Vous êtes sur la page 1sur 53

LES ACTES ADMINISTRATIFS.

1
Introduction.

L’activité administrative comprend des opérations matérielles comme la


construction d’infrastructures (routes, aérodromes, échangeurs) ou
intellectuelles comme la production de rapports. Ces opérations peuvent
avoir des conséquences de droit et elles sont soumises à un régime de
droit. Ainsi, la construction d’un ouvrage obéit à un régime spécial.
Les opérations matérielles ou intellectuelles précèdent et préparent le
plus souvent les décisions administratives.

L’acte administratif est une décision prise par une autorité administrative
et produit par lui même des effets de droit. L’acte administratif est donc
une manifestation de volonté en vue de produire des effets de droit.

Cette qualité distingue l’acte administratif des actes des autres organes
de l’Etat comme les organes législatifs et les organes juridictionnels
d’une part, et d’autre part, des actes des organismes privés car l’action
administrative ne saurait être le fait de simples particuliers. Toutefois, il
arrive que l’on reconnaisse, à certains organismes privés, compétence
pour édicter des actes administratifs.

On peut distinguer deux catégories d’actes administratifs : les actes


administratifs unilatéraux et les contrats. Les premiers émanent de
l’administration seule tandis que les seconds sont un accord de volonté
entre l’administration et une personne privée.

2
Première partie : Les actes administratifs unilatéraux

On les appelle ainsi parce qu’ils émanent de la volonté d’une seule


partie, en l’occurrence l’administration, et peuvent créer des droits ou
faire naître des obligations au profit ou à la charge des particuliers sans
leur consentement, c'est-à-dire sans leur accord.

L’acte administratif unilatéral est le procédé normal d’action de


l’administration. C’est l’expression achevée de la puissance publique.
Mais de quoi s’agit- il ? Quels sont les effets de l’acte administratif
unilatéral ? Comment prennent fin de tels effets ? Autrement dit,
comment meurt l’acte administratif unilatéral ? C’est à ces questions qu’il
faudrait répondre dans cette première partie. Pour y parvenir, on
retiendra la décision « exécutoire », selon l’expression d’André de
Laubadère, comme l’exemple type de l’acte administratif unilatéral.

Chapitre I : La notion de décision « exécutoire ».

La décision exécutoire se rapproche d’autres actes administratifs


unilatéraux sans se confondre avec eux. Par conséquent, il est tout
d’abord question de délimiter la notion pour ensuite en cerner le contenu.

Section I : La délimitation de la notion de décision « exécutoire ».

Quel est l’élément, c'est-à-dire le critère, qui permet de distinguer la


décision « exécutoire » des autres actes unilatéraux de l’administration ?

§ 1 : La définition de la décision « exécutoire »

Pour le Professeur Vedel, une « décision exécutoire est un acte


juridique émis unilatéralement par l’administration en vue de modifier
l’ordonnancement juridique par les obligations qu’il impose ou par les
droits qu’il confère ». On parle aussi d’acte faisant grief.
De cette définition, il ressort que tous les actes unilatéraux de
l’administration ne sont pas des décisions « exécutoires » Un acte d’une
autorité administrative ne constitue une décision « exécutoire » que s’il

3
modifie la situation juridique des administrés en créant soit des droits
nouveaux soit en imposant des obligations nouvelles au moment où il
intervient. Une décision « exécutoire » est un acte juridique, c’est un acte
unilatéral, c’est un acte pris par une autorité administrative.

A) : Une décision « exécutoire » est un acte juridique.

Un fait involontaire de l’administration ne saurait constituer une décision


exécutoire ». Il manque l’élément « volonté ». Ainsi, un véhicule de
l’administration qui cause un accident de la circulation n’est pas une
décision exécutoire. IL en va de même de l’erreur commise dans
l’avancement d’un agent.
Si un fait involontaire de l’administration n’est pas une décision
« exécutoire », cela ne signifie pas que tous les agissements volontaires
de l’administration sont des décisions « exécutoires ». Par exemple
l’occupation d’un domaine privé sans aucune formalité ne peut être
assimilée à une décision « exécutoire » Pourtant, dans ce cas, il y a
sans doute un agent public qui a pris la décision. Par conséquent
l’élément décision existe. C’est pourquoi il faut conclure que la décision
« exécutoire » est une manifestation de volonté en vue de produire des
effets de droit.

B) : Les décisions « exécutoires » sont des actes unilatéraux.

Les contrats passés par l’administration ne sont pas des décisions


« exécutoires parce qu’il y a accord de volonté. Toutefois, il faut nuancer
cette affirmation car on rencontre des situations où il est difficile de faire
une distinction entre contrats et actes unilatéraux. Dans le cadre de
l’administration économique, il y a le plus souvent concertation entre
l’autorité administrative et les partenaires intéressés avant la décision. Il
en va de même dans le domaine social notamment les négociations
salariales. Néanmoins, de telles décisions constituent des actes
unilatéraux dès lors que leur application dépend de la seule volonté de
l’administration. CE, 2 mars 1973, Syndicat national du commerce en
gros des équipements : AJDA 1973 p 328 concl. Braibant. Dans cet
exemple, après concertation, une réglementation différente a été prise
pour les prix pour les concessionnaires d’automobiles d’une part, et
d’autre part, les détaillants ou mécaniciens réparateurs.

4
C) : Les décisions « exécutoires » sont prises par une autorité
administrative.

Il n’existe pas une liste exhaustive des autorités administratives. C’est en


se référant aux structures administratives que l’on peut se faire une idée.
Dans cet ordre d’idées, on peut retenir le Président du Faso et le Premier
ministre qui disposent de compétences administratives. A ces autorités, il
faut ajouter les ministres, les directeurs et chefs de service, les
gouverneurs, les Hauts commissaires, les préfets, les responsables des
établissements publics nationaux.

Au niveau des collectivités territoriales (régions et communes), on peut


citer les organes délibérants (conseil régional, conseil municipal), les
exécutifs locaux (président du conseil régional, maire), les fonctionnaires
bénéficiant d’une délégation signature ou de pouvoir.

Exceptionnellement, il arrive de reconnaître le caractère de décision


« exécutoire » à la décision émanant d’un groupement privé. Dans ce
cas, le groupement privé doit être investi d’une mission de service public
et l’acte doit intervenir dans le cadre de l’exercice d’une prérogative de
puissance publique. C’est le cas de l’ordre des médecins, des avocats,
des experts comptables, des pharmaciens, etc.

§ 2 : Tous les actes unilatéraux ne sont pas des décisions «


exécutoires »

Peuvent être rangés dans cette catégorie les actes préparatoires, les
circulaires, les instructions de service, les directives.

A) : Les actes préparatoires.

On classe dans les actes préparatoires, les propositions, les avis, les
vœux, les rapports etc. Ils ne constituent pas des décisions
« exécutoires » parce qu’ils ne font pas grief c'est-à-dire qu’ils ne
modifient pas l’ordonnancement juridique. Autrement dit, ils ne créent
pas de droits nouveaux ou n’imposent pas des obligations nouvelles : ils
ne modifient pas la situation juridique des administrés (particuliers). Ce
sont des actes unilatéraux, certes, mais ils ne préjugent pas de la
solution finale. Par exemple, la transmission d’une demande n’implique

5
pas un rejet ou une suite favorable. Il en va de même de l’avis favorable
à une demande. Par contre le refus de transmettre une demande fait
grief puisqu’il est déjà la solution finale. De même, le refus de réunir une
commission est un acte « exécutoire ». Par contre, les notes d’examen
ont un caractère préparatoire mais l’irrégularité de ces notes peut être
invoquée contre la décision finale : l’examen lui-même.

B) : Les actes n’ayant qu’une valeur indicative

Lorsque l’administration renseigne un administré, il n’y a pas de décision


« exécutoire » : par exemple lorsque l’on se contente d’indiquer la
procédure de reclassement des agents publics ; il en va de même
lorsque l’administration annonce un projet de recrutement d’agents
publics, de construction d’un ouvrage public, de réforme du statut de la
fonction publique.
Toutefois, les notes attribuées à un agent sont considérées comme un
acte « exécutoire » parce qu’elles sont susceptibles de faire grief c'est-à-
dire, modifier la situation juridique des bénéficiaires. Elles sont par
conséquent susceptibles du recours pour excès de pouvoir.

C) : Les circulaires.

Les circulaires sont des actes administratifs unilatéraux édictés par les
supérieurs hiérarchiques pour régler la conduite des subordonnés. Elles
sont obligatoires pour les agents, elles ne produisent pas, en principe,
d’effets juridiques à l’égard des administrés. Cependant, il arrive que
certaines circulaires posent de véritables règles juridiques nouvelles.
C’est pourquoi, on distingue les circulaires interprétatives et les
circulaires règlementaires.

- les circulaires interprétatives ou non impératives : elles sont


relatives le plus souvent à l’application d’une législation ou d’une
réglementation déterminées ; elles constituent un commentaire et
interprètent les dispositions de la loi ou du règlement ; elles
indiquent la façon de procéder, les précautions à prendre, les
contrôles à exercer, les délais à observer. Par exemple, le
gouvernement, par un décret, autorise la reprise des enseignants
licenciés. Une circulaire peut préciser que les enseignants
licenciés pour abandon de poste ne sont pas concernés.

6
Les circulaires interprétatives ne sont pas susceptibles de recours
pour excès de pouvoir ; elles ne sont pas invocables par les
administrés ; elles ne sont pas opposables par l’administration aux
administrés ; les agents publics ne peuvent pas intenter une action
contre elles.
- les circulaires règlementaires ou impératives : elles sont
considérées comme des décisions « exécutoires » parce qu’elles
modifient la situation juridique des administrés. Elles modifient
l’ordonnancement juridique. Ainsi, une circulaire qui restreint
l’application d’un décret est règlementaire et peut être déférée au
juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.
CACS 25 mai 1973 Thiombiano Babribilé. Dans l’espèce, le
décret 326/PRES/IS/DI du 28 juillet 1964 relatif au mode de
désignation des chefs de village dispose expressément en son
article 4 que « le décompte des voix obtenues par chaque
candidat est immédiatement effectué par le chef de
circonscription administrative qui donne lecture des résultats et
proclame élu le candidat qui a obtenu le plus de voix » et « qu’en
cas de partage des voix, le candidat le plus âgé est proclamé
élu »; mais la circulaire n° 9/IS/DI du 21 janvier 1965 exige ¼
des électeurs inscrits pour être élu. Selon la chambre
administrative de la cour suprême, en imposant ¼ des électeurs
inscrits, la circulaire a créé des obligations nouvelles et, par
conséquent, a un caractère règlementaire.

D) : Les mesures d’ordre intérieur.

Ce sont, au sens strict (étroit), les mesures de détail qui touchent la vie
interne d’un service. Il en va ainsi de l’interdiction du port d’une tenue
autre que l’uniforme scolaire dans les établissements, des arrêts et des
détentions dans les locaux disciplinaires de l’armée. Suivant les
nécessités de service, les mesures d’ordre intérieur varient.

E) : Les directives.

Il y a lieu de préciser de quelles directives on parle. Dans le cadre de


l’intégration économique régionale, les organisations comme l’UEMOA
ou la CEDEAO prennent régulièrement des directives qui prescrivent les
objectifs à atteindre en laissant aux Etats membres le choix des moyens.

Les directives dont il est question sont des mesures destinées à orienter
une action, à recommander une certaine attitude à ceux qui sont chargés

7
de cette action. Elles permettent d’introduire dans la pratique
administrative une certaine cohérence. Selon Delvolvé, « elle n’est pas
exactement un ordre mais elle n’est pas non plus un souhait ; elle est
moins que l’un et plus que l’autre ». Les directives se préoccupent du
contenu des décisions à prendre dans la mesure où leur contenu n’est
pas prédéterminé par les textes à appliquer et par conséquent il faut
préciser ce que doit être ce contenu.

Par exemple, lorsque des avantages doivent être accordés en


examinant les situations au cas par cas et l’étendue de ces avantages :
CE, Sect. 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, c. Demoiselle
GAUPILLAT et Dame ADER, GAJA n° 87 (l’utilisation des disponibilités
financières du Fonds national d’amélioration de l’habitat serait décidée
par une commission nationale et des commissions départementales ; la
détermination des conditions d’attribution relève d’un règlement général
qui indique qu’il appartient à chaque commission « suivant les directives
et sous le contrôle de la commission nationale, d’apprécier selon les
besoins régionaux ou locaux, tant du point de vue économique que
social, le degré d’utilité des travaux auxquels peut être accordée l’aide
financière du Fonds national » ; en l’espèce, prêt et non subvention).

Il en va de même de l’attribution des bourses aux élèves et étudiants : il


existe par exemple des bourses entières, des demi-bourses et de l’aide.
Il appartient aux commissions de décider sous conditions de revenus.

