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DROIT ADMINISTRATIF

Connaître toute la jurisprudence que la prof donne.


Benoit Plessix « Droit administratif général » Lexis Nexis 2016

Partie 1. Les moyens d’action de l’administration : les actes


Selon le dictionnaire le Littré, un acte est un « terme qui, très général, se rapportant à agir,
s’applique à tout ce que l’on peut faire ». On constate qu’il existe un lien entre les termes « acte »
« action » et « activité ». On peut dire que l’action renvoie à la puissance qui agit : elle désigne ce
que fait quelqu'un. L’activité renvoie au domaine d’action. L’acte peut être considéré comme le
moyen par lequel l’Administration va exercer ses activités, notamment le service public et la police.

On va s’attacher essentiellement à l’acte juridique et non à l’acte matériel de l’administration. L’acte


matériel est une manifestation de volonté qui vise à produire des effets concrets et pas forcément
des effets juridiques. Ex : un projet d’aménagement qui a été conduit suite à une expropriation qui
fait suite à des actes juridiques. Il y a également l’expulsion d’un étranger, qui intervient après un
acte juridique.
Partant, l’acte juridique se définit de manière générale comme toute manifestation de volonté ayant
pour conséquence de produire des effets de droit. Comme en droit privé, l’acte juridique désigne
deux choses de manière simultanée :
➢ L’instrumentum : l’extérieur, la forme, l’enveloppe, l’écrit de l’acte.
➢ Le negotium : le contenu lui-même de l’acte.

Toutefois, tout acte administratif est un acte juridique, tout acte juridique n’est pas un acte
administratif. Il existe des actes de droit privé, mais il existe aussi des actes juridictionnels et des
actes législatifs. Donc l’acte administratif peut se définir comme l’acte qui n’est pas un acte
juridictionnel c'est à dire que ce n’est pas un acte ayant pour objet de trancher un litige et ayant
force de chose jugée. Ce n’est pas non plus un acte législatif c'est à dire émanant d’un organe
législatif comme la loi ou d’une assemblée parlementaire.

Il faut éviter d’assimiler acte administratif et acte unilatéral. Il est juste de souligner que
l’administration agit souvent par voie unilatérale. C’est ainsi qu’une partie de la doctrine pense qu’il
s’agit du « procédé type de l’action administrative (…) la puissance publique s’y affirme avec éclat »
(J. Rivero). Il existe des actes unilatéraux en droit privé (ex : testament) et d’autre part, il existe des
contrats administratifs. Partant actes administratifs et actes unilatéraux ne sont pas synonymes.

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Leçon 1. L’acte administratif unilatéral
On a tendance à opposer l’acte unilatéral aux contrats. Toutefois, il ne faut pas prendre en compte
le nombre d’auteurs de la décision ; en effet un acte unilatéral peut émaner des plusieurs auteurs.
Ex : arrêté interministériel qui émane de plusieurs ministres comme arrêtés interministériels de
reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

A contrario, un acte qui n’a qu’un seul auteur est un acte unilatéral.
Ex : arrêté du maire qui règlemente le stationnement dans sa commune.

On affirme souvent à tort que l’acte unilatéral s’impose à son destinataire sans son consentement,
ce qui permettrait de le différencier du contrat. Cette définition est approximative voire inexacte :
c’est souvent le cas mais pas toujours.
Ex : la nomination d’un fonctionnaire (acte unilatéral) nécessite d’être acceptée par son destinataire.

Il vaut mieux donc mieux le définir comme étant un acte destiné à régir le comportement de
personnes étrangères à son édiction (qui n’en sont pas l’auteur). On dit aussi que l’acte unilatéral
confère des droits et obligations à des personnes principalement tierces à son édiction.

Reste que l’acte unilatéral n’est pas toujours, même s’il émane de l’administration, un acte
administratif. En effet, il y a des actes unilatéraux émanant de personnes privées qui peuvent être, à
certaines conditions, des actes administratifs.

Chapitre 1. L’identification de l’acte administratif unilatéral


Lorsque l’administration use de l’acte unilatéral, elle dispose d’un moyen d’action exorbitant du
droit commun. Les personnes privées entre elles utilisent bien davantage le contrat c'est-à-dire
qu’elles créent des droits et obligations entre elles. Pour désigner le caractère exorbitant du droit
commun de l’acte unilatéral, le doyen Hauriou parlait de décision exécutoire ou d’une décision qui
bénéficie « du privilège du préalable ». Pour Hauriou, « la décision exécutoire est toute déclaration
de volonté émise par une autorité administrative en vue de produire un effet de droit vis-à-vis des
administrés ».

CE, 2 juillet 1982, Huglo : pour le CE, le caractère exécutoire des décisions administratives est « la
règle fondamentale du droit public ».
Cela veut dire que l’acte pris par l’administration modifie immédiatement l’ordonnancement
juridique et plus précisément que l’administration n’a pas besoin de passer devant le juge pour
qu’on lui obéisse c'est-à-dire que l’acte soit exécuté. Cela a la conséquence que les administrés
doivent immédiatement obéir aux actes de l’administration. On dit aussi que les actes de
l’administration bénéficient d’une présomption de légalité. Paradoxalement, si l’on considère qu’il
est illégal, on saisit le juge d’un recours en annulation.

Quand on est en présence d’un acte unilatéral, on doit savoir s’il est de droit privé ou de droit
administratif. En présence d’un acte administratif, on verra qu’il y a plusieurs catégories.

Section 1. Acte de droit privé et Acte administratif unilatéral


L’idée est de savoir à partir de quels critères un acte unilatéral pourra être qualifié d’acte
administratif. Evidemment le critère organique est important mais il ne se révèle pas suffisant. Donc,
il faut envisager une combinaison de plusieurs éléments : un élément organique (en principe, la
présence d’une personne publique) et un élément fonctionnel (tenant à la finalité de l’action de la
personne)

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§1. UN ACTE UNILATÉRAL ÉDICTÉ PAR UNE PERSONNE PUBLIQUE
N’importe quel acte unilatéral d’une personne publique ne sera pas qualifié d’acte administratif. Il
faut en effet que cette personne publique exerce une fonction administrative et que les actes pris
par elle traduisent la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique.

A. LE PRINCIPE : L’ACTE ADMINISTRATIF DANS LE CADRE DE L’EXERCICE D’UNE FONCTION


ADMINISTRATIVE
Il faut se souvenir de la séparation des pouvoirs et des fonctions juridictionnelles, législatives et
exécutives. A priori, seuls les actes se rattachant à la fonction exécutive peuvent être considérés
comme des actes administratifs, puisque l’administration au sens large relève du pouvoir exécutif.

S’agissant de la fonction juridictionnelle, un acte émanant d’un organe juridictionnel ne peut en


principe être qualifié d’administratif. C’est une évidence pour les décisions de justice qui sont des
actes juridictionnels. Mais une juridiction ne se contente pas de rendre des jugements, elle élabore
aussi des actes relatifs à l’organisation du service public de la justice qui lui est confié. Ces actes
concernent donc une activité administrative, et à ce titre, pourront être qualifiés d’actes
administratifs
TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane : les actes relatifs au fonctionnement de la justice
judiciaire sont des actes juridictionnels mais ceux qui sont relatifs à l’organisation du service public
dont les organes juridictionnels ont la charge sont administratifs. Donc des actes administratifs
peuvent être pris par des organes juridictionnels.

S’agissant de la fonction parlementaire, la loi votée est sans aucun doute un acte législatif et non
pas un acte administratif. Mais le Parlement comprend aussi des services qui sont sous son autorité
et qui peuvent édicter des actes et certains de ces actes pourront être qualifiés d’actes
administratifs.
Ainsi les litiges individuels concernant les agents titulaires des services parlementaires relèvent de la
compétence du juge administratif et donc indirectement on considèrera que ce sont des actes
administratifs. Donc il y a aussi des actes administratifs dans ce cas-là.

S’agissant de la fonction exécutive, il existe une présomption du caractère administratif de l’acte :


tout acte qui est pris par une autorité de l’Etat, des CT, d’un établissement public sera pré sumé
administratif. C’est toujours le cas pour les actes règlementaires.
Cependant, même si un acte est pris par de telles autorités exécutives, comme le chef de l’Etat, mais
qu’il se rattache à la fonction législative ou juridictionnelle (comme ça peut être exceptionnellement
le cas), l’acte ne pourra pas être considéré comme un acte administratif.
 Acte pris par le chef de l’Etat dans le cadre de la fonction législative : les mesures
prises dans le cadre de l’article 16 de la constitution, ou dans le cadre des
ordonnances qui ne sont pas des actes administratifs.
 Acte pris par le chef de l’Etat dans le cadre de la fonction juridictionnelle : exercice du
droit de grâce : l’acte n’est pas ici non plus administratif.

B. LES EXCEPTIONS : UN ACTE PRIVÉ EN CAS DE GESTION PRIVÉE


Lorsque la personne publique exerce une fonction administrative et édicte un acte dans le cadre de
cette fonction, mais qu’elle agit comme une personne privée dans les conditions du droit commun,
on considère qu’elle ne met pas en œuvre des prérogatives de puissance publique et de ce fait, qu’il
n’y a pas de raison que l’acte dont elle est l’auteur soit un acte administratif. Il manque en effet le
critère fonctionnel ; elle n’agit pas dans une finalité d’intérêt général.

Il y a essentiellement 2 domaines dans lequel c’est le cas :

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• Concernant la gestion des SPIC, la personne publique se comporte comme une personne
privée gérant son entreprise donc les actes individuels qu’elle prend dans le cadre de cette
gestion, quels qu’en soient les destinataires, sont des actes de droit privé relevant de la
compétence du juge judiciaire
CE,1988, La colline : marque le refus d’un maire d’autoriser le raccordement demandé par un
usager du service publique au réseau communal d’assainissement.

• Concernant la gestion du domaine privé, c’est la même logique ; les personnes publiques
gèrent leur domaine privé comme un particulier gère sa propriété privée c'est-à-dire qu’elle
est guidée par des intérêts patrimoniaux et non par l’intérêt général. Donc il n’y a pas de raison
de soumettre les actes qui en relèvent à un régime exorbitant et à la compétence du juge
administratif.

Ex : le refus d’un droit de passage d’un particulier sur une parcelle communale.
Toutefois, de plus en plus le juge administratif a tendance à considérer que tel ou tel acte peut
être détaché de la gestion du domaine privé et donc à se reconnaître compétent.

Même si la présomption est qu’un acte unilatéral édicté par une personne publique exerçant une
fonction administrative est un acte administratif, cette présomption peut être renversée. Le critère
implicite est celui de la prérogative de puissances publiques : s’il n’y a pas ces PPP, on ne le
considèrera pas comme un acte administratif.
Il faut voir l’hypothèse inverse : les actes administratifs susceptibles d’être adoptés par une personne
privée.

§2. L’ACTE ÉMANANT D’UNE PERSONNE PRIVÉE


Le principe est inverse : l’acte en principe est de droit privé. Mais la question se pose dans le cadre
de la gestion d’un service public et qu’elle édicte des actes dans le cadre de cette mission.
CE, 1938, Caisse primaire aide et protection. Le CE a reconnu qu’une personne privée pouvait être
chargé d’un service public.
Le principe demeure qu’un acte édicté par une personne privée gérant un service public est un acte
de droit privé. Mais, il existe des exceptions. Il faut dissocier de la nature du service public : SPA ou
SPIC.

A. UN ACTE ÉMANANT D’UNE PERSONNE PRIVÉE GÉRANT UN SPA : LA MISE EN ŒUVRE DE


PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE
Dans 2 décisions, le juge administratif a accepté de connaître du recours contre des actes unilatéraux
émanant de personnes qui n’étaient pas des établissements publics et donc qui n’étaient pas une
personne publique. A l’époque, comme personne morale de droit public, il y a des personnes
morales a compétence générale et des personnes à compétence spéciale. Le type même de la
personne publique à compétence spéciale est des établissements publics.

On a considéré à partir de là que c’était une première étape vers la reconnaissance d’actes
administratifs unilatéraux pris par des personnes autres que des personnes publiques :
CE, assemblée, 31 juillet 1942, Monpeurt : un comité d’organisation (structure crée pour diriger la
production industrielle) avait pris une décision. Le CE a accepté de prendre le recours alors que ce
n’était pas une personne publique.

CE, 2 avril 1943, Bouguen : concernait l’ordre professionnel des médecins, à l’époque on considérait
que ce n’était pas des personnes morales de droit public

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(personne morale de droit public spéciales aujourd'hui (autres que CT et Etat) : établissements
publics (qui créait pour gérer un SP comme université) et GIP (groupement d’intérêt public))

CE, section, 1946, Morand : le CE reconnaît explicitement qu’une personne privée gérant un SP peut
édicter un acte administratif lorsqu’il intervient pour l’exécution de cette mission de SP.

Le CE a ensuite précisé les conditions où il reconnaît la qualité d’acte administratif.


CE, 1961, Magnier : les décisions sont des actes administratifs parce qu’ils traduisent la mise en
œuvre de PPP.
Tout acte édicté par une personne privée gérant un SP ne sera pas automatiquement un acte
administratif.

Il ne le sera que s’il intervient dans un « contexte autoritaire » (traité du droit administratif, Gonod,
Melleray, Yolka). La décision Magnier concernait une décision individuelle. La même solution a été
prise par le CE pour les actes qui ont une portée générale c'est-à-dire les actes règlementaires.
Ex : CE Section 1974, Fédération française des articles de sport (FIFAS).

B. UN ACTE ÉMANANT D’UNE PERSONNE PRIVÉE GÉRANT UN SPIC : LE CRITÈRE DE L’ORGANISATION


DU SERVICE
Dans la mesure où la gestion d’un SPIC fait appel de manière prépondérante au droit privé et
d’autant plus lorsque sa gestion est assurée par une personne privée (dans notre hypothèse). Par
conséquent, les hypothèses dans lesquelles ces personnes prennent des actes qui auront la qualité
d’actes administratifs sont logiquement peu nombreuses. Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une
décision réglementaire ou d’un acte individuel.

1ère hypothèse : s’agissant des actes règlementaires


TC, 15 janvier 1968, Epoux Barbier : le TC a considéré que le règlement établi par le conseil
d’administration d’Air France avait un caractère administratif. Ce règlement définissait les conditions
de travail du personnel naviguant, et plus précisément, il interdisait le mariage des hôtesses de l’air
(le mariage entraînait cessation de leurs fonctions).
On a considéré que les règlements relatifs à l’organisation du SPIC étaient des actes administratifs
dont l’appréciation relève de la juridiction administrative.

Il y a eu une confirmation récente.


TC, 11 janvier 2016, Comité d’établissement de l’unité client et fournisseur Ile-de-France des
sociétés ERDF et GRDF : le TC a considéré que le juge admin était compétent pour « apprécier la
légalité d’une décision relative à l’organisation du service public lui-même (ici un SPIC) et non à la
seule organisation interne de la société chargée de le gérer » (voir dossier TD).
Ici, le TC a fait distinction car l’organisation de la société peut avoir des conséquences sur
l’organisation de l’activité, du service public en tant que tel. Donc ici confirmation. La nature des
actes pris par les organes chargés du SPIC dépend de leur objet :
 S’ils portent sur l’organisation du service public, ils reçoivent en fait la même
qualification, quelle que soit la nature privée ou publique de l’institution en cause ; ce
sont des actes administratifs règlementaires.
CE, section, 1er juillet 2016, Institut d’ostéopathie de Bordeaux : le CE considère que la
décision relative à l’agrément d’un enseignement privé est dépourvue de caractère
réglementaire dans la mesure où cette décision n’a pas par elle-même pour objet
l’organisation d’un service public.
 S’ils ne touchent pas à l’organisation du service public, ce ne sont pas des actes
administratifs.

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2nd hypothèse : les actes individuels pris par une personne privée gérant un SPIC :
Ces décisions individuelles prises en vue de l’exécution du SPIC sont des actes de droit privé.
Ex : les décisions qui vont concerner l’aménagement interne de ses organismes ou pour les décisions
qui concernent les relations individuelles avec les usagers ou le personnel.

On peut se demander s’il n’existe pas 2 jurisprudences :


➢ D’une part celle qui pose le critère des prérogatives de puissance publique pour les actes
émanant de personne privée gérant un SPA (Magnier et FIFAS)
➢ D’autre part celle qui pose comme critère la nature de l’acte c'est à dire les règlements
relatifs à l’organisation du service pour les actes émanant des personnes privées gérant un
SPIC (Epoux Barbier)

En réalité on peut considérer qu’en fait il existe un seul critère, c'est-à-dire la prérogative de
puissance publique (Chapus). En effet, comme le souligne une partie de la doctrine comme Jean-
François Lachaume, la PPP apparaît nettement (dans le cadre des SPIC) si l’on songe que la
réglementation applicable aux personnels d’Air France dans la décision Epoux barbier ne résulte pas
d’une négociation collective, comme le veut le droit commun du travail, mais est le fruit d’un acte
unilatéral du conseil d’administration spécialement habilité à cet effet par les pouvoirs publics . De
par cette habilitation, ça traduit la mise en œuvre de PPP. On peut considérer que la PPP se
manifeste donc par un pouvoir de réglementation unilatéral reconnu à l’organe d’une personne
morale de droit privé.
On considère en réalité qu’il n’y a qu’un critère : un acte administratif pris par une personne privée
gérant un SP traduit la mise en œuvre de PPP, quel que soit le SP.

Section 2. Les classifications des actes administratifs unilatéraux


Il faut souligner que ces classifications sont multiples et elles ne sont pas exclusives les unes des
autres, elles peuvent se recouper et peuvent reposer sur des critères différents. Par le biais de la
définition on a étudié une classification fondée sur un critère organique : présence ou non d’une
personne publique.
Il existe d’autres critères : le critère matériel (c'est-à-dire le contenu de l’acte administratif et cela
revient à s’intéresser à la distinction entre acte règlementaire et acte non règlementaire) ou d’autres
critères qui tiennent aux effets de l’acte c'est-à-dire aux conséquences de l’acte sur
l’ordonnancement juridique (renvoi à la distinction entre actes décisoires et non décisoires). En effet
certains actes, qui sont pourtant élaborés par l’administration ne modifient pas l’ordonnancement
juridique. On va alors s’attacher à la distinguer entre les actes décisoires et non décisoires.

SOUS-SECTION 1. LA DISTINCTION ENTRE ACTE RÈGLEMENTAIRE ET ACTE NON RÈGLEMENTAIRE

§1. LE PRINCIPE ET LES CONSÉQUENCES DE LA DISTINCTION


La distinction est matérielle et produit des effets sur les effets de publicité de l’acte.

A. Le principe de la distinction

1/ Les définitions classiques.


Pour dissocier un acte règlementaire d’un acte non règlementaire, il faut prendre en considération
le destinataire de l’acte.
 S’il s’agit d’un acte visant des personnes qui ne sont pas nominativement désignées,
ou qui sont désignées de manière abstraite, alors il s’agit d’un acte règlementaire. Cet
acte pose une norme générale et impersonnelle.
Ex : un arrêté d’examen, un arrêté municipal qui règlemente le stationnement.

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 S’il s’agit d’un acte visant une ou plusieurs personnes nominativement désignées, il
s’agit d’un acte non règlementaire.
Ex : un acte proclamant les résultats d’un concours vise plusieurs personnes
nominativement désignées (on parle alors d’un acte collectif), un décret du Président
de la République qui nomme un professeur d’université (on parle alors d’un acte
individuel).

Cette distinction ne repose pas sur un critère quantitatif : un acte règlementaire peut viser une seule
personne et un acte non règlementaire peut viser plusieurs personnes.

Il y a également des situations intermédiaires c'est-à-dire des actes qui ne sont pas nécessairement
ou règlementaires ou individuels ; on trouve aussi des décisions d’espèce ou des actes particuliers.
Aujourd'hui, le Code des relations entre le public et l’Administration (CRPA) retient pour désigner ces
actes une qualification essentiellement négative : ni réglementaire ni individuelle (merci le législateur
pour tant de précisions). La doctrine s’est alors efforcée (comme d’habitude) d’apporter plus de
précision : pour Melleray, « ces décisions contiennent des normes impersonnelles comme les
décisions réglementaires mais aussi particulières ».
Leur caractéristique est d’être hybride, c'est-à-dire que ces actes vont viser une opération, une
situation particulière et applique une réglementation préétablie. Autrement dit, ces actes
empruntent des traits à la fois des actes individuels ou des actes réglementaires.
Ex : en matière d’expropriation, des déclarations d’utilité publique. La déclaration d’utilité publique
est une décision d’espèce. Ces actes particuliers ont un régime juridique hybride.

2/ Les interrogations récentes concernent la définition du caractère réglementaire d’un acte.


Plusieurs décisions récentes - qui ne sont pas des décisions de principe - posent question quant au
critère de définition de l’acte réglementaire même s’il n’y a pas de remise en cause générale. Il faut
se référer au CE.
CE Section 2016 Institut ostéopathie de Bordeaux pour les actes relatifs à l’organisation du SP : le CE
estime qu’ils ne sont plus systématiquement réglementaires et au vu de cette définition c’est le
caractère de généralité de l’acte qui est mis en avant c'est à dire que ce n’est pas parce que l’acte
touche à l’organisation du SP qu’il sera forcément réglementaire (cf considérant 3 de la décision). Le
caractère général et impersonnel, élément de caractérisation de l’acte réglementaire semble remis à
l’honneur pour les actes relatifs à l’organisation du SP.

Se pose aussi une question qui va au-delà, c'est à dire en dehors de l’organisation du SP.
CE, 27 juillet 2016, Société ferme éolienne de maison : le CE estime qu’un acte ne peut être qualifié
de réglementaire s’il ne fait que rappeler des dispositions générales.

B. Les conséquences de la distinction


Elles sont importantes car le régime juridique ne sera pas le même, notamment en ce qui concerne la
motivation de ces décisions. Les modalités de publicités de l’acte ne sont pas les mêmes. La
publicité est essentielle pour que l’acte soit opposable aux administrés. Cette publicité n’est pas la
même selon l’acte :
•Pour l’acte individuel il faut une notification de la décision à l’intéressé, art. L. 221-8 du CRPA
par lettre simple ou lettre recommandée.
•Pour les actes règlementaires et particuliers il s’agit d’une publication, art. L. 221-2 CRPA.
Ex : permis de construire.

Cette publicité différente va avoir elle-même des conséquences pour l’entrée en vigueur de l’acte et
pour les délais de recours notamment pour excès de pouvoir (en principe de 2 mois à partir de la
publicité, c'est-à-dire soit de la notification soit de la publication).

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*Voir le délai-Franc

§2. L’EXERCICE DU POUVOIR RÈGLEMENTAIRE EN FRANCE


Certaines autorités disposent d’une pouvoir règlementaire général, c'est-à-dire applicable au niveau
national, tandis que d’autres autorités se voient reconnaître d’un pouvoir règlementaire limité,
subordonné qui n’est valable uniquement que dans l’enceinte de l’administration concernée et
strictement encadrée par les textes.

A. Le pouvoir règlementaire général au niveau national


1/ Les autorités détentrices du pouvoir règlementaire général
La distinction entre loi et règlement est organique et a été introduite avec la constitution de 1958 : le
législateur par la loi et le pouvoir exécutif par le règlement édictent des règles abstraites qui
s’appliquent à tous. Au sein du pouvoir exécutif, cette possibilité n’est pas offerte à toutes les
autorités.

a) La compétence du 1er ministre et du Président de la République


Décret : actes émanant du Président et 1er ministre, peut être règlementaire ou individuel.
Arrêtés : actes émanant des ministres

Selon l’art. 21 constitution : le 1er ministre assure l’exécution des lois c'est à dire qu’il exerce le
pouvoir règlementaire sous réserve de l’art 13 (il a une compétence de principe en la matière).
Parallèlement, l’art. 19 constitution : Pour le Président de la République, il intervient « pour les
décrets délibérés en conseil des ministres qui sont signés par lui », et il va intervenir pour les actes
règlementaires. Ils sont contresignés par le PM et les ministres responsables.

Difficultés dans la pratique car :


 Le Président a pu signer des décrets qui n’ont pas été effectivement délibérés en CM
et donc le CE a dû intervenir.
CE, 27 avril 1962, Sicard : si le PM contresigne un décret non délibéré en CM signé par
le Président de la République, cela reste un décret du PM.

 De même, si aucun texte ne prévoit expressément la délibération en CM et que le


décret y est cependant délibéré et donc signé par le Président de la République, c’est
lui qui en sera l’auteur (CE, 10 septembre 1992, Meyet).
Cela accroit considérablement la compétence du Président de la République qui n’a
pourtant qu’une compétence d’attribution par rapport au PM.

b) L’incompétence de principe des ministres


Les ministres ne disposent pas du pouvoir règlementaire général dévolu par la constitution aux
deux seules autorités précédentes. Les ministres ne peuvent disposer que d’un pouvoir
règlementaire subordonné dans deux hypothèses :
Soit en tant que chefs de service, mais c’est un pouvoir limité de réglementation interne de
l’administration qui est placée sous son autorité (CE, 7 février 1936, Jamart).

Soit quand un texte habilite de manière expresse le ministre.


Ex : le ministre de l’éducation peut règlementer les conditions d’obtention d’un diplôme : son
pouvoir règlementaire est défini et limité

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2/ Les catégories de règlements : les règlements d’application de la loi et les règlements
autonomes
Dès la IIIème République, on déduisait de la constitution l’existence d’un pouvoir règlementaire
appartenant soit au chef de l’État soit au chef du gouvernement, en application des lois. De plus, dès
la fin du XIXème siècle, en dehors des dispositions législatives autonomes, le chef du gouvernement
pouvait exercer un pouvoir règlementaire autonome. Mais jusqu’à 1958, deux principes existaient :
•Le domaine illimité de la loi
•La subordination du règlement à la loi
Le règlement était limité, essentiellement la police (CE, 9 août 1919, Labonne). Avant une loi pouvait
tout à fait intervenir dans un domaine classiquement réservé au règlement, et le règlement ne
pouvait contredire une loi.

La constitution de 58 par le partage dans les articles 34 et 37, remet en cause ses principes. La loi n’a
plus qu’un domaine limité (art. 34). Selon l’art. 37, le règlement intervient dans toutes les autres
matières. Donc le pouvoir exécutif dispose de la compétence de principe pour l’édiction de règles
générales et le législateur une compétence d’attribution. Ce bouleversement est à nuancer car y a
d’autres dispositions de la constitution qui attribuent des compétences au législateur.
De plus, cette modification semblait corrélativement consacrer l’existence de règlements
autonomes. Par définition, dans les autres matières que celles énumérées à l’art. 34, il n’y a en
principe pas de lois préexistantes, c'est-à-dire que le règlement intervient sur un terrain vierge. Donc
dans ce cas-là, il n’y a pas de loi à respecter. De ce fait, le pouvoir règlementaire va être protégé
comme d’éventuels empiètements du législateur.
Ex : irrecevabilité de proposition de lois ou d’amendements.

Donc se déduit 2 catégories de règlements :


 Les règlements autonomes : Une partie de la doctrine considère que ce règlement
avait le même rang dans la hiérarchie que la loi. Mais c’est à nuancer. En effet, si en
principe, les règlements autonomes n’ont pas de loi à respecter, ils sont cependant
soumis au principe de légalité et doivent respecter certaines normes comme les PGD
qui ont une valeur infra-législative. Ce respect des PGD a été posé dans l’arrêt CE, 26
juin 1959, Syndicat des ingénieurs conseil.
 Les règlements d’application de la loi : Ce sont les règlements par lesquels, soit de
l’habilitation législative soit de son propre chef, l’exécutif prend les mesures
nécessaires pour permettre l’effectivité d’une loi. C’est même une obligation. Ce
règlement doit respecter la loi qu’il a pour mission d’appliquer. Mais le pouvoir
règlementaire, au regard de la hiérarchie des normes, ne peut pas édicter des mesures
d’application d’une loi incompatible avec le droit de l’UE comme les objectifs d’une
directive Européenne.
Ex : CE, 2003, Association avenir de la langue française.

Ces 2 catégories, étant des actes administratifs unilatéraux, peuvent être considérer comme des
actes décisoires, qu’ils affectent l’ordonnancement juridique et sont susceptibles d’annulation par le
juge admin dans le cadre du recours pour excès de pouvoir en cas de violation des règles
supérieures.

B. Le pouvoir règlementaire subordonné


1/ Le pouvoir règlementaire au niveau local
C’est un pouvoir subordonné dont le champ d’application est restreint, car il est prévu par la loi et
qu’il s’exerce dans la limite des compétences respectives des autorités (art. 72 ali. 3 constitution).
C’est notamment le cas du pouvoir de police des autorités locales.
Ex : le maire est compétent au sien de sa commune.

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2/ Le pouvoir règlementaire d’autres autorités
La loi peut reconnaître expressément un pouvoir règlementaire donc subordonné (à la loi) et limité
(au champ d’action de ces autorités) à certaines autorités publiques comme un établissement
public où les organes de direction ont la possibilité d’édicter des règlements.
Ex : ceux relatifs à l’organisation du service (même logique que la jurisprudence Jamart).

De même, ce peut être une reconnaissance d’un pouvoir règlementaire à une AAI, pour lui permettre
d’exercer correctement ses attributions.
Ex : pour l’organisation des campagnes électorales par ex en ce moment, le CSA pour l’audiovisuel
dispose d’un pouvoir règlementaire.
Des personnes privées qui sont investies d’une mission de service public dispose dans une certaine
mesure d’un pouvoir règlementaire (cf plus haut).

Les classifications se recoupent : un règlement est en principe un acte décisoire c'est-à-dire qu’il
modifie l’ordonnancement juridique.

SOUS-SECTION 2. LA DISTINCTION ENTRE LES ACTES DÉCISOIRES ET LES ACTES NON-DÉCISOIRES


Le CRPA regroupe des textes qui sont censés être la loi générale en matière de relations entre les
citoyens et l’administration. Mais si ce code édicte les règles générales, il va se référer au régime
de l'acte administratif sans toutefois en donner la définition. Pourtant, une partie de la doctrine,
dont MELLERAY estiment que ce code permet de distinguer l'acte unilatéral de la décision
administrative. En effet de ce point de vue il faut se référer à l’art. L. 200 – 1 du code qui énonce
qu’on « on entend par acte les actes administratifs unilatéraux décisoires et non décisoires. Les
actes administratifs unilatéraux décisoires comprennent les actes règlementaires, les actes
individuels et les autres actes décisoires non règlementaires. Ils peuvent être également désignés
sous le terme de « décision » ou selon le cas sous les expressions de « décision règlementaire »,
« décision individuelle » et de « décision ni règlementaire ni individuelle » (cas d’espèce cf plus
haut) ».
Ces actes peuvent également êtres désignés sous le terme de décisions.

Mais, toujours selon le Code, l’acte unilatéral et la décision ne se confondent pas. Autrement dit, il y
a des actes unilatéraux qui ne sont pas des décisions puisque les actes administratifs unilatéraux
peuvent être des actes décisoires (=décision) et actes non décisoires.

§1. LE PRINCIPE DE LA DISTINCTION ET LES DIFFÉRENTS ACTES DÉCISOIRES


Le critère n’est plus organique, ni matériel ; c’est celui des effets de l’acte sur l’ordonnancement
juridique. L’acte décisoire ou décision administrative se différencie de l’acte non décisoire dans son
rapport à l’ordonnancement juridique, c'est-à-dire quant aux conséquences qu’il va produire sur
l’ordonnancement juridique (l’ensemble des règles qui vont régir le comportement, le statut des
sujets de droit et leurs relations). L’acte décisoire affecte cet ordonnancement juridique, à l’ inverse
de l’acte non décisoire.

En principe, cela a des conséquences importantes au niveau de la recevabilité des recours


contentieux contre ces actes. En effet, normalement, seuls les actes décisoires peuvent faire l’objet
d’un recours en annulation (recours pour excès de pouvoir = REP) contre le juge. Mais l’état du droit
est complexe puisque récemment le juge a accepté de connaître du recours contre des actes qui ne
sont pas vraiment décisoires, dans la mesure où ils font quand même griefs c'est-à-dire qu’ils vont
avoir malgré tout un effet sur la situation d’un administré ou sur la situation de leur destinataire.

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Quoi qu’il en soit, parmi les actes décisoires c'est-à-dire qui affectent l’ordonnancement juridique, on
peut dissocier 2 catégories :
•La catégorie de droit commun : les actes qui affectent de manière suffisamment grave et
immédiate la situation des intéressés et qui ont des conséquences importantes. On va
considérer qu’ils font griefs sans difficultés et qu’ils sont susceptibles d’un REP. Cette catégorie
est utilisée par B. SEILLER.
Ex : un décret de nomination d’un fonctionnaire, un arrêté municipal règlementant le
stationnement.
•Certains actes n’ont pas un tel effet, c'est-à-dire qu’il n’affecte pas de manière suffisamment
grave et immédiate la situation des intéressés donc on considère qu’ils ne font pas griefs et
donc qu’ils ne sont pas susceptibles d’un REP.

Cette distinction provient de Bertrand Seiller. Certains auteurs n’utilisent pas cette terminologie.
Cette présentation montre qu’on ne peut pas assimiler acte décisoire et acte faisant grief. Donc si
on résume, y a des actes décisoires ne faisant pas griefs (ex : les mesures d’ordre intérieur) et on a
maintenant des actes non décisoires faisant griefs (ex : certains actes pris par les autorités
administratives indépendantes, actes dits de droit souple).

A. Les actes décisoires affectant de manière suffisamment grave et immédiate les situations ou
l’ordonnancement juridique
Cet effet sur l’ordonnancement juridique peut se faire de plusieurs manières.

