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SUPPORT DE COURS DE DROIT ADMINISTRATIF

(1er semestre)
Volume 1

INTRODUCTION

Les disciplines juridiques relèvent tantôt du droit privé tantôt du droit public. Le droit administratif, objet
de cette étude, est l’une des disciplines phares du droit public. Il convient, dans le cadre de cette
introduction, de définir d’abord la matière (I), de présenter ensuite son objet (II) et enfin ses caractères
(III).

CHAPITRE 1 : Notion de droit administratif

I-. La définition du droit administratif


Le droit administratif se prête à une double définition : une définition organique et une définition
matérielle. Suivant la définition organique, le droit administratif est le droit applicable à l’administration
ou le droit de l’administration. De ce point de vue, il désigne un corps de règles définissant les droits et
obligations de l’administration et régissant notamment ses rapports avec les administrés.

Suivant la définition matérielle, le droit administratif est un droit spécial, un droit qui se compose
uniquement de règles particulières, foncièrement différentes de celles du droit commun et y dérogeant.

En définitive, on note que la définition matérielle l’emporte sur la définition organique. Ce qui signifie
qu’elle suffit à elle seule pour définir le droit administratif.

II-. L’objet du droit administratif : l’administration


L’administration est l’objet du droit administratif. Le mot administration revêt deux sens :

Au plan organique, l’administration désigne un ensemble d’organes, d’institutions de l’Etat chargés de la


gestion des affaires publiques. Elle s’entend ainsi de l’ensemble du personnel accomplissant des tâches
administratives.

Au plan matériel ou fonctionnel, elle est l’ensemble des activités juridiques et matérielles placées sous la
responsabilité des autorités publiques et qui ont pour but la satisfaction de l’intérêt général.

Au total, le mot administration sert à la fois à désigner les personnes administratives (c’est-à-dire les
organes) et leurs activités.
III Les caractères du droit administratif

➢ Un droit autonome

L’autonomie du droit administratif s’apprécie par rapport au droit privé. Cette autonomie implique un
corps de règles propres ayant ses sources distinctes, animés par des principes originaux et se suffisant à
eux-mêmes.

➢ Un droit essentiellement jurisprudentiel par ses sources.

Le droit administratif est un corps de règles élaboré par le juge administratif notamment le Conseil d’Etat
français. Il n’est pas exclusivement l’œuvre du juge dans la mesure où de larges secteurs du droit
administratifs sont régis par les textes.

➢ Un droit de prérogatives de puissance publique

Les prérogatives de puissance publique font allusion aux droits exorbitants de l’administration. Dire que
le droit administratif est un droit de prérogative de puissance publique signifie que le droit administratif
est favorable à l’administration dans ses rapports avec les administrés. Cette situation met en lumière son
caractère inégalitaire. Exemple le droit de modifier ou de résilier unilatéralement le contrat.

➢ Un droit de sujétions de puissance publique

La sujétion de puissance publique fait allusion à la limitation (absence de liberté) de l’action de


l’administration. Exemple l’administration ne peut contracter que selon les conditions de procédures
strictes imposées par la loi.
PREMIERE PARTIE : L’ACTION ADMINISTRATIVE

L’Administration, entendue des services publics placés sous l’autorité du pouvoir exécutif, est appelée à
agir au quotidien. Elle poursuit toujours ou doit toujours poursuivre, dans ses actions, un but d’intérêt
général. Or, les particuliers ont le choix de la finalité qu’ils entendent donner à leur action. Cela signifie
que les particuliers peuvent, en ce qui les concerne, choisir de poursuivre soit un but d’intérêt
personnel, soit un but d’intérêt général.

Il suit de ce qui précède que pour atteindre les objectifs qui sont les siens, à savoir la satisfaction des
besoins d’intérêt général, l’Administration doit pouvoir disposer de moyens appropriés. C’est pourquoi
l’Administration, au contraire des particuliers, dispose de prérogatives de puissance publique, c’est-à-
dire de pouvoirs exorbitants dont celui de décider unilatéralement, et donc d’imposer sa volonté aux
particuliers.

Avant d’examiner les actes que l’Administration prend en ce sens, ainsi que les objets sur lesquels porte
son action, il importe de s’interroger sur la condition juridique de l’action administrative.

CHAPITRE 1 : LA CONDITION DE L’ACTION ADMINISTRATIVE : LE PRINCIPE DE LEGALITE

Le principe de légalité évoque l’Etat de droit qui est « l’Etat organisé sur la base du droit et qui
fonctionne conformément au droit » (Francis Wodié). L’Etat de droit est donc l’Etat soumis au droit. Il
s’oppose à l’Etat de police dans lequel les autorités ne connaissent de limites qu’en elles-mêmes
(Prosper Weil). Le principe de légalité doit être examiné au triple plan de son contenu, de sa portée et
de ses limites.

Section 1 : Le contenu du principe de légalité

Le principe de légalité traduit, on le sait, la soumission de l’Etat au droit. C’est un principe qui n’a pas
toujours existé. Sa consécration est le fruit de la lutte menée pour la reconnaissance et la protection des
libertés. La formulation de ce principe a quelque chose de trompeur, car, elle pourrait signifier que
l’Administration n’est soumise qu’à la loi. Or, l’Administration est, certes, soumise à la loi ; mais, elle est
aussi soumise à d’autres normes. Ce qui amène à constater que le principe de légalité a une portée plus
large. Il englobe, en effet, toutes les règles que l’Administration doit respecter, et qu’il faut rappeler en
distinguant les sources écrites de la légalité de celles non écrites.

§1 : Les sources écrites de la légalité

Ces sources comprennent les textes constituant la légalité administrative. Et ces sources se présentent
de la façon suivante : en premier lieu, la Constitution ; viennent ensuite les traités ou accords
internationaux, la loi et, enfin, les actes administratifs.
A- La Constitution

La Constitution est l’acte fondateur de l’Etat. C’est elle qui, juridiquement, crée l’Etat au sens où elle
l’organise et le dote d’organes lui permettant de vouloir et d’agir en tant que personne morale. Du
même mouvement, la Constitution limite le pouvoir en le pliant au respect des libertés. Ainsi, la
Constitution est, selon l’expression du doyen Wodié, le socle ou la fondation de l’Etat, c’est-à-dire ce sur
quoi repose l’Etat, autant que la toiture de l’Etat, c’est-à-dire ce qui protège des intempéries politiques.

Il apparaît, dès lors, que la Constitution est la loi fondamentale en tant qu’acte fondateur de l’Etat. C’est
d’elle que découle tout le système juridique de l’Etat. En cela, la Constitution encadre l’ensemble des
activités juridiques dans l’Etat et de l’Etat. Elle est placée au sommet de l’ordonnancement juridique. On
comprend, dès lors, qu’elle soit marquée du sceau de la rigidité. En tant que telle, la Constitution
s’impose à tous les organes de l’Etat ; elle s’impose au législateur ainsi que le donne à voir le contrôle de
constitutionnalité de la loi. La Constitution s’impose, a fortiori, aux autorités administratives. Ainsi, le
juge chargé de contrôler les actes des autorités administratives devrait censurer toute décision
administrative intervenue en violation de la Constitution, norme suprême.

Toutefois, l’on doit relever que l’autorité de la Constitution à l’égard de l’Administration est limitée par
la théorie de la loi-écran ou de l’écran législatif.

Cette théorie signifie que lorsqu’un acte administratif, violateur de la Constitution, a été pris en
application d’une loi, le Conseil d’Etat français se refuse à connaître de la validité de cet acte
administratif par rapport à la Constitution. Il en est ainsi parce que le juge considère que la loi fait écran
entre l’acte administratif et la Constitution (CE, 10 juillet 1954 : Fédération des conseils de parents
d’élèves ; CE, 03 décembre 1999 : Elections européennes du 13 juin 1999).

Le fondement d’une telle jurisprudence tient à ce que le juge de l’excès de pouvoir n’est pas compétent
pour apprécier la conformité de la loi à la Constitution ; il n’est pas le juge de la loi. Or, censurer l’acte
administratif, certes, violateur de la Constitution, mais pris en application d’une loi, reviendrait
indirectement à censurer la loi qui sert de fondement à l’acte administratif.

B- Les traités ou accords internationaux

Ce sont des actes juridiques résultant de la volonté de deux ou plusieurs Etats ou sujets de droit
international. Aux termes de la Constitution ivoirienne, les traités ou accords internationaux auxquels la
Côte d’Ivoire est partie sont supérieurs à la loi aux conditions suivantes :

- La première est qu’il faut que le traité ou accord international ait été ratifié par l’Etat, la
ratification étant l’acte par lequel l’Etat exprime sa volonté de se voir lié par le traité ou accord
international.
- La deuxième condition est que le traité ou accord international ait été régulièrement publié, la
publication se faisant normalement au journal officiel. Il est à noter que la Constitution
ivoirienne exprime une réserve relativement au principe de supériorité du traité. En effet, aux
termes de la Constitution, le traité n’est supérieur à la loi que sous réserve de réciprocité. En
clair, il n’en va ainsi que si le traité est appliqué par l’autre partie.

Ce que l’on peut, affirmer avec certitude, c’est que les traités régulièrement ratifiés et publiés, donnés
comme supérieurs à la loi, le sont évidemment par rapport aux actes administratifs. Car, la loi étant
supérieure aux actes administratifs, ce qui est supérieur à la loi ne peut qu’être supérieur aux actes
administratifs. Il suit de là que les autorités administratives doivent conformer leurs actes aux traités ou
accords internationaux régulièrement ratifiés et publiés. En conséquence, la violation d’un traité ou
accord international par un acte administratif expose celui-ci à la censure du juge de l’excès de pouvoir,
en cas de recours.

En final, il y a lieu de noter que certains actes de caractère international, qui n’ont pas la nature de
traités ni d’accords internationaux, trouvent à s’appliquer directement dans l’ordre juridique interne.
C’est le cas des actes édictés par les instances communautaires, telles celles de l’UEMOA. Ces actes
pénètrent directement l’ordre juridique national, s’imposent aux autorités nationales, donc aux
autorités administratives qui sont ainsi tenues à l’obligation d’y conformer leurs actes sous peine de
sanction.