Les directives se sont développées par suite de l’interventionnisme


économique où l’on procède par des incitations. L’administration peut
s’écarter de l’orientation de la directive. Les directives sont opposables
aux administrés, de même qu’à l’administration. Les administrés peuvent
contester la légalité des directives.

Pour éviter la confusion avec les directives de l’Union européenne, le


conseil d’Etat français utilise désormais le terme de lignes directrices que
de directives.

Section II : Les catégories de décisions « exécutoires »

On peut classer les décisions exécutoires du point de vue formel ou du


point de vue matériel. Si on retient la forme, on s’intéresse à l’auteur de
l’acte. Lorsque l’on se place sur le plan matériel, on ne s’intéresse plus à
l’auteur de l’acte mais à son contenu.

8
§ 1 : Les décisions « exécutoires » du point de vue formel.

On distingue :
- les décrets : ils sont signés par le Président du Faso ou le
Premier ministre. Les décrets du Président du Faso sont ou non
contresignés par le Premier ministre .Les décrets contresignés
par le Premier ministre sont tous délibérés en conseil des
ministres. Les décrets non contresignés sont par exemple ceux
qui nomment le Premier ministre ou qui mettent fin à ses
fonctions, ceux qui nomment les membres du Conseil
économique et social, ceux qui élèvent dans les différents grades
de l’Ordre national.

Le premier ministre est également compétent pour édicter des


décrets.

On oppose généralement les décrets simples et les décrets en conseil


des ministres en ce concerne le Burkina. Dans le système français,
on parle plutôt de décrets en conseil d’Etat c'est-à-dire pris après avis
du Conseil d’Etat.
- les décisions des ministres : elles revêtent plusieurs formes dont
la plus solennelle est l’arrêté ; signé par plusieurs ministres, il est
interministériel ;
- les actes des autres autorités administratives : il s’agit des arrêtés
préfectoraux pour les préfets, provinciaux pour les hauts
commissaires, régionaux pour les gouverneurs, les président des
conseils régionaux, des délibérations pour les conseils
municipaux et régionaux etc.

§ 2 : Les décisions « exécutoires » du point de vue matériel.

Il faut d’abord examiner le contenu de la décision « exécutoire » avant


de voir la portée pratique de la distinction. Autrement dit, la portée
juridique.

A) : Le contenu.

On oppose les actes règlementaires aux actes individuels .Les premiers


sont de portée générale et impersonnelle c’est à dire que les

9
destinataires ne sont pas connus au moment où ils interviennent. Par
exemple, un arrêté municipal qui institue un sens unique ou interdit sur
une rue. Même si un habitant de Katmandou au Népal, ou de Oulan
Bator en Mongolie, il sera en infraction s’il circule dans le sens contraire.

Les seconds sont des décisions individuelles c'est-à-dire que leurs


destinataires sont connus à l’avance au moment où ils interviennent. Ils
peuvent s’adresser à une personne ou à plusieurs personnes mais
individuellement désignées. On les appelle aussi des décisions
collectives.
Est donc une décision individuelle, le décret nommant un fonctionnaire
ou la décision infligeant une sanction, l’arrêté proclamant les résultats
d’un concours, la nomination des membres d’un organisme collégial etc.

La distinction entre actes règlementaires et actes individuels est


qualitative et non quantitative. Par exemple, une décision qui accorde
une indemnité de fonction au directeur général de l’ENAM est
règlementaire car elle a un caractère général et impersonnel. Bien que
concernant une seule personne, le directeur général, elle ne s’attache
pas à l’individu mais à la fonction. Par contre, le décret portant
décoration dans l’Ordre national à l’occasion du 11 décembre est une
décision individuelle même s’il y a des milliers de personnes qui sont
concernées. Bien que nombreux, chaque bénéficiaire est
nominativement désigné.

B) : Intérêt de la distinction.

Malgré son caractère général et impersonnel, l’acte règlementaire est


plus proche de l’acte non règlementaire c'est-à-dire l’acte individuel que
de la loi. Ainsi, l’acte règlementaire peut être annulé par le juge saisi d’un
recours pour excès de pouvoir. Il peut faire l’objet d’exception d’illégalité.
Il peut être générateur de responsabilité pour l’administration. L’acte
règlementaire n’est qu’une variété de décision « exécutoire ».

Il faut cependant signaler qu’une frontière existe entre l’acte


réglementaire et l’acte non règlementaire en ce qui concerne le mode de
publicité, l’appréciation de légalité et l’interprétation par les tribunaux
judiciaires. Il n’existe pas de droits acquis au maintien d’un règlement
c'est-à-dire qu’on ne peut pas exiger qu’un règlement reste en vigueur.
L’exception d’illégalité est perpétuelle contre les règlements devant les
tribunaux administratifs. Elle est temporaire pour les actes non
règlementaires.

10
L’application d’une loi relève, en certains cas, de la publication d’un
règlement. En ce qui concerne la compétence des tribunaux
administratifs, il faut dire que les actes règlementaires des ministres
relèvent en premier et dernier ressort de la compétence du Conseil
d’Etat.

Chapitre II : La formation de la décision « exécutoire ».

La formation de la décision « exécutoire » soulève deux séries de


questions : la première est relative à la compétence de l’auteur de l’acte ;
la seconde, quant à elle, concerne la procédure d’élaboration.

Section I : La compétence.

La compétence, en droit administratif, est l’aptitude légale qu’a une


autorité administrative pour édicter un acte administratif. Autrement dit,
un acte administratif n’est valable que s’il est émis par une autorité
administrative qualifiée à cet effet par le droit.

La plupart du temps, il est aisé de déterminer l’auteur d’un acte


administratif. Mais, en cas de pluralité de participants, l’identification de
l’auteur de l’acte peut poser quelques difficultés : c’est le cas des arrêtés
interministériels. C’est pourquoi il convient d’examiner les caractères
généraux des règles de compétence, les éléments de détermination des
règles de compétence, leurs garanties ainsi que les tempéraments qui
leur sont apportés.

§ 1 : Les caractères généraux des règles de compétence .

Les règles de compétence sont d’abord déterminées soit par la


constitution, soit par les lois et les règlements. La jurisprudence peut
aussi être une source de compétence : par exemple le parallélisme des
compétences est de source jurisprudentiel. Il s’applique à l’acte contraire
c’est dire que l’autorité administrative qui est compétente pour prendre

11
une décision, l’est aussi pour prendre la décision contraire. Ainsi, celle
qui nomme est aussi celle qui peut mettre fin à la fonction.

Les règles de compétence s’imposent ensuite d’une façon stricte à


l’administration. Elles sont également d’interprétation stricte de la part du
juge. Ainsi, les infractions aux règles de compétence sont d’ordre public.
Une autorité compétente ne saurait s’inspirer de la décision d’une
autorité incompétente pour prendre sa propre décision ; une décision
prise par une autorité incompétente est irrégulière ; elle ne saurait être
couverte par une décision ultérieure de l’autorité compétente.

§2 : Les règles de détermination de la compétence.

On distingue : la compétence en raison de la matière (compétence


ratione materiae), la compétence en raison du lieu ou compétence
géographique (ratione loci), et la compétence en raison du temps ou
compétence temporelle (ratione temporis).

A) : La compétence en raison de la matière (rationne materiae).

La compétence en raison de la matière ou compétence matérielle signifie


que l’auteur de l’acte administratif doit être compétent dans la matière où
il intervient. La compétence matérielle est fixée le plus souvent par les
textes et est fonction de la mission de l’autorité en question.

1) : La répartition des compétences.

L’administration est organisée sur une base hiérarchique. On distingue


donc des autorités supérieures et des autorités inférieures ou
subordonnées. Les compétences sont réparties sur cette même base. Il
ne peut pas y avoir empiètement de l’autorité supérieure sur le domaine
de autorité inférieure et inversement. Dans ces conditions, une décision
prise par une autorité inférieure dans la limite de ses compétences, mais
contraire à un ordre du supérieur hiérarchique conserve sa validité
juridique.
La répartition des compétences telle que décrite ne peut pas être
modifiée par les autorités administratives elles mêmes. Néanmoins des
textes peuvent prévoir des délégations de compétence.

2) : La délégation de compétence.

12
Elle consiste pour une autorité administrative à transférer une partie de
ses compétences à une autre autorité administrative. Par exemple du
ministre au secrétaire général. Il existe deux sortes de délégation de
compétence : la délégation de pouvoir et la délégation de signature.
- la délégation de pouvoirs : elle consiste pour une autorité
administrative à transférer, de façon définitive, une partie de ses
compétences à une autre autorité administrative ; par exemple le
ministre délègue son pouvoir de notation au secrétaire général ; dans
cette hypothèse le ministre ne peut plus exercer cette compétence
tant que durera la délégation.
La délégation de pouvoirs reste valable même si le secrétaire général
Tanga vient à être remplacé par Gérard ou si le ministre lui-même vient à
changer. La délégation de pouvoir s’attache à la fonction et non à
l’individu.

- la délégation de signature : elle décharge simplement une


autorité administrative de sa tâche matérielle de signer ; elle ne
modifie pas l’ordre des compétences ; elle n’est plus valable dès
lors qu’il y a changement dans la personne de l’autorité
administrative soit qui a délégué, soit de celle au profit de laquelle
la délégation a été faite ; par exemple le ministre délègue sa
signature pour les décisions de congés au secrétaire général ;
entre temps le secrétaire est relevé de ses fonctions ; la
délégation de signature n’est plus valable ; il en va de même si, à
un remaniement, le ministre n’est pas reconduit ; dans les deux
cas le ministre doit prendre un nouvel acte de délégation de
signature.
La délégation de signature s’attache à l’individu et pose d’une
certaine manière une question de confiance.

Il faut signaler que le décret portant organisation type des


départements ministériels instaure automatiquement une délégation
de signature au profit des secrétaires généraux dans certaines
matières. Dans ce cas particulier, l’acte de délégation ne concernera
que les matières non couvertes par le décret.
Il faut également rappeler qu’il n’y a pas de délégation sans texte ;
que la délégation doit être partielle ; que l’autorité qui délègue est
appelée autorité délégante et celle qui reçoit est l’autorité délégataire.

3) : la subdélégation.

13
La subdélégation est le fait pour une autorité qui a reçu délégation
puisse elle déléguer ses pouvoirs à une autre autorité.
Une première est celle où un décret renvoi à un arrêté ou à des arrêtés
de préciser les modalités d’application d’un article. Dans ce cas la
subdélégation est possible sous réserve que la loi n’ait réservé la fixation
des modalités d’application au décret lui-même.
Par ailleurs, la subdélégation n’est pas possible si par exemple la loi a
renvoyé expressément à des arrêtés ou arrêtés interministériels d’édicter
les mesures d’application.

Dans les autres cas, le bénéficiaire d’une délégation régulière peut


subdéléguer une partie des attributions qui lui ont été confiées à
condition que soient fixées avec une précision suffisante les mesures
dont le subdélégué aura à faire application.

Toutefois, le titulaire d’une délégation de pouvoir ne peut subdéléguer


que sous forme de délégation de signature.

B) : La compétence géographique (en raison du lieu)

Une compétence peut n’être donnée que dans des limites


géographiques bien précises ; par exemple, dans les limites d’une
circonscription territoriale comme le département, la commune, la
province ou la région. Ce faisant, la question est de savoir si l’auteur de
l’acte administratif doit se trouver sur les lieux pour que l’acte émis soit
juridiquement valable. Cette hypothèse peut éventuellement être
envisagée. Rien n’interdit qu’une disposition constitutionnelle ou
législative pose un tel principe. C’est ce qu’a admis la Cour suprême du
Sénégal dans l’arrêt Sega Seck Fall. Elle a admis sans hésiter la validité
d’un décret signé en Italie.

Au Burkina, le juge n’a pas encore eu à se prononcer sur un cas


semblable.

C) : La compétence dans le temps (ratione temporis).

Elle signifie qu’une autorité administrative ne peut valablement édicter un


acte administratif que dans l’espace de temps où elle est qualifiée pour

14
le faire. Par exemple, une personne qui n’est pas encore nommée
ministre ne saurait signer un arrêté ministériel. Inversement, un ministre
qui est relevé de ses fonctions ne peut plus prendre un acte
administratif.

Mais, il arrive qu’une autorité administrative soit désinvestie alors que


son successeur n’est pas encore nommée ; par exemple, lorsqu’il y a
dissolution d’un gouvernement. La solution retenue est que les membres
d’un gouvernement démissionnaire ou dissout continuent d’expédier les
affaires courantes jusqu’à l’entrée en fonction de leurs remplaçants. La
notion d’affaires courantes est contrôlée par le juge administratif. CE 4
avril 1952 Syndicat des quotidiens d’Algérie.

