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INTRO AU DROIT PRIVÉ 

 
 
Chapitre 1 : intro  
 
Chapitre 2 : Dé nition du droit, de la règle de droit  
 
Le droit est l’ensemble des règles qui existent dans la société et qui sont contrôlées par l’état 
 
Droit objectif : ensemble des règles de droit applicables. Système juridique 
Droits subjectifs  :  prérogatives individuelles qui sont accordées par le droit objectif à certaines
personnes. Droit d’aller voter, de percevoir mon salaire…  
 
I. Les fonctions de la règle de droit : à quoi sert le droit ?  
 
• Organiser la vie en société, de façon globale ou dans des groupes intermédiaires. Il ya un
maintien de la l’ordre et de la paix sociale 
• Protéger les individus  
• Exprimer et garantir certaines valeurs telles que la liberté, l’égalité ou encore la solidarité 
 
II. Les caractères de la règles de droit  
 
Le droit est un ensemble de règles de conduite socialement édictées et sanctionnées, qui
s’imposent aux membres de la société, Gérard Cornu.  
 
3 critères :  
 
Normativité : La règle de droit est obligatoire. La loi impose un comportement. Il va provoquer un
modèle de comportement qu’on choisit ou pas. Si on suit ce modèle, il faut les respecter. Couple :
Droit propose le Pacs ou le mariage.  
 
Sanction : Cette sanction est une sanction étatique/ sanction de la société. Le droit est coercitif. On
a pas le droit de faire de justice à soit même a n d’éviter la vengeance en privée. Cette sanction
peut donner lieu à la force publique (police si on va pas en prison de notre plein gré ou voies
d’exécution pour les sanctions monétaires avec les saisies). Seul l’état peut recourir à la force.  
La sanction peut toucher les actes juridiques, càd que la sanction ne va pas toucher directement là
personnes mais aussi un élément de droit.  
 
Généralité : S’applique à tous. La règle de droit est édictée pour tout le monde.  
La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soir qu’elle punisse «  Article 6 de la
DDHC ».  
On prévoit de plus en plus de règles spéci ques pour des catégories de plus en plus particulières.
Le juriste est de plus en plus amené à se spécialiser. Même si ces règles sont spécialisées, elles
ont été créées pour une catégories de personne.  

III. Le droit et les autres systèmes normatifs  


 
Le droit n’est pas le seul système normatif  
 
Système normatif : ensemble de règles qui imposent une norme de comportement, un modèle de
conduite à suivre, sous peine de sanction  
 
Ils prévoient ce que l’on peut/doit ou ne peut pas/ ne doit pas faