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Partie 2 : La famille

Nous avons étudié les personnes prises isolément – en réalité pas tout à fait puisque l’étude des
personnes vulnérables a déjà montré l’importance des liens familiaux – il convient maintenant
d’apprécier plus précisément la construction et les effets des rapports familiaux. On verra,
historiquement, l’importance du mariage. Il était à l’origine le seul couple reconnu par le droit. Il est
encore, aujourd’hui, l’institution fondatrice de la famille (même s’il apparaît aujourd’hui menacé
dans cette fonction). Il appellera donc des développements substantiels. A côté du mariage, il
existe d’autres formes de couple, le concubinage et le pacte civil de solidarité (le PaCS). Il faut
toutefois relever que ces autres formes de couple ne sont pas en elles-mêmes constitutives d’une
famille. En dehors du mariage, la famille ne peut se constituer qu’à partir de l’enfant ➣ la famille se
crée alors à partir des liens tissés par la liation. On étudiera donc successivement le mariage
(titre 1), puis les autres formes de couple (titre 2) et en n la liation (titre 3).
Avant cela, il convient, dans une introduction, de préciser l’objet de cette partie – la notion de
famille – et les évolutions qu’elle a connues.

Introduction au droit de la famille

I. La notion de famille

La famille apparaît comme une constante de l’histoire humaine. Il n’existe pas de sociétés sans
famille.

Elle est considérée comme la « cellule sociale par excellence » ➣ on concevrait mal une société
constituée d'individus isolés d’un côté et de l'État de l’autre. Aucun régime, aucune idéologie
politique n'a jamais proposé la disparition pure et simple de la famille.
Si la famille est une constante, elle est toutefois appréhendée différemment selon les époques et
les lieux. Pour la France, on peut ainsi dessiner les grandes lignes de l'évolution récente. Elle se
caractérise d'abord par une baisse sensible du nombre des mariages mais aussi par des mariages
plus fragiles. Parallèlement, on a vu apparaître de nouvelles formes de vie familiale (plus de la
moitié des enfants naissent hors mariage). Le concubinage, marginal dans les années 1960, s'est
considérablement développé et les recompositions familiales sont fréquentes.
De là, on peut décrire la famille comme une série de cercles concentriques au contenu variable. Le
cercle le plus large englobe toutes les personnes descendant d'un auteur commun auxquelles on
peut ajouter les alliés. En resserrant progressivement le cercle, la famille peut se réduire au couple
et à ses enfants, voire au seul ménage. Dans ce cercle plus étroit, on trouve également les
familles monoparentales ou les familles recomposées.

II. L’approche juridique de la famille

Comment le droit se saisit-il de ce phénomène social ? D’abord, il faut relever que le code civil ne
contient pas de dé nition de la famille. Il n’y a pas de subdivision qui lui soit directement
consacrée. Le terme de famille apparaît seulement au travers d'expressions lorsque le code
envisage la « direction de la famille » (article 213), « le logement de la famille » (article 215), ou
encore « l'intérêt de la famille » (article 217). Pourtant, au travers des règles relatives au mariage,
au divorce, à la liation et aux autres formes de couples, le code civil exprime indéniablement une
certaine conception de la famille.
Cette conception est fondée principalement sur la parenté et sur l'alliance. Au travers de ces liens,
le droit civil xe les conditions de constitution de la famille et les obligations qui en découlent.

➤ La conception de la famille en droit civil s’exprime d’abord au travers de l’alliance.

Celle- ci résulte du mariage (➣ qui est le lien de droit unissant les époux ainsi que chacun d'eux
aux parents de son conjoint).
À l'inverse, le concubinage ne crée pas de lien d'alliance, ni entre les concubins, ni entre chacun
d'eux et les parents de l'autre. Le pacte civil de solidarité ne crée pas non plus de lien d'alliance, ni
entre les partenaires, ni à l'égard de leurs familles respectives. C’est pourquoi, on l’a dit, le
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concubinage ou le PaCS ne sont pas des structures juridiques familiales même si leur étude
intègre les ouvrages de droit de la famille. Pour ces couples, la famille se construit à partir de
l’enfant.

➤Le code civil révèle également sa conception de la famille au travers de la parenté.

La parenté résulte de la liation. La liation institue le lien reliant une personne à sa mère ( liation
maternelle) et à son père ( liation paternelle), et, à partir de ce double lien, aux parents de ces
derniers ➣ ce lien inscrit donc l'enfant dans un ordre généalogique.
La parenté unit des personnes qui descendent les unes des autres (parenté en ligne directe) ou
d'un auteur commun (parenté en ligne collatérale).

- La ligne directe est celle qui relie les ascendants et les descendants : arrière-grands- parents,
grands-parents, parents, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants.

- La ligne collatérale est celle qui relie les personnes issues d'un auteur commun : frères et
sœurs, oncles et neveux, cousins.

La loi attache à la parenté de multiples conséquences. La parenté conduit à l'attribution de la
nationalité française (article 18 du code civil). Elle in ue sur la détermination du nom de famille
(article 311-21 du code civil). Elle impose des droits et des devoirs : à l'enfant, qui « à tout âge, doit
honneur et respect à ses père et mère » (article 371) ainsi qu’aux père et mère qui exercent
l'autorité parentale sur l'enfant, jusqu'à sa majorité ou son émancipation (article 371- 1). La parenté
impose également des obligations matérielles. Les parents doivent contribuer à l'entretien de
l'enfant. Et cette obligation persiste même au-delà de l'âge de la majorité (articles 203 et 371-2).
En n, la parenté occupe une place importante en matière de successions ➣ les règles
successorales sont particulièrement révélatrices de la conception que le législateur se fait de la
famille. 


III. L’évolution du droit de la famille

La dimension historique est indispensable à la compréhension du droit contemporain de la famille.


Cependant, on ne peut se livrer ici à une étude détaillée. Nous nous contenterons de retracer les
grandes étapes et de rappeler les principales réformes.

• La famille dans le code civil de 1804.

La famille du code civil repose tout entière sur le mariage. Le mariage donne alors naissance à
des statuts inégaux entre les individus. Au sein de la famille elle-même, il y a une inégalité
fondamentale entre les époux. La famille est placée sous la direction d’un chef, le mari, qui détient
tous les pouvoirs. Le mari détient la puissance paternelle qui lui donne tout pouvoir sur les enfants
et la femme mariée est placée elle aussi sous la domination du mari, tant au plan personnel qu’au
plan patrimonial. Pour favoriser le mariage sur les autres formes d’unions, le droit consacre
également une inégalité entre les enfants. Les enfants nés d’un couple marié sont appelés «
enfants légitimes » et ceux issus d’un couple non-marié « enfants naturels ». Les enfants naturels
ont alors des droits diminués par rapport aux enfants légitimes.

• Les évolutions postérieures au code civil

Toute l’évolution postérieure au code civil va se faire dans le sens des progrès continus de la
liberté et de l’égalité des individus. Si le droit de la famille a connu certaines réformes au début du
XXe siècle, il convient de souligner l’importance des grandes réformes des années 1960/1970
conduites par le Doyen Carbonnier : réforme des régimes matrimoniaux en 1965 qui instaure
l’égalité entre les époux ; réforme de la liation en 1972 qui instaure l’égalité entre les enfants
légitimes et naturels (mais pas avec les enfants adultérins) ; réforme du divorce en 1975. Au court
du dernier quart du XXe siècle, le législateur est encore intervenu pour aller vers toujours plus
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d’égalité concernant les enfants. Par ailleurs, une nouvelle pression sociale est apparue venant
des couples de personnes de même sexe, revendiquant au nom de l’égalité le droit de se marier et
de fonder une famille. C’est ainsi qu’a été créé notamment le PaCS en 1999. Le début du XXIe
siècle a été marqué par une série d’autres réformes pour parachever celles menées
précédemment et leur donner plus de cohérence. Tous les domaines ont été concernés : la liation
qui a vu disparaître la distinction entre enfants naturel et légitime, le divorce, le PaCS mais aussi le
mariage avec l’ouverture de l’institution aux couples de personnes de même sexe. En dernier lieu,
on mentionnera l’ouverture toute récente de l’assistance médicale à la procréation (l’AMP) aux
couples de femmes et aux femmes seules. En n, depuis quelques années, on observe un
mouvement de déjudiciarisation (on l’a vu avec la réforme de l’administration légale en 2015, on le
verra encore en étudiant le divorce par consentement mutuel sans juge introduit en 2016).
C’est en gardant en tête, que le droit de la famille a connu des mutations profondes ces dernières
décennies que nous allons entamer son étude par le mariage (Titre 1). Après quoi nous étudierons
les autres formes de vie de couple (Titre 2) puis la liation (Titre 3).

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Titre 1 : Le mariage

Le mariage, on l’a dit, est l’institution fondatrice de la famille. Le code civil de 1804 n’en donnait
pas de dé nition tant celle-ci semblait évidente. L’institution a profondément évolué avec la loi du
17 mai 2013.

Nous étudierons dans un premier temps la formation du mariage (chapitre 1) puis ses effets
(chapitre 2) et en n sa dissolution (chapitre 3).

Chapitre 1 : La formation du mariage

Il existe des conditions de fond et des conditions de forme qui si elles ne sont pas respectées
entraînent la nullité du mariage dont il faudra préciser l’étendue.

Section 1 : Les conditions de validité du mariage

La validité du mariage est soumise à des conditions de fond (§ 1) et à des conditions de forme (§
2). Concernant l’appréciation de ces conditions, il faudra relever les rôles spéci ques de l’of cier
d’état civil et du ministère public (§ 3).

I. Les conditions de fond

Les conditions de fond du mariage sont de plusieurs ordres.Classiquement, les auteurs les
répartissent en trois catégories : les conditions d’ordre physiologiques (A) ; les conditions d’ordre
psychologique (B) et les conditions d’ordre sociologique (C).

A. Les conditions d’ordre psychologique

1. La disparition de la condition de différences des sexes

Le mariage entre personnes de même sexe était traditionnellement interdit. Selon le tribunal de
grande instance de Bordeaux, saisi pour la première fois de la question à propos d’un mariage
célébré entre deux hommes à Bègles en 2004, la différence de sexe était une évidence pour les
rédacteurs du code civil, et elle ressortait implicitement des textes (notamment les article 75 et
144) (TGI Bordeaux 27 juillet 2004). La cour d'appel de Bordeaux avait con rmé ce jugement en
af rmant que la différence de sexe était une condition de l'existence du mariage (Bordeaux, 19
avril 2005). La Cour de cassation, comme il était prévisible, a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt
de la cour d'appel de Bordeaux en af rmant que, au regard de la loi française, « le mariage [était]
l'union d'un homme et d'une femme » et que ce principe n'était contredit par aucune disposition de
conventions internationales applicables en France (Civ. 1re, 13 mars 2007, n° 05- 16.627).
Le Conseil constitutionnel, saisi par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité, avait
également af rmé que les dispositions des anciens articles 144 et 75 du code civil, qui posaient
l'exigence d'une différence de sexe entre époux n’étaient pas contraires à la Constitution (Cons.
const. 28 janv. 2011, n° 2010-92 QPC).
S’agissant de la conformité aux textes supra-nationaux et en particulier à la Conv. EDH, il faut
relever que la Cour européenne des droits de l'homme ne condamne pas les législations qui
exigent une différence de sexe entre les futurs époux. Elle a considéré que l'absence de
consensus entre les États membres doit conduire à leur laisser la décision d'autoriser ou non le
mariage entre personnes de même sexe et que l'article 12 de la Conv. EDH n'impose pas
d'accorder un tel accès (CEDH 24 juin 2010, Shalk et Kopf c/ Autriche, req. n° 30141/04).
La validité du mariage entre personnes de même sexe a été nalement admise par la loi du 17 mai
2013. La disposition fondamentale de cette loi réside dans l'article 143 du code civil qui prévoit que
: « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
Toutes les dispositions du livre Ier du code civil (à l'exclusion de celles prévues aux chapitres Ier à
IV du titre VII relatif à la liation) ainsi que les dispositions du livre III (et, plus particulièrement,
celles relatives aux successions) leur sont transposables (art. 6-1 modi é par la loi du 2 août
2021). Les époux de même sexe peuvent béné cier également des dispositions relatives à
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l'adoption et de la possibilité d'adopter ensemble un enfant (art. 343) ou d'adopter l'enfant de
l'autre ( art. 370-1 nouveau) [➣ depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 février 2022, cette
possibilité n’est plus réservée aux époux].

2. L’age

L’article 144 du code civil dispose que pour pouvoir contracter mariage, les futurs époux doivent
avoir atteint l'âge de 18 ans. Jusqu’en 2006, cet âge minimum était xé à 15 ans pour les lles. La
loi du 4 avril 2006 l'a porté à 18 ans pour les lles comme pour les garçons, par souci d'égalité et
surtout dans la perspective de lutter contre le mariage forcé de jeunes lles. Des dispenses
peuvent toutefois être accordées par le procureur de la République pour motifs graves (art. 145).
Le motif généralement invoqué est la grossesse de la future épouse. En n, il faut relever que s'il
xe pour le mariage un âge minimum, le code civil ne prévoit pas, à l'inverse, d'âge maximal. Les
personnes très âgées ne sont frappées d'aucune interdiction et peuvent parfaitement se marier. La
vieillesse ne sera appréhendée que par son impact possible sur la lucidité du consentement.

3. La santé

Aucune maladie (ou in rmité) ne peut à elle seule interdire à une personne de se marier, dès lors
qu'elle n'empêche pas le consentement de s'exprimer. Même l’approche de la mort n’est pas un
obstacle à la formation du mariage puisque les mariages in extremis sont admis.

B. Les conditions d’ordre psychologique

L’article 146 du code civil dispose qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement.
On peut douter de l’existence de la volonté en cas d’altération des facultés mentales ou en
l’absence d’intention matrimoniale d’un des époux.

a. L’altération des facultés mentales

Ainsi qu’on l’a déjà vu, le majeur sous tutelle ou sous curatelle peuvent désormais se marier sans
y être autorisés. Cela ne fait pas pour autant disparaître la nécessité d'un consentement valable du
principal intéressé au moment de la célébration. Une action en nullité pour défaut de
consentement sur le fondement de l'article 146 du code civil est concevable si la preuve d'un état
de démence lors de la célébration est rapportée.

b. L’absence d’intention matrimoniale

L’intention matrimoniale est la volonté, pour les époux, de vivre une vraie vie conjugale et
d’assumer toutes les conséquences, personnelles et patrimoniales, de l’engagement qu’ils vont
prendre.

Or, certaines personnes espèrent par le biais de la célébration du mariage, obtenir un avantage
précis sans qu’il y ait de leur part de véritable volonté de se marier. Les buts recherchés sont
divers : béné cier d’avantages patrimoniaux notamment scaux ou acquérir la nationalité française
(on parle alors de mariages naturalisants). Il s’agit de ce que l’on appelle un mariage simulé ou un
mariage ctif. On parle encore de « mariages blancs ». La dif culté vient de ce qu’il n’est pas
forcément évident de déterminer à partir de quel moment le mariage est ctif.
Un critère avait été posé dans l’arrêt Appietto rendu par la première chambre civile de la cour de
cassation le 20 novembre 1963 : Que posait la Cour de cassation ?

Première chose : lorsque les époux n’ont eu en vue que des avantages étrangers à l’union
matrimoniale, leur mariage est nul sur le fondement de l’article 146 du code civil, faute de véritable
consentement.

Seconde chose : En revanche, le mariage est valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter
ses effets légaux. On parle alors de mariage a effet conventionnellement limités lorsqu’au moins
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un effet a été recherché : c’est le cas du mariage légitimant (dans l’arrêt Appietto le mari n’avait
consenti à cette union que dans le but de conférer la légitimité à l’enfant dont il était le père).

Cette position a été critiquée. La doctrine a notamment fait valoir que la distinction était arti cielle
et que le prononcé systématique de la nullité était préférable lorsqu’était établie l’absence
d’intention matrimoniale.

Dans ses décisions ultérieures, la Cour de cassation s'est souvent contentée de rappeler le
pouvoir souverain des juges du fond et de se retrancher derrière leur appréciation des faits.
Cependant, dans un arrêt de principe rendu par la première chambre civile le 28 octobre 2003 (n°
01-12.574), la Cour de cassation a rappelé que « le mariage est nul faute de consentement
lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un but étranger à l’union
matrimoniale ». Il s’agissait en l’espèce d’un but successoral : le mari atteint d’une grave maladie
avait épousé son amie d’enfance juste après avoir choisi devant notaire le régime matrimonial de
la communauté universelle. S’étant rétabli, il avait agi en nullité sur le fondement de l’article 146 du
code civil. L'éventuelle validité du mariage dont les époux auraient cru pouvoir limiter les effets
légaux n'est plus évoquée (ce qui semble marqué l’abandon de la jurisprudence Appietto).
Postérieurement, la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 19
décembre 2012 (n° 09-15.606) a encore approuvé une cour d’appel d’avoir annulé le mariage
alors que l’épouse condamnée pour coups et blessures ayant entraîné la mort de son mari, s’était
mariée dans le but exclusif d’appréhender le patrimoine de ce dernier, sans aucune intention de se
soumettre aux obligations nées de l’union conjugale.

Reste alors à établir le défaut d’intention matrimoniale : c’est la volonté des époux de respecter les
devoirs et obligations du mariage qui permet d’établir le consentement des époux. Au contraire, le
non-respect de ces obligations permettra d’établir le défaut d’intention matrimoniale. L’existence
d’une communauté de vie après le mariage sera souvent un élément déterminant pour établir
l’intention matrimoniale. ➣ Voir, récemment, le rejet d’un pourvoi par la Cour de cassation à
l’encontre d’un arrêt ayant refusé d’annuler un mariage parce que la preuve du défaut d'intention
matrimoniale n'était pas rapportée. Pour la Cour de cassation, même si l'épouse avait admis qu'il
s'agissait « d'un mariage de raison » destiné à lui procurer une aisance nancière, « les époux
avaient connu une communauté de vie effective » et la preuve n'était pas rapportée que l'épouse
ait eu l'intention de ne pas honorer ses engagements (Civ. 1re, 13 janv. 2021, n° 19-16.703).
La preuve du défaut d’intention matrimoniale peut être rapportée par tous moyens et relève de
l’appréciation souveraine des juges du fond.

Par ailleurs, il convient de relever que l’interprétation de l’article 146 du code civil faite par la Cour
de cassation a été validée par le Conseil constitutionnel, saisie d’une QPC dans une décision du
22 juin 2012. Le Conseil reproduit l’attendu de principe de la Cour de cassation dans sa décision
du 28 octobre 2003 et af rme que « la protection constitutionnelle de la liberté du mariage ne
confère pas le droit de contracter mariage à des ns étrangères à l’union matrimoniale ». Il en
conclut que l’article 146 tel qu’interprété par la Cour de cassation ne porte pas atteinte à la liberté
du mariage.
Outre la question de la conformité aux normes constitutionnelles, la question du mariage simulé a
aussi soulevé celle de sa conformité à la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut ici
mentionner un arrêt de la 1er chambre civile de la Cour de cassation du 1er juin 2017, (n°
16-13.441) dans lequel la Haute juridiction retient qu’un mariage purement ctif ne relève pas de la
sphère protégée par les articles 8 et 12 de la Convention, en l'absence de toute intention
matrimoniale et de toute vie familiale effective.

➤ La lutte contre les « mariages blancs ». Le législateur a entrepris de lutter contre les mariages
ctifs, célébrés en vue d’obtenir la nationalité française ou un titre de séjour. Il est notamment
intervenu pour durcir les conditions d’acquisition de la nationalité par mariage (article 21-2 du code
civil). Par ailleurs, la cessation de la communauté de vie dans entre les époux dans les douze mois
qui suivent la déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage prévue à l’article
21-2 du code civil constitue une présomption de fraude (article 26-4 du code civil). En n, les
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contrôles en amont ont été renforcés (➣ à voir avec l’étude des conditions de forme). Sur ce point,
on relèvera que, par le passé, le Conseil constitutionnel a censuré, une disposition de la loi n°
2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en
France et à la nationalité, qui aurait permis à l'of cier de l'état civil de considérer que le séjour
irrégulier était un indice sérieux du caractère ctif du mariage (Cons. const., 20 nov. 2003, n°
2003-484 DC).

2. L’intégrité du consentement des époux

Pour que le mariage soit valablement formé, il ne suf t pas que l'intention existe. Il faut encore que
la volonté soit exempte de vices, qu'elle soit libre mais aussi éclairée. Cette liberté du
consentement doit s’apprécier avant le mariage lui-même et au moment de sa célébration.

a. La liberté du consentement avant le mariage

La liberté du mariage a plusieurs facettes : celle de se marier mais aussi celle de ne pas se marier.
Parce qu’on doit pouvoir rester libre de se marier, la jurisprudence a condamné les clauses de
célibat dans certains contrats de travail. Concernant les hôtesses de l’air d’Air France, par
exemple, la CA de Paris dans un arrêt du 30 avril 1963 a jugé que « le droit au mariage est un droit
individuel d'ordre public qui ne peut se limiter ni s'aliéner ». La Cour de cassation a également
rappelé, à propos d’une institution religieuses qui avait licencié une enseignante qui s’était
remariée après un divorce « qu'il ne peut être porté atteinte sans abus à la liberté du mariage par
un employeur que dans des cas très exceptionnels ou les nécessites des fonctions l'exigent
impérieusement », Affaire Sainte-Marthe, AP, 19 mai 1978. La CJUE considère également que la
restriction à la liberté matrimoniale « est subordonnée à l'existence objectivement véri able d'un
lien direct entre l'exigence professionnelle imposée par l'employeur et l'activité concernée
» (CJUE, 11 septembre 2018, C-68/17).

En revanche, la jurisprudence admet parfois les clauses limitant la liberté matrimoniale contenues
dans des libéralités (pare que l’on peut toujours les refuser). Encore faut-il que la condition n’ait
pas été dictée par un motif répréhensible (ex. jalousie posthume).

De même, parce que les futurs époux doivent rester libres de ne pas se marier, la jurisprudence ne
reconnaît aucune force obligatoire aux promesses de mariage ou aux ançailles qui peuvent
toujours être rompues. Elle refuse de considérer les ançailles comme un contrat juridiquement
obligatoire. En ce sens, la promesse de mariage est dénuée de valeur juridique. Toutefois les
juges reconnaissent la possibilité pour la ou (le) ancé(e) délaissé(e) de réclamer des dommages
et intérêts en réparation du préjudice que peuvent lui causer les circonstances fautives de la
rupture. S'agissant d'une responsabilité de nature délictuelle, elle exige que soient réunies les
conditions d'application de l'article 1240 du code civil (ancien article1382) (faute, préjudice et lien
de causalité). Encore faut-il d’abord faire la preuve de ces ançailles. Pendant longtemps, la
jurisprudence a exigé que la preuve de la promesse soit administrée, comme en matière
contractuelle, par écrit ou avec un commencement de preuve par écrit. Cette position est
aujourd’hui abandonnée. Mais ni l’existence d’un concubinage, quelle que soit sa durée, ni la
naissance d’un enfant ne suf sent à faire la preuve des ançailles. Cette preuve pourra être établie
par la xation d’une date de mariage ou bien par l’accomplissement des formalités en vue du
mariage.

Il reste que la rupture ne peut donc donner lieu à réparation que si elle est intervenue dans des
circonstances révélant une faute de la part de son auteur, cette faute ayant entraîné un préjudice
pour l'autre ancé. Par exemple, la rupture une semaine, avant le mariage, après avoir annulé les
préparatifs sans en informer la ancée constitue une faute ; même chose pour le futur mari qui ne
se présente pas à la mairie alors qu’il y est attendu par sa ancée et les invités. Mais certains
auteurs s’interrogent à propos de cette position et se demandent « comment expliquer [...] que l'on
puisse commettre une faute en rompant une promesse trop peu de temps avant la célébration, tout
en considérant que la liberté de la volonté doit être préservée jusqu'au prononcé même du « oui
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» ? » (J. Hauser). Le ancé qui entend obtenir réparation doit établir, outre la faute imputable à
l'auteur de la rupture, le préjudice qu'il subit du fait de cette rupture. Ce n'est que l'application des
règles générales de la responsabilité civile. En l'absence de tout préjudice, la rupture d'une
promesse de mariage ne peut donner lieu à réparation. Ce préjudice peut être matériel ou moral.
Pour le préjudice matériel, il s'agira, le plus souvent, de réparer le préjudice résultant des
dépenses faites en vue du mariage et devenues inutiles du fait de la rupture ou des frais
d’installation d’un appartement destiné aux futurs époux. Le préjudice moral pourra notamment
résulter de l'atteinte portée à la réputation.

Les ançailles créent une situation de fait qui peut produire certains effets juridiques. Après la
rupture se pose notamment le sort des cadeaux. Les tribunaux considèrent, en principe, que les
cadeaux doivent être restitués. C’est une application de l’article 1088 du code civil selon lequel «
toute donation faite en faveur du mariage sera caduque, si le mariage ne s'ensuit pas ». Les
présents d’usages peuvent néanmoins être conservés. La bague de ançailles est généralement
considérée comme un présent d'usage. Elle restera donc acquise à la ancée, à moins que sa
valeur n'excède les facultés respectives des futurs époux ou qu'il ne s'agisse d'un bijou de famille.

b. Un consentement au mariage non vicié

Il ressort de l’article 180 du code civil que le consentement au mariage doit être exempt de vices.
En droit commun, les vices du consentement sont le dol (càd la tromperie), l’erreur et la violence.
Pour le mariage, le dol n’est pas retenu car il serait trop dif cile à distinguer des manœuvres de
séduction. Selon la formule de Loysel, « en mariage, trompe qui peut ».
Seuls deux vices sont retenus pouvant entraîner l’annulation du mariage : l’erreur et la violence.
La violence, d’abord. ➣ Dé nition : la violence est une contrainte exercée à l’égard d’une personne
qui, en raison de la crainte qu’on lui a inspirée donne un consentement forcé. Il peut s’agir d’une
contrainte physique ou d’une contrainte morale. La violence physique est dif cile à envisager au
moment de la célébration du mariage du fait de la présence de l’of cier d’état civil. Elle a
cependant pu intervenir avant la célébration pour contraindre la victime à consentir au mariage.
Cette question a connu un renouveau d’actualité avec la question des mariages forcés. Ces
mariages sont le plus souvent imposés aux jeunes lles. La loi du 4 avril 2006 sur la prévention et
la répression des violences au sein du couple et contre les enfants a aligné l’âge légal du mariage
des femmes sur celui des hommes et modi é l’article 180 du code civil pour permettre une
sanction a posteriori des mariages forcés sur le fondement de la violence. L’action est désormais
ouverte au ministère public.

Par ailleurs, l’article 180 précise expressément que la contrainte procédant « d’une crainte
révérencielle » envers un ascendant constitue aussi un cas de nullité du mariage. La crainte
révérencielle peut se comprendre comme le sentiment d’obéissance, de respect et de crainte
ressentie à l’égard de ses parents.
En n, il faut évoquer la loi du 9 juillet 2010 « relative aux violences faites spéci quement aux
femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».
Cette loi a introduit dans les articles 515-9 et 515-13 du code civil « l’ordonnance de protection »
qui permet au JAF de prendre des mesures d’éloignement du conjoint ou du concubin violent.
Cette ordonnance de protection peut également être délivrée par le juge à la personne majeure
menacée de mariage forcé (article 515-13 du code civil) ➣ dispositions modi ées en dernier lieu
par la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité
intérieure.

L’erreur, maintenant. Il faut distinguer l’erreur sur l’identité de la personne et l’erreur sur ses
qualités.

L’erreur sur l’identité : il est dif cile d'imaginer aujourd'hui une erreur sur l'identité physique du
conjoint (cas où il y aurait substitution de personne). L’hypothèse est peu vraisemblable. On peut
en revanche envisager l'erreur sur l'identité civile du conjoint. La personne est bien celle avec
laquelle on entendait se marier, mais elle est une autre personne sous l'angle de l'état civil. Ce
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sera le cas d’un individu qui utilise de faux papiers et contracte un mariage sous cet état civil
d'emprunt.

L’erreur sur les qualités essentielles de la personne : à l’origine, cette erreur n’était pas prise en
considération. La Cour de cassation, dans un arrêt célèbre, l’arrêt Berthon, arrêt de chambre mixte
rendu le 24 avril 1862, avait refusé d’annuler un mariage contracté avec un ancien forçat. Après
quelques hésitations jurisprudentielles, la loi du 11 juillet 1975 a modi é l’article 180 qui dispose
désormais que « s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la
personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ». La question se pose alors de savoir
ce qu’on entend par qualité essentielle. Est-ce que ce sont des qualités que l’on apprécie
objectivement (par rapport à ce qui est communément attendu d’un mariage) ou subjectivement
(en fonction de chaque individu) ? Certaines qualités sont considérées comme essentielles sans
dif culté. C’est le cas de la santé mentale. Encore faut-il prouver que la maladie est antérieure au
mariage et qu’elle était ignorée du conjoint au moment de l’échange des consentements. On l’a
admis également pour l’aptitude aux rapports sexuels ou l’activité de prostituée de l’épouse avant
le mariage. La question de l’appréciation objective ou subjective des qualités essentielles s’est
posée à propos la virginité de la future épouse. Dans cette affaire, le mari demandait la nullité du
mariage au motif que son épouse lui avait caché le fait qu’elle n’était plus vierge, ce qu’il avait
découvert après la célébration du mariage. Le TGI de Lille, dans une décision rendue le 1er avril
2008 avait prononcé la nullité du mariage et admis que la virginité de l’épouse pouvait être
considérée comme une qualité essentielle Sur appel du parquet, la Cour d’appel de Douai a
in rmé la décision et considéré que la virginité n’était pas une qualité essentielle « en ce que son
existence n’a pas d’incidence sur la vie matrimoniale » (17 nov. 2008). Il ressort de cette décision
que « les qualités essentielles doivent s’apprécier objectivement, en fonction de l’état des mœurs
et des valeurs de la société à un moment donné » (Virginie Larribau-Terneyre).
Notons que la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la
République a inséré dans le code de la santé publique un article L. 1110-2-1 qui dispose que « Un
professionnel de santé ne peut établir de certi cat aux ns d'attester la virginité d'une personne ».

3. La volonté de la famille

La volonté de la famille peut s’exprimer à deux niveaux : lorsqu’une autorisation est nécessaire, ou
indirectement, pour faire opposition au mariage.

On l’a déjà vu, l’autorisation est nécessaire, à peine de nullité relative, pour le mariage des
mineurs. Depuis la loi de 2006 qui a aligné l’âge légal du mariage des lles sur celui des garçons
(soit 18 ans), le consentement parental n’a, en principe, plus d’objet. Il subsiste néanmoins dans
les cas où un mineur se marie du fait d’une dispense accordée par le procureur de la République
(voir articles 148, 149, 150 et 159 du code civil).
La volonté familiale peut aussi s’exprimer en faisant opposition au mariage. L’opposition est un
acte juridique par lequel certaines personnes font connaître à l’of cier d’état civil l’existence d’un
empêchement au mariage (c’est-dire d’une cause de nullité) et lui demandent de surseoir à la
célébration. Le droit de faire opposition appartient essentiellement à la famille : père, mère,
ascendants, certains collatéraux (article 173 et 174) ou au ministère public (notamment pour éviter
les mariages « naturalisants »).

La loi du 23 mars 2019 a également donné un droit d’opposition au tuteur et au curateur (article
175 du code civil). L’opposition pourra notamment être fondée sur le fait que le majeur n’est pas en
état de consentir au mariage.

C. Les conditions d’ordre sociologique

1. L’interdiction de la bigamie

L’article 147 du code civil dispose qu’«on ne peut contracter un second mariage avant la
dissolution du premier ». Pour pouvoir se marier, il faut donc être célibataire, veuf ou divorcé. Dans
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le cas contraire, il y aurait bigamie et nullité du second mariage. La loi ne fait pas que poser un
interdit. Elle s'efforce d'abord de prévenir la réalisation de la situation de bigamie. Ainsi, toute
personne qui souhaite se marier doit remettre à l'of cier de l'état civil une copie intégrale de son
acte de naissance délivrée depuis moins de trois mois. La production de cette copie doit, en
principe, permettre de révéler l'existence d'un mariage antérieur puisque l'article 76 du code civil
impose la mention de toute célébration de mariage en marge de l'acte de naissance de chaque
époux ainsi que le nom du conjoint. En n, la prévention est également assurée par le droit
d'opposition au mariage accordé à la personne déjà mariée avec l'une des deux personnes
souhaitant de nouveau se marier (article 172).

2. L’interdiction de l’inceste

Le mariage entre parents par le sang et alliés à un degré prohibé est interdit à peine de nullité
absolue. Ces interdictions concernent tant la famille par le sang que la famille adoptive.

a. Dans la famille par le sang.

Le mariage est toujours prohibé entre ascendants et descendants sans limitation de degré
(article 161 du code civil).

En ligne collatérale, le mariage est interdit, en principe, jusqu’au troisième degré, c’est-à-dire entre
frères et sœurs, et depuis la loi du 17 mai 2013, entre frères et entre sœurs (article 162) mais
également entre l’oncle et la nièce ou, depuis la loi du 17 mai 2013, l’oncle et le neveu. Même
chose pour la tante et le neveu ou la tante et sa nièce (article 163).
Il ressort des articles 161 et 162, que l'alliance résultant du mariage entraîne un empêchement à
mariage ultérieur en ligne directe mais non en ligne collatérale.
En conséquence, est interdit le mariage entre un père ou une mère et celui qui a été le conjoint de
son enfant ou le mariage entre un ls ou une lle et celui qui a été le conjoint de son père ou de sa
mère.

Or, le Royaume-Uni dont la législation prévoyait un empêchement similaire, a été condamnée par
la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour de Strasbourg a considéré qu'un tel
empêchement, bien que poursuivant un but légitime de protection de l'intégrité de la famille,
constituait une atteinte excessive au droit au mariage et violait l'article 12 de la Conv. EDH (CEDH
13 sept. 2005, B. et L. c/Royaume-Uni, req. n° 36536/02). Par la suite, la Cour de cassation,
prenant en compte cette jurisprudence européenne, a écarté le prononcé de la nullité du mariage
contracté entre un beau-père et sa bru. En se fondant sur l’article 8 de la Convention et en
procédant à un contrôle de conventionnalité in concreto (➣ contrôle de proportionnalité) elle a
écarté l’application de l’article 161 du code civil. Pour la Cour de cassation, la nullité du mariage
entre un beau-père et sa belle- lle ne pouvait être prononcée en raison de l'ingérence injusti ée
ainsi portée dans le droit au respect de la vie privée et familiale de l'épouse, dès lors que l’union
célébrée sans opposition avait duré plus de vingt ans (Civ.1, 4 déc. 2013, n° 12- 26.006). ➣ C’est
une décision très importante qui a admis la mise à l’écart d’une règle au motif que son application
au cas particulier portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et
familiale.

Dans une autre affaire, (Civ. 1 8 décembre 2016, n° 15-27.201), la Cour de cassation a rejeté le
pourvoi formé contre une décision ayant annulé le mariage entre un homme et la lle de son
ancienne épouse : pour juger que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte
disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, il est relevé que l’épouse avait 9
ans quand son époux avait épousé sa propre mère et qu’il avait été une référence paternelle pour
elle (au moins sur le plan symbolique), que le mariage annulé n’avait duré que huit ans et
qu’aucun enfant n’en était issu.

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b. Dans la famille adoptive

Les prohibitions à mariage se retrouvent pour la parenté adoptive qu’il s’agisse de l’adoption
plénière (article 356 du code civil) ou de l’adoption simple (article 361, nouveau). Pour l’adoption
plénière, il y a là une exception à la règle selon laquelle l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par
le sang.

c. Les dispenses

Le législateur a prévu la possibilité de dispenses accordées par le président de la République en


cas de causes graves mais jamais en ligne directe pour la parenté. En ce qui concerne l’alliance,
la dispense n’est possible que si la personne qui la créait est décédée (article 164 du code civil).
En ligne collatérale, il n'y a pas de dispense possible entre frères et sœurs. En revanche, la
dispense est possible en cas de mariage entre oncle et nièce ou neveu ou entre tante et neveu ou
nièce (article 164). La dispense est également possible entre enfants adoptifs ou adoptés et enfant
de l’adoptant (article 361).

Quelles sont les causes retenues ? L'intérêt des enfants reste la cause la plus facilement retenue.

II. Les conditions de forme

A. Les formalités préalables à la célébration

La remise de diverses pièces, visées à l’article 63 du code civil, est destinée à permettre à
l’autorité publique de contrôler le respect des conditions de fond du mariage.

L’article 63 du code civil prévoit également une éventuelle audition des futurs époux. Cette audition
est destinée à véri er que le mariage n’est ni simulé, ni forcé.
L’audition commune des futurs époux a lieu « sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des
pièces fournies, que cette audition n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 ».
L’of cier d’état civil demandera à s'entretenir individuellement avec chacun des futurs époux
lorsqu'il a des raisons de craindre que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre
des articles 146 ou 180 (➣ le texte modi é concernant les modalités de cette audition par la loi n°
2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République).
La loi impose aussi une publicité du projet de mariage sous la forme des bans qui doivent être
publiés 10 jours avant la célébration (sauf dispense éventuelle accordée par le procureur de la
République : article 169 du code civil).

B. La célébration du mariage

Le mariage sera, en principe, célébré à la mairie de la commune où l’un des époux, ou l’un de
leurs parents a son domicile ou sa résidence établie depuis au moins un mois (article 74 et 165 du
code civil). Par exception, le mariage peut ne pas se dérouler à la mairie (not. en cas de péril
imminent de mort de l’un des époux). Il peut également être célébré dans un autre bâtiment
communal.
Le mariage doit être public. Les portes de la mairie doivent restées ouvertes a n que toute
personne puisse y assister. A n d'éviter les fraudes concernant l'identité des futurs époux, la
célébration exige la présence d’au moins deux témoins.

La présence des époux est obligatoire pour garantir la liberté de leur consentement (article 146- 1
du code civil).

Même si on l’évoque dans l’étude des conditions de forme, il s’agit pour la jurisprudence d’une
condition de fond. Elle est donc soumise au régime des nullités absolues (Civ.1, 28 mars 2006, n°
03-10.072).

L'article 75 du code civil décrit les différentes étapes de la célébration :

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- L’of cier de l'état civil fait d'abord lecture des textes essentiels du code civil relatifs aux droits et
devoirs des époux (article 75, al.1).

- L’of cier de l'état civil interpelle ensuite les futurs époux pour demander s'il a été fait un contrat
de mariage, et, dans l'af rmative, la date de ce contrat ainsi que les nom et lieu de résidence du
notaire qui l'a reçu (article 75, al.4).

- L'of cier de l'état civil reçoit ensuite de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles
veulent se prendre pour époux . Il prononcera, ensuite, au nom de la loi, qu'elles sont unies par
le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. (article 75, al. 6).

Par ailleurs, l'article 171 du Code civil, prévoit à titre exceptionnel la possibilité d’un mariage
posthume. Le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du
mariage en cas de décès de l'un des futurs époux, dès lors qu'une réunion suf sante de faits
établit sans équivoque son consentement. Il apprécie discrétionnairement l'existence et la gravité
du motif. À l'égard de l'époux survivant, le mariage posthume produit des effets limités qui
remontent ctivement à la date du jour précédant celui du décès de l'époux (article 171 al. 2).
L’époux survivant peut porter le nom du défunt. Les effets patrimoniaux du mariage posthume sont
limités (pas de droits de succession hors testament, pas de régime matrimonial).

III. Le rôle spéci que de l’of cier d’Etat civil et du ministère public

Ils interviennent en particulier en prévention des mariages nuls.

➤L’of cier d’état civil doit auditionner les futurs époux lorsqu’il suspecte que le mariage qui doit
être célébré est ctif ou entaché du vice du violence. Toutefois, il ne peut s’opposer seul à la
célébration du mariage : il doit alors alerter le ministère public.

➤ Le ministère public peut former opposition « pour tous les cas où il pourrait demander la nullité
du mariage » (article 175-1 du code civil) : ce qui vise les cas de nullité absolues de fond ou de
forme. Notons que saisi d’une QPC portant sur cet article 175-1, le conseil constitutionnel a jugé
dans une décision du 22 juin 2012 que le droit d’opposition du ministère public ne portait pas une
atteinte excessive à la liberté du mariage.

Par ailleurs, l’article175-2 du Code civil prévoit que le ministère public peut faire opposition au
mariage lorsqu'il aura été prévenu par l'of cier de l'état civil qu'il existe des indices sérieux laissant
présumer qu'un mariage ctif ou forcé va être célébré (cela peut apparaître au moment de
l’audition ou des entretiens individuels prévus à l’article 63 du code civil).

Le procureur dispose alors de 15 jours :

- Soit pour laisser procéder au mariage


- Soit pour faire opposition
- Soit pour décider du sursis à la célébration pour une durée maximum d’un mois, pour qu’il soit
procéder à une enquête. Le sursis à la célébration ne peut excéder un mois renouvelable une
fois : les époux peuvent contester cette décision devant le Président du tribunal judiciaire (qui
doit statuer dans les 10 jours). A l’expiration du sursis le procureur fait connaître par une
décision motivée s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’y oppose.

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Section 2 : Les nullités du mariage

I. Les nullités relatives

Comme en droit commun, la nullité relative du mariage est une nullité de protection. Il n’existe que
deux cas de nullité relative :

- Un vice du consentement de l’un des époux : l’erreur ou la violence (article 180 du code civil)
- Le défaut d’autorisation familiale lorsque celle-ci était requise par la loi : ce qui concerne le
mariage des mineurs (article 182 du code civil).

Le régime de l’action en nullité relative du mariage est dérogatoire au droit commun. Il faut
envisager le régime de la nullité du point de vue des personnes qui peuvent l’invoquer et du délai
de prescription.

A. Les personnes pouvant invoquer la nullité du mariage

- En cas de vice du consentement : en vertu de l’article 180 alinéa 1er, l’action en nullité ne peut
être intentée que par l’époux dont le consentement a été vicié (et non son conjoint). Par ailleurs,
depuis la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du
couple, l’article 180 a été modi é et l’action en nullité pour vice de violence a été ouverte au
ministère public.

- En cas de défaut d’autorisation des parents ou du conseil de famille : selon l’article 182 du code
civil, peuvent agir : les parents ou le conseil de famille dont le consentement était requis ainsi
que l’époux qui devait obtenir l’autorisation, une fois devenus majeur. 


B. Le délai de prescription

Les délais de prescription ont connu certaines modi cations avec la loi du 4 avril 2006.

- En cas de vice du consentement : le délai de prescription est de 5 ans et le délai court à 



compter du mariage (article 181 du code civil)

- En cas de défaut d’autorisation des parents ou du conseil de famille : les parents ou le 



conseil de famille ont 5 ans, à partir du moment où ils ont eu connaissance du mariage, pour en
demander l’annulation (article 183 du code civil). Pour l’époux qui était mineur, le délai court à
partir de ses 18 ans. 


Notons que la con rmation du mariage est possible. Elle peut intervenir de manière tacite en
laissant s’écouler les délais. Par ailleurs, il résulte de l’article 183 du code civil, que ceux qui
devaient donner leur autorisation au mariage peuvent le con rmer et ainsi faire échec à l’action en
nullité.

II. Les nullités absolues

L’article 184 prévoit 5 cas de nullité absolue sanctionnant des conditions de fond :

- L’absence de consentement des époux (article 146)


- La bigamie (article 147)
- La minorité (article 144)
- L’inceste (article 161 et s).
- La non comparution d’un Français lors de son mariage (article 146-1).

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L’article 191 du code civil, prévoit deux hypothèses où l’inobservation d’une condition de forme est
susceptible d’entraîner la nullité absolue du mariage.

- L’incompétence de l’of cier d’état civil (article 191)


- La clandestinité (article 191).

Pour ces inobservations d’une condition de forme, le juge n’est jamais obligé de prononcer la
nullité lorsque les conjoints ont la possession d’état d’époux. Ce sont des nullités facultatives
laissée à l’appréciation du juge. Ce pouvoir d’appréciation a notamment été utilisé dans l’affaire
dite de Montrouge où l’on a refusé d’annuler tous les mariages célébrés pendant une certaine
période par un of cier incompétent à la mairie de Montrouge (Civ. 7 aout 1883).

A. Les personnes pouvant invoquer la nullité du mariage

Certaines personnes n’ont pas à justi er d’un intérêt particulier : les époux (même celui
responsable de la cause de nullité), le premier conjoint en cas de bigamie, les ascendants ou le
conseil de famille.

Les autres personnes ne peuvent exercer l’action que si elles invoquent un intérêt pécuniaire :
c’est le cas par exemple pour les collatéraux et les enfants (l’intérêt est en général successoral).
En n, le ministère public peut intervenir dans tous les cas de nullité absolue.

➣Textes : article 184 , 187 et 188 du code civil.

B. Le délai de prescription

La durée de la prescription de l’action en nullité absolue du mariage est de trente ans à compter de
sa célébration (articles 184 et 191).

III. Les effets des nullités des mariages

En la matière il existe un principe et des tempéraments :

Le principe : l’effet rétroactif de la nullité. Lorsque le mariage est annulé, il a existé en fait mais n’a
jamais existé en droit. Les effets personnels et patrimoniaux du mariage sont rétroactivement
anéantis. Les conséquences sont importantes : l’époux mineur doit perdre le béné ce de
l’émancipation, un époux ne peut plus porter le nom de son conjoint, le régime matrimonial est
censé n’avoir jamais existé etc.

Ce principe connaît deux tempéraments :

- A l’égard des enfants : il ressort de l’article 202 du code civil que les enfants n’ont pas à souffrir
de la rétroactivité attachée à la nullité. Ils conservent leur qualité d’enfant conçu ou né en
mariage. Cela n’a d’intérêt que pour l’établissement du lien de liation. Pour cela peu importe
que leurs parents soient ou non de bonne foi (càd qu’ils aient ou non connu le vice affectant leur
mariage).

- A l’égard des ex-époux : la rétroactivité est écartée lorsque le mariage est dit putatif. Le mariage
putatif est le mariage contracté de bonne foi. Il faut que l’un au moins des époux ait cru qu’il était
valable au jour de sa célébration (article 201). L’erreur commise peut-être de fait ou de droit. Par
ailleurs, la bonne foi, en droit, est présumée. Conséquences du mariage putatif ? Lorsque les
deux époux sont de bonne foi, le mariage putatif produit les effets d’un mariage simplement
dissous pour l’avenir comme pour un divorce. Lorsqu’un seul époux est de bonne foi, il sera seul
à béné cier de la putativité. En revanche, son conjoint ne pourra se prévaloir des effets du
mariage qui se seraient déjà produits. 


Ce qui nous amène à envisager plus spéci quement les effets du mariage.
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Chapitre 2 : Les effets du mariage

En se mariant, les époux adhèrent à un statut matrimonial de base qui est prévu par la loi dans les
articles 212 à 226 du code civil. Ce statut impératif est applicable à tous les couples mariés, quel
que soit leur régime matrimonial. Ce statut organise les rapports personnels des époux (section 1)
ainsi que leurs rapports patrimoniaux (section 2).

Section 1 : Les rapports personnels

I. Les devoirs réciproques

Les époux sont soumis à un certain nombre d'obligations personnelles qui découlent de plein droit
du mariage (article 226) : le devoir de communauté de vie (article 215 al. 1er ), le devoir de délité,
le devoir d'assistance et, depuis la loi du 4 avril 2006, le devoir de respect (article 212).

A. Le devoir de délité

C’est un devoir qui n’est pas dé ni dans les textes. C’est un devoir spéci que du mariage dans la
mesure où il n’est imposé qu’aux époux. Il n’y a pas d’obligation de délité entre concubins ou
entre partenaires.

Lorsqu’on pense in délité, on pense d’abord à l’in délité physique : c’est effectivement d’abord
cela > des relations sexuelles entretenues avec une autre personne que son
conjoint. Ces relations sont constitutives de l’adultère. Cependant, « la conduite légère ou
imprudente d’un époux » peut également constituer une violation de l’obligation de délité. La
jurisprudence a même admis qu’une in délité intellectuelle pouvait être retenue : voir l’idée d’une
in délité dématérialisée > Il est possible de retenir l’in délité sans rapports sexuels : Civ. 1. 30 avril
2014, n° 13-16.649.
Mais la façon dont le juge appréhende le devoir de délité peut parfois se révéler tout à fait
étonnante et affaiblir ce devoir. Dans une affaire opposant à un éditeur un homme politique et
ancien ministre dont l’adultère était divulgué dans un ouvrage, les juges ont considéré que
l'évolution des mœurs comme celle des conceptions morales ne permettent plus de considérer à
elle seule l'imputation d'une in délité conjugale comme une atteinte à l'honneur ou à la
considération du conjoint (Civ. 1re, 17 déc. 2015, n° 14-29.549).

C’est une manière de dire que, du point de vue de la société, l’in délité n’est pas bien grave. C’est
un peu cette conception de la délité qui a béné cié à une société exploitant un site de rencontres
en ligne pour in dèles qui avait utilisé les murs du métro parisien pour une campagne d'af chage
publicitaire. Le TGI de Paris a ainsi débouté une association qui souhaitait obtenir l'annulation pour
cause illicite des contrats conclus par la société avec les utilisateurs de son site et l'interdiction de
faire référence à l'in délité conjugale dans ses publicités (TGI Paris, 9 févr. 2017, n° 15/07813). La
solution a été con rmé en appel, puis par la Cour de cassation (Civ. 1ere. 16 décembre 2020,
n°19-19.387).
Cette sorte de banalisation de l’in délité s’accompagne d’un affaiblissement de l’obligation entre
les époux eux-mêmes. Ainsi, la jurisprudence considère que n'est pas contraire aux bonnes
mœurs la cause de la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère (Cass., AP., 29
octobre 2004,n° 03-11.238)
Elle l’a aussi admis pour la conclusion d'une convention de courtage matrimonial par un homme
marié (Civ. 1re , 4 nov. 2011, n° 10-20.114) ➣ le contrat 'est pas nul, comme ayant une cause
contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu'il est conclu par une personne mariée.

Quelle sanction ?

Depuis la loi du 11 juillet 1975, l'adultère n'est plus sanctionné pénalement. Il n'y a donc plus
qu'une sanction civile dont la nature est double.

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D’une part, l’adultère est une cause de divorce ou de séparation de corps. La sanction sera alors
le divorce ou la séparation de corps pour faute (si les conditions en sont remplies) car l’adultère
n’est plus une cause péremptoire de divorce (obligation de prononcer le divorce si la preuve en est
établie).
Toutefois, il faut ici observer que le divorce peut perdre son caractère fautif en cas d’approbation
de l’autre époux. Là aussi, on peut y voir un affaiblissement de l’obligation de délité : les époux
sont censés ne pas pouvoir exclure d’un commun accord l’application des devoirs conjugaux
personnels (articles 226 et 1388 du code civil). Or, lorsque l’adultère d’un époux a été autorisé par
son conjoint, les juges ont tendance à considérer que la faute n’est pas suf samment grave pour
justi er le divorce.
D’autre part, l’in délité peut aussi être sanctionnée par la condamnation de l’époux in dèle à des
DI sur le fondement de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382). Mais cela ne saurait
concerner le ou la complice de l’adultère. Ainsi, il a été ainsi jugé que la maîtresse d'un homme
marié ne pouvait être tenue à réparer le dommage de l'épouse trompée (Civ. 2, 4 mai 2000, n°
95-21.567).

B. Le devoir d’assistance

Le devoir d’assistance, prévu à l’article 212 du code civil, est une manifestation de l’entraide
conjugale extrapatrimoniale. Le devoir d’assistance est celui d’aider et de soutenir son conjoint
dans les dif cultés de la vie : le soigner s’il est malade, lui apporter un réconfort dans les moments
dif ciles. Il peut aussi prendre la forme d’une aide ponctuelle à l’activité professionnelle de son
conjoint.

Quelle sanction ?

Comme la violation du devoir de délité, la violation du devoir d’assistance peut être sanctionnée
par l’octroi de DI ou par le prononcé du divorce pour faute.

C. Le devoir de communauté de vie

Boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble » : la communauté de vie


constituait l’essence du mariage pour Loysel. La communauté de vie est un devoir énoncé par
l’article 215 du code civil. La communauté de vie suppose une communauté de résidence et une «
communauté de lit ».

1. La communauté de résidence

Depuis la loi du 11 juillet 1975, l’article 108 du code civil permet aux époux d’avoir des domiciles
distincts. Cela ne signi e pas pour autant que les époux sont dispensés du devoir de communauté
de vie. Les époux peuvent avoir des domiciles distincts pour des raisons professionnelles, par
exemple, tout en maintenant une communauté de vie. La résidence de la famille correspond alors
au lieu où cette communauté de vie trouve à s’exprimer et où les époux remplissent leur obligation
de communauté de vie.

Notons que le dispositif de lutte contre les violences au sein du couple permet au juge aux affaires
familiales d’ordonner à un époux violent de quitter le logement conjugal (article 515- 11 du code
civil).

Quelle sanction si un époux quitte la résidence familiale ? On n’imagine mal un juge le condamner
sous astreinte à l’exécution de l’obligation de communauté de vie. La sanction d’un manquement à
ce devoir est là encore le divorce ou la séparation de corps. L’époux victime peut également
solliciter des dommages et intérêt sur le fondement de l’article 1240 du code civil (ancien article
1382).

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2. La communauté de lit

On parle ici de ce qui est parfois quali é de « devoir conjugal » (la copula carnalis dans le droit
canonique). Le refus de se prêter au devoir conjugal est invoqué comme cause de divorce pour
faute et peut justi er une condamnation à des dommages et intérêt. Plus rarement, il peut être
invoqué pour demander l’annulation du mariage (l’aptitude aux relations sexuelles pouvant être
considérée comme une « qualité essentielle » de la personne).

Se posera toutefois des dif cultés d’ordre probatoire : il faut prouver cette absence de rapports
sexuels. Cela a pu être possible en fournissant un certi cat médical établissant la virginité
notamment (> possibilité désormais interdite depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect
des principes de la République). Mais le fait de faire chambre à part ne prouve rien. L’abstention
peut toutefois être justi ée. Ce sera le cas si des raisons médicales rendent les rapports
impossibles.

L’existence de ce « devoir conjugal » est aujourd’hui discuté. Dans une décision du 17 septembre
2020 (n° 20-10.564), la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé
contre un arrêt ayant prononcé un divorce pour faute à l'encontre d'une femme ayant refusé d’avoir
des relations sexuelles avec son mari. Le Collectif féministe contre le viol et la Fondation des
femmes ont par la suite fait savoir qu’un recours contre la France avait été déposé par cette
femme devant la Cour européenne des droits de l'homme pour ingérence dans la vie privée et
atteinte à l'intégrité physique.

D’un côté, la Cour de cassation considère que le refus d’avoir des relations sexuelles avec son
conjoint peut être jugé fautif, de l’autre elle af rme que ces relations doivent restées consenties et
ne peuvent être imposées.

Sur ce point, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation a beaucoup


évolué. Sous l’empire du code pénal de Napoléon, il était admis qu’il n’y avait pas viol entre époux
(Crim. 19 mars 1910). Il ressortait de la jurisprudence que la contrainte sexuelle exercée par le
mari ne pouvait pas être constitutive d’un viol. Le devoir de cohabitation justi ait l’infraction et le
devoir conjugal était susceptible d’une exécution forcée : seuls les rapports sexuels déviants
étaient parfois sanctionnés sous la quali cation notamment d’attentat à la pudeur avec violence
(Crim. 21 nov. 1839).

Après une modi cation de la loi sur le viol et les agressions sexuelles en 1980, la Cour de
cassation a accepté de retenir la quali cation de viol pour des rapports contraints entre époux. Elle
a par la suite posé comme principe que « la présomption de consentement des époux aux actes
sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu’à preuve contraire » (Crim.
11 juin 1992, n° 91-86346).

Cette jurisprudence a par la suite fait l’objet d’une consécration légale par la loi du 4 avril 2006
renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Par la suite, la loi n°
2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spéci quement aux femmes, aux violences
au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a modi é l'article 222-22,
alinéa 2, du code pénal et supprimé toute référence à la présomption simple de consentement des
époux à l'acte sexuel. Ce texte incrimine le viol « quelle que soit la nature des relations existant
entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage ».
Par ailleurs, le viol commis par le conjoint (mais cela vaut pour le concubin ou le partenaire) est
une circonstance aggravante (article 222-24, 11° du code pénal).

La dif culté reste de rapporter la preuve du viol. Par ailleurs, de nombreux rapports relèvent la
dif culté pour les victimes de porter plainte en cas de violences sexuelles et, encore plus, lorsque
ces violences ont lieu au sein du couple.

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D. Le devoir de respect

La loi du 4 avril 2006, déjà évoquée, a complété l'article 212 du code civil en ajoutant un nouveau
devoir au mariage, le devoir de respect. Ce devoir revêt essentiellement une valeur symbolique.
On englobe désormais dans le devoir de respect tous les devoirs qui n’étaient auparavant pas
précisément nommés et dont le juge avait pu néanmoins par le passé reprocher la violation aux
époux. Les violences physiques ou morales, le harcèlement ou bien encore les atteintes à la
personnalité morale de l'autre conjoint, à son honneur, à sa dignité seront ainsi quali és de
manquement au devoir de respect.
La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spéci quement aux femmes, aux violences au
sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a renforcé l’importance de ce
devoir et a mis à disposition du JAF un nouveau dispositif de protection contre les violences
conjugales > l’ordonnance de protection prévue aux articles 515-9 à 515-13 du code civil. Ce
dispositif a été modi é plusieurs fois.

L’article 515-11 du code civil organise les conditions dans lesquelles une ordonnance de protection
peut être délivrée. La délivrance de l’ordonnance de protection est soumise à deux conditions
cumulatives :

- La vraisemblance des faits de violences (du conjoint, concubin ou partenaire) à l’égard de l’autre
membre du couple ou des enfants

- Le danger auquel la victime ou les enfants sont confrontés, 


L’apport majeur des dernières réformes est de permettre à l’époux victime de rester au domicile
conjugal. La jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement
motivée justi ée par des circonstances particulières, au conjoint qui n'est pas l'auteur des
violences (la règle vaut également pour le partenaire ou le concubin).

Il existe d’autres mesures inspirées du droit pénal : l’interdiction de rencontrer certaines


personnes, l’interdiction de porter une arme etc. (article 515-11), l’interdiction de se rapprocher à
moins d'une certaine distance (article 515-11-1).

Les mesures de l’ordonnance de protection sont prises pour une durée maximale de six mois à
compter de la noti cation de l'ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce
délai, une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires
familiales a été saisi d'une demande relative à l'exercice de l'autorité parentale (article 515-12).
Outre ces mesures spéci ques en cas de violences, la violation du devoir de respect peut être
sanctionnée par la voie d’une action en divorce et éventuellement l’attribution de DI.

II. Les fonctions conjointes

On l’a dit, le droit contemporain de la famille place les époux dans un rapport d’égalité. Cette
association est expressément posée dans le code civil.

A. La direction de la famille

L’article 213 du code civil dispose que « les époux assurent ensemble la direction morale et
matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir ». Ce
principe d’une direction collégiale de la famille peut être tempéré. On verra qu’en cas de désaccord
un recours au juge est envisageable (> voir les mesures de crise).

B. Le choix de la résidence familiale

Jusqu’en 1970, le lieu de la résidence de la famille était choisi par le mari. Une loi de 1970 a posé
que le choix devait être fait par les deux époux mais en cas de désaccord, le mari avait le dernier
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mot. Depuis la loi du 11 juillet 1975 l’article 215 alinéa 2 dispose que « la résidence de la famille
est aux lieux qu’ils choisissent d’un commun accord ». En cas de désaccord le juge pourra
intervenir pour organiser une séparation des époux.

Section 2 : Les rapports patrimoniaux

Les règles du régime primaire sont celles qui sont la conséquence nécessaire de tout mariage. ➣
C’est un régime impératif : la loi l’impose aux époux qui ne peuvent l’écarter.
Ces règles ne se situent pas dans le titre relatif aux régimes matrimoniaux mais dans celui relatif
au mariage : ce sont les articles 214 à 226 du code civil.

Il faut faire attention à cette terminologie de « régime primaire » qui peut être trompeuse. Le
régime primaire ne se suf t pas à lui-même : les époux sont mariés sous un régime déterminé (la
communauté ou la séparation de biens par exemple) et ils sont en même temps soumis au régime
primaire.

Les règles du régime primaire ont une grande importance pratique. Ce sont des règles
d’application quotidienne : par exemple, elles concernent la libre perception des salaires ou la
possibilité d’ouvrir seul un compte en banque.

On peut donc observer que le régime primaire prévoit des règles qui ont vocation à s’appliquer
hors temps de crise (§ 1) et des règles qui ont vocation à s’appliquer en temps de crise (§ 2).

I. La famille hors temps de crise

A. Les mesures de coopération

1. La contribution aux charges du mariage et le devoir de secours

L’article 212 du code civil prévoit que les époux sont tenus au devoir de secours tandis que l’article
214 dispose qu’ils doivent contribuer aux charges du mariage (à défaut de l’avoir déterminé par
convention, les époux contribuent à proportion de leurs facultés respectives) :

- Le devoir de secours est traditionnellement dé ni comme l’obligation, pour chaque époux, de


fournir à son conjoint, si celui-ci est dans le besoin, tout ce qui lui est nécessaire pour vivre
(logement, nourriture, vêtement...). C’est une application de l’obligation alimentaire entre époux.

- La contribution aux charges du mariage, quant à elle, permet à un époux de demander à son
conjoint une participation nancière à l’ensemble des dépenses du ménage (elles dépendent du
train de vie du ménage : dépenses de logement, d'assurance, de transport, de santé, les frais
d'éducation des enfants mais aussi les dépenses d'agrément comme les voyages ou les loisirs).

Lorsque les époux vivent ensemble : le devoir de secours est masqué par la contribution aux
charges du mariage. Quand un époux assume sa contribution aux charges du mariage, il exécute
l’obligation alimentaire qui pèse sur lui. Le devoir de secours réapparaît quand les époux sont
séparés en droit : séparation de corps ou procédure de divorce. Le devoir de secours prend alors
la forme d’une pension alimentaire déterminée par le JAF.

Quand les époux s’entendent, ils sont très libres pour organiser les modalités de leur obligation de
contribuer aux charges du mariage. Le plus souvent la contribution se fait par le versement des
revenus professionnels. Mais cette contribution peut se faire en nature par la collaboration d’un
des époux à l’activité de l’autre ou par du temps consacré aux tâches domestiques.

L’article 214 al 2 prévoit que « si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être
contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile ». L’époux créancier doit

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saisir le juge aux affaires familiales pour qu’il xe le montant de la contribution et condamne
l’époux récalcitrant au paiement.

La jurisprudence considère que la contribution aux charges du mariage ne disparaît pas en cas de
séparation de fait. Cependant, la Cour de cassation estime que le juge peut tenir compte « des
circonstances de la cause ». Il peut notamment, à titre de sanction, refuser la contribution au
demandeur si celui-ci est responsable de la séparation.

2. La protection du logement de la famille.

L’article 215 al. 3 du code civil dispose que : « Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des
droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni.
Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation :
l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte,
sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous ».

Les actes de disposition relatifs au logement de la famille et aux meubles qui le garnissent sont
soumis au double consentement des époux. Cela vise notamment la vente, la constitution d’une
sûreté réelle comme une hypothèque, la résiliation du bail ou la mise en location.
Si un tel acte est passé par un époux seul, l’autre peut en demander la nullité, dans un délai d’un
an à compter de la connaissance de l’acte (article 215 al. 3).

B. Les mesures assurant l’indépendance des époux

L’indépendance assurée par le régime primaire se manifeste à plusieurs points de vue.

1. L’indépendance relative aux dépenses

L’article 220 du code civil pose le principe de la solidarité des dettes ménagères. Cet article édicte
une double règle :

- Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du
ménage ou l'éducation des enfants

- Toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. 


Quels sont les effets de la solidarité ?

Cela signi e que chacun des époux est engagé pour l’intégralité de la dette à l’égard du créancier.
Et cela même s’il n’a pas participé au contrat. Le créancier a alors deux débiteurs : il peut exercer
ses poursuites à l’encontre du débiteur de son choix. Et le créancier peut saisir tous les biens du
ménage même les biens personnels du conjoint qui n’a pas contracté la dette. ➣ C’est une règle
qui renforce le crédit du ménage.

Quelles ont les dépenses donnant lieu à solidarité ?

L’article 220 vise les dettes « qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ».
Cela concerne les dépenses courantes : nourriture, vêtements, frais médicaux, le loyer du
logement.
En cas de séparation, la solidarité continue à jouer. Encore faut-il que le caractère ménager de la
dépense soit établi. Par exemple : des dépenses de loyer durant une procédure de divorce n’ont
pas été considérées comme une dette solidaire (Civ. 1. 14 février 1995).

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La solidarité conjugale est exclue pour trois types de dépenses alors mêmes qu’elles sont
ménagères :

- Les dépenses manifestement excessives : 



Le texte donne trois critères : le train de vie du ménage ; l’utilité ou l’inutilité de l’opération et la
bonne ou mauvaise foi du tiers.

C’est un faisceau d’indices. Dans ces cas, en dépit de son caractère ménager, si la dépense est
disproportionnée par rapport au budget familial, elle est exclue de la solidarité.

- Les achats à tempéraments : 



Ce sont les achats dont le prix est payable par versements échelonné. Pour qu’il y ait solidarité
pour ce type d’opération, il faut l’engagement des deux époux. L’engagement d’un seul ne suf t
pas même si l’opération est d’un montant modeste.

- Les emprunts : 

C’est un peu plus compliqué que pour les achats à tempéraments

Principe : il n’y a pas de solidarité pour les emprunts ayant un caractère ménager s’ils sont
conclus par un seul des époux.

Exception : « à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux
besoins de la vie courante ». Il y a donc une double condition à la solidarité :

- L’emprunt doit être modeste (fonction du train de vie du couple),


- L’achat doit être nécessaire

Par ailleurs, a loi du 17 mars 2014 a complété l’alinéa 3 de l’article 220 visant « les sommes
modestes nécessaires aux besoins de la vie courante » en exigeant que le montant cumulé de ces
sommes en cas de pluralité d’emprunt ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie
du ménage.

Que se passe-t-il si les conditions de l’article 220 ne sont pas remplies ?

Le contrat n’est pas nul. Il n’engage que celui qui a contracté selon les règles de son régime
matrimonial.

- S’il est marié sous le régime de séparation de bien, il n’engage que ses biens personnels.

- S’il est marié sous le régime de la communauté, il engage ses propres et les biens communs
(mais pas les propres de son conjoint).

2. L’indépendance professionnelle.

Il existe un principe d’autonomie professionnelle qui a pour corollaire la libre disposition par l’époux
de ses salaires .

L’article 223 du code civil dispose que « chaque époux peut librement exercer une profession,
percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ».
Chaque époux peut donc librement travailler sans avoir besoin d’une autorisation de son conjoint
et chaque époux peut librement [...] percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être
acquitté des charges du mariage.

3. L’indépendance bancaire

L’article 221 du code civil dispose que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le
consentement de l'autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel.
A l'égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage,
avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt ».

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Chacun des époux peut se faire ouvrir un compte sans le consentement de l’autre et cela qu’il
s’agisse d’un compte de dépôt (compte chèque, compte courant) ou d’un compte de titre (valeurs
mobilières).

Cela implique que la banque n’a pas de justi catifs à l’époux qui veut ouvrir un compte : ni quant à
son régime matrimonial, ni quant à la nature juridique des fonds qu’il veut déposer.

II. La famille en temps de crise

Dans certaines situations, on constate qu’un époux est hors d’état de manifester sa volonté ou qu’il
refuse de consentir sans que ce soit justi é par l’intérêt de la famille.

➣ Il va falloir organiser une extension de pouvoirs.

Dans d’autres situations, un époux manque gravement à ses devoirs et met de la sorte en péril les
intérêts de la famille.
➣ Il va falloir restreindre ses pouvoirs.


A. L’extension de pouvoir

Deux textes organisent une extension de pouvoirs : l’article 219 et l’article 217.

1. L’article 219.

L’article 219 al. 1 prévoit que « si l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté,
l'autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains
actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et
l'étendue de cette représentation étant xées par le juge ».
L’application de l’article 219 du code civil peut être due à l’altération des facultés mentales du
conjoint.

L’habilitation judiciaire délivrée sur le fondement de l’article 219 du code civil permet au conjoint de
l’époux empêché de le représenter. L’article 219 permet à un conjoint d’agir sur les biens propres
ou personnels de son époux.
Les effets de cette représentation judiciaire sont ceux du mandat. C’est l’époux empêché qui se
trouve engagé.

2. L’article 217.

L’article 217 al. 1 dispose que « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour
lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état
de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justi é par l'intérêt de la famille ».

Ce texte concerne les hypothèses où un des époux n’obtient pas le consentement de son conjoint
pour un acte pour lequel ce consentement est nécessaire.
Le juge peut alors autoriser le conjoint qui le demande à agir seul. L’autorisation de l’article 217 est
une autorisation spéciale. Elle ne peut être donnée que pour un acte particulier.
L’époux autorisé accomplit alors l’acte en son nom personnel. Cet acte est opposable à son
conjoint mais il n’entraîne aucune obligation personnelle pour lui.

B. Les restrictions de pouvoirs

L’article 220-1 al. 1er énonce que « si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi
en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures
urgentes que requièrent ces intérêts ».

L’article 220-1 laisse au juge une marge de manœuvre importante quant à la nature des mesures
qu’il peut prendre. Les alinéas 2 et 3 fournissent une liste de mesure. Cette liste n’est pas
limitative.
Par exemple, le juge peut interdire à l’époux fautif, sans le consentement de l’autre, des actes de
disposition sur ses biens propres.

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Il y a bien une restriction de pouvoirs puisque le juge va soumettre au double consentement des
actes qui relèvent normalement du pouvoir exclusif de l’époux fautif.
Les mesures prescrites par le juge aux affaires familiales sont temporaires : leur durée, précisée
dans l'ordonnance rendue par le juge, ne peut dépasser trois ans (C. civ., art. 220-1, al. 3). Elles
sont, en outre, provisoires il est possible au juge de revenir sur la mesure qu'il a prescrite ou de
modi er celle-ci. Les actes accomplis en violation de l'ordonnance rendue par le juge sont
annulables à la demande du conjoint (art. 220-3, al. 1er).

Chapitre 3 : La dissolution et le relâchement du lien matrimonial

Le décès et l’absence déclarée entraînent la dissolution du mariage. En dehors de ces


hypothèses, le mariage peut être dissous par divorce (section 1) ou relâché par la séparation de
corps (section 2).

Section 1 : Le divorce

La question du divorce est une question complexe. Elle est étroitement liée à la conception que
l’on retient du mariage.
Pour comprendre le droit contemporain du divorce, il faut revenir sur les différentes réformes qui
l’ont marqué.

- Jusqu’à encore assez récemment le droit du divorce était celui issu de la réforme du 11 juillet
1975. La loi admettait une pluralité de cas de divorce :
- le divorce sur requête conjointe,
- le divorce sur demande acceptée
- le divorce pour faute,
- le divorce pour rupture de la vie commune.
- La loi du 30 juin 2000 a réformé la prestation compensatoire.
- La loi du 26 mai 2004 relative au divorce et ses décrets d’application du 29 octobre 

2004 ont profondément modi é le droit du divorce.

- La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle a franchi 



une étape supplémentaire dans la libéralisation du divorce en admettant un divorce sans 

juge (lequel est entré en vigueur le 1er janvier 2017).

- Le processus de déjudiciarisation a encore été accentué par la loi du 23 mars 2019 de 



programmation et de réforme pour la justice. 

C’est le juge aux affaires familiales (JAF) qui est compétent en matière de divorce (et de
séparation de corps).

On envisagera successivement les différents cas de divorce (§ 1), puis les effets du divorce (§ 2). 


I. Les cas de divorce

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, l’article 229 du code civil a été modi é.

Dans un premier alinéa il prévoit que « les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce
par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire »
: c’est l’hypothèse du divorce sans juge.

Dans un second alinéa, il prévoit que « le divorce peut être prononcé en cas :

- soit de consentement mutuel, dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2 [c’est-à-dire quand le
divorce sans juge est impossible];

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- soit d’acceptation du principe de la rupture du mariage ;

- soit d’altération dé nitive du lien conjugal ;

- soit de faute ».

L’étude du divorce depuis cette dernière réforme impose de distinguer le divorce sans juge (A),
puis le divorce judiciaire (B).

A. Le divorce sans juge

1. Les conditions

L’article 229-1 du code civil prévoit le divorce sans juge pour les époux qui s’entendent sur la
rupture du mariage et ses effets. L’article 229-2 qui vient à la suite prévoit quant à lui que ce
divorce extrajudiciaire se trouve exclu dans deux hypothèses :

- Lorsque les époux ont un enfant mineur et que celui-ci informé par ses parents de son droit à
être entendu par le juge dans les conditions de l’article 388-1, demande son audition par le juge
Ce sont les parents qui apprécient si l’enfant est doué de discernement. Ensuite, c’est l’enfant
qui décide s’il souhaite être auditionné. Et s’il le veut, alors les époux ne peuvent recourir au
divorce sans juge.

- Lorsque l’un des époux se trouve placé sous un régime de protection.



Ces exclusions, combinées à la formulation de l’article 230 du code civil qui prévoit que le divorce
par consentement mutuel judiciaire peut être demandé « dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2
» impliquent que les époux doivent recourir au divorce sans juge dès lors qu’aucun d’eux n’est
sous régime de protection et qu’aucun enfant mineur du couple n’a demandé à être auditionné par
le juge (s’ils souhaitent un divorce par consentement mutuel). Ils ne peuvent pas préférer le
divorce par consentement mutuel judiciaire.

Lorsque les conditions du divorce sans juge sont remplies, les époux qui doivent être chacun
assisté d’un avocat, constatent leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous
signature privée contresigné par leurs avocats.

2. La convention

L’article 229-3 du code civil précise les éléments qui doivent gurer dans la convention.

En premier lieu, ce texte prévoit que le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas
: le consentement des époux au divorce doit donc clairement apparaître dans la convention. En
second lieu, l’article 229-3 énumère les mentions qui doivent, sous peine de nullité, gurer
expressément dans la convention :

- On trouve d’abord des éléments concernant l’identité des époux et des informations relatives à
leur mariage.

- Ensuite, doit apparaître la mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et ses effets
(résidence des enfants mineurs du couple, sort du logement de la famille etc...). La convention
doit aussi préciser les modalités du règlement des effets du divorce et notamment s’il y a lieu au
versement d’une prestation compensatoire ainsi que l’état liquidatif du régime matrimonial ou la
déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.

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- En n, doit être mentionné que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être
entendu. Un modèle de formulaire d’information a été xé par arrêté.

Chaque avocat adresse à son client par lettre recommandée avec AR le projet de convention qui
ne peut être signé avant l’expiration d’un délai de ré exion de quinze jours à compter de sa
réception. La convention qui prend la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs
avocats est déposé au rang des minutes d’un notaire. Ce dernier véri e que les exigences de
forme ont bien été respectées et que le projet de convention n’a pas été signé avant le délai de
ré exion imposé (le notaire dispose lui aussi d’un délai de quinze jours pour procéder à ce contrôle
et déposer l’acte au rang de ses minutes). 


C’est le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire qui lui confère date certaine et
force exécutoire (article 229-1 al. 3). C'est donc à la date de ce dépôt que la convention de divorce
va recevoir application et c'est à cette date que le mariage sera dissous (article 260, 1° du code
civil). À l'égard des tiers, le divorce ne produira ses effets qu'à compter de sa transcription sur les
registres d'état civil (article 262 du code civil).

B. Le divorce judiciaire

C’est l’article 229 alinéa 2 qui énumère les cas de divorce judiciaires

- le divorce par consentement mutuel (dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2) = divorce 

par consentement mutuel judiciaire.
- le divorce accepté,
- le divorce pour altération dé nitive du lien conjugal,
- le divorce pour faute. 


1. Le divorce par consentement mutuel judiciaire

Cette forme de divorce est régie par les articles 230 et 232 du code civil. Ce divorce n’est
désormais possible qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur (lorsqu’un des
époux est placé sous un régime de protection la loi impose le recours à d’autres formes de divorce
: article 249-4 du code civil). 

L’article 230 du Code civil dispose que « le divorce peut être demandé conjointement pas les
époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation
du juge une convention réglant les conséquences du divorce ».

- Ce cas de divorce suppose là aussi l’accord des époux sur la rupture du lien matrimonial et ses
effets.
- Les époux n’ont pas à faire connaître au juge les faits à l’origine de la demande. Cela signi e
qu’ils n’ont pas à expliquer au juge les véritables raisons pour lesquelles ils forment la demande
en divorce. Les motifs du divorce restent secrets.
- Le consentement mutuel des époux se manifeste de deux façons :
- Le divorce est d’abord « demandé conjointement » : une requête unique est 

déposée au greffe par les époux.
- Pour être recevable, la demande doit comporter – en annexe – une convention 

qui règle les conséquences du divorce et est soumise à l’approbation du juge. 


Cette convention règle les conséquences du divorce, notamment : la question des biens, du
logement, de l’éventuelle prestation compensatoire, des modalités relatives à l’entretien et à
l’éducation des enfants, de l’usage par un conjoint du nom de l’autre, etc.

La représentation des époux est obligatoire. Le législateur permet aux époux d’avoir recours à un
avocat commun (article 250 al. 1).

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Dans ce cas de divorce, le rôle du juge reste prépondérant (mais en cas d’accord des époux, le
divorce par consentement mutuel ne sera qu’exceptionnellement judiciaire). Dans ce cas de
divorce, le juge doit homologuer la convention. Or, il n’homologue la convention et ne prononce le
divorce que « s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur
consentement est libre et éclairé » (article 232 al. 1).
Le juge peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention
préserve insuf samment les intérêts des enfants ou de l’un des époux (article 232 al. 2).
C’est donc à l’issue de cette unique comparution que le juge va décider de prononcer, ou non, le
divorce.

Seul le refus d’homologation de la convention permet au juge d’entendre les époux une seconde
fois : si la convention émane d’une volonté de qualité et préserve suf samment l’intérêt des
enfants, le juge homologue immédiatement. Dans le cas contraire, les époux ont un délai
maximum de six mois pour présenter une nouvelle convention (article 250-2). À défaut, la
demande initiale est caduque (article 250-3).
Lorsqu’il refuse de prononcer le divorce, le juge peut cependant homologuer les mesures
provisoires que les époux s’accordent à prendre jusqu’à la date à laquelle le jugement de divorce
passe en force de chose jugée, sous réserve qu’elles soient conformes à l’intérêt des enfants
(article 250-2).

2. Le divorce accepté

Ce type de divorce repose sur la reconnaissance de l’échec objectif du mariage par les époux.

L’article 233, alinéa 1 du Code civil dispose que « le divorce peut être demandé conjointement par
les époux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à
l'origine de celle-ci. ». Et l’article 233 alinéa 4 du Code civil dispose que « cette acceptation n’est
pas susceptible de rétractation, même par voie d’appel ». L’accord sur le principe du divorce est
irrévocable.

L’article 234 précise que le juge ne prononce le divorce et ne statue sur ces conséquences que «
s’il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord ».
Le juge n’a pas à rechercher les raisons du divorce : le divorce accepté est prononcé « sans
considération des faits à l’origine » de la rupture du mariage (article 233 du Code civil). Il
appartient seulement au juge de contrôler la liberté du consentement. Son rôle essentiel consiste à
statuer sur les effets du divorce : sort du logement, modalités d’exercice de l’autorité parentale,
contribution à l’entretien des enfants, prestation compensatoire versée par l’un des époux à son
conjoint etc...

Les époux peuvent effectuer leur demande en divorce conjointement ou séparément. Depuis le 1er
janvier 2021, il est possible d’accepter le principe de la rupture du mariage par acte sous signature
privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance (article 233
al. 2 modi é). Ce n’est toutefois pas une obligation. Les époux peuvent toujours soumettre leur
demande de divorce au juge. Et le principe de la rupture du mariage pourra aussi être accepté par
les époux à tout moment de la procédure (article 233 al. 3 modi é).

3. Le divorce pour altération dé nitive du lien conjugal

Ce divorce permet à un époux d’imposer à l’autre le prononcé du divorce dès lors que les
conditions prévues par la loi sont remplies.

Il remplace le divorce pour rupture de la vie commune qui, dans la loi du 11 juillet 1975, permettait
à un époux de rompre le mariage alors même que son conjoint voulait rester marié et n’avait
commis aucune faute conjugale.

Ce divorce était permis dans deux hypothèses :


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- les époux étaient séparés de fait depuis six ans,
- les époux ne partageaient plus de vie commune en raison d’une altération grave des 

facultés mentales d’un des conjoints ayant duré six ans.

En outre, la demande en divorce pouvait être rejetée, alors même que les conditions légales
étaient réunies, si le prononcé du divorce conduisait à des conséquences matérielles ou morales
d’une exceptionnelle dureté pour les enfants ou le défendeur. C’est ce qu’on appelait la clause
d’exceptionnelle dureté.

En n les conséquences d’un tel divorce étaient très sévères pour le demandeur. En particulier, il
restait tenu du devoir de secours.

La loi du 26 mai 2004 a profondément modi é ce cas de divorce. La clause d’exceptionnelle dureté
a été supprimée. Il n’est plus possible d’échapper au divorce. Ce qui a conduit à considérer que la
loi du 26 mai 2004 a instauré un « droit au divorce ».

Désormais aux termes de l’article 237 du Code civil « le divorce peut être demandé par l’un des
époux lorsque le lien conjugal est dé nitivement altéré ».

Cela recouvre deux hypothèses : l’altération du lien conjugal liée à une séparation d’une certaine
durée (a) l’altération du lien conjugal établie par l’existence de deux demandes en divorce (b). La
loi du 23 mars 2019 a apporté certaines modi cations facilitant le prononcé de ce divorce.

a. L’altération du lien conjugal liée à une séparation d’un an

Selon l’article 238, alinéa 1er du Code civil « l’altération dé nitive du lien conjugal résulte de la
cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de
la demande en divorce » (texte modi é depuis le 1er janvier 2021 ➣ le délai était auparavant
passé à deux ans lors de la réforme de 2004).

Si le demandeur a introduit l'instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai


caractérisant l'altération dé nitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce (article 238
al. 2).

L’article 238 du code civil reprend la double condition de l’ancien divorce pour rupture de la vie
commune : l’absence de communauté de vie et la séparation de fait pendant une certaine durée.
Pour qu’il y ait cessation de la communauté de vie, il faut qu’il y ait une séparation de fait (élément
matériel), mais aussi la volonté de rompre la cohabitation (élément intentionnel).

b. L’altération du lien conjugal établie par l’existence de deux demandes en divorce


concomitantes

Le divorce peut également être prononcé pour altération dé nitive du lien conjugal, en dehors de
toute appréciation de délai, lorsqu’une demande pour altération dé nitive du lien conjugale et une
autre demande, sur un autre fondement, sont concurremment présentées (nouvel article 238 du
code civil). Avant la réforme de 2019, l’exigence du délai de deux ans était écartée lorsque deux
demandes en divorce étaient présentées, l’une pour faute et l’autre pour altération dé nitive du lien
conjugal, à condition que le juge rejette la demande en divorce pour faute et que la demande en
divorce pour altération dé nitive du lien conjugal ait été formée à titre reconventionnel (ancien
article 238 du code civil).