1/ Les manifestations des effets sur l’ordonnancement juridique


L’acte peut modifier ou pas l’ordonnancement juridique :
•En posant une règle nouvelle.
Ex : décret qui réglemente une nouvelle activité
•En supprimant une règle existante
Ex : décret qui supprime une activité

Mais on peut considérer que l'acte peut aussi ne pas modifier l'ordonnancement juridique en étant
décisoire s'il maintient l'état du droit existant de deux manières :
•En confirmant l'état du droit
Ex : un acte de sanction contre un agent public. L'agent fait un recours admin devant le juge un
recours gracieux et demandé de revenir sur sa décision. Mais l’administration confirme sa
décision (acte de confirmation).
•En rejetant la demande d'un administré (acte négatif)
Ex : agent public demande un avancement qui est refusé. Pas d'ajout de changement.
Il faut aussi souligner que le refus de l'admin de prendre une décision es jugé par le JA comme
un acte décisoire.

L’acte décisoire peut être tout à fait règlementaire ou individuel, selon le CRPA.

2/ Les décisions explicites et implicites


L’acte est explicite lorsqu’il est pris expressément par l’administration, c'est-à-dire qu’il est
facilement identifiable. La manifestation de volonté de l’administration ne fait pas de doutes. L’acte
explicite peut revêtir différentes formes ; de manière courante il est écrit mais le terme « écrit »
implique la forme papier avec un visa, dispositifs mais aussi la forme électronique (ex : mail). L’acte
peut être aussi verbal.
Ex : décision verbale d’un maire qui attribue les fonctions à tel agent de police municipale.

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L’acte décisoire est parfois aussi implicite, dite décision tacite. La volonté de l’administration n’est
pas manifestée de manière expresse. Cela veut dire qu’une décision de l’administration peut exister
mais être masquée. Ce type de décision résulte
 Soit du silence gardé par l’administration suite à une demande formulée par
l’administré : Avec la loi du 12 novembre 2013 qui était une loi habilitant le
gouvernement à simplifier le droit, l’art. L. 231-1 dispose que « le silence gardé
pendant 2 mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision
d’acceptation ». Cette loi est entrée en vigueur en novembre 2014 pour les actes pris
par les autorités et services de l’Etat et en novembre 2015 pour les actes d’autres
administrations.
Mais il y a de très nombreuses exceptions à ce principe (quand le silence vaudra non
pas acceptation mais rejet) et la loi prévoit que des décrets peuvent intervenir pour
encore déroger à la loi. La demande adressée par un administré à l’administration doit
toujours faire l’objet d’un accusé de réception qui permettra de prouver l’existence
d’une demande et de calculer les délais et de pouvoir faire un recours contre la
décision.
 Soit d’un fait d’exécution : l'autre manifestation en dehors du silence est un fait
d'exécution c'est à dire que c'est un comportement qui montre qu'une décision de
l'administration a été prise et donc a permis que l'acte existe et que l'acte d'exécution
soit mis en œuvre.
Ex : colonnes du Buren dans les jardins du palais royal, l’exécution des travaux a valu
décision implicite de l’administration. Cette hypothèse est exceptionnelle (CE, 12 mars
1986, « Madame CUSENIER »).

B. Les actes décisoires n’affectant pas de manière suffisamment grave ou immédiate les situations/
l’ordonnancement juridique : l’exemple des mesures d’ordre intérieur
C’est une position doctrinale de poser les mesures d’ordre intérieur dans les actes décisoires.
Certains pensent que les mesures d’ordre intérieur ne sont pas des décisions. Ce sont des décisions
même si elles ne sont pas susceptibles de recours.

Dans cette catégorie là on trouve plusieurs d’autres catégories :


•Les actes préparatoires à une décision
•Les avis préalables à une décision
On considère que de tels actes se situent dans un processus décisionnel et que leurs effets sont
mineurs on estime qu'ils permettent juste de préparer élaborer un acte qui va suivre donc inutile
d'intenter un recours.

1/ La définition des mesures d’ordre intérieur


Les mesures d’ordre intérieur sont édictées par des autorités administratives et destinées à régir
l’organisation et le fonctionnement interne des services. Hauriou disait que ces mesures
concernaient « la vie intérieure des services ». Ces mesures ne s’imposent qu’au sein de
l’administration concernée et n’ont en principe force obligatoire pour les administrés qui ne
sauraient s’en prévaloir. C’est une sorte de « police interne de l’administration » (René Chapus).
Ces mesures interviennent traditionnellement dans 3 domaines :
• Les établissements scolaires
• Les établissements pénitentiaires
• Les établissements militaires

On estime que ces mesures sont insusceptibles de recours ou de toute contestation juridictionnelle
pour 2 raisons :

12/86
(1) Elles sont considérées comme de peu d’importance, comme précisément n’affectant pas
de manière suffisamment grave ou immédiate les situations de l’intéressé d’où
s’applique l’adage selon lequel il ne faut pas encombrer les juridictions des litiges de peu
d’importance.
(2) Elles concernent l’ordre intérieur de certains services pour lesquels l’administration doit
conserver une certaine latitude

Ces justifications à l’impossibilité de les contester ont peu à peu perdu de leur pertinence parce que
ces mesures ont souvent, en pratique, des répercussions, sur la situation des usagers des services
lesquels sont alors privés de juge. C’est pourquoi la jurisprudence s’est efforcée d’en limiter le champ
d’application depuis les 90’s. Désormais, nombre de décisions considérées autrefois comme des
mesures d’ordre intérieur et donc insusceptibles de recours sont considérées comme des actes
décisoires classiques faisant griefs. Mais une mesure d’ordre intérieur reste insusceptible de recours
dans tous les cas ; si elle est susceptible de recours ce n’est plus une mesure d’ordre intérieur. Le REP
est ouvert à des actes qui étaient autrefois des mesures d’ordre intérieur.

2/ Le rétrécissement constant du champ des mesures d’ordre intérieur


a) Le constat
C'est finalement l’insatisfaction du droit antérieur qui a conduit à cette évolution mais elle est aussi
due à l'influence de CEDH. Désormais la jurisprudence française marginalise la catégorie des MOI
qu'elles ne sont plus des MOI quand elles présentent une certaine gravité et ont un effet direct sur
les libertés publiques.

Point de départ :
CE, 2 novembre 1992, KHEROUAA : recours contre un règlement intérieure établissement scolaire
qui interdisait le port voile islamique et visait l'exclusion de ceux qui le faisait. Le juge admet de
prendre en charge ce recours alors qu’avant établissement scolaire de MOI mais ici juge se fonde sur
le fait que était en cause liberté expression et laïcité et donc interdiction générale et absolue donc
fait droit à demande à annulation.

Cette évolution initiée par cette décision sera confirmée dans les domaines militaires et
pénitentiaires par deux décisions importantes :
CE, assemblée, 17 février 1995, Marie
CE, assemblée, 17 février 1995, Hardouin.

Dans le domaine pénitentiaire le champ des MOI a continué à diminuer toujours en prenant en
considération à la fois les effets de la mesure sur la condition de détention et la situation des détenus
le CE a admis que les décisions de placement à l'isolement étaient des décisions faisant grief pour
recours pour excès de pouvoir et ne sont plus des MOI comme autrefois (CE, 30 Juillet 2003, SAID X).
La décision de déclassement d'emploi/ de transfert d'une maison centrale à une maison d'arrêt et les
rotations de sécurité le CE a estimé que ces 3 catégories de décision faisait l'objet de REP dans 3
espèces : CE, assemblée, 14 décembre 2007, Planchenault, Boussouar et Payet.
Concernant le dernier domaine qui est le domaine militaire, CE, 17 février 2015, Hardouin.

b) Les conséquences : Les mesures d’ordre intérieur ou des décisions aux effets dérisoires ?
Les MOI semblent concerner que les décisions purement internes au service et ayant des effets
véritablement décisoires n'ayant pas d'effets sur la situation de l'intéressé au-delà de l'enceinte de
l'établissement concerné.
Ex : punition scolaire adressé à un élève sans incidence sur sa scolarité comme présenter des excuses
l'exclusion d'un cours, avertissement militaire sans que ce soit marqué sur son dossier, changement
de cellule..

13/86
Des questions se posent sur la MOI dans l'ordre d'intérieur.

Par contre, au sein de la fonction publique, suite à des jurisprudences récentes, des interrogations
demeurent sur la pertinence du maintien des mesures d’ordre intérieur.
CE, 15 avril 2015, Mme B. A : CE a statué de la manière suivante : Mme B était agent contractuel de
droit public à Pole emploi et s’est vu refuser certaines fonctions au profit d’un autre agent. Or elle
s’estimait mieux qualifiée que lui et a contesté la décision en estimant que le véritable motif du refus
était son engagement syndical. Or, en l’espèce le CE n’a pas retenu les critères habituels
d’identification d’une mesure d’ordre intérieur dans la fonction publique puisqu’il a retenu aussi le
critère des motifs de l’acte. En effet, normalement, dans la fonction publique, il y a mesure d’ordre
intérieur quand l’acte n’atteint pas la carrière ou la rémunération de l’agent considéré, autrement
dit, il y a mesure d’ordre intérieur dès qu’on regarde les conséquences juridiques de l’acte et de la
gravité de l’acte.

Or ici, il a rajouté le critère des motifs de l’acte et il a estimé que « dès lors qu’elles ne traduisent
discrimination (lié au motif de l’acte), ces décisions qui ne portent atteintes ni aux perspectives de
carrières ni à la rémunération de l’intéressé ont le caractère de simples mesures d’ordre intérieur qui
sont insusceptibles de REP ».

C’est un critère nouveau qui fait dépendre la recevabilité du REP de la légalité de la décision. En effet,
si un acte est discriminatoire, il est illégal. Donc normalement, il devrait être susceptible de REP qui a
pour but de sanctionner les illégalités des actes. De plus, on peut estimer que le juge admin estime
que la gravité de l’acte se fait non plus au regard seulement de son contenu mais aussi de ses
motifs.

CE, section, 21 septembre 2015


CE, 7 octobre 2015
Il semble donc y a voir une évolution des critères d’identification. A été confirmé dans les arrêts de
septembre et octobre 2015 (relative à l’affectation des fonctionnaires). CE a estimé que le recours
contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable. On a
bien la confirmation et l’intégration d’un nouveau critère d’identification des MOI dans le cadre de la
fonction publique.

§2. LES ACTES NON DÉCISOIRES DE L’ADMINISTRATION


Il y a plusieurs catégories. Il s’agit principalement des circulaires de l’administration, des directives ou
lignes directrices, et le cas particulier des actes de droit souple des autorités de régulation.

A. Les circulaires
1/ Définition et régime juridique
Les circulaires peuvent aussi avoir d’autres qualifications comme d’instructions de service ou de
notes de service. Elles sont édictées par le supérieur hiérarchique pour leurs subordonnés et
contiennent des recommandations, des explications. Pour certains auteurs (Morand Deviller), il
s’agit d’instruments de circulation de l’information. Elles sont généralement édictées par les
ministres et adressées aux personnels qu’ils dirigent. Les circulaires concernent l’application des lois
et règlements : elles indiquent comment les mettre en œuvre, les délais etc.

En pratique ces actes ont une importance considérable dans la mesure où les agents attendent
l’édiction de la circulaire pour appliquer la réglementation, alors même que celle-ci est déjà en
vigueur. Donc les circulaires constituent normalement une interprétation de la réglementation et
donc en principe les circulaires sont dites interprétatives. Les circulaires sont obligatoires pour les

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fonctionnaires auxquelles elles s’adressent mais en principe elles n’ont pas d’effet à l’égard des
administrés.

Comme le rappelle Bertrand Seiller, les circulaires « constituent certes des actes unilatéraux dans la
mesure où les destinataires sont tiers par rapport à leur auteur mais, elles ne présentent pas de
caractère décisoire puisqu’elles ne cherchent pas à imposer des effets de droit ».

Même si elles ne produisent pas normalement des effets à l’égard des administrés, elles doivent être
cependant diffusées et sur un site dédié, art. L. 312-2 et les art. R. 313-8 et 9 CRPA qui visent la
diffusion des circulaires.

2/ Le régime contentieux
Il y a eu deux étapes.

a) La distinction entre circulaires règlementaires et circulaires interprétatives


Au regard de la définition, une circulaire est normalement interprétative. Seulement dans la
pratique, il est apparu que certaines circulaires contenaient des dispositions qui allaient au-delà
d’une simple interprétation du texte et elles introduisaient une règle de droit nouvelle.

CE, assemblée, 29 janvier 1954, Notre Dame du Kreisker : le CE a opéré une distinction entre les
véritables circulaires interprétatives et les circulaires règlementaires.
Cela va avoir une incidence directe sur la recevabilité du recours. Est considéré comme
règlementaire une circulaire qui a un caractère nouveau par rapport au contenu législatif ou
règlementaire initial.
Mais à partir de quand peut-on considérer qu’il y a élément nouveau ? Cela peut laisser place à
interprétation, c’est délicat …
Ex : est considéré comme purement interprétative la circulaire adressée par le ministre de la justice
aux magistrats du parquet qui se borne à exposer la réglementation applicable à la lutte contre
l’immigration clandestine et à donner des orientations. Par contre a été considéré comme
règlementaire une circulaire qui organise la contraception d’urgence dans les établissements
d’enseignement (CE, 2000, Association choisir la vie).
Dans les faits, une circulaire peut être pour partie interprétative et pour partie règlementaire.

Dans la décision de 1954, le juge tire les conséquences de cette distinction quant à la recevabilité du
recours, et plus exactement, il fait du caractère règlementaire de la circulaire un critère de
recevabilité du recours contre la circulaire c'est-à-dire que
• S’il estime que la circulaire est interprétative, la circulaire n’affecte pas l’ordonnancement
juridique et ne pouvait pas faire l’objet de REP.
• Mais pour les circulaires règlementaires, elles sont assimilées à de véritables règlements et
ont le même régime juridique qu’elles, elles sont donc susceptibles d’un REP.

Mais en présence de circulaires à caractère règlementaire ou de dispositions règlementaires dans la


circulaire, cela pose problème car normalement les ministres, qui édictent généralement les
circulaires, ne disposent pas du pouvoir règlementaire (sauf dans les 2 cas). Ce qui a pour
conséquence que le juge administratif devait donc vérifier si la circulaire règlementaire a bien été
édictée par une autorité compétente. A défaut, elle sera annulée pour incompétence. Face à une
circulaire règlementaire, le juge administratif doit finalement répondre à deux questions :
 L’auteur est-il une autorité compétente ? si c’est un ministre, entre-t-il dans les 2 cas
dérogatoires ?
 Si l’autorité dispose du pouvoir règlementaire, les dispositions de la circulaire sont-
elles légales ?

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Plus généralement, en présence d’une circulaire, au regard de la jurisprudence de 1954, le juge
administratif devait d’abord examiner si elle était interprétative ou règlementaire puisque ce n’est
que dans la seconde hypothèse que le recours était recevable. C’était uniquement dans ce cas
dernier qu’il examinait les 2 dernières questions. Mais cela posait problème car le juge devait
d’abord analyser le contenu de la circulaire (pour savoir si elle était règlementaire ou interprétative)
avant d’admettre la recevabilité du recours. Normalement faut juste regarder l’acte et non pas le
contenu pour déterminer si le recours est recevable.

Il y a eu une évolution.

b) L’évolution : la distinction entre circulaire impérative et circulaire non impérative


CE, section, 2002, Mme Duvignères : le juge administratif redéfinit les conditions de recevabilité du
recours contre les dispositions de circulaires et distingue les circulaires impératives qui font grief et
donc sont susceptible d’un REP des circulaires non impératives, qui ne font pas griefs et qui sont donc
insusceptibles de REP. Donc il y a dans cette décision un abandon du critère de recevabilité du
recours contre les circulaires, posé en 1954. Le critère règlementaire posé en 1954 a laissé place au
critère de l’impérativité.

Mais cela ne veut pas dire que la distinction entre circulaire règlementaire et circulaire interprétative
n’est plus valable. Ce sont toujours des circulaires qui existent, mais simplement le caractère
règlementaire ou pas n’est plus l’élément qui est pris en considération pour admettre ou pas le
recours contre elles ; c’est désormais le caractère impératif ou non impératif qui est déterminant
pour le juge pour accepter le recours.

Ce qui est nouveau, c’est le fait de reconnaître qu’une circulaire interprétative puisse
éventuellement faire l’objet d’un recours. Lorsqu’elle est considérée comme impérative,
l’interprétation donnée par un chef de service s’impose à ses agents subordonnés ; ils se fonderont
sur cette interprétation pour prendre leurs décisions.

Cette interprétation aura une incidence même indirecte sur les administrés et donc on peut
considérer que ce sera un acte qui fait grief. Donc les administrés peuvent demander désormais au
juge de vérifier la légalité de dispositions qui se bornent à réitérer les dispositions légales ou
règlementaires mais qui le font sur un ton directif, dans le registre de l’ordre ou l’injonction.
Ex : CE, 2004, Union française pour la cohésion nationale où la circulaire prohibait le port de tout
signe religieux ostensible.

Par contre, le fait qu’une circulaire soit impérative et fasse grief parce qu’elle crée une règle nouvelle
ne pose pas de difficultés : c’est un règlement et la jurisprudence de 2002 n’a pas d’incidence.
La question reste celle de la détermination du caractère impératif des circulaires, et notamment
l’identification des circulaires interprétatives à caractère impératif. C’est un critère très imprécis.
Mais le commissaire du gouvernement, dans ses conclusions sur la décision de 2002 donnait
quelques indications et il estimait que « par dispositions impératives à caractère général, il nous
semble qu’il faut entendre toutes les dispositions au moyen desquelles une autorité administrative
vise soit à créer des droits ou des obligations, soit à imposer une interprétation du droit applicable en
vue de l’édiction de décision. A ce titre, peuvent être écartées toutes les dispositions de circulaires
qui exposent une politique ou assignent des objectifs et qui, si elles figuraient dans une loi ou un
décret, seraient également dépourvues de portée normative » (Pascale Fombeur).

Si le critère règlementaire/interprétatif ne vaut plus comme critère de recevabilité du recours contre


les circulaires, en revanche, cette distinction subsiste au sein des circulaires impératives (car il ne va

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pas traiter une circulaire interprétative ou règlementaire de la même manière lorsqu’elle est
impérative) (donc quand le juge se trouve face à une circulaire, il va d’abord déterminer si elle est
impérative ou non impérative. Si elle est non impérative alors il refuse le recours. Si elle est
impérative alors il va déterminer si elle est interprétative ou règlementaire).

Ainsi, lorsque le juge admet le recours, c'est-à-dire face à une circulaire impérative,
•Si elle est règlementaire elle pourra être illégale
➢ Soit en raison de l’incompétence de l’auteur
➢ Soit en raison de la violation de règles de droit supérieures
(situation identique à l’état du droit antérieur à 2002).

•S’il s’agit d’une circulaire interprétative, il n’y a pas de problème de compétence comparable, il
y a seulement parfois d’éventuelles violations de règles supérieures ou une réitération d’une
règle supérieure illégale. Ainsi une circulaire interprétative peut être illégale car elle
méconnait la portée de la décision qu’elle interprète, ordonne d’appliquer une norme illégale,
va contre le contenu de la norme qu’elle entendait expliciter, ou va à l’encontre d’une norme
de l’UE etc …
B. Les directives ou lignes directrices de l’administration
1/ Définition
La ligne directrice constitue pour l’administration un encadrement souple de ses décisions ; c’est une
ligne de conduite que l’administration définit elle-même et pour elle-même pour diminuer les risques
d’arbitraire, de contradiction, de discrimination dans l’application de la réglementation. Elles sont
toujours édictées par le supérieur hiérarchique au sein de l’administration. La directive oriente
l’action administrative.
A la différence de la circulaire qui s’attache à la manière dont l’administration va agir, la ligne
directrice concerne davantage le contenu des décisions à prendre. La directive tend à assurer la
cohérence des décisions à prendre.

La directive intervient dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de l’administration. En effet, n’étant


pas lié strictement pas une règle (compétence liée), l’administration va pouvoir prévoir la
configuration future des décisions qu’elle va édicter. La directive lie l’administration de façon
souple ; elle lui laisse une liberté d’appréciation de chaque cas. Elle ne fige pas à l’avance l’action de
l’administration.
Ex : pour une réglementation qui prévoit l’octroi d’une subvention fiscale, administration peut fixer
dans une directive les conditions que devront respecter les destinataires pour en bénéficier.

La directive est en quelque sorte une compensation laissée aux ministres dépourvus de pouvoir
règlementaire ; à défaut de règlementer leur activité, ils peuvent donner des orientations.

Le CE a modifié le vocabulaire relatif à ce type d’acte. CE considère qu’il faut parler de ligne
directrice au lieu de directives. Cette nouvelle dénomination avait été préconisée dans un rapport du
CE en 2013, pour éviter les confusions avec les directives du droit de l’UE.

CE, 19 septembre 2014, Jousselin : le CE adopte définitivement ce vocabulaire de ligne directive.

2/ Le régime juridique et contentieux


CE, section, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France : pose le régime juridique. Le CE estime que
l’autorité qui agit en se référant à une directive est tenue de respecter le cas particulier ; on dit
qu’elle est soumise à la règle de l’examen particulier de chaque affaire.

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CE, 29 juin 1973, société GEA : Par voie de conséquence, elle peut procéder à des dérogations
justifiées soit par le cas particulier soit par des motifs d’intérêt général.
Là le juge doit respecter le cas particulier.

Une hypothèse particulière se détache. En effet il existe des lignes directrices qui sont posées par des
AAI. Le CE a posé une règle dans l’arrêt suivant :
CE, 20 mars 2017, Région Aquitaine-Limousin-Charentes : il s’agissait de lignes directrices fixées par
une AAI. Pour trancher le cas d’espèce, l’AAI avait ajouté des éléments à sa ligne directrice. La
question était de savoir si elle pouvait se fonder sur un critère non prévu pour rendre sa décision et
donc si elle avait méconnu ses propres lignes dire tries. Le CE a considéré que non dans son
considérant 3.
La doctrine souligne qu’on est plus dans la même situation que celle de déroger au critère
préalablement fixé puisque ici, l’AA applique les critères de la ligne directrice mais elle en ajoute dans
la mesure où ceux fixés ne permettaient pas d’apprécier correctement la situation. Mais cela pose
problème au regarde de la sécurité car ces signifie que le droit peut être en mouvement. C’est une
des difficultés posées par les actes édictés par les AAI.

Mais, la directive, contrairement à la circulaire, ne crée pas de règles de droit nouvelles, elle n’est pas
règlementaire (cf CE, 1973, Société GEA). Donc, elles sont insusceptibles de recours pour excès de
pouvoir. L’administré, s’il ne peut pas contester directement la directive, peut la remettre en cause
indirectement à l’occasion d’un recours contre une décision prise sur la base d’une directive ; on dit
qu’il peut contester la directive par la voie de l’exception d’illégalité
➠soit parce que la décision individuelle n’a pas respecté la directive.
➠soit au contraire parce qu’elle l’a suivi alors que des considérations personnelles et
particulières ou tenant à l’intérêt général auraient dû conduire à l’écarter.
La directive est soumise à une obligation de publication.

Evolution récente des lignes directrices édictées par les AAI .


CE, 13 décembre 2017, ARCEP : le CE admet le REP contre une ligne directrice à certaines conditions.
Toutefois, il reconnaît pas leur caractère réglementaire.

Donc le CE ne serait pas prêt à admettre le recours contre les lignes directrices en général.

Attention à la distinction évoquée par le CE entre les lignes directrices et les orientations générales.
CE, Section, 4 février 2015, Ministre de l’intérieur c/ Ortiz : le CE dit « dans le cas où l’administration
peut légalement accorder une mesure de faveur, au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire
valoir droit, il est loisible à l’autorité compétente de définir des orientations générales pour l’octroi
de ce type de mesure mais l’intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l’appui d’un
recours formé devant le juge administratif ».
Le CE semble faire la distinction entre une directive dont l’intéressé peut se prévaloir et ce qu’il a
appelé les orientations générales auxquelles l’intéressé n’a droit, même indirectement. En réalité, il
s’agit d’un cas particulier, de l’octroi de titre de séjours aux étrangers. Lorsque l’intéressé ne remplit
pas ces conditions, il y a un refus. Mais l’administration a la possibilité a un pouvoir discrétionnaire
de pouvoir apprécier au cas par cas le cas de la personne et peut lui accorder quand même un titre
de séjour. Mais ici l’intéressé n’a pas de droit à avoir un titre de séjour, c’est juste une faveur qui
lui est accordée, d’où il ne pourra pas accorder un recours contre les orientations générales fixées
par l’administration dans le cadre de la régulation des étrangers. Dans le cadre des directives, c’est
essentiellement en matière d’aides sociales et éco, y a des conditions légales précises, la directive
définit de manière plus précise et là l’intéressé a un droit à l’aide sociale ou éco et pourra
indirectement contester la directive. D’où on voit qu’il y a distinction, et les orientations générales
sembleraient s’appliquer quand l’intéressé n’a pas droit à un avantage mais peut en bénéficier.

18/86
C. Les autres actes non décisoires : l’exemple des actes de droit souple des autorités de régulation
Y a d’autres catégories. On considère de manière générale que parmi les autres actes non décisoires :
les avis. C’est une catégorie hétérogène ; il peut s’agir de vœux, de souhaits par ex d’une assemblée
délibérante. Mais on pense surtout aux actes par lesquels l’administration consulte un organe
officiellement avant de prendre sa décision.
Seul l’acte finalement, pris au vue de l’avis émis est considéré comme étant une véritable décision. Il
faut tenir compte du fait que malgré tout, lorsque l’avis est négatif, que l’administration doit le suivre
et que cela bloque un processus de décision, le juge administratif accepte alors le recours directement
contre cet avis qui dès lors fait grief ; c’est un cas particulier (cf après). Mais normalement, ces avis
sont insusceptibles de REP.

Il faut mentionner le cas des actes de droit souple des autorités de régulation. C’est une jurisprudence
qui est en construction.

Les autorités de régulation sont des autorités qui sont chargées de fixer des règles du jeu et de
veiller à leur respect dans des domaines particuliers comme les libertés publiques (ex : CNIL,
défenseurs des droits, CSA), domaine de la concurrence (ex : autorité de la concurrence), ou domaine
économique (ex : autorité de régulation des chemins de fers et transports terrestres etc…).
Ce sont soit des autorités de l’Etat ayant le statut d’AAI soit des autorité s qualifiées d’autorités
publiques indépendantes (API) et ayant la personnalité morale. Régulation n’est pas clairement
défini, c‘est un autre mode d’action de l’Etat ; pour pouvoir régler les conflits de manière
transversale et sanctionner des comportements dans des domaines particuliers.

Ces autorités édictent des actes qui peuvent être qualifiés d’acte de droit souple ou soft law c'est-à-
dire des actes dont la normativité est incertaine, qui sont comme des règles classiques en ce qu’elles
visent à modifier, orienter un comportement mais qui s’en différencie en ce qu’elle ne crée pas en
elle-même des droits et des obligations.
Ex : un communiqué de l’autorité des marchés financiers mettant en garde les investisseurs sur les
activités d’une société de placement, une recommandation de bonne pratique édictée par l’autorité
de régulation en matière sanitaire pour mettre en garde les médecins quant à l’usage de tel
médicament. La difficulté est de connaître la nature exacte de ces actes et la réaction du juge face à
eux.

Dans un 1er temps, c’était simple, la réponse était que ce n’étaient pas des décisions faisant griefs
donc elles sont insusceptibles de REP.

Puis dans un 2nd temps, le juge a considéré que certains actes avaient un caractère impératif et donc
faisaient griefs pour cette raison et a accepté le REP à leur encontre. On a alors considéré que le
caractère d’acte faisant grief tenait au contenu de ces actes ; c’était le cas pour les
recommandations des autorités de régulation ayant un caractère impératif.
CE, 13 juillet 2007, Société des éditions Tissot : il s’agissait en l’espèce de recommandations d’une
autorité la HALDE (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). En fait CE
considère que certaines recommandations qui en principe ne sont pas susceptible de REP, dès
qu’elles ont une portée générale et avec un caractè re impératif de leur contenu, ces
recommandations deviennent des décisions (transpose la logique des circulaires à caractère
impératif).

Le CE a aussi admis le REP contre des normes de droit souple parce qu’elles énoncent « des
prescriptions individuelles dont les autorités de régulation pourraient censurés la
méconnaissance ». En ce sens :
CE, 11 Octobre 2012, Société ITM entreprise et Société des casinos Perrachon : il s’agissait en
l’espèce d’un avis de l’autorité de la concurrence concernant la situation concurrentielle dans le

19/86
secteur de la distribution alimentaire à Paris et d’autre part de la prise de position de la même
autorité sur ce secteur. Le CE a estimé que « les prises de positions et recommandations qu’elle
formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant griefs (principe); qu’il en irait
toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives (rappel
de la jurisprudence 2007) ou de prescriptions individuelles dont l’autorité pourrait ultérieurement
censurer la méconnaissance (apport de l’arrêt) ». D’où le CE a finalement considéré dans ce second
temps (2007 et 2012) que certains actes de droit souple des autorités de régulation étaient
susceptibles de REP. On peut considérer qu’indirectement il a estimé que c’était des actes
décisoires.

Dans un 3ème temps, récemment le CE a à nouveau admis le REP contre d’autres actes de droit
souple des autorités de régulation, en l’occurrence un communiqué de mise en garde publié par
l’AMF attirant l’attention des investisseurs sur les activités d’une société. Il a aussi admis le REP
contre une prise de position de l’autorité de la concurrence adoptée par délibération de sa
commission permanente et qui constatait une modification du contexte dans lequel devait
s’appliquer une injonction précédemment édictée (CE, assemblée, 2016, société Fairvesta
internationale et SNC Numericable).
Dans ces 2 décisions, il n’y a pourtant aucun contenu impératif et ces actes ne contiennent pas
d’obligation juridique. Contrairement aux hypothèses précédentes, ces actes ne sont pas des
décisions mais elles sont considérées comme faisant griefs, en raison de leurs effets. En effet, selon
le CE, les communiqués doivent être regardés comme « étant de nature à produire des effets
économiques notables et comme ayant pour objet de conduire des investisseurs à modifier de nature
significative leur comportement ». Le juge prend en compte les effets de l’actes mais on constate que
les effets pris en compte ne sont pas nécessairement des effets juridiques mais des effets concrets
(effets économiques en l’espèce). Mais dans tous les cas, ce ne sont pas des décisions et pourtant
accepte le REP.

Cette solution dégagée à propos des actes de droit souple des autorités de régulation est susceptible
de s’appliquer à d’autres actes de droit souple dans la mesure où ceux-ci ne sont pas réservés aux
autorités de régulation.
Quant à une extension de cette jurisprudence à d’autres actes, il faudrait que les actes soient
susceptibles de produire des effets notables ou qu’ils aient pour effet d’influer sur le comportement
des personnes auxquelles ils s’adressent de manière significative. Est-ce que cette jurisprudence ne
pourrait pas être étendue aux lignes directrices ? C’est l’interrogation que soulève Fabrice Melleray.

Ces décisions de début 2016 ont été confirmé en juillet 2016.


CE, section, 2016, Société GDF Suez : où CE fait une synthèse des différentes hypothèses où il admet
le REP contre les actes de droit souple des autorités de régulation. Le CE précise aussi que le délai de
recours de ces actes est de 2 mois à compter de la mise en ligne de l’acte.
Il semble que le CE désormais stabilise cette jurisprudence de 2016 puisqu’il a encore confirmé.

Cette solution de 2016 a également été étendue à d’autres actes des AAI que sont leurs lignes
directrices dans la décision CE, 2017, ARSEP (cf considérant 6). Le CE utilise ici les mêmes critères que
ceux précédemment vus pour admette le REP des lignes directrices des AAI.

Il y a une extension importante de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les actes
de régulation.

Conclusion sur ces actes décisoires/non décisoires : on a des décisions qui ne font pas grief (MOI) et
on a aussi des actes non décisoires qui font griefs (actes de droit souple des autorités de régulation).
Cela signifie que la nature décisoire/ le caractère de décision d’un acte est donc distinct du
caractère d’acte faisant grief et donc distinct de ses conséquences contentieuses.

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Hypothèse la plus simple : les actes décisoires font grief et actes non décisoires ne font pas grief.
Mais sont apparus des actes décisoires qui ne font pas griefs (MOI) et que des actes non décisoires
mais font griefs (acte de droit souple).

En +
Pour les circulaires interprétatives à caractère impératif : CE, 18 mai 2005, association spirituelle de
l’église de scientologie d’ile de France.

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Chapitre 2. Le régime juridique de l’acte administratif unilatéral
Ce régime est exorbitant. L’AAU est soumis à un régime spécifique des règles régissant les actes de
droit privé. 3 étapes chronologiques : l’élaboration/entrée en vigueur de l’acte (section 1),
l’exécution (section 2) et la disparition de l’acte (section 3).

Récemment a été adopté et est entré en vigueur un nouveau Code le CRPA qui codifie un certain
nombre de règles jurisprudentielles et textuelles autrefois éparses. Ce Code a une présentation
originale en ce sens qu’il mêle les dispositions législatives et règlementaires sur un même thème et
ne sépare pas les règles par source.

Ce Code a 5 livres articulés en titres. Le plan du Code est :


Livre 1 : les échanges avec l’administration : accusés de réception, la procédure
contradictoire, les règles de consultation
Livre 2 : les actes unilatéraux pris par l’administration : cf avant + règles relatives à la
motivation des actes, règles relatives à l’entrée en vigueur, règles relatives aux décisions
implicites et à la sortie de vigueur (disparition de l’acte)
Livre 3 : l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations
publiques
Livre 4 : règlement des différends avec l’administration : renvoie aux recours administratifs
et aux recours juridictionnels
Livre 5 : L’outre-mer

Il mêle les dispositions législatives et réglementaires.

Section 1. L’élaboration et l’entrée en vigueur de l’acte unilatéral


SOUS-SECTION 1. L’ÉLABORATION DE L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATÉRAL
Lorsqu’une AA ou une personne privée (au sens large, personne publique et personne privée chargée
d’un SP etc) élabore un acte unilatéral, elle doit respecter un certain nombre de règles relatives à la
compétence de l’auteur de l’acte, des conditions formelles et des principes relatifs à la procédure
d’élaboration.

§1. LA COMPÉTENCE DE L’AUTEUR DE L’ACTE


La compétence de l’auteur de l’acte est l’exigence minimale et invariable requise pour un acte
administratif et imposé par la légalité.
Les règles de compétences découlent de sources diverses : C° (ex : art 13 et 21), lois, règlements,
jurisprudence (ex : arrêt Labonne 1919, reconnait compétence au Président pour édicter des
mesures de police valables sur tout le territoire ; arrêt Jamart 1936 …).
S’agissant de la détermination des règles de compétences il existe une règle essentielle qui découle
de la jurisprudence : celle du parallélisme des compétences. Lorsqu’un texte détermine l’autorité
compétente pour édicter une décision sans préciser quelle est l’autorité compétente pour retirer,
modifier ou abroger cette décision, il s‘agira de l’autorité compétente pour édicter la décision. CE Ass
1953 Teissier.

La compétence se présente sous deux aspects : la compétence donne à l’autorité concernée la


possibilité d’agir mais aussi parfois l’obligation d’agir, d’exercer sa compétence malgré les difficultés
auxquelles elle peut être confrontée. En effet, un refus d’agir peut être considérée comme une forme
d’incompétence. Un auteur, Edouard Laferrière, avait considéré ça comme une incompétence
négative. CE Queralt. Notion dégagée par la doctrine ; le CE ne le mentionne jamais.

Aussi, la portée des règles de compétence. Elles ont un caractère d’ordre public. Cela signifie par voie
de conséquence que l’irrégularité tenant à l’incompétence de l’acte pourra être relevée à tout

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moment et même d’office par le juge si les parties ne l’ont pas fait. En conséquence, un acte édicté
par une autorité incompétente sera annulé par le juge administratif. Parfois dans ses décisions, le
juge considère l’acte « inexistant » en cas d’incompétence.

A. Le contenu des règles de compétence


Traditionnellement, on considère que la compétence de l’auteur revêt plusieurs aspects. Cela
désigne la matière que l’autorité est habilitée à régir, le lieu dans lequel l’autorité exerce ses
fonctions et cela concerne le moment auquel l’auteur de l’acte peut intervenir.

1/ La compétence matérielle ou compétence rationae materiae


Il s’agit des matières pour lesquelles l’auteur de l’acte peut intervenir ; l’administration ne peut pas
agir à la place du juge ou du législateur, sinon on parle d’usurpation de pouvoir.

La compétence matérielle est déterminée par les textes, lesquels désignent dans la hiérarchie le
titulaire de la compétence. Il est donc impossible pour l’autorité inférieure d’intervenir dans la
sphère de compétence du supérieur hiérarchique et inversement. Parce on estime que le supérieur
hiérarchique ne dispose pas d’office d’un pouvoir de substitution (parfois le supérieur agit pour son
subordonné mais dans ce cas-là faut pouvoir de substitution mais doit être expressément prévu, c’est
pas d’office). Cela signifie plus largement qu’une autorité administrative ne peut pas agir à la place
d’une autre. Dans le cas du pouvoir du police, le conseil municipal ne peut pas édicter une mesure de
police à la place du maire. De même, un ministre ne peut pas prendre un acte à la place d’un autre
ministre.

Il existe certaines hypothèses dans lesquelles une autorité édicte un acte alors même qu’au départ
elle n’était pas désignée comme l’autorité compétente. Cela renvoie aux cas de délégations de
signatures et de compétences ou d’empêchements ou de désinvestiture.

Les hypothèses de délégations de signature et de compétences


Dans certaines hypothèses, les autorités ne peuvent elles-mêmes prendre les décisions ; la
délégation a alors pour but de permettre à une autre autorité hiérarchiquement, qui normalement
n’est pas désignée, de l’édicter à sa place.
Pour qu’elle soit valable, la délégation doit résulter d’un texte législatif ou règlementaire, elle ne
peut pas être implicite ni exclue par un texte. La délégation ne doit pas être totale, sinon cela
revient à ce que l’administration renonce à son pouvoir.
Ce sont les règles communes à toutes les délégations. Mais on distingue 2 délégations :
 La délégation de signature : elle ne dessaisit pas le titulaire de sa compétence. Cad que le
titulaire peut toujours prendre les décisions dans les domaines qui lui sont assignés. Il
délègue simplement sa signature à une autre personne. Le délégataire ne fait qu’agir à la
place du délégant. Les actes du délégataire se situent donc au rang du délégant dans la
hiérarchie des normes. Cette délégation est personnelle et il y a désignation expresse de la
personne délégataire dans l’acte de délégation (Mme X donne à M. Y le pouvoir de signer). La
délégation n’est plus valable s’il y a un changement de personne du délégant ou du
délégataire.
 La délégation de pouvoir est quant à elle une véritable modification de la répartition des
compétences. Le délégant est dessaisi de ses compétences, de ses pouvoirs. Le délégant ne
peut plus édicter d’actes dans les matières qu’il a déléguées. Les décisions du délégataire se
situent à son propre rang dans la hiérarchie des normes. La délégation de pouvoir n’est pas
nominative, elle concerne le titulaire d’une fonction. CE section 1950 Buisson.

La désinvestiture et l’empêchement
 La désinvestiture

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En cas de désinvestiture, les pouvoirs de la personne désinvestie sont transférés sans délai à une
personne chargée de la remplacer. Par exemple, en cas de mutation d’un agent public, de retraite.
Le remplacement est immédiat, mais le titulaire initial reste en fonction pour l’expédition des
affaires courantes (on sait pas vraiment ce que c’est, on peut pas le définir, on considère que ce sont
les affaires les plus simples, cela permet un transfert simple ; justifié en général par la continuité du
SP). CE Ass 1952 Syndicat régional des quotidiens d’Algérie.

 L’empêchement
En cas d’absence ou l‘empêchement, on fait appel à l’intérim ou à la suppléance.
L’intérim n’est pas organisé ; l’intérimaire est simplement la personne qui va être chargée
provisoirement de remplacer le titulaire de la fonction. Il est désigné par un acte de l’autorité
supérieure :ex : le remplacement provisoire d’un ministre par un autre.
La suppléance est organisée par les textes. L’exemple classique est le remplacement du Président
de la Rép par le Président du Sénat.
Dans les deux cas, les pouvoirs de l’intérimaire ou du suppléant sont ceux de l’autorité qu’ils
remplacent, sauf mention contraire dans les textes.

2/ La compétence rationae loci (lieu)


Il s’agit de la détermination du lieu dans lequel une autorité administrative peut édicter un acte, lieu
dans lequel elle peut exercer régulièrement ses fonctions et est habilitée bien évidemment à agir. Il
s’agit aussi de désigner par là la circonscription dans lequel son acte peut avoir des effets. Par
exemple, le préfet, le maire agissent dans une sphère territoriale bien déterminée. Au niveau central,
c’est pareil (ensemble du territoire). Un inspecteur des impôts ne peut pas le faire à l’égard d’un
contribuable qui n’est pas domicilié dans sa commune.

3/ La compétence rationae temporis


On s’attache au moment auquel l’administration prend son acte. Le principe est simple : l’autorité
administrative ne peut agir qu’une fois entrée en fonction et pas avant. Elle n’est plus compétente
lorsqu’elle n’est plus en fonction.
Par exemple, quelqu'un à la retraire ne peut plus édicter des actes administratifs sauf expédition des
affaires courantes pendant les premiers temps.

B. La portée des règles de compétence


Les règles de compétences sont des règles d’ordre public. Parfois on tolère des illégalités.

1. Le caractère d’ordre public des règles de compétences

Les règles de compétence s’imposent très strictement à l’administration. Dire qu’elles sont d’OP
signifie que en cas de recours, l’illégalité relative à la compétence peut être relevée à tout moment
de la procédure et peut être relevé par le juge d’office.
L’acte pris par une autorité incompétente sera systématiquement annulé, et même dans certaines
décisions il est dit que l’acte sera « inexistant ».
La compétence se présente sous 2 aspects : La compétence confère à l’autorité le pouvoir d’agir
mais aussi l’obligation d’exercer sa compétence, malgré les difficultés auxquelles elle peut se
heurter. Lorsque l’administration refuse d’agir alors qu’elle est compétente, on parle alors
« d’incompétence négative ». (E. Laferrière) // arrêt CE section 1950 Queralt (avait refusé à tort
d’édicter un acte alors qu’elle était compétente, elle avait invoquer à tort son incompétence).
Il est rare de régulariser un acte pris par quelqu'un d’incompétent. Mais dans des cas exceptionnels,
on admet parfois des dérogations aux règles de compétence c'est-à-dire qu’un acte qui en temps
normal serait sanctionné pour incompétence sera considéré comme valide.

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2) La mise entre parenthèses exceptionnelle des règles de compétence
C’est l’hypothèse dans laquelle un acte pris par une autorité incompétence sera considéré comme
régulier en vertu de la théorie des fonctionnaires de fait. Cette théorie est une manifestation de la
théorie des apparences. Cette théorie peut jouer pour des actes pris
 soit dans le cas de circonstances exceptionnelles : permet d’accroitre les compétences
attribuées à telle ou telle autorité administrative, dans des cas particuliers // arrêt CE 1948 Marion :
en cas de défaillance de l’administration qui est normalement habilité, les administrés ont
possibilité de se substituer à elle. Il s’agissait ici que le juge admette des mesures de réquisition (qui
normalement appartient au maire) décidées pendant 2GM par comités d’habitants après la fuite des
autorités communales
 mais aussi jouer en période normale. Lorsque le juge valide alors qu’elles seraient illégales,
c’est un impératif de sécurité juridique qu’il met en avant c'est-à-dire qu’aux yeux des administrés,
l’autorité qui a accompli l’acte paraissait compétente et pour ne pas entrainer instabilité, ces actes
ne seront pas mis en cause :ex : annulation de la mise en fonction d’un fonctionnaire n’annulera pas
les actes qu’il a pris, s’il avait l’apparence d’une autorité investie normalement. C’est rarissime.

§2. LES RÈGLES RELATIVES À LA FORME DE L’ACTE


Même si cela évolue, il y a peu de règles de forme ; celles-ci ne sont pas systématiquement
sanctionnées par le JA. La forme, c’est l’aspect extérieur de l’acte.
Dans l’acte, y a la fois le negotium et l’instrumentum. C’est ce dernier ici qui est important.

A. La diversité des règles de forme


L’acte administratif doit comporter, au regard de la loi DCRA du 12 avril 2000 reprise par le CRPA, un
certain nombre de mentions : la signature de l’auteur, la date de la décision, le lieu de la décision qui
sont des éléments permettant l’identification de la décision... La date de la signature a une
importance concernant l’exécution de l’acte administratif et concernant les possibilités de retrait de
la décision. Aujourd'hui il faut se référer à l’art L212-1 CRPA : il faut nom de l’auteur de la décision. Le
défaut de ces mentions est susceptible d’entrainer l’annulation de l’acte mais il n’y a pas de
systématicité de la part du juge, et notamment le juge admin vérifie au cas par cas la possible
identification de l’auteur de l’acte. Y aujourd'hui une possibilité encadrée de signature
électronique // L212-3 CRPA.

Parmi toutes les mentions, c’est la signature de l’auteur de l’acte qui est la plus importante et
éventuellement les contreseings. En effet, la signature permet de déterminer l’existence de l’acte
mais aussi de s’assurer de la compétence de l’auteur. Le défaut de signature pourra être
sanctionné comme étant vice relatif à la compétence. S’agissant d’une irrégularité du contreseing,
cela sera considéré comme vice de forme. Pourquoi cette distinction dans les sanctions ? Bertrand
Seiller souligne que le contreseing est seulement destiné « soit à faire endosser la responsabilité
politique des actes du Président de la Rép par le gouvernement, soit à témoigner de la cohésion
gouvernementale sur le décret pris par le 1 er ministre ». Logique car ces 2 signatures n’ont pas la
même fonction.
Y aussi des éléments relatifs à la présentation de l’acte, notamment les visas qui sont les textes
auxquels l’auteur de la décision se réfère pour prendre sa décision.
Mais y aussi la motivation…

B. L’importance de la motivation de l’acte


La motivation d’un acte désigne l’expression par l’Administration des raisons de fait et de droit qui
ont conduit l’Admin à prendre son acte, à agir. De ce fait, les illégalités relatives à la motivation
seront sanctionnées par le juge administratif au titre d’un vice de forme.

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1/ Le principe : l’absence de l’obligation de motivation
La motivation concerne la forme de l’acte, ça touche l’extérieur de l’acte, l’enveloppe,
l’instrumentum, manière dont l’administration exprime ce qu’il l’a poussé à prendre l’acte motifs
qui sont les raisons en elles-mêmes (pas l’expression) (et ça concerne la légalité interne de l’acte et
pas externe comme pour la motivation).

Il n’y a pas de principe général imposant la motivation de tous les actes administratifs. Simplement, il
y a des dérogations importantes, surtout depuis une loi du 11 juillet 1979 au principe de l’absence
d’obligation de motiver. La loi impose une obligation pour certaines décisions seulement. En effet,
traditionnellement l’administration n’est pas tenue de motiver ces actes, seuls certains textes
peuvent l’exiger, ou même la jurisprudence qui notamment a pu imposer « que même en l’absence
de texte, la motivation des actes de certains organismes collégiaux gérant un SP, eu égard à leur
nature, leur composition et leurs attributions ». CE 1970 Agence maritime Marseille frêt.

2/ Les dérogations et l’obligation de motivation imposée par la loi du 11 juillet 1979 et reprise par
le CRPA
Nous allons mentionner le champ d‘application de cette obligation + modalités d’application.

Le champ d’application
Concernant le champ d’application organique (quels auteurs sont visés), selon l’art L211-1 CRPA,
l’obligation de motivation concernera les décisions prises par l’administration au sens de l’art L100-3
du même Code, c'est-à-dire les administrations de l’Etat, les CT, les établissements publics
administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission
de SPA et les organismes ou personnes chargés d’une mission de SPIC. Cette obligation de motivation
s’applique pour les décisions prises par ces autorités au titre de cette mission.

S’agissant du champ d’application matériel (types de décisions qui doivent être motivées), 2 grandes
catégories de décisions qui doivent être motivées, ont été reprises par l’art L211-2 :
 Les décisions individuelles défavorables aux personnes qu’elles concernent directement. Le
législateur range 8 catégories d’acte qui entrent dans cette première catégorie.

 Les décisions qui restreignent l’exercice de libertés publiques ou de manière générale qui
constituent une mesure de police.
Par exemple, la dissolution d’une association, la fermeture administrative d’un établissement…
 Les décisions infligeant une sanction.
Par exemple, une sanction disciplinaire, financière…
 Les décisions qui subordonnent une autorisation à des conditions restrictives ou qui imposent
des sujétions.
Par exemple, en matière pénitentiaire, le transfert d’un détenu d’une maison centrale à une
maison d’arrêt doit être motivé…
 Les décisions de retrait ou d’abrogation d’une décision créatrice de droit.
Par exemple, le licenciement d’un agent pendant sa période d’essai ou encore le licenciement
d’un agent public…
 Les décisions de refus d’un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes
remplissant les conditions légales pour l’obtenir.
Par exemple, une personne blessée à la guerre, refus de l’administration d’homologuer sa
blessure comme étant une blesse de guerre.
 Les décisions de refus d’autorisations.
Par exemple, le refus d’autoriser l’affectation de locaux d’habitation à usage de bureaux.
 Les décisions qui opposent une forclusion, une prescription ou une déchéance.

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 Les décisions qui rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire
préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou
règlementaire.
N’existait pas dans la loi de 79, rajouté dans le CRPA. Normalement, en contentieux admin, pour
s’adresser au juge admin, il n’est pas obligatoire préalable d’effectuer un recours administratif.
Mais dans certaines hypothèses, la loi ou règlement impose que préalablement à la saisine du
juge (recours contentieux) il y ait exercice de recours administratif : on parle de recours admin
préalable obligatoire. C’est cette hypothèse qui est visée puisqu’une décision qui va rejeter un
recours admin qui devait être obligatoirement avant recours contentieux, administration doit
justifier le rejet.

 Les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la
loi et le règlement (al 2 L211-2).
Par exemple, les décisions dérogeant à la réglementation du travail de nuit, une décision
d’autorisation d’exercer la pharmacie donnée à un médecin ou à un autre entité qu’une
officine pharmaceutique…

Est-ce que la loi de 1979 et désormais le CRPA fixait de manière limitative les cas ? Jurisprudence
dit que la loi énumère de manière limitative les actes individuels qui doivent être motivés.
La jurisprudence considère que (…)

Les modalités de la motivation


La motivation doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui
constituent le fondement de la décision. En principe, elle doit figurer dans le corps même de la
décision. Mais la jurisprudence a admis que cette motivation pouvait être jointe dans un
document annexe. Dans tous les cas, elle doit être explicite, détaillée et circonstanciée (elle doit
vraiment préciser les éléments de fait qui ont conduit à prendre la décision). Par exemple, ne sera
pas valable une motivation sous forme de lettre type notamment en matière d’hospitalisation
d’office.

Il peut y avoir des dérogations à cette obligation de motivation, et notamment l’urgence.


L’urgence absolue peut justifier l’inobservation de l’obligation de motiver mais sur demande de
l’intéressé présenté dans le délai un recours contentieux, l’auteur de la décision doit lui
communiquer les motifs de la décision. Cette obligation de motivation peut aussi être limitée par
le respect de divers secrets (secret médical, secret de défense nationale…). Cf art L211-4 et 5
CRPA.

Il peut exister des textes spécifiques ou des jurisprudences qui prévoient une motivation
obligatoire. Sur ce point, il existe une règle selon laquelle le texte spécial l’emporte sur le texte
général. Si dans un domaine particulier (psychiatrie…) il y a des règles spécifiques de motivation,
alors on appliquera d’abord ce texte puis sinon les règles générales de motivation. Le juge
précise que ce n’est qu’en l’absence de dispositions législatives particulières donnant un autre
fondement à l’obligation de motivation qu’il faut appliquer les règles générales de motivation de la
loi de 1979. En principe, lorsqu’il existe une obligation de motivation, le défaut de motivation ne
peut être couvert, cad que le juge le sanctionnera.

La motivation a quand même un objectif : la transparence, la protection des droits de l’intéressé


qui doit être au courant des raisons de l’administration. Cet objectif de transparence a
commencé à émerger dans les textes dans les 70’s.

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Il existe d’autres moyens d’améliorer les relations entre les citoyens et l’administration.
Cette notion de transparence de l’administration est aussi à l’origine de la loi du 17/07/1978,
relative à l’accès aux documents administratifs.

La motivation de l’acte, si elle est un moyen de protection de l’administré qui lui permet de
connaître les raisons qui ont conduit l’administration à prendre un acte, elle relève aussi de la
transparence de l’administration. Cette notion de transparence a aussi été à l’origine de la loi du
17 juillet 1978, relative à l’accès aux documents administratifs, qui consacrent le principe de la
liberté d’accès à ces documents et qui crée dans le même temps la commission d‘accès aux
documents administratifs (CADA) (visent les rapports, études, notes etc). La loi fait une distinction
entre les documents communicables non-communicables ou communicables seulement à
l’intéressé (L311-5 et 6 CRPA).
 Les documents communicables se déterminent à contrario des 2 autres catégories
 Ne sont pas communicables les documents qui portent atteinte à la conduite de la
politique extérieure de la France, les documents de secrets de défense nationale etc
 Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents relatifs au secret médical, qui
touche au secret commercial et industriel ou qui porte une appréciation sur une personne
physique identifiable

Lorsqu’un administré souhaite avoir accès aux documents administratifs, c’est soit une
consultation sur place soit par la délivrance d’une copie du document par l’administration. En cas
de refus par l’administration, l’administré saisit la CADA (AAI lié à ça) dans un délai de 2 mois, qui
émet un avis dans un délai de 1 mois. L’avis de cette commission d’accès aux documents
administratifs n’est pas considéré comme un acte faisant grief et susceptible de REP. Quand
administration refuse de manière persistante de donner accès aux documents administratifs,
c’est contestable devant le juge admin. Rien ne dit que dans le futur un avis de la CADA soit
susceptible de REP.

§3. LES RÈGLES RELATIVES À LA PROCÉDURE DE L’ACTE


Il existe donc un certain nombre de règles de procédure à respecter par l’auteur d’ un AAU. On
parle de procédure administrative non contentieuse pour décider ces règles. Cela permet de les
opposer aux règles que doit suivre le juge admin en cas de contentieux.
Si ces principes sont violés, l’acte pourra être sanctionné par le juge admin dans le cadre d’un
REP, et au titre de la légalité externe de l’acte. En effet, les règles de procédure sont sanctionnées
au titre de la légalité externe comme les règles relatives à la compétence de l’auteur de la décision
ou à la forme de l’acte.
On peut essayer de classer ces règles en 2 catégories :
 Certaines ont tendance à protéger l’administré
 D’autres vont plus aider l’administration dans la prise de décision

A. Les règles visant à assurer une garantie à l’administré : la procédure contradictoire


1/ Le champ d’application de la procédure contradictoire
Historiquement, c’est dans le cadre de la fonction publique que le principe a été appliqué la
première fois. C’est l’art 65 de la loi du 22 avril 1905 qui prescrit que l’administration, lorsqu’elle
prend une mesure ayant le caractère d’une sanction, doit mettre l’intéressé en mesure de faire
valoir ses droits, ses moyens de défense dans le cadre d’une procédure contradictoire. Ce texte est
né dans l’affaire des fiches, fiches qui mentionnaient les opinions politiques et religieuses des
officiers dans l’armée. Système de délation avait été institué pour repérer les officiers « mal
pensant » et cela bloquait leur carrière.

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En dehors du cadre de la fonction publique, de manière générale et même sans texte, se sont
notamment les PGD qui imposent le respect des droits de la défense pour le prononcé d’une
sanction. Arrêts CE 5 mai 1944 Dame veuve Trompier Gravier et CE 1945 Dame Aramu. Ce
principe de respect des droits de la défense est aussi un PFRLR (CC°, DC 1990 Loi de finance pour
1991). Le législateur s’y trouve soumis.
Le juge admininstratif a aussi considéré que ce principe du contradictoire s’appliquait aussi pour
« les mesures prises en considération de la personne » (pas forcément des sanctions), CE 1949
Negre.

Un décret du 28/11/1983, concernant l’amélioration des relations entre l’administration et


l’administré exige une procédure contradictoire et considère que ce principe doit s’appliquer pour
toutes les décisions devant être motivées au titre de la loi de 1979. Aujourd’hui, il faut se référer à
l’article L121-1 du CRPA. Finalement, le législateur codifie la jurisprudence administrative qui
reprend les décisions de 45 et 49. Les dispositions de la loi ne s’appliquent que si aucun autre
texte particulier ne prévoit une procédure équivalente pour le domaine qu’elle régit. Par exemple,
en matière d’extradition, y a des conventions particulières qui prévoit en plus de la motivation une
procédure contradictoire spécifique.

Il existe des exceptions à l’application de ce texte sur la procédure contradictoire :


 Lorsqu’une décision intervient suite à une demande de l’administré
 En cas d’urgence et de situation exceptionnelle
 Quand la mise en œuvre de la procédure contradictoire serait de nature à compromettre
l’ordre public ou « la conduite des relations internationales »
 D’autres exceptions peuvent être trouvées à l’article L121-2 CRPA

L‘art 6 §1 CEDH impose aussi des règles et notamment le droit à un procès équitable. Le CE
applique désormais cet art 6 §1 à certaines procédures non juridictionnelles, comme les
procédures de sanction prononcées par les autorités administratives indépendantes. CE Ass 1999
Didier.
Les AAI sont des organes de l’administration qui peuvent prononcer des sanctions, qui sont des
actes administratifs. Progressivement, le juge admin a considéré qu’il fallait appliquer lors du
prononcé de ces sanctions des garanties similaires qui existaient devant le juge, bien qu’ici cela
ne soit pas un procès.
Art 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, le droit à une bonne administration
inclut le droit de toute personne à être entendue avant qu’une mesure individuelle défavorable
ne soit prise à son encontre.

2/ Les modalités de la contradiction


Dans le cadre de la fonction publique, et en ce qui concerne une sanction prise à l’encontre d’un
agent public, le contradictoire se traduit par la règle de la communication du dossier à l’intéressé.
A défaut de cette communication, l’administration doit lui communiquer les griefs qui sont
invoqués contre lui. L’intéressé doit disposer d’un délai convenable pour préparer sa défense. Art
L122-2 CRPA.

Au-delà de ce cas particulier et de manière générale, l’administration doit informer l’intéressé de


la mesure qu’elle envisage de prendre dans un délai lui permettant de préparer sa défense, ainsi
que les raisons qui la conduise à envisager de telle mesure et l’intéressé doit avoir présenté ses
observations dans un délai raisonnable et peut se faire représenter ou assister. Art L122-1 CRPA.
Cela permet de protéger les droits de l’administré.

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Il y a d’autres règles de procédure, qui visent plus à faciliter le travail de l’administration: la
procédure consultative.

B. Les règles organisant une procédure consultative préalable à l’édiction de la décision


Articles R133-1 CRPA et suivants.
Il s’agit pour l’administration, avant d’édicter son acte, de recueillir l’avis d’un organisme avant
d’élaborer sa décision. On distingue parfois la proposition de l’avis. La proposition est en générale
spontanée de la part de l’organisme (nomination sur proposition…), alors que l’avis est le fruit de la
demande de l’administration. Dans la pratique, la distinction n’est parfois pas très nette.
Il peut exister des procédures consultatives particulières dans certains domaines que sont
l’urbanisme et l’environnement, comme les débats publics, aux enquêtes publiques préalables …

1/ Les différentes catégories de consultation


On distingue traditionnellement 3 catégories :

 La consultation facultative ou avis facultatif


Dans ce cas, l’administration n’est pas obligée de consulter avant de prendre sa décision et elle
n’est pas non plus obligée de suivre l’avis émis. L’administration est donc toujours libre de prendre
une décision différente de celle qu’elle a soumis à avis. Elle n’est pas liée et d’ailleurs ne doit pas
se considérer liée par l’avis car sinon elle renonce de fait à exercer une partie de ses
compétences.

 L’avis obligatoire
L’administration doit requérir l’avis mais elle n’est pas obligée de le suivre dans son contenu .
Certains auteurs estiment de ce fait que ce n’est pas l’avis mais la consultation qui est
obligatoire ; l’administration est obligée de consulter l’organisme mais elle n’est pas obligée de
suivre l’avis. L’administration peut soit prendre la décision initiale qu’elle a soumise à avis, soit elle
prend la décision telle que modifiée éventuellement par l’organisme consultatif. C’est un degré
intermédiaire de consultation. En effet, décidé en dehors de cette alternative (prendre totalement
une autre décision) reviendrait à élaborer un acte dont les dispositions n’ont pas été soumises à
avis, et ça serait une violation des règles de procédure.

 L’avis conforme
Ici, l’administration doit non seulement obligatoirement consulter mais elle doit obligatoirement
suivre l’avis. Certains considèrent que c’est une consultation obligatoire avec avis conforme. En cas
d’avis positif, l’administration doit donc soit prendre la décision, soit renoncer à édicter toute
décision. Si l’avis est négatif, elle ne peut pas prendre sa décision.

En principe, le REP contre un avis est irrecevable. Même s’il est conforme, l’administration peut ne
pas suivre cet avis si elle estime qu’il est illégalement rendu. CE Ass 2001 Eisenchteter. De plus, un
avis conforme négatif qui bloque totalement le processus de décision est susceptible de recours
en annulation. CE 2013 CSM (conseil > de la magistrature).

2/ Les principes gouvernant la consultation


Dans le cas où une consultation a lieu, elle doit répondre à certaines règles
 L’organisme de consultation doit avoir une existence légale. Il doit avoir été institué par
une autorité compétente et le texte créant l’organisme doit avoir été publié.
 Sa composition doit correspondre à ce qui est fixé par les textes. Son fonctionnement doit
également correspondre à ce qui est fixé dans les textes, sinon son avis sera vicié. Par
exemple, si le texte prévoit que les avis doivent être motivés, ils doivent être
obligatoirement motivés, sinon il serait irrégulier.

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 Parmi les règles de fonctionnement de l’organisme consultatif, la règle relative au quorum
est délicate. Il s’agit du nombre minimum de personnes qui doivent être présent ou
représenté pour que l’organisme statue régulièrement. Ce nombre est fixé soit par les
textes de l’organisme consultative, soit on applique une règle supplétive fixée à l’art R133-
10 CRPA.
 La composition de l’organisme doit aussi satisfaire à une exigence d’impartialité, principe
d’impartialité qui est considéré comme un PGD. CE section 1949 Bourdeaux. Il faut veiller
à ce titre à la présence de personnes étrangères et à la présence de personnes membres
de l’organisme mais qui sont personnellement intéressée aux questions traitées et qui
peuvent avoir une attitude partiale mais elles ne doivent pas prendre part aux
délibérations (membre d’une même famille…). Art R133-12.
 L’organe doit pouvoir prononcer son avis en toute connaissance de cause, d’où il faut
veiller au délai de convocation, à l’ordre du jour, aux documents sur lesquels il statue.

Lorsque la procédure est irrégulière, c’est l’acte émis au titre de l’avis qui sera sanctionné ( ?). Le
juge administratif ne sanctionne pas systématiquement tout vice de procédure ; il sanctionnera
seulement ceux qui ont le plus d’importance. S’agissant des règles relatives à la consultation, la loi
de simplification du droit du 17/05/2011 a prévu à son article 70…
De manière générale, en principe, le juge admin ne sanctionne pas systématiquement tout vice de
procédure, mais seulement ceux qui ont le plus d’importance. Plus précisément, s’agissant des
règles relatives à la consultation, la loi dite de simplification du droit du 17 mai 2011 dispose art 70
« lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une disposition, procède à la consultation
d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercées une influence sur le sens de la
décision prise au vu de l’avis rendu peuvent le cas échéant être invoqué à l’encontre de la
décision ».
Le CE a apporté des précisions suite à cette disposition. CE Ass 2011 Danthony : « ces dispositions
(de la loi) énoncent, s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme,
une règle qui s’inspire du principe selon lequel si les actes administratifs doivent être pris selon les
formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le
déroulement d’une procédure administrative préalable (…) n’est de nature à entacher d’illégalité la
décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer en l’espèce une
influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». Les 2
hypothèses où CE annule la décision lors de la consultation d’un organisme pour vice de
procédure.
Parfois, le vice affectant la procédure est assimilé parfois à un vice d’incompétence, dans le cas
où un décret est pris après avis du CE, on parle de décret en Conseil d’Etat.

SOUS-SECTION 2. LES MODALITÉS D’ENTRÉE EN VIGUEUR DE L’ACTE ADMINISTRATIF


§1. LES RÈGLES RELATIVES À LA PUBLICITÉ
La publicité renvoie au moment à partir duquel l’acte est rendu public, donc est porté à la
connaissance de ses destinataires. Non seulement, cela déclenche le moment de l’entrée en
vigueur de l’acte donc le moment où l’acte est opposable aux administrés mais aussi cela
déclenche le moment à partir duquel les délais de recours contentieux courront. C’est l’auteur de
l’acte qui doit avoir l’initiative de la publicité.

Comme le rappellent certains auteurs, on peut considérer que « de la publicité, il résulte une
présomption de connaissance de l’acte par ses destinataires ; nul ne peut invoquer l’ignorance de
l’acte administratif qui a fait l’objet de mesures utiles de publicité » Traité de droit administratif,
Yolka, Melleray, Gonod. L’ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la
publication des lois et de certains actes administratifs indique à son art 1 que les normes à portée
nationale entreront vigueur à tout point du territoire national le lendemain de leur publication au

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JO // lire art 1 CCivil. Ici on voit que le législateur mentionne le rapport qu’il y a entre la publicité
d’un acte et son entrée en vigueur.

§2. LES MODALITÉS DE LA PUBLICITÉ


Les modalités de publicité diffèrent suivant qu’il s’agit d’un acte règlementaire ou non.
Pour les actes règlementaires, la publicité se fait de manière impersonnelle, soit sous forme de
publication, soit par voie d’affichage. Cette publication aura lieu dans des supports différents :
- soit au JORF pour les décrets et ordonnances
- soit dans un bulletin officiel notamment pour les arrêtés ministériels
- soit dans un recueil des actes administratifs comme pour les actes des
autorités locales.
Pour les actes non règlementaires, le principe est que les actes individuels font l’objet d’une
notification à l’intéressé, quand ils ont notamment des effets personnels et défavorables. Mais
certains actes non règlementaires sont susceptibles d’intéresser les tiers et ils font aussi l’objet
d’un autre mode de publicité complémentaire comme l’affichage :ex : le permis de construire.

Il existe 2 exceptions logiques à la publicité d’un acte :


- Les décisions implicites qui résultent du silence de l’administration
- Un acte individuel favorable à son destinataire produit des effets dès sa signature ; la
publicité ne déclenche donc pas son entrée en vigueur :ex : acte de nomination dans la
fonction publique // CE section 1952 Demoiselle Mattei (effet dès la signature de
l’acte).

Section 2. L’exécution de l’acte administratif unilatéral


Les actes administratifs, notamment les décisions, bénéficient du privilège du préalable c'est-à-
dire que dès leur entrée en vigueur elles peuvent produire la plénitude de leurs effets sans
passer par le juge pour faire respecter la volonté de l’administration. Corrélativement, cela veut
dire que l’administration ne peut pas demander au juge de prendre des mesures qu’elle doit
prendre (juge ne pas agir à sa place). CE 1913 Préfet de l’Eure.

Les effets de l’acte peuvent être variables. Ils concernent aussi bien les intéressés et
l’administration. De ce fait, l’exécution de l’acte admin unilatéral peut se heurter à des
résistances, qui peuvent provenir aussi bien de l’administration elle-même (par exemple, quand
un acte administratif condamne une administration à payer une somme d’argent) que de
l’administré (le cas le plus fréquent). Dans cette dernière hyp, des sanctions peuvent être
prononcées, d’une part, et l’administration peut recourir à l’exécution forcée d’autre part.

§1. LE PRONONCÉ DE SANCTION


Il faut distinguer les sanctions pénales et administratives.

A. LES SANCTIONS PÉNALES


L’action pénale, par des poursuites devant le juge contre des administrés ayant contrevenu aux
obligations résultant d’un acte de police, est un moyen d’exécution classique pour
l’administration. Mais le fait pour l’administré de ne pas exécuter un acte administratif n’est pas
toujours pénalement réprimé ; c’est le cas seulement lorsque la loi, en cas de délit, ou le
règlement, en cas de contravention, le prévoit. C’est très souvent le cas.
Par exemple, la loi prévoit (art R610-5 CP) une telle possibilité de poursuite devant le juge pénal
quand un étranger se soustrait à un arrêté de reconduite à la frontière ou d’expulsion …

Ces sanctions pénales sont quand même apparues en droit admin comme inadaptées et de peu
d’efficacité pour garantir l’exécution des actes admin en raison de la lenteur de la justice et en

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raison du montant des amendes infligées. S’est alors développée une nouvelle catégorie de
sanctions pour l’exécution des actes.

B. LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES


1/ La définition des sanctions administratives
C’est un phénomène récent que l’administration puisse prononcer des sanctions contre
l’administré récalcitrant. Les sanctions administratives peuvent avoir des ressemblances avec les
sanctions pénales, en raison de leur caractère punitif ; il peut s’agir par ex d’amendes, de
fermeture d’établissement, de blâme … Mais, elles se distinguent des sanctions pénales dans la
mesure où ce sont des décisions administratives. De ce fait, elles sont totalement d’un éventuel
jugement pénal et par conséquent elles peuvent se cumuler avec un tel jugement. Elles se
distinguent aussi des sanctions disciplinaires.

Il existe une très grande hétérogénéité de ces sanctions. En effet, ce pouvoir répressif est accordé
tantôt à des autorités administratives individuelles (par exemple, le ministre de l’intérieur qui peut
infliger des amendes pour les transporteurs qui ont débarqué des étrangers sans titre pour entrer
sur le territoire) mais aussi à des autorités collectives, comme les AAI.

Ces sanctions administratives disposent d’une certaine efficacité par rapport aux sanctions
pénales. Elles permettent de faire face à l’urgence, car il n’y a pas toute la lourdeur du procès
pénal. Elles évitent également la saisine du juge. De plus, la sanction administrative est
généralement mieux acceptée que la sanction pénale, car elle est souvent mieux adaptée en
matière d’exécution de l’acte admin. Elle est moins infamante, elle est plus technique, elle
correspond mieux aux besoins de l’admin. Comme ces sanctions sont prononcées par des
autorités administratives, elles constituent une catégorie d’AAU dont le contentieux appartient au
juge administratif.

Question s’est posée de la constitutionnalité de ce dispositif : peut-on accepter que


l’administration prononce des sanctions ? Le CCons s’est prononcé et a admis l’existence de ce
pouvoir de sanction pour les autorités administratives dans la DC 28 juillet 1989, « Commission
des opérations de bourse ». (considérant le principe de sép de pouvoir….)
Mais si le CCons l’admet, il prévoit néanmoins des conditions et notamment que :
- la sanction susceptible d’être infligée doit être exclusive de toute privation de
liberté.
- L’exercice de ce pouvoir de sanction doit être assorti par la loi de mesures
destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garanties

2/ Le régime juridique des sanctions administratives


Le prononcé de sanctions administratives est soumis au respect de certaines conditions. Dans la
DC de 1989, le CCons impose de respecter les principes applicables à la procédure pé nale, à savoir
le respect de la présomption d’innocence, le principe de la personnalité des peines, le principe de
la proportionnalité des peines, le principe de la légalité de la peine.

Aujourd'hui, on observe une multiplication des textes qui instituent des sanctions administratives,
et notamment au profit des AAI. Dans tous les cas, les sanctions administratives doivent être
motivées (rentre dans le cadre de la loi de 1979) ; elles sont soumises au respect de la procédure
contradictoire, sachant que celle-ci est le plus souvent précisée par les textes particuliers
instituant la sanction. S’il n’y a pas de texte particulier, la procédure contradictoire doit être
respectée quand même. Ce prononcé de sanction administrative doit aussi respecter le principe
d’impartialité tel qu’il est consacré par l’art 6§1 CEDH. CE

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La CEDH estime que l’article 6 de la Convention doit connaitre l’application la plus large possible,
et elle estime ainsi que doit être assimilé à l’accusation en mat pénale le contentieux des sanctions
administratives. Depuis la décision Ass 3 décembre 1999 Didier, le CE se range à l’interprétation de
la CEDH.

De manière tout à fait exceptionnelle, l’administration pour faire face à la résistance de


l’administré. C’est ce qu’on appelle l’exécution forcée.

§2. LE RECOURS EXCEPTIONNEL À L’EXÉCUTION FORCÉE


Il s’agit de surmonter la mauvaise volonté de l’administré dans l’exécution d’une décision et
l’administration peut avoir recours à la force publique. En principe l’administration n’a pas droit
de recourir à la force pour faire exécuter ses décisions, ce n’est le cas qu’à titre exceptionnelle.
B.Plessix évoque « l’exécution matérielle directe », qui selon lui peut prendre 2 formes :
l’exécution d’office stricto sensu et l’exécution forcée.
 L’exécution d’office signifie qu’il s’agit pour l’administration d’exécuter l’obligation de
l’administré par voie de substitution et d’équivalence ; l’administration va agir à la place et
aux frais de l’administré. Par exemple, la mise en fourrière de véhicule.
 L’exécution forcée est l’usage de la force et/ou la contrainte physique pour assurer
l’exécution d’une obligation. Par exemple, la destruction d’un bien, le fait d’expulser les
occupants d’une usine en grève ou de placer un étranger en zone d’attente.

Le cadre de l’exécution forcée ou de l’exécution matérielle directe a été fixée par la décision TC 2
décembre 1902 Société immobilière de St Just (idée dans l’arrêt que la mesure d’exécution forcée
doit être strictement nécessaire) avec les conclusions du commissaire Romieu. « On peut définir
l’exécution forcée par la voie administrative : un moyen empirique justifié à défaut d’autres
procédés par la nécessité d’assurer obéissance à la loi ».

Il existe certaines conditions pour recourir à l’exécution forcée. En effet, il faut une résistance
réelle de l’administré, il faut que l’acte à exécuter soit légal et les mesures utilisées par
l’administration doivent être strictement nécessaires à l’exécution de l’acte.

A. LES CAS D’APPLICATION DE L’EXÉCUTION FORCÉE

Trois cas de figures :


 L’exécution forcée autorisée par la loi. De nombreuses lois permettent l’exécution forcée.
L’exécution d’office ne peut intervenir qu’après une injonction restée sans résultat et
l’exécution d’office fait l’objet d’une décision motivée et est susceptible de recours. Il
faut que la disposition sur laquelle l’administration se fonde soit précise.
 L’exécution forcée en cas d’urgence dûment établie ou caractérisée. L’urgence va valider
des mesures qui en temps normal seraient illégales. Le juge va vérifier dans chaque cas
que l’urgence ou le péril imminent était bien présent. « Quand la maison brûle on ne va
pas demande l’autorisation au juge d’appeler les pompiers » Romieu.
 L’exécution forcée en cas d’absence d’autres voies de droit. En l’absence de texte et en
l’absence d’urgence, l’administration peut recourir à l’exécution forcée lorsqu’il y a une
impossibilité d’user de tout autre procédé légal. « Dans un Etat l’égal, il faut bien que
force reste à la loi » Romieu.
Quand l’administration recours à l’exécution forcée, encore faut-il qu’elle y recoure dans le cas
dans ces 3 hypothèses, sinon il y aura des conséquences.

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B. LES CONSÉQUENCES D’UN RECOURS ILLÉGAL À L’EXÉCUTION FORCÉE
Lorsque l’administration recourt à l’exécution forcée/d’office d’un acte qui ensuite est annulé dans
le cadre d’un REP, elle encourt des dommages et intérêts. Autrement dit, elle engage sa
responsabilité. L’administration engage aussi sa responsabilité si elle recourt à l’exécution
forcée/d’office d’une décision, légale ou illégale, dans des conditions irrégulières. (faut pas que
l’acte a exécuté soit illégal ou les conditions de mise en œuvre de l’exécution forcée irrégulières)

Si la mesure litigieuse d’exécution forcée n’a pas porté atteinte ni au droit de propriété ni à une
liberté fondamentale, c’est le juge administratif qui sera compétent. Si la décision d’exécution
forcée, à certains égards, porte atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, le
juge considère qu’il y a voie de fait et l’administration est alors dessaisie de son privilège de
juridiction, c'est-à-dire que le juge judiciaire deviendra compétent.

Mais la voie de fait a été considérablement restreinte ; maintenant ce n’est pas une simple
atteinte au droit, le TC, le CE et CCass ont adopté une vision restrictive, c’est vraiment dans des
hypothèses restreintes que l’administration verra son privilège de juridiction restreint.
TC 17 juin 2013 Bergoend : « il n’y a voie de fait que dans la mesure où l’administration a procédé
à l’exécution forcée dans des conditions irrégulières d’une décision même régulière portant
atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction du droit de propriété ». Dans ces cas-
là, le juge judiciaire est compétent pour la réparation des dommages provenant de l’exécution
forcée.

Section 3. La disparition de l’acte administratif unilatéral


La disparition d’un AAU est soumise à un régime particulier, rigoureux dans la mesure o ù il faut
garantir une certaine stabilité des situations juridiques, il faut répondre à un souci de sécurité
juridique et ne pas entamer non plus l’efficacité de l’action administrative.

Il existe différentes modalités de disparition d’un AAU. L’AAU peut être supprimé en dehors de
toute action de l’administration, quand il s’agit de caducité. C’est l’hypothèse où la loi ou le
règlement ont fixé un terme au-delà duquel l’acte ne sera plus valable ou alors a prévu que l’acte
cessera d’exister à la survenance d’un événement. Par exemple, une autorisation du permis de
construire est valable jusqu’à une date limitée.
Mise à part ce cas de figure de la caducité, la suppression de l’acte résulte d’un acte volontaire de
la part de l’administration. On distingue selon si la disparition est rétroactive (retrait) ou non
(abrogation).

SOUS-SECTION 1. LA DISPARITION RÉTROACTIVE DE L’ACTE : LE RETRAIT


Le retrait est une annulation de la décision par son auteur. Le retrait a donc un effet rétroactif,
l’acte retiré n’est censé n’avoir jamais existé ; les effets de l’acte sont supprimés aussi bien pour le
passé que pour l’avenir. Cette définition se trouve art L240-1 CRPA.
Pendant longtemps, les solutions n’étaient pas les mêmes selon que l’acte créait ou pas des droits.
Auj, on a un alignement des solutions, mais il reste des situations particulières.

§1. PRÉCISION SUR LA NOTION D’ACTE CRÉATEUR DE DROIT


On peut tenter d’établir une différence avec B.Plessix, « un acte unilatéral de l’administration est
dit créateur de droit lorsqu’il confère de manière définitive à son bénéficiaire un droit, un intérêt
ou un avantage produisant des effets juridiques au maintien desquels il a droit (…) A l’inverse,
l’acte unilatéral non créateur de droit acquis est celui qui ne confère droit, intérêt ou avantage de
manière définitive de sorte que son destinataire (…) ne peut notamment se prévaloir d’un
quelconque droit au maintien des effets que l’acte produit tout de même ».

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La seule certitude est négative ; il est certain que les règlements ne sont pas des actes créateurs de
droit. Une décision créatrice de droit n’est pas un règlement parce qu’il est de jurisprudence
constante que nul n’a de droit acquis au maintien d’un règlement (CE Ass 5 mai 1972 Mlle Noyer).
A l’inverse, toutes les décisions non règlementaires ne sont pas créatrices de droit. Sont par
exemple créatrice de droit les nominations, un permis de construire, une décision d’autorisation
etc…

Il y a certaines décisions qui sont considérés par leur nature comme insusceptibles de créer des
droits : c’est le cas des décisions pécuniaires et des actes obtenus par fraude.
 S’agissant des décisions pécuniaires. CE Section 2002 Mme Soulier pose la règle suivante :
« une décision accordant un avantage financier crée des droits au profit de son
bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ;
qu’en revanche n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation
de la créance née d’une décision prise antérieurement ».
 S’agissant des actes obtenus par fraude. Ils sont traditionnellement considérés comme
insusceptibles de créer des droits : CE Section 2002 Assistance publique hôpitaux de
Marseille. « Si un acte administratif obtenu par fraude… ».

§2. LES RÈGLES RELATIVES AU RETRAIT DE L’ACTE : LE RETRAIT EN TANT QUE TEL
Il faut distinguer pour le retrait de l’acte :
 S’agissant des décisions créatrices de droit, il faut se référer à l’art L242-1 et suivants
CRPA. La décision créatrice de droit peut être retirée dans un délai de 4 mois suivant la
prise de décision si elle est illégale. Le retrait doit intervenir par le biais d’une décision
motivée et suite à une procédure contradictoire.
 S’agissant des actes non créateurs de droit ; cf L243-3 CRPA. Il y a des exceptions ; les
actes obtenus par fraude peuvent être retirés à tout moment et le retrait des règlements
et des actes non règlementaires non créateurs de droit n’est possible que s’il est illégal et
dans le délai de 4 mois à compter de sa signature.

SOUS-SECTION 2. LA DISPARATION DE L’AAU POUR L’AVENIR : L’ABROGATION


L’abrogation est la suppression non rétroactive de l’acte administratif unilatéral par
l’administration. L’acte disparaît donc seulement pour l’avenir et ses effets passés ne sont pas
remis en cause (art L240-1 CRPA).
Il faut dissocier selon que l’acte est créateur ou non créateur de droit.

§1. L’ABROGATION DES ACTES CRÉATEURS DE DROIT


L242-1 CRPA. Mêmes règles que pour le retrait : l’administration peut abroger un acte créateur de
droit s’il est illégal (1) et dans les 4 mois suivants son édiction (2).

Le Code prévoit aussi l’hypothèse où l’abrogation a lieu à la demande de l’administré. Dans ce cas,
art L242-3, l‘administration est obligée d’abroger aux mêmes conditions : quand le bénéficiaire de
l’acte fait cette demande, l’acte peut être abrogé si l’acte est illégal et cela n’est possible que dans
un délai de 4 mois à compter de l’édiction de la décision (mêmes conditions).

§2. L’ABROGATION DES ACTES NON CRÉATEURS DE DROIT


Pour les actes non créateurs de droit, c’est toujours possible de les retirer à tout moment (L243-1).
Mais la possibilité de les abroger devient parfois une obligation pour l’administration (L243-2). Il
faut dissocier 2 hypothèses :

 S’agissant des règlements. Ce sont les textes et surtout la jurisprudence qui ont posé les
règles qui aujourd'hui ont été codifiées. En effet, avec la décision CE Ass 1989 Alitalia, le

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juge a estimé que l’administration doit faire droit à une demande d’abrogation d’un
règlement illégal, que cette illégalité existe depuis sa signature ou que le règlement soit
devenu illégal suite à un changement de circonstances de fait ou de droit. Le CE a estimé
que c’était un PGD dans cette décision. Cela a été repris dans la loi DCRA, puis le CE en
2013 a apporté une précision dans un arrêt Fédération française de gymnastique, dans
lequel le CE a rappelé cette règle de l’obligation d’abrogation mais pose un tempérament :
l’administration n’est pas tenue d’abroger si l’illégalité a cessé. Tout cela a été codifié aux
articles L243-2 et suivant.
 S’agissant des actes non règlementaires. Il existe une obligation pour l’administration
d’abroger des actes individuels non créateurs de droits devenus illégaux à la suite d’un
changement de circonstances de fait ou de droit postérieur à son édiction. Posé par la
jurisprudence avec la décision CE Section 1990 Association les verts. C’est codifié à l’art
L243-2 al 2 (des règlements car ce n’est pas au moment de son édiction que l’illégalité est
constatée, c’est que postérieur).

Retrait (rétroactif) Abrogation (seulement pour l’avenir


ACD ANCD ACD ANCD

La L’acte doit L’administrati L’administrati L'administrati L'administrati


décision être illégal on peut on peut on est tenue on est tenue
doit être et le abroger un abroger sur d'abroger un d'abroger un
illégale retrait acte s’il est demande de acte acte non
et le doit illégal et dans l’administré si réglementaire réglementaire
retrait intervenir les 4 mois l’acte est illégal, que devenu illégal
doit dans un suivants son illégal et dans cette situation en raison de
interven délai de 4 édiction un délai de 4 existe depuis circonstances
ir dans mois mois à son édiction de droit ou de
un délai suivant compter de ou qu'elle fait
de 4 son l’édiction de la résulte de postérieures à
mois édiction (il décision circonstances son édiction,
suivant y a des de droit ou de sauf à ce que
la prise exceptions faits l'illégalité ait
de ). postérieurs, cessé
décision sauf à ce que
l'illégalité ait
cessé

37/86
Leçon 2. Les contrats administratifs
Même si le mode d’action privilégié caractéristique de l’administration est l’AAU, le recours aux
contrats est de plus en plus fréquent. Or, tous les contrats que l’administration passe ne sont pas
forcément des contrats administratifs. Il existe en effet des contrats privés de l’administration.
Par exemple, les contrats avec l’usager d’un SPIC à la charge d’une personne publique. Si
l’administration peut conclure des contrats de droit privé, il faut étudier les conditions pour que le
contrat soit administratif. Cette identification est essentielle à la fois pour déterminer le régime
juridique applicable et pour déterminer la compétence juridictionnelle en cas de litige.

Chapitre 1. La définition du contrat administratif


La qualification que les parties peuvent donner au contrat n’ont aucune valeur : cela ferait
dépendre la compétence juridictionnelle de la volonté des parties.
La nature d’un contrat s’apprécie à la date de sa conclusion : TC 2006 Caisse centrale de
réassurance c. Mutuelle des architectes français.

Cette qualification administrative peut résulter de la loi ou de la jurisprudence, le plus souvent.

Section 1. La qualification législative


2 hypothèses à dissocier : qualification directe/qualification indirecte.
Cela ne peut être qu’une compétence législative et non règlementaire car la qualification d’un
contrat renvoie à la répartition de compétence entre les 2 ordres de juridictions d’où c’est
forcément la loi.

§1. LA QUALIFICATION LÉGISLATIVE INDIRECTE


La loi ne qualifie pas le contrat mais détermine la juridiction dont il relève. La nature
administrative du contrat se déduit de la règle selon laquelle la compétence suit le fond.
Par exemple :
 En matière de propriété des personnes publiques, l’art L3331-1 du code général de la
propriété des personnes publiques (CGPPP) : « Sont portés devant la juridiction
administrative les litiges relatifs aux cessions des biens immobiliers de l’Etat ». Cela
concerne les biens immobiliers de l’Etat sur son domaine privé. Ça signifie que les contrats
de cession de ces biens seront considérés comme des contrats administratifs.
 L’art L2331-1 CGPPP, « Le juge admin est compétent pour les litiges relatifs aux contrats
portant occupation du domaine public quelle que soit leur forme ou leur dénomination ».

§2. LA QUALIFICATION LÉGISLATIVE DIRECTE


C’est l’hypothèse où la loi énonce expressément que tel contrat est administratif.

Par exemple,
 L’art 2 de la loi « MURCEF » (mesures urgentes à caractère économique et financier) de
2001 où les contrats de marché passés en application du Code des marchés publics ont le
caractère de contrats administratifs. Jusqu’en 2015, les marchés publics étaient soumis à
une diversité de textes (soit au code des marchés publics soit d’autres textes). Seuls ceux
qui étaient soumis au code étaient des contrats administratifs. De plus avant la loi
MURCEF les contrats passés en vertu du Code n’étaient pas nécessairement des contrats
administratifs (d’où simplification avec loi de 2001). Aujourd'hui, les contrats de marché
public passés en vertu de l’ordonnance du 23 juillet 2015 par les personnes publiques
sont des contrats administratifs.
 Les contrats de concession sont des contrats administratifs lorsqu’ils sont conclus par une
personne publique en vertu de l’ordonnance du 29 janvier 2016.

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 La loi Grenelle 2 sur l’environnement de juillet 2010 à l’art 10 : les contrats d’achat
d’électricité par EDF aux producteurs sont des contrats administratifs. Or, cette
qualification législative est contraire à la jurisprudence qui, au regard des critères
classiques d’identification, avaient qualifié ces contrats de nature privée. Arrêt CE 2010
Société Bioénerg.

Le plus souvent, le législateur est muet sur la nature du contrat ou la juridiction compé tente. On
fait donc appel à la jurisprudence.

Section 2. La qualification jurisprudentielle


Si certains contrats sont qualifiés par la loi d’administratifs, le législateur ne donne pas de
définition d’un contrat administratif. Il s’agit de contrat administratif par détermination de la loi
mais on ne connaît pas les caractéristiques qui font que tel contrat est administratif. Le juge, par
l’intervention de critères, tente de dégager les caractéristiques essentielles des contrats
administratifs.

Beaucoup de contrats aujourd'hui conclus par l’administration ne sont pas des contrats
administratifs. Par exemple, les contrats conclus avec les SPIC par leurs usagers. TC 1962 Dame
Bertrand.
Quels sont les critères ? 2 critères cumulatifs :
 Critère organique
 Critère matériel

SOUS-SECTION 1. LE CRITÈRE ORGANIQUE : LA PRÉSENCE D’UNE PERSONNE PUBLIQUE AU CONTRAT


Il faut dissocier 3 hypothèses :
- 2 personnes publiques
- 2 personnes privées
- 1 personne publique et 1 personne privée

§1. UN CONTRAT CONCLU ENTRE 2 PERSONNES PUBLIQUES


L’hypothèse est a priori simple : il existe une présomption du caractère administratif du contrat,
et ce depuis la décision TC 1983 UAP. En effet, un contrat, selon cette jurisprudence, conclu entre
2 personnes publiques revêt en principe un caractère administratif impliquant la compétence des
juridictions administratives. Mais il existe une exception, « dans le cas où, eu égard à son objet, le
contrat ne fait naitre que des rapports de droit privé », alors il ne pourra pas être qualifié
d’emblée de contrat administratif. (vu qu’il y a exception, c’est une fausse présomption)

Or, alors qu’on pensait que cette jurisprudence allait simplifier l’état du droit, on constate depuis
cette jurisprudence que lorsqu’un contrat est conclu entre 2 personnes publiques, le juge
continue de procéder de la même façon que pour un contrat conclu entre une personne
publique et une personne privée. Le fait que le contrat passé par 2 personnes publiques n’a pas
d’emblée une incidence sur sa qualification. (donc malgré la jurisprudence, on ne reste pas que
sur le critère organique, mais on regarde quand même le critère matériel). Le juge administratif et
le TC se réfèrent certes à la jurisprudence UAP mais interprètent l’exception, c'est-à-dire le renvoi
à l’objet du contrat, au sens du contenu du contrat et ils analysent s’il existe ou non une
participation de la personne au SP ou s’il existe une clause exorbitante (=critère matériel). Ce
sera déterminant pour admettre ou refuser la compétence du juge administratif. (avec la
jurisprudence UAP, on ne pensait pas qu’on aurait recours à ce critère).

Par exemple,

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CE 1990 Bureau d’aide sociale de Blénod les Ponts-à-Mousson : c’était un contrat conclu par un
office public HLM et un bureau d’aide social. Y avait donc 2 personnes publiques. Le CE a considéré
que le contrat était un contrat de droit privé parce qu’il n’y avait pas de participation de l’office
public HLM au SP de l’aide sociale. Il a fonctionné comme si c’était un contrat conclu entre une
personne publique et une personne privée
TC 1971 Crous de l’académie de Nancy : conclu entre un office public HLM et le CROUS et là le TC
a tranché en faveur du caractère administratif car le contrat avait pour objet l’exécution même du
SP de logement des étudiants.

§2. UN CONTRAT CONCLU ENTRE 2 PERSONNES PRIVÉES


Il existe un principe et des exceptions.

A. Le principe
Il y a une véritable présomption du caractère privé du contrat puisque le critère organique fait
totalement défaut // arrêt CE section 1963 syndicat des praticiens de l’art dentaire du
département du Nord. Contrairement aux AAU où le juge admet qu’ils puissent être édictés par
une personne privée, le critère organique semble totalement déterminant en matière de contrat.

Cela entraine des inconvénients puisqu’il y a des hypothèses où un contrat dont le contenu est
identique sera selon les cas public ou privé selon qu’il y avait une personne publique
contractante ou pas. Par exemple, les conventions passées par les caisses de sécurité sociale avec
des organisations de praticiens.

Il y a des aménagements.

B. Les aménagements au principe


Y a 2 éléments à prendre en compte

1/ L’application de la théorie du mandat par le juge


Ce n’est pas vraiment une exception… Quand 2 personnes privées contractent, que l’une agit en
tant que mandataire d’une personne publique, alors le contrat est administratif puisque le contrat
est dans ce cas-là en réalité passé entre une personne privée et une personne publique mandante.
Le critère organique est donc rempli // arrêt CE section 1936 Prade (contrat conclu entre un
syndicat d’initiative mais au nom de la commune avec une tierce personne pour l’exploitation
d’une plage) et CE section 1961 Leduc (marché relatif à la reconstruction d’une Eglise assuré par
une association mandatée par la commune).

2/ Les véritables exceptions


2 grandes hypothèses…

a. Le cas des personnes privées transparentes ou associations fictives


C’est le fait que sous un statut de droit privé se masque une personne publique. C’est apparu à la
fin des années 80, sous le coup de démembrement de l’administration, et a été plusieurs fois
dénoncés par la Cour des Comptes et le juge admin. Donc la question s’est posée sur la nature des
actes passés par cette personne. Le juge a privilégié la réalité que les faux-semblants et a
souvent considéré que c’était des actes administratifs.

Le CE, s’agissant des contrats passés par ces personnes, dans une décision de 2007 Commune de
Boulogne-Billancourt, où le CE estime que « lorsqu’une personne privée est créé à l’initiative
d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement, qui lui procure
l’essentiel de ses ressources ; cette personne privée doit être regardée comme transparente et

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les contrats qu’elle conclut pour l’exécution de sa mission de SP qui lui est confié sont des
contrats administratifs ».

b. La jurisprudence TC 1963 Société entreprise Peyrot ou « l’action pour le compte de » et sa


remise en cause
L A JURISPRUDENCE P EYROT ET SES PROLONGEMENTS
Dans la jurisprudence Peyrot, une société d’économie mixte qui était la société de
l’autoroute STRL Côte d’Azur était concessionnaire de la construction et de l’exploitation d’une
autoroute dans des conditions déterminées par la loi du 18 avril 1955. Cette société passe un
contrat de marché avec la société entreprise Peyrot pour la construction d’une autoroute. C’était 2
personnes privées. Même si les deux sociétés contractantes sont des personnes privées, le TC
estime que le contrat est administratif parce que « la construction des routes nationales a le
caractère de travaux publics et appartient par nature à l’Etat ». C’est la même chose pour les
constructions d’autoroute dans les conditions prévues par la loi de 1955 : « sans qu’il y ait lieu de
distinguer selon que la construction est assurée de manière normale directement par l’Etat ou à
titre exceptionnel par un concessionnaire agissant en pareil cas pour le compte de l’Etat ».

L’idée est que normalement les travaux relatifs à la voirie nationale sont exécutés en régie (quand
personne publique exécute elle-même les travaux) par l’Etat et le juge considère ici en quelque
sorte que la société d’économie mixte y est substituée. Ici le juge a souhaité qu’il y ait une unité,
c'est-à-dire éviter que, pour des travaux de même nature, le régime juridique applicable puisse
être (selon qu’il soit exécuté par l’Etat directement ou par une tierce personne privée) et a voulu
dans le même temps éviter une privatisation des travaux de l’Etat.

Cette solution a été entendue aussi lorsque la société en cause n’était pas une société
d’économie mixte (y a des personnes publiques à l’intérieur) mais une société concessionnaire
complètement privée.
L’idée toujours qu’il y a une personne qui agit pour le compte de l’Etat d’où on considère que
c’est comme si l’Etat agissait directement, d’où critère organique est rempli. Elle a été envisagée
aussi dans deux espèces dans la continuité de Peyrot dans les arrêts CE section 1975 Société
d’équipement de la région montpelliéraine (contrat de marché avec une entreprise par une
société concessionnaire pour l’urbanisation d’une zone, pour la construction de voie publique en
vertu d’un cahier des charges vérifiés par la personne publique) et TC 1975 Commune d’Agde
(contrat entre une société d’économie mixte et Agde pour aménagement de la zone touristique).
Le juge y a estimé que le contrat était administratif même si les deux parties étaient des
personnes privées parce que l’un d’entre elle avaient des relations particulières avec la
collectivité publique et ce lien faisait apparaître qu’elle agissait en réalité pour le compte de la
collectivité publique.
Cette théorie de « l’action pour le compte de » est invoquée pour essayer de déterminer la
nature administrative du contrat passée par deux personnes privées mais CE ne l’accepte pas
systématiquement, comme dans la décision CE 2010 Bioenerg.
Cette théorie de « l’action pour le compte de » a été remis en cause récemment.
(cf TD 4 action pour le compte de = quand objet du contrat par nature entraine qu’une
personne privée soit jugée comme agissant pour le compte d’une personne publique + mandat
implicite quand une personne privée a des liens avec personne publique et agit implicitement en
son nom)

L E REVIREMENT DE JURISPRUDENCE
Les 2 décisions reviennent sur la décision de 1963, mais uniquement pour une catégorie de
contrat : les contrats passés par une société d’autoroute avec une personne privée pour « la

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construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute ». Désormais, la société concessionnaire
ne peut plus être regardée par principe comme agissant pour le compte de l’Etat . Ces contrats-là
sont donc des contrats de droit privé, soumis à la compétence du juge judiciaire. // TC 2015 Rispal
c/ société des autoroutes du sud de la France (décision de principe : « Considérant qu'une société
concessionnaire d'autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour
objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut, en l'absence de conditions
particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'Etat ; que les litiges nés de
l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire »)
confirmé par CE 2015 Société des autoroutes Paris, Rhin Rhône reprise in extenso du considérant
de principe.

Pourquoi ? C’est une volonté d’unification le régime juridique et le contentieux de certains


contrats, notamment pour les sociétés concessionnaires d’autoroute.
Mais y a une exception posée : celle des conditions particulières (citée dans le considérant de
principe de la décision de TC : « en l’ de conditions particulières »). Quelles sont les conditions
particulières qui feraient qu’on pourrait considérer que la société concessionnaire a agi pour le
compte de l’Etat ? Derrière ces conditions particulières, est-ce que ça ne signifierait pas que ce
sont en réalité des liens particuliers entre la personne privée et la personne publique tels que
ceux décelés en 1975.

§3. UN CONTRAT CONCLU ENTRE UNE PERSONNE PUBLIQUE ET UNE PERSONNE PRIVÉE
C’est l’hypothèse la plus simple : le critère organique est rempli. Pour savoir si on est en présence
d’un contrat administratif, ce critère organique ne suffisant pas, il va falloir analyser le contenu du
contrat et analyser le critère matériel.

SOUS-SECTION 2. LES CRITÈRES MATÉRIELS : LES ÉLÉMENTS RELATIFS AU CONTENU DU CONTRAT


Le critère organique est insuffisant à lui seul pour donner un caractère administratif au contrat,
le juge s’attache au contenu du contrat. Il y a 2 éléments matériels qui sont alternatifs : s’il
contient soit des éléments exorbitants soit s’il est en relation avec un SP, il pourra être considéré
comme un contrat administratif.

§1. LE CRITÈRE DES ÉLÉMENTS EXORBITANTS DU CONTRAT


Très classiquement, on parle de clause exorbitante. Mais le juge a pu se référer à un régime
exorbitant.

A. Le critère de la clause exorbitante du droit commun et son évolution


1/ Le critère de la clause exorbitante
L’origine de ce critère est en fait à rechercher dans l’opposition traditionnelle entre gestion
publique et gestion privée et le fait que les personnes publiques se comportent parfois comme de
simples particuliers et donc peuvent conclure des contrats privés. Pendant longtemps, le juge
cependant s’est attaché au contrat dans sa globalité sans s’intéresser spécifiquement à ces
clauses.

Il y a eu une évolution avec la décision de principe du CE 1912 Société des granits porphyroïdes
des Vosges. Le critère de la clause exorbitante du contrat apparaissait en filigrane dans les
conclusions du commissaire. C’était un contrat passé entre la ville de Lille et une société de
fourniture de travaux pour paver la ville. Il y a eu un litige entre Lille et cette société et des
sanctions de la part de la ville contre la société en raison de retards dans la fourniture du granit qui
servait à faire les pavés. Le CE s’est déclaré incompétent car il a considéré que c’était un contrat
de droit privé avec y a avait aucune clause dans le contrat qui le différenciait d’un autre contrat
de droit privé. C’est au regard de ces clauses que le juge va déterminer la nature du contrat

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litigieux et c’est en le confrontant à un contrat type de droit privé que va se dégager le caractère
administratif du contrat.

Mais qu’est-ce qu’une clause exorbitant du droit commun ? Y a des esquisses de décision, comme
dans la décision CE 1950 Stein qui proposait de retenir que c’est une clause qui légalement ne
peut pas figurer dans un contrat de droit privé. De manière plus générale, on a tendance à
considérer qu’est une telle clause est une clause inusuelle, impossible, illicite dans un contrat
privé (définition négative).
Ex de telles clauses alors ? Ils sont divers :ex : la clause qui accorde à l’administration un pouvoir
de résiliation unilatérale en dehors de toute faute du cocontractant, la référence à un cahier des
charges qui lui-même contient des clauses exorbitantes.
En raison de l’insatisfaction de ce critère, le TC a fait évolué ce critère

2/ L’évolution du critère : la décision TC 2014 Axa France iard


Dans cette décision, le TC confirme le critère de la clause exorbitante, elle est toujours un
élément d’identification d’un contrat administratif. Néanmoins, il le formule de manière qu’en
1912. Il effectue un lien entre la clause exorbitante et la notion d’intérêt général ; il va essayer
de donner une connotation plus objective et positive de ce qu’est une clause exorbitante.

En l’espèce, il fallait déterminer la nature d’un contrat conclu entre une commune par lequel cette
dernière donnait à une association un ensemble immobilier pour pratiquer l’aviron. Cet ensemble
immobilier était la propriété de la commune qui s’était engagé à y faire des travaux.

Le TC élimine d’abord une qualification législative, en éliminant la qualification de « contrat


portant occupation du domaine public » qui est un contrat administratif. Il achève son
raisonnement en disant qu’en outre « le contrat litigieux ne comporte clause qui notamment, par
les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat,
implique dans l’intérêt général qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ».
Donc il a conclu que c’était un contrat privé.
Ici, on voit donc qu’il s’agit de la référence au critère de la clause exorbitante dégagée en 1912
mais le formule différemment. On constate désormais qu’il semble que la clause exorbitante
susceptible de déclencher la qualification administrative du contrat est celle qui révèle de
l’intérêt général. C’est l’IG qui justifie la soumission au droit public. C’est en cela que la doctrine
considère que ce critère renouvelé par cette jurisprudence de 2014 est un critère objectif, positif
et finaliste (on regarde le but, le but d’IG). (Avant c’était une définition négative de la clause
exorbitante, alors que là il essaie de la définir positivement : maintenant elle est pas définie
matériellement, pas du point de vue de son contenu mais par rapport à la finalité de la clause). La
nature du contrat se justifie donc par sa soumission nécessaire à un régime de droit public en
raison de l’IG poursuivi. Néanmoins, dès qu’il y a IG il n’y a pas clause exorbitante et contrat
administratif. L’IG devra toujours être prépondérant pour que le contrat soit qualifié de contrat
administratif. C’est toujours par le biais des prérogatives reconnues ou pas (comme en l’espèce) à
l’administration que le juge considèrera que ces clauses impliquent ou pas que l’intérêt général
nécessite un régime exorbitant.

Arrêt CE 2016 CHRU Montpellier le juge a considéré qu’il n’y avait clause de ce type alors qu’il y
avait quand même un pouvoir de résiliation unilatéral de l’administration. C’est tout à fait
critiquable quand même … L’exorbitance a aussi été analysé par le régime exorbitant du contrat

B. Le régime exorbitant du droit commun


Cette expression et ce critère sont apparus pour la première fois dans une décision CE 1973
Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant. C’était un litige qui opposait un producteur

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autonome d’électricité et EDF (qui était à l’époque une personne publique). CE a jugé que ce
contrat ne comportait pas de clause exorbitante, ni de lien avec le SP donc au regard du critère
matériel ce n’était pas un contrat admin. Mais ce contrat était quand même régis par des règles
originales. A cause de ce régime particulier, CE a considéré que c’était un contrat administratif
car il était soumis à un régime exorbitant du droit commun. Il a donc dégagé le critère du régime
exorbitant du droit commun. Il part du régime particulier du contrat pour déterminer sa nature
(habituellement, c’est l’inverse, on part du contrat pour déterminer son régime).
Ce critère a été très rarement utilisé par le juge, c’est isolé. C’est d’autant plus obsolète
aujourd'hui qu’EDF est devenu une personne privée.

Il existe un 2nd critère matériel utilisé par le juge à défaut de la clause exorbitante

§2. LE CRITÈRE D’UN LIEN ÉTROIT AVEC LE SERVICE PUBLIC


Il faut que le contrat soit dans une relation relativement forte avec le SP pour que cela puisse le
faire basculer dans la catégorie des contrats administratifs.

Même si à la période de l’âge d’or du SP, dès qu’une personne publique était partie au contrat et
que ce contrat avait un lien avec l’exécution du SP, cela suffisait à le faire rentrer dans la
catégorie des contrats administratifs :ex : arrêt CE 1910 Thérond (contrat conclu entre
Montpellier et Sieur Théron pour qu’il ramasse les carcasses d’animaux morts).
Aujourd'hui on peut dissocier 3 hypothèses dans lesquels un lien avec le SP peut donner caractère
administratif au contrat.

A. Le contrat porte sur l’exécution même du SP par le cocontractant


Cette hypothèse où le cocontractant (privé) exécute directement le SP confère d’emblée un
caractère administratif au contrat, peu importe le SP (SPIC ou SPA). Ce sont les contrats de
délégation de service public. Arrêt qui a posé cette règle est CE 1956 Epoux Bertin. Il s’agissait
d’un accord verbal passé entre l’administration et les époux Bertin par lequel ces derniers devaient
héberger des ressortissants soviétiques et ils ont du donner de la nourriture au centre
d’hébergement mais sans indemnité du coup ils étaient pas contents. CE a décidé que vu qu’ils
exécutaient une mission de SP délégués par la personne publique, alors c’était un contrat
administratif.

B. Le contrat constitue une modalité d’exécution du SP


Il ne s’agit pas de déléguer le SP au contractant. Ce dernier, est « la personne dont l’accord permet
à l’administration de mener à bien sa mission » C.Guettier. On est dans l’hypothèse où la
personne publique exécute elle-même le SP et le contrat est simplement une modalité
d’exécution du service.
L’arrêt de principe est CE section 1956 Ministre de l’agriculture c/ Consorts Grimouard. Il
s’agissait d’une loi qui avait créé le SP de conservation de reboisement et exploitation de la forêt.
Une des modalités de ce SP était les opérations de boisement et reboisement par l’administration
mais opération sur des terrains privés sur la base de contrats conclu avec les propriétaires et CE a
considéré qu’ils étaient administratifs car c’était grâce à l’accord des tiers et des contrats que le
SP pouvait être exécuté. Lien suffisamment étroit avec SP pour dire que c’était des contrats
administratifs.

C. La participation à l’exécution du SP
//TC 1996 Berkani, qui met fin à des solutions jurisprudentielles peu satisfaisantes en disant que
« les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un SPA sont des agents contractuels
de droit public, quel que soit leur emploi ». (Ces contrats de travail sont donc des contrats

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administratifs). (Pour les SPIC ce sont des contrats de droit privé sauf pour le comptable (1957 CE
Jalenques de Labeau) et le directeur (1923 CE Lafrégeyre))

Pour terminer, il faut mentionner la théorie de l’accessoire qui dit qu’un contrat est susceptible
d’être considéré comme administratif, en-dehors de son objet et de ses clauses, s’ils se
rattachent à un autre contrat administratif :ex : contrat de cautionnement.

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Chapitre 2. Le régime juridique des contrats administratifs
S’attacher au régime juridique des contrats implique plusieurs choses : d’étudier 2 grandes
catégories de règles : la manière dont ils sont conclus, mais aussi les règles relatives à l’exécution
de ces contrats.

Section 1. Les modes de conclusion des grands contrats administratifs


Il y a des règles communes, relatives à la compétence des autorités, puis des règles particulières
pour chaque catégorie de contrat.

§1. LES RÈGLES COMMUNES À LA CONCLUSION DE TOUT CONTRAT : LA COMPÉTENCE DE L’AUTORITÉ


PUBLIQUE
Comme les contrats de droit privé, les contrats administratifs supposent l’existence, la rencontre
de 2 consentements ; le CE l’a expressément souligné dans l’arrêt CE section 1972 l’OPHLM du
Calvados.
Pourtant la présence de la personne publique au contrat confère d’emblée une particularité à ce
consentement et des règles de compétences existent, qui habilitent légalement la personne
publique à contracter. Donc le consentement de la personne publique ne sera valable que s’il
émane d’une autorité compétente. Il faut donc connaître les autorités compétentes. Ces règles
sont d’ordre public.

 S’il s’agit d’un contrat de l’Etat


Au niveau central, ce sont les ministres qui sont seuls compétents pour engager l’Etat dans le
cadre de leurs attributions ministérielles.
Au niveau local – déconcentration : C’est le préfet qui est habilité à signer le contrat à engager
l’Etat au niveau local

 S’agissant des CT
Principe qu’une CT ne peut signer que des contrats l’intéressant. La conclusion d’un contrat par
un CT fait intervenir à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir délibérant. Le contrat est signé par
l’exécutif local mais il doit avoir été autorisé par l’assemblée délibérante.

 S’il s’agit d’un contrat conclu par un EP


Difficulté de la diversité des régimes juridiques de ces EP. La compétence pour conclure un
contrat est déterminé par les statuts d’un EP mais le plus souvent c’est une compétence
partagée par l’exécutif et l’assemblée délibérante (ex : entre le président et les conseils) avec
signature du contrat par l’exécutif et accord donné par l’assemblée.

§2. LES PROCÉDURES FORMALISÉES : L’EXEMPLE DE LA CONCLUSION DES CONCESSIONS DE SERVICE


ET DES MARCHÉS PUBLICS
Cela signifie qu’il existe des étapes et des formalités spécifiques à suivre pour conclure ces
contrats, sous peine d’irrégularité du contrat, irrégularités susceptibles d’être sanctionnées par le
juge administratif.
De manière générale, ces procédures, qu’il s’agisse de la procédure de passation des concessions
de services ou de marchés publics, doivent garantir les principes généraux de la commande
publique :
- l’égalité d’accès à la commande publique
- la liberté d’accès
- la transparence

La concession de service : il faut se référer à l’art 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 : « les


contrats de concession sont les contrats conclus par écrit par lesquels une ou plusieurs autorités

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concédantes soumises à la présente ordonnance, confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un
service à un ou plusieurs opérateurs économiques à qui est transféré un risque lié à l’exploitation
de l’ouvrage ou du service en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait
l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». Il y a 2 catégories de concession qui se
distinguent :
- les concession de travaux
- les concessions de service : au sein de ce la concession de service, le service qui peut être
concédé par la personne publique à la tierce personne peut être un service public.

Les marchés publics : le marché public se définit au regard de l’art 4 de l’ordonnance du 23 juillet
2015 comme un « contrat conclu à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la
présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins
en matière de travaux, de fournitures ou de service ». C’est un contrat de commande, un contrat
de prestation. On va trouver plusieurs catégories de marchés publics :
- Des marchés publics de travaux (la réfection par une tierce personne de la manufacture
des tabacs…)
- Des marchés publics de fournitures (commande par une université d’ordinateurs pour les
enseignants et les salles…)
- Des marchés publics de service (prestations de services intellectuelles, financiers etc…).

La distinction repose sur l’idée d’un transfert de risque pour la concession à l’opérateur
économique à la différence du contrat de marché. Il peut y avoir des difficultés pour identifier le
contrat et on regarde s’il y a transfert du risque.

En droit français, y a une catégorie particulière de concession, qui est la délégation de service
public, qui est une concession de service au sens de l’ordonnance de janvier 2016. Cette
ordonnance transpose une directive européenne et fixe un régime juridique de passation des
concessions, et cela a amené une modification de notre régime juridique des délégations de
services publics.

En droit français, on connaissait la délégation du SP depuis la loi Sapin de 1993. Au départ, cette
délégation se définissait avant l’ordonnance par rapport à un critère relatif à la rémunération du
cocontractant : dans une délégation de SP, le délégataire devait être rémunéré substantiellement
par les résultats de l’exploitation. Ce critère de rémunération substantielle du cocontractant par
les résultats de l’exploitation a été posé par l’arrêt CE 1996 Préfet des Bouches de Rhône c.
Commune de Lambesc et codifié par la loi MURCEF de 2001. Sauf que, y avait un problème de
coïncidence entre la définition française de la délégation de SP et la définition européenne de la
concession, puisqu’au niveau communautaire, la concession était définie par rapport au critère du
risque assumé par le cocontractant.

Progressivement, le juge admin a intégré ce critère du risque assumé par le concessionnaire dans
la définition de la délégation de SP. Dans l’arrêt CE 2008 département de la Vendée, le CE a
intégré le critère du risque mais sans abandonner le critère de la rémunération. Le droit
communautaire jusqu’en 2014 n’avait pas prévu de régime juridique pour passer ces concessions.

L’ordonnance de janvier 2016 donne une définition de la concession mais en plus transpose la
directive de 2014 relative aux règles de passation des concessions. Donc, cette transposition a
entrainé des modifications du régime de passation des contrats que l’on qualifiait jusqu’alors en
droit français de délégations de SP, puisque désormais les délégations de SP ne sont qu’une
catégorie particulière de contrat de concession de service.

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Ces deux ordonnances de 2016 pour les concessions et 2015 pour les marchés publics sont la
transposition de directives européennes de 2014 relatives respectivement à la passation des
concessions d’une part et des marchés d’autres part. Désormais, il y a une réglementation
européenne relative aux concessions qui a engendré des modifications en droit français. Suite à
l’adoption de la loi Sapin II de 2016, va être élaboré un Code de la commande publique qui
comportera notamment les règles relatives à la passation des concessions et des marchés publics.

Il y a des règles de publicité et de mise en concurrence qui doivent être respectées pour la
passation de ces 2 grands types de contrats. Plus la valeur du contrat est importante (en fonction
du seuil atteint), plus les règles seront formalisées. Les règles sont encore plus spécifiques
lorsqu’un service public est mis en cause.

Section 2. L’exécution des contrats administratifs


Envisager l’exécution du contrat implique de rappeler que le contrat est la loi des parties, et donc
à ce titre il a un champ d’application spatial et temporel. En principe, le contrat ne vaut que pour
les parties et doit être exécuté dans un lieu déterminé. En principe le contrat ne crée pas
d’obligation pour les tiers.
Mais il y a des spécificités : les règles relatives à l’exécution des contrats administratifs traduisent
un déséquilibre au profit de l’administration lorsqu’il s’agit d’un contrat conclu entre une
personne publique et une personne privée. Le régime juridique de ce type de contrat est empreint
d’unilatéralité. En principe, l’administration détient certaines prérogatives, même si elles ne sont
pas expressément prévues dans le contrat.

Comme dans tout contrat, l’administration est tenue d’exécuter ses obligations contractuelles
qu’elles soient des obligations techniques ou financières. Elle engage sa responsabilité
contractuelle si elle méconnait ses obligations. De même, l’administration engage sa
responsabilité si elle renonce à l’application du contrat puisqu’une fois valablement signé, le
cocontractant a un droit acquis à son application.

§1. LES POUVOIRS DE L’ADMINISTRATION CONTRACTANTE


Ces prérogatives sont intimement liées aux principes régissant tout service public, c'est-à-dire
les lois de Rolland à savoir, la mutabilité, l’égalité et la continuité. C’est logique dans la mesure où,
traditionnellemen,t les contrats administratifs étaient liés à l’exécution d’un SP ou avaient pour
objet même l’exécution d’un SP. Le régime juridique des contrats administratifs s’est forgé sur un
modèle de contrat : les contrats de concession de SP.

A. LE POUVOIR DE DIRECTION ET DE CONTRÔLE DE L’ADMINISTRATION


L’existence de ce pouvoir s’explique par le fait que l’administration est responsable du bon
fonctionnement des SP et donc logiquement doit s’assurer que l’exécution du contrat, dans ses
différentes phases, est correcte. Il ne faut pas confondre ce pouvoir de direction et de contrôle
avec le pouvoir de police, dont peut disposer l’administration et qui peut avoir indirectement des
incidences sur l’exécution d’un contrat qu’elle a conclu. Il est possible de dissocier le pouvoir de
direction et le pouvoir de contrôle.

- Le pouvoir de contrôle. Il semble que l’administration en dispose même dans le silence du


contrat et il semble qu’elle ne puisse y renoncer. CE 1907 Compagnie PLM et autres. Ce
pouvoir revêt parfois une forme particulière, notamment dans le cas des délégations de
SP. Cela se traduira par l’obligation pour le cocontractant d’élaborer un rapport annuel
contenant différents éléments financiers et relatifs au SP dont il a la charge. Ce pouvoir de
contrôle reconnu à l’administration semble nécessaire pour que celle-ci puisse exercer ses
autres prérogatives (pouvoir de modification unilatérale, pouvoir de sanction…).

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- Le pouvoir de direction. C’est une forme plus poussée du contrôle de l’administration et
cela se situe entre le pouvoir de contrôle et le pouvoir de modification unilatérale. Il est
essentiellement présent dans le cadre des marchés publics de travaux et il est par contre
exclu dans certains contrats comme la délégation de SP, car sinon cela reviendrait à
dénaturer le contrat et finalement à le transformer en régie puisque le propre de la
concession de SP est de donner une autonomie dans la gestion du SP et donc d’octroyer
une autonomie du cocontractant. Les manifestations de ce pouvoir sont variées ; cela
peut se manifester par une surveillance de la personne publique (visite sur place dans le
cadre d’un marché de travaux…), des ordres de services écrits (personne publique peut
demander à ce que des travaux défectueux soit refaits…), vérifier que le cocontractant
suive les obligations contractuelles.

Le pouvoir de contrôle va permettre à l’administration d’exercer ses autres directions.

B. LE POUVOIR DE MODIFICATION ET DE RÉSILIATION UNILATÉRALE


1/ Le pouvoir de modification unilatérale
Le pouvoir de modification unilatérale correspond au principe de mutabilité ou d’adaptabilité des
contrats. C’est ici une spécificité du droit administratif. Ce pouvoir est considéré comme existant
même dans le silence des textes et du contrat, mais en fait il est généralement prévu dans les
stipulations des contrats.

CE 1910 Compagnie générale française des tramways, confirmé dans CE 1983 Union des
transports publics urbain et régionaux. Le pouvoir de modification unilatérale fait partie des
règles générales applicables aux contrats administratifs, qui peut être mis en œuvre même dans le
silence des contrats.

Aujourd'hui, ce pouvoir est toutefois très encadré dans le texte dans le cadre des concessions et
des marchés suite aux ordonnances de 2015 et 2016. Ce pouvoir est très conditionné, notamment
par l’existence de circonstances nouvelles. Ce pouvoir est indissociablement lié à l’intérêt public.
L’administration, par son usage, ne doit pas bouleverser l’économie du contrat en touchant à ses
conditions essentielles, quand bien même ce pouvoir est mentionné dans le contrat. Dans ce sens,
il est admis classiquement que les clauses financières ne peuvent pas être modifiées
unilatéralement ; elles sont un élément de la loi des parties. Le cocontractant peut percevoir une
indemnisation du fait de l’aggravation trop importante des charges causée par le changement (CE
1978 Ville de St Malo).

Aujourd'hui, dans le cadre des contrats soumis à concurrence comme les concessions ou les
marchés publics, ce pouvoir de modification est à lier avec la question des avenants aux contrats,
dont les conditions sont étroitement prévues par les textes. On peut donc se demander, au regard
des nouvelles ordonnances, s’il y a un maintien de ce pouvoir de l’administration en tout état de
cause (même si c’est pas dans le contrat).

2/ Le pouvoir de résiliation unilatérale


C’est un pouvoir qui est reconnu de longue date à l’administration, dès le XIXème siècle et
également lié au principe de mutabilité du contrat et à la nécessaire adaptation dans le temps. La
résiliation unilatérale par l’administration peut intervenir pour plusieurs motifs : intérêt général ou
faute grave.

Pour l’intérêt général


CE Ass 1958 Société distillerie de Magnac-Laval. Le CE a considéré que pouvoir de résiliation était
en lien avec l’intérêt général. Ce pouvoir de résiliation pour des raisons d’intérêt général est lié aux

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nécessités de fonctionnement du SP. Le motif d’intérêt général laisse une marge d’interprétation à
l’administration et sera reconnu notamment lorsqu’il y a transformation ou suppression du SP qui
sert de support au contrat, quand il y a abandon d’un projet par exemple.

En principe et cependant, le motif d’intérêt général susceptible de justifier une telle résiliation, est
cantonné à cela. Il existe en principe seulement lorsqu’il y a une modification dans les besoins et le
fonctionnement du SP support du contrat.

Mais ce pouvoir a aussi pu être reconnu en cas de modification dans le capital de la société
cocontractante de l’administration. En effet, le juge a estimé que l’administration était en droit de
considérer que suite à cette modification dans le capital, le cocontractant ne présentait plus les
garanties au vu desquelles le contrat lui avait été attribuée (CE 1996 Société des téléphériques du
Mont Blanc).

En cas de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une
indemnisation intégrale du préjudice subi du fait de la fin anticipée du contrat.

En cas de faute du cocontractant qui ne respecte pas ses obligations


Dans ce cas on glisse dans le cadre de la sanction résolutoire. Le contrat énumère souvent les
manquements qui peuvent conduire à ladite sanction.

C. LE POUVOIR DE SANCTION DE L’ADMINISTRATION


L’administration a le pouvoir d’infliger des sanctions au contractant s’il méconnait des clauses du
contrat ou en cas d’inobservation des instructions reçues par l’administration. La sanction vise à
réprimer un mauvais comportement. La spécificité des contrats administratifs est mise en
évidence, surtout quand ça porte sur un SP, à savoir que la sanction vise aussi à permettre le cas
échéant le fonctionnement correct du SP.

Dans tous les cas, les sanctions doivent être infligées après mise en demeure notifiée à l’intéressé
et restée infructueuse. La sanction doit être motivée et doit être proportionnée au manquement
commis par le cocontractant.

La sanction est susceptible de revêtir différentes formes :


- La sanction pécuniaire consiste en des sommes d’argent, souvent liée au retard. Ce sont
des pénalités adressées au cocontractant. Elles font parties des clauses contractuelles ;
c’est prévu dans le contrat
- La sanction coercitive permet de surmonter le comportement irrégulier du cocontractant
en se substituant à lui ou en substituant un tiers pour poursuivre l’exécution du contrat
mais aux frais et risques du cocontractant.
- La sanction résolutoire. En principe, elle ne peut être prononcée que par le juge,
l’administration doit saisir le juge. La fin du contrat ne donne pas lieu à indemnisation du
cocontractant vu que c’est dans l’idée de sanctionner une faute du cocontractant. Il peut
être explicitement mentionné dans le contrat que l’administration puisse prononcer la
sanction résolutoire du contrat ; si ce n’est pas expressément mentionné, l’administration
doit saisir le juge.

§2. LES OBLIGATIONS ET DROITS DU COCONTRACTANT


On peut retenir que de manière très classique que le cocontractant doit exécuter ses obligations et
a droit au paiement de ses prestations & au respect de l’équilibre financier.

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A. L’EXÉCUTION DE SES OBLIGATIONS ET LE DROIT AU PAIEMENT DU PRIX
1/ L’exécution des obligations par le co-contractant
Les obligations du co-contractant figurent soit dans le corps du contrat, soit dans le cahier des
charges. Ces obligations sont parfois complétées par des obligations supplémentaires imposées
par l’administration au titre de son pouvoir général de direction et de contrôle.

Hormis le cas de la sous-traitance qui est strictement encadré par les textes, le co-contractant est
tenu d’exécuter personnellement ses obligations, notamment parce qu’il faut respecter le principe
de l’intuitu personae. Le co-contractant doit exécuter personnellement ses obligations, mais aussi
intégralement et correctement. Le co-contractant de l’administration ne peut opposer à
l’administration l’exception d’inexécution, c’est à dire qu’il doit continuer d’exécuter ses
obligations même si l’administration n’exécute pas les siennes.

L’exécution doit également se faire dans les délais prévus par le contrat, avec un délai général et
des délais partiels. Il se peut que le contrat ne mentionne pas de délai, donc on considère avec la
jurisprudence qu’il existe une durée considérée comme « normale » ou « raisonnable ». Cela est
apprécié au cas par cas, selon les circonstances. Il faut tenir compte du fait que des circonstances
extérieures peuvent parfois entrainer un retard, mais hormis ces cas-là, si l’exécution n’est pas
ponctuelle, l'administration peut prévoir des sanctions, notamment pécuniaires.

2/ Le droit à rémunération des prestations


Le co-contractant a droit au paiement du prix convenu en fonction des prestations effectuées.
Quand on parle de prix, ce sont essentiellement les marchés publics qui sont concernés. Dans le
cadre des concessions, les recettes proviennent essentiellement de l’exploitation du service.
Pour les marchés publics, on parle de prix dans un sens large, car en réalité il s’agit de
contrepartie de la prestation fournie. Cela peut se traduire par un abandon de recettes
publicitaires par la personne publique au profit de la personne privée titulaire du marché (pour les
contrats de mobiliers urbains par exemple).

Plus largement, dans un contrat administratif et notamment conclu par une personne publique
avec une personne privée, le co-contractant a droit au respect de l’équilibre financier.

B. LE DROIT À L’ÉQUILIBRE FINANCIER


Ce sont différentes théories qui trouvent à s’appliquer en cours d’exécution du contrat lorsqu’un
évènement bouleverse le cours de l’exécution du contrat et n’est pas imputable au co-contractant.
Il s’agit d‘une compensation des prérogatives dont disposent l’administration. Elles consistent à
restaurer l’équilibre financier du contrat quand celui-ci est rompu en raison de la survenance d’un
évènement en cours de contrat.

1/ La théorie des sujétions imprévues


Cette théorie a toujours eu une portée restreinte puisqu’elle ne s’applique quasiment que pour les
marchés publics de travaux. Elle reconnait un droit à indemnité à l’entrepreneur qui, en cours
d’exécution du contrat, se heurte à des difficultés.
Ces difficultés doivent être :
(1) d’ordre matériel
(2) dues à des circonstances extérieures aux parties,
(3) imprévisibles lors de la conclusion du contrat. Le juge vérifiera que
l’administration a fourni toutes les informations nécessaires au co-contractant.
(4) doivent augmenter le coût du marché en compliquant anormalement son
exécution.

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Face à cela le co-contractant doit poursuivre l’exécution du contrat mais a droit à réparation
intégrale du préjudice subi.

2/ La théorie de l’imprévision
Cette théorie est née suite au bouleversement entrainé par la WW1. L’arrêt de principe est la
décision CE 1916 Compagnie générale d’éclairage des gaz de Bordeaux. Le CE a dégagé 3
conditions cumulatives :
 Le bouleversement de l’économie du contrat : en raison de ce qu'il s’est produit, le co-
contractant n’est plus en mesure de faire face à ses obligations.
 Le bouleversement doit résulter d'un évènement imprévisible au moment de la
conclusion du contrat.
 Évènement étranger à la volonté des parties.

Cette théorie permet d’assurer la continuité du service public, donc le co-contractant doit assurer
cette continuité, autrement dit il doit continuer l’exécution du contrat, sinon c’est un obstacle à
une éventuelle indemnisation.
Il faut rechercher si le contrat peut être adapté (modification des tarifs, réduction des charges ...)
et c’est seulement si le contrat ne peut être adapté, que le cocontractant peut disposer d’une
indemnisation qui en général est à hauteur de 90% des charges extracontractuelles.
La théorie de l’imprévision introduit dans le contrat un aléa de nature économique. L’imprévision
prend nécessairement fin soit :
- Parce qu’il y a un rétablissement de la situation normale ;
- Parce que les circonstances économiques sont modifiées.

Si la situation économique est définitivement compromise, alors on bascule dans un cas de force
majeure. CE 1932 Compagnie des tramways de Cherbourg : Le CE estime que « lorsque des
circonstances imprévisibles bouleversent définitivement le contrat, et que le co-contractant ne peut
plus poursuivre son exécution, parce qu’il n’est plus en mesure d’équilibrer ses dépenses, à défaut
d’accord amiable avec l’administration, le co-contractant peut demander au juge de prononcer la
résiliation du contrat avec éventuellement des indemnités ».

3/ La théorie du fait du prince


Cette théorie correspond à l’idée d’un aléa administratifs. Assez flou car deux propositions sont
faites :

 Selon les cas, cette théorie recouvre les cas où la situation du co-contractant est
aggravée en raison d’une mesure prise par la personne publique contractante agissant
en tant que partie au contrat . C’est notamment la position de Lachaume. Mais ça
revient à évoquer le pouvoir de modification unilatérale de l’administration.
 Ou alors, ça rejoint les cas où l’aggravation de la situation du co-contractant résulte
d’une intervention de la personne publique contractante, mais en une autre qualité
que celle de partie au contrat. C’est la position de Guettier et Chapus.

CE Section 1932 Société des autobus Antibois. En l’espèce, c’était un arrêté par lequel le maire de
la ville de Cannes avait règlementé la circulation et le stationnement des voitures de transports en
commun. Il avait notamment interdit aux autobus de s’arrêter dans sa commune sans son
autorisation. Ça portait préjudice à la Société des autobus Antibois. Donc acte de la personne
publique qui n’agit pas en tant que personne publique contractante, mais en tant qu’autorité de
police municipale.

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Quoi qu’il en soit, le fait du prince entraine l’obligation pour l’administration d’indemniser
intégralement son co-contractant pour le pré judice qu’il a subi. Cela étant, la tendance de la
jurisprudence est de dissocier selon que les mesures prises frappent ou non spécialement le co-
contractant.

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Partie 2. Les moyens de protection de l’administré
L’administré est protégé contre l’administration dans la mesure où, si l’administration cause un
dommage à l’administré, il pourra intenter à son encontre une action en responsabilité.
L’administré peut aussi demander au juge d’annuler un acte administratif unilatéral s’il estime
qu’il est illégal.

Leçon 1. La responsabilité administrative


On s’intéressera essentiellement à la responsabilité extracontractuelle de la puissance publique.
Il s’agit d’une responsabilité civile, ce qui signifie que cette responsabilité se distingue d’une
éventuelle responsabilité politique, de la responsabilité disciplinaire d’un fonctionnaire par
exemple, et de la responsabilité pénale.
La responsabilité administrative s’entend comme la responsabilité de la puissance publique. Il
existe évidemment des cas de responsabilité privée de l’administration relevant du juge judiciaire
(exemples : cas de la gestion du domaine privé de l’administration, de la gestion des SPIC ). Dans
ces hypothèses, l'administration est traitée comme un simple particulier.
Mais la responsabilité administrative a ses règles spécifiques : 1873 TC Blanco. La responsabilité
administrative est autonome par rapport à la responsabilité privée, mais cela ne signifie pas
qu’elle en diffère profondément.

Section préliminaire
§1. Historique de la responsabilité administrative
Pendant longtemps, le principe qui dominait en droit administratif était celui de l’irresponsabilité
de la puissance publique. Pour considérer qu’une personne publique pouvait être responsable, il
fallait qu’elle se trouve dans une situation contractuelle ou qu’un texte spécial prévoit cette
responsabilité (comme la loi du 28 pluviôse an VIII qui prévoyait une responsabilité de
l’administration pour les dommages de travaux publics). Cette situation d’irresponsabilité résultait
du fait qu’on estimait que « le propre de la souveraineté est de s’imposer à tous sans
compensation » E. Lafferiere.
C’est à partir de la seconde moitié du XIXème siècle que se dessine une évolution et qu’on admet
l’idée selon laquelle la puissance publique peut être reconnue comme responsable des
dommages qu’elle cause (décision Blanco). C’est à partir de là que sera reconnu non seulement le
principe de la responsabilité de la puissance publique mais aussi son autonomie par rapport à la
responsabilité organisée par le Code civil.
Dans les années suivantes, on constate cependant la même réticence à engager la responsabilité
de l’Etat, notamment pour les actes dits de souveraineté. La responsabilité des personnes
publiques était limitée et n’était engagée qu’en raison d’une faute commise par elle.
C’est à la veille de la WW1 que se développe progressivement la responsabilité de la puissance
publique, avec deux éléments :
- d’abord la responsabilité de la personne publique est reconnue dans le cadre des
mesures de police (1905 CE Tomaso Grecco)
- puis à partir de 1919 va se développer de la responsabilité sans faute de l'administration
fondée sur le risque (1919 CE Regnault Desroziers).
Depuis, la responsabilité administrative n’a cessé de se développer. Le principe a continué d’être
celui de la responsabilité pour faute, avec au départ l’exigence d’une faute lourde et
progressivement ce fut l’admission d’hypothèse de plus en plus nombreuses de responsabilité
pour faute simple. Parallèlement, les régimes de responsabilité sans faute se sont multipliés.

Au fur et à mesure de l’évolution, on constate une prise en compte croissante de l’intérêt des
victimes et une indemnisation de plus en plus complète de leurs préjudices.

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§2. L’existence de régimes législatifs particuliers
Souvent on constate que le législateur a donné compétence au juge judiciaire et a créé des
règles particulières. Mais on peut aussi opposer les régimes législatifs de responsabilité (1) aux
régimes d’indemnisation (2). On peut dire que « coexistent des régimes de réparation encore
reliés au schéma traditionnels de la responsabilité et des régimes d’indemnisation » M. Paillet.

Dans les régimes d’indemnisation, il y a une idée de solidarité : en raison de dommages causés à
la collectivité dont les conséquences sont catastrophiques, on estime que c’est la collectivité qui
doit réparer, au-delà et en dehors de la recherche de l’auteur spécifique du dommage. Cette
logique est née suite aux années 1991-93 avec l’affaire du sang contaminé.

A. LES RÉGIMES LÉGISLATIFS DE RESPONSABILITÉ : L’EXEMPLE DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT


DES ATTROUPEMENTS ET DES RASSEMBLEMENTS
Exemples de régime législatifs de responsabilité :
- Régime prévu par loi du 5 avril 1937 pour l’enseignement public, codifié à l’article L911-4
du code de l’éducation ;
- Régime législatif de responsabilité des véhicules administratifs organisé par la loi du 31
décembre 1957 ;
- La responsabilité du fait de la justice judiciaire prévue par la loi du 5 juillet 1972 qui donne
compétence au juge judiciaire et prévoit la responsabilité de l’Etat en cas de faute lourde
ou de déni de justice à l’encontre des usagers (articles L141-1, -2 et -3 du code de
l’organisation judiciaire).
Responsabilité du fait des attroupements et des rassemblements : il faut se référer au départ à
la loi du 7 janvier 1983, intégrée aujourd'hui dans le Code de la sécurité intérieure (L211-10),
prévoyant que l’Etat sera responsable « des dégâts et dommages résultant des crimes et délits
commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non
armés soit contre les personnes soit contre les biens (…). L’Etat peut exercer une action récursoire
contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée ». La loi confie
expressément la compétence du juge administratif.
C’est une responsabilité de plein droit sans faute lorsqu’il y a dommage dû à un attroupement ou
un rassemblement et ce régime de responsabilité sans faute peut être mis en jeu tant par les
victimes tant que par les compagnies d’assurance, qui après avoir indemnisées les victimes,
peuvent exercer une action subrogatoire.
Pour que la responsabilité soit déclenchée, il faut que les dommages soient en relation directe
avec le comportement décrit dans la loi, c'est-à-dire qu’il y ait eu violence ; tel n’a pas été le cas a
contrario lorsque des personnes maculent un bien de peinture (CE 1999 Ouizille pour des
dommages occasionnés par des manifestants à l’arche de la Défense). Idem, pour le saccage d’un
poulailler par des manifestants n’engage pas ce régime de responsabilité (CE 1996 SARL Oeuf BB).
Le CE, dans un avis du 6 avril 1990 Société Cofiroute a estimé qu’un préjudice commercial
résultant d’une perte des recettes d’exploitation ou d’une augmentation des dépenses peut être
considérée comme ayant un lien direct avec un attroupement ou un rassemblement. Tous les
types de préjudices sont susceptibles d’indemnisation, qu’il s’agisse de préjudice matériel,
corporel ou commerciaux.
Dès qu’il y a attroupement ou rassemblement, les dommages causés par les violences urbaines,
relèvent, d’après le juge admin, de ce régime législatif de responsabilité // CE section 2000 AGF
et dans le même sens CE 2002 Compagnie d’assurance Les LLyod’s de Lyon.
Pour qu’il y ait déclenchement de ce régime législatif de responsabilité, il faut qu’il y ait une
certaine spontanéité de ce mouvement ; autrement dit, s’il s’agit d’un comportement violent
prémédité, le juge a tendance a écarté ce régime législatif.

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Il faut que les comportements en question constituent des crimes ou des délits, et donc a
contrario la loi n’est pas applicable en cas de manifestations de lycéens dans lesquels délit n’a été
commis ex : CE 2000 Région Languedoc-Roussillon.

Pour les violences urbaines, remarques :


- Pour le CE, le régime ne peut pas s’appliquer dans l’hypothèse où plusieurs heures après la
dispersion d’une manifestation un groupe d’individus revient sur les lieux ayant pour seul
but de commettre des dégradations (// pas de caractère de spontanéité)
- Dans l’avis du 20 février 1998 du CE ass Société étude et construction de sièges pour
l’automobile, le CE a dit « quand le dommage provient de plusieurs rassemblements sur le
territoire national qui relèvent d’une action concertée, la loi ne s’applique que pour les
dommages provenant d’un attroupement ou d’un rassemblement précisément identifié »
- Suite à l’accident à Clichy-sous-Bois en 2005 avec la mort de 2 jeunes, beaucoup de
manifestations ont eu lieu, et de dommages ont été causés et beaucoup de situations où
on a tenté de mettre en jeu cette responsabilité de l’Etat et y a eu une restriction de la
part du juge admin pour appliquer ce régime de responsabilité de l’Etat :ex : CE 2008 MAIF
et CE 2011 MACL ; le CE a rappelé que ce régime législatif de responsabilité sans faute ne
pouvait s’appliquer que pour le dommage qui avait suivi immédiatement l’événement.
Illustration récente CE 2016 Société Covea Risks : CE censure la décision de la CAA qui avait
refusé d’appliquer ce régime législatif de responsabilité.

Question s’est posée de l’application de ce régime de responsabilité pour des délits


d’entrave à la circulation, et notamment lors de manifestations aux péages d’autoroutes ; CE a
fait une distinction :
- la loi n’a pas à s’appliquer quand les manifestants empêchent la perception du péage par
les automobilistes car selon le CE le péage entraine par lui-même un ralentissement de la
circulation car on est dans tous les cas obliger de ralentir à un péage.
- Mais CE dit que ce régime s’applique quand y a un obstacle physique qui fait barrage au
passage des voitures : là y a délit d’entrave donc on peut appliquer le régime législatif.
Il peut y avoir des actions récursoires : l’Etat peut se retourner contre la commune par
exemple.

B. LES RÉGIMES LÉGISLATIFS D’INDEMNISATION


Dans un tel régime, la loi estime que pour certains types de préjudice, la victime doit
bénéficier de la solidarité nationale. La logique de l’indemnisation diffère de celle de la
responsabilité dans la mesure où il ne s’agit pas de rechercher la personne responsable ; on parle
d’ailleurs aussi de régimes d’indemnisation fondées sur la garantie sociale. L’Etat est mis à
contribution même si une activité publique n’est pas directement à l’origine du dommage. Il
s’agit ici d’effacer les conséquences dommageables d’évènements dramatiques. Ont été créés
des fonds d’indemnisation pour le sang contaminé (c’est à partir de l’affaire du sang contaminé
que tout ça a démarré – loi du 31 décembre 1991), pour l’amiante, pour les victimes d’essais
nucléaires… Pour les personnes contaminées par le sida suite à une transfusion, cf L3122-1 du
code de la santé publique. On a modifié le régime de la loi de 1991 du fonds d’indemnisation pour
le sang contaminé en le transférant à un autre organisme : l’ONIAM (l’office national
d’indemnisation des accidents médicaux) : a pour fonction d’indemniser les victimes de préjudices
liés à des accidents médicaux et donc d’indemniser les victimes de contamination par transfusions
sanguines (loi 2011 a élargi la compétence de cet organisme // L1141-24-1 CSP). Ce fonds
d’indemnisation qu’est l’ONIAM est un EP administratif, financé par l’assurance maladie.
Chapitre 1 : les conditions générales d’engagement de la responsabilité

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La responsabilité administrative est une responsabilité civile qui a pour objet la réparation des
dommages causés aux victimes ; la responsabilité ne pourra être retenue que si 3 éléments sont
retenus : l’existence d’un fait générateur, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Chapitre 1. Les conditions générales d’engagement de la responsabilité administrative


Section 1. L’existence d’un fait générateur
Le fait générateur de la responsabilité administrative pourra être soit une faute soit un
comportement non fautif. L’évolution du régime de la responsabilité est la diminution des
régimes pour fautes et la croissance des régimes de responsabilité sans faute.

§1. UNE FAUTE


A. DÉFINITION DE LA FAUTE
Pour qu’il y ait faute, il faut qu’il y ait un « manquement à une obligation préexistante » Plagnol.
En l’absence d’obligation, même si l’administration n’a pas agi comme l’usager du SP pouvait s’y
attendre, il n’y a pas de faute. Mais la transgression d’une obligation entraine la reconnaissance
d’une faute.

Il faut préciser les rapports entre l’existence d’une faute et l’illégalité


 Il peut exister une faute de l’administration en dehors de toute illégalité, lorsque la
faute par ex résulte d’un comportement matériel de sa part :ex : une maladresse dans
l’usage d’une arme à feu.
 Une décision illégale est systématiquement constitutive d’une faute : arrêt de
principe CE section 1973 Driancourt. Confirmé par CE ass 2002 Papon, s’agissait des
illégalités commises pendant la 2GM pendant l’occupation relatif à la déportation des
juifs, et CE a mentionné que « les dispositions précitées de l'ordonnance ont, en
sanctionnant par la nullité l'illégalité manifeste des actes établissant ou appliquant
cette discrimination, nécessairement admis que les agissements auxquels ces actes ont
donné lieu pouvaient revêtir un caractère fautif »
(= une faute n’est pas forcément illégale mais toute illégalité est une faute) Si illégalité = faute,
la faute constituée par l’illégalité n’entrainera pas cependant automatiquement la
responsabilité. Il faut que les 2 autres conditions soient remplies (préjudice et lien de causalité).

La faute peut être caractérisée par le fait que le SP n’a pas fonctionné ou a mal fonctionné, on
emploie l’expression de « faute de service ». Difficultés est de déterminer quels types de
comportements peuvent être considérés comme révélant un mauvais fonctionnement du
service :ex : la violation du fonctionnement normal du service (ex comme celle des garanties
médicales que les malades sont en droit d’attendre d’un SP hospitalier), la violation des lois du SP

La faute de service par l’administration peut englober des comportements extrêmement variés
comme le défaut de contrôle, le défaut de surveillance (ex : le défaut de surveillance
postopératoire d’un malade), le défaut d’entretien, le retard de l’administration dans plein de
domaines (ex : le retard à opérer un malade ou retard de transmission d’un procès-verbal), des
maladresses, renseignements inexacts… Y a pas une liste de comportements considérés comme
fautifs, le juge regarde à chaque fois en l’espèce.

Les fautes susceptibles de pouvoir engager la responsabilité administrative peuvent connaître


des gradations : le juge exigeait autrefois et dans un premier temps « une faute caractérisée » ou
une « faute d’une particulière gravité » ou « une faute manifeste et d’une particulière gravité ».
Puis, il est passé au vocabulaire de « la faute lourde » et ces domaines où le juge admin exigeait
une faute lourde sont en voie de disparition. Cela va dans le sens d’une facilitation de la

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reconnaissance de la responsabilité de l’administration. En effet, de plus en plus, le juge exige
seulement « une faute simple », une « faute de nature à » engager la responsabilité.

B. LA PREUVE DE LA FAUTE DE L’ADMINISTRATION


Le droit administratif ne fait preuve d’ originalité. Y a 2 systèmes :
- Le système de la faute prouvée
- Le système de la faute présumée

Le principe est le système de la preuve de la faute par la personne qui s’estime victime. En raison
de la difficulté d’apporter la preuve de la faute de service, le juge estime parfois qu’un simple
commencement de preuve par la victime suffira à établir la faute. C’est le juge qui, en vertu de
ses pouvoirs inquisitoriaux, la développera.
La procédure devant le juge admin est inquisitoriale et écrite devant le juge civil. Juge admin a
beaucoup de pouvoir et il pourra lui-même développer certains éléments de preuve apportés
par les parties, notamment en matière de responsabilité ; il pourra ordonner à l’administration de
lui fournir des explications ou documents par exemple. CE 1954 Barel est posé le PGD d’égalité
d’accès à la fonction publique mais aussi ce pouvoir dont dispose le juge administratif en matière
de preuve.

Parfois le système de preuve est différent, la faute de l’administration est présumée ; la charge
de la preuve est renversée c'est-à-dire que c’est à l’administration d’établir qu’elle n’a pas
commis de faute susceptible d’engager sa responsabilité. C’est un système favorable à la victime
dans la mesure où il lui suffit d’établir que le préjudice trouve son origine dans une situation
déclenchant une présomption de faute. Ici, la victime est dispensée d’apporter la preuve du fait
générateur mais doit quand même démontrer l’existence d’un lien de causalité entre son
préjudice et les agissements de l’administration. Ce mode de preuve est utilisé en ce qui concerne
les accidents des usagers liés aux ouvrages publics : on parle de défaut d’entretien normal. Ce
défaut est présumé. Ex : CE 2001 Département du Bas Rhin.

§2. UN COMPORTEMENT NON FAUTIF


Admettre que la responsabilité de l’administration puisse être engagée sans faute de sa part est
un système beaucoup plus favorable aux victimes et témoigne d’une évolution de la
responsabilité de l’administration. Les deux systèmes de responsabilité pour faute et sans faute
coexistent mais ces derniers ont tendance à se développer.
Le fait qu’un comportement non fautif puisse être à l’origine de la responsabilité est un élément
d’originalité par rapport au système civil. La responsabilité sans faute existe en droit civil mais
uniquement lorsqu’elle est organisée par les textes.
La responsabilité sans faute et aussi dite responsabilité de plein de droit, une responsabilité en
raison du dommage provoqué.
On considère que, à la différence de la responsabilité pour faute qui revêt un caractère subjectif, la
responsabilité sans faute revêt un caractère objectif puisqu’on ne s’attachera pas à juger le
comportement de l’administration.

La responsabilité sans faute s’est forgée autour de 2 fondements :


 La responsabilité sans faute s’explique autour de l’idée du risque : principe a été posé
dans l’arrêt CE 1895 Cames avec les conclusions de Romieu. Cames était ouvrier à
l’arsenal de Tarbes et forgeait qq chose et a reçu un éclat de métal qui a provoqué une
atrophie de sa main gauche. A demandé une indemnisation qu’il a reçu mais qu’il a
jugé insuffisante. En l’espèce, pas de faute ni par l’ouvrier ni par le responsable de la
manufacture qui travaillait pour la défense nationale, établissement qui exerçait une
mission de SP. CE a quand même aménagé la responsabilité de l’Etat en raison du

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risque qui provenait des travaux que l’arsenal faisait exécuter. A l’époque, ce régime
de responsabilité sans faute fondé sur le risque n’était valable qu’à l’égard des
collaborateurs permanents du SP. Il a été étendu plus tard. Dans ce régime de
responsabilité fondé sur le risque, idée l’administration dans certaines de ces
activités font courir un risque aux administrés ou aux collaborateurs et elle doit
l’assumer et doit prendre en charge les conséquences défavorables que cela peut
entrainer.
 La responsabilité sans faute s’explique aussi que le comportement de l’administration
entraine des inégalités pour les administrés ; c’est alors la solidarité et l’équité qui
expliquent que l’administration puisse être responsable (ex : responsabilité du fait
des lois). Le fondement est donc la rupture d’égalité devant les charges publiques.
Ce régime de responsabilité permet au administrés une garantie d’indemnisation. Ils n’auront à
prouver que le lien de causalité entre le comportement non fautif et le préjudice subi.
Ceci étant, dans ce type de régime, le préjudice subi doit avoir des caractères particuliers
supplémentaires par rapport à celui exiger dans le cadre de la responsabilité pour faute puisqu’en
principe le dommage subi doit être anormal et spécial.

Section 2. L’existence d’un préjudice


Pour pouvoir déclencher la responsabilité de l’administration, le préjudice doit présenter des
caractères. Mais il existe des obstacles à la réparation d’un certain préjudice.

§1. LES CARACTÈRES DU PRÉJUDICE RÉPARABLE


A. LES CARACTÈRES DU PRÉJUDICE
Le préjudice doit être certain et direct, puis évaluable en argent

1/ Un préjudice certain et direct


a. Un préjudice certain
(Dommage et préjudice sont utilisés indifféremment ici)
Pour pouvoir être indemniser, le dommage invoqué doit être certain.

A ce titre sont réparés les préjudices matériels mais aussi des préjudices immatériels comme la
douleur morale : arrêt de principe pour la réparation de la douleur morale CE 1961 Letisserand :
accident de la circulation avec un camion des ponts et chaussées qui a tué un homme et son fils ;
la veuve et les autres enfants ont demandé des préjudices subis ainsi que le père de la victime
mais ce dernier ne faisait prévaloir qu’un douleur morale au décès prématuré de son fils ; le CE dit
« la douleur morale est par elle-même génératrice d’un préjudice indemnisable ». Dans les
préjudices immatériels, y aussi les troubles dans les conditions d’existence ou les préjudices
esthétiques.

La certitude du préjudice n’exclue pas les préjudices futurs. Si les conséquences du préjudice
sont futures mais certaines, elles feront parties du dommage. C’est le caractère simplement
éventuel qui exclue le droit à réparation. A ce titre, est pris en compte la perte de chance et plus
exactement la perte de chance sérieuse qui pourra être réparée :ex : candidat d’un concours qui
pourra prouver qu’il avait une chance sérieuse de gagner au concours où il a été illégalement
écarté.
Mais par perte de chance, il faut aussi entendre la perte de chance signifiant apparition d’un
risque, d’un danger, qui compromet des chances d’éviter la détérioration d’une situation. C’est
le cas de la perte de chance en matière médicale. Sur ce point, en matière médicale, y a eu
divergence entre CE et CCass :
- Pour le juge judiciaire, le préjudice réparable ne porte que sur la fraction du dommage
correspondant à la perte de chance

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- Pour le juge admin, au départ, dès que la perte de chance était caractérisée, le préjudice
était réparé dans sa totalité
Il y a eu une évolution et le juge admin a fini par rejoindre la position de la CCass. L’évolution est
d’abord en ce qui concerne la perte de chance résultant d’un défaut d’information du patient sur
les risques encourus par un acte médical // CE section 2000 Consorts Telle. Evolution de la
jurisprudence administrative pour la perte de chance liée à une erreur de diagnostic, erreur
médicale // CE section 2007 Centre hospitalier de Vienne c/ Joncart. Ici, le CE estime désormais
qu’il y a une indemnisation intégrale de la perte de chance mais uniquement de la perte de
chance, comme la CCass.

b. Un préjudice direct
S’il doit être certain, le préjudice pour pouvoir être réparé doit être aussi direct. Dans la majorité
des cas cela ne pose pas de difficultés : la victime immédiate est celle qui a subi le dommage.
Mais parfois, la détermination du caractère personnel du préjudice est plus délicate. On peut
évoquer 3 situations délicates :
- En cas de pluralité de victimes : il se peut que plusieurs personnes peuvent se présenter
comme victimes d’un dommage, c’est le cas par ex de dommages à un immeuble. En effet
peuvent être concernés le propriétaire et le locataire.
- En cas de victimes par ricochet : hypothèse où une personne subi un dommage et un tiers
peut estimer à son tour être lésé en raison du lien qu’il a avec la victime. C’est le cas lors
des hypothèses de décès ou d’infirmités touchant la victime immédiate et ça touchera le
tiers car celui-ci ne pourra plus bénéficier de l’aide matérielle de la personne décédée, soit
en raison de la douleur morale. Comme en droit privé, y a eu des interrogations sur le lien
entre la victime immédiate et médiate : il fallait un lien de droit et progressivement y a eu
évolution : avant il fallait lien du mariage, puis le concubinage a suffi etc …
- En cas d’intérêt collectif : cas de dommages subis par une personne morale. Le juge va
être rigoureux ; cela doit affecter l’intérêt défendu par le syndicat ou l’association.

2/ Un préjudice évaluable en argent


Sont réparables aussi bien les préjudices matériels qu’immatériels, du moment qu’ils sont
évaluables en argent. Sont évaluables en argent les préjudices dits économiques, corporels et
moraux.
 Préjudice économique : cela va consister en la perte pécuniaire, qui elle-même peut avoir
origines (atteinte à un bien, perte d’un revenu etc …)
 Préjudice corporel : il s’agit d’indemniser les souffrances physiques depuis une décision
CE ass 1942 Morel et dans le même sens CE section 1958 Commune de Grigny. Y aussi les
troubles dans les conditions d’existence.
 Préjudice moral : va inclure des préjudices dits non affectifs comme les atteintes aux
libertés (ex : liberté de la presse) ou les préjudices d’anxiété ou d’inquiétude dans le
cadre de la responsabilité médicale. Ce préjudice d’anxiété fait l’objet d’une attention de
plus en plus importante de la part du CE. C’est en général quand la personne a une
altération, pathologie, et l’anxiété est qu’elle se développe. Dans une affaire récente, une
requérante avait invoqué la réparation d’un préjudice d’anxiété mais n’avait pathologie
mais le CE a considéré que c’était un préjudice qui aurait pu être réparé mais le CE a rejeté
la réparation en se fondant sur le fait qu’il n’y avait pas de lien entre le préjudice et le fait
générateur// CE 2016 M.B : préjudice d’anxiété face au risque de développer une maladie
grave parce que qu’elle avait pris le médiator mais n’avait développé symptôme ou
pathologie invoqué.

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B. LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE
1/ La date d’évaluation du préjudice
Cette date est importante dans la mesure où il s’écoule en général une certaine durée entre le
moment où le dommage a été causé et celui du jugement. Le CE n’adopte pas la même position
selon qu’il s’agisse d’un dommage aux biens ou aux personnes. Il a fixé cela dans 3 arrêts à la
même date que l’on appelle les arrêts des Veuves :
- En cas de dommages aux biens : juge se place à la date de la réalisation du dommage ou à
la date à laquelle la personne pouvait décider de faire cesser le dommage en procédant
aux travaux de réparation // CE ass 1947 Compagnie générale des eaux c/ Veuve Pascal.
- En cas de dommages aux personnes : au départ le CE avait la même attitude que pour les
dommages aux biens mais c’était parfois choquant donc depuis 1947 il se situe à la date à
laquelle il statue, en tenant compte de tous les éléments survenus à cette date // CE ass
1947 Veuve Aubry et Veuve Lefevre.

2/ Les modalités de la réparation


C’est un principe de réparation intégrale qui doit s’appliquer. Autrement dit, la victime a droit à
réparation de tous les chefs de préjudice. Elle ne doit être ni enrichie, ni appauvrie.
Le principe de la réparation intégrale ne pose pas de difficulté pour les dommages matériels, mais
peut poser problème pour les préjudices moraux où la place faite à la subjectivité des juges est
nécessairement beaucoup plus importante. Les conclusions en indemnité doivent être chiffrées,
sinon la demande sera irrecevable.
Pour les modalités de la réparation, les juges vont choisir librement entre des modalités :
- soit le versement d’un capital : souvent choisi pour les dommages aux biens
- soit d’une rente : souvent choisi pour les dommages aux personnes
Quand un laps de temps s’écoule entre le calcul de l’indemnité et le versement, le juge peut
décider d’octroyer des intérêts moratoires.

§2. LES OBSTACLES À LA RÉPARATION DU PRÉJUDICE


Il y a des préjudices qui en eux-mêmes sont irréparables. D’autre part il y a des situations dans
laquelle se trouve la victime empêche la réparation.

A. L’EXISTENCE DE PRÉJUDICES IRRÉPARABLES


Certains dommages ne peuvent jamais donner droit à réparation :ex :
 Art 105-1 Code de l’urbanisme s’agissant des servitudes d’urbanisme : pas de droit à
indemnité pour les servitudes instituées en matière de voirie, d’hygiène et d’esthétique,
concernant notamment l’utilisation du sol et la hauteur des constructions. Toutefois une
indemnité est prévue s’il résulte de cette servitude une atteinte à des droits acquis ou une
modification des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain.
 CE section 1972 Société les Vedettes blanches : ne sont pas susceptibles de réparation les
préjudices « liés aux modifications apportées à la circulation générale et provenant soit
des changements affectés dans l’assiette ou dans les directions des voies publiques soit de
la création de voies nouvelles »
Outre la nature même du dommage, c’est parfois la situation de la victime qui fait obstacle

B. LES SITUATIONS ILLÉGALES PRÉCAIRES ET ACCEPTÉES


 La victime qui se trouve dans une situation illégale au moment du dommage
Elle n’aura pas droit à réparation :ex : occupation illégale du domaine public //CE section
1980 Commune d’Ax les thermes. Certains parlent d’exception d’illégitimité pour désigner cette
situation. Le juge administratif est relativement tolérant dans la mesure où il refuse
l’indemnisation seulement si l’illégalité est en relation avec le préjudice. On voit apparaître dans ce
cas-là la subjectivité du juge.

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 La victime est dans une situation précaire
Juge va refuser la réparation dans cette situation. 2 types de situations caractérisées comme
précaires :
- Le titulaire d’une occupation du domaine public n’a aucun droit au renouvellement de
cette autorisation par l’administration et n’a droit à aucune indemnité en cas de non
renouvellement de l’autorisation
- Un fonctionnaire stagiaire ne puisse pas obtenir réparation du préjudice résultant de sa
non titularisation

 Les situations acceptées, on parle d’exception de risque acceptée


Il n’y a pas de réparation « des dommages prévisibles auxquels une personne a, en
connaissance de cause, pris le risque de s’exposer » Chapus. Illustration avec l’arrêt CE 1996
Meunier : il s’agissait d’un restaurant discothèque qui avait été installé dans un site troglodyte et y
avait un éboulement. Or dans une telle situation on pouvait s’attendre à de tels dégâts. Idem pour
un préjudice subi par un excursionniste suite à un avalanche alors qu’il s’était engagé sur un
chemin signalant des avalanches.

Section 3. L’existence d’un lien de causalité


Etablir une relation entre le comportement de l’administration, fautif ou non, et le préjudice subi
soulève 2 questions :
- Le juge doit apprécier la causalité
- Le juge doit analyser l’existence éventuelle de causes étrangères

§1. L’APPRÉCIATION DE LA CAUSALITÉ


Parfois, mais c’est rare, difficulté se présente : c’est le cas lorsque le dommage suit
immédiatement le fait qui est présenté comme en étant à l’origine ; c’est une causalité directe et
immédiate.
Mais le plus souvent, un laps de temps, parfois long, s’écoule entre le fait générateur et le
préjudice ; d’où on ne peut parler de causalité directe :ex : le juge admin avait estimé qu’il n’y
avait pas de causalité directe entre la délivrance d’une autorisation de détention d’arme et
l’utilisation de cette arme 3 ans plus tard pour commettre un meurtre // CE section 1969 Dame
Montreer.
De manière plus générale, pour apprécier le lien entre fait générateur et préjudice en dehors
d’une causalité directe, il existe des difficultés dans la mesure où non seulement du temps peut
s’être écoulé entre ces 2 éléments mais aussi parce qu’il peut y a voir une pluralité de causes à
l’origine du dommage.

Pour déterminer quel est le fait qui est véritablement à l’origine du dommage, différentes
méthodes/théories sont à la disposition du juge.
- La théorie du dernier antécédent (causa proxima) : la cause du dommage est le dernier
fait qui chronologiquement est survenu juste avant le préjudice (c’est rare)
- La théorie de l’équivalence des conditions : tous les éléments qui ont concouru à la
survenance du préjudice sont mis à égalité, ont la même importance pas de sélection
entre eux. (retient rarement à cette théorie)
- La théorie de la causalité adéquate : le juge effectue un tri entre les antécédents du
dommage et il va retenir celui ou ceux qui devaient logiquement, selon le cours normal
des choses, provoquer le dommage // CE section 1966 Marais avec les conclusions de
Galmot : il avait donné une esquisse de définition de cette méthode : on retient comme
cause du dommage « l’événement qui, au moment où il s’est produit, portait normalement
en lui le dommage ».

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Le juge ne dira jamais explicitement qu’il retient telle ou telle théorie, il faut analyser pour trouver
laquelle il utilise.
Pour que l’administration soit déclarée responsable, il faut un lien de causalité mais ce lien doit
être direct et que ne survienne pas une cause étrangère, qui viendrait perturber ce lien.

§2. L’EXISTENCE DE CAUSES ÉTRANGÈRES


Ce sont des phénomènes que l’administration va invoquer pour voir, diminuer ou supprimer
sa responsabilité. Ce sont des éléments qui interfèrent avec le fait générateur. Quand on essaie de
définir la cause étrangère ou comme on l’appelle aussi une cause exonératoire ou atténuatrice de
responsabilité, c’est un événement ou un agissement extérieur et étranger à la personne à qui la
réparation du dommage est demandée. C’est donc un élément qui va interférer avec les autres
éléments de la chaine causale.
L’administration va essayer de montrer qu’en raison de cette cause étrangère, le dommage
ne lui est pas imputable. Quand y a une cause étrangère on peut parler d’une rupture du lien de
causalité. Mais cette rupture n’est pas nécessairement présente. En effet, le fait générateur de
l’administration peut causer le dommage mais l’événement extérieur, c'est-à-dire la cause
étrangère, fait qu’il ne peut être imputé à l’administration. Certains auteurs considèrent alors
plutôt que la cause étrangère touche davantage l’imputabilité du préjudice (la personne à qui on
demande réparation du préjudice), qu’au lien de causalité brisé. Ces causes étrangères sont de 2
ordres :

A. LA FORCE MAJEURE ET LE CAS FORTUIT


1/ La force majeure
Elle se définit comme un événement extérieur, irrésistible et imprévisible. Le juge apprécie de
manière rigoureuse ses différents éléments d’où la force majeure est rarement reconnue.
Pour être admise, il faut que l’événement soit vraiment totalement inattendu et soit absolument
imparable :ex : inondations suite à des pluies d’une violence exceptionnelle : cela pourra être
reconnue plus facilement en France qu’en Nouvelle-Calédonie qui est plus habitué.
La force majeure a pour conséquence d’exonérer l’administration de sa responsabilité, soit
totalement soit partiellement selon que la force majeure soit seule auteur du dommage et en
fonction de savoir si l’administration a aussi contribué.
La force majeure vaut pour tous les systèmes de responsabilité : système de responsabilité pour
faute ou système sans faute.

2/ Le cas fortuit
C’est la doctrine qui l’a reconnu, notamment Hauriou dans sa note d’une décision du CE 1912
Ambrosini (à pas retenir). Cela a été consacré dans l’arrêt du CE 1929 Compagnie du gaz de
Beauvais. Il diffère de la force majeure en ce qu’il n’est pas étranger à l’administration ou du
moins à ce qu’il tient d’une cause inconnue sans que l’on puisse affirmer de manière certaine si
elle est ou non extérieure à l’administration. C’est le cas par ex de la rupture d’un barrage où la
cause de rupture n’a pu être reconnue. Le cas fortuit est rarement reconnu, et il ne vaut que pour
la responsabilité pour faute dans la mesure où il a pour effet d’établir l’ de faute de défendeur.

B. LA FAUTE DE LA VICTIME ET LE FAIT DU TIERS


1/ La faute de la victime
C’est le comportement de la victime qui est à l’origine du dommage ou du moins qui a contribué
à la survenance du dommage. C’est tout à fait logique que cela exonère l’administration de sa
responsabilité ou en tout cas que ça l’atténue. Cette clause exonératoire joue pour tous les
systèmes de responsabilité (c'est-à-dire pour faute ou sans faute) et joue partiellement ou
intégralement selon les circonstances de l’espèce.

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Quand on dit faute de la victime, cela peut effectivement viser un comportement fautif de sa
part c'est-à-dire qu’à ce titre le juge peut prendre un compte une infraction pénale ou la violation
d’une norme textuelle ou encore un manquement aux règles de conduites inhérentes à son statut
(ex : quand la victime est un professionnel). Mais cela peut aussi viser des comportements non
fautifs, cela peut viser donc la simple imprudence de la victime.

2/ Le fait du tiers
Le tiers peut être aussi bien une personne publique que privée. Pour être pris en considération, le
dommage doit résulter à la fois du fait de l’administration et d’un tiers. La doctrine considère
que le fait du tiers n’a pas les mêmes effets suivant qu’on se situe dans le cadre de la
responsabilité sans faute ou pour faute.
 Responsabilité pour faute : l’administration ne devra répondre du dommage qu’en
proportion du rôle qu’a eu la faute dans la survenance du dommage // arrêt CE 1951
Dame veuve Pintal. Cela signifie que la victime devra intenter dans ce cas plusieurs
actions en justice puisque le juge administratif ne consacre pas ou peu le principe de la
responsabilité solidaire des auteurs d’un dommage. Illustration récente de ce partage de
responsabilité et censure par le CE de la décision de la CAA qui avait considéré que la faute
des laboratoires n’avait pas un effet exonératoire pour l’Etat (à vérifier)// arrêt CE 2016
Madame F.
 Responsabilité sans faute : les décisions sont plus favorables aux victimes dans la mesure
où le fait du tiers n’a pas d’effet exonératoire pour l’administration. Mais
l’administration pourra après se retourner contre le tiers.

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Chapitre 2. Les différents régimes de responsabilité
Section 1. La distinction entre responsabilité personnelle et responsabilité de l’administration
Il est nécessaire de savoir si le responsable du dommage subi par l’administré est l’agent public
considéré isolément ou de l’administration dont elle relève, car l’action en réparation ne sera pas
portée devant la même juridiction : le juge judiciaire compétent dans la première hypothèse, juge
admin dans la seconde.
En fait y a 3 cas de figures :
- Un dommage peut être causé par une personne publique dont l’agent relève
- Le dommage peut être causé par un fait personnel de l’agent
- Le dommage peut aussi être causé par les deux : l’administration et l’agent
Le droit positif a mis en place des solutions qui passe par la distinction entre faute personnel et
faute de service et leurs conséquences

§1. LA DISTINCTION FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE


A. LA FAUTE DE SERVICE
Décision TC 1873 Pelletier a posé la distinction implicite entre faute de service et faute
personnelle. Dans cette décision le TC effectue la distinction entre la faute de service et le fait
personnel.
Comme souvent, la faute de service se définit essentiellement de manière négative, c’est celle qui
n’est pas une faute personnelle. C’est celle qui se rattache à la fonction administrative. En ce qui
concerne la définition de la faute de service, on peut dire avec M.Paillet qui estime que « le fait de
service est celui qui est indissociable de la machine administrative prise dans sa globalité de
sorte qu’il ne peut être imputé à tel ou tel agent pris individuellement mais au sujet de droit qui
institutionnalise cet ensemble de structures et d’agents ».
L’expression « faute de service » est celle qui est habituellement utilisée, mais le fait générateur
peut aussi bien être un comportement fautif qu’un comportement non fautif.
Cette distinction et la question de la définition de la faute de service s’est reposée dans l’affaire
Papon CE 2002 ; question était de savoir si l’Etat républicain pouvait être condamnée des
conséquences pour les fautes de service commises par l’administration sous le gouvernement de
Vichy en l’application d’actes déclarées nul à la libération ? Pendant longtemps, le juge admin a
refusé l’engagement de la responsabilité pour faute de l‘Etat pour de tels actes. Il est revenu sur sa
décision en 2002 en disant que la faute de service engage la responsabilité de l’Etat.
En cas de fait de service, ni la victime, ni l’administration, ne peut poursuivre l’agent qui a
commis le comportement.

B. LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE FAUTE PERSONNELLE


La faute personnelle de manière générale peut être définie grâce aux conclusions d’E.Laferrière
sur la décision du TC 1877 Laumonnier-Carriol, qui estime « si l’acte dommageable est
impersonnel, s’il révèle un administrateur (…) plus ou moins sujet à erreur et non l’homme avec ses
faiblesses, ses passions, ses imprudences, l’acte reste administratif (…) ». A contrario, la faute
personnelle est celle qui révèle l’homme. Progressivement, on a pu systématiser dans la
jurisprudence 3 catégories de faute personnelle.

1/ La faute commise en dehors du service (=faute détachable du service)


Hypothèse la plus simple car la faute commise n’a matériellement aucun lien avec le service. Elle
est commise par l’agent public en dehors du service, dans sa vie privée ou en tout cas en marge de
sa vie professionnelle.
Par exemple, l’utilisation des armes à feu par des militaires ou gendarmes en dehors de toute
mission. L’agent public utilise sa voiture personnelle en dehors du service et cause un accident.
CE 1954 Dame veuve Litzler avec un agent de douane qui a tiré sur un civil pour des motifs
purement privé alors qu’il n’était même pas en service.