C- La loi

La loi est l’acte adopté par le parlement ou, exceptionnellement, par le peuple souverain. La loi, ainsi
entendue, s’est vu assigner par la Constitution un domaine de réglementation. Ainsi, des matières
limitativement définies sont confiées à la loi ou au législateur. Cela emporte la conséquence que, du
point de vue formel, la loi se voit cantonnée dans un champ clos.

Le législateur, dans l’édiction de la loi, empiète parfois sur le domaine réglementaire. Cette circonstance
n’affecte pas l’autorité de la loi : quelle que soit la matière dans laquelle la loi intervient, elle bénéficie
d’une supériorité par rapport aux actes pris par les autorités administratives. Il en est ainsi parce que la
loi émane de la représentation nationale. Elle apparaît donc comme l’expression de la volonté générale,
c’est-à-dire la volonté de la nation. Telle est la raison pour laquelle la loi est supérieure aux actes
administratifs. La loi s’impose donc à l’Administration qui doit la respecter dans ses différentes actions.

D- Les actes administratifs

Ce sont les actes pris par les autorités administratives. Il existe entre ces actes une hiérarchie tenant aux
organes. Ainsi, les décrets du président de la République doivent être respectés par tous les organes
exécutifs soumis à l’autorité du président de la République. Les arrêtés ministériels s’imposent aux
autorités administratives relevant de l’échelon inférieur. Il découle de ce qui précède l’obligation pour
les autorités inférieures de respecter les actes pris par les autorités supérieures, sous peine de voir leurs
actes sanctionnés. En outre, l’Administration a l’obligation de respecter ses propres actes, ses propres
décisions, aussi longtemps que ces actes ou décisions n’auraient pas été abrogés…
§2 : Les sources non écrites

Alors que les sources écrites apparaissent comme les sources premières ou les sources directes de la
légalité administrative, les sources non écrites se donnent comme les sources secondaires ou indirectes
de la légalité administrative. Celles-ci sont constituées des éléments suivants : la jurisprudence, les
principes généraux du droit, la doctrine ; l’on peut se demander si la coutume mérite de figurer sur la
liste, comme c’est le cas en droit privé.

A- La jurisprudence

La jurisprudence évoque l’œuvre normative du juge. Or, en principe, le juge ne crée pas de règles de
droit. Il n’a pas qualité pour édicter des règles de droit, car il n’a pas reçu d’investiture à cet effet. Son
rôle est de dire le droit, c’est-à dire d’appliquer le droit existant. Mais, il peut arriver, et il arrive de plus
en plus que le juge soit saisi de plusieurs requêtes relativement à un problème juridique donné et que le
juge rende la même décision, fournisse la même solution juridique. Dans cette hypothèse, la solution
donnée par le juge tend à s’imposer comme une règle de droit. Et lorsque des situations semblables se
présentent à l’avenir, le juge ne manque pas de leur appliquer la même solution. Ainsi, une règle se
forme, d’origine prétorienne, c’est-à-dire procédant du prétoire du juge.

D’autre part, le juge interprète la loi. Cette technique d’interprétation apparaît comme un travail de
création du droit, et cela dans la mesure où c’est le juge qui donne ou restitue à la loi son sens. Ce
faisant, le juge peut être amené à introduire sa propre volonté dans la loi. Ainsi, le juge crée du droit, et
nul ne peut songer à contester valablement la fonction créatrice du juge en matière administrative.
Cette fonction créatrice s’observe dans tous les domaines du droit administratif ; il en va ainsi
singulièrement en matière de recours pour excès de pouvoir ou de responsabilité administrative. Il en
est ainsi, car dans bien des cas, le juge de l’Administration a été amené à juger des affaires sans
qu’aucun texte existe en la matière. Le juge a dû, alors, créer.

Plus significative et plus impressionnante est la situation dans laquelle, renforçant son contrôle sur
l’action des autorités administratives, le juge recourt à une nouvelle catégorie de normes, celle des
principes généraux du droit.

B- Les principes généraux du droit

Ce sont des règles ou principes qui s’appliquent, même sans texte, et qui s’imposent aux autorités
administratives et, dans certains cas, au législateur.

L’avènement des principes généraux du droit est relativement récent. N’étant pas créateur de droit, le
juge s’interdit de présenter les principes généraux du droit comme créés par lui. Il les présente plutôt
comme découverts par lui, soit à travers la philosophie politique sur laquelle repose l’Etat, soit à travers
la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, visée par le préambule de la
Constitution. Les principes généraux du droit sont, aujourd’hui encore, un moyen de contrôle efficace de
l’action administrative.
On peut citer, à cet égard, le principe d’égalité, le principe de la non-rétroactivité des actes
administratifs, le principe du caractère de droit commun du recours pour excès de pouvoir, les droits de
la défense. Le juge se réfère à ces principes généraux du droit dans le contrôle qu’il effectue sur les actes
administratifs. Les principes généraux du droit ont une valeur inférieure à celle de la loi, mais supérieure
à celle du décret, qui occupe dans la hiérarchie des actes administratifs le sommet de la pyramide.

C- La doctrine

Elle est constituée des différentes positions exprimées par les auteurs, et notamment par les
professeurs des Facultés de droit. Comme on le sait, les auteurs ou professeurs de droit n’ont aucune
investiture les habilitant à créer des règles de droit. Il suit de là que la doctrine n’est pas une source
directe du droit. Mais, les positions doctrinales, les analyses, les critiques, les commentaires, les
observations et suggestions présentés par les professeurs de droit inspirent parfois les décisions de
justice ou guident les autorités qualifiées pour édicter les règles de droit.

D- La coutume ?

Au contraire du droit privé où la coutume apparaît comme une source de la légalité, en droit
administratif, la coutume occupe une place insignifiante. Ainsi, les règles coutumières sont rares en droit
administratif. La jurisprudence administrative ivoirienne n’a pas encore constaté de règle d’origine
coutumière.

Section 2 : La portée du principe de légalité : le pouvoir discrétionnaire

Le principe de légalité, expression de l’Etat de droit, se trouve, en effet, émoussé par le pouvoir
discrétionnaire de l’Administration, dont il convient de découvrir le contenu et le régime juridique.

§1 : Le contenu du pouvoir discrétionnaire

L’Administration est soumise à la légalité. Ce qui veut dire que l’Administration doit conformer ses actes
aux normes supérieures. L’Administration est même tenue à l’obligation de respecter ses propres actes.
Conformément à ce principe, il arrive que l’Administration soit étroitement liée. C’est le cas lorsque les
textes prévoient les conditions dans lesquelles l’Administration doit agir, sans que ces textes aient
aménagé pour elle une marge de liberté ou d’appréciation.

Mais, il arrive également que les textes confèrent à l’Administration un pouvoir de décision en lui
laissant une marge de liberté. C’est, par exemple, le cas lorsque les textes donnent à l’Administration le
choix entre l’édiction d’un acte et l’abstention.

Cette marge de liberté, qui est l’expression du pouvoir discrétionnaire de l’Administration, ne doit pas
être interprétée comme signifiant un pouvoir arbitraire ; le pouvoir discrétionnaire n’est pas synonyme
de pouvoir arbitraire. A la vérité, le pouvoir discrétionnaire reconnu à l’Administration est nécessaire,
car il serait inconcevable, comme le fait observer Jean Rivero, de confiner l’Administration dans une
tâche passive. L’Administration a, en effet, besoin d’une marge de liberté face aux réalités multiformes
que la réglementation ne peut prévoir de façon exhaustive. Ce pouvoir n’est pas contraire à la légalité,
car c’est le droit lui-même qui ouvre à l’Administration cette voie.

§2 : Le régime juridique du pouvoir discrétionnaire

La question est de savoir si le pouvoir discrétionnaire, reconnu aux autorités administratives, échappe
au contrôle juridictionnel. Il convient, à ce sujet, de rappeler que l’Administration est toujours soumise
au principe de légalité. Mais, la pression qui pèse sur elle connaît un relâchement dans le cadre du
pouvoir discrétionnaire. Toutefois, les actes pris par les autorités administratives dans le cadre de
l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne sont pas soustraits au contrôle du juge. Un contrôle minimum
est exercé par le juge sur le pouvoir discrétionnaire. Et ce contrôle porte sur les règles de compétence,
de procédure ainsi que sur le but ou les motifs de l’acte.

Section 3 : Les limites de la légalité administrative

Les règles constituant le principe de légalité sont, en principe, établies pour régir les situations normales,
c’est-à-dire les situations de paix. Or, la vie n’est pas un fleuve tranquille. C’est dire qu’il peut se
produire des événements ou des circonstances rendant inefficace la légalité existante. La continuité de
la vie sociale impose, alors, une autre légalité qui est une légalité de crise, une légalité d’exception. En
outre, et comme le fait remarquer le professeur Prosper Weil, « la raison d’Etat ne capitule pas du jour
au lendemain ». Cette réflexion renvoie à l’idée que certains actes, compte tenu des matières dans
lesquelles ils interviennent, échappent à tout contrôle. On songe, ici, aux actes de gouvernement.

§1 : La théorie des circonstances exceptionnelles

La légalité ordinaire ne peut s’appliquer efficacement aux situations de crise qu’on appelle les
circonstances exceptionnelles. Ces circonstances sont de deux ordres : il y a, d’une part, les
circonstances exceptionnelles prévues par des textes ; il y a, d’autre part, les circonstances
exceptionnelles consacrées par la jurisprudence.

A- Les circonstances exceptionnelles prévues par des textes

Il s’agit à la fois de textes constitutionnels et législatifs. Ces textes ont prévu donc des sortes de légitime
défense pour l’Etat devant les situations exceptionnelles. Plusieurs cas de figure sont prévus.

➢ L’état de crise

Il trouve son fondement dans l’article 73 de la constitution qui détermine ses conditions et ses effets.

*Les conditions sont de fond et de forme. Les conditions de fond tiennent au dysfonctionnement ou à
l’impossible fonctionnement régulier de l’Etat, des institutions, des pouvoirs publics, de l’exécution des
engagements internationaux, à la menace sur l’intégrité du territoire et l’indépendance de la nation.
Quant aux conditions de forme, la constitution fait obligation au Président de la République de consulter
les Présidents de l’Assemblée Nationales, du Sénat et du Conseil Constitutionnel.

*Les effets : Le recours à l’état de crise conduit à réunir exclusivement au profit du Président de la
République, l’exercice du pouvoir politique au sein de l’Etat, en l’occurrence l’exécutif et le législatif. Cette
situation est qualifiée de « dictature temporaire ».

➢ L’état de siège

Il est prévu à l’article 105 de la constitution qui détermine ses conditions et ses effets.

*Les conditions : L’état de siège est déclaré en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure et
extérieure (conditions de fond). Il est décrété en conseil des ministres mais une loi doit autoriser sa
prorogation au-delà d’un délai de 15 jours (conditions de forme).

*Les effets : Il a pour effet le transfert à l’autorité militaire des pouvoirs de police exercés en période
normale par l’autorité civile. Il a aussi pour effet l’élargissement considérable des pouvoirs de police et
conséquemment de restreindre les libertés individuelles et d’étendre la compétence des tribunaux
militaires à un grand nombre d’infractions pénales.

➢ L’état d’urgence

Il est prévu par la loi ivoirienne n° 59-231 du 7 novembre 1959.

*Les conditions : Il est déclaré soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public
soit en cas d’évènement qui par leur nature ou leur gravité sont susceptibles d’entraver la bonne marche
de l’économie ou des services publics (conditions de fond). Il est déclaré par un décret qui fixe sa durée
et détermine les parties du territoire visées. Il peut être donc total ou partiel (conditions de forme).

*Les effets : Il a pour conséquence d’élargir les pouvoirs des autorités de police administrative (exemple
du ministre de l’intérieur). Ces dernières peuvent interdire la circulation des personnes ou des véhicules
dans des zones déterminées à des heures précises ; interdiction de manifestation publique ; fermeture
des salles de spectacle, des débits de boisson.

➢ La promotion économique et sociale de la nation (la réquisition)

Elle est le fait de la loi n° 63-4 du 17 janvier 1963 relative à l’utilisation des personnes en vue d’assurer la
promotion économique et sociale de la nation. Cette loi permet en effet au gouvernement de requérir
des personnes pour l’accomplissement de certaines tâches d’intérêt national.

B- La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles

Les textes ne peuvent pas tout prévoir, et de fait, les textes n’ont pas tout prévu. Ainsi, il arrive que des
situations de crise, non prévues par les textes, viennent à se produire. Face à ces situations, la légalité
ordinaire s’avère inefficace parce qu’elle est inappropriée. De même est inappropriée et inapplicable la
légalité de crise prévue par la Constitution ou la loi parce que les événements survenus ne
correspondent pas aux circonstances prévues par les textes.
L’on se trouve, alors, devant un vide face à la situation nouvelle. Que faire ? Le juge a dû intervenir pour
combler ce vide afin que soit assurée la continuité de l’Etat. Le juge va, alors, recourir, d’une part, au
principe de continuité s’opposant à l’interruption du fonctionnement régulier des services publics, et
d’autre part, au principe de légalité, lequel postule que l’Administration soit soumise au droit en tout
temps, c’est-à-dire quelles que soient les circonstances. Le juge va, alors, créer, en remplacement de la
légalité inappropriée, une légalité nouvelle, adaptée à la situation. On l’appelle la légalité de crise, car
elle est exigée par les circonstances exceptionnelles.

1- Définition des circonstances exceptionnelles

La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles est née de la situation de guerre. C’est, en
effet, la Première Guerre mondiale qui a fourni au Conseil d’Etat français les éléments au moyen
desquels il a fondé sa théorie. L’arrêt de principe, en la matière, est l’arrêt Heyriès, rendu le 28 juin
1918. En l’espèce, il s’agit d’un recours dirigé contre un décret par lequel le gouvernement avait
suspendu pendant la guerre les garanties disciplinaires instituées par la loi au profit des fonctionnaires.
L’une de ces garanties résidait dans l’obligation, à la charge de l’Administration, de communiquer à tout
fonctionnaire son dossier avant que soit prise une sanction disciplinaire à son encontre. Cette garantie
avait pour but de permettre au fonctionnaire poursuivi d’être mis à même de se défendre. La
suspension de ces garanties par décret était fondée sur la nécessité de donner à l’Administration la
possibilité d’agir rapidement et efficacement comme l’exigeaient les nécessités de la défense nationale.

Ce décret, qui, en temps normal, eût été considéré comme entaché d’une irrégularité grave parce que
violant la loi, fut jugé légal par le Conseil d’Etat. La décision du juge de l’excès de pouvoir reposait sur «
les conditions dans lesquelles s’exerçaient les pouvoirs publics pendant la guerre » et qui rendaient
difficile le respect de la loi prescrivant la communication du dossier.

Cette jurisprudence fut également appliquée dans une autre affaire pendant la Première Guerre
mondiale. Cette affaire a donné naissance à l’arrêt Demoiselles Dol et Laurent, rendu par le Conseil
d’Etat le 28 février 1919. En l’espèce, il s’agit d’une atteinte portée par l’Administration (le préfet) à la
liberté individuelle et à la liberté du commerce et de l’industrie.

Lorsqu’est survenue la Deuxième Guerre mondiale, cette jurisprudence s’est trouvée confirmée par le
Conseil d’Etat. Ainsi, il est désormais établi que la guerre fonde la théorie jurisprudentielle des
circonstances exceptionnelles. Mais, il n’y a pas que la guerre qui ouvre la voie à l’application de la
théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles. Car, la théorie s’est étendue à d’autres
situations, telles une menace de grève générale, une catastrophe naturelle…

Dans tous les cas, il faut que la situation justifiant l’application de la théorie soit une situation anormale.
Il faut, en outre, que l’Administration soit obligée d’agir sous peine de compromettre l’intérêt général. Il
faut, enfin, que la légalité ordinaire soit inappropriée ou inefficace, c’est-à-dire qu’elle ne permette pas
à l’Administration, en y recourant, de faire face à la situation de crise.
2- Les effets de la mise en œuvre de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles

Lorsque des circonstances exceptionnelles surviennent et qu’il est fait application de la théorie dégagée
par le juge, la première conséquence qui en résulte est que l’Administration est dégagée de l’obligation
de respecter les règles de la légalité ordinaire, lesquelles risquent de compromettre son action. Ces
règles sont de différents ordres : il y a, d’abord, les règles de compétence. Ici, l’Administration peut aller
au-delà de sa compétence normale. Plus encore, de simples particuliers, n’ayant aucune investiture
publique, peuvent prendre des actes qui relèvent de la sphère de l’Administration.

Il y a, ensuite, les règles de forme et de procédure. C’est l’hypothèse même de l’arrêt Heyriès. Il y a,
enfin, les règles de fond : en période de crise, l’Administration peut valablement prendre des mesures
qui portent atteinte aux droits et libertés.

3- Le contrôle du juge

Par l’effet de l’application de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, une légalité
nouvelle, on l’a vu, supplante momentanément la légalité ordinaire. Les éléments de cette nouvelle
légalité sont les suivants : il y a,

- D’abord, la question de l’existence des circonstances exceptionnelles alléguées par


l’Administration. Le juge contrôle, en effet, dans chaque cas, le point de savoir si les
circonstances invoquées par l’Administration méritent bien la qualification de circonstances
exceptionnelles, et justifient, de ce fait, la méconnaissance de la légalité ordinaire par l’autorité
administrative.

- Ensuite, le juge contrôle le but poursuivi par l’Administration. A cet égard, il exerce un contrôle
sur le point de savoir si la décision prise tend réellement à faire face à la situation de crise.

- Enfin, le contrôle du juge porte sur les moyens mis en œuvre par l’Administration. Ces moyens
doivent nécessairement être adaptés à ce but.

Les trois éléments, qu’on vient de citer et qui constituent le fondement de la théorie jurisprudentielle
des circonstances exceptionnelles autant que les moyens de contrôle de l’Administration en période de
crise, sont cumulatifs. Ainsi, si un seul de ces éléments fait défaut, alors, le juge décide que la théorie ne
peut jouer. La conséquence qui s’attache à une telle situation est l’annulation de la mesure
administrative sur recours pour excès de pouvoir.

§2 : Les actes de gouvernement

Il s’agit d’une catégorie juridique constituant une curieuse exception au principe de légalité. Pour
l’appréhender, il faut en fournir une définition, puis, en examiner le régime juridique.
A- Définition

Les actes de gouvernement sont une catégorie à l’intérieur des actes du gouvernement. Leur spécificité
réside dans leur régime juridique. Les actes de gouvernement étaient, avant l’avènement de l’arrêt
Prince Napoléon, rendu par le Conseil d’Etat français en 1875, les actes ayant un mobile politique, c’est-
à-dire les actes fondés sur des considérations politiques. Depuis l’avènement de l’arrêt

Prince Napoléon, le critère tiré du mobile politique a été abandonné. Aujourd’hui, même s’il est difficile
de fournir des actes de gouvernement une définition claire, on peut dire que ce sont des actes du
gouvernement intervenant dans des matières « gouvernementales », c’est-à-dire des matières se
rattachant, non pas aux fonctions administratives de l’exécutif, mais plutôt à ses fonctions
"gouvernementales" (René Chapus).

La catégorie des actes de gouvernement s’est progressivement rétrécie. Aujourd’hui, l’on ne rencontre
les actes de gouvernement que dans deux domaines ; ce sont le domaine des rapports internationaux et
le domaine des rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels.

B- Le régime juridique des actes de gouvernement

Ce qui caractérise les actes de gouvernement, c’est qu’ils sont soustraits à toute justiciabilité ou
"attaquabilité". Cela veut dire que ces actes ne peuvent faire l’objet d’aucun recours, ni devant le juge
administratif ni devant le juge judiciaire : on ne peut, en effet, poursuivre l’annulation d’un acte de
gouvernement par la voie du recours pour excès de pouvoir ; on ne peut, non plus, attraire l’Etat devant
les tribunaux pour le voir condamné sur le fondement d’un acte de gouvernement qui causerait
préjudice. Il suit de là que le juge ne peut connaître de l’action administrative lorsque celle-ci prend la
forme d’un acte de gouvernement.
CHAPITRE 2 : LES MOYENS DE L’ADMINISTRATION : LES ACTES ADMINISTRATIFS

L’Administration prend, en règle générale, des actes qui procèdent de sa seule volonté et qui s’imposent
aux administrés. Ces actes prennent le nom d’actes unilatéraux. Toutefois, il arrive que, pour la
satisfaction des besoins d’intérêt général, l’Administration n’impose pas au moyen de l’acte unilatéral,
mais qu’elle recoure à la technique contractuelle. Ce qui l’amène à conclure des contrats. Ce sont là les
deux types d’actes qu’il convient d’étudier successivement.

Section 1 : Les actes administratifs unilatéraux

Relativement à cette thématique, un certain nombre de questions se posent, qu’il faut évoquer et
examiner successivement.

§1 : La notion d’acte administratif unilatéral

Il y a lieu de décomposer les différents éléments constitutifs de la notion d’acte administratif unilatéral.

A- Un acte administratif

L’acte administratif unilatéral doit, pour en être véritablement un, être un acte émanant d’un organe ou
d’organes investis d’un pouvoir administratif. Cette définition amène à exclure les actes que pourraient
prendre les organes consultatifs ou les organes ayant simplement un pouvoir d’avis. Il doit, en effet,
s’agir d’un organe ou d’organes appartenant à l’Administration et ayant le pouvoir de commander ou
d’obliger.

Toutefois, à titre exceptionnel, l’acte administratif unilatéral peut émaner de personnes privées
investies d’une mission de service public et recourant à des prérogatives de puissance publique.

En Côte d’Ivoire, la Chambre administrative de la Cour suprême considère que les actes pris par les
ordres professionnels dans le cadre de la mission de service public à eux confiée par l’Etat sont des actes
administratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir.

B- Un acte unilatéral

Dire que l’acte administratif est unilatéral, c’est affirmer qu’un tel acte émane ou doit émaner d’une
seule volonté. Cette volonté peut être celle d’un agent unique. C’est le cas des décrets du président de
la République, des arrêtés ministériels, des arrêtés municipaux, au bas desquels ne se retrouve qu’une
signature et une seule.

Mais, le caractère collégial de l’organe ne s’oppose pas à ce que l’acte soit unilatéral. Ainsi, un acte pris
par un organe délibérant, tel le conseil municipal, est un acte unilatéral, car cet acte est, quelle que soit
la majorité qui l’a adopté, celui de l’organe délibérant agissant au nom et pour le compte de la personne
morale dont il exprime la volonté.

Il peut même y avoir plusieurs acteurs, mais leur action exprime une seule volonté. C’est le cas des
arrêtés interministériels qui sont des actes pris de façon conjointe par un ensemble de ministres.

C- Un acte modifiant l’ordonnancement juridique

L’acte administratif unilatéral est, selon l’expression du doyen Maurice Hauriou, une décision exécutoire
ou un acte décisoire. Cela signifie que l’acte administratif unilatéral est un acte porteur de décision ou
un "acte normateur", selon la belle expression du professeur Charles Eisenmann, c’est-à-dire un acte
porteur de normes et, par conséquent, un acte modifiant l’ordonnancement juridique ou la situation
juridique des administrés. Un tel acte peut ajouter quelque chose aux règles de droit existantes ou en
retrancher quelque chose.

L’acte administratif unilatéral, ainsi défini, crée des droits et des obligations.

C’est en cela qu’il modifie l’ordonnancement juridique. La définition, que voilà, amène à exclure des
actes administratifs unilatéraux les mesures qui sont, certes, prises par des autorités administratives,
mais qui ne modifient en rien l’ordonnancement juridique. Ces actes ne sont donc pas des décisions. En
voici quelques exemples :

- les actes purement déclaratifs, tels les vœux émis par une assemblée délibérante ;

- les actes préparatoires, qui sont des actes qui préparent à l’édiction d’une décision, mais qui ne sont
pas eux-mêmes des décisions ; il en va ainsi, par exemple, des avis que sollicite l’Administration pour
s’éclairer avant de décider ; il en allait également ainsi des notes attribuées à un fonctionnaire autant
que des appréciations générales qui accompagnent la notation du fonctionnaire (avant le revirement
jurisprudentiel consacré par l’arrêt Coulibaly Nazoloma, rendu le 20 avril 2016 par la Chambre
administrative de la Cour suprême) ;

- les actes qui apparaissent comme la suite d’une décision, mais qui n’ajoutent rien à la décision prise ni
n’en retranchent rien ; c’est le cas de la notification d’une décision individuelle à son destinataire ou
adressataire ;

§2 : La typologie des actes administratifs unilatéraux

Le plus souvent, l’on distingue trois catégories d’actes administratifs unilatéraux. Ce sont les actes
réglementaires, les actes collectifs et les décisions individuelles. A ces trois catégories d’actes
administratifs unilatéraux le droit positif impose de joindre une quatrième catégorie, qui est celle des
décisions d’espèce.

D’abord, les actes réglementaires : comme l’indique leur dénomination, les actes réglementaires ont un
caractère général et impersonnel. Du fait de ce caractère, les actes réglementaires, encore appelés
règlements, se rapprochent de la loi qui a, elle aussi, un caractère général et impersonnel. Mais, les
actes réglementaires sont et restent des actes administratifs à bien des égards. En tant que tels, les
règlements ou actes réglementaires sont soumis au recours pour excès de pouvoir, alors que la loi ne
peut faire l’objet d’un tel recours.

La deuxième catégorie d’actes administratifs unilatéraux est celle des actes collectifs. Ce sont les actes
qui s’adressent à plusieurs personnes nommément désignées. C’est le cas des délibérations portant
proclamation des résultats d’examens ou de concours. C’est aussi le cas de l’acte portant établissement
tableau d’avancement des fonctionnaires.

La troisième catégorie est celle des décisions individuelles. Il s’agit d’actes pris, soit au profit d’un
individu, soit à l’encontre d’un individu. C’est le cas, à titre d’exemple, du permis de construire, de l’acte
de nomination dans la fonction publique ou de l’acte infligeant une sanction disciplinaire.

Enfin, la quatrième catégorie, c’est celle des décisions d’espèce. Ces décisions édictent des normes qui
ne sont ni individuelles ni réglementaires. Ces décisions posent des normes d’espèce, se rapportant à
une situation ou à une opération particulière. C’est le cas de la déclaration d’utilité publique en matière
d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Ces différentes catégories d’actes administratifs unilatéraux interviennent généralement sous la forme
écrite. Mais, en droit administratif, il peut arriver que l’acte soit simplement verbal ou oral. De même, il
existe en droit administratif ce qu’on appelle les décisions implicites ou tacites. Celles-ci résultent, dans
certains cas, du silence gardé par l’autorité administrative pendant un certain temps à la suite d’une
demande.

§3 : L’élaboration de l’acte administratif unilatéral

L’édiction de l’acte administratif unilatéral obéit à un certain nombre d’exigences. Il s’agit, d’abord, des
règles de compétence, ensuite, des règles de forme et de procédure, et enfin des règles de fond.

A- La compétence

L’acte administratif unilatéral n’est valide que s’il a été édicté par l’autorité qualifiée pour le prendre,
c’est-à-dire par une autorité investie du pouvoir de prendre cette décision.

Il s’agit d’une règle d’ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans des cas rares, prévus par les
textes, ou par application de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles.

La compétence comporte un certain nombre de volets :

• La compétence matérielle. En vertu de cette compétence, une autorité administrative ne peut


valablement agir que dans les matières rentrant dans ses attributions.
• La compétence territoriale. Elle implique que chaque autorité administrative se meuve ou agisse
dans le cadre territorial défini par les textes qui l’instituent. Ainsi, l’autorité centrale, par
exemple le président de la République ou le ministre, a pour cadre d’action le territoire de l’Etat.
Le préfet ne peut, en ce qui le concerne, agir que dans le cadre du ressort territorial de son
département ;
• La compétence temporelle : elle signifie que les autorités administratives ne peuvent agir que si
elles ont pris service et demeurent en fonction. Ainsi, les nouvelles autorités ne commencent à
exercer leurs fonctions que pour compter de la prise de service. Avant la prise de service, elles
n’ont pas encore la compétence temporelle requise pour agir.

Mais, entre la date de leur nomination ou de leur élection et la date de leur prise de fonction, il peut
s’écouler un certain temps. Qui agit pendant cette période ? Au regard de la jurisprudence, les autorités
en place continuent d’agir en attendant l’installation des nouvelles autorités administratives, et cela en
vertu du principe de la continuité des services publics.

B- Les règles de forme et de procédure

Elles renvoient à deux éléments : la forme et la procédure. Les règles de forme et de procédure
désignent aussi bien la forme, c’est-à-dire la présentation matérielle de l’acte, que la procédure à suivre
pour son édiction.

Les formalités à accomplir forment ce qu’on appelle la procédure administrative non contentieuse, qu’il
faut distinguer de la procédure administrative contentieuse qui a pour objet les règles régissant la
procédure devant les tribunaux dans les affaires auxquelles une personne publique est partie.

Les règles de forme et de procédure relatives à l’élaboration de l’acte administratif unilatéral se


présentent comme suit :

• S’agissant de la forme que doit revêtir l’acte, l’on observe que la forme écrite est la règle, l’acte
oral ou verbal n’étant admis qu’à titre exceptionnel.
• Une autre règle à évoquer : c’est celle de la motivation de l’acte. La question est de savoir si
l’Administration a l’obligation de motiver ses décisions. Dans certains Etats, les textes prévoient
la motivation. Ces cas sont rares. Dans d’autres Etats, au contraire, les textes sont muets sur la
question.

Lorsqu’il en est ainsi, l’Administration est libre de motiver ou de ne pas motiver. Toutefois, en cas de
litige, le juge peut demander à l’Administration de fournir les raisons ou les motifs de son acte. Ainsi, s’il
apparaît au juge que les motifs de l’acte sont étrangers à ceux qui auraient pu fonder valablement la
décision, alors, le juge prononce l’annulation de la décision querellée, en cas de recours pour excès de
pouvoir.

• Une troisième règle consiste dans ce qu’on appelle le parallélisme des formes. En vertu de ce
principe, l’Administration ne peut modifier un acte pris par elle qu’en suivant la même
procédure que celle qui a été suivie pour l’édiction de l’acte. Cette règle vaut pour les actes
administratifs à caractère réglementaire.
Il en va différemment des actes individuels, pour lesquels le principe du parallélisme des formes ne
s’impose que lorsqu’il est prévu par un texte. C’est dire que lorsqu’aucun texte ne prévoit cette
exigence, il n’y a pas obligation pour l’Administration de suivre le parallélisme des formes.

Par ailleurs, il arrive que les textes fassent obligation à l’Administration de recueillir des avis avant de
prendre une décision.