Désormais, le seul fait qu’une autre demande ait été présentée (qu’elle soit principale ou
reconventionnelle) suf t à écarter l’exigence du délai de cessation de la communauté de vie. Par
ailleurs, l’article 246 du code civil prévoit que si une demande pour altération dé nitive du lien
conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier
lieu la demande pour faute.
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Le divorce pour altération dé nitive du lien conjugal est soumis aux effets communs du divorce. En
effet, le manque de succès du divorce pour rupture de la vie commune était dû à la rigueur des
conséquences qu’il entraînait pour le demandeur. Depuis la réforme de 2004 , le divorce pour
altération dé nitive du lien conjugal n’emporte plus aucun effet patrimonial automatique à la charge
de l’époux demandeur. Le devoir de secours cesse avec le prononcé du divorce et le droit
commun de la prestation compensatoire s’applique.

4. Le divorce pour faute

Le divorce pour faute est celui qui a été le moins modi é par la loi du 26 mai 2004.

L’article 242 du code civil dispose que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque
des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont
imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Il convient
d’examiner la notion de faute, l’impact d’une réconciliation des époux sur cette dernière et en n la
question des fautes éventuellement commises par l’époux demandeur lui- même.

a. La faute.

Pour qu’il y ait faute, les faits reprochés doivent donc constituer une violation des devoirs et
obligations du mariage.

Dans le droit issu de la loi du 11 juillet 1975, la condamnation à une peine en matière criminelle
constituait une cause péremptoire de divorce. Le juge avait l’obligation de prononcer le divorce
lorsque la preuve de ce fait était rapportée.

La loi du 26 mai 2004 a supprimé cette faute cause péremptoire de divorce. Le code civil
n’envisage plus la faute que comme une cause « facultative de divorce ».
Quatre conditions sont cumulativement requises :

- Il faut une violation des devoirs et obligations du mariage.


- Il faut que cette violation soit imputable à l’autre conjoint : il appartiendra notamment au juge de
véri er l’état mental du conjoint pour déterminer si les faits peuvent lui être imputés.

- Il faut que cette violation soit « grave » ou « renouvelée ». La seule violation des devoirs et
obligations du mariage est insuf sante à justi er le prononcé du divorce pour faute. Cette
violation doit être grave ou renouvelée. Ce qui signi e que les faits invoqués peuvent être
graves et renouvelés mais qu’ils n’ont pas à l’être. L’emploi de la conjonction de coordination «
ou » montre que ces caractères sont alternatifs et non cumulatifs. La gravité ou la répétition de
la violation constatée est appréciée par les juges du fond.

- En n, la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage doit rendre


intolérable le maintien de la vie commune. Cet effet est en principe automatiquement rattaché à
la preuve de la violation grave ou renouvelée (ce qui ressort de plusieurs décisions rendues par
la première chambre civile le 11 janvier 2005). 


b. La réconciliation des époux est un obstacle au prononcé du divorce.

L’article 244, alinéa 1er du Code civil dispose que « la réconciliation des époux intervenue depuis
les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce ».

Deux remarques peuvent être faites quant à la notion de réconciliation elle-même et quant à ses
effets.

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D’une part, il n’y a pas de réconciliation sans manifestation extérieure du pardon : celle- ci prend la
forme d’une reprise de la vie commune, si les époux se sont séparés après les fautes commises
par le défendeur, ou d’un maintien de la vie commune quand il n’y a pas eu séparation de fait.
Ensuite, la réconciliation suppose la volonté de l’époux offensé de pardonner en pleine
connaissance de cause. C’est ce qui ressort de l’article 244 du code civil qui pose que le « le
maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une
réconciliation s'ils ne résultent que de la nécessité ou d'un effort de conciliation ou des besoins de
l'éducation des enfants ».

D’autre part, les faits survenus ou découverts depuis la réconciliation permettent à l’époux victime
de former une nouvelle demande en justice. En ce cas, les faits anciens peuvent être rappelés à
l’appui de la nouvelle demande (article 244) 


c. Les fautes de l’époux demandeur.

L’article 245, alinéa 1 dispose que « les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce
n’empêchent pas d’examiner sa demande ».

Trois hypothèses sont alors envisageables :

- l’époux assigné en divorce peut invoquer les fautes du demandeur comme défense au fond. 

En effet, les fautes du demandeur peuvent enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le
caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. C’est ce que l’on appelle l’« excuse
de réciprocité » (article 245 alinéa 1). En ce cas la demande initiale se trouve rejetée.

- l’époux assigné en divorce peut invoquer les fautes du demandeur au soutien d’une demande
reconventionnelle en divorce pour faute. Ce qui signi e qu’il va demander à son tour le divorce,
en invoquant les fautes du demandeur. S’il ne le faisait pas le divorce serait prononcé à ses torts
exclusifs. Là, il peut espérer que les deux demandes soient accueillies, ce qui aboutira à un
divorce aux torts partagés (article 245 al. 2).

- Le juge peut également relever d’of ce (par lui-même) les torts du demandeur pour prononcer
un divorce aux torts partagés (article 245 alinéa 3).

d. La preuve

Les parties doivent prouver ce qu’elles avancent. L’article 259 du Code civil dispose que « les faits
invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis
par tout mode de preuve, y compris l’aveu ».

Il est ajouté que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les
époux.

Ce texte s’applique à tous les cas de divorce.



Toutefois, la question de la preuve est plus particulièrement délicate en matière de divorce pour
faute. Ainsi, la preuve de la faute ne doit pas porter atteinte au respect de la vie privée des
individus.

Il résulte des articles 259-1 et 259-2 qu’aucun élément de preuve obtenu par violence ou fraude, ni
les constats dressés après violation du domicile ou atteinte illicite à l’intimité de la vie privée ne
peuvent être versés aux débats.

C. La modi cation du fondement de la demande

La modi cation du fondement de la demande en divorce est possible à tout moment de la


procédure par application des articles 247 à 247-2 du Code civil.
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Trois situations doivent être distinguées :

- à tout moment de la procédure, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel par acte
sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire
(divorce par consentement mutuel sans juge) ou si un enfant mineur a demandé à être entendu
par le juge, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par
consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci
(divorce par consentement mutuel judiciaire) ➣ article 247 du code civil

- lorsque la procédure de divorce a été engagée sur le fondement de l’altération dé nitive du lien
conjugal ou de la faute, les époux peuvent, à tout moment de la procédure, demander au juge
de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la
rupture du mariage ➣ article 247-1 du code civil

- en n, si, le demandeur forme une demande en divorce pour altération dé nitive du lien conjugal
et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut
invoquer les fautes de son conjoint pour modi er le fondement de sa demande ➣ article 247-2
du code civil

II. Les effets du divorces

Dans le divorce par consentement mutuel, ce sont les époux. Pour les 3 autres cas de divorces
c’est différent. C’est alors le juge qui va xer ces effets. La loi admet que les époux peuvent
s’accorder sur tout ou partie des effets de leur divorce dans une convention qu’ils soumettent à
l’homologation du juge (Article 268).

A. Les effets personnels

Le divorce fait disparaître les devoirs du mariage : les ex-époux ne se doivent plus délité et
assistance.

Les époux peuvent se remarier : entre eux ou avec des tiers.

Du fait de la dissolution du mariage, les liens d'alliance disparaissent. Il n'y a plus d'empêchement
à mariage entre une personne et ses ex-alliés en ligne collatérale. En revanche, un empêchement
à mariage est maintenu avec les ex-alliés en ligne directe (article 161 du code civil).
En outre, à la suite du divorce, chaque époux perd, en principe, l’usage du nom de son conjoint
(article 264 al. 1 du Code civil).

La femme comme le mari peuvent conserver l’usage du nom du conjoint s’ils y sont autorisés : par
le conjoint lui-même ou à défaut par le juge s’il justi e d’un intérêt particulier (article 264 al. 2 du
code civil).

Ex : cas de la femme mariée qui s’est fait connaître dans l’exercice d’une profession sous le nom
de son mari.

B. Les effets patrimoniaux

La rupture du lien conjugal met n à la communauté d’intérêts qui existait entre les époux. Des
réparations pécuniaires peuvent néanmoins s’y substituer. Certaines de ces conséquences
intègrent plus précisément l’étude des régimes matrimoniaux. Nous nous attacherons ici à l’étude
de la prestation compensatoire et des dommages intérêts.

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1. La prestation compensatoire

Le divorce met n au devoir de secours. Avant 1975, le devoir de secours avait été remplacé, au
moment du divorce, par une pension alimentaire. Cette pension était due par l’époux coupable à
l’époux innocent. Et elle s’exécutait sous la forme d’un versement d’une somme d’argent, qui
s’échelonnait dans le temps. Son montant était en outre susceptible de révision. La loi du 11 juillet
1975 a opéré sur ce point une réforme essentielle. Elle a substitué à la pension alimentaire une
prestation compensatoire.
L’article 270 du code civil dé nit la prestation compensatoire comme étant « destinée à compenser
autant qu’il est possible la disparité que crée le divorce dans les conditions de vie respectives des
époux ». Son régime a été modi é par une loi du 30 juin 2000 et encore par la loi du 26 mai 2004.

a. Le domaine de la prestation compensatoire.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2004, l’un ou l’autre des époux peut y prétendre, quel que
soit le cas de divorce. Ainsi, même l’époux qui a pris l’initiative d’un divorce pour altération
dé nitive du lien conjugal et même l’époux aux torts exclusifs duquel le divorce a été prononcé
peut demander une prestation compensatoire.

Il n’y a plus à distinguer entre époux coupable et innocent : les suites du divorce sont détachées
de leurs causes. Tout dépend seulement, en principe, de l’examen objectif de leurs situations
patrimoniales respectives dans la mesure où la prestation compensatoire doit compenser autant
qu’il est possible la disparité que crée le divorce dans les conditions de vie respectives des époux.
Ce principe connaît néanmoins une exception qui participe de l’idée que détacher totalement les
conséquences du divorce de ses causes pourrait être source de réelles injustices.

Ainsi, l’article 270 alinéa 3 prévoit que le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité
le commande :

- soit en considération des critères prévus à l’article 271 : sont ici visés les critères en fonction
desquels est xée la prestation : la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux... (V.
Cass. civ. 1er. 8 juillet 2010, n° 09-66.186)

- soit lorsque « le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le béné ce de
cette prestation » au regard des « circonstances particulières de la rupture ». 


Cette exception existe pour éviter qu’un époux, qui a été victime d’agissements particulièrement
graves de la part de son conjoint (violences conjugales par exemple), ne soit tenu de verser une
prestation compensatoire à son conjoint.

b. Le montant de la prestation compensatoire.



Cette prestation a pour but de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les
conditions de vie respectives des époux. Elle va ainsi donner lieu à une appréciation des besoins
et des ressources de chacun des époux de la part du juge qui prononce le divorce.

C’est ce qui résulte de l’article 271 aux termes duquel « la prestation compensatoire est xée selon
les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la
situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ». C’est donc
au moment du divorce que le juge doit se placer pour comparer les besoins et ressources des
époux. Mais il faut encore qu’il tienne compte de l’évolution de la situation dans un avenir
prévisible. Ce qui se justi e par le caractère forfaitaire de la prestation (elle est xée une fois pour
toutes).

L’ article 271 du code civil pose un certain nombre de critères devant permettre au juge de se
déterminer sur ce point :

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- la durée du mariage ;
- l’âge et l’état de santé des époux ;
- leur quali cation et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune
pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la
carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

- les droits des époux existants ou prévisibles (droits à la retraite, à pension...) ;


- l’état des patrimoines respectifs des époux après liquidation du régime matrimonial.

Ces éléments attestent que le montant de la prestation ne résulte pas seulement d’un calcul
purement arithmétique mais aussi d’une appréciation du passé des époux et des choix qu’ils ont
pu faire en commun. 


c. La forme de la prestation compensatoire.



L'article 270 du Code civil prévoit que la prestation compensatoire « prend la forme d'un capital
dont le montant est xé par le juge ». L’article 274 vise les formes que peut prendre ce capital
(versement d’une somme d’argent ou attribution d’un bien en propriété notamment). Lorsque le
débiteur ne dispose pas de liquidités suf santes pour verser le capital immédiatement, il appartient
au juge de xer les modalités du paiement de ce capital sous forme de versements mensuels ou
bien annuels, pour une durée maximum de huit années (article 275).

Le principe est donc le versement d’un capital. Ce n'est que par exception que la prestation
compensatoire pourra prendre la forme d’une rente. Selon l’article 276 du code civil, « A titre
exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du
créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, xer la prestation compensatoire sous
forme de rente viagère » Le juge ne peut retenir la solution de la rente qu’en considération de la
situation du créancier seulement et non de celle du débiteur ➣ on vise le créancier âgé ou malade.

En outre, il ne pourra le faire qu’au terme d'une décision spéciale et motivée.


Quant à la durée de la rente, elle correspond nécessairement, depuis la loi du 30 juin 2000, à la
vie de l'époux créancier de la prestation compensatoire ➣ la rente (s’il y a rente) est aujourd'hui
nécessairement viagère.

Notons que ces contraintes ne s’imposent pas dans le divorce par consentement mutuel : la
prestation compensatoire pourra prendre la forme choisie par les époux (même une rente
temporaire s’ils le souhaitent : article 278 du code civil).

2. Les dommages et intérêts

En dehors de la prestation compensatoire, l'apurement des rapports entre les anciens époux peut
conduire au versement de dommages et intérêts.

Les dommages et intérêts qui peuvent être perçus par un époux à la suite d'un divorce ont deux
fondements différents.

Première hypothèse : la réparation d'un préjudice qui résulte du prononcé même du divorce, sur le
fondement de l'article 266 du Code civil.
On vise ici la réparation des conséquences d'une « particulière gravité » subies par un époux du
fait de la dissolution du mariage dans deux hypothèses :
- soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint

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- soit lorsqu'il est défendeur à une action en divorce pour altération dé nitive du lien conjugal.
Dans ce cas, l'article 266 alinéa 1er précise que, pour obtenir des dommages et intérêts, l'époux
défendeur ne doit pas avoir lui-même formé une demande en divorce.On peut observer qu’un
lien demeure entre l'attribution des torts et les conséquences du divorce.

L'article 266, dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 prévoit que le béné ce de
dommages et intérêts ne pourra être accordé à un époux que s'il établit « des conséquences d'une
particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ». Ce préjudice peut être de
nature matérielle ou morale.

Autre hypothèse : le droit commun de la responsabilité civile.



L'article 266 du code civil n'exclut pas l'application de l'article 1240 (ancien article 1382 du code
civil) qui consacre le principe selon lequel chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à
autrui par sa faute.

L’article 1240 du code civil permet l’indemnisation d’un préjudice ne résultant pas de la dissolution
du mariage. Par exemple, les injures, manquements au devoir de respect, violences ou bien
encore l’adultères sont des fautes qui peuvent être à l'origine de préjudices moraux ou matériels.

Section 2 : La séparation de corps

La séparation de corps n’entraîne pas la dissolution du lien conjugal mais un relâchement de ce


lien > c’est une institution marginale en fait (entre 1000 et 1500 séparations de corps par an).

I. Le prononcé de la séparation de corps

Le régime juridique de la séparation de corps emprunte beaucoup au régime juridique du divorce.


Ainsi, la séparation de corps est prononcée dans les mêmes cas et aux mêmes conditions qu’un
divorce. L’article 296 du code civil dispose que « la séparation de corps peut être prononcée à la
demande de l'un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce». Cela
concerne aussi le divorce sans juge depuis la loi du 23 mars 2019 (entrée en vigueur le 25 mars
2019).

II. Les effets de la séparation de corps

La séparation de corps entraine un relâchement du lien matrimonial (sans le dissoudre). Il y a alors


maintien du mariage dans l’ordre personnel mais disparition du devoir de communauté de vie
(comme son nom l’indique). En revanche, les autres devoirs personnels – et notamment le devoir
de délité – ne sont pas atteints puisque les époux restent mariés (article 299). Par ailleurs, la
séparation de corps se double d’une séparation des patrimoines : si les époux étaient mariés sous
le régime de la communauté, le régime est dissous pour laisser place à un régime de séparation
de biens (article 302). Pour le reste, les époux restent mariés au plan patrimonial. En particulier, le
devoir de secours qui existe entre les époux est maintenu. Un des époux pourra éventuellement
être tenu de verser une pension alimentaire à l’autre.

III. La n de la séparation de corps

Sauf à ce que les époux restent séparés de corps jusqu’au décès de l’un d’eux, la séparation de
corps peut aboutir à un divorce ou à la restauration d’un plein mariage.
1re possibilité : le mariage peut être dissous par le prononcé d’un divorce. Le divorce peut tout
d’abord être demandé à titre autonome, sans que soit invoqué l’existence préalable d’une
séparation de corps. A côté de cette voie de droit commun, la loi organise la possible conversion
de la séparation prononcée en divorce. L’article 307, alinéa 1er permet que « dans tous les cas »
la séparation de corps soit convertie en divorce par consentement mutuel. En cas de séparation de
corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement
mutuel.

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Dans les autres cas, la conversion peut être demandée par un seul époux. Elle est de droit pour le
demandeur au bout d’un délai de deux ans (article 306).

La cause de la séparation devient alors la cause de divorce : une séparation acceptée entraîne un
divorce accepté, une séparation pour altération dé nitive du lien conjugal se transforme en un
divorce pour altération dé nitive du lien de conjugal et une séparation pour faute devient un
divorce pour faute, et l’attribution des torts ne se trouve pas modi ée (article 308)
2nde possibilité : la restauration du mariage par la reprise de la vie commune (article 305 du code
civil). Il faut qu’il y ait une reprise volontaire de la vie commune avec l’intention de pardonner. Avec
cette réconciliation, le mariage est rétabli avec tous ses effets. Il faut toutefois que la reprise de la
vie commune soit constatée par acte notarié ou déclarée à l’of cier d’état civil. C’est la mention de
cette formalité en marge de l’acte de mariage et des actes de naissances des époux qui rend la n
de la séparation de corps opposable aux tiers.

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Titre 2 : Les autres formes de vie de couple

Le code de 1804 ignorait le concubinage. La formule de Bonaparte est restée célèbre : « les
concubins ne veulent pas de la loi, la loi se désintéresse d’eux ». Durant le XIXe siècle, le
concubinage n’a été ni sanctionné, ni favorisé, la loi refusait simplement de lui faire produire effet.
Le concubinage s’est développé à partir des années 1960, ce qui a contraint le système juridique a
abandonné cette indifférence.

Le système français s’est engagé dans une politique de reconnaissance mesurée du concubinage.
La loi du 15 novembre 1999 s’est contentée de dé nir cette situation, sans en développer les
effets. Cette même loi a introduit un nouveau statut juridique de couple : le PaCS. Les couples ont
désormais le choix entre un statut de couple assez complet (le mariage), un statut moins
contraignant (le PaCS) et une forme de couple très libre (le concubinage). Ce sont ces deux
dernières formes de couple qu’il convient maintenant étudier.

Chapitre 1 : Le concubinage

Section 1 : L’existence du concubinage

Jusqu’à la loi du 15 novembre 1999, le concubinage n’était pas dé ni par la loi mais par la
jurisprudence. La dé nition jurisprudentielle variait selon la règle à appliquer. Par ailleurs, la
jurisprudence refusait de reconnaître une situation de concubinage pour un couple constitué de
personnes de même sexe (Soc. 11 juillet 1989, n° 85-46.008).

La loi de 1999 a xé une dé nition unique dans l’article 515-8 du code civil : « Le concubinage est
une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de
continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».
Le concubinage suppose une « vie commune ». L’expression est la même que celle utilisée pour le
mariage. La dé nition de la vie commune telle qu’entendue dans le mariage (une communauté de
lit et de toit) doit être transposée au concubinage ➣ les concubins sont des personnes qui habitent
ensemble et qui entretiennent des relations sexuelles. Par ailleurs, il faut admettre, comme pour le
mariage, que l’on peut partager une vie commune tout en ayant des résidences séparées (pour
des raisons professionnelles notamment).

La vie commune doit être « stable et continue ». De simples relations intermittentes, sans partage
d’une communauté de vie, ne permettent pas de retenir l’existence d’un concubinage.
En n, le texte précise que le concubinage est une union de fait « entre deux personnes, de sexe
différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

En tant que fait juridique, le concubinage se prouve par tous moyens. On pourra notamment
recourir à des déclarations sur l’honneur (notamment pour béné cier d’un avantage lié au
concubinage) ou à des certi cats de concubinage délivrés par certaines mairies. Pour une
illustration de la dif culté qu’il peut y avoir à faire la preuve d’un concubinage : Cass. 1re civ. 3
octobre 2018, n° 17-13.113.