Pour éviter les inconvénients d’une telle situation, il existe la notion de


suppléance et d’intérim.

§ 3 : L’assouplissement aux règles de compétence.

Il arrive des moments où les règles normales de compétence ne peuvent


pas être respectées, soit en raison de circonstances exceptionnelles, soit
en dehors de telles circonstances. On reconnaît alors la validité des
actes des autorités normalement incompétentes et même de simples
individus. C’est la théorie du fonctionnaire de fait. Elle peut être justifiée
sur deux plans : soit par la notion d’apparence, soit par l’idée de
nécessité.

Dans la première hypothèse, le public a pu légitiment ignorer que l’auteur


d’un acte administratif a été irrégulièrement investi. Par exemple, un
fonctionnaire a été nommé haut commissaire par décret simple alors qu’il
doit l’être par décret en conseil des ministres, maintient d’un
fonctionnaire au-delà de l’âge limite de la retraite sans réquisition.

Dans la seconde hypothèse, la nécessité du fonctionnement des


services publics peut expliquer la validité des actes d’une autorité
normalement incompétente : les autorités administratives peuvent avoir
disparu ; un comité se met en place pour permettre au service de
continuer de fonctionner : par exemple l’état civil.

La théorie du fonctionnaire de fait s’applique également dans les


périodes insurrectionnelles, dès lors que les actes pris par le
gouvernement insurrectionnel concernent les services dont le
fonctionnement ne peut pas être interrompu comme l’état civil.

15
En dehors de la théorie du fonctionnaire de fait, les règles de
compétence doivent être rigoureusement respectées.

§ 4 La sanction du non respect des règles de compétence (les


garanties du respect des règles de compétence).

L’incompétence est l’illégalité, c'est-à-dire l’infraction aux règles de


compétence. Elle se présente sous deux formes :
- l’usurpation de fonction : elle consiste en l’accomplissement
d’actes administratifs en dehors de tout pouvoir légal ; les auteurs
de tels actes sont étrangers aux fonctions publiques en question
c'est-à-dire dans les domaines où ils sont intervenus.
- l’empiètement de fonction : il consiste, pour une autorité
administrative, à agir dans les attributions d’une autre autorité
administrative : par exemple, le directeur général des études et
des statistiques sectorielles qui intervient dans les attributions du
directeur de l’administration et des finances ; le haut commissaire
du Kadiogo qui intervient dans les attributions du haut
commissaire du Bazéga.
La sanction du non respect des règles de compétence est l’annulation
des actes pris dans de telles conditions par la voie du recours pour
excès de pouvoir.

Section II : La procédure d’élaboration de la décision


« exécutoire ».

L’élaboration des actes administratifs doit, d’une façon générale,


respecter des règles de forme et de procédure. L’ensemble de ces
règles est appelé procédure administrative non contentieuse c'est-à-dire
qu’elle s’applique en dehors de tout litige. Elle s’oppose à la procédure
contentieuse qui suppose un litige.

La procédure d’élaboration des actes administratifs garantit les droits des


administrés ; en outre, elle permet à l’administration de réfléchir.

L’étude de la procédure d’élaboration des actes administratifs (décision


« exécutoire ») permet de se situer à un double point de vue : l’édiction
de l’acte et la procédure proprement dite.

§ 1 : L’édiction de l’acte.

Avant la prise d’une décision, l’autorité administrative doit accomplir un


certain nombre d’opérations qui tiennent à la forme, à la motivation, au

16
parallélisme des formes. L’inobservation de ces opérations entraîne des
sanctions.

A) : La forme de l’acte.

L’acte administratif peut être écrit ou verbal. La forme écrite n’est de


rigueur que si elle est exigée par la loi ou plus généralement par le texte
qui régit l’acte. Par exemple, l’acte de délégation de compétence ou qui
autorise la délégation doit être nécessairement écrit.
Le recours pour excès de pouvoir est recevable contre un acte
administratif verbal.

Les décisions administratives peuvent être explicites ou implicites. En


principe, les décisions administratives sont explicites c'est-à-dire que
l’administration doit exprimer clairement sa volonté. Par exemple, la
requête de monsieur Edgar relative à son reclassement est rejetée.

Mais il arrive qu’un texte accorde au silence gardé par l’administration


pendant un certain temps, à la suite d’une demande de l’administré, une
signification : acceptation ou rejet. Il y a alors décision implicite. Ainsi,
aux termes de la loi du 17 juillet 1900, le silence gardé par
l’administration pendant quatre mois suite à une réclamation de
l’administré, est considéré comme un rejet. Ce délai est aujourd’hui de
deux mois dans le système français. Au Burkina, la loi organique relative
au Conseil d’Etat prescrit toujours un délai de quatre mois. Les délais de
recours pour excès de pouvoir courent à l’expiration de ce délai. Par
contre, selon l’article 231 du code général des collectivités territoriales,
l’approbation ou l’autorisation est réputée acquise trente jours à partir de
l’accusé de réception délivré par l’autorité de tutelle.

En ce qui concerne toujours la forme, on peut citer la signature et le


contreseing. La signature permet d’identifier l’auteur de l’acte.

B) : La motivation de l’acte.

Motiver un acte administratif, c’est énoncer dans l’acte lui-même le ou


les motifs qui l’ont inspiré c'est-à-dire les considérations de fait ou de
droit. Dans le droit français jusqu’en 1979, l’administration n’était tenue
de motiver ses décisions que si un texte l’y obligeait. Mais le juge n’était
pas de cet avis. Il considérait que la motivation était exigée de façon
implicite lorsque cette motivation était nécessaire pour apprécier si les
conditions d’exercice de la compétence sont respectées.

17
Depuis la loi du 11 juillet 1979, la motivation est obligatoire pour un
certain nombre d’actes administratifs. Il en va ainsi des décisions
individuelles qui restreignent les libertés publiques, ou qui constituent
d’une manière générale des mesures de police ; il en va de même des
décisions qui infligent une sanction, qui subordonnent l’octroi d’une
autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions, qui
refusent une autorisation, retirent ou abrogent une décision créatrice de
droit ; qui opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les
personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ; qui
dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. Toutefois
la loi de 1979 n’a pas imposé une obligation générale de motiver. Ainsi
l’urgence absolue justifie légalement l’inobservation de l’obligation de
motiver. L’obligation de motiver est également limitée par le respect du
secret médical ; elle ne concerne pas non plus des secrets comme les
délibérations du gouvernement, de la défense nationale, de la politique
extérieure, de la sûreté de l’Etat, de la sécurité publique.

En ce qui concerne les décisions implicites défavorables, les motifs


doivent être transmis à l’intéressé.

Au Burkina, les mêmes règles semblent prévaloir. Par exemple, le défunt


Président du défunt CNR avait institué, mais verbalement une obligation
de motiver lors d’un meeting surtout pour la notation des fonctionnaires.

Le défaut de motivation entraîne l’annulation de l’acte par le juge saisi


d’un recours pour excès de pouvoir. Les motifs constituent des éléments
de légalité interne de l’acte administratif.
S’agissant toujours de la forme, il faut signaler que l’absence de visa
dans un acte administratif ne rend pas pour autant l’acte illégal.

C) : Le parallélisme des forme.

Le principe du parallélisme des formes s’applique à ce qu’on appelle


l’acte contraire. L’acte contraire est un acte dont l’objet est de supprimer
ou de modifier un acte administratif antérieur. Le principe du parallélisme
des formes signifie que l’acte contraire doit intervenir dans les mêmes
formes que l’acte qu’il doit supprimer. Le parallélisme des formes ne
s’impose pas avec la même rigueur que le parallélisme des
compétences. Il ne s’impose que « si les raisons qui ont conduit le
législateur à édicter les formes particulières de l’acte initial paraissent
valoir également pour l’acte contraire » Le parallélisme des formes

18
s’applique seulement aux actes individuels. Pour les actes
règlementaires, le parallélisme des formes ne s’impose pas toujours.

D) : Les sanctions pour inobservation des règles de forme.

L’inobservation des règles de forme entraîne, en principe, l’annulation de


l’acte administratif par le juge administratif saisi par la voie du recours
pour excès de pouvoir, ce qui peut porter atteinte à la stabilité des
situations juridiques. C’est pourquoi, la jurisprudence a apporté un
tempérament à ce principe. Par conséquent, on fait une distinction entre
les formalités dites substantielles et celles qui ne le sont pas.
Les formalités substantielles sont celles auxquelles les textes qui les
imposent reconnaissent un tel caractère, c'est-à-dire que les textes qui
les imposent considèrent que si elles ne sont pas accomplies, l’acte
édicté ne peut pas avoir une existence juridique régulière. Elles
constituent une condition de la légalité externe de l’acte administratif. Est
donc une formalité substantielle celle dont l’omission a pu exercer une
influence sur la décision intervenue.

Il faut signaler que certaines formalités sont toujours considérées comme


substantielles. Il en va ainsi des contreseings ministériels, de la forme
écrite, de la motivation lorsque les textes les imposent.

§ 2 : La procédure d’édiction proprement dite.

Elle peut être consultative ou contradictoire. Les délais dans l’élaboration


des actes administratifs ne s’imposent pas à l’administration sauf si la loi
a entendu leur accorder un caractère impératif.

A) : La procédure consultative.

La décision d’une autorité administrative peut être précédée de la


consultation d’un organisme chargé de donner un avis.
Il existe trois formes de consultation : facultative, obligatoire, obligatoire
assortie d’un avis conforme.
- la consultation facultative : elle est sollicitée spontanément par
l’administration ; par exemple, si le gouvernement saisit
spontanément le Conseil économique et social pour lui solliciter
un avis sur la réforme de l’éducation ; dans cette forme de
consultation, il faut retenir que l’autorité administrative n’est pas
tenue d’y procéder et surtout, elle ne doit pas considérer qu’elle
est liée par l’avis qu’elle sollicite ;

19
- la consultation obligatoire : il arrive qu’un texte impose à
l’administration la consultation obligatoire d’un organisme avant
toute décision ; dans cette hypothèse, l’administration ne peut
pas y déroger ; elle est tenue de solliciter l’avis qui est une
formalité substantielle dont l’omission entraînera l’annulation de
l’acte édicté ; la consultation doit être effective et complète ; en
d’autres termes, l’organisme consulté doit être saisi de toutes les
questions faisant l’objet de la décision que l’on envisage de
prendre c'est-à-dire que la décision finale ne peut être différente
du projet que sur des points non essentiels ; toutefois, l’avis émis
par l’organisme consulté ne lie pas l’administration ;
- la consultation obligatoire assortie d’un avis conforme : non
seulement, l’administration est tenue de demander l’avis mais
encore de le respecter ; c’est une exigence d’ordre public qui peut
être soulevée d’office par le juge ; il faut rapprocher de la
procédure consultative, le régime des propositions ;
l’administration n’est pas tenue de suivre la proposition mais ne
peut pas la modifier.

B) : La procédure contradictoire.

Elle est dominée par le principe des droits de la défense ou « audi


alteram partem ». Elle permet à l’administré de faire des objections à une
décision que l’administration s’apprête à prendre. Elle constitue une
occasion pour l’administré de défendre ses intérêts. La procédure
contradictoire dans l’élaboration de l’acte administratif s’est inspirée de
celle observée devant les juridictions administratives.

Lorsqu’il n’est pas prévu par un texte, le principe des droits de la défense
s’analyse comme l’illustration typique des principes généraux de droit.

D’une manière générale, le principe des droits de la défense ne


s’applique qu’aux mesures administratives qui présentent le caractère de
sanction d’une certaine gravité comme le refus ou le retrait d’une
autorisation administrative ; il en va de même lorsque les décisions sont
motivées par l’intérêt général comme l’interdiction d’exercer certaines
fonctions (retrait de l’autorisation de vendre des journaux dans un
kiosque parce que l’intéressé a voulu extorquer des fonds au gérant).

Les mesures prises en considération de la personne sont soumises au


principe des droits de la défense. Il s’agit de mesures individuelles qu’on
peut définir comme prises dans l’intérêt du service et qui ne sont ni des

20
sanctions, ni la conséquence nécessaire d’une règlementation relative
au statut des agents ou à l’organisation des services : relèvement de
fonctions, licenciement pour cause d’insuffisance professionnelle, mise à
la retraite d’office, décision de ne plus proposer un agent dans une
organisation internationale etc.

Quand un acte administratif présente le caractère d’une mesure de


police, le principe des droits de la défense ne s’applique pas ; par
exemple l’interdiction d’exercer certaines professions, le retrait de visa
d’une spécialité pharmaceutique.