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2/ La faute commise dans le service et d’une particulière gravité
Ici, l’idée est que même si matériellement la faute peut se rattacher au service, l’attitude de
l’agent est d’une extrême gravité et donc on considère qu’en raison de cette gravité, elle peut
s’en détacher intellectuellement parce qu’elle révèle « un comportement personnalisé d’un
homme » R.Chapus. Plus précisément, il faut différencier plusieurs hypothèses :
 D’abord, la faute personnelle peut se définir en se référant à l’intention de l’auteur ; on
considère que commet une faute personnelle celui qui agit dans l’intention de nuire à
l’administré (par exemple, le détournement de télégrammes pour se venger d’un tiers)
 La même logique explique qu’il y a faute personnelle lorsque l’agent poursuit un intérêt
purement privé dans l’exercice de ses fonctions (par exemple, le détournement de fonds
par un agent auquel des fonds avaient été confiés).
 Cette variété de fautes personnelles peut se présenter lorsque la faute commise dans le
service ou à l’occasion du service présente une gravité exceptionnelle et traduit un
caractère inexcusable de l’agissement. TC 1953 Veuve Bernatas c/ Buisson : commissaire
de police qui a laissé assassiner une personne qui était menacée de mort et qui s’était
réfugié dans son commissariat. CE Ass 2002 Papon où les agissements de Papon ont été
considérés comme cette catégorie de fautes.

La 1ère et la 3ème catégorie de fautes personnelles peuvent se combiner ; il y a souvent


intention de nuire et extrême gravité de la faute commise. Ces distinctions ne sont pas aussi
systématiques dans la jurisprudence :
CE 1990 Société d’assurance le sous médical. Un médecin de garde avait refusé d’aller voir un
malade alors qu’il avait été contacté à 2 reprises et que le malade se trouvait dans un état critique.
CE 2001 Valette. Un chef de service à l’hôpital qui avait su pendant plusieurs jours une erreur d’un
médecin sous sa garde et qui menaçait la vie du patient
TC 2014 Berthet c/ Filippi. Une dame était directrice générale des services dans une mairie et avait
recherché l’indemnisation d’un préjudice subi du fait des agissements du maire à son égard,
sachant que le maire avait déjà été condamné au pénal pour harcèlement. Le TC a estimé que, eu
égard à sa gravité et aux objectifs purement personnels poursuivis par l’auteur, la faute
commise par le maire doit être regardée comme une faute personnelle détachable du service . Il
va aussi reconnaître que cela peut être considéré comme la troisième catégorie de faute
personnelle.

Ne seront pas considérées systématiquement comme faute personnelle les fautes commises par
un fonctionnaire, constitutives d’un crime ou d’un délit (TC 1935 Thepaz).

3/ La faute non dépourvue de tout lien avec le service


Ce sont des fautes qui sont commises en principe en dehors de l’exercice des fonctions mais
grâce à des moyens du service. Il peut s’agir de fautes commises aussi dans l’accomplissement
des fonctions et donc on considère que ce sont des fautes commises dans l’accomplissement des
fonctions ou grâce à des moyens mis à disposition de l’agent par le service.
C’est à l’occasion d’accidents de la circulation causés par des véhicules administratifs en dehors de
l’exercice des fonctions que cette solution a été dégagée // arrêt CE ass 1949 Demoiselle Mimeur
(même si la solution est différente aujourd'hui avec disposition législative et régime spécial). Ce
fondement a été retenu aussi lorsqu’un policier tue accidentellement un collègue avec son arme
de service à son domicile // CE ass 1973 Sadoudi.
On peut également se référer à la décision TC 2014 Berthet c/ Filippi : le TC après avoir considéré
que la faute commise par le maire était une faute personnelle détachable du service, il a
également considéré que toutefois la faute du maire commise à l’occasion de l’exercice de ses

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fonctions n’est pas dépourvu de tous liens avec le service. Le fait que la faute du maire soit
détachable en qq sorte intellectuellement (gravité/intention) n’entraine pas nécessairement la
rupture d’un lien de cette même faute avec le service. Dans cette affaire, le TC condamne le rejet
de compétence des deux juridictions (les deux juridictions s’étaient déclarées incompétentes) et a
admis la concurrence de compétence des deux juridictions, ce qui fait qu’on peut considérer que
la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service peut relever de manière
concomitante des 2 ordres de juridictions. Cette solution n’est pas nouvelle : une seule faute va
entrainer la double compétence juridictionnelle.

§2. LES CONSÉQUENCES DE LA DISTINCTION


Dans le cas d’un dommage causé par un agent public, différentes personnes sont concernées :
l’agent public, l’administration dont il relève et la victime qui a subi le préjudice. Cette dernière va
intenter une action en réparation.
De ce point de vue, on peut a priori écarter l’hypothèse de l’alternative entre la faute
personnelle et la faute de service : c’est soit l’un soit l’autre. C’est le cas de figure résultant des
arrêts Blanco et Pelletier.
 En cas de faute de service doit être envisagée la mise en jeu de la responsabilité de
l’administration devant le juge administratif.
 A l’inverse, en cas de faute personnelle, seul l’agent qui est à l’origine du préjudice se
verra imputer la responsabilité et l’action relèvera du juge judiciaire.
Mais il faut analyser quand il y a à la fois faute personnelle et faute de service ou s’il y a faute
personnelle l’administration peut se retrouver simultanément responsable : c’est le principe de
la non détachabilité du service (TC 2014 Berthet c/ Filippi ). L’action de la victime va alors être
gouvernée par les principes des cumuls de faute et de responsabilité et ensuite des relations
particulières s’instaureront entre l’agent et la personne publique par le biais des actions
récursoires.

A. CUMUL DE FAUTES ET CUMUL DE RESPONSABILITÉS


1/ Le cumul de fautes
C’est la situation où le dommage résulte non pas d’un fait simple mais de plusieurs fautes dont
certains sont des fautes de service et d’autres ont le caractère de fautes personnelles // CE 1911
Anguet.
Le juge a donc posé ici le principe de cumul de fautes. C’était un accident survenu à une
administré qui était entré dans un bureau de poste et celui-ci était fermé donc on l’avait pas fait
passé par la porte principale et dommage résulte par la brutalité d’un agent qui l’avait poussé pour
entrer là où il fallait (faute personnelle de l’agent) et aussi du à la fermeture anticipée (faute de
service). Dans ce cas, la victime peut agir contre l’administration pour obtenir la réparation
intégrale de son préjudice devant le juge admin.
Il y a ici donc 2 catégories de fait générateur mais il se trouve qu’il est parfois difficile de dissocier
matériellement 2 catégories de fait à l’origine du dommage et le juge procèdera souvent de
manière artificielle. Souvent, la faute de service ne résulte pas d’un fait à proprement parler de
l’administration mais plutôt d’un défaut de surveillance ou d’organisation ayant permis la faute
personnelle. Dans ce cas-là la faute de service n’est pas vraiment distincte ; les faits sont
étroitement imbriqués dans l’origine du dommage.
C’est pourquoi le CE a créé un autre système que celui des cumuls de fautes mais a référé retenir
le cumul de responsabilités.

2/ Le cumul de responsabilités
Même s’il continue de se référer au cumul de fautes, a été dégagé en 1918 dans CE Epoux
Lemonnier le système du cumul de responsabilités. Ici il n’y avait pas de fautes distinctes. Il
s’agissait d’un accident mortel provoqué par un tir forain lors d’une fête locale, le maire, dans le

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cadre de ses pouvoirs de police, n’ayant pas pris de protection suffisante. Il y avait une faute
unique : faute personnelle de l’agent mais qui se rattache au service et c’est pourquoi
l’administration devra aussi en répondre. C’est cette logique qui a conduit par la suite à
reconnaître la catégorie de faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service. L.Blum
résumait l’hypothèse de cette manière : « la faute se détache peut-être du service mais le service
ne se détache pas de la faute ».
Cependant, pour admettre le cumul de responsabilités, il faut que le service ait conditionné
l’accomplissement de la faute. Ce cumul pourra donc être reconnu soit en cas de faute
personnelle commise dans le service soit en cas de faute personnelle commise en dehors du
service mais lorsqu’elle a un lien avec le service :ex : CE 1949 Demoiselle Mimeur de tout à
l’heure et TC 2014 Berthet c/ Filippi .
Dans tous ces cas de figures, la victime peut agir pour le tout soit contre la personne publique
(plus fréquent car elle est plus solvable) devant le juge admin soit contre l’agent auteur de la
faute personnelle et devant le juge judiciaire. Mais, le juge admet aussi comme dans la décision
du TC 2014 une concurrence des ordres de juridictions, la condition est alors de veiller à ce qu’il
n’y ait pas une double indemnisation.

B. LES RELATIONS AGENT/PERSONNE PUBLIQUE : LE JEU DES ACTIONS RÉCURSOIRES


L’action récursoire permet de réparer le déséquilibre qui joue en faveur de la victime lorsque
celle-ci se retourne contre l’administration pour une faute commise par un agent et
inversement. On va donc dissocier 2 types d’actions.

1/ L’action de la personne publique envers son agent


C’est le juge administratif qui admet que la personne publique peut se retourner contre l’agent
public dont la faute personnelle a causé un préjudice : il l’a reconnu dans l’arrêt CE ass 1951
Laruelle.
L’administration, qui a indemnisé dans son intégralité la victime des conséquences
dommageables d’une faute personnelle imputable à un de ses agents, peut logiquement se
retourner contre lui et mettre à sa charge tout ou partie des sommes versées en fonction de la
part qu’il a eu dans la réalisation du préjudice (vu qu’il peut y avoir que la faute de l’agent (doit
tout rembourser) et ou partage quand y a faute de l’administration en même temps).
L’administration va réclamer les sommes correspondant au préjudice causé par l’agent. Elle pourra
aussi réclamer la réparation du préjudice qu’elle a subi en devant indemniser la totalité du
dommage. Même s’il s’agit d’une action dirigée contre une personne privée, c’est le juge
administratif qui va statuer selon les principes du droit public // TC 1954 Moritz sur la
reconnaissance d’application du droit public dans cette hypothèse. Lorsque le juge admin
intervient dans ce type d’hypothèse, il utilise des règles un peu particulières.
Il existe une autre action : agent contre l’administration.

2/ L’action de l’agent envers l’administration


Elle a été reconnue par le CE en même temps dans l’arrêt CE ass 1951 Delville où CE
reconnaît de manière totalement symétrique la possibilité d’une action de l’agent contre
l’administration dont il relève et cette action est engagée quand l’agent a été condamné par le
juge judiciaire à réparer intégralement un préjudice dont une faute de service est partiellement
ou totalement à l’origine du dommage. Dans ce cas-là l’administration doit prendre en charge
totalement ou partiellement la réparation en fonction de la part de la faute de l’agent dans le
préjudice et de sa propre part. C’est le juge admin qui est compétent dans une telle hypothèse.

Section 2. Les différents régimes de responsabilité administrative pour faute


On constate historiquement et chronologiquement une diminution du rôle de la faute dans la
responsabilité administrative avec le développement des régimes de responsabilité sans faute.

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Au sein des régimes de responsabilité pour faute, une évolution s’est aussi dessinée qui va dans le
même sens d’une facilitation de l’action pour les victimes, à savoir une très nette diminution,
voire la disparition totale, des régimes de responsabilité pour faute lourde. Corrélativement, y a
une augmentation des régimes de responsabilité pour faute simple (faute simple est une formule
doctrinale, le juge utilise plutôt la faute « de nature à »)

§1. LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE SIMPLE


On va énumérer les domaines de l’action administrative où le juge se contente d’exiger une faute
simple, ou une faute « de nature à ».

A. LES ACTIVITÉS MÉDICALES


Il faut distinguer selon que le préjudice est lié à un acte médical en particulier ou selon que le
préjudice est lié à une obligation d’information.

1/ La responsabilité du fait des actes médicaux


C’est le juge admin dans la décision CE ass 1992 Epoux V. que le juge administratif a abandonné
l’exigence d’une faute lourde pour engager la responsabilité hospitalière du fait d’un acte
médical. Le juge, en l’espèce, estime que « les erreurs commises (…) qui ont été la cause de
l’accident constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l’hôpital ».
La loi du 4 mars 2002 unifie le régime de la responsabilité médicale que le préjudice ait été causé
dans un hôpital public ou dans un établissement privé de santé. Il semble que le législateur
maintienne ce système de la faute simple car il n’exige pas de caractère particulier de la faute //
art L1142-1 Code de la santé publique : « la responsabilité des professionnels de santé, à
l’occasion des actes de prévention, de diagnostic ou de soin (= acte médical), est engagée en cas de
faute ».

2/ La responsabilité liée au défaut d’information du patient


Le juge administratif considère depuis l’arrêt CE Section 2000 Consorts Telle que, la
méconnaissance par le médecin du devoir d’informer le patient des risques liés à un traitement
ou une intervention est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’hôpital
(donc pour faute simple). Le juge admin précise le contenu de cette obligation d’information ;
autrement dit l’obligation doit couvrir l’ensemble des risques liés à l’acte et ce, sans exception.
Le patient doit être informé des risques graves ou des risques qui ne se réalisent que de manière
exceptionnelle. Sur ce point, le juge admin rejoint la position de la CCass. Dans la décision Consorts
Telle, ce qui est pris en compte pour l’indemnisation du préjudice lié au défaut d’information
c’est la perte de chance de se soustraire au risque.
Indépendamment de la perte de chance de refuser l’intervention, le CE admet aussi la réparation
du préjudice dit d’impréparation (quand le patient n’a pas pu se préparer à l’éventualité de la
survenance du risque et prendre des dispositions particulières). C’est un préjudice autonome. //
CE 2012 Monsieur Michel c/ CHU de Rouen.
La loi du 4 mars 2002 reprend cette obligation d’information // art L1111-2 CSP : « cette
information porte sur les investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées
(…) et cette information doit porter sur l’utilité, l’urgence éventuelle, les conséquences et les
risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ». Cela ne dépend pas de
l’établissement. Le législateur reprend grosso modo la jurisprudence Telle sur le contenu de devoir
d’information.

Le CE a récemment précisé la portée de cette obligation d’information dans la décision CE 2016


Centre hospitalier Issoire et Société hospitalière d’assurance mutuelle. Le CE précise que, pour
apprécier la perte de chance, le juge doit tenir compte de l’information relative à des risques de
gravité comparable qui a pu être dispensé à l’intéressé pour déterminer la perte de chance qu’il a

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subi d’éviter un accident en refusant l’accomplissement de l’acte. Autrement dit, si le médecin n’a
pas expliqué la gravité de l’acte en question mais qu’il a expliqué la gravité des risques, le juge doit
en tenir compte.
CE 2017 CHU de Nice. Le CE a estimé que quand il s’agit d’une techique nouvelle, l’obligation
d’information doit porter à la fois sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles déjà
identifiés de cette technique et sur le fait que l’absence d’un recul suffisant ne permet pas
d’exclure l’existence d’autres risques.
De plus, ce qui doit être porté à la connaissance du patient ce sont les risques connus de l’acte
qui, soit présente une fréquence significative quel soit leur gravité (fréquence statistique), soit le
caractère de risque grave quel que soit la fréquence.

Cette obligation d’information est très liée corrélativement à l’obligation du recueil du


consentement éclairé de l’intéressé à l’acte médical (une exception, très encadrée, en
psychiatrie). Plusieurs questions se posent … difficultés lors d’un problème issu de transfusions
sanguines sur un patient qui s’y était opposé en tant que témoin de Jéhovah et le CE avait eu à
chercher si la responsabilité de l’hôpital pouvait être engagé alors que cette transfusion était
indispensable à la survie du patient : le médecin devait sauver la vie du patient mais aussi
respecter sa volonté. Le CE avait privilégié cette première obligation et n’avait pas reconnu la
responsabilité de l’hôpital // CE section 2001 Mme. X. La pérennité de cette jurisprudence se pose
dans la mesure où la valeur du recueil du consentement du patient et du refus de soins a connu
des modifications dans le Code de la Santé Publique. // art L1111-4 CSP où il est précisé que « le
médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne, après l’avoir informé des
conséquences de ses choix et de leur gravité. Si par cette volonté de refuser ou d’interrompre tout
traitement, la personne met sa vie en danger (hypothèse de 2001) elle doit réitérer sa décision
dans un délai raisonnable (…). Aucun acte médical ne peut être pratiqué sans le consentement libre
et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

B. LES ACTIVITÉS DE SECOURS


C’est un domaine qui a évolué suite aux transformations intervenues dans le domaine médical,
c'est-à-dire à partir de 1992. Désormais, l’ensemble des activités de secours qui peuvent
incomber à l’administration semblent relever du régime de la faute simple.
Pour les secours d’urgence liés aux activités du SAMU // CE section 1997 Theux est l’arrêt qui
marque le point de départ du changement. CE précise que la responsabilité de l’hôpital peut être
engagé pour toute faute (= faute simple) commise dans l’organisation ou le fonctionnement du
SAMU.
La même solution a été reconnue pour toute faute concernant les opérations d’assistance en mer
et sauvetage des navires // CE 1998 Améon.
Idem toute faute peut engager la responsabilité pour un défaut d’organisation et de
fonctionnement de lutte contre l’incendie // CE 1998 Commune de Hannapes.

C. RESPONSABILITÉ DU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE


Le SP pénitentiaire est traditionnellement considéré comme s’exerçant dans des conditions
difficiles. C’est pourquoi une faute lourde était invariablement exigée.
Mais cette jurisprudence a été remise en cause dans une décision du CE 2003 Mme Chabba. Il
s’agissait d’un suicide d’un détenu. CE a retenu une succession de fautes imputables au service
pénitentiaire et de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Même s’il y a un assouplissement
des conditions d’engagement dans ce domaine et d’autre, cet engagement ne sera pas non plus
systématique dès qu’il y aura un écart de la part de l’administration. Le juge reste exigeant pour
retenir une telle responsabilité.

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D. LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
Il existe encore un « îlot » de responsabilité pour faute lourde, même si la faute simple tend à
gagner du terrain.

1/ La jurisprudence Darmont
Selon la décision du CE ass 1978 Darmont, une faute commise dans l’exercice de la fonction
juridictionnelle par une juridiction administrative engage la responsabilité de l’administration à
condition qu’il s’agisse d’une faute lourde.
Mais cette jurisprudence pose également un 2nd principe : il est ménagé une part
d’irresponsabilité de la puissance publique lorsqu’il y a autorité de la chose jugée : « dans le cas
où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette
décision serait devenue définitive ».
Sur ces deux points, la jurisprudence a apporté des tempéraments.

2/ Les évolutions
Une 1ère évolution est posée dans CE ass 2002 Magiera où le CE a atténué l’exigence de la faute
lourde et considère qu’une faute simple suffit en ce qui concerne la responsabilité liée au retard
de la justice administrative. Plus exactement, le juge considère sur la méconnaissance du droit à
un délai raisonnable de jugement est constitutive d’un fonctionnement défectueux du SP de la
justice et donc ouvre le droit à réparation sans que la faute lourde ne soit exigée.
Beaucoup de questions se sont posées suite à cette jurisprudence, notamment :
- Qui allait pouvoir juger de la méconnaissance à un délai raisonnable par une juridiction ?
Décret de 2005 prévoit que le CE est compétent en principe pour connaître en 1er et
dernier ressort des actions en responsabilité dirigées contre l’Etat pour durée excessive
de procédure devant la juridiction administrative. Mais il peut y avoir des difficultés
lorsque les deux ordres de juridictions sont intervenues pour statuer sur le litige : loi et
décret de 2015 ont apporté la solution : ils prévoient la compétence du Tribunal des
Conflits : « une action en indemnisation du préjudice découlant d’une durée excessive des
procédures relatives à un même litige et conduite entre les mêmes parties et devant les
juridictions des 2 ordres en raison des règles de compétence applicables peut être
introduite devant le TC après le rejet implicite ou explicite de la réclamation portée au
préalable devant le ministre de la Justice »
- A partir de quels éléments le délai raisonnable a été dépassé ?
⎫ CE 2009 Ville de Brest (pas grave si on retient pas): CE estime qu’un élément de
procédure en lui-même peut faire dépasser le caractère de délai raisonnable :ex :
des demandes d’expertise qui durent très longtemps. Donc un seul élément de la
procédure qui dure longtemps peut être considéré comme faisant dépasser le
délai raisonnable de jugement.
⎫ CE 2015 Dahan (pas grave si on retient pas) : CE précise que l’identification du
délai raisonnable se fait aussi en fonction de la portée jurisprudentielle de la
décision rendue et de l’intérêt du requérant à voir le litige tranché rapidement.
Si c’est un litige de peu d’importance, le dépassement du délai raisonnable ne sera
pas sanctionné.
⎫ CE 2016 Monsieur J. : CE estime que peut être prise en compte pour le calcul du
délai raisonnable la durée d’une procédure administrative préalable même non
obligatoire

CE 2008 Gestas : dans cette décision, le CE commence par rappeler le considérant de principe de la
décision Darmont mais immédiatement après, le CE estime que « si l’autorité qui s’attache à la
chose jugée s’oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde
alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle (…) la responsabilité de l’Etat

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peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entachée
d’une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux
particuliers ». Cela signifie qu’il y a une part d’irresponsabilité de l’Etat qui est supprimé. C’est
dans une logique d’ouverture encore de la responsabilité de l’Etat du fait de la violation du droit
communautaire. Les juridictions compétentes sont les tribunaux administratifs et CAA (juridiction
administrative de droit commun) // CE 2016 Lactalis (considérant 3 et 4) précise le juge compétent
dans cette hypothèse. L’hypothèse sensible est quand ce serait le CE qui violerait le droit
communautaire ; cela reste les tribunaux administratifs.

E. LES ACTIVITÉS DE DÉTERMINATION ET DE RECOUVREMENT DES CRÉANCES


On perçoit la même évolution, une évolution comparable à celle qui s’est produite pour la
responsabilité des activités de police.
Au départ, on avait une irresponsabilité de l’Etat qui s’appliquait, puis le CE a appliqué le
système de la faute lourde puis enfin on est passé au système de la faute simple à partir des
90’s. Mais s’il y a eu abandon de la faute lourde, au départ de cette évolution, le juge
administratif dissociait selon que l’autorité administrative se heurtait ou pas à des difficultés
particulières ; lorsque les opérations ne comportaient pas de difficultés particulières, la faute
lourde était écartée et la faute simple était admise pour engager la responsabilité de l’Etat // CE
1990 Bourgeois.
C’est désormais une distinction qui a été supprimée, car aujourd'hui invariablement le juge exige
à chaque fois une faute simple depuis un arrêt CE 2011 M. Krupa.

§2. LES HYPOTHÈSES RÉSIDUELLES DE FAUTE LOURDE


Ici on retrouve les activités de police et certaines activités de contrôle

A. L’ACTIVITÉ DE POLICE
C’est en principe le degré de difficulté dans laquelle l’autorité de police se trouve qui va
déterminer le degré de faute exigée pour engager la responsabilité.

1/ La responsabilité du fait d’un acte révélant des difficultés particulières : le principe de la faute
lourde
C’est la décision CE 1905 Tomaso Grecco où le juge admin a commencé à exiger une faute lourde
pour engager la responsabilité du fait des activités de police.
A priori, ce principe de la faute lourde est maintenu pour les actions sur le terrain, les activités
dites matérielles car on considère que la police dans ces cas-là peuvent se heurter à des
difficultés. Quand on analyse la jurisprudence, on constate que ce n’est que dans de rares
hypothèses que le juge administratif considère qu’une faute lourde a été commise. Même pour
des opérations matérielles, une faute simple suffira s’il n’y avait pas de difficultés particulières.
Il n’y a pas donc de systématicité.

2/ La responsabilité en l’absence de difficultés particulières : le principe de la faute simple


Lorsque la police ne se heurte pas à des difficultés particulières et c’est le cas en principe
lorsqu’elle édicte une réglementation, il n’y a pas de raison d’exiger une faute lourde. Souvent,
ce qui est demandé pour engager la responsabilité de l’Etat, c’est l’abstention de la police, c'est-
à-dire la carence des autorités de police soit la carence d’édicter un acte juridique ou
l’abstention à agir matériellement. Pour cette abstention des activités de police, le juge assimile
cela à une faute simple, cela peut être une faute « de nature à ». Récemment, c’est la carence
fautive qui a été mise en avant par le TA de Paris le 24 mai 2016 Association la Vie Dejean où la
ville de Paris a été condamnée en raison des carences du préfet de police dans sa mission de
sécurité publique et du maire dans sa mission de protection de la salubrité publique à assurer le
maintien de l’ordre dans un quartier de sécurité prioritaire. Cette carence des autorités de police a

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été reconnue pour la police sanitaire des médicaments dans l’affaire du médiator // CE 2016 Mme
F. pour la carence liée au délai qu’avait mis l’agence du médicament à suspendre la mise sur le
marché du médicament.

B. LES ACTIVITÉS DE CONTRÔLE : L’EXEMPLE DU CONTRÔLE DES SECTEURS SENSIBLES


On distingue le contrôle des secteurs sensibles des autres types de contrôle qu’est notamment
le contrôle de la légalité.
Idée est que toujours une faute simple permet d’engager plus facilement la responsabilité de l’Etat
et c’est la raison pour laquelle on la trouve dans des hypothèses où des intérêts importants sont
en jeu. C’est l’activité de contrôle de la transfusion sanguine qui a donné le départ de cette
logique-là pour ces défaillances de contrôle sur la base d’une faute simple uniquement. Le juge
admin a pris en considération, pour prendre cette décision, la gravité de l’objet sur laquelle portait
le contrôle // CE ass 1993 DGP.
Plus récemment, cette responsabilité pour faute simple a été appliquée dans le cadre de la
responsabilité de l’Etat du fait de la catastrophe d’AZF. Est en cause le contrôle de l’Etat sur les
installations classées // CE 2014 AZF ; pour le CE il n’y a pas eu de carence fautive de la mission du
contrôle de l’Etat (considérant 8 à 10).

Section 3. Les hypothèses de responsabilité administrative sans faute


Un comportement non fautif peut engager la responsabilité de l’administration sur la base de 2
fondements :
- Soit le risque
- Soit la rupture d’égalité devant les charges publiques

§1. LA RESPONSABILITÉ POUR RISQUE


Lorsque l’administration dans son action fait courir un risque aux administrés, elle doit en
assumer les conséquences. Quand on essaie de classer les hypothèses de responsabilité pour
risque, on peut se placer de 2 points de vue :
- On peut prendre en considération le fait générateur de risque
- On peut prendre en considération des personnes particulièrement exposées au danger

A. PRISE EN CONSIDÉRATION DU FAIT GÉNÉRATEUR : LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DE CHOSES


ET D’ACTIVITÉS DANGEREUSES
1/ L’utilisation de choses dangereuses
4 catégories que l’administration peut manier mais qui sont dangereux et qui peuvent engager
la responsabilité de l’Etat :
- Les explosifs
- Les armes à feu
- Les ouvrages publics
- Les produits de santé

Les explosifs
C’est à propos des explosifs que s’est forgé la construction jurisprudentielle de la responsabilité
pour risque avec la décision CE 1919 Regnault Desroziers : c’était l’explosion d’un fort militaire où
avait été entreposé des grenades. Il n’y avait pas eu de réelle protection de la part de l’Etat.
Beaucoup de blessés. Il n’y avait pas de faute mais la responsabilité a été engagée. (cf considérant
de principe).
Une condition est posée : les risques excédant les limites résultant normalement du voisinage.
Cette condition a disparue aujourd'hui.

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Les armes à feu
La jurisprudence de 1919 a eu une portée limitée en ce qui concerne les explosifs proprement dit
mais elle a largement influencé la position du CE en ce qui concerne l’utilisation d’engin et d’armes
à feu. Décision de principe CE 1949 Lecomte Franquette et Daramy : ce sont des personnes qui
avaient été mortellement blessées suite à des coups de feu tirés par la police au cours de l’une de
ses opérations. Le juge admin a considéré qu’il y avait un risque lié à l’utilisation des armes à feu
et que ça pouvait engager sa responsabilité même en l’absence de toute faute. Mais le bénéfice
de cette responsabilité sans faute du fait de l’utilisation d’armes est réservé aux personnes
étrangères, c'est-à-dire les tiers, à l’opération de police (sinon c’est une responsabilité pour
faute) // CE 1951 Dame Aubergé et Dumont.

Les ouvrages publics dangereux


Certains ouvrages publics sont particulièrement dangereux. C’est le cas des ouvrages de
transport et de distribution d’électricité et de gaz qui peuvent engager la responsabilité sans
faute si y a préjudice à un tiers. Mais ont été considéré comme tels certains tronçons de route, et
notamment dans la décision CE ass 1973 Dalleau : c’était un tronçon de route qui longeait le pied
d’une falaise instable avec des éboulements et CE a estimé qu’il pouvait y avoir engagement de la
responsabilité sans faute pour un ouvrage public particulièrement dangereux (c’est le seul arrêt où
il a reconnu ça pour un tronçon de route). Cette responsabilité sans faute bénéficie aux usagers
de ces ouvrages publics.

Les produits sanguins et plus largement les produits de santé


Le point de départ est la décision CE ass 1995 Consorts N. Le CE avait admis une responsabilité
sans faute à l’époque des centres de transfusions sanguines fondée sur le risque pour les
dommages causés par la mauvaise qualité des produits sanguins fournis. Ce critère du risque
n’apparaît plus de manière aussi nette depuis la loi du 4 mars 2002 car aujourd'hui l’art 1142-1
CSP retient une responsabilité sans faute mais en raison d’un défaut de produits de santé.
Aujourd'hui, devant le juge administratif, il est possible d’engager la responsabilité sans
faute non plus explicitement sur le fondement du risque mais plus largement sur le fondement
de la défaillance ou de la défectuosité des produits et appareils de santé utilisés par l’hôpital // CE
2003 Mme Marzouk. La responsabilité du producteur du produit n’exclut pas la responsabilité du
prestataire du l’utilisateur du produit.

2/ L’utilisation de méthodes dangereuses


2 méthodes.

Les méthodes de rééducation des mineurs


Faut faire une distinction :

Le fondement du risque : les mineurs délinquants


En effet, ce sont d’abord les méthodes de rééducation des mineurs délinquants qui relève d’un
régime d’une ordonnance de 1945 en milieu semi ouvert dans les institutions publiques qui ont
été considérées comme dangereuses et donc entrainant un risque pour les tiers résidant dans le
voisinage susceptible d’engager la responsabilité sans faute de l’administration // arrêt de
principe : CE 1956 Thouzellier.
Ce raisonnement a étendu à d’autres hypothèses qui ont été considérées comme proches :ex :
pour les malades mentaux en sortie d’essai, même solution a été appliquée ou pour les détenus en
permission de sortie.
Le CE a maintenu ce fondement du risque spécial // CE 2006 Ministre de la Justice c/ MAIF.

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Une évolution pour les mineurs placés : le fondement de la garde
Il s’agit de la situation de mineurs faisant l’objet de mesures d’assistance éducative qui relève de
l’art 375 du Code civil. Le juge peut au titre de l’art 375 peut confier ces enfants à différentes
personnes : à une personne digne de confiance, dans une institution publique ou privée, ou dans
les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Quid de la responsabilité en cas de
dommage par ces enfants placés ?
Première réponse dans CE 2005 GIE Axa courtage : il s’agissait d’un mineur confié par le juge à une
institution spécifique dépendant du ministère de la justice et ce mineur avait mis le feu lors d’une
sortie à un foyer dépendant d’un département. CE a estimé que « est responsable de plein droit la
personne publique à laquelle le juge des enfants a confié la garde du mineur, c'est-à-dire le pouvoir
d’en organiser, contrôler et diriger la vie ».
Le CE dans la décision CE 2006 Ministre de la justice c/ MAIF a apporté une solution originale
s’agissant d’une affaire où il était question d’un enfant, placé dans une association mais qui
relevait de l’ordonnance de 1945 et non de l’art 375 CC, où le CE maintient la jurisprudence
Thouzellier de 1956 en posant un principe de cumul possible de responsabilités c'est-à-dire que
peut être mise en cause
- la responsabilité sans faute de la personne publique à qui est confié la garde d’un mineur
délinquant en cas de dommages causés par celui-ci
- mais les victimes peuvent aussi rechercher la responsabilité de l’Etat au titre du risque
spécial crée par le traitement des mineurs relevant de l’ordonnance de 1945.
Suite à l’évolution de 2005, la personne à le choix ; soit elle retourne vers le gardien, soit vers
l’Etat.

L’utilisation de certaines méthodes thérapeutiques ou actes médicaux dans les hôpitaux : l’aléa
thérapeutique
Le point de départ est la solution du CE ass 1993 Bianchi : d’une responsabilité sans faute qui
s’appliquait lorsque « un acte médical nécessaire (…) présente un risque dont l’existence est
connue mais dont la réalisation est exceptionnelle ». Le juge a considéré que pour engager une
responsabilité sans faute, l’exécution de cet acte doit être la cause directe du dommage sans
rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état et présentant
un caractère d’extrême gravité.
Aujourd'hui, avec la loi du 4 mars 2002 il faut se référer au régime posé par l’art 1142 CSP ; en
effet, l’accident médical, selon cet article, ne remplissant pas les conditions de la responsabilité
médicale relève de l’aléa thérapeutique. En matière médicale, le principe demeure celui de la
faute, sauf si les conditions ne sont pas réunies. 3 conditions pour que le dommage du patient
puisse relever de ce système d’indemnisation :
- Le dommage dot être directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou
de soin.
- Qu’il ait pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé,
comme de l’évolution prévisible de celui-ci (codification de Bianchi)
- Qu’il présente un certain caractère de gravité fixée par décret (y a des seuils)
Avec ces 3 conditions cumulatives, on bascule dans l’aléa thérapeutique et on a droit au système
d’indemnisation fixée par le législateur.

B. LA PRISE EN COMPTE DES PERSONNES PARTICULIÈREMENT EXPOSÉES AU RISQUE


1/ La responsabilité à l’égard des collaborateurs du service public
Ce régime de responsabilité pour risque a été forgé à partir des cas des collaborateurs du service
public, dans l’arrêt 1895 CE Cames.

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Les collaborateurs permanents du service public
Ce n’est que de manière très résiduelle qu’on fera appel au régime jurisprudentiel de la
responsabilité sans faute. Pour les collaborateurs permanents, en général des fonctionnaires,
s’applique un régime particulier en cas de dommage qui leur est causé. Ce régime de
responsabilité sans faute s’appliquera :
⎫ Soit quand aucun texte ne détermine un système de pension ;
⎫ Soit quand le texte ne couvre pas le préjudice subi ;
⎫ Soit lorsque le texte en question renvoie au droit commun.
Le juge administratif a accepté de reconnaitre la responsabilité de l’administration alors
qu’elle n’avait commis aucune faute lorsqu’une institutrice enceinte avait effectué son service
dans une école avec une épidémie de rubéole. Elle l’avait contracté, son enfant était né et était
atteint d’une malformation, elle a donc cherché à engager la responsabilité de l’administration. Le
juge administratif a fait droit à sa demande en reconnaissant, en raison du risque qu’elle avait
encouru, l’engagement de la responsabilité de l’Etat : 1968 CE assemblée Dame Saulze.

Les collaborateurs occasionnels


Le collaborateur occasionnel est une personne qui a occasionnellement participé à l’exécution
d’une mission de service public. Dans ce cas, il peut donc subir un préjudice. La jurisprudence a
posé différentes conditions cumulatives pour que cette personne bénéficie du régime de
responsabilité sans faute :
 Il faut que l’activité concernée soit véritablement un service public, par exemple a été
reconnu comme tel le tir d’un feu d’artifice qui célèbre la fête nationale, dans l’arrêt de
principe 1946 CE assemblée Commune de Saint-Priest la Plaine.
 Il faut que sa participation au service public soit effective, tel n’est pas le cas lorsqu’il y a
seulement intention.
 Au départ le juge exigeait que la collaboration soit imposée par l’administration à la
personne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, on reconnait la qualité de collaborateur
occasionnel à une personne dont la participation a seulement été demandée. La
demande de collaboration peut avoir été effectuée de manière individuelle mais aussi de
manière collective. Le juge admet même aujourd’hui que la collaboration ait été
bénévole, c’est à dire pas demandée mais simplement acceptée par la collectivité
publique. Exemple : une personne qui se porte spontanément volontaire pour sauver une
personne en danger.

2/ Les tiers victimes d’accidents de travaux publics


Il s’agit ici de traiter de la situation des tiers et non pas des usagers. Il faut aussi distinguer entre
les dommages accidentels de travaux publics des dommages permanents (seuls les premiers nous
intéressent ici).
Les dommages accidentels permettent d’engager une responsabilité fondée sur le risque. Ce
système est favorable à la victime car elle n’a qu’à établir la relation entre le préjudice qu’elle a
subi et l’ouvrage public. Cette responsabilité existe depuis 1952 CE section Grau : dommages
causés aux personnes et aux biens du fait de la rupture d’un barrage sous la pression de l’eau.
Sauf qu’il y a souvent dans les faits des difficultés à distinguer nettement le tiers d’un ouvrage
public de l’usager de cet ouvrage public. L’usager est celui qui bénéficie de l’ouvrage parce qu’il
l’utilise, alors que le tiers est celui qui n’est ni usager ni participant à ce service.
Or parfois la victime est tiers par rapport à l’ouvrage source du dommage mais est usager d’un
autre ouvrage par lequel le préjudice s’est transmis. La victime est alors assimilée à un usager
dans la mesure où l’ouvrage qui est la cause du dommage est incorporée à celui qui l’a transmis.
Exemple : préjudice causé par le creusement d’une tranchée pour implanter une ligne électrique
et la chaussée de la route s’effondre. Le dommage causé à un automobiliste l’atteint comme
usager de la route.

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La responsabilité sans faute peut être fondée sur le risque mais aussi sur la rupture d’égalité
devant les charges publiques.

§2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE FONDÉE SUR LA RUPTURE D’ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES
PUBLIQUES
Ici les dommages sont une conséquence prévisible de certaines situations, de certains
comportements. On estime que le fondement de cette responsabilité se trouve dans le principe
de l’article 13 DDHC qui pose le principe de l’égale répartition des contributions communes. Une
personne publique doit réparer les dommages causés par une décision, une action, qui, sans être
illégales, viennent rompre avec l’égalité devant les charges publiques.
Les conditions d’engagement de cette responsabilité sont plus strictes que celles
nécessaire pour les autres cas de responsabilité sans faute. En effet pour pouvoir être indemnisé,
le préjudice doit revêtir 2 caractères supplémentaires : le préjudice doit être anormal et spé cial.
Au départ ces conditions étaient exigées pour tous les systèmes de responsabilité sans faute
mais aujourd’hui le juge administratif ne continue à exiger l’anormalité et la spécialité que pour
la responsabilité fondée sur la rupture d’égalité devant les charges publiques.
L’anormalité renvoie à ce qui se situe au delà de ce que la collectivité peut et doit
habituellement supporter, c’est ce qui est au delà de la gêne ordinaire (c’est très subjectif, ça
dépend des cas d’espèce).
La spécialité renvoie au nombre limité de personnes touchées au sein de la collectivité.

Ce régime de responsabilité se trouve dans différents domaines :


- D’abord la puissance publique peut engager sa responsabilité du fait d’une loi ou du fait
d’une convention internationale ;
- L’administration peut engager sa responsabilité en raison d’un acte administratif ou d’une
action ;
- Elle peut engager sa responsabilité du fait de dommages permanents des travaux publics.

A. LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES LOIS ET CONVENTIONS INTERNATIONALES


1/ La responsabilité du fait des lois
a. Le principe d’une responsabilité sans faute fondée sur la rupture d’égalité devant les
charges publiques
Le principe a été posé par la décision 1938 CE assemblée Société anonyme des produits laitiers
Lafleurette : le CE a estimé qu’il pouvait y avoir responsabilité de l’Etat du fait de l’intervention
d’une loi lorsqu’il y avait un préjudice anormal et spécial.
Ces conditions d’anormalité et de spécialité sont des conditions restrictives. Le juge se montre
particulièrement exigeant pour considérer que ces critères sont réunis, ce d’autant plus que la
condition de spécialité du préjudice semble difficile à établir en soi dans la mesure où la loi
édicte des dispositions générales.
De plus, d’autres éléments peuvent permettre d’écarter la responsabilité de l’Etat du fait des lois
mêmes lorsqu’elles viennent rompre l’égalité devant les charges publiques : le texte de loi, des
textes préparatoires, ou même l’intention du législateur peuvent exclure toute indemnisation.
Le juge considère également qu’en général, la loi étant intervenue dans l’intérêt général exclut
l’indemnisation. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le législateur a voulu satisfaire des « intérêts
généraux et prééminents » :ex : santé publique, défense nationale, économique nationale,
protection de la nature.

Cependant on peut observer une évolution voire revirement de jurisprudence sur ce dernier
point. Jusqu’aux années 2000 la restriction à la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat du fait
des lois était notamment appliquée en ce qui concerne la loi du 10 juillet 1976 relative aux
mesures de protection de certaines espèces animales. Mais s’agissant de dommages causés par

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des flamants roses à des cultures // 2003 CE Association pour le développement de l’aquaculture
région Centre: ici le CE a estimé que la responsabilité sans faute de l’Etat pouvait être engagée
pour les dommages causés par la animaux sauvages protégés par la loi de 1976. Le juge ne met
plus en avant le but d’intérêt général de la loi à savoir la préservation des animaux sauvages
mais l’absence de volonté du législateur tant dans la loi que dans les travaux préparatoires
d’exclure la responsabilité du fait de la loi.

b. L’évolution de la responsabilité du fait des lois : le nouveau fondement posé par la décision
2007 CE assemblée Gardedieu
Ça supplante par le régime posé par jurisprudence de 1938. En fait il y a deux régimes de
responsabilité du fait des lois : soit rupture d’égalité devant les charges publiques, soit
hypothèse Gardedieu.
Ici le CE ne peut traiter le législateur comme étant l’auteur d’une faute , c’est l’une des
raisons pour lesquelles on retient une responsabilité sans faute.
Cependant, ce système peut poser des difficultés au regard notamment du principe
d’applicabilité du droit de l’UE puisque le législateur est tenu de transposer les directives
européennes et de se conformer à elles. Or il arrive que le législateur méconnaissance
notamment les objectifs d’une directive. Question de savoir quel régime de responsabilité peut-
on appliquer à l’hypothèse où une loi contrevient aux objectifs d’une directive.
Le CE, dans la décision Gardedieu, a commencé par rappeler le considérant de principe de
Lafleurette et a ajouté le considérant suivant « la responsabilité de l’Etat du fait des lois est
susceptible d’être engagée en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect
des conventions internationales par les autorités publiques » donc il doit réparer l’ensemble des
préjudices qui résultent de l’intervention d’une loi adoptée en méconnaissance des
engagements internationaux de la France.
La responsabilité posée par Gardedieu est une responsabilité objective, sui generis. Elle est mise
en oeuvre quand 3 éléments sont réunis : la méconnaissance d’une disposition internationale
par la loi, un préjudice et un lien de causalité.

2/ La responsabilité du fait des conventions internationales


Il faut se référer à l’arrêt de principe : 1966 CE assemblée Compagnie générale d’énergie
radioélectrique. Le juge administratif n’a fait que transposer la solution dégagée en 1938
Lafleurette pour les lois, aux conventions internationales « régulièrement incorporées dans
l’ordre juridique interne ». Du coup ici aussi, responsabilité fondée sur la rupture d’égalité
devant les charges publiques qui suppose un dommage anormal et spécial.
Le CE a estimé que cette solution valait aussi pour les dommages résultant non pas d’une
convention internationale au sens strict, mais pour les dommages résultant d’une règle
coutumière qu’aucune disposition législative n’écarte: 2011 CE Mme Saleh.

B. LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES RÉGULIÈRES


Il faut dissocier deux hypothèses : celle où est en cause une décision individuelle et celle où est en
cause une décision règlementaire.

o Lorsqu’il s’agit d’une décision individuelle


1923 CE Couiteas : décision de refus, opposée à l’administration par certains propriétaires,
d’apporter le concours de la force publique pour exécuter des ordonnances d’expulsion. D’abord
le CE estime que le refus était légal en raison des circonstances de l’espèce, mais il a aussi
considéré que cela causait un préjudice au demandeur donc il a admis la réparation.

o Lorsqu’il s’agit d’un règlement

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1963 CE section Commune de Gavarnie : arrêté municipal qui avait règlementé la circulation
du chemin qui mène au cirque de Gavarnie et avait interdit l’accès aux piétons et l’avait réservé
aux promeneurs à dos de mulets, du coup les commerçants étaient pas contents. Mêmes
conditions posées par CE préjudice anormal et spécial. Le caractère général du règlement ne
facilite pas la réunion de la condition de spécialité. On retrouve aussi la restriction tenant au but
d’intérêt général que poursuit le règlement et le fait que l’intention de l’auteur du règlement peut
avoir exclu toute indemnisation.
+ Hypothèse dans laquelle est en jeu non pas une décision expresse mais une abstention de
l’administration, en particulier une abstention non fautive. Question est de savoir si cette
abstention non fautive est susceptible de réparation ? Logiquement oui, elle peut causer un
préjudice lequel peut être réparé aux mêmes conditions, c’est à dire s’il y a un préjudice
anormal et spécial. En ce sens, 1984 CE Port autonome de Marseille.

C. LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES DOMMAGES PERMANENTS DE TRAVAUX PUBLICS


Ils résultent de l’existence d‘un ouvrage ou de l’exécution d’un travail public. Ce peut être
des dommages aux biens, des troubles de jouissance comme les bruits, les privations d’accès à une
voie, les privations de vue.
Ce principe de responsabilité a été posé par l’arrêt 1931 CE section Commune de Vic-Fezensac.

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Leçon 2 – Les différents recours contentieux et l’exemple du recours pour excès du pouvoir :
l’étude des cas d’ouverture du REP

Rappels
 Répartition des compétences juge administratif / juge judiciaire : la distinction se fait selon
qu’il s’agisse d’une gestion publique (juge administratif) ou privée (juge judiciaire).
 Lorsque l’administration se comporte comme une personne privée, pas de raison de la
traiter différemment donc compétence juge judiciaire (cf AAU et contrat administratif,
gestion de SPIC…).
 Certaines matières ont une vocation naturelle à relever du juge judiciaire (protection de la
liberté individuelle, droit de propriété privée…).
 Certains contentieux échappent à tout contrôle juridictionnel, comme les actes de
gouvernement.

Introduction

A) La classification des recours contentieux


Traditionnellement, il existe deux classifications des recours contentieux, dégagées fin XIX°- début
du XX° :

⎫ Une effectuée par Laferriere : classification dite formelle, les critères retenus pour
distinguer les différents recours reposent sur les pouvoirs dont disposait le juge
administratif. A partir de là, il avait distingué 4 types de contentieux.
 Le contentieux de pleine juridiction : le juge administratif dispose des pouvoirs les
plus étendus, comme le juge judiciaire à l’égard des justiciables. Le juge pourra
donc prononcer des condamnations pécuniaires et tranchera le litige en fait et
en droit. Renvoie au recours en pleine responsabilité.
 Le contentieux de l’annulation : le juge a le pouvoir d’annuler les actes illégaux de
l’administration. C’est le domaine du REP.
 Le contentieux de l’interprétation : le juge va soit interpréter un acte, soit se
prononcer sur sa légalité, mais simple déclaration, pas de pouvoir d’annulation.
 Le contentieux de la répression : le juge pouvait réprimer les atteintes portées au
domaine public (à son intégrité ou à son affectation).
Les deux premières catégories sont celles les plus importantes.

⎫ Celle de Duguit, puis suivie par Waline. Ils proposaient une classification matérielle, on
prenait en compte la question posée au juge. Ici, les auteurs ont distingué deux
catégories :
 Le contentieux objectif : hypothèses où le requérant demande au juge de se
prononcer sur la conformité d’un acte à la légalité. On trouve ici le REP.
 Le contentieux subjectif : le juge se prononce sur le fait de savoir si une personne
peut être reconnue comme titulaire d’un droit subjectif. C’est le domaine de la
responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Malgré la pertinence de ces deux classifications, on oppose les deux types de recours les plus
importants : contentieux de pleine juridiction et contentieux pour excès de pouvoir. On a depuis
assisté à une fusion de ces deux classifications. On a aujourd'hui tendance à opposer le
contentieux de l’excès de pouvoir à celui de pleine juridiction. Le contentieux de l’excès de
pouvoir n’est pas seulement celui de l’annulation, il le dépasse car le juge n’annule pas
systématiquement. On va ici uniquement étudier le REP, où le juge a un pouvoir d’annulation. Le
REP est de nature objective, le juge a le pouvoir d’annuler un acte si celui-ci est illégal. Pour le

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contentieux de pleine juridiction, c’est le contentieux de la responsabilité, subjectif car le juge
établit si la personne a un droit à réparation et peut condamner pécuniairement l’administration.
Cette classification est importante car les pouvoirs du juge et conditions de recevabilité ne
sont pas les mêmes.

§2. Les conditions générales d’exercice du REP


Le REP est un procès fait à un acte. C’est donc un recours qui présente un caractère objectif. Ici, il
ne s’agit pas pour le juge de reconnaitre que le requérant est titulaire d’un droit contre
l’administration, ou que cette dernière est tenue par une obligation, mais uniquement de décider
du sort d’un acte administratif. La seule possibilité offerte au juge est celle d’annuler l’acte.
Le fait que ce soit un recours objectif implique qu’à l’appui de ce recours ne peuvent être
invoqués que des moyens tirés de la violation du droit objectif (norme constitutionnelle,
législative, jurisprudentielle…). A contrario, les moyens tirés de la violation de clauses
contractuelles sont en principe exclus dans la mesure où elles sont étrangères au droit objectif.
Le REP, selon un PGD, est ouvert même sans texte // CE ass 1950 Dame Lamotte, seule une
disposition législative expresse peut y faire échec.
Comme il s’agit de l’annulation d’un acte, il faut prendre en considération la décision telle
qu’elle a été édictée, c'est-à-dire que c’est en fonction de la situation existante et des règles
applicables à la date de son édiction que sa légalité doit être appréciée.
L’acte susceptible de REP est nécessairement un acte décisoire, c'est-à-dire qu’il doit
modifier l’ordonnancement juridique, faire grief.
Le REP n’est ouvert que contre les actes unilatéraux (donc pas contre le contrat).

C) Les conditions relatives à la requête et au requérant

Ce sont les règles relatives à la décision préalable (on ne peut saisir le juge que si l’administration
a pris une décision au préalable).

Les conditions relatives au requérant renvoient à l’intérêt à agir. Il est nécessaire pour
intenter un REP que le requérant ait un motif pour agir en justice. Cette condition semble très
importante dans le cadre d’un REP. En effet, il s’agit d’un contentieux objectif, donc en soi le
recours est susceptible d’être ouvert à tous. Or, même si le juge a une interprétation large, il
n’existe pas « d’action populaire ». On parle aussi d’intérêt donnant qualité pour agir. Le juge va
dans le cadre d’un REP apprécier strictement l’intérêt à agir. Cet intérêt peut être varié : intérêt
matériel, moral, individuel ou collectif.
L’intérêt à agir dans le cadre du REP doit présenter certains caractères : il doit être
- Personnel, c'est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir de défendre la légalité en soi
- Légitime
- Direct et Certain : c’est là la question la plus délicate qui se pose. En effet, l’intérêt à agir
ne concerne pas forcément les administrés qui sont les destinataires directs de l’acte
administratif. Autrement dit, les tiers à l’acte peuvent avoir un intérêt à agir (« intérêt
froissé » selon Hauriou). Ex : lorsqu’un règlement fixe la date des vacances scolaires, un
hôtelier peut avoir un intérêt à agir contre cet acte.

Certaines qualités donnent intérêt à agir. Ainsi, la qualité de contribuable local donne qualité
pour agir contre toute décision ayant une incidence sur le budget local. Egalement la qualité
d’usager du SP permet de contester les actes relatifs à l’organisation et fonctionnement des
services correspondants.
Le juge va apprécier strictement l’intérêt à agir des personnes morales, groupements,
associations et syndicats. Le CE admet que les personnes morales soient recevables à agir contre
les actes qui touchent les intérêts dont ils sont chargés statutairement, mais pas les intérêts
individuels de ses membres.

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Certaines irrégularités peuvent affecter les actes administratifs. Elles représentent les moyens
d’annulation invoqués par le requérant, ou soulevées d’office par le juge. Ce sont les cas
d’ouverture du REP.

Section 1 : Les différents cas d’ouverture


Ils se rattachent soit à la légalité externe, soit à la légalité interne.

Paragraphe 1 : La distinction légalité externe / légalité interne de l’acte

A) Le principe de la distinction
Il faut évoquer les classifications des cas d’ouverture du REP effectuées par la doctrine. La
première classification des cas d’ouverture du REP est celle retenue par Laferriere. Il distinguait 4
cas d’ouverture du REP :
 L’incompétence, relative à l’auteur de l’acte
 Le vice de forme ou de procédure
 La violation de la loi, relative à l’objet et aux motifs de l’acte
 Le détournement de pouvoir, relatif au but de l’acte

Cette classification a ensuite été complétée dans les 50s par Gazier, qui opposait le contrôle
par le juge de la légalité externe de l’acte à celui du contrôle de la légalité interne.
- Le contrôle de la légalité externe recouvre l’incompétence, le vice de forme et l’irrégularité
de procédure
- Le contrôle de la légalité interne recouvrait le défaut de base légale (ex : on se fonde sur
un texte abrogé), la violation d’une disposition légale et le détournement de pouvoir.

Cette classification fait apparaitre que la légalité externe et la légalité interne sont les deux
fondements juridiques possibles de la contestation de la légalité d’un acte. Cette classification
met en évidence les deux causes juridiques auxquelles se rattachent les différents moyens de la
légalité.
Certains vices susceptibles d’affecter l’acte se rattachent à l’instrumentum, l’enveloppe
extérieure de l’acte, tandis que d’autres se rattachent au negotium, c'est-à-dire l’objet, la règle
de droit. Cela recouvre tous les éléments de formation d’un AAU que nous avons étudié.
La légalité externe recouvre la compétence de l’auteur, motivation, règles de procédure. La
légalité interne vise l’objet de l’acte, son motif doit être conforme aux normes qui lui sont
supérieurs.

B) L’intérêt de la distinction
Ce classement entre les deux causes juridiques a des conséquences importantes en pratique
sur la recevabilité des moyens à l’expiration du délai de recours. C’est le principe de l’immutabilité
de la demande, c'est-à-dire que tant que le délai de recours n’est pas expiré, le requérant peut
ajouter à l’appui de sa demande des moyens relevant des deux catégories (légalité interne et
externe), alors qu’après l’expiration du délai de recours il est impossible pour le requérant de
présenter des moyens se rattachant à une autre cause juridique que celle utilisée initialement //
CE 1953 Société Intercopie.
L’annulation pour un vice de légalité externe n’empêche par l’administration de reprendre
sous des formes extérieures régulières l’acte annulé. On considère que l’annulation pour une
irrégularité externe ne censure l’acte que sur un plan accessoire, ce qui ne donne au requérant
qu’une demi satisfaction.

Paragraphe 2 : L’étude des différents cas d’ouverture

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A) L’illégalité externe de l’acte

1) L’incompétence

C’est l’hypothèse où une autorité administrative prend une décision sans avoir qualité pour le
faire (cf variétés d’incompétence, compétence matérielle, ratione loci, ratione tempori).
L’incompétence est un moyen d’ordre public, c'est-à-dire que le juge peut la soulever à tout
moment même si le demandeur ne l’avait pas soulignée. Le CE qualifie d’incompétence les
irrégularités relatives à sa propre consultation.

2) L’irrégularité ou le vice de procédure


Le vice de procédure affecte le processus même de l’élaboration de l’acte. Il consiste soit
en l’omission d’une procédure obligatoire, soit en la dénaturation d’une procédure
effectivement accomplie par une irrégularité importante. Ex : non-respect du principe du
contradictoire, absence de consultation alors qu’elle était obligatoire, problème de composition
d’un organisme de consultation.
Le vice de procédure, notamment suite à un problème de consultation, ne sera pas
systématiquement sanctionné par le juge administratif. Ce dernier ne considère pas
systématiquement que le vice de procédure affecte la décision prise au vu de l’ avis émis. Sur ce
point, CE ass 2011 Danthony, confirmé par CE 2012 Société Chiesi.

3) Le vice de forme

Cf forme de l’acte (Leçon 1).


C’est l’irrégularité qui entache la présentation de l’acte. Pour ne pas paralyser l’action
administrative pour des questions de pure forme, le juge ne sanctionne pas systématiquement
toute irrégularité de forme, ne tirera pas de conséquences d’une irrégularité mineure de l’acte. Il
ne sanctionnera que si la formalité a pu avoir une influence sur la décision, ou si l’irrégularité a
pu empêcher de protéger un droit.
La règle de forme couvre aussi les règles relatives à la motivation lorsqu’elle est obligatoire
(rappel : la motivation ce n’est pas les motifs, c’est juste l’expression des motifs).

B) L’illégalité interne de l’acte


Il faut distinguer selon l’élément de l’acte qui est atteint.

1) La violation directe de la loi

Ce qui est touché est le contenu de l’acte, c'est-à-dire que la norme édictée considérée en elle-
même n’est pas conforme à la légalité, plus exactement elle n’est pas conforme aux normes qui
lui sont supérieures. C’est l’objet même, le dispositif de la décision, qui est illégal. Ex : une
décision prise avec effet rétroactif, violation directe de la loi car cet acte est contraire au PGD
interdisant l’effet rétroactif d’un acte administratif (CE ass 1948 Société du Journal l’Aurore), sauf
théorie des circonstances exceptionnelles.
Le juge ne le distingue pas d’une irrégularité des motifs de l’acte (c’est une distinction plutôt
doctrinale)

2) L’illégalité en raison des motifs de l’acte


Les motifs d’un acte sont les raisons de fait et de droit qui ont conduit l’administration à
prendre une décision. Cela se distingue de la motivation, qui est l’action par laquelle

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l’administration expose ces motifs. La régularité de la motivation résulte de la légalité externe,
tandis que la régularité des motifs relève de la légalité interne.

a) L’erreur de droit
C’est un vice dans les motifs de droit sur lesquels se fonde un acte administratif. C’est un
vice de raisonnement dans l’application du texte. C’est une méconnaissance par l’administration
du champ d’application de la loi par l’administration, une fausse interprétation par
l’administration de la règle de droit, une irrégularité. On peut en retenir trois manifestations avec
Chapus :
 La mise en œuvre d’une norme inexistante ou inapplicable. C’est l’hypothèse où le
fondement juridique retenu par l’administration n’existe pas encore, ou n’existe plus.
Ex : une loi dont les décrets d’application nécessaires à l’application de la loi ne sont pas
publiés ; une abrogation d’un texte sur lequel se fonde l’administration. Dans ces
hypothèses, on parle parfois de manque de base légale.
 L’administration rattache son acte à des dispositions illégales. Ex : un acte administratif qui
met fin aux fonctions d’un agent public en se fondant sur une circulaire qui est illégale,
notamment en raison de l’incompétence du ministre pour l’édicter.
 La norme appliquée par l’administration est régulière mais elle est mal appliquée par
l’auteur, qui s’est trompé sur ce qu’elle permet ou impose de faire. Ex : jury de concours qui
se croit en mesure de se prononcer sur l’aptitude physique d’un candidat alors que le
texte ne le lui permet pas.

b) L’erreur de fait
C’est l’idée selon laquelle le juge administratif va contrôler le fait brut à l’origine de la
décision de l’administration, puisque l’auteur de l’acte se fonde naturellement sur un fait. Le juge
va sanctionner une erreur, et plus précisément, une erreur dans l’exactitude matérielle des faits.
Il l’a contrôlé à partir de l’arrêt CE 1916 Camino.

c) L’erreur de qualification juridique des faits


La qualification juridique des faits signifie que l’administration doit correctement qualifier
la situation de fait par rapport aux dispositions juridiques qui sont applicables. C’est en fait la
relation entre les faits et la décision. Il faut que « les faits soient de nature à justifier juridiquement
la décision ». Le CE a effectué pour la première fois ce contrôle de la qualification juridique des
faits dans un décision de principe : arrêt 1914 Gomel. C’est la première fois que le juge va vérifier
l’adéquation des faits avec la règle de droit.
Lorsque le juge du REP effectue son contrôle sur les différents éléments de l’acte, il est
amené à refaire souvent le raisonnement qu’à fait l’administration au moment d’édicter la
décision. Il substitue son interprétation à celle de l’administration. Ce contrôle donne au juge le
pouvoir de censurer l’erreur commise dans la démarche intellectuelle de l’administration.

3) Le détournement de pouvoir ou l’illégalité relative au but de l’acte


Le but de l’acte correspond au mobile, aux intentions de l’auteur de l’acte. La difficulté est
que l’autorité administrative agit parfois dans un but autre que celui pour lesquels elle est
censée agir.
Traditionnellement, et d’un point de vue doctrinale, y a 2 manifestations du détournement de
pouvoir :
 Lorsque l’autorité administrative agit dans un intérêt ou des préoccupations purement
particulier/privé alors qu’elle devrait agir dans le cadre d’un intérêt général : ex : lorsque le
maire vire un agent communal pour se venger, ou un acte tendant à favoriser ses proches
par une autorité administrative
 Lorsque l’autorité administrative a agi certes dans un intérêt général mais dans un intérêt
général autre que celui qu’elle pouvait légalement poursuivre : autorité de police qui

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exerce dans un but autre que le maintien de l’ordre public (qui est l’intérêt géné ral qu’elle
poursuit), comme un intérêt financier :ex : CE 1924 Beaugé (à ne pas retenir)
Le détournement de pouvoir est souvent invoqué mais le juge admin le retient très
rarement car il est très difficile à établir en raison de l’interférence possible de différents
intérêts : peut y avoir poursuite par l’autorité administrative d’un but légal mais peut poursuivre
accessoirement un intérêt privé ou financier. L’essentiel pour le juge admin est que le but principal
visé soit légal et une préoccupation accessoire d’ordre privé ne suffira pas pour le juge à entacher
la mesure de détournement de pouvoir.

Si tous ces éléments sont susceptibles d’être contrôler par le juge admin, mais le contrôle du
juge n’est pas uniforme.

Section 2 : les degrés de contrôle du juge

1) La soumission invariable de l’administration à la légalité


On oppose en général le pouvoir discrétionnaire à la compétence liée de l’administration. En
effet, le pouvoir de décision de l’autorité administrative est toujours soumis au principe de
légalité, qu’elle dispose d’une compétence liée ou d’un pouvoir discrétionnaire. Mais
discrétionnaire ne veut pas dire arbitraire : l’auteur de l’acte doit toujours respecter la légalité.
Mais si l’administration à travers les actes qu’elles édictent doit respecter la légalité, parfois
elle dispose d’une certaine liberté d’action. Autrement dit, les règles que l’administration doit
respecter lui laissent selon les cas de marge de manœuvre.

De manière schématique on considère qu’il y a compétence liée chaque fois que l’autorité
administrative, en fonction de telle ou telle circonstance, est tenue de prendre une décision.
Au contraire, il y a pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle est libre de prendre une décision.
Pour Martine Lombard, « une autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire
lorsqu’elle a la faculté de choisir entre plusieurs décisions qui sont toutes conformes à la légalité
(…). Elle est en revanche en situation de compétence liée lorsqu’elle doit adopter une décision ou
un comportement qui est le seul possible en vertu de la légalité ».
Cette opposition se résume aussi : y a compétence liée lorsque l’administration est tenue
d’agir et/ou est tenue d’agir dans un sens déterminé. A l’inverse, y a pouvoir discrétionnaire
lorsque l’administration a la faculté d’agir et/ou est libre d’agir dans un sens déterminé . On
considère que dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire, l’auteur de l’acte apprécie l’opportunité
de la décision : il va choisir ce qui selon lui est le mieux adapté à la situation.
En réalité, on parle de degré de compétence liée et de degré de pouvoir discrétionnaire,
pour prendre une décision peut y a voir un peu des deux.

Pourquoi on parle de cette distinction dans le cadre du contrôle du juge ? en fonction de degré
de liberté ou pas dont dispose l’administration, le contrôle du juge sera étroit sur l’acte de
l’administration.

2) Les conséquences sur le contrôle du juge : les variations du contrôle de la qualification


juridique des faits
Même en cas de pouvoir discrétionnaire, le juge contrôlera toujours certains éléments :
 Tout ce qui relève de la légalité externe de l’acte c'est-à-dire la compétence, la forme et la
procédure.
 S’agissant de la légalité interne, il contrôlera aussi systématiquement : la violation directe
de la loi, le détournement de pouvoir, l’erreur de droit et l’exactitude matérielle des faits.
Ce qui est donc variable dans le contrôle est le degré de contrôle du juge sur la qualification
juridique des faits. Ce degré ne porte que sur cet élément car tous les autres sont

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invariablement contrôlés par le juge. Cette variation du contrôle de juge dépend de la liberté de
l’administration.

En principe, il y a toujours un contrôle de la qualification juridique des faits, sauf exceptions.


Lorsqu’il y a exception et qu’il ne contrôle pas la qualification juridique des faits, on parle de
contrôle infra-minimum. C'est-à-dire que concernant les motifs, le juge s’en tient uniquement au
contrôle de la qualification des motifs de droit et au contrôle de l’exactitude matérielle des
faits :ex : le juge refuse de contrôler l’appréciation des jury d’examen et de concours sur la valeur
des candidats et leur prestation. Idem pour le choix de l’administration pour le mode de gestion
pour un SP. ce sont des exceptions, c’est rare.

Le plus souvent, on distingue 3 degrés de contrôle de la qualification juridique des faits (en
ne comprenant pas le contra infra minimum) :

- Le contrôle minimum ou le contrôle restreint ou le contrôle de l’erreur manifeste


d’appréciation :
C’est d’imposer à l‘autorité administrative un minimum de bon sens et d’éviter des solutions
déraisonnables. En effet, dans le cadre de ce contrôle, le juge censure uniquement les erreurs
grossières, les erreurs évidentes. S’il apparaît que la qualification des faits est manifestement
erronée, et que même un non spécialiste verrait cette erreur, il annule la décision. Cela montre la
volonté du juge d’éviter des disproportions excessives, déraisonnables entre une décision et les
faits qui l’ont provoqué. Ce contrôle minimum est utilisé régulièrement par le juge admin.

- Le contrôle normal ou contrôle entier :


C’est un degré supérieur ; c’est l’hypothèse la plus fréquente. C’est souvent lorsque l’exercice
des pouvoirs de l’administration est subordonné à l’existence de certaines conditions de fait. Il va
au-delà de l’erreur grossière. Le juge vérifie si le fait à l’origine de la décision est de nature à
justifier cette décision. Ex : arrêt Gomel c’était un tel contrôle.

Dans certains contentieux, on trouvait les 2 types de contrôle. Ex : pour le contentieux


disciplinaire de la fonction publique. Y a plusieurs phases dans le raisonnement de
l’administration dans un tel contentieux :
 1ère : les faits sont- ils constitutifs d’une faute du fonctionnaire ?
 2ème : si les faits sont constitutifs, il faut choisir la sanction proportionnée à la faute.
Jusqu’à récemment le juge admin effectuait 2 contrôles :
o un contrôle normal sur le fait de savoir si les faits constituaient une faute
o un contre restreint sur le choix de la sanction
Depuis CE ass 2013 Dahan, le CE effectue désormais un contrôle normal sur les 2 phases.
Donc pour un même domaine d’activité, peut y avoir cumul des contrôles.

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