Section 2 : Les effets du concubinage

I. Les effets au cours de la vie commune

A. L’exclusion des règles du mariage

Les concubins sont en principe traités comme des célibataires. Aucun des devoirs conjugaux ne
leur est imposé : ni le devoir de délité, ni le devoir d’assistance, ni le devoir de communauté de
vie.

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Cette indépendance personnelle se double d’une indépendance patrimoniale : aucun régime
matrimonial ne règle leurs rapports patrimoniaux. Par ailleurs la jurisprudence est régulièrement
amenée à rappeler que les concubins ne doivent ni contribuer aux charges du ménage (pas de
transposition de l’article 214 du code civil), ni répondre solidairement des dettes ménagères (pas
de transposition de l’article 220 du code civil). Toutefois, il est admis que les concubins peuvent
aménager conventionnellement une contribution aux charges de la vie communes (pour un
rappel : Cass. 1ère civ. 19 décembre 2018, n° 18-12.311).
Sur la question de la solidarité, voir notamment : Cass. 1ère civ. 11 janvier 1984 (n° 82-16.198).

B. La reconnaissance de certains droits spéci ques

En réalité, aujourd’hui, les concubins ne sont plus totalement ignorés par la loi. Tout au long du
XXe siècle, des textes spéciaux sont apparus visant à faire produire certains effets à la situation de
concubinage. Ainsi, le concubinage est juridiquement reconnu par le droit social. Le béné ce de la
sécurité sociale a progressivement été ouvert au concubin de l’assuré social. La législation sur les
baux a également reconnu certains droits au « concubin notoire » du locataire : le transfert et la
continuation du bail en cas de décès ou d’abandon du domicile (article 14 loi du 6 juillet 1989).

II. Les effets au moment de la rupture

A. La liberté de rompre et ses limites

Les concubins sont en principe libres de rompre. Toutefois, la Cour de cassation a pu juger que
l’exercice de cette liberté pouvait être fautif. Les circonstances de la rupture peuvent révéler une
faute de son auteur. Pour une illustration : Cass. 1ère civ. 1 3 janvier 2006, n° 04-11.016 : départ
brutal du concubin après quarante années de vie commune.

B. L’indépendance patrimoniale et ses limites

Les tribunaux ont eu à connaître d’affaires dans lesquelles un des concubins se retrouvait
abandonné après des années de concubinage Les tribunaux ont eu recours à différents moyens
pour répondre à ce genre de situation.
Ainsi, le droit commun permet parfois de tenir compte des relations patrimoniales passées.
L’existence d’une société créée de fait entre les concubins a ainsi pu être retenue. La société
créée de fait résulte du comportement de personnes qui, sans en avoir pleinement conscience, se
traitent entre elles et agissent à l’égard des tiers comme de véritables associés.
L’un des anciens concubins peut ainsi chercher à faire reconnaître l’existence d’une société
justi ant, par exemple, le partage du logement commun acheté pendant la communauté de vie.
Aujourd’hui la jurisprudence est assez stricte pour reconnaître l’existence d’une telle société. La
cour de cassation a jugé dans une décision de la chambre commerciale du 23 juin 2004 (n°
01-14.275) que « l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des
éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de
collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux
béné ces ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces
éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres
». En particulier, elle a considéré que « l'intention de s'associer ne peut se déduire de la
participation nancière à la réalisation d'un projet immobilier ».
Par ailleurs, les tribunaux peuvent aussi recourir à la notion d’enrichissement injusti é (on parlait
d’enrichissement sans cause avant l’ordonnance de 2016) si l’un des concubins, par exemple, a
permis, par son travail, à l’autre de s’enrichir à son détriment. Celui qui a collaboré à l’activité
professionnelle de l’autre notamment peut exiger de lui une indemnité compensatrice (article 1303
du code civil).

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Chapitre 2 : Le pacte civil de solidarité

Le PACS est dé ni dans le Code civil, à l’article 515-1 qui dispose : « Un pacte civil de solidarité
est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même
sexe, pour organiser leur vie commune ».

La genèse du pacte civil de solidarité a été tumultueuse. Les premiers projets d’alternatives au
mariage sont apparus à la n des années 1980 et au début des années 1990. Il s’agissait de
proposer un nouveau cadre juridique aux couples qui ne pouvaient pas se marier et donc aux
couples de personnes de même sexe.
Après un débat législatif très animé, le pacte civil de solidarité a été instauré par la loi du 15
novembre 1999. Mais ce texte comportait d’importantes imperfections. A l’occasion d’une décision
rendue le 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme à la Constitution
mais a formulé des réserves d’interprétation ➣ il a dans cette décision apporté des précisions
importantes.

La loi du 23 juin 2006 réformant le droit des successions et des libéralités est venue ensuite
corriger les insuf sances de la loi de 1999. Cette réforme n’a pas modi é la dé nition du PaCS
mais en a modi é la nature. Depuis la réforme de 2006, le PaCS produit des effets personnels et il
est mentionné en marge de l’acte de naissance des partenaires qui l’ont conclu.
Le PaCS s’est également trouvé modi é par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique
des majeurs.

La loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques a ensuite permis
que l’enregistrement du PaCS se fasse devant notaire.
La loi du 18 novembre 2016 a transféré l’enregistrement de la déclaration conjointe de Pacs à
l’of cier d’état civil. Ce qui a accentué le rapprochement avec le mariage. L’enregistrement notarié
a toutefois été maintenu.

Ainsi, qu’il s’agisse des conditions de conclusion du pacte (Section 1), de ses effets (Section 2), ou
de sa dissolution (Section 3), l’étude du PaCS se fait nécessairement en comparaison du mariage.
Section 1 : Les conditions du PACS

I. Les conditions de fond

A. La question de la différence de sexe

L’article 515-1 du Code civil pose que le PaCS peut être conclu par deux personnes « de sexe
différent ou de même sexe » ➣ le PaCS peut à la fois être conclu par des couples homosexuels et
par des couples hétérosexuels.

B. La question de la capacité

Dans la loi du 15 novembre 1999 le PaCS se distinguait du mariage s’agissant de la condition de


capacité. Les deux institutions ont été rapprochées par la loi du 4 avril 2006 et par celle du 5 mars
2007.

D’une part, loi n’autorise le PaCS qu’entre personnes majeures : les mineurs sont exclus, même
émancipés. Les conditions pour le PaCS sont plus sévères que pour le mariage ➣ aucune
exception n’est admise alors qu’un mineur peut être autorisé à se marier (article 145 du code civil).
D’autre part, la loi du 15 novembre 1999 avait interdit la conclusion d’un PaCS par un majeur sous
tutelle. Rien n’avait en revanche été prévu pour le majeur sous curatelle ou le majeur sous
sauvegarde de justice. La loi du 5 mars 2007 a réformé la matière et la loi du 23 mars 2019 a
encore apporté certaines modi cations. Ces dispositions sont entrées en vigueur le lendemain de
la publication de la loi, c’est-à-dire le 25 mars 2019.

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Il faut ici distinguer la situation des différents majeurs protégés :

- Le majeur sous tutelle 



La loi du 5 mars 2007 avait ouvert le PaCS au mariage sous tutelle, dans les mêmes conditions
que le mariage : c’est-à-dire avec le consentement du conseil de famille ou du juge des tutelles
et avis éventuel des parents.

La loi du 23 mars 2019 a supprimé la nécessité d’une autorisation préalable pour le mariage du
majeur en tutelle. Elle a donc également supprimé cette autorisation pour la conclusion d’un
PaCS. Il faudra évidemment que le majeur en tutelle soit en mesure de donner un
consentement réel. Par ailleurs, l’assistance du tuteur est nécessaire pour signer la convention
de PaCS ou la modi er (article 462, al. 1).

Le majeur en tutelle peut rompre seul le PaCS. La signi cation de la rupture doit toutefois être
faite par le tuteur (article 462, al. 3). En n, le tuteur peut prendre l’initiative d’une rupture
unilatérale du PaCS avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille (article 462, al. 4).

- Le majeur sous curatelle.



Il doit être assisté du curateur pour signer la convention mais, comme le majeur sous tutelle, il
n’a pas à être assisté pour la déclaration conjointe devant l’of cier d’état civil ou devant le
notaire instrumentaire (article 461 al. 1).

Il n’a pas non plus besoin d’assistance pour rompre le PaCS (par déclaration conjointe ou par
décision unilatérale). L’assistance du curateur n’est requise que pour procéder à la signi cation
au partenaire (article 461, al. 3).

- Le majeur sous sauvegarde de justice.



En vertu de l’article 435 alinéa 1 du Code civil, il conserve l’exercice de ses droits et peut donc
librement conclure un PaCS.

Quelle sanction en cas de non-respect des règles de capacité ? Le législateur ne l’a pas précisé.
La doctrine admet qu’un pacte conclu et enregistré en violation des règles relatives à la capacité
serait entaché de nullité dans les conditions du droit commun des contrats ➣ nullité relative.

C. La question des prohibitions

On retrouve, comme pour le mariage, des règles relatives à la prohibition de l’inceste et à la


polygamie.

D’abord, l’article 515-1 du Code civil précise qu’un PaCS est conclu entre « deux personnes » : un
seul PaCS ne peut pas concerner plus de deux personnes.

Ensuite, la loi interdit le cumul des liens de couple. Un pacte ne peut être conclu entre deux
personnes dont l’une au moins est déjà mariée ou liée par un PaCS (article 515-2) ➣ pour
pouvoir conclure un PaCS il ne faut être ni déjà marié ni déjà lié par un PaCS.

En n, la loi prohibe les unions entre membres d’une même famille (article 515-2). Les prohibitions
concernent la parenté en ligne directe et en ligne collatérale jusqu’au troisième degré (càd l’oncle
et la nièce ou le neveu) ainsi que l’alliance en ligne directe (càd le beau-père et la bru). Il n’existe
en la matière aucun mécanisme de dispense comme il en existe pour le mariage.

Ces prohibitions sont sanctionnées, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision
du 9 novembre 1999, par la nullité absolue (comme en matière de mariage).

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II. Les conditions de formes

La loi du 15 novembre 1999 avait institué trois formalités :

- l’établissement d’une convention en double original,


- une déclaration conjointe par les partenaires au greffe du tribunal d’instance,
- une inscription du pacte sur un registre par le gref er du tribunal.

Ces formalités ont été modi ées par les lois de 2006, 2011 et 2016.

A. La rédaction du contrat

Les intéressés doivent conclure une convention de PaCS. Cette convention peut être passée par
acte authentique ou par acte sous signature privée. Il peut s’agir d’un document très succinct qui
indique l’intention des parties de conclure un PaCS. La convention de PaCS permet également
d’organiser la vie commune des partenaires, en particulier sur le plan patrimonial. Les partenaires
peuvent notamment xer dans quelle mesure chacun participera à l’aide matérielle (article 515-4,
al. 1).

B. La déclaration du PACS

La déclaration de PaCS doit être faite conjointement par les deux partenaires ➣ la présence de
l’un et l’autre partenaires est requise.

Jusqu'à la loi du 18 novembre 2016, c’est le gref er du tribunal d’instance dans le ressort duquel
les partenaires xaient leur résidence commune qui était compétent pour recevoir et enregistrer la
déclaration de PaCS. Depuis le 1er novembre 2017, cette déclaration se fait devant l’of cier d’état
civil (entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016).

Par ailleurs, la loi du 28 mars 2011 (de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et
certaines professions réglementées) avait également donné compétence au notaire pour recevoir,
enregistrer et faire procéder aux formalités de publicité quand la convention de PaCS est passée
par acte notarié et non par acte sous signature privée (article 515-3).

La compétence était donc partagée entre gref ers et notaires. La loi du 18 novembre 2016 n’a pas
remis en cause la compétence du notaire. Elle a simplement transféré la compétence du gref er à
l’of cier d’état civil.

Les partenaires doivent présenter à l’of cier d’état civil la convention sous signature privée qu’ils
ont passée entre eux (article 515-3 al. 1). Lorsque la convention est passée par acte authentique,
c’est le notaire qui recueille la déclaration (article 515-3 al. 5).

C. L’enregistrement du pacte

C’est l’of cier d’état civil (le gref er auparavant) qui enregistre la déclaration et fait procéder aux
formalités de publicité. Lorsque c’est le notaire qui recueille la déclaration conjointe, c’est lui qui
procède à l'enregistrement du pacte et fait procéder aux formalités de publicité.

Quelle publicité est donnée au PaCS ? La loi du 23 juin 2006 a, sur ce point, rapproché le PaCS
du mariage en prévoyant qu’il est fait mention en marge de l’acte de naissance de chaque
partenaire, de la déclaration de PaCS, avec indication de l’identité de l’autre partenaire (article
515-3-1). L’existence de conventions modi catives est soumise à la même publicité. Désormais, la
qualité de partenaire est un élément de l’état civil de la personne, ce qui facilité la publicité à
l’égard des tiers, et en particulier des créanciers qui peuvent béné cier de la solidarité entre
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partenaires ➣ il suf t de demander à l’of cier d’état civil un extrait de l’acte de naissance qui
mentionne l’existence du PaCS et l’identité de l’autre partenaire.

Les exigences d’enregistrement et de publicité ont des conséquences importantes. Ainsi depuis la
loi du 23 juin 2006, l’article 515-3-1, alinéa 2 du code civil précise que « le pacte civil de solidarité
ne prend effet entre les parties qu'à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine. Il
n'est opposable aux tiers qu'à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies. Il en
va de même des conventions modi catives ».

Section 2 : Les effets du PACS

I. Les effets personnels

L’alignement du PaCS sur le mariage a été renforcé par la loi du 23 juin 2006. Des devoirs
réciproques d’ordre personnel ont été ajoutés aux devoirs d’ordre pécuniaire.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article 515-4 dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de
solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et à une assistance
réciproques ».

Deux devoirs personnels sont ainsi reconnus : le devoir de communauté de vie et le devoir
d’assistance.

Ces devoirs existent entre époux et il n’y a pas de raison objective pour qu’ils soient compris
différemment en matière de PaCS .

Par ailleurs, même s’il n’est pas mentionné par la loi comme existant entre partenaires, on doit
considérer qu’ils sont tenus au devoir de respect ➣ rappelons que depuis la loi du 9 juillet 2010
l’ordonnance de protection des victimes de violences peut-être délivrée au pro t d’un partenaire (le
dispositif n’est plus réservé aux couples mariés : article 515-9 et s.).
En n, il faut néanmoins souligner une différence majeure avec le mariage : il n’existe pas de devoir
de délité entre partenaires d’un pacte civil de solidarité.

II. Les effets patrimoniaux

A. L’obligation d’aide matérielle

La loi du 23 juin 2006 a modi é la rédaction de l’article 515-4. Il prévoit que les partenaires
s’engagent à une aide matérielle réciproque et que « s’ils n’en disposent autrement, l’aide
matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives » ➣ le lien avec l’article 214 du Code
civil propre au mariage est évident.

La question se posait toutefois de la force de cette obligation. En effet, il n’existait aucune action
en contribution aux charges du ménage. Depuis la loi du 12 novembre 2009 de simpli cation et de
clari cation du droit et d'allègement des procédures, le JAF est le juge des questions patrimoniales
de tous les couples. Il peut statuer sur la contribution aux charges du PaCS.

B. La solidarité ménagère

L’article 515-5 alinéa 1er, pose que chacun des partenaires « reste seul tenu des dettes
personnelles nées avant ou pendant le pacte ». Cet article prévoit toutefois une exception pour les
dettes contractées par les partenaires pour les besoins de la vie courante. A l’égard des tiers, ces
dettes engagent l’autre solidairement sauf si la dépense est manifestement excessive (article
515-4). Cette règle est le pendant de la solidarité des dettes ménagères de l’article 220 du Code
civil pour le mariage (les juges devraient se référer aux mêmes critères que ceux de l’article 220
du code civil quand ils devront apprécier le caractère manifestement excessif d’une dépense au

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regard de l’article 515-4 : train de vie du ménage, utilité ou inutilité de l’opération, bonne ou
mauvaise foi des tiers).

Par ailleurs, depuis le 1er mai 2011 (loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la
consommation) comme pour les époux, la solidarité des partenaires est exclue en cas d’achats à
tempéraments et d’emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes nécessaires
aux besoins de la vie courante et, depuis la loi Hamon (loi du 17 mars 2014 relative à la
consommation), « que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit
pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage».

C. Le régime des biens

La loi du 23 juin 2006 a institué un nouveau régime des biens des partenaires ➣ la situation des
partenaires liés par un PaCS se rapproche de celle des époux séparés de biens.
Toutefois, ces derniers peuvent toujours choisir d’écarter ce régime légal et prévoir un régime
d’indivision.

Section 3 : la dissolution du PACS

I. Les causes de dissolution

A. Le décès

Le PaCS prend n par le décès d’un partenaire. La dissolution prend effet à la date du décès
(article 515-7, al. 1).

B. Le mariage

Le mariage de l’un des partenaires, ou des deux ensemble, met n au PaCS. La date de
dissolution du pacte est la date du mariage (article 515-7, al. 1).

Rappelons que la conclusion d’un nouveau PaCS est impossible tant que le précédent n’est pas
dissous (article 515-2).

C. La volonté

1. La volonté des deux partenaires

Les partenaires peuvent décider de mettre n au PaCS d’un commun accord (article 515-7 al. 3).
En ce cas ils doivent remettre ou adresser une déclaration conjointe écrite à l'of cier de l'état civil
du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement.

2. La volonté d’une seul partenaire

Un partenaire peut mettre n au pacte par décision unilatérale (article 515-7 al. 3).
Le partenaire qui décide de mettre n au PaCS signi e à l’autre sa décision et adresse copie de
cette signi cation à l'of cier de l'état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire
instrumentaire qui a procédé à l'enregistrement du pacte.

Cette libre rupture est une caractéristique essentielle du régime du PaCS.
C’est l'of cier de l'état civil ou le notaire qui enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités
de publicité. La dissolution du pacte civil de solidarité prend effet, dans les rapports entre les
partenaires, à la date de son enregistrement. Elle est opposable aux tiers à partir du jour où les
formalités de publicité ont été accomplies ➣ à partir de la date de la mention sur les actes de
naissance.

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II. Les conséquences de la dissolution

Alors que le divorce ne conduit pas seulement à faire table rase du mariage mais conduit à
certains effets qui lui sont propres (comme l’attribution d’une prestation compensatoire), la
dissolution du PaCS est plus radicale. Il s’agit essentiellement de liquider les intérêts pécuniaires
et de statuer sur la réparation du préjudice éventuellement subi.
D’une part, il n’y a pas de prestation compensatoire prévue dans le cadre du PaCS : chacun des
partenaires doit faire face à ses besoins, avec ses propres ressources, une fois le pacte dissous.
D’autre part, une indemnisation est possible en cas de rupture. C’est ce qu’admet l’article 515- 7 al
10 du Code civil en posant qu’ : « à défaut d’accord, le juge statue sur les conséquences
patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi ».
Une faute dans la rupture peut ouvrir droit à indemnisation. Mais la faute ne peut être le fait même
de rompre. Il n’y a faute, et donc il ne peut y avoir indemnisation, que lorsque des circonstances
particulières accompagnent cette rupture (par exemple lorsqu’elle est particulièrement brutale,
spécialement injurieuse ou animée par une intention de nuire).

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Titre 3 : La liation

La liation est le lien de droit qui unit un individu à son père (c’est la liation paternelle) ou à sa
mère (c’est la liation maternelle). La liation a donc un fondement juridique.

Le droit envisage deux types de liation :



- celle qui résulte de la procréation (naturelle ou médicalement assistée)
- celle qui résulte d’une décision judiciaire et qui suppose la volonté de personnes d’établir un lien
avec un enfant qui n’est pas biologiquement le leur (l’adoption)

➣nous n’envisagerons ici que la liation par procréation (hors AMP).

Pour bien comprendre le droit de la liation contemporain il convient de retracer à très gros traits
l’évolution législative. On retiendra quatre temps :

Le Code civil de 1804 : il se soucie avant tout de l’institution du mariage. D’où une profonde
inégalité entre les enfants dits « légitimes » - c’est-à-dire conçus « en mariage » - et les enfants
dits « naturels » - c’est-à-dire conçus « hors mariage ».

La loi du 3 janvier 1972 : elle a inscrit dans le Code civil le principe d’égalité entre enfants légitimes
et naturels.

L’ordonnance du 4 juillet 2005 : elle supprime la distinction entre liation légitime et naturelle. Cette
ordonnance est applicable depuis le 1er juillet 2006.

La loi du 16 janvier 2009 rati ant l’ordonnance du 4 juillet 2005 y a apporté certaines modi cations.

En n, la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe n’a eu
aucune in uence sur le titre VII du livre I (qui concerne la liation par procréation). L’article 6-1 du
code civil issu de cette loi prévoit expressément que les dispositions contenues dans ce titre ne
sont pas applicables aux couples de même sexe. Sauf, celles relatives à l’assistance médicale à la
procréation depuis le loi bioéthique du 4 août 2021.
En revanche, la liation adoptive est ouverte aux couples de même sexe.