On distingue, à cet égard, trois sortes d’avis en matière administrative : il y a, d’abord, l’avis facultatif.
C’est l’hypothèse dans laquelle l’autorité administrative sollicite un avis pour s’éclairer avant de prendre
sa décision. L’autorité administrative qui demande un tel avis en toute liberté, c’est-à-dire sans y être
obligée, est libre d’en faire ce qu’elle veut.

Il y a, ensuite, l’avis qui est obligatoirement requis. C’est l’avis qui doit être obligatoirement demandé,
car les textes l’imposent. Ici, l’autorité administrative a l’obligation de demander l’avis, mais elle n’est
pas obligée de suivre l’avis donné.

Enfin, il y a ce qu’on appelle l’avis conforme. Ici, l’exigence est plus forte. Car, non seulement l’autorité
administrative a l’obligation de demander l’avis, mais encore elle est tenue de suivre l’avis qui lui a été
donné. Il en résulte que le fait pour l’Administration de méconnaître un tel avis constitue une
irrégularité d’ordre public.

• On terminera l’examen des règles de procédure par l’évocation de ce qu’on appelle les droits de
la défense, qui rappellent la procédure contradictoire. Le principe des droits de la défense
signifie que l’Administration a l’obligation de mettre l’administré à même de présenter des
observations écrites au titre de sa défense avant la prise de toute sanction à son encontre. Ce
principe est consacré par le droit de la fonction publique en matière de sanctions disciplinaires.

Ce principe, heureusement consacré par les textes pour lutter contre l’arbitraire, est considéré par le
juge comme existant même en l’absence de texte, et cela en dehors même de la fonction publique.

C- Les règles de fond

Ce qui est visé ici, c’est le contenu même des actes édictés par les autorités administratives. Ces actes ne
sont valides ou réguliers que dans la mesure où ils sont, relativement à leur contenu, conformes aux
normes supérieures. Plus exactement, les actes administratifs ne sont réguliers que s’ils ont été édictés
dans le respect des droits et libertés consacrés par les normes auxquelles sont soumises les autorités
administratives. Les atteintes portées à ces droits et libertés constituent des cas d’irrégularité
susceptibles de donner lieu à annulation en cas de recours pour excès de pouvoir.

§4 : L’entrée en vigueur des actes administratifs unilatéraux

L’acte administratif unilatéral est appelé, à la manière de tout acte juridique, à produire des effets. La
question est de savoir à quel moment, à partir de quoi l’acte entre en vigueur. Est-ce à compter de la
signature ? Est-ce, au contraire, la publicité de l’acte qui provoque son entrée en vigueur ?

La question a été vivement discutée en doctrine. Il en a été ainsi alors que la jurisprudence avait tranché
la question. De cette jurisprudence il résulte deux enseignements : le premier, c’est l’interdiction de
l’entrée en vigueur rétroactive ; le second enseignement, c’est celui des modalités de l’entrée en vigueur
des actes administratifs unilatéraux.

A- Le principe de l’interdiction de l’entrée en vigueur rétroactive

C’est un principe général du droit consacré par la jurisprudence, tant française qu’ivoirienne. L’arrêt de
principe, en la matière, c’est l’arrêt Société du journal L’Aurore, rendu par le Conseil d’Etat français le 25
juin 1948. En vertu de ce principe, qui protège contre les atteintes aux droits acquis, les actes
administratifs ne peuvent produire d’effets que pour l’avenir. Ils ne peuvent ni ne doivent rétroagir aux
situations antérieures à leur édiction. C’est le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs.

Toutefois, ce principe connaît des exceptions ou dérogations. C’est, par exemple, le cas lorsque par suite
d’une annulation contentieuse l’Administration tire les conséquences d’une telle annulation en prenant
les mesures qu’implique l’exécution de la décision d’annulation prononcée par le juge. L’exemple type
est celui de la reconstitution de carrière consécutivement à l’annulation d’une mesure de révocation
d’un fonctionnaire.

B- Les modalités de l’entrée en vigueur

Le droit positif offre de distinguer selon les catégories d’actes juridiques :

- L’entrée en vigueur de l’acte réglementaire est soumise à la publication de l’acte au Journal


officiel ou dans un bulletin prévu à cet effet par les textes. Il en va de même des actes collectifs
ainsi que des décisions d’espèce. Ces actes entrent en vigueur par l’effet de la publication au
Journal officiel ou par affichage lorsque les textes en disposent ainsi.
- Le régime des mesures individuelles est tout autre. L’examen de la jurisprudence donne de
distinguer entre les mesures favorables et les mesures défavorables. Les mesures favorables,
par exemple une nomination ou une promotion, entrent en vigueur dès leur signature, en
revanche, s’agissant des mesures individuelles défavorables, la jurisprudence exige la
notification comme condition de leur entrée en vigueur.

§5 : L’exécution de l’acte administratif unilatéral

L’acte administratif unilatéral doit pouvoir être exécuté. Tel est l’objectif poursuivi par l’auteur de l’acte.
L’exécution de l’acte peut incomber à l’Administration elle-même ou à l’administré.

A- L’hypothèse dans laquelle l’exécution de l’acte incombe à l’Administration

Cette situation est la moins difficile : lorsque l’exécution de l’acte incombe à l’Administration, il
appartient à celle-ci de prendre les mesures tendant à l’exécution de l’acte. Ainsi, lorsqu’en vertu d’un
acte administratif, l’Administration a l’obligation de verser une subvention, l’Administration doit
s’exécuter en payant effectivement la subvention en question. Si elle ne le fait pas, elle pourra être
poursuivie devant le juge, et elle sera condamnée à s’exécuter.

B- L’hypothèse dans laquelle l’exécution de l’acte incombe à l’administré

Ici, les choses sont plus complexes, et l’état du droit donne de distinguer deux situations.

a) La première situation est celle dans laquelle la décision administrative crée des droits. C’est, par
exemple, le cas d’une autorisation d’occuper une parcelle du domaine public. Dans ce cas, le
particulier bénéficiaire de cette autorisation peut user de son droit, et l’Administration est tenue
de ne pas y mettre obstacle. L’Administration est, alors, tenue à une obligation de non facere,
c’est-à-dire à l’obligation de ne pas faire (obligation d’abstention).

b) L’hypothèse dans laquelle l’acte administratif prescrit une obligation à la charge des
administrés. Dans ce cas, le principe du privilège du préalable, selon lequel l’acte administratif
bénéficie d’une présomption de régularité juridique et du caractère obligatoire, oblige le
particulier à s’exécuter. Mais, une voie de recours reste ouverte pour l’administré. Celui-ci peut
diligenter un recours pour excès de pouvoir contre l’acte en vue d’en obtenir l’annulation, et
d’être, par conséquent, délié de l’obligation de l’exécuter. Mais, avant l’intervention du juge, et
par conséquent, avant l’annulation éventuelle de l’acte, l’obligation d’exécuter la décision
demeure. Dans la situation que voilà, il est possible qu’il y ait refus ou résistance de la part de
l’administré.

Cette situation ouvre pour l’Administration la possibilité de recourir à des poursuites pénales contre
l’administré et d’obtenir du juge qu’il prononce à l’encontre de l’administré récalcitrant une sanction
pénale. L’Administration peut procéder l’exécution forcée de la décision. Ce procédé que constitue
l’exécution forcée est, à l’évidence, source de menaces pour les libertés. Ainsi, pour éviter les atteintes
aux libertés et les abus que l’exécution forcée pourrait engendrer, la jurisprudence administrative a dû
fixer les conditions du recours à l’exécution forcée. Ces conditions, qui sont cumulatives, sont au
nombre de quatre :

-La première condition est qu’il faut qu’il n’y ait aucune autre sanction légale.

-La deuxième condition est qu’il faut que l’acte administratif à exécuter ait sa source dans un texte de loi
précis.

-La troisième condition est qu’il faut qu’il y ait lieu à exécution forcée. Ce qui veut dire qu’il faut qu’il y
ait résistance de la part de l’administré.

-Enfin, la quatrième condition est que les mesures d’exécution forcée doivent tendre uniquement, dans
leur objet immédiat, à la réalisation de l’opération prescrite par la loi. Cela veut dire que
l’Administration, qui procède à l’exécution forcée, ne doit pas aller au-delà de ce qui est strictement
nécessaire.

§6 : La fin de l’acte administratif unilatéral par la volonté de l’Administration

Il peut être mis fin à l’existence d’un acte administratif suivant deux modalités : l’abrogation et le retrait.

L’abrogation s’entend de la suppression de l’acte pour l’avenir ; tandis que le retrait est la suppression de
l’acte avec tous les effets déjà accomplis. La théorie du retrait tend à concilier deux exigences
contradictoires à savoir : faire respecter les droits acquis (principe de l’intangibilité des droits acquis) et la
légalité (souci de faire disparaître l’acte illégal). Les règles qui régissent la matière varient selon que l’acte
est régulier ou non.
1-L’acte régulier

Il convient de distinguer, le retrait de l’abrogation.

➢ Le retrait

Le retrait de l’acte régulier n’est possible que si celui-ci n’a pas créé de droits. C’est dire que l’acte régulier
créateur de droits ne peut être rapporté. Au contraire, l’acte régulier non créateur de droits peut être
rapporté.

➢ L’abrogation

L’abrogation de l’acte régulier est possible. Cependant, elle tient compte de la distinction entre le
règlement et l’acte individuel. Les règlements peuvent être abrogés ou modifiés à tout moment, car il n’a
aucun droit acquis au maintien d’un règlement.

Les actes individuels peuvent également être abrogés. A ce niveau, il faut s’assurer que l’acte a créé ou
non des droits. Ainsi, les actes individuels créateurs de droits ne peuvent être abrogés que dans les
conditions légales, c’est-à-dire conformément aux lois et règlements en vigueur, tandis que les actes
individuels non créateurs de droits peuvent toujours être rapportés, à fortiori abrogés.

2- L’acte irrégulier

Il convient de distinguer la situation de l’acte irrégulier non créateur de droits, de celle de l’acte irrégulier
créateur de droits. S’agissant de l’acte irrégulier non créateur de droits, les règles diffèrent selon qu’il
s’agit du retrait ou de l’abrogation. Toujours est-il que le retrait est possible. L’administration a non
seulement le droit mais aussi l’obligation de retirer l’acte illégal. De même, l’abrogation est possible.
L’administration n’est pas tenue d’abroger l’acte illégal, elle a simplement la faculté de l’abroger à tout
moment. S’agissant de l’acte irrégulier créateur de droits, la règle est que les droits acquis sont certes
illégaux mais méritent tout de même une certaine protection. C’est la raison pour laquelle le retrait, tout
comme l’abrogation, est possible mais à condition d’intervenir dans le délai du recours contentieux qui
est de deux mois pour compter de la notification ou de la publication de l’acte.

