpital responsable de son état.
L’évaluation des dommages aux biens se fait à la date où, leur cause ayant pris
fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à
les réparer, celle des dommages aux personnes s’effectue de façon à couvrir
l’intégralité du préjudice tel qu’il apparaît en principe à la date du jugement
(CE, 21 Mars 147, Dme we Aubry).

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1. La responsabilité personnelle des fonctionnaires

Le dommage causé par l’administration trouve fréquemment son origine dans


le fait d’un ou de plusieurs agents de l’administration. Le système ancien de la
« garantie des fonctionnaires » obligeant à obtenir l’autorisation du Conseil
d’Etat pour poursuivre un fonctionnaire ayant été aboli par le décret du 19
septembre 1870, le Tribunal des conflits bâtit un système qui conduit à
distinguer la faute personnelle de la faute de service (T. conflit, 30 Juill. 1873,
Pelletier). Il est possible d’attaquer un fonctionnaire personnellement devant le
tribunal judiciaire, à condition que le litige ne porte pas sur le fonctionnement
de l’administration. Dans l’hypothèse inverse, le litige du juge administratif et
l’action doit être dirigée contre l’administration.

- La faute personnelle et la faute de service

La faute personnelle est détachable du service, des fonctions administratives.


Elle relève « l’homme avec ses faiblesses, ses imprudences » (Laferrière). Elle
peut être dépourvue de tout lien avec le service, commise sous l’empire d’un
mobile strictement personnel (vengeance, haine) ; commise en dehors du
service mais non dépourvue de tout lien avec lui (commise à l’occasion du
service, ou en dehors de celui-ci mais avec des moyens procurés par le service :
véhicule de service détourné par un chauffeur à des fins personnelles,
négligence commise avec une arme de service régulièrement détenue et
exposant les tiers à des risques particuliers de dommage) ; enfin, commise dans
l’exercice des fonctions mais détachables des celles-ci intellectuellement (acte
de pure malveillance, excès de comportement, violences, faute d’une très
grande gravité). La publicité de certains propos n’est pas constitutive d’une
faute personnelle dès lors qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une information et ne
révèle pas une animosité personnelle ou une intention malicieuse (T. confl., 17
Nov. 2003, Préf. Gironde ; 15 Nov. 2004, Préf. Hauts-de-Seine). La faute de
l’agent public constituer une infraction pénale, mais n’est pas nécessairement
pour autant une faute personnelle (T. confl, 14 Janv. 1935, Thé Paz).

La faute personnelle engage la responsabilité de l’agent sur le fondement de


l’article 258 du code civil. La victime poursuit l’agent devant le juge judiciaire,
qui ne peut décliner sa compétence. La faute de service est une faute
professionnelle. Elle relève un administrateur plus ou moins sujet à erreur. En
pratique, les victimes lorsqu’elles peuvent joindre une action civile à l’action
pénale.

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Les théories du cumul et les actions récursoires

Les théories du cumul permettent d’agir contre l’Administration dans de


nombreux cas où a été commise une faute personnelle.

Le cumul de faute suppose que deux fautes distinctes aient été commises :
plusieurs fautes, les unes personnelles et les autres de service, peuvent être
décelées à l’origine d’un seul et même dommage. La théorie est utilisée
lorsqu’une faute de service (souvent un défaut de surveillance) a donné à
l’agent l’occasion de commettre une faute personnelle (CE, 3 Févr. 1911,
Aguet). Engage, outre la responsabilité personnelle de l’intéressé, celle de l’Etat
en raison des actes et agissement illégaux, et donc fautifs, de l’administration
de Vichy ayant permis et facilité, indépendamment de l’action de l’intéressé,
les opérations qui ont été le prélude à la déportation de certaines personnes
(CE, ass., 12 Avr. 2002, Papon). La victime peut, à sa convenance, demander
réparation intégrale à l’administration devant le juge administratif ou à l’agent
responsable devant le juge judiciaire.

Le cumul de responsabilités se réalise lorsque le dommage est causé par une


seule faute, présentant les caractères d’une faute personnelle, mais qui n’a été
rendue possible que par la mise à la disposition de l’agent de moyens, de
pouvoirs ou d’instruments, par le service (CE, 26 Juill. 1918, Epx Lemonnier ; 2
Mars 2007, Sté Banque frçse comm. De l’Océan Indien). La faute constitue à la
fois une faute personnelle et une faute de service. La victime peut, à son choix
demander réparation à l’administration ou à l’agent, ou agir successivement
contre les deux, afin d’obtenir une réparation intégrale. Cette possibilité joue
cas de faute personnelle commise en dehors du service mais avec les moyens
que le service a mis à la disposition de l’agent (CE, 18 Nov. 1949, Dalle Mineur ;
asse 26 Oct. 1973, Sadoudi).

Les actions récursoires permettent à la personne condamnée à la place de


l’autre de se retourner contre cette dernière afin d’obtenir qu’elle lui verse la
part qu’elle lui doit. L’action récursoire de l’administration contre ses agents
est admise lorsque la personne publique a réparé un dommage causé, en tout
ou partie, par une faute personnelle (CE, ass 28 Juill.1951, La ruelle).

En cas de cumul de responsabilités, l’agent fautif peut se voir déclamer la


totalité de l’indemnité. Le contentieux de l’action récursoire relève de la
juridiction administrative. Si la faute de service a été provoquée par l’agent
auteur de la faute personne publique ne peut réclamer l’entier remboursement

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65
à l’un d’eux seulement ; ils ne sont pas tenus solidairement. Chacun n’est tenu
que dans la mesure où sa faute a contribué au dommage (CE, sect., 11 Mars
1957, Jeannie ; sect., 19 Juin 1959, Moritz).