Chapitre 1 : Dispositions générales

Les dispositions générales concernent tous les liens. Le système juridique de la liation repose sur
des règles de preuves originales et sur certaines présomptions.

Section 1 : Les modes de preuve de la liation

La liation peut être prouvée (article 310-3 du code civil) :

- par l’acte de naissance,


- par l’acte de reconnaissance,
- par l’acte de notoriété constatant la possession d’état,
- par le jugement rendu dans l’action engagée à cette n.

Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, la preuve est libre dans toutes les actions relatives à la
liation. Toutefois, la preuve n’est légalement admissible que si l’action est recevable.

En outre, la Cour de cassation a jugé que l’« expertise biologique est de droit en matière de
liation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder » (Civ. 1 28 mars 2000, 98- 12.806) 

Par motif légitime de ne pas y procéder, il faut entendre notamment une demande dilatoire ou
vexatoire.

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On peut d’ores et déjà retenir que la vérité biologique a une place primordiale en droit de la
liation. 


Section 2 : Les présomptions en matière de liation

Pour simpli er la charge probatoire pesant sur les individus, le système juridique a posé des
présomptions. Elles ont été maintenues par l’ordonnance du 4 juillet 2005.

I. Les présomptions relatives à la conception de l’enfant

Pour déterminer la liation d’un individu, il convient de savoir quand et par qui il a été conçu. Cette
preuve, au moins pour le père, n’est pas évidente. Si la date de la naissance est le plus souvent
connue et portée dans l’acte de naissance, la date de la conception ne peut pas être prouvée
directement. 


Deux présomptions permettent d’établir la date de la conception. Elles gurent à l’article 311 du
code civil.


La première concerne la durée de la grossesse, la seconde le moment présumé de la conception.

- la durée de la grossesse : la loi présume « que l’enfant a été conçu pendant la période qui
s’étend du 300 ème au 180 ème jour, inclusivement, avant la date de la naissance ». Les
médecins considéraient en 1804 qu’une grossesse ne pouvait durer moins de 180 jours et plus
de 300 jours. Cette présomption légale de 120 jours demeure acceptable car elle correspond à l
a majorité des cas. Surtout, elle est réfragable (càd qu’on peut apporter la preuve contraire).

- le moment présumé de la conception : pour xer le moment précis de la conception au sein de


cette période, la loi pose une seconde présomption : « la conception est présumée avoir eu lieu
à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de
l’enfant ». Là aussi, la preuve contraire est recevable.

II. La possession d’état : présomption de la liation

La possession d’état, c’est la « liation sociologique » ou bien « la liation vécue ».



Cette liation vécue peut soit exister seule, sans que l’individu ait de liation établie par un acte
of ciel, soit aller de pair avec une liation établie par un acte solennel, acte qui peut lui- même
con rmer ou contredire la liation vécue.

Elle est dotée d’effets importants :

- elle est un mode d’établissement du lien de liation,


- elle in ue sur la présomption pater is est,
- lorsqu’elle est conforme au titre (acte de naissance ou acte de reconnaissance) elle limite 

la contestation du lien de liation. 


Chapitre 2 : L’établissement non contentieux de la liation

En dehors de tout contentieux, la liation peut être établie de trois façons :

- par le seul effet de la loi ➣ ce qui vise l’acte de naissance et la présomption de paternité du mari
de la mère
- par la reconnaissance volontaire
- par la possession d’état constatée par acte de notoriété 


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Section 1 : L’établissement de la liation par l’effet de la loi

La liation peut se trouver établie par l’autorité de la loi et donc sans aucune démarche particulière
à accomplir.

I. Etablissement de la liation maternelle par l’acte de naissance

Dans le droit issu de la loi du 3 janvier 1972, l’acte de naissance de l’enfant légitime établissait
indivisiblement la maternité de la femme désignée comme mère de l’enfant déclaré et la paternité
du mari de celle-ci du fait de la présomption de paternité légitime.

La situation était différente pour l’enfant naturel : l’acte de naissance n’établissait, en principe, ni la
maternité ni la paternité.

La règle est modi ée depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005. Désormais, l’acte de naissance établit
la maternité de la femme désignée dans l’acte comme ayant accouché de l’enfant, que cet enfant
ait été ou non conçu ou né en mariage (article 311-25 du code civil : « La liation est établie, à
l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant »).
Notons qu’une femme peut, en France, accoucher sous X ou exprimer la volonté de ne pas être
nommée dans l’acte. Ainsi, la personne qui déclare la naissance de l’enfant af rme le fait matériel
de l’accouchement mais n’est pas tenue de faire connaître l’identité de la femme accouchée.
S’agissant de la paternité, cette fois, la loi continue de distinguer selon que les parents de l’enfant
étaient mariés ou non lors de sa conception ou de sa naissance.

II. Etablissement de la liation paternelle par l’effet de la présomption Pater si est (Pater is est
quem nuptiae demonstrant : le père est celui que le mariage désigne)

L’indication du nom du mari de la mère, dans l’acte de naissance, vaut également établissement
du lien de liation paternelle lorsque l’enfant a été conçu ou est né en mariage.

C’est l’application de l’une des plus anciennes présomption qui soit : la présomption de paternité
du mari de la mère. En effet, le mariage emporte les devoirs de communauté de vie et de délité.
En conséquence, si une femme conçoit un enfant pendant son mariage il est possible de présumer
que le mari en est le père.

En principe, seule la conception pendant le mariage devrait entraîner l’application de la


présomption. Ce n’est qu’à partir du mariage que les devoirs du mariage sont instaurés.
Cependant la jurisprudence avait étendu la présomption de paternité légitime au pro t de l’enfant
conçu avant le mariage mais né pendant celui-ci (et la loi de 1972 avait consacré la solution).
L’ordonnance du 4 juillet 2005 a entériné cette solution. L’article 312 du Code civil dispose
désormais que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».

Pour résumer :

- si la conception ou la naissance sont situées pendant le mariage : la présomption de paternité


joue,
- si la conception et la naissance sont situées avant la célébration ou après la dissolution du
mariage : la présomption de paternité ne joue pas. 

Ainsi, la liation de l’enfant conçu ou né pendant le mariage est légalement établie à l’égard des
deux époux par son acte de naissance :
-  du fait que la mère y soit désignée,
- et du fait de la présomption « Pater is est » pour le mari.

Toutefois, il existe deux hypothèses où la présomption de paternité est écartée, alors même que
l’enfant a été conçu ou est né pendant le mariage. Elles sont prévues à l’article 313 du code civil :

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Première hypothèse : l’enfant n’est pas rattaché au mari par l’acte de naissance. 

La présomption de paternité est écartée lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le
mari en qualité de père.

Deuxième hypothèse : l’enfant a été conçu pendant une période de séparation légale. 

La loi du 23 mars 2019 a modi é la rédaction de cet article. Depuis le 1 er janvier 2021, l’article
313 du code civil dispose que la présomption de paternité est écartée « lorsque l'enfant est né plus
de trois cents jours après l'introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou
après le dépôt au rang des minutes d'un notaire de la convention réglant l'ensemble des
conséquences du divorce, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet dé nitif de la
demande ou la réconciliation ». 

La présomption est encore écartée lorsque l’enfant est né « moins de cent quatre-vingts jours
depuis le rejet dé nitif de la demande ou la réconciliation ». 


La présomption de paternité est rétablie de plein droit (c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de la
demander en justice) à deux conditions cumulatives prévues à l’article 314.

- l’enfant a la possession d’état à l’égard du mari,


- il n’a pas de liation paternelle déjà établie à l’égard d’un tiers,

La présomption de paternité peut aussi être rétablie par jugement. Mais il faut alors établir que le
mari est le père véritable. En pratique, c’est souvent sur la seule preuve de la réalité biologique
que s’opérera le rétablissement de la présomption de paternité. S’agissant d’une action relative à
la liation, elle est envisagée au chapitre qui les concerne à l’article 329 du code civil. 

La loi du 16 janvier 2009 rati ant l’ordonnance du 4 juillet 2005 a ajouté à l’article 315 que « le mari
a également la possibilité de reconnaître l’enfant dans les conditions prévues aux article 316 et
320 ».

Ce qui nous amène à un autre mode d’établissement non contentieux de la liation : la
reconnaissance.

Section 2 : L’établissement de la liation par une reconnaissance

Dé nition : La reconnaissance est la déclaration, faite par acte authentique, par laquelle une
personne avoue tel enfant comme le sien et s’engage à assumer les conséquences juridiques en
découlant.

On envisagera successivement les conditions et les effets de la reconnaissance.

I. Les conditions

La reconnaissance est un acte juridique qui doit répondre, comme tout acte juridique, à des
conditions classiques de validité.

A. Les conditions de fond

1. La volonté de l’auteur

La reconnaissance doit émaner d’une volonté intègre, c’est-à-dire donnée sans erreur et librement.
L’erreur et la violence sont des vices du consentement dans la théorie générale des contrats qui
sont reçus par le droit familial. En cas d’erreur ou de violence la reconnaissance est frappée d’une
nullité relative. L’action est donc réservée à l’intéressé et peut être exercée pendant 5 ans.

La reconnaissance peut, en revanche, être le fait d’un incapable, dès lors qu’elle émane d’une
volonté lucide.

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Un mineur peut reconnaître son enfant, sans autorisation de ses représentants légaux, même s’il
n’a pas été émancipé.

Il en est de même pour un majeur protégé s’il est apte à manifester un consentement suf sant (V.
l’article 458 du code civil).

Dans une volonté de lutter contre des reconnaissance frauduleuse, la loi du 10 septembre 2018, «
pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » a ajouté un
article 316-1 au code civil.

Sur le modèle du contrôle des mariages ctifs, le texte prévoit qu’il peut y avoir sursis à
enregistrement de la reconnaissance durant deux mois sur demande du ministère public, alerté
par le service de l'état civil. La personne confrontée à cette opposition peut, de son côté, porter
l'affaire devant le tribunal judiciaire qui statue alors dans les dix jours.
La question se pose alors de savoir comment ces services de l’état civil seront supposés « repérer
» les reconnaissances potentiellement frauduleuses devant conduire à une audition. Des auteurs
craignent des auditions discriminatoires fondées notamment sur la situation irrégulière d'un parent
étranger ou la différence de nationalité des parents.

On retrouve une problématique identique à celle du contrôle des mariages (l’enjeu pouvant être ici
l’obtention d’un titre de séjour en tant que parent d’un enfant français).

2. L’enfant concerné

La reconnaissance n’est pas toujours possible. Il convient d’envisager plusieurs hypothèses :

- L’hypothèse de la liation incestueuse.


- L’hypothèse de l’enfant d’un couple marié.
- L’hypothèse de l’existence d’une liation déjà établie.
- L’hypothèse de la reconnaissance prénatale.

L’hypothèse de la liation incestueuse

L’interdiction d’établir le double lien de liation en cas de liation incestueuse a été maintenue par
l’ordonnance du 4 juillet 2005. Ainsi l’article 310-2 dispose que « s’il existe entre les père et mère
de l’enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de
parenté, la liation étant déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la liation à l’égard de
l’autre par quelque moyen que ce soit ».

Un seul des deux liens (paternel ou maternel) pouvant apparaître, la reconnaissance de l’enfant
issu de l’inceste est impossible si la liation est déjà établie à l’égard de l’autre auteur.

L’hypothèse de l’enfant d’un couple marié

L’ordonnance du 4 juillet 2005 présente la reconnaissance comme le second mode


d’établissement légal du lien sans limiter son domaine aux enfants nés ou conçus hors mariage.
On a vu que la reconnaissance des enfants nés ou conçus en mariage est permise (article 315 du
code civil qui renvoie à l’article 316).
Cette hypothèse jouera peu en pratique. En effet, l’acte de naissance suf t à établir la maternité de
la femme désignée dans l’acte et donc, du fait de la présomption de paternité, la paternité du mari
de cette femme.

La reconnaissance du mari est envisageable si la femme accouche sous X ou ne désigne pas son
mari comme père dans l’acte de naissance. Dans ce cas le mari pourra reconnaître son enfant.

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L’hypothèse d’une liation déjà établie

Ce « principe chronologique » est posé à l’article 320 du Code civil : « tant qu’elle n’a pas été
contestée en justice, la liation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre
liation qui la contredirait ».

Cette faveur pour la liation déjà établie est indépendante de la qualité des liations en cause (en
ou hors mariage) et des modes d’établissement utilisés (acte de naissance, présomption de
paternité, reconnaissance ou possession d’état) ➣ celui qui souhaite reconnaître l’enfant doit
d’abord contester la liation déjà établie.
On doit ici relever que le principe chronologique posé par l’article 320 du code civil fait obstacle à
l’établissement de deux liations maternelles ou deux liations paternelles pour un même enfant.
La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un avis rendu le 7 mars 2018 (n° 17-
70.039) a considéré « le juge d'instance ne peut délivrer un acte de notoriété faisant foi de la
possession d'état au béné ce du concubin de même sexe que le parent envers lequel la liation
est déjà établie ».

L’hypothèse de la reconnaissance prénatale

Avant l’ordonnance du 4 juillet 2005 la jurisprudence avait admis la reconnaissance prénatale.


Cette possibilité est aujourd’hui posée à l’article 316 al. 1 du Code civil : la reconnaissance peut
être « faite avant ou après la naissance ».

La reconnaissance prénatale ne produit ses effets que si l’enfant naît vivant et viable.

Quid du parent transgenre ?

On sait que la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 septembre 2020 (Cf. partie 1/ individualisation
des personnes physiques) a refusé la transcription de la reconnaissance maternelle du père
biologique de l’enfant ayant obtenu la modi cation de la mention de son sexe à l’état civil. Dans un
arrêt du 9 février 2022, la CA de Toulouse qui statuait en tant que juridiction de renvoi n’a pas
appliqué la solution de la Cour de cassation (= l’établissement d'une liation paternelle par
reconnaissance) et a établi judiciairement la maternité. La Cour de cassation pourrait de nouveau
être saisie de cette question.

B. Les conditions de formes

Le droit exige qu’une reconnaissance soit souscrite par acte authentique. Ce formalisme est
imposé à peine de nullité absolue.

L’authenticité de l’acte étant exigée pour sa validité, une reconnaissance par acte sous signature
privée est nulle pour irrégularité de forme.

L’article 316 du Code civil prévoit qu’une reconnaissance peut être faite :

- par une déclaration spéciale faite dans l’acte de naissance au moment de l’établissement 

de ce dernier ;
- par une déclaration souscrite auprès d’un of cier d’état civil ;
- par « tout autre acte authentique », qu’il s’agisse d’une déclaration réalisée en la forme 

authentique devant un notaire ou un juge. 

On doit ici noter que la loi du 10 septembre 2018, « pour une immigration maîtrisée, un droit
d’asile effectif et une intégration réussie », déjà évoquée, a modi é l’article 316 du code civil. 


Il est désormais exigé que l’auteur de la reconnaissance devra présenter une pièce d’identité et
une preuve de domicile lors de la déclaration.

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L'acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justi e :

- De son identité par un document of ciel délivré par une autorité publique comportant son nom,
son prénom, sa date et son lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que
l'identi cation de l'autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance ;
- De son domicile ou de sa résidence par la production d'une pièce justi cative datée de moins de
trois mois. Lorsqu'il n'est pas possible d'apporter la preuve d'un domicile ou d'une résidence et
lorsque la loi n'a pas xé une commune de rattachement, l'auteur fournit une attestation
d'élection de domicile dans les conditions xées à l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et
des familles

Plus précisément sur l’acte notarié :



La reconnaissance peut être faite devant tout notaire. Il peut s’agir d’un acte de reconnaissance.
Mais la reconnaissance peut aussi gurer dans un contrat de mariage, un testament ou une
donation.

Une reconnaissance notariée peut être secrète si son auteur le souhaite et elle n’est donc pas
inscrite en marge de l’acte de naissance, cette mesure de publicité étant différée au jour où des
effets juridiques lui seront rétroactivement attachés.

II. Les effets

La reconnaissance établit la paternité de l’homme (ou la maternité de la femme) qui la souscrit.


Elle présente certaines caractéristiques notables :

C’est un acte juridique personnel. Elle ne peut être faite que par le père ou la mère, à l’exclusion
de ses héritiers ou des tiers, sauf procuration spéciale et authentique.
C’est un acte déclaratif. La reconnaissance est déclarative du lien de liation qu’elle établit. Cela
signi e qu’elle ne constitue pas le lien de liation. Celui-ci lui préexiste. L’enfant est censé avoir
toujours eu cet homme (ou cette femme) pour père (ou pour mère). Les effets de la
reconnaissance peuvent donc rétroagir.

C’est un acte irrévocable. Son auteur ne peut la révoquer par sa seule volonté. En revanche, il
peut en contester la véracité dans les conditions prévues par la loi.

Section 3 : L’établissement de la liation par la posassions d’état

La liation peut également se trouver légalement établie par la possession d’état. On envisagera
successivement les conditions et les effets de la possession d’état.

I. Les conditions

Il convient d’examiner successivement : les éléments constitutifs de la possession d’état et les


qualités que doit présenter cette possession d’état.

A. Les éléments constitutifs de la possession d’état

Il résulte de l’article 311-1 du Code civil que « la possession d’état s’établit par une réunion
suf sante de faits qui révèlent le lien de liation et de parenté entre une personne et la famille à
laquelle elle est dite appartenir ».

Son existence implique un ensemble d’éléments convergents.

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L’article 311-1 énumère les principaux éléments constitutifs de la possession d’état :

- que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant 

et qu’elle-même les a traités comme son ou ses parents ;
- que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son 

installation ;
- que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
- qu’elle est considérée comme telle par l’autorité publique ;
- qu’elle porte le nom de celui ou de ceux dont on la dit issue.

Ces éléments peuvent être résumés par la trilogie : tractatus (traitement), fama (réputation),
nomen (nom).

L’ordonnance du 4 juillet 2005 a modi é l’ordre de l’énumération (auparavant cet ordre était : «
nomen, tractatus, fama »). Le nom apparaît désormais en dernier. 

Il est important de souligner que les faits mentionnés par la loi ne sont pas exhaustifs. D’autres
éléments peuvent être pris en considération. Par exemple : une reconnaissance sous signature
privée ou la déclaration de la naissance faite par le père prétendu lui-même.

Surtout, il n’est pas nécessaire que tous les indices énumérés existent. L’existence de la
possession d’état est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond. 


B. Les qualités de la possession d’état

Selon l’article 311-2 « la possession d’état doit être continue, paisible, publique et non équivoque
».

- continue : il n’est pas nécessaire que les faits constitutifs de la possession d’état se déroulent à
chaque instant, mais ils doivent être conformes à la normale dans la situation considérée. Ainsi,
on ne peut se contenter de faits isolés et passagers.
- paisible, publique et non équivoque : les tribunaux doivent notamment écarter la possession
d’état qui s’est constituée par violence ou par fraude ou s’il y a concours de plusieurs
possessions d’état. 


C. La preuve de la possession d’état

Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, la possession d’état ne suf t plus en elle-même à établir le
lien de liation.

Il faut qu’elle ait été of ciellement constatée, par une décision de justice rendue dans un cadre
contentieux (art. 330 du Code civil) ou par un acte de notoriété délivré par le notaire dans un cadre
non contentieux (article 310-1 et 317 du Code civil).

II. Les effets

A. Le domaine de la possession d’état

La possession d’état est un mode autonome d’établissement de la liation. Tout lien de liation
(paternel ou maternel / en mariage ou hors mariage) peut théoriquement être établi par la
possession d’état.

Cependant, en pratique, elle n’a d’utilité en tant que mode autonome d’établissement de la liation
que dans les cas où le lien de liation n’est pas établi par l’effet de la loi ou par une
reconnaissance et est ainsi inscrit sur les registres de l’état civil.
Dans la mesure où en pratique la maternité sera quasiment toujours établie par l’acte de
naissance (article 311-25 du Code civil), la possession d’état a essentiellement vocation à établir la
paternité hors mariage dans le cas où le père n’a pas reconnu l’enfant mais l’a élevé ou, autre
hypothèse, dans le cas où ce père est décédé.
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B. La contestation de la posassions d’état par un acte de notoriété

Avant l’ordonnance du 4 juillet 2005, la loi prévoyait la possibilité d’obtenir un acte de notoriété
pour établir la liation par possession d’état mais ne l’imposait pas.

Désormais pour que la liation soit légalement établie, il faut une « possession d’état constatée par
un acte de notoriété » (article 310-1 du Code civil).

Quelles sont les conditions d’établissement de l’acte de notoriété ? (article 317)

- La délivrance de l’acte peut être demandée par chacun des parents ou par l’enfant. Depuis le 25
mars 2019, la demande est adressée au notaire (le tribunal d’instance auparavant).
- Le demandeur doit présenter trois témoins qui attestent l’existence de cette possession d’état.
- La délivrance de l'acte de notoriété ne peut être demandée que dans un délai de cinq ans à
compter de la cessation de la possession d'état alléguée ou à compter du décès du parent
prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance (article 317 al.
3)
- Toutefois, lorsque ce délai est passé, les intéressés peuvent exercer une action un constatation
de la possession d’état (article 330 C. civ) : le délai est de 10 ans à compter de la cessation de
la possession d’état invoquée ou du décès du parent prétendu. Le délai est suspendu pendant
la minorité de l’enfant. 