3- Le régime spécial du retrait en matière de construction et d’urbanisme

Il doit être précisé, pour lever toute équivoque, que les actes pris par les autorités administratives
(maire, sous-préfet, préfet, ministre de la construction et de l’urbanisme) et ayant, notamment, pour
objet l’attribution de lots, la délivrance d’un permis de construire ou d’un permis d’habiter, sont soumis
au régime de droit commun du retrait des actes administratifs unilatéraux.

L’existence de nombreux arrêts, rendus par la Chambre administrative à la suite de l’arrêt El Hadj Bakary
Koné, l’atteste. Toutefois, en matière urbanistique, le retrait peut être fondé non seulement sur des
motifs d’illégalité de l’acte, comme on l’a vu, mais aussi sur le défaut d’effectivité de l’acte : c’est le
retrait justifié par l’absence de mise en valeur du terrain. Un tel retrait n’est régulier que s’il est précédé
d’une mise en demeure.

a) L’absence de mise en valeur du terrain


Les concessions provisoires de terrains urbains sont considérées par le juge de l’excès de pouvoir
comme assorties de conditions suspensives. Par conséquent, les actes qui les portent ne sont pas, en
tant que tels, créateurs de droits acquis. Des droits ne peuvent en sourdre ou en découler que dans la
mesure où les conditions prévues sont satisfaites. S’agissant de terrains ayant fait l’objet d’une
concession provisoire, la condition pour que le bénéficiaire ou attributaire ait un droit acquis, c’est la
mise en valeur du terrain. Si la mise en valeur fait défaut, alors, l’Administration peut rapporter l’acte de
concession.

Toutefois, l’Administration ne peut invoquer le défaut ou l’insuffisance de mise en valeur d’un terrain
que dans la mesure où un délai avait été imparti pour la mise en valeur dudit terrain. Ainsi, lorsque le
retrait d’un terrain pour absence ou insuffisance de mise en valeur ne s’appuie pas sur un acte
prescrivant un délai pour la réalisation de l’opération, alors, le retrait est jugé irrégulier et s’expose à
l’annulation sur recours pour excès de pouvoir (CSCA, 26 mars 2003 : Anon Akaba c/ préfet de San-
Pédro).

Le juge fait peser, évidemment, la charge de la preuve de la mise en valeur du terrain concédé sur le
requérant, qui est, ici, le concessionnaire. Et lorsque celui-ci ne prouve pas qu’il ait mis le terrain
concédé en valeur dans les délais fixés par l’arrêté de concession provisoire, alors il est mal-fondé à
demander l’annulation de l’arrêté ayant retiré l’acte de concession provisoire (CSCA,30 janvier 2002 :
Cissé Alioune c/ ministère du logement et de l’urbanisme).

Lorsqu’au contraire, le requérant soutient avoir mis le terrain en valeur, alors il appartient à
l’Administration de rapporter la preuve contraire. Si l’Administration s’abstient de le faire, alors, l’acte
portant retrait est jugé irrégulier, et par conséquent annulé (CSCA, 29 juillet 2009 : Comara Moussa c/
ministre de la construction et de l’urbanisme).

Il doit être noté que, bien que la condition tenant à l’absence ou à l’insuffisance de mise en valeur du
terrain soit une condition nécessaire en matière de retrait de terrains domaniaux concédés, cette
condition est insuffisante. Car, le juge de l’excès de pouvoir exige en plus que l’attributaire du terrain ait
été mis en demeure.

b) L’exigence d’une mise en demeure

La mise en demeure constitue une obligation à la charge de l’autorité administrative qui entend
procéder au retrait du terrain concédé. Elle consiste, d’une part, à rappeler au concessionnaire du
terrain l’obligation de mettre le terrain en valeur. Elle consiste, d’autre part, à impartir au
concessionnaire un nouveau délai à cet effet. C’est ce que prévoient les textes régissant l’aliénation des
terrains domaniaux, et c’est ce qu’applique le juge de l’excès de pouvoir (CSCA, 28 décembre 1991 : Djro
Moïse c/ ministère de l’environnement, de la construction et de l’urbanisme).

Le retrait n’est, alors, régulier que si la mise en demeure est restée infructueuse au terme du délai
imparti. Ainsi, lorsque l’Administration s’abstient d’utiliser cette procédure, elle commet une illégalité
susceptible de donner lieu à annulation (CSCA, 27 juin 2001 : Haidar Hamed Haidar c/ ministre de la
construction et de l’urbanisme). Il en est ainsi parce que la formalité de mise en demeure constitue une
"condition substantielle" (CSCA, 18 juillet 2007 : Kouakou Konan Simon).
Pour conclure, pour être conforme à la légalité, la décision de retrait doit intervenir sous la forme d’un
acte individuel ou collectif, notifié à l’intéressé ou aux intéressés. Le retrait ne doit en aucune manière
intervenir sous la forme d’un « communiqué en des termes généraux, sans indication des noms des
intéressés, dans un unique organe de presse ». Le retrait doit être contenu dans un acte de même
nature que celui contenant la décision de concession qui fait l’objet de retrait (CSCA, 26 mars 2003 :
Anon Akaba c/ préfet de San-Pédro).

Section 2 : L’acte administratif bilatéral : le contrat administratif

Le contrat s’appréhende comme un accord de volontés destiné à produire des effets de droits. Lorsque
l’administration passe un contrat avec son cocontractant, on parle a priori de contrat administratif, étant
donné que tous les contrats conclus par l’administration ne sont pas des contrats administratifs. Fort de
cela, il importe d’identifier les contrats administratifs et de préciser leur régime juridique.

PARAG I : L’identification des contrats administratifs

Le contrat est administratif soit par qualification légale soit par détermination jurisprudentielle.

A- La qualification légale

C’est l’hypothèse dans laquelle la loi confère la qualification administrative à un contrat donné. Les
principaux contrats administratifs par définition légale sont : les marchés de travaux publics, les contrats
d’occupation du domaine public, les ventes domaniales, les contrats d’emprunt public, les contrats relatifs
à l’exécution des travaux publics…

Il arrive que les textes soient silencieux sur la qualification du contrat. Dans ce cas, l’on a recours au juge
pour préciser la nature du contrat.

B- La détermination jurisprudentielle

Pour reconnaître au contrat le caractère administratif le juge retient deux critères tenant l’une à la qualité
des parties au contrat (critère organique) et l’autre à son contenu (critère matériel).

1) Le critère organique : la qualité des parties

Suivant ce critère, pour qu’un contrat puisse revêtir le caractère administratif, il faut que l’une au moins
des parties soit une personne publique ou son mandataire. Ce qui implique que, les contrats conclus entre
des particuliers ou des personnes morales de droit privé, ne peuvent pas être administratifs, même si
l’une des personnes est chargée d’une mission de service public.

2) Les critères matériels : le contenu du contrat

Ces critères, du reste, alternatifs, sont au nombre de trois. Soit le juge retient l’objet du contrat, soit il
retient la présence de clauses exorbitantes de droit commun, soit il retient le régime exorbitant.
Suivant le critère relatif à l’objet, un contrat passé par une personne publique est reconnu administratif
dès lors qu’il a pour objet de confier au cocontractant l’exécution même du service public.

A défaut de porter sur l’exécution du service public, le contrat peut être considéré comme administratif
dès lors qu’il renferme des clauses exorbitantes de droit commun. Il s’agit de stipulations contractuelles
qui ne se rencontrent pas en droit privé. Elles s’analysent, généralement, en de prérogatives de puissance
publique reconnues à l’administration.

Quant au régime exorbitant, il s’entend du cadre juridique fixé par les lois et règlements et comportant
pour les parties au contrat des droits et des obligations qui sont étrangers aux relations entre particuliers.

PARAG II : Le régime juridique des contrats administratifs

Nous nous attarderons aux règles applicables aux procédés de passation du contrat et aux modalités de
leur exécution.

A- Les procédés de passation

Les procédés de passation du contrat sont au nombre de deux : l’appel d’offre et le gré à gré.

L’appel d’offre consiste pour l’administration à mettre en concurrence les candidats éventuels au marché
et à attribuer le marché au soumissionnaire le mieux disant, c’est à-dire l’offre la plus intéressante. Outre
le prix, les éléments tels que les garanties professionnelles et financières, les qualités techniques, le délai
d’exécution des prestations entrent en ligne de compte.

Le gré à gré consiste pour l’administration à engager, sans formalité, sans concurrence, des négociations
avec une personne et lui attribue librement le marché.

B- L’exécution du contrat administratif

Dans l’exécution du contrat administratif, l’administration dispose de prérogatives exorbitantes du droit


commun, justifiées par l’intérêt général et plus spécialement par la nécessité du fonctionnement du
service public. Mais en contrepartie son cocontractant dispose de quelques garanties, fondées sur le
principe de l’équilibre financier du contrat.

1) Les prérogatives de l’administration

➢ Les pouvoirs de direction et de contrôle

L’administration a la possibilité, de façon permanente, de contrôler, de vérifier et diriger les opérations


d’exécution du contrat. Elle peut même donner des ordres au cocontractant.

➢ Le pouvoir de modification unilatérale

L’administration peut modifier unilatéralement les clauses du contrat en imposant à son cocontractant
des obligations nouvelles, différentes de celles initialement prévues dans le contrat.
➢ Le pouvoir de résiliation unilatérale

Pour les besoins du service public, l’administration peut résilier unilatéralement le contrat. Ce droit, qui
lui est ainsi reconnu, est admis en dehors même de toute stipulation contractuelle. Il n’est pas fondé sur
une faute commise par le cocontractant.

➢ Le pouvoir de sanction

En cas de manquement à ses obligations ; le cocontractant peut se voir infliger par l’administration des
sanctions. Celles-ci peuvent être pécuniaires, coercitives ou résolutoires.

2) Les garanties du cocontractant

Ces garanties sont le droit au paiement du prix et les droits à indemnité.

➢ Le droit au paiement du prix

Le prix est soumis à deux principes : le principe de l’irrévocabilité et le principe du service fait.