Si un fonctionnaire est poursuivi devant le juge judiciaire en raison d’un


dommage dû à une faute de service, le tribunal doit se déclarer incompétent
ou le préfet élever le conflit. A défaut, l’agent condamné peut demander au
juge administratif de condamner à rembourser les sommes qu’il a payées (CE,
ass., 28 Juill. Delville). Ce contentieux est administratif.

2. Responsabilité pour faute

En principe, la responsabilité de l’Administration n’est engagée que si le


dommage trouve son origine dans un comportement fautif du service public. La
faute est une défaillance dans l’organisation ou le fonctionnement du service ;
elle peut consister dans un acte matériel ou juridique, résulter d’une action
positive, d’un retard, d’une abstention, d’une négligence, être anonyme ou
collective (faute du service) pi imputable à un individu précis (faute de service).
Un acte légal peut engager la responsabilité administrative ; une illégalité ne
constitue pas forcément une faute de nature à l’engager.

La faute simple suffit en principe pour engager la responsabilité de la personne


publique.

Mais dans les domaines ou situations délitas, une faute lourde est exigée :
police administrative, à l’égard de tiers, pour défaut de surveillance (CE, 23
Mars 1946, Caisse adaptable d’ass. Soc. De Meurthe-et-Moselle), services
fiscaux, en matière de surveillance et de contrôle des établissements de crédit
par la Commission bancaire (CE, ass., 30 Nov. 2001, Kechichian). Si le préfet
s’abstient d’utiliser ses pouvoirs de tutelle sur une collectivité territoriale pour
assurer l’exécution d’une décision juridictionnelle passée en force de chose
jugée, le créancier peut se retourner contre l’Etat en cas de faute lourde (CE,
27 Déc. 1948, Cne de Champiny-sur-Maene ; 6 Oct. 2000, Cne de Saint-Florent).
Si le préfet a légalement refusé de prendre les mesures nécessaires, la
responsabilité de la puissance publique peut être engagée sans faute si le
préjudice revêt un caractère anormal et spécial (CE, sect., 18 Nov. 2005, Sté
fermière de Camploro).

3. La responsabilité sans faute

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La responsabilité administrative est dans certains cas engagée de plein droit,
sans faute, dès qu’un lien de causalité apparaît entre une activité
administrative et un dommage. Ainsi, l’absence d’un médecin lorsque survient
une dystocie pendant un accouchement engage la responsabilité du service
public hospitalier (CE, sect., 27 Juin 2005, M. et Mme Guechtati). La victime
doit seulement prouver ce lien de causalité. Le fait du tiers et le cas fortuit
n’ont pas de conséquence sur la responsabilité, qui est d’ordre public. La
victime peut s’en prévaloir en tout état de la procédure et le juge est tenu de
statuer d’office en se plaçant sur ce terrain. Cette responsabilité est objective,
ce station et l’adoption du principe de responsabilité sans faute n’interdit pas
automatiquement à la victime de rechercher la responsabilité de l’auteur du
dommage (CE, 27 Févr. 2002, A.P. Marseille, Fonds d’indemnisation des
transfusés et hémophiles : contamination par le virus du SIDA à l’occasion de
transfusons sanguines). Ce régime reste pourtant dérogatoire. On distingue
deux types de responsabilité sans faute.

- La responsabilité pour risque

Le dommage apparaît comme le résultat de la réalisation d’un risque ou le


législateur estime équitable que le risque de dommage entraîne l’institution
d’un tel régime de responsabilité. Imagine pour les choses dangereuses, ce
régime s’est étendu à des activités ou situations dangereuses. Les principaux
cas d’application sont les suivants.
a) Les accidents subis par les collaborateurs de l’Administration

Les agents permanents de l’administration subissant des accidents de service,


qui ne sont couverts ni par la législation des pensions de la fonction publique ni
par elle des accidents du travail, ni par celle assurant aux élus locaux une
indemnisation en cas d’accident dans l’exercice de leur mandat, peuvent
bénéficier de la jurisprudence Cames (CE, 21 Juin 1895). Tel est le cas des
appelés du contingent effectuant leur service national et de leurs ayants droit,
lorsque ces appelés ont subi dans l’accomplissement de leurs obligations un
préjudice corporel et que le forfait de pension ne leur est pas opposable (CE,
sect., 27 Juill. 1990, Cts Bridet).

Les collaborateurs occasionnels de l’administration victimes d’un dommages en


lui apportant leur concours désintéressé sont automatiquement indemnisés
(CE, 212 Nov. 1946, Cne de Saint-Priest-la-Plaine), qu’ils aient été
réquisitionnés ou aient agi d’eux-mêmes. La participation doit être effective et
justifiée, et apporte à un véritable service public.

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b) Les choses et activités dangereuses

Le voisinage de choses ou d’activités dangereuses justifie l’application de ce


régime. Les choses dangereuses sont les explosifs (CE, 28 Mars 1919, Regnault-
Desroziers), les armes et engins dangereux (Cen ass., 24 Juin 1949, Cts Lecomte
Franquette et Daramy) – régime ne profitant qu’aux tiers par rapport à
l’opération de police dont le dommage excède les charges que les particuliers
doivent normalement supporter en contrepartie des avantages qu’ils tirent de
l’existence de ce service public-, les produits sanguins viciés (CE, ass., 26 Mai
1995, Cts N’Guyen, Jouan, Cts Pavan).
Les personnes placées dans une situation dangereuse du fait des obligations
qui leur sont faites ont droit à réparation (CE, 19 Oct. 1962, Perruche : consul
de France à Séoul pendant la guerre de Corée ; ass., 6 Nov. 1968, Dme Saulze :
enfant à naître d’une institutrice contractant la rubéole à l’école). Engage la

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