Le principe des droits de la défense implique que l’administré doit être


avisé de la mesure qui doit être prise ainsi que des motifs qui l’ont
inspiré. Cependant, il ne donne pas droit d’exiger la présence d’un
avocat.
Une fois la décision « exécutoire » prise, il faut envisager son
application.

Chapitre III : Les effets de la décision « exécutoire ».

La décision « exécutoire » est émise en vue de modifier


l’ordonnancement juridique existant c'est-à-dire en vue de créer des
droits au profit des administrés ou des obligations à leur charge. Il faut
alors distinguer son point de départ, son application et sa fin.

Section I : Les effets dans le temps de la décision « exécutoire.

La décision « exécutoire » naît et entre dans le monde juridique : c’est


l’entrée en vigueur. Comme elle doit modifier la situation juridique des
administrés, il faut l’exécuter : c’est l’application.

§ 1 : L’entrée en vigueur de la décision « exécutoire ».

Elle est dominée par l’émission de l’acte, le principe de non rétroactivité


et le principe de l’opposabilité aux tiers.

A) : L’émission.

21
Dès sa signature par l’autorité compétente, la décision « exécutoire » fait
son entrée dans le monde juridique. C’est au jour de l’émission que doit
être appréciée sa validité par rapport au droit existant. Par ailleurs, l’acte
administratif peut faire l’objet de mesures d’application. Par exemple, un
décret peut renvoyer à des arrêtés pour déterminer les modalités
d’application. En outre l’acte administratif individuel peut créer des droits
dès sa signature au profit de son destinataire.

B) : Le principe de la non rétroactivité.

Il signifie qu’un acte administratif, donc la décision « exécutoire », ne


peut pas avoir des effets avant la date de la signature puisque avant
cette date il n’existe pas. Le principe de la non rétroactivité s’analyse
comme un principe général de droit dégagé par la jurisprudence et
s’imposant aux autorités administratives. CE 25 juin 1948 Sté du journal
l’Aurore. En l’espèce, un arrêté du 30 décembre 1947 relevait le prix de
vente de l’électricité à partir du 1 er janvier 1948 mais s’appliquait aux
consommations antérieures à cette date c’est à dire de 1947. Sur
recours de la société du journal l’Aurore, le Conseil d’Etat affirme que
l’arrêté viole « le principe en vertu duquel, les règlements ne disposent
que pour l’avenir ». Autrement dit, ils n’ont pas d’effets rétroactifs. La
juridiction supérieure de l’ordre administratif, par ce principe, déjà
appliqué en 1935 dans l’affaire des Etablissements Vézia, a le souci
d’assurer la stabilité des situations juridiques.

Il faut néanmoins signaler que d’ordinaire, le principe de la non


rétroactivité supporte des exceptions : ainsi, la loi peut toujours prévoir la
rétroactivité ; il y a également rétroactivité lorsque l’administration tire les
conséquences de l’annulation d’un acte administratif ; de même, la
rétroactivité joue en cas de retrait.

C) : L’opposabilité de l’acte administratif.

Si l’acte administratif entre dans le monde juridique dès son émission, il


ne devient opposable aux tiers qu’à partir de sa publication. Que dire de
l’acte non publié ?

a) : La publicité des actes administratifs.

22
Deux formes de publicité sont possibles : la publication pour les actes
règlementaires ou de portée générale et impersonnelle et la notification
pour les actes individuels.

1) : La publication.

Elle se réalise la plupart du temps par l’insertion au journal officiel,


l’affichage ou la publication dans les revues spécialisées. Au Burkina,
c’est l’ordonnance 75-023/PRES du 6 mai 1975 qui organise la publicité
des actes administratifs en distinguant l’insertion au journal officiel qui
est une procédure normale et l’affichage qui est une procédure
d’urgence.

La procédure d’urgence consiste à afficher le texte lui-même ou sa


transcription télégraphique ou encore la page du journal où il est publié.
Dans la procédure d’urgence, la date d’affichage doit être mentionnée.
C’est à partir de la date de publication que courent les délais
contentieux. Deux arrêts de la chambre administrative de la cour
suprême illustrent cette position : « Attendu que tous les actes
règlementaires doivent en principe être publiés : que cette publication
constitue le point de départ des délais contentieux » (CACS. 26 janvier
1973 Guigma Casimir c/ Commune de Ouagadougou) ; « Attendu que la
circulaire n°9/IS/DI du 21 janvier 1965 ne fit l’objet d’aucune publication
régulière alors qu’elle eût mérité une diffusion générale et publique par le
truchement du journal officiel pour modifier profondément les dispositions
d’un décret régulièrement publié… » (CACS, 25 mai 1973, Thiombiano
Babribilé c/République de Haute Volta).

Toutefois, les actes règlementaires publiés ne sont opposables aux tiers,


c’est- à- dire exécutoires sur le territoire que huit jours après leur
publication. Ce délai court pour compter de la date de parution du
numéro officiel ou légal où ils ont été publiés. En dehors de la province
du Kadiogo, ils sont applicables un jour franc pour compter du jour de la
réception du numéro du journal officiel au chef lieu de province.

2) : La notification.

Elle concerne les actes individuels. Elle se réalise par récépissé de la


partie intéressée c'est-à-dire par un document qui atteste que l’intéressé
a eu connaissance de l’acte en cause. A défaut, on conserve l’original de
la notification dans les archives de l’autorité qui a pris la décision.

23
Dans la pratique, la notification est réalisée par la transmission d’un
registre que l’intéressé émarge ou par l’affichage. Par exemple, les
résultats d’un concours. On peut également utiliser la radio.

Il faut cependant préciser qu’en matière de décisions individuelles,


lorsque les intéressés sont trop nombreux ou lorsque l’intéressé n’est
pas connu, la publication peut remplacer la notification : par exemple, la
publication des listes d’aptitude dans l’enseignement ; la délimitation
d’un domaine fluvial à l’égard des propriétaires non inscrits au cadastre
ou qui ont négligé de se faire connaître.

b) : L’acte non publié.

La question est de savoir si l’acte non publié peut être appliqué. Pour y
répondre, il faut distinguer l’application de l’opposabilité aux tiers. L’acte
administratif est juridiquement valable dès son émission. Rien ne
s’oppose donc à son application par l’administration. Mais la
jurisprudence décide qu’il ne peut produire des effets à l’égard des
administrés qu’une fois publié : CE 18 juillet 1914, syndicat national des
chemins de fer, S 1914,3-1 : la juridiction supérieure a reconnu la légalité
d’un arrêté qui convoquait les cheminots grévistes pour une période
militaire alors que l’arrêté se fondait sur un décret non publié.
Cependant, les intéressés ne sont tenus de déférer à la convocation
qu’une fois les deux textes publiés.

Par ailleurs, si l’acte non publié ne produit des effets à l’égard des
administrés qu’une fois publié, peut-il lier l’administration ? Autrement dit,
l’administré peut-il se prévaloir des droits que lui confère un acte non
publié ?
S’il s’agit de décision individuelle, la réponse est affirmative : CE, 14 mai
1954, Clavel ; dans l’espèce, c’est le retrait d’un décret portant promotion
au grade d’officier de la légion d’honneur au motif que l’intéressé ne
l’avait pas encore reçu qui a été annulé ; pour le juge, l’acte administratif
individuel produit ses effets dès la signature.

Par contre les actes règlementaires ne peuvent créer des droits au profit
des administrés ou des obligations à leur charge qu’une fois publiés.

c) Les délais de recours.

Les délais de droit commun sont de deux mois pour compter de la


publication ou de la notification.

24
Cependant des textes peuvent instituer des délais spécifiques à certains
types de contentieux (ce sont généralement les textes institutifs) qui
peuvent correspondre aux délais de droit commun ou plus brefs que ces
délais. C’est le cas en matière de contentieux électoral, fiscal, de
contentieux s’agissant des décisions de l’autorité de régulation de
communications électroniques.

Il faut noter qu’il existe des types de contentieux qui sont soustraits à la
condition de délai par le juge. Il en va ainsi en matière de travaux
publics : « considérant que le marché n°108/90 relatif à la construction
de deux blocs pédagogiques…est administratif en tant que marché
public par détermination de la loi ; que le litige opposant EBCPC, Congo
Idrissa à l’Ecole Nationale des régies financières (ENAREF) est relatif à
l’exécution de travaux publics et que le contentieux des travaux publics
n’est soumis à aucun délai de recours contentieux » (CACS,14 mai
1996, EBCPC., Congo Idriss c./ Ecole nationale des régies Financières,
(ENAREF) c/ Etat burkinabè).

§ 2 : La perte de vigueur de l’acte administratif (la « mort » de l’acte


administratif).

La perte de vigueur signifie que l’acte administratif cesse de produire ses


effets c'est-à-dire qu’il cesse d’exister ou encore qu’il prend fin. La fin
d’un acte administratif peut intervenir de deux façons.
- tout d’abord, l’acte administratif peut prendre fin en dehors de la
volonté de son auteur ; il peut par exemple être annulé par le juge
administratif mais cela ne peut se produire qu’à la suite d’un
litige ; l’acte administratif peut aussi prendre fin par la disparition
de l’objet qui l’a motivé ou devenir caduc par le décès de
l’intéressé ; le changement de circonstances peut amener l’auteur
d’un règlement à le modifier ou à l’abroger ; l’acte administratif
peut disparaître par l’arrivée du terme prescrit.
- ensuite, l’administratif peut prendre fin par la volonté de
l’administration qui l’a édicté ; on parle alors de retrait ou
d’abrogation ; ce sont ces deux aspects qui vont être abordés.

A) : Le retrait de l’acte administratif.

25
Le retrait fait disparaître les effets de l’acte administratif tant pour l’avenir
que pour le passé. Autrement dit, l’acte administratif qui a fait l’objet d’un
retrait cesse de produire des effets juridiques pour l’avenir mais aussi,
entraîne dans sa disparition les effets déjà produits. Le retrait correspond
à une annulation rétroactive. Le retrait va à l’encontre du principe de la
non rétroactivité. Il faut alors distinguer le retrait des actes administratifs
réguliers de celui des actes administratifs non réguliers.

a) : Le retrait des actes administratifs réguliers.

Les rapports juridiques ont besoin d’une certaine sécurité et d’une


certaine stabilité. Aussi, doit-on se situer à un double point de vue
s’agissant des décisions individuelles. Si la décision individuelle n’a pas
créé de droits, le retrait est toujours possible puisqu’il n’a pas d’incidence
sur la situation juridique des administrés. Par exemple, une décision
administrative qui se borne à liquider une dette c’est- à- dire à chiffrer le
montant de la somme due par l’administration n’est pas créatrice de droit
puisqu’elle ne fait que constater. Tel est le cas des erreurs commises
lors des reversements en application de la loi 81. Il en va de même du
montant des dommages destinés à réparer un préjudice ; il en va
également de même des décisions négatives : par exemple le rejet d’une
demande.
Les mesures d’autorisation de police ou d’occupation du domaine public
ne sont pas créatrices de droits.

Lorsque l’acte régulier a fait naître des droits, le retrait est impossible :
par exemple, le retrait d’une décision qui a régulièrement rapporté une
mesure disciplinaire n’est pas possible sauf, dans quelques cas. Le
retrait est possible lorsque l’administration le fait pour l’exécution d’une
loi.

b) : Le retrait des actes irréguliers.

Le retrait de l’acte irrégulier est en principe obligatoire car l’acte irrégulier


n’a pas pu faire acquérir des droits. Le retrait de l’acte irrégulier est la
sanction de l’illégalité dont il est entaché. Mais, en raison de la stabilité
des situations juridiques, on est conduit à reconnaître que l’acte irrégulier
a fait naître ou non des droits .Quand l’acte n’a pas fait naître des droits,
le retrait est possible à tout moment. Dans le cas contraire, le retrait n’est
possible que dans les délais de recours contentieux, c’est-à-dire dans les
délais de deux mois à compter de la date de publication de l’acte. La
justification est que dans ce délai, un recours pour excès de pouvoir,

26
c'est-à-dire tendant à l’annulation de la décision, s’il est introduit, a toutes
les chances de prospérer : CE, 3 novembre 1922, Dame Cachet.
L’acte irrégulier non publié peut faire l’objet de retrait à tout moment.

B) : L’abrogation.

Elle fait disparaître les effets d’un acte administratif pour l’avenir.
Une décision « exécutoire » qui n’a pas fait naître des droits peut
toujours être abrogée.
Quand la décision a ait naître des droits, il faut distinguer deux cas :
- s’il s’agit d’une décision règlementaire, c’es-à-dire de portée
générale et impersonnelle, l’abrogation est toujours possible : en
effet, on n’a pas de droits acquis au maintien d’un règlement ; en
d’autres termes, l’administré ne peut pas réclamer que
l’administration garde un règlement en vigueur ;
- par contre s’il s’agit d’une décision individuelle qui a créé des
droits, l’abrogation ne peut pas intervenir en vertu de l’intangibilité
des effets de l’acte administratif. Comme dans l’hypothèse du
retrait, l’intangibilité signifie que l’abrogation n’est possible que si
un texte antérieur le permet et selon la procédure qu’il fixe. En
clair, l’abrogation ne peut intervenir que par le procédé de l’acte
contraire. En ce domaine, l’administration ne dispose pas d’un
pouvoir discrétionnaire mais d’une compétence règlementée.