Le principe de l’irrévocabilité signifie que l’administration ne peut, en principe, toucher au prix par
modification unilatérale. Toutefois, le contrat peut prévoir lui-même des clauses d’indexation ou de
modification. Le principe du service fait signifie que le prix ne sera payé qu’après que le cocontractant ait
exécuté sa prestation. Toutefois, l’administration a la possibilité de faire des paiements anticipés par le
versement d’acomptes et d’avances au cocontractant.

➢ Les droits à indemnité

Les droits dont peut bénéficier le cocontractant ont des causes variables. On peut en distinguer deux,
l’une générale consistant dans la responsabilité de l’administration (cas de la faute de l’administration et
de la sanction du juge) et l’autre propre aux marchés des travaux publics. C’est l’exemple des indemnités
pour sujétions imprévues, des indemnités pour travaux supplémentaires effectués spontanément par le
cocontractant, à condition que les travaux soient indispensables.

3) L’influence des faits nouveaux dans l’exécution du contrat

Pour rétablir l’équilibre, le juge a élaboré trois théories à savoir la théorie du fait de prince, l’imprévision
et la force majeure.

➢ La théorie du fait du prince

Il y a fait du prince lorsque l’autorité contractante prend des mesures qui ont pour conséquence de rendre
plus onéreuse l’exécution du contrat et en rompent ainsi l’équilibre financier.

Pour que la théorie puisse jouer les trois conditions suivantes doivent être remplies :

*La mesure doit avoir été imprévisible au moment de la passation du contrat.

*La mesure dont se plaint le cocontractant doit émaner de l’autorité contractante. Si elle émane d’une
autorité autre que l’autorité contractante la théorie ne joue pas.

*La mesure doit être particulière au cocontractant. Ainsi, les mesures de portée générale (lois et
règlements) atteignant tous les citoyens et non le cocontractant seul, ne donnent pas lieu à application
de la théorie. Mais la théorie peut jouer lorsque la mesure de portée générale affecte un élément essentiel
de contrat.

Lorsque ces conditions sont remplies, le cocontractant doit être indemnisé intégralement du préjudice
subi.

➢ La théorie de l’imprévision

Il y a imprévision lorsque des circonstances exceptionnelles, imprévisibles et étrangères à la volonté des


parties surviennent et rendent plus onéreuses l’exécution du contrat. Ces faits nouveaux peuvent être
d’ordre naturel ou d’ordre économique et politique : guerre, séisme violent, blocages des prix…

La théorie ne joue qu’à trois conditions se rapportant aux faits perturbateurs :

*Les faits doivent avoir été imprévisibles ;

*Les faits doivent être indépendants de la volonté des parties contractantes ;

*Les faits doivent avoir bouleversé l’économie du contrat.

L’imprévision emporte des effets limités : l’indemnité d’imprévision n’est pas intégrale. Elle doit être
demandée à l’autorité contractante, même si le bouleversement est imputable à une autre autorité. En
plus elle est juste destinée à permettre au cocontractant de rétablir l’équilibre financier du contrat. Elle
n’a pas pour objet de couvrir des déficits définitifs. Si le déficit devient définitif la théorie d’imprévision
ne joue plus. On tombe alors dans un cas de force majeure et chaque partie contractante peut demander
la résiliation du contrat.

➢ La force majeure

La force majeure est un évènement imprévisible au moment de la passation des marchés, indépendant
de la volonté des parties et qui rend impossible l’exécution dudit marché.

Cette définition contient les trois conditions d’application de la force majeure :

*L’évènement doit être imprévisible, c’est-à-dire qu’il ne pouvait raisonnablement être envisagé par le
cocontractant au moment de la conclusion du contrat ;

*L’évènement doit être indépendant de la volonté des parties ;

*L’évènement doit rendre absolument impossible l’exécution de la prestation.

La force majeure entraîne trois effets principaux :

*Elle est une cause d’exonération de la responsabilité contractuelle ; les parties se trouvent ainsi de ce
fait, libérées de leurs obligations et soustraites à l’application des clauses pénales.

*Elle peut ouvrir droit pour ses conséquences dommageables à une indemnisation du cocontractant.

*Elle entraîne la résiliation du contrat lorsque l’exécution de celui-ci est rendue définitivement impossible,
à moins que les stipulations contractuelles garantissent le cocontractant contre le préjudice résultant de
cette situation.
PARAG III : LA TYPOLOGIE DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

On peut retenir trois grands types de contrats administratifs.

I. LES MARCHES PUBLICS

On peut définir le marché public comme étant un contrat par lequel le cocontractant s’engage à
fournir à l’administration une prestation moyennant le versement d’un prix. Le régime des marchés
publics est fixé par le code des marches publics du 24 juillet 2019. On peut les classer en deux ordres.

A- Les marchés classiques (art 44-47 du code des marchés publics)


Ce sont notamment les marches de travaux, les marches de fournitures, les marches de service
et les marches mixtes.

B- Les marches de types particuliers (art 48-54 du Code des marchés publics)
Ce sont les marches sur les dépenses contrôlées, les marches clés en main, les marches de
conception-réalisation, les marches d’innovation, les marches de conception, réalisation et exploitation
des accords-cadres.
II. LES CONVENTIONS DE DELEGUATION DE SERVICE PUBLIC
Il existe plusieurs types de conventions de délégations avant de les analyser, définissons la
notion de convention de délégation de service public.

A- Définition
Le code des marches publics ne définit pas la notion. C’est à la doctrine qu’il faut l’emprunter.
Ainsi selon le dictionnaire de droit administratif, « la délégation de service public est un contrat par
lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public unilatéralement ou par
contrat, a une autre personne physique ou morale, publique ou privée dont la rémunération est
substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».

B- LES FORMES DE DELEGATION DE SERVICE PUBLIC


On peut citer entre autres la concession, la régie intéressée, l’affermage, le contrat de gérance.

1. La concession
C’est un contrat administratif par détermination jurisprudentielle. Il revêt deux formes : la
concession de service public ou de la concession de travaux publics.

a) La concession de service public


On peut retenir que la concession de service public est u contrat de service public est un contrat
par lequel une collectivité publique que l’on appelle concédant charge une personne privée que l’on
appelle le concessionnaire, de faire fonctionner le service publ8c a ses frais et en se rémunérant au
moyen de redevances perçues sur les usagers. Il s’agit donc pour la plupart du temps de contrat qui
portent sur le transport, la distribution de l’eau ou de l’électricité. Le contrat de concession est un
contrat administratif alors que le concessionnaire est lié aux usagers par des contrats de droit privé.

b) La concession de travaux publics


C’est un contrat par lequel un particulier s’engage à édifier à ses frais et à ses risques, un
ouvrage public et à en assurer l’exploitation pendant un certain temps pendant lequel il aura le droit de
percevoir des taxes sur les usagers. Ces types de contrats portent la plupart du temps sur la construction
de canaux, de routes, d’autoroutes ou de chemin de fer.

2. L’affermage
..........

III. LES CONTRATS DE PARTENARIAT

Ce sont notamment :
- Les marches d’études ;
- L’offre de concours ;
- Le contrat d’emprunt public d’Etat ;
- Les contrats de recherche ;
- Les contrats innomés
CHAPITRE III : LES MISSIONS DE L’ADMINISTRATION

Les missions de l’administration sont au cœur du droit administratif. Malheureusement, ces missions sont
ignorées de bon nombre d’administrés. A ces derniers, il convient de rappeler que l’administration est
investie d’une double mission : une mission de prestation qui se réalise dans le service public et une
mission de prescription qui, elle, est perceptible à travers la police administrative.

SECTION I -. La mission de prestation : le service public

PARAG I-. La notion de service public

A-. La définition du service public

Le service public est, par définition, une activité d’intérêt général assurée soit par une personne publique,
soit par une personne privée sous le contrôle d’une personne publique. Trois critères ressortent de cette
définition : le critère matériel, le critère finaliste, et le critère organique. Suivant le critère matériel, le
service public se caractérise par la réalisation de prestations fournies aux usagers. Suivant le critère
finaliste, le service public a pour but la satisfaction de l’intérêt général. Suivant le critère organique, le
service public est géré soit par une personne publique, soit par une personne privée.

B-. La typologie des services publics

Il existe deux types de services publics : le service public administratif et le service public industriel et
commercial. La distinction entre ces deux types de services publics repose sur trois critères, à savoir :
l’objet du service, le mode de financement du service, et le mode de gestion du service.

1-. Le critère relatif à l’objet du service

Ce critère se réfère à l’activité à laquelle se livre le service. Si les activités en question sont de même
nature que celles d’une entreprise privée, il s’agit d’un service public industriel et commercial. Si au
contraire, les activités sont de nature différente, le service en cause est un service public administratif.

2-. Le critère relatif au mode de financement du service

Ce critère se réfère à la provenance et à la nature des ressources du service. Si le service est alimenté par
des redevances payées par les usagers en contrepartie des prestations reçues, il s’agit d’un service public
industriel et commercial. Si au contraire le service est alimenté par une subvention ou une taxe en dehors
de toute prestation, il s’agit d’un service public administratif.

3-. Le critère relatif au mode de gestion

Si le service est exploité dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire, il présente le caractère
industriel et commercial. Si au contraire, le service ne fonctionne pas dans les mêmes conditions qu’une
entreprise, c’est un service public administratif.
PARAG II-. Le régime juridique des services publics

A-. Les principes régissant le fonctionnement des services publics

Les règles régissant les services publics sont les mêmes. Elles sont au nombre de quatre.

Ce sont : le principe d’égalité, le principe de continuité, le principe de mutabilité, et le principe de


neutralité.

1-. Le principe d’égalité devant le service public

Le principe d’égalité est celui qui prône l’interdiction de toute discrimination devant le service public. Il
revêt un double aspect : égalité d’accès au service et égalité de traitement des usagers.

Relativement à l’égalité d’accès, tous les administrés qui remplissent les conditions prévues par les textes
d’organisation et de fonctionnement d’un service y ont accès. De même que les usagers, les
collaborateurs, les cocontractants et les agents.

Relativement à l’égalité de traitement, tous les usagers doivent être traités sur un strict pied d’égalité.
L’administration ne saurait soumettre certains d’entre eux à un régime de traitement privilégié. Mais, le
principe ne s’applique qu’à l’égard des personnes se trouvant dans les mêmes conditions.