Une fois l’établissement non-contentieux de la liation envisagé il convient d’étudier les actions
relatives à la liation.

Chapitre 3 : Les actions relatives à la liation.

Les règles qui régissent les actions relatives à la liation ont été véritablement simpli ées avec la
disparition des notions de liation légitime et de liation naturelle. Il existait autrefois des
procédures distinctes selon le type de liation.

Désormais, toutes les actions relatives à la liation se classent en deux catégories : celles qui
tendent à l’établissement de la liation et celles qui tendent à sa contestation. 

Avant de les envisager il convient d’examiner les règles communes aux deux catégories d’action.

Section 1. Dispositions générales.

Certaines règles forment le droit commun des actions relatives à la liation :

L’enfant doit être né viable.

Le nouvel article 318 du Code civil dispose qu’« aucune action n’est reçue quant à la liation d’un
enfant qui n’est pas né viable ».

La prescription des actions :



Il ressort de l’article 321 du Code civil que, sauf texte contraire, les actions se prescrivent par 10
ans.

Le point de départ du délai de prescription est :

- soit le « jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame »,


- soit le jour où elle « a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté ».


À l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité. L’enfant peut donc agir jusqu’à
ses 28 ans.

Il faut ici relever que la première chambre civile dans un arrêt du 9 novembre 2016 (n°15-25.068)
a, au terme d’un double contrôle de conventionnalité in abstracto et in concreto, admis la
conventionnalité de l’article 321 du code civil. La Cour de cassation avait à apprécier si ce texte ne
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portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Conv.
EDH. Elle a considéré qu’un juste équilibre était réalisé entre le droit à la connaissance et à
l’établissement de son ascendance et la protection des droits des tiers et la préservation de la
sécurité juridique.

La conventionnalité des délais de prescription est régulièrement invoquée devant les tribunaux.
Les juges doivent apprécier les situations concrètement. Deux décisions viennent encore
l’illustrer : Cass. Civ. 1er du 7 novembre 2018 (n° 17-25.938) : le pourvoi est rejeté et il est jugé
qu’il n’y a pas eu d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et Cass. Civ. 1 er
du 21 novembre 2018 (n° 17-21.095) où la décision de la CA est cassée. Pourquoi cette
cassation ? Le contrôle concret de conventionalité, on le sait, suppose de véri er, non seulement
la conventionalité in abstracto du texte applicable, mais aussi s'il n'y a pas in concreto une atteinte
disproportionnée aux droits fondamentaux du demandeur (lorsque cela a été invoqué).

Or, en l'espèce, dans l’affaire de l’arrêt du 21 novembre cette méthode n'avait pas été respectée.
Les conseillers de la cour d'appel de renvoi s'étaient en effet contentés de souligner que le délai
de prescription permettait de « protéger la sécurité juridique et les droits des tiers ». Autrement dit,
les juges s'étaient arrêtés à la première étape du contrôle : il n’y avait aucune prise en
considération de la situation personnelle du demandeur.

L’indisponibilité des actions :

Selon l’article 323 du Code civil : « les actions relatives à la liation ne peuvent faire l’objet de
renonciation ».

Cela signi e qu’une personne ne peut renoncer à une action que lui accorde la loi relativement à la
liation.

On doit toutefois relever que la règle est écartée en cas de procréation médicalement assistée
(PMA). Lorsque l’enfant est conçu par AMP avec don de gamètes les couples ou la femme mariée
doivent préalablement exprimer leur consentement dans un écrit dressé en la forme authentique
par un notaire.

Ils ne peuvent pas contester la liation établie à leur égard sauf s’il est soutenu que l’enfant n’est
pas issu de la PMA ou que le consentement exprimé a été privé d’effet. Il en est ainsi en cas de
décès, d'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d'une
convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités
prévues à l'article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation
de l'insémination ou du transfert d'embryon. Le consentement est également privé d'effet lorsque
l'un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l'assistance médicale à
la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette insémination ou ce transfert
ou du notaire qui l'a reçu (art. 342-10 du code civil ➣ issu de la loi du 2 août 2021).

La transmissibilité de l’action :

L’action peut être transmise aux héritiers de la personne titulaire de l’action en question. L’article
322 du Code civil admet la transmissibilité aux héritiers de l’action qui était ouverte au défunt
relativement à sa liation, mais ils doivent l’exercer dans le délai qui lui étaient imparti.

Compétence :

Les actions relatives à la liation relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire (article
318-1)

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Section 2. Les actions relatives à l’établissement de la liation.

On peut relever quatre actions qui tendent à établir le lien de liation :

- l’action en recherche de maternité ;


- l’action en recherche de paternité ;
- l’action en rétablissement de la présomption de paternité ;
- l’action aux ns de constatation de la possession d’état. 


I. L’action en recherche de maternité ou de paternité

Les conditions :

Selon l’article 325 du Code civil, l’action en recherche de maternité est subordonnée à l’absence
de titre et de possession d’état.

En fait, l’action en recherche de maternité vise principalement les cas où un enfant a été
abandonné par sa mère

Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005 l’action en recherche de paternité n’est plus subordonnée à
l’existence de présomptions ou d’indices graves pour être exercée. Cette action est prévue à
l’article 327 du code civil.

La procédure :

- Le demandeur :

L’action est réservée à l’enfant (article 325 al. 2 et 327 al. 2 du code civil).

Pendant sa minorité, le parent, même mineur, à l’égard duquel la liation est établie, a seul
qualité pour l’exercer. Si le lien de liation n’est pas établi ou si ce parent est décédé ou dans
l’impossibilité de manifester sa volonté, l’action peut être intentée par le tuteur de l’enfant avec
l’autorisation du conseil de famille (article 328).
- Le défendeur :

L’action en recherche de maternité est dirigée contre la mère ou ses héritiers. L’action en
recherche de paternité est dirigée contre le père ou ses héritiers. À défaut d’héritiers ou si ceux-
ci ont renoncé à la succession, elle est dirigée contre l’État (article 328 al. 3).
- Les délais :

Le délai décennal de droit commun court à compter de la naissance de l’enfant. Mais la
prescription est suspendue en faveur de l’enfant pendant sa minorité. L’enfant peut agir jusqu’à
l’âge de 28 ans.
- Preuve à fournir :

L’enfant doit prouver que le défendeur est son père ou qu’il est celui dont la femme prétendue
est accouchée.

Une expertise biologique sera le plus souvent ordonnée.
- Hypothèse où la liation de l’enfant est déjà établie :

Dans ce cas, il est nécessaire, comme l’exige l’article 320 du Code civil, d’établir l’inexactitude
de cette liation.

L’ancienne n de non-recevoir : l’accouchement sous X. 



Avant 2009, l’article 325 du Code civil prévoyait que l’action en recherche de maternité était
admise sous réserve de l’application de l’article 326 .

Or, l’article 326 prévoit lui que « lors de l’accouchement, la mère peut demander que le secret de
son admission et de son identité soit préservé ». C’est la possibilité d’accoucher sous X. 

La loi du 16 janvier 2009 a modi é l’article 325 en supprimant les mots « sous réserve de
l’application de l’article 326 ». En conséquence, l’accouchement sous X ne constitue plus une n
de non-recevoir à l’action en recherche de maternité. Attention: si l’enfant a fait l’objet d’une
adoption plénière, l’établissement de la maternité biologique ne sera pas possible. En effet,
l’adoption plénière rompt irrévocablement tous les liens avec la famille par le sang. 


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II. L’action aux ns de rétablissement de la présomption Pater is est est à l’égard du mari

Lorsque la présomption de paternité a été écartée (acte de naissance de l’enfant ne désignant pas
le mari en qualité de père /enfant né après une demande en divorce ou de séparation de corps), le
rétablissement des effets de la présomption peut être demandé.

Le rétablissement peut être demandé par chacun des époux ou par l’enfant. [article 315 et 329].

- pour les époux : la demande doit être faite pendant la minorité de l’enfant,
- pour l’enfant : il peut agir dans les 10 ans de sa majorité.

La seule preuve à rapporter est que « le mari est le père ». 


III. L’action en contestation de la possession d’état

On a vu que pour éviter des liations occultes, l’ordonnance du 4 juillet 2005 a innové en
subordonnant les effets de droit attachés à la possession d’état à sa constatation soit dans un acte
de notoriété délivré dans les conditions de l’article 317, soit dans un jugement rendu à l’issue d’une
action en constatation régie par l’article 330.
La loi du 16 janvier 2009 a modi é l’article 330 : la constatation de la possession d’état pourra
désormais intervenir, à la demande de toute personne qui y a intérêt, « dans le délai de 10 ans à
compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu ».

Section 3. Les actions en contestation de la liation

Il faut distinguer l’action en contestation de paternité ou de maternité établies par titres et l’action
en contestation de possession d’état.

I. Action en contestation de maternité ou de paternité

Que faut-il prouver ? Il résulte de l’article 332 que « la maternité peut être contestée en rapportant
la preuve que la mère n’a pas accouché de l’enfant » et que « la paternité peut être contestée en
rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père ». 


Comment prouver ? Il résulte de l’article 310-3, al. 2 que « la liation se conteste par tous moyens
».

Une distinction doit être faite selon que la liation contestée est établie par un titre corroboré par la
possession d’état ou est établie par un titre non corroboré par la possession d’état.

A. Contestation de la liation établie par un titre corroboré par la possession d’état.

Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, l’article 333 pose deux règles, quelle que soit la qualité de la
liation de l’enfant :

- « lorsque la possession d’état est conforme au titre, seuls peuvent agir l’enfant, l’un de ses père
et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L’action se prescrit par cinq ans à compter du
jour où la possession d’état a cessé ou du décès du parent dont le lien de liation est contesté
».
- « nul, à l’exception du ministère public, ne peut contester la liation lorsque la possession d’état
conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a
été faite ultérieurement ».
Ces règles posent des restrictions quant aux personnes pouvant agir et quant au délai pendant
lequel on peut agir.

La restriction des personnes pouvant agir.
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L’action est attitrée : la liation ne peut être contestée que par l’enfant/un de ses père et mère/le
prétendu parent véritable.

La restriction temporelle de l’action. 

Le délai de droit commun de 10 ans à compter du jour où la personne a commencé à jouir de la
liation contestée est écarté et remplacé par deux délais :

- l’action est fermée lorsque la possession d’état a duré au moins 5 ans depuis la naissance, ou la
reconnaissance si elle a été faite ultérieurement.

Ex : un enfant est reconnu à la naissance par un homme qui l’élève ➣il y a une possession
d’état conforme au titre : au bout de 5 ans la liation devient inattaquable (sauf par le ministère
public).
- L’action ne peut plus être exercée lorsqu’un délai de 5 ans s’est écoulé depuis le jour où la
possession d’état a cessé. La loi du 16 janvier 2009 rati ant l’ordonnance du 4 juillet 2005
modi e la règle : désormais l’action se prescrit non seulement « par 5 ans à compter du jour où
la possession d’état a cessé » mais encore lorsque 5 ans se sont écoulés depuis le « décès du
parent dont le lien de liation est contesté ». Ex : un enfant est reconnu à la naissance par un
homme qui l’élève pendant deux ans. Au bout de deux ans, cet homme cesse de traiter l’enfant
comme le sien (par exemple : il savait faire une reconnaissance mensongère et ne souhaite plus
se voir rattacher un enfant qui n’est pas le sien) ➣ en ce cas, il n’y a pas de possession d’état
conforme au titre ayant duré 5 ans. La contestation de paternité est possible jusqu’aux sept ans
de l’enfant.

Conventionnalité du texte :

Là aussi, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la conventionnalité de l’article 333 du code


civil, plus précisément de sa conformité à l’article 8 de la Conv. EDH. Dans un arrêt du 6 juillet
2016 (n° 15-19.853), la première chambre civile de la Cour de cassation a au terme d’un contrôle
de conventionnalité in abstracto et in concreto admis la conventionnalité de l’article 333. Au titre du
contrôle in abstracto, elle a considéré que la n de non-recevoir tirée de la prescription instituée
par l’article 333 répondait à un but légitime dans la mesure où elle vise à protéger les droits des
tiers et à préserver la sécurité juridique. Dans un second temps, elle a procédé à un contrôle in
concreto : il s’agit à contrôler si, dans son application au cas d’espèce, la règle porte ou non une
atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale du demandeur.

Ce qu’il faut retenir : la Cour de cassation a considéré que cette règle de prescription était en elle-
même conventionnelle. Toutefois, la Cour de cassation contrôle également si les juges ont bien
procédé au contrôle in concreto. Dans l’arrêt de juillet 2016, la Cour de cassation a considéré qu’il
n’y avait pas d’atteinte disproportionnée dans la mesure où l’enfant concerné par l’action en
contestation de paternité était décédé au moment de la décision et que ses descendants ne
démontraient pas avoir personnellement subi une atteinte à leur vie privée du fait de n’avoir pu
établir leur ascendance à travers celle de leur père. En l’espèce, l’action n’avait qu’un but
patrimonial.

La Cour de cassation a réaf rmé la conventionnalité de l’article 333 à propos de la prescription en


cas de possession d’état ayant duré 5 ans (Civ 1er, 1er février 2017, n° 15-27.245).

B. Contestation de la liation établie par un titre non corroboré par la possession d’état.

L’article 334 du Code civil dispose qu’« à défaut de possession d’état conforme au titre, l’action en
contestation peut être engagée par toute personne qui y a intérêt dans le délai prévu à l’article 321
».

L’action est ouverte à toute personne y ayant un intérêt : l’enfant, les père et mère, celui qui se
prétend le parent véritable mais aussi un autre membre de sa famille.

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L’action est soumise à la prescription décennale de droit commun qui est suspendue en faveur de
l’enfant pendant sa minorité.

- le délai court à compter de la naissance lorsque la liation est établie par l’acte de naissance,
- il court à compter de la reconnaissance lorsqu’elle est faite ultérieurement.

Ex : un enfant a été déclaré à l’état civil sous le nom du mari ou a fait l’objet d’une
reconnaissance mais l’enfant n’a jamais béné cié d’une possession d’état conforme à ce titre
(cet homme n’a jamais traité l’enfant comme le sien) ➣ toute personne intéressée peut
contester la paternité : l’action est soumise à la prescription de droit commun de dix ans (délai
suspendu pendant la minorité de l’enfant : il peut agir jusqu’à ses vingt-huit ans).

C. L’action du ministère public.

L’article 336 précise par ailleurs que « la liation légalement établie peut être contestée par le
ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de
fraude à la loi ». Ex : faible différence d’âge entre l’auteur de la reconnaissance et l’enfant. Ainsi
toute liation (corroborée ou non par la possession d’état) peut être contestée par le ministère
public.

Le délai est alors le délai de droit commun : 10 ans (délai qui court du jour où la personne a
commencé à jouir de l’état qui lui est contesté).

Par ailleurs, on sait que le principe chronologique posé par l’article 320 du code civil a pour but
d’éviter les con its de liation. Toutefois, pour préserver la présomption de paternité, la loi de 2009
a ajouté un nouvel article 336-1 : lorsqu’il y a con it entre une reconnaissance prénatale (peut-être
l’amant de la mère) et la présomption de paternité, le ministère public devra saisir le tribunal
judiciaire pour trancher le con it. 


II. Action en contestation de possession d’état

Selon l’article 335 du Code civil : lorsque la liation est établie par la possession d’état constatée
par un acte de notoriété, « toute personne qui y a intérêt peut agir ».
La qualité pour agir est donc celle du droit commun.
Toutefois le délai posé par l’ordonnance du 4juillet 2005 était un délai raccourci : « 5 ans à compter
de la délivrance de l’acte ».

La loi du 16 janvier 2009 rati ant l’ordonnance du 4 juillet 2005 a modi é cette solution : l’article
335 s’est trouvé modi é et le délai est passé de 5 à 10 ans.

Le succès de l’action suppose que la « preuve contraire » soit apportée :

- Soit preuve que la possession d’état n’existe pas en réalité,


- Soit la preuve que la possession d’état si elle existe ne correspond pas à la vérité 

biologique. La preuve biologique sera alors admissible pour combattre la liation sociologique
établie par la possession d’état.

III. Les effets de la contestation de la liation

Si l’action en contestation de la liation aboutit, elle a pour conséquence d’annuler le lien de


liation de manière rétroactive ➣ cela entraîne des effets sur le non, l’autorité parentale,
l’obligation d’entretien etc. 


Chapitre 4 : L’action à ns de subsides

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C’est une action particulière. Il faut comprendre pourquoi elle existe. Pendant longtemps, l’action
en recherche de paternité a été interdite. Elle n’a été autorisée qu’en 1912 et même après cela elle
était très encadrée. Cela posait des dif cultés pour l’enfant concerné qui ne pouvait recevoir
d’aliments de son auteur. C’est pour cela qu’a été créée l’action à ns de subsides. En 1955, une
action alimentaire a été offerte au pro t des enfants adultérins et incestueux. Elle a ensuite été
étendue par la jurisprudence aux enfants naturels. 

Lors de la réforme de la liation du 3 janvier 1972, l’action alimentaire a été remplacée par l’action
à ns de subsides.

Cette action permet à un enfant dont la liation paternelle n’est pas établie de demander des
subsides (c’est à une dire une contribution alimentaire) à celui qui a eu des relations sexuelles
avec sa mère pendant la période légale de conception.

Même si cette action à ns de subsides est peu exercée, l’ordonnance du 4 juillet 2005 a fait le
choix de ne pas la supprimer. En particulier, elle présente un intérêt pour les enfants incestueux.
En effet, pour ces enfants, dès lors que leur liation maternelle se trouve établie (et notamment par
l’effet de la loi), cela fait obstacle à l’établissement de la liation paternelle (père biologique lié par
un lien de parenté avec la mère).

On envisagera les conditions d’exercice de l’action et les effets du jugement qui accorde les
subsides.

Section 1. Les conditions d’exercice de l’action

Cette action est ouverte à « tout enfant dont la liation paternelle n’est pas légalement établie
» (article 342 du code civil).

Elle peut donc être intentée par tout enfant qui n’a pas de père légal.

Qui sont les parties à l’instance ?

L’article 342-6 du code civil renvoie aux articles 327 alinéa 2 et 328 relatifs à l’action en recherche
de paternité.

Le demandeur à l’action : c’est l’enfant. Cependant, pendant sa minorité, celui-ci est représenté
par sa mère. Si la mère est mineure, elle a seule qualité pour exercer l’action à ns de subsides
pendant la minorité de son enfant (article 342-6 qui renvoie à l’article 328)
Le défendeur à l’action : l’action est exercée contre celui qui a eu des relations sexuelles avec la
mère pendant la période légale de conception de l’enfant (article 342 al. 1er).

Quel est le délai d’exercice de l’action ?

L’action à ns de subsides peut être intentée pendant toute la minorité de l’enfant. Ce dernier peut
l’exercer pendant les 10 ans qui suivent sa majorité (article 342 al. 2).

Que doit-on prouver ?

Le demandeur – l’enfant – doit rapporter la preuve que le défendeur a eu des relations intimes
avec la mère pendant la période légale de conception.
Cette preuve est libre et peut être rapportée par tous moyens (témoignages et présomptions). La
Cour de cassation a même admis que cette preuve pouvait être rapportée par une expertise
biologique établissant la paternité.

Quant au défendeur, il peut également faire la preuve par tous moyens qu’il n’est pas le père de
l’enfant et ainsi faire échec à l’action (article 342-4 du code civil). Cette preuve peut aussi de faire
part expertise.
Section 2. Les effets du jugement accordant des subsides
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Le jugement qui accorde des subsides emporte plusieurs effets :

- 1)  Il crée un empêchement à mariage entre le débiteur et le béné ciaire ainsi qu’entre chacun
d’eux et les parents ou le conjoint de l’autre (article 342-7 du code civil).
- 2)  Il implique le versement de subsides : c’est-à-dire le versement de sommes destinées à son
entretien et son éducation. Ces subsides se calculent comme une obligation alimentaire, en
fonction des besoins de l’enfant, des ressources du débiteur et de la situation de famille de ce
dernier (article 342-2 al. 1er). 

Le débiteur doit verser les subsides jusqu’à la majorité de l’enfant et même au-delà s’il est dans
le besoin (à moins que cet état ne soit imputable à faute). Par ailleurs, les subsides cessent
d’être dus – ce qui est logique – si la liation paternelle de l’enfant vient à être établie à l’égard
d’un autre homme (article 342-8 du code civil)
- 3)   Il faut bien tenir compte du sens de cette action. Elle n’a pas pour objet de déclarer
judiciairement la paternité du défendeur.

Mais, par ailleurs, le jugement qui accorde des subsides n’empêche pas l’enfant d’agir par la
suite en recherche en paternité contre le défendeur ou contre un autre homme (article 342-8 du
code civil).

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