Section II : L’application de la décision « exécutoire »

Il s’agit de nous interroger sur la force juridique de la décision


« exécutoire », sur les moyens dont dispose l’administré pour différer
l’exécution de la décision, de ceux dont dispose l’administration pour
contraindre l’administré récalcitrant.

§ 1 : La force juridique de la décision « exécutoire ».

L’administration peut modifier la situation juridique, c'est-à-dire


l’ordonnancement juridique, sans le consentement des administrés.
Ainsi, elle peut leur imposer des obligations à leur charge ou créer des
droits à leur profit. La décision de l’administration s’impose dès la
signature : c’est le privilège du préalable.

Le privilège du préalable exprime l’idée selon laquelle l’acte administratif


entraîne modification du droit existant sans intervention préalable auprès

27
du juge. Autrement dit, l’administration n’a pas besoin, au préalable, de
l’intervention du juge pour faire valoir ses droits. La conséquence du
privilège du préalable est que c’est l’administré qui doit contester la
décision de l’administration. Dans ces conditions, l’administré se trouve
toujours dans la position de demandeur. La saisine d’une juridiction ne
suspend pas l’exécution d’un acte administratif.

C’est au requérant d’apporter la preuve de l’illégalité de la décision.


L’administration se trouve toujours dans la position de défendeur. On dit
que l’acte administratif possède l’autorité de la « chose décidée ».
Toutefois l’autorité de la chose décidée est d’une portée juridique
inférieure à celle de la chose jugée car la décision « exécutoire » peut
faire l’objet d’un retrait alors qu’il n’y a pas de retrait de jugement.

§ 2 : Le sursis à exécution.

Le sursis à exécution permet de suspendre c'est-à-dire de différer


l’application de l’acte administratif. Le sursis à exécution doit être
demandé par l’administré en introduisant une requête différente de celle
tendant à l’annulation de la décision.

A) : La situation antérieure à 2000 dans le système burkinabé et


français.
Il faut que certaines conditions soient remplies pour que le juge
prononce le sursis à exécution.
- il doit s’agir d’une décision positive ; le rejet d’une demande ne
saurait donner lieu à un sursis à exécution ;
- il faut que la décision n’ait pas été exécutée sauf si elle produit
des effets durables au-delà de la date d’exécution : par exemple
l’expulsion d’un étranger ;
- il faut que l’exécution de la décision ait des conséquences
irréparables ou difficilement réparables : par exemple la
démolition d’un monument historique ; le percement d’une route
sur l’emplacement précis d’une concession (CACS 12 mai 1972,
Ouédraogo Martial et Ouédraogo Emmanuel c/ commune de
Ouagadougou).
- les moyens énoncés dans la requête devaient paraître en « l’état
de l’instruction, sérieux et de nature à justifier son annulation
((CACS 12 mai 1972, Ouédraogo Martial et Ouédraogo
Emmanuel c/ commune de Ouagadougou).

28
B) : La réforme dans le système français.

Les développements qui suivent ne concernent pas le Burkina.


La réforme dans le système français est intervenue avec la loi du 30 juin
2000 relative au référé devant le juge administratif. Cette loi ne parle
plus de sursis à exécution mais de référés. Elle en distingue trois
grandes catégories : d’une part les référés qui ne sont pas susceptibles
de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative à savoir le
référé constat, le référé instruction, le référé provision et le référé
conservatoire ; d’autre part les référés qui sont susceptibles de faire
obstacle à l’exécution d’une décision administrative comme le référé-
suspension et le référé-liberté, enfin les référés spécifiques à certains
contentieux comme le contentieux fiscal.

Auparavant, le conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du


27 janvier 1987, que la possibilité d’obtenir un sursis à exécution jusqu’à
ce que le juge statue au fond constitue une garantie essentielle des
droits de la défense. Désormais, « quand une décision administrative,
même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation,
le juge des référés, saisi d’une demande dans ce sens, peut ordonner la
suspension de l’exécution de cette décision, ou certains de ses effets,
lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à
créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la
décision ».

Deux conditions sont exigées pour qu’il y ait un sursis à exécution ou un


référé suspension : l’urgence et le moyen invoqué.

a) : Les conditions liées à l’urgence.

Pour le conseil d’Etat, et avant la réforme, tout ce qui était réparable en


argent n’était pas difficilement réparable. Depuis la réforme, le juge peut
ordonner la suspension d’une décision qui n’aurait qu’un objet ou des
répercussions purement financiers (CE 19 janvier 2001, confédération
des radios libres, AJDA 2001 p 150, D 2001 p 1414). L’urgence doit être
appréciée globalement et objectivement au cas par cas en mettant en
balance les intérêts du requérant et d’autres intérêts publics invoqués
par l’administration : CE sect. 22 février 2002, société des pétroles Shell
CJEG 2002 p 454 (décision imposant des prescriptions spéciales à une
station service telles qu’elles impliqueraient la réalisation de travaux
extrêmement importants alors que le risque d’accident qu’il s’agit de
prévoir est infime).

29
Dans certains cas, l’objet de la décision suffit à justifier l’urgence comme
dans les cas d’expulsion d’étrangers, de refus de renouvellement ou de
retrait d’un titre de séjour ou même en cas d’octroi d’un permis de
construire.

Le juge tient naturellement compte de la date prévisible du jugement au


fond ou même des dates d’introduction de la requête en annulation et de
celle de suspension.

b) : Le moyen invoqué.

Il doit être de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la


décision attaquée. On ne note pas de différence importante avec la
situation dans le sursis à exécution. Toutefois le juge doit désigner avec
précision le moyen qui est de nature à créer un doute sérieux. Le juge
dispose en la matière de larges pouvoirs d’appréciation.

§ 3 Les moyens dont dispose l’administration pour assurer


l’exécution d’un acte administratif.

On distingue les sanctions pour inexécution, l’exécution d’office et


l’exécution par voie de justice.

A) : Les sanctions pour inexécution.

Deux sortes de sanctions sont utilisées : les sanctions pénales et les


sanctions administratives.
- les sanctions pénales : elles sont destinées à sanctionner la
violation d’une réglementation et sont prévues par des lois : par
exemple, les règlements de police sont assortis de sanctions
pénales comme les peines d’amende ou même
d’emprisonnement en ce qui concerne les actes administratifs
individuels ;
- les sanctions administratives : la loi permet bien souvent aux
autorités administratives d’infliger elles mêmes des sanctions.
Les sanctions administratives ont-elles aussi un caractère punitif :
fermeture d’établissement, confiscation ou retrait de cartes
professionnelles, du permis de conduire etc.

30
Le pouvoir de sanction est un pouvoir exorbitant parce qu’il appartient à
une autorité étrangère aux juridictions pénales.

Le pouvoir de sanction existe aussi bien pour les actes administratifs que
pour d’autres domaines comme la législation économique.
Les sanctions administratives se rapprochent des sanctions pénales
sans se confondre à elles. Généralement, la sanction administrative est
destinée à sanctionner une faute. Il en découle un certain nombre de
conséquences : la répression administrative est indépendante de la
répression pénale c'est-à-dire que l’autorité de la chose jugée au pénal
ne lie pas en principe l’administration ; ainsi l’administré peut se voir
infligé une sanction administrative malgré un acquittement au pénal ; les
sanctions administratives peuvent se cumuler avec les sanctions
pénales ; les sanctions administratives sont applicables aux personnes
morales ; elles peuvent faire l’objet de transaction ; les décisions
infligeant des sanctions administratives sont des actes administratifs et
comme tels sont susceptibles du recours pour excès de pouvoir.

B) : L’exécution d’office ou action d’office.

Elle consiste pour l’administration à assurer l’exécution d’un acte au


moyen de la contrainte contre le particulier récalcitrant. L’exécution
d’office est particulière à la conception française du droit administratif.
Elle repose sur l’idée que les lois, et partant les actes administratifs qui
doivent en assurer l’application, doivent toujours être exécutées. Mais,
même dans la conception française, l’exécution d’office présente un
caractère exorbitant et est contenue dans des limites étroites :
- tout d’abord, il faut qu’une loi ait prévu l’action d’office ou
l’exécution forcée : ainsi la loi du juillet 1877, relative aux
réquisitions militaires, dans le droit français permet qu’en cas de
« mauvais vouloir des habitants » le recouvrement des
prestations requises soit « assuré au besoin par la force ; de
même lorsque l’arrêté municipal ou préfectoral ordonnant la
suppression ou la mise en conformité des publicités, des
enseignes et pré enseignes n’a pas été exécuté dans le délai
prescrit, le maire ou le préfet peut faire exécuter les travaux
prescrits ;
- ensuite il faut qu’il n’existe pas une autre voie de droit pour
sanctionner le comportement de l’administré récalcitrant et
l’inciter ainsi à exécuter la décision qui s’impose à lui car force
doit rester à la loi ;
- enfin, il faut qu’il y ait urgence même si des voies de droit existent
(société immobilière de Saint Just) car « quand la maison brûle,

31
on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer des
pompiers » selon la célèbre formule du commissaire du
gouvernement Romieu.

En l’absence de texte, d’inexistence d’une autre voie de droit ou


d’urgence, l’exécution d’office ne peut être utilisée que s’il n’existe
aucune autre sanction légale, que l’acte ait été pris en application d’une
loi, que les mesures d’exécution soient limitées à la réalisation de
l’opération prescrite, enfin il faut qu’il y ait objet à exécution forcée (Sté
immobilière de saint Just).

L’emploi illégal de l’exécution d’office peut donner lieu à réparation c'est-


à-dire au paiement de dommages intérêts. Il peut constituer, en outre
une voie de fait (atteinte à une propriété privé ou à une liberté
fondamentale), entraînant la compétence des tribunaux judiciaires ; il
peut aussi engager la responsabilité de l’administration et
éventuellement celle du fonctionnaire pour faute personnelle (action
française).

C : L’exécution par voie de justice.

On pourrait concevoir que lorsque l’administration n’use pas de la


procédure de l’action d’office, elle puisse saisir, soit le juge pénal
(poursuites pénales), soit le juge civil pour obtenir un jugement
d’exécution. Les sanctions pénales sont seules utilisées, semble-t-il. En
effet, l’action civile (saisine du juge des référés aux fins d’ordonner
l’expulsion des récalcitrants des logements réquisitionnés) n’est en
principe pas ouverte à l’administration car elle se heurte à
l’incompétence du juge civil pour connaître des actes administratifs. Le
juge administratif, pour sa part, se montre hostile à l’action civile.

DEUXIEME PARTIE : LES CONTRATS ADMINISTRATIFS.

A coté de l’acte administratif unilatéral, le contrat occupe une place


importante dans l’action administrative. En effet, l’administration recourt
largement au procédé contractuel pour l’accomplissement de sa mission.
On parle alors de contrats de l’administration. On en distingue deux
catégories : les contrats administratifs et les contrats de droit commun ou
de droit privé de l’administration.

32
Comment opère-t-on la distinction entre les deux catégories de
contrats ? Quelle est la procédure de conclusion et quels sont les
problèmes que soulève l’exécution des contrats administratifs ?

Chapitre I : Distinction et conclusion des contrats administratifs.

Section I : Distinction entre contrats administratifs et contrats de


droit privé de l’administration.

Tous les contrats de l’administration ne sont pas des contrats


administratifs. Seuls ces derniers sont soumis aux règles spéciales du
droit administratif. Les litiges qui peuvent survenir à leur propos relèvent
de la compétence du juge administratif. On distingue les contrats
administratifs par détermination de la loi et les contrats administratifs
selon la jurisprudence. Après avoir étudié les critères des contrats
administratifs, on procèdera à leur classification.

§ 1 : Les contrats administratifs par détermination de la loi.

La loi fait toujours de certains contrats de l’administration des contrats


administratifs. Pour cette catégorie, la loi prévoit toujours la compétence
des tribunaux administratifs pour trancher les litiges qui les concernent :
c’est le cas des marchés de travaux publics, des ventes des immeubles
de l’Etat, des contrats portant occupation du domaine public, des
contrats d’emprunt public de l’Etat.

A l’inverse, il existe des contrats de droit privé de l’administration par


détermination de la loi : il en va ainsi des contrats relatifs au service des
ordinaires des corps de troupe.