2-. Le principe de la continuité

Il signifie que le service public doit fonctionner sans interruption, de façon continue. Le principe comporte
des conséquences à l’égard des agents et à l’égard du cocontractant.

A l’égard des agents, ces conséquences tiennent à la réglementation du droit de grève et au pouvoir de
réquisition reconnu aux pouvoirs publics.

A l’égard du cocontractant, celui-ci est tenu d’assurer le fonctionnement régulier et continu du service
même en cas de difficultés imprévisibles, sous réserve de leur droit à réclamer une indemnité
d’imprévision.

3-. Le principe de mutabilité

Il signifie que le service public doit s’adapter à tout moment à l’évolution des exigences de l’intérêt
général. Aucune situation acquise ne doit remettre en cause ce principe. Par conséquent, l’agent n’a pas
un droit acquis au maintien de son statut, étant entendu qu’il se trouve dans une situation légale et
règlementaire. De même l’usager du service public n’a aucun droit acquis au maintien du service public.
Pour le cocontractant, son contrat peut faire l’objet, à tout moment, de modification unilatérale de la part
de l’administration. Il ne peut se prévaloir des droits qu’il tient du contrat pour s’opposer à l’adaptation
du service.

4-. Le principe de neutralité

Il signifie que le service public doit fonctionner en ayant en vue uniquement l’intérêt général. Il ne doit
prendre en compte, ni les opinions politiques, ni les croyances religieuses, idéologiques, philosophiques,
ni le sexe, ni la race, ni les considérations ethniques des usagers. Ce principe est un aspect du principe de
l’égalité.
PARAG II-. Les modes de gestion du service public

Les modes de gestion du service public sont au nombre de deux : soit il est géré par une personne
publique, soit il est géré par une personne privée.

A-. La gestion du service public par la personne publique

1-. La gestion du service public en régie

La régie correspond à une gestion directe du service public par l’administration. Ainsi, la collectivité assure
directement l’exploitation du service en engageant ses propres deniers, en recrutant le personnel qui lui
est nécessaire, en passant des contrats avec les fournisseurs, en entrant en relation avec les usagers.

La régie est caractérisée par deux éléments : l’absence de personnalité juridique et l’absence d’autonomie
administrative et financière.

La régie intéressée est une variante de la régie simple ou directe. Elle consiste en la possibilité pour une
collectivité territoriale de confier la gestion d’un service public à une personne privée qui perçoit une
rémunération dont le montant peut être augmenté en fonction des résultats de l’exploitation.

2-. La gestion du service public par un établissement public

L’établissement public est un service public doté de la personnalité morale. C’est une personne morale de
droit public qui gère un service public. Les établissements publics sont soumis au principe de la spécialité.
Les textes créant l’établissement public déterminent l’objet de son activité c’est-à-dire la mission pour
laquelle il est créé. Les établissements publics sont toujours créés par une personne publique. Ils doivent
être distingués des établissements d’utilité publique qui sont des organismes privés essentiellement des
associations ou des fondations à qui l’administration a reconnu la qualité d’utilité publique.

B La gestion du service public par les personnes privées

1-. La gestion basée sur la délégation de service public (la concession)

Les collectivités publiques peuvent choisir de confier la gestion du service public à des personnes privées
qu’elles soient physiques ou morales. Le mode le plus usité pour le faire est la concession. C’est un contrat
par lequel une personne publique appelée autorité concédante confie à une personne privée dénommée
concessionnaire l’exploitation d’un service public moyennant une rémunération perçue sur les usagers.

2-. La gestion basée sur habilitation légale ou réglementaire

De plus en plus, les personnes privées assurent directement la gestion des services publics certes sous le
contrôle de la puissance publique mais en l’absence de toute habilitation contractuelle. Dans ce cas de
figure, le service public est géré sur habilitation légale ou réglementaire. En dehors de cette gestion
directe, les personnes privées peuvent également participer, en collaboration avec une personne
publique, à l’exécution d’une mission de service public.
SECTION II-. La mission de prescription : la police administrative

PARAG I-. La définition de la police administrative

La police administrative est une activité destinée à prévenir un trouble à l’ordre public et qui relève de la
compétence exclusive de l’administration.

A-. Une activité préventive de toute atteinte à l’ordre public

La police administrative est avant tout une activité de prévention. Elle veille à ce que l’ordre public ne soit
pas troublé. Si d’aventure l’ordre public est déjà troublé, la police administrative s’active au maintien de
l’ordre. La police administrative n’est pas à confondre avec la police judiciaire. La distinction entre ces
deux types de police repose sur deux critères : la finalité et le régime juridique applicable à l’activité.
Suivant le critère finaliste, la police administrative vise, on l’a déjà dit, à prévenir le trouble, alors que la
police judiciaire poursuit la répression du trouble.

Relativement au régime juridique, la police administrative relève de la compétence de l’autorité


administrative, tandis que la police judiciaire est du ressort de l’autorité judiciaire. Curieusement, en Côte
d’Ivoire, la police administrative et la police judiciaire relèvent du même juge en l’occurrence le juge
judiciaire. Quant à la notion d’ordre public, elle a évolué dans sa composante. Par le passé, elle se résumait
à la tranquillité publique, à la sécurité publique, et à la salubrité publique. Dans sa conception actuelle,
elle englobe la moralité publique, l’esthétique, les considérations d’ordre politique et économique, et le
respect de la dignité humaine.

B-. Une activité relevant de la compétence exclusive de l’administration

Le fait que la police administrative soit une activité relevant de la compétence exclusive de
l’administration implique qu’il est interdit de déléguer l’exercice des compétences de police à des
personnes privées, mais également qu’il est interdit de recourir à la technique contractuelle.

PARAG II-. Les autorités de police administrative

On peut distinguer les autorités de police administratives en deux catégories : les autorités de police
générale et les autorités de police spéciale.

A-. Les autorités de police générale

La police générale est celle qui vise à maintenir l’ordre public à l’égard de tous et de toutes les activités.
Elle est exercée par le Président de la République, le ministre de l’intérieur, et les autorités locales.

1-. Le Président de la République

Le Président de la République est la première autorité de police générale. Cette situation trouve son
fondement dans l’article 63 de la constitution au terme duquel « le Président de la République est le
détenteur exclusif du pouvoir exécutif ».

La police administrative est l’une des matières qui compose le domaine réglementaire autonome. C’est
d’ailleurs ce que prescrit la Constitution au terme de l’article 65 : « Le Président de la République prend
les règlements applicables à l’ensemble du territoire de la République ».
2-. Le ministre de l’intérieur

Le ministre de l’intérieur est investi de pouvoirs de police par délégation de pouvoir du Président de la
République.

3-. Les autorités locales

Les autorités locales interviennent pour les unes, dans les circonscriptions administratives, et les pour les
autres, dans les collectivités territoriales. Dans les circonscriptions administratives, il s’agit du préfet et du
sous-préfet. Dans les collectivités territoriales, on a le conseil régional et le président du conseil régional
pour les régions, et pour les communes du conseil municipal et du maire.

B-. Les autorités de police spéciale

La police administrative spéciale est celle qui vise à réglementer un domaine particulier d’activités ou une
certaine catégorie de personnes. Ce sont les ministres et les autorités décentralisées qui exercent les
pouvoirs de police spéciale.

C-. La concurrence des polices

Les différentes autorités de police sont parfois en accord, quelquefois en concurrence pour régir la même
matière. Pour ce qui est de la concurrence, deux hypothèses seront envisagées. La première hypothèse
est celle dans laquelle les autorités de police générale sont en concurrence. Dans ce cas de figure, en
raison du principe de la hiérarchie, les règles édictées par l’autorité supérieure priment sur celles édictées
par l’autorité inférieure. Cette dernière ne peut donc empiéter sur les pouvoirs de l’autorité supérieure.
Elle peut cependant compléter les prescriptions de l’autorité supérieure mais seulement, en aggravant les
mesures prises par l’autorité supérieure, à condition que les circonstances locales le justifient.

La seconde hypothèse est celle dans laquelle il y a une concurrence entre une autorité de police générale
et une autorité de police spéciale. En principe, la police spéciale l’emporte sur la police générale. Mais
cela n’exclut pas une intervention de l’autorité de police générale. Celle-ci peut intervenir à deux
conditions. D’une part, il faut que les circonstances locales le justifient. D’autre part la mesure doit être
plus grave.

PARAG III-. L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE

A-. Les procédés de police

Les procédés de police sont les moyens dont dispose l’autorité compétente pour maintenir l’ordre public.

1-. Les actes juridiques ou mesures de police

Les mesures de police sont des activités juridiques constituées des mesures individuelles et des mesures
réglementaires. Nous mettrons l’accent sur les dernières citées :

➢ La réglementation
Elle consiste pour l’autorité de police à déterminer les conditions d’exercice d’une liberté ou d’une activité
donnée.

➢ La déclaration préalable

Elle consiste, pour le particulier, à n’exercer une activité qu’après avoir informé l’autorité de police.

➢ L’autorisation préalable

Elle consiste, pour le particulier, à n’exercer l’activité qu’après avoir obtenu l’autorisation expresse de
l’autorité de police.

➢ L’interdiction

Elle consiste à prohiber l’exercice d’une activité déterminée.

2-. Les actes matériels : la coercition

La coercition consiste dans la possibilité qu’à l’autorité de police de contraindre l’administré à s’exécuter,
d’employer la force publique pour maintenir ou faire cesser le désordre.

B-. Les limites de l’exercice du pouvoir de police

Parce que ce pouvoir porte atteinte aux libertés et qu’il est admis que « la liberté est la règle et la
restriction de police l’exception », le juge va exercer un contrôle étendu sur l’exercice du pouvoir de
police.

Le contrôle va s’exercer sur la légalité du but et des motifs de la mesure de police, laquelle ne doit avoir
d’autre finalité que le maintien ou le rétablissement de l’ordre public et être motivée par des menaces
réelles à cet ordre public.

Les mesures de police sont des décisions administratives et à ce titre, elles doivent respecter les exigences
du principe de légalité notamment la compétence de l’autorité qui prend l’acte. Dans tous les de figure,
la mesure de police doit être nécessaire, elle doit avoir pour but la sauvegarde de l’ordre public et
certaines mesures de police sont en principe prohibées. Et les mesures de police doivent être en rapport
avec la nature de la liberté concernée.

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