§ 2 : Les contrats administratifs selon la jurisprudence.

Certains éléments comme les formes et les procédures, les distinctions


entre les diverses collectivités publiques, ne sont pas déterminants dans
la distinction entre contrats administratifs et contrats de droit privé de
l’administration. Il en va de même des services publics industriels et
commerciaux dont la catégorie n’existe plus au Burkina.

33
Par contre, la jurisprudence exige la présence d’une personne publique
pour qu’il y ait contrat administratif. Toutefois, la jurisprudence fait appel
à la notion de représentation et de mandat c’est-à-dire qu’un contrat,
conclu entre deux personnes privées, peut être un contrat administratif.
Par exemple, dans le cas du mandat, une personne publique donne
mandat à une personne privée de conclure le contrat en son nom.
Dans la seconde hypothèse est qu’une personne privée agisse pour le
compte d’une personne publique. Par exemple l’Etat burkinabé crée une
société à capitaux publics pour la construction des échangeurs au
Burkina (société des échangeurs). Cette société avec l’entreprise
SATOM pour la construction de l’échangeur du nord. On dira que la
société des échangeurs du Burkina agit pour le compte de l’Etat. Le
contrat avec SATOM est un contrat administratif.
La dernière hypothèse de la transparence. Par exemple l’Etat une
association pour la promotion de la sécurité routière qu’il finance
entièrement. Si cette association conclut des contrats avec des
personnes privés, ces contrats peuvent être des contrats administratif
car à travers cette association, c’est l’Etat qu’on voit. On dit que
l’association est transparente.
Dans la pratique, la jurisprudence utilise un critère alternatif à savoir le
choix par l’administration du procédé de droit public et l’objet même du
contrat qui, dans certains cas, le rend nécessairement administratif. A
cet effet, deux grandes étapes doivent être retenues dans l’évolution de
la jurisprudence : la première étape a été marquée par la notion de
« clause exorbitante » (CE 31 juillet 1912, Société des granits
porphyroïdes des Vosges. GA n° 29) et la seconde est liée à la notion de
service public.

A) : La clause exorbitante et le contrat administratif.

On ne peut dégager le caractère exorbitant d’une clause que par des


traits. La clause exorbitante est celle que ne peut comporter un contrat
entre particuliers : « si l’intervention de l’Etat en cette matière (minière) a
pour justification, d’une part l’intérêt qui s’attache aux besoins de la
défense nationale et d’autre part l’insuffisance des moyens de l’initiative
privée », la nature des conventions litigieuses « doit être déterminée
d’après les stipulations qu’elles comportent ». Tel serait le cas parce
qu’insérées dans un contrat civil, de telles clauses sont soit contraires à
l’ordre public, soit simplement parce qu’elles y sont inhabituelles ou que
les fondements ne sont pas les mêmes : c’est le cas du pouvoir de
résiliation discrétionnaire, de contrôle exorbitant, du droit de percevoir
des taxes vis-à-vis des tiers, du privilège de l’exclusivité (Sté du
vélodrome du parc des princes D 1967 p 416 concl Lindon).

34
Il faut rapprocher de la notion de clause exorbitante, les contrats conclus
sous un régime exorbitant. Ces contrats sont administratifs même s’ils
n’ont pas un rapport direct avec le service et même s’ils ne contiennent
pas de clauses exorbitantes. Par exemple quand le législateur oblige les
parties à conclure un contrat et prévoit que l’administration tranche en
cas de désaccord. Par exemple la production d’électricité est libre au
Burkina. Mais la distribution est le monopole de la SONABEL. Si des
privés installent des centrales pour produire de l’électricité et sont obligés
de vendre leur production à la SONABEL et qu’en cas de désaccord sur
les prix, c’est l’Etat qui tranche.

B) : Le service public et le contrat administratif.

C’est le second critère du contrat administratif. Mais, il ne suffit pas que


le contrat ait seulement un lien avec le service. Le service public n’est un
critère du contrat administratif que dans deux cas : la participation à
l’exécution même du service et l’objet même du contrat.

a) : La participation à l’exécution même du service public.

Cette hypothèse exclut la simple collaboration. L’exemple le plus


traditionnel est la concession de service public qui consiste à confier à
un privé l’exécution du service. Il en va de même quand un contrat entre
l’administration et un particulier confie à ce dernier l’exécution d’une
partie du service : CE 20 avril 1956 Epoux Bertin, GA n° 74 (les
ressortissants soviétiques qui se trouvaient en France au moment de la
libération avaient été hébergés dans des centres de rapatriement placés
sous l’autorité du ministre des anciens combattants ; le 22 novembre
1944, les époux Bertin s’étaient engagés à les héberger par un contrat
verbal passé avec le chef du centre ; le 1er décembre, le chef du centre
leur demanda de servir un supplément de nourriture, mais le ministre des
anciens combattants refusa de payer le montant d’une prime pour ce
supplément ; le Conseil d’Etat admit que le contrat qui confiait à un
particulier « l’exécution même d’un service public » est nécessairement
un contrat administratif.
Dans cet arrêt, les époux Bertin n’étaient pas simplement des
collaborateurs mais avaient exécuté eux-mêmes le service public de
l’alimentation.
La participation à l’exécution du service est définie dans un sens étroit.
Mais il est souvent difficile de distinguer la participation et la simple

35
collaboration : c’est l’exemple des collaborateurs contractuels de
l’administration.

b) : Le contrat ayant pour objet même l’exécution du service.

Dans cette seconde hypothèse, c’est le service qui s’exécute par la


conclusion du contrat : c’est le cas des opérations de décentralisation
industrielle pour assurer le développement d’une commune. On parle ici
de l’exécution d’une mission de service public. Dès lors, on est en
présence d’un contrat administratif : CE 26 juin 1974, Maison des
isolants de France. Dans cet arrêt, une commune s’était engagée à
vendre à une entreprise des terrains à bas prix, à les équiper et à
prendre en charge certains frais ; en contrepartie, l’entreprise
s’engageait à transférer une partie de ses activités dans la commune et
à employer au moins 100 ouvriers mais continuait à exercer des
activités privées ; un tel contrat est administratif parce qu’il constitue un
moyen d’exécution du service public. Ce critère se distingue du premier
qui implique la participation du contractant à l’exécution du service
public.

§ 3 : La classification des contrats administratifs.

On distingue essentiellement :
- les délégations de service public : ce sont des contrats
administratifs écrits par lesquels une personne morale de droit
public ou de droit privé confie la gestion d’un service public
relevant de sa compétence à un délégataire dont la rémunération
est liée ou substantiellement assurée par les résultats de
l’exploitation du service ; les délégations de service public
comprennent : les régies intéressées, les affermages, les
concessions de service public.
- les marchés de travaux publics confient à un entrepreneur
l’exécution ou la conception et l’exécution d’un travail ou d’un
ouvrage public c’est-à-dire un travail ou un ouvrage au profit
d’une personne publique (construction d’une route, d’un barrage,
d’un aéroport) ; c’est un contrat administratif par détermination de
la loi ; il se caractérise par un pouvoir de contrôle rigoureux de
l’administration ;
- les marchés de fournitures : le marché de fournitures a pour objet
l’achat, le crédit bail, la location ou la location vente avec ou sans
option d’achat de biens de toute nature y compris des matières

36
premières, produits, équipements et objets sous forme solide,
liquide ou gazeuse, ainsi que les services accessoires à la
fourniture de ces biens (mobilier de bureau, de consommables
informatiques etc.) ;
- les marchés de service sont relatifs à des prestations de service :
nettoyage des locaux de l’administration, prestations
intellectuelles par exemple.

Section II : La conclusion des contrats administratifs.

Dans la théorie, l’administration a le libre choix de son cocontractant et


peut utiliser tout procédé qui lui convient. Dans la pratique, la conclusion
des contrats administratifs est très règlementée. On retiendra ici le cas
des marchés publics pour illustrer ce propos. Selon l’article 1 point 22 du
décret n° 2008-173/PRES/PM/MEF du 16 avril 2008, les marchés
publics sont «des contrats administratifs écrits conclus à titre onéreux
par une Autorité contractante visée aux articles 5 et 6 du présent décret
avec des entités privées ou publiques pour répondre à leurs besoins en
matière de travaux, de fournitures ou de services ». Selon les articles 5
et 6, les autorités contractantes sont l’Etat, les collectivités territoriales,
les établissements publics, les sociétés d’Etat, et les sociétés à
participation financière publique majoritaire, les agences et personnes
morales assimilées à la qualité d’organisme public bénéficiant du
concours ou de la garantie de l’Etat. Sont également des marchés
publics, donc des contrats administratifs, les contrats conclus par les
personnes physiques ou morales de droit privé agissant pour le compte
d’une collectivité publique. Le décret retient des procédures de droit
commun et des procédures exceptionnelles de passation des marchés
publics.

§ 1 : Les procédures de droit commun.

L’appel d’offres est la procédure de droit commun instituée par le décret


du 16 avril 2008. L’article 58 définit l’appel d’offres comme « la procédure
par laquelle l’autorité contractante choisit l’offre évaluée
économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de
critères préalablement portés à la connaissance des candidats dans le
dossier d’appel d’offres ».

37
Le marché sur appel d’offres consiste donc à mettre les candidats en
concurrence mais l’administration est libre d’attribuer le marché au
concurrent de son choix. C’est un appel public à concurrence. Il
comporte trois variantes :
- l’appel d’offres ouvert direct ;
- l’appel d’offres ouvert en deux étapes ;
- et l’appel d’offres ouvert précédée d’une pré-qualification. A ces trois
variantes il faut ajouter le cas particulier des prestations intellectuelles.

A) : L’appel d’offres ouvert direct.

L’appel d’offres ouvert est dit direct lorsque toute personne physique ou
morale remplissant les conditions peut soumettre une offre ou une
demande de pré qualification L’appel à soumissionner est porté à la
connaissance du public par une insertion dans la revue des marchés
publics et dans au moins un quotidien d’informations générales, national
ou international, et par affichage à la direction générale des marchés
publics.

Selon le décret, l’appel d’offres ouvert doit comporter des mentions


obligatoires telles la source de financement, l’autorité qui lance l’avis, le
lieu de consultation et de dépôt des dossiers, la date limite de réception
des offres, l’heure d’ouverture des offres, les justificatifs à produire etc.
Le délai de remise des offres ne peut être inférieur à 30 jours sauf cas
d’urgence que l’administration apprécie souverainement.

B) : L’appel d’offres ouvert en deux étapes.

Cette procédure peut être utilisée dans le cas de marché d’une grande
complexité ou l’autorité contractante souhaite faire son choix sur la base
de critères de performance et non de spécifications techniques
détaillées.
Par exemple, la construction d’échangeurs.

Les soumissionnaires sont invités à remettre des propositions techniques


sans indication du prix. Ceux qui, après analyse des propositions
techniques, satisfont au minimum acceptable des critères de qualification
et qui ont soumis des offres techniquement conformes sont invités à faire
des propositions techniques définitives avec indication du prix.

38
Le recours à l’appel d’offres ouvert en deux étapes doit être motivé et
soumis à la direction générale du contrôle des marchés et des
engagements financiers.

C) L’appel d’offres ouvert, précédé d’une pré-qualification .

Aux termes de l’article 61 du décret du 16 avril 2008, cette variante ne


peut être utilisée que dans les deux hypothèses suivantes :
- lorsque les travaux à réaliser, les équipements à livrer et les services à
fournir revêtent un caractère complexe ; et/ou
- lorsque les travaux à réaliser, les équipements à livrer et les services à
fournir exigent une technicité particulière.

La commission d’attribution des marchés examine les dossiers en se


basant exclusivement sur l’aptitude des candidats à exécuter de façon
satisfaisante le marché et selon les critères définis dans l’avis de pré
qualification.

En plus de leur aptitude à exécuter de façon satisfaisante le marché,


l’avis d’appel d’offres doit comporter les critères suivants :
- les références concernant des marchés analogues ;
- les effectifs, les installations et matériels dont disposent les
soumissionnaires pour exécuter le marché ;
- la situation financière des soumissionnaires.

D) : Le cas particulier des prestations intellectuelles.

Les contrats de prestations intellectuelles sont conclus après une


manifestation d’intérêt qui est la procédure de mise en concurrence des
consultants. Les prestations intellectuelles ne sont ni des travaux, ni des
fournitures, ni des services courants. L’élément prédominant dans les
prestations intellectuelles n’est pas physiquement quantifiable.

On procède d’abord à une invitation à soumettre des expressions


d’intérêt. Ensuite, les consultants sont présélectionnés en raison de leur
aptitude à exécuter les prestations. Enfin la sélection se fait sur la base
d’un dossier de consultation qui comprend les termes de référence
communément appelés TDR, la lettre d’invitation indiquant les critères de
sélection et leur mode d’application détaillé et le projet de marché.

§ 2 : Les procédures exceptionnelles.

39
L’appel d’offre restreint la demande de prix écrite, la demande de
cotation et le marché de gré à gré sont les procédures exceptionnelles
retenus par le décret du 16 avril 2008.

A) : L’appel d’offres restreint.

Dans cette hypothèse, l’administration choisit librement les


soumissionnaires qui peuvent remettre des offres. Cette procédure est
utilisée pour des prestations spécifiques, lorsque qu’il est pris en compte
les références techniques des entreprises et le nombre limité des
prestataires susceptibles d’offrir les prestations sollicitées .L’avis
préalable de la direction générale du contrôle des marchés publics et
des engagements financiers est requis.

B) : La demande écrite de prix.

Cette procédure est utilisée pour les marchés dont le montant


prévisionnel toutes taxes comprises est inférieur à vingt (20 000 000) de
francs cfa.

La gestionnaire de crédits élabore un dossier de mise en concurrence


comportant au moins le descriptif technique des besoins à satisfaire
dans les mêmes conditions que le dossier d’appel d’offres. L’avis est
publié dans la revue des marchés publics et le délai de dépôt des offres
ne peut être inférieur à dix (10) jours.

C) : La demande de cotation.

Elle est relatives aux marchés dont le montant prévisionnel est inférieur à
un (5000 000) million de francs cfa toutes taxes comprises. Le
gestionnaire de crédit doit s’adresser à trois fournisseurs différents au
moins.

Il n’est pas exigé une commission d’attribution des marchés.


Dans tous les cas, l’administration se réserve le droit de ne donner
aucune suite à un appel d’offres, qu’il soit ouvert, restreint ou sur
concours.

D) : Le marché de gré à gré.

L’administration recouvre ici un pouvoir discrétionnaire dans le choix du


soumissionnaire c’est-à-dire qu’elle engage les discussions avec

40
l’entrepreneur ou le fournisseur de son choix et attribue le marché à celui
qu’elle a retenu.
Les contrats de gré à gré ne peuvent intervenir que dans des cas
limitativement énumérés à savoir :
- en cas d’extrême urgence et en lieu et place de l’entrepreneur ou
du fournisseur défaillant ;
- en cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances
imprévisibles ou de force majeure et ne permettant pas de
respecter les délais règlementaires nécessitant une intervention
immédiate, et lorsque l’autorité contractante n’a pas pu prévoir les
circonstances qui sont à l’origine de l’urgence ;
- lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une
prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une
licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur ou
un seul fournisseur ou un seul prestataire ;
- lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire
déterminé pour des raisons techniques ou s’il y a une nécessité
de continuer avec le même prestataire ou pour des raisons
artistiques ;
- lorsque les prestations requièrent la sélection d’un consultant en
raison de sa qualification unique ou de la nécessité de continuer
avec le même prestataire ;
- lorsque les prix unitaires des biens sont règlementés ou font
l’objet d’une tarification et que le montant du contrat est inférieur
à cent (100 000 000) millions de francs cfa toutes taxes
comprises
Dans tous les cas, il faut requérir soit l’autorisation du ministre chargé
des finances ou celle du conseil des ministres.

Section III : Le contenu et les compétences en matière de


marchés publics.

Les marchés publics sont composés d’un ensemble de documents


que l’on peut regrouper en deux : les cahiers des charges et le
marché proprement dit c’est-à-dire le document qui matérialise
l’accord de volonté et qui pose en même temps la question de
l’autorité compétente pour le conclure.

§ 1 : Les cahiers des charges.

Les cahiers des charges sont des documents établis par l’autorité
contractante. Ils sont portés à la connaissance des éventuels

41
soumissionnaires. Bien qu’élaborés unilatéralement, les cahiers des
charges sont des éléments constitutifs des contrats et ne peuvent pas
être modifiés une fois le marché conclu. Ils comprennent des
documents généraux et des documents particuliers selon l’article 77
du décret portant réglementation générale des marchés publics et des
délégations de services publics.

A) : Les documents généraux

On distingue les cahiers des clauses administratives générales et les


cahiers des clauses techniques générales.

a) Les cahiers des clauses administratives générales.

Ils ont pour objet de préciser les dispositions impératives qui


s’appliquent aux parties ; ils fixent donc les modalités d’application à
un même groupe de marchés des dispositions règlementaires
relatives au mode de passation, au financement, à l’établissement du
prix, aux conditions d’exécution et de résiliation. Les cahiers des
clauses administratives générales sont composés de trois documents
qui sont : le cahier des clauses administratives générales applicables
aux marchés publics de travaux, celui applicable aux marchés de
fournitures et services courants, celui applicable aux marchés de
prestations intellectuelles.

b) : Les cahiers des clauses techniques générales.

Ils ont pour objet, entre autres, la définition générale des prestations,
leurs conditions d’exécution et de réception. On peut citer : le cahier
des clauses techniques applicables aux travaux routiers, celui
applicable aux travaux de bâtiment, aux travaux de barrages en terre,
d’aménagements hydro- agricoles, aux fournitures et travaux de
canalisation et d’adduction d’eau de petite et moyenne importance,
aux travaux de forages et de puits etc.

B) : Les documents particuliers

Ils comprennent les cahiers des clauses administratives particulières


et les cahiers des clauses techniques particulières. Ils comportent

42
l’indication des articles des documents généraux qu’ils complètent ou
modifient.

a) Les cahiers des clauses administratives particulières.

Les clauses administratives particulières peuvent préciser ou


compléter les cahiers des clauses administratives générales sous
réserve de mentionner expressément les articles auxquels ils
dérogent. Ils concernent entre autres, les conditions et les modalités
de paiement, les sanctions pour non exécution des obligations des
parties, le règlement des différends. Ils peuvent aggraver les
obligations minimales.

b) Les cahiers des clauses techniques particulières.

Les clauses techniques particulières sont fonction de l’objet du


marché. Ils fixent les dispositions techniques nécessaires à
l’exécution des prestations prévues au marché. Par exemple, un
marché de construction d’une route doit indiquer son tracé.

§ 2 : Le marché proprement dit.

Les concurrents font leurs offres sous forme de soumissions, ce qui


suppose qu’ils ont accepté les dispositions des cahiers des charges.
C’est la soumission qui contient l’engagement des concurrents. C’est
sur la base des soumissions et en conformité avec les cahiers des
charges que l’administration retient un des concurrents. Il y a donc
accord de volonté. L’accord de volonté doit être matérialisé dans un
document unique et non par un échange de lettres qui est une autre
forme d’accord de volonté. Le document unique ainsi établi constitue
le marché, c’est-à-dire le contrat. Celui-ci, pour être valable, doit
contenir un certain nombre de mentions dont certaines sont
obligatoires, sous peine de nullité. Il s’agit de l’identification des
parties contractantes, de l’objet du marché, de l’indication du prix.

§ 3 : Les compétences en matière de marchés publics.

43
A Le gestionnaire de crédit.

L’autorité compétente varie suivant l’administration concernée et le


montant du marché et de la procédure choisie.

Le gestionnaire des crédits c'est-à-dire le directeur de l’administration


et des finances est compétent pour signer les bons de commande
avec le fournisseur agréé. Il signe les lettres de commandes après
attribution de la commission d’attribution des marchés, présidée par le
directeur des marchés publics ou la personne responsable des
marchés.

A) : Les ministres et les présidents d’institution.

Aux termes de l’arrêté n°2010 029/MEF/CAB du 8 février 2010,


délégation de signature est accordée aux ministres et présidents
d’institution pour approuver les marchés financés sur le budget de
l’Etat de la manière suivante :
- pour les marchés de travaux, le montant doit être strictement
inférieur à deux cent (200) millions de FCFA ;
- pour les fournitures et les équipements, le montant du marché
doit être inférieur à cent (100) millions de francs cfa ;
- pour les prestations intellectuelles, le montant doit être inférieur à
cinquante (50) millions de francs cfa ; il en est de même pour les
services courants.

Les dispositions de cet arrêté ne règlent pas la question de la signature


du marché. Selon l’article 68 de la directive n°004/2005/CM/UEMOA du
9 décembre 2005, « l’autorité approbatrice doit être obligatoirement
distincte de l’autorité signataire » qu’elle soit centrale ou déconcentrée.
Toutefois la délégation de signature pour l’approbation des marchés, en
interprétant les dispositions de l’arrêté pourraient permettre de conclure
que l’autorité signataire dans les administrations centrales et
déconcentrées serait le gestionnaire de crédit.

B) Le ministre chargé des finances.

Lorsque le montant marché financé sur le budget de l’Etat, est égal ou


supérieur à cinquante (50) millions (pour les prestations intellectuelles et
les services courants), deux cent (200) millions (pour les travaux), cent
(100) millions (pour les fournitures et les équipements ) mais égal un
milliard (1 000 000 000), l’autorité compétente est le ministre chargé des

44
finances. L’attribution est approuvée sur proposition de la commission
d’attribution des marchés.

B) : Le conseil des ministres ou le conseil d’administration.

Lorsque le montant, même cumulé, est supérieur à un milliard


(1 000 000 000), c’est le conseil des ministres qui est compétent pour
approuver le marché sur proposition de la commission d’attribution des
marchés (pour les marchés de l’Etat). Le rapport est introduit en conseil
des ministres par le ministre chargé des finances et du budget.
Lorsque le financement est assuré par des bailleurs de fonds extérieurs,
il est requis au préalable leur avis de non objection.

S’agissant des sociétés d’Etat ou des établissements publics de l’Etat, il


revient au conseil d’administration de fixer les seuils d’approbation.
L’autorité compétente pour approuver les marchés peut être le président
du conseil d’administration ou le conseil d’administration lui-même sur
proposition de la commission d’attribution des marchés.

Chapitre 2 : L’exécution des contrats administratifs.

Le contrat administratif n’est pas un contrat comme les contrats


ordinaires. Cette particularité se manifeste surtout pendant l’exécution. Si
le cocontractant a des droits, l’administration dispose de pouvoirs qui
n’existent pas dans les contrats de droit commun. Pendant l’exécution,
peuvent survenir des faits nouveaux qui peuvent avoir une influence sur
les contrats.

Section I : La situation respective des parties.

Seront analysés les pouvoirs de l’administration d’une part, les droits du


cocontractant de l’autre.

§ 1 : Les pouvoirs de l’administration.

L’administration dispose d’un pouvoir de direction et de contrôle en vertu


duquel elle peut donner même des instructions au cocontractant qui est
tenu de s’exécuter. Mais, les pouvoirs les plus originaux sont les
pouvoirs de sanction, de modification unilatérale, de résiliation.

A) : Le pouvoir de sanction.

45
Le pouvoir de sanction est reconnu à l’administration dans le but
d’assurer un bon fonctionnement du service public. Le pouvoir de
sanction existe pour toute une gamme de contrats et que
l’administration prononce elle-même. Le pouvoir de sanction existe
indépendamment des stipulations contractuelles. Mais, le pouvoir de
sanction reconnu à l’administration supporte des limites. Ainsi, les
sanctions pénales sont exclues pour le non respect des dispositions du
cahier des charges.

L’administration ne peut prononcer les sanctions qu’après avoir mis le


cocontractant en demeure. Le pouvoir de sanction est contrôlé par le
juge qui ne peut pourtant pas annuler les sanctions déjà prononcées. On
distingue les sanctions pécuniaires et les sanctions coercitives.

a) Les sanctions pécuniaires :

Elles consistent en des pénalités et en des dommages intérêts. Les


pénalités sont prévues dans le contrat par des clauses pénales. Elles
sont applicables dès lors que les faits prévus se produisent. Elles varient
entre un millième (1/1000) et 1deux millième (1/2000) du montant du
contrat dans le cas du Burkina. C’est un pouvoir exorbitant de
l’administration. En droit privé, il y a les astreintes qui ont le même objet.

Les dommages intérêts sont postérieurs au contrat c'est-à-dire dès lors


que l’administration a subi un préjudice (dommage) du fait du
cocontractant. Dans ce cas ce dernier est tenu de l’indemniser.

b) : Les sanctions coercitives.

Elles ont pour but de contraindre le cocontractant à l’exécution des


prestations convenues. Il s’agit là de l’illustration du caractère exorbitant
du contrat administratif. L’administration doit assurer le bon
fonctionnement du service public et c’est pour cette raison que le contrat
a été conclu. C’est pourquoi l’administration peut se substituer ou
substituer un tiers au cocontractant défaillant pour assurer l’exécution du
contrat conclu.

Suivant les contrats, des expressions différentes sont utilisées pour


désigner les sanctions coercitives : la mise en régie s’applique aux
marchés de travaux publics, l’exécution temporaire ou l’achat par défaut

46
pour les marchés de fournitures, la mise sous séquestre pour la
concession de service public.

Si l’administration doit assurer, par tous les moyens, l’exécution des


contrats administratifs parce qu’ils sont conclus pour les besoins du
service public, il faut toutefois que le cocontractant commette une faute
grave. En outre, la substitution ne met pas fin au contrat.

B) : Le pouvoir de modification unilatérale.

Une des particularités du contrat administratif est le pouvoir reconnu à


l’administration d’imposer une modification de l’étendue des prestations
convenues soit en les augmentant, soit en les diminuant. Le pouvoir de
modification unilatérale se justifie par les exigences du service public à
savoir l’adaptation qui s’impose à l’administration. Le pouvoir de
modification n’a pas besoin d’être prévu au contrat et l’administration ne
peut pas valablement renoncer de s’en prévaloir. Le pouvoir de
modification unilatérale existe à l’égard de tous les contrats administratifs
(concession de service public, marchés de travaux publics, de
fournitures etc.)

Cependant, le pouvoir de modification n’existe qu’à l’égard de certaines


clauses du contrat et ne doit pas excéder certaines limites. Ainsi, si
l’administration peut modifier les clauses qui touchent au fonctionnement
du service, elle ne saurait porter atteinte aux avantages financiers du
cocontractant comme le prix stipulé.

En outre, les modifications imposées ne doivent pas excéder certaines


limites ou une certaine importance : par exemple conduire à une
prestation nouvelle (service nouveau, ouvrage nouveau, prestation
imprévue) ; elles sont constatées par avenant approuvés par l’autorité
compétente. Le montant cumulé des avenants ne doit pas excéder 15%
pour les travaux neufs et 20% pour les réfections. L’avis préalable de la
direction générale du contrôle des marchés publics et des engagements
financiers ou de l’organe délibérant compétent est requis

Au-delà de ces limites, le cocontractant est fondé à demander la


résiliation du marché. Il a également droit à une indemnisation pour les
prestations supplémentaires.

C) : Le pouvoir de résiliation.

47
Dans l’intérêt du service, l’administration peut mettre fin au contrat
administratif à tout moment. Il ne serait pas logique d’accepter des
prestations dont le service public n’a plus besoin. Le pouvoir de
résiliation est général et discrétionnaire c'est-à-dire qu’il s’applique à
l’égard de tous les contrats administratifs et est à l’initiative de
l’administration. Il est d’ordre public c'est-à-dire que l’administration ne
peut pas y renoncer à l’avance. En contrepartie, le cocontractant a droit
à une indemnité pour le dommage causé ou le gain manqué.
Il faut préciser que la résiliation est l’application du pouvoir de
modification unilatérale.

§ 2 : Les droits et les obligations du cocontractant.

L’obligation du cocontractant est une obligation personnelle d’exécution.


Il n’est pas important d’y consacrer de longs développements. C’est
pourquoi on se limitera aux droits du cocontractant qui sont de deux
ordres : le droit au règlement du prix et les droits éventuels à indemnités.

A) : Le droit au règlement du prix.

Après l’exécution des prestations convenues, on procède à la liquidation


du prix. La liquidation est l’opération par laquelle on détermine le
montant de la dette de l’administration. Elle se fait au moyen de
décomptes provisoires et d’un décompte final accepté avec ou sans
réserves.

Le prix stipulé est irrévocable c'est-à-dire qu’il ne peut pas être remis en
cause par l’une quelconque des parties, surtout pas par l’administration
qui ne peut pas user de son pouvoir de modification unilatérale.
Toutefois, le contrat peut comporter une clause de révision des prix. Par
exemple le contrat peut prévoir qu’en cas de variation du prix des
matières premières atteignant un certain seuil (3 à 5 %), le cocontractant
est fondé à demander la révision du prix.

Sans attendre la fin de la prestation de service, la fin des travaux ou la


livraison des marchandises, des paiements anticipés connus sous le
nom d’acomptes ou d’avances peuvent être effectués : les acomptes
sont des paiements partiels pour des travaux déjà réalisés ; les avances
sont des sommes versées avant l’exécution des travaux et qui sont à
faire valoir sur le prix définitif. Il en est ainsi des avances de démarrage
(20 à 30 %) du montant du marché initial.

48
L’autorité contractante ou son représentant dispose d’un délai de
quarante cinq (45) jours pour le paiement des avances, de soixante (60)
jours pour les acomptes et de quatre vingt dix (90) jours pour le solde. Le
dépassement des délais ouvre droit au paiement d’intérêts moratoires au
taux d’escompte de la BCEAO augmenté d’un point.

B) : Les droits éventuels à indemnités.

Le cocontractant de l’administration a droit à ce qu’on appelle l’équilibre


financier ou l’équation financière du contrat. Une fois rompu, l’équilibre
doit être rétabli par le versement d’une indemnité. On distingue :
- les indemnités pour responsabilité de l’administration : il s’agit de
la responsabilité contractuelle qui peut être engagée selon les
règles du droit commun ;
- les indemnités en matière de travaux publics : en ce domaine,
s’applique un régime spécial qui prévoit une indemnisation pour
sujétions imprévues c'est-à-dire lorsque le cocontractant de
l’administration rencontre des difficultés matérielles absolument
anormales et imprévisibles dans l’exécution des travaux ; le
cocontractant a également droit à une indemnité pour prestations
supplémentaires exécutées spontanément si ces prestations sont
indispensables à l’exécution du contrat ou si elles ont profité à
l’administration à la condition qu’il y ait eu un ordre verbal.

Section II : L’influence des faits nouveaux sur l’exécution des


contrats administratifs.

L’exécution des contrats administratifs peut être entravée soit par


l’intervention de l’administration, soit par des évènements indépendants
de toute intervention administrative. Le cocontractant peut être libéré de
ses obligations ou être tenu d’exécuter les prestations convenues
moyennant indemnisation partielle ou totale. Ces évènements ont pour
nom, la force majeure, le fait du prince, l’imprévision.

§ 1 : La force majeure.

49
Elle se définie comme un évènement extérieur, indépendant des
cocontractants et empêchant l’exécution du contrat.

D’abord, l’événement invoqué doit être complètement extérieur au


cocontractant. Cela veut dire que ce dernier ne doit pas avoir participé
de quelque manière que ce soit à sa survenance ; il doit en outre être
involontaire.
Ensuite, l’événement doit être imprévu et imprévisible.

Enfin, le cocontractant doit être dans une impossibilité absolue


d’exécuter.
En cas de force majeure, le contractant est libéré de ses obligations
pendant le temps qu’elle dure. Pendant ce temps, elle prive
l’administration d’user de son droit d’appliquer des sanctions et permet
au cocontractant de demander la résiliation du contrat. Elle exonère
aussi le cocontractant de sa responsabilité contractuelle.

§ 2 : Le fait du prince.

On appelle fait du prince, toute mesure des pouvoirs publics qui rend
plus difficile et onéreuse l’exécution du contrat par le cocontractant. Les
mesures peuvent émaner soit de l’administration contractante, soit d’une
autre personne publique. La théorie du fait du prince introduit, dans les
contrats administratifs, la notion d’aléa administratif.

La conséquence du fait du prince, c’est que le cocontractant doit être


intégralement indemnisé du préjudice subi, sauf indemnisation forfaitaire.
Toutefois, le fait du prince tel que défini a un champ d’application trop
vaste et risque de compromettre l’intérêt général. C’est pourquoi, la
théorie du fait du prince est limitée aux mesures prises par
l’administration contractante : par exemple, lorsque celui- ci use de son
pouvoir de modification unilatérale.
Les mesures qui émanent d’une personne publique autre que l’autorité
contractante peuvent être susceptibles d’imposer une obligation
pécuniaire à l’administration contractante, si elles provoquent un
bouleversement de l’économie du contrat.

§ 3 : L’imprévision.

L’exécution du contrat administratif peut être rendu plus difficile et plus


onéreuse par la survenance d’événements anormaux, imprévisibles et
indépendants de la volonté des contractants. En droit administratif, le
principe que le contrat est la loi des parties ne joue pas parce que le

50
service public et ses exigences constituent la justification première du
contrat administratif.
L’imprévision crée une situation extracontractuelle mais qui, en raison
de l’intérêt du service public, ne saurait libérer le cocontractant de ses
obligations. Mais, l’intérêt du service public réside aussi dans le fait que
l’administration doit avoir des cocontractants, d’où l’idée de
compensation.
La théorie de l’imprévision est d’ordre public. Quelles sont alors les
conditions d’existence de l’imprévision et quelles sont ses
conséquences.

A) : Les conditions d’existence de l’imprévision.

1°) il faut que l’événement invoqué ait un caractère anormal et


imprévisible ; c’est ce qu’on appelle un aléas extraordinaire c'est-à-dire
« l’événement déjouant tous les calculs que les parties ont pu faire au
moment du contrat » ; entrent dans cette catégorie, les guerres, les
dépréciations monétaires, les crises économiques ; par contre, les
fluctuations économiques courantes en régime capitaliste ne constituent
pas des événements donnant lieu à l’application de la théorie de
l’imprévision ; un tremblement de terre est en revanche imprévisible ;
l’aléa n’est donc pas seulement économique.

2°) l’événement invoqué doit être indépendant de la volonté du


cocontractant ;

3°) L’événement invoqué doit avoir entraîné, dans l’exécution du


contrat, une perturbation suffisamment importante pour faire naître une
situation extracontractuelle ; le cocontractant doit avoir subi un déficit et
non une diminution du profit par exemple ; il faut par ailleurs, pour qu’il y
ait une situation extracontractuelle, que le prix limite soit dépassé, ce prix
limite constituant le seuil d’imprévision ; c’est le juge qui apprécie.

B) Les conséquences juridiques de l’imprévision.

L’imprévision ne libère pas le cocontractant de son obligation d’exécuter.


Elle lui ouvre cependant droit à une compensation :
1°) Le cocontractant, malgré l’imprévision, est tenu d’exécuter les
prestations convenues en vertu du principe de la continuité du service
public ;
2°) mais, il serait injuste et même dangereux de laisser, à la charge du
cocontractant seul, les effets de l’imprévision ; c’est pourquoi, il lui est
reconnu un droit à compensation qui repose sur les idées suivantes :

51
- l’imprévision est une sorte de mécanisme provoqué de révision
des contrats administratifs ; face à la situation extracontractuelle
créée, en effet, par l’imprévision, il est logique que les parties
concluent un nouvel accord ; mais le juge ne peut y procéder lui-
même, c’est pourquoi, il invite les parties à y procéder ; dans la
mesure où ce nouvel accord ne peut être réalisé, il alloue une
indemnité au cocontractant de l’administration en prenant comme
référence le prix limite ; cette indemnité couvre seulement une
partie du déficit provoqué par les charges extracontractuelles
nées de l’imprévision ;

- c’est l’administration contractante qui supporte la charge de


l’indemnité d’imprévision ;

- les conséquences juridiques de l’imprévision doivent être


temporaires, sinon l’administration n’est plus tenue de compenser
une partie du déficit et chacune des parties est fondée à
demander la résiliation du contrat.

Section III : Le contentieux des contrats administratifs.

Les litiges nés à l’occasion de la conclusion ou de l’exécution des


contrats administratifs peuvent être réglés par le juge administratif ou par
l’arbitrage. Toutefois le règlement à l’amiable est préalable à la saisine
du tribunal arbitral ou du juge administratif.

§ 1 Le juge du contrat.

Le juge du contrat administratif est le juge administratif. Le contentieux


contractuel est un contentieux de pleine juridiction c'est-à-dire que le
recours pour excès de pouvoir est exclu. Le juge administratif est
compétent non seulement pour interpréter les clauses du contrat mais
aussi connaître des difficultés liées à leur mauvaise exécution. Le
requérant peut demander l’annulation du contrat à cause par exemple
d’une modification unilatérale imposée par l’administration. Toutefois, le
juge ne peut pas en principe adresser des injonctions à l’administration.
Il ne peut même pas annuler les mesures déjà prises par l’administration
à l’encontre de son cocontractant.

52
§ 2 : L’arbitrage.

Une autre voie de règlement des litiges est l’arbitrage à condition qu’une
clause compromissoire conforme aux dispositions de l’acte uniforme de
l’OHADA relatif à l’arbitrage soit expressément prévue dans le contrat. Il
s’agit pour les parties (les protagonistes) de désigner un tiers pour
trouver une solution à leur différend. L’entrepreneur peut donc, à défaut
d’un règlement à l’amiable, recourir à l’arbitrage. L’entrepreneur doit
néanmoins saisir le juge administratif afin qu’il prenne des mesures
indispensables à la conservation de ses droits.

53

Vous aimerez peut-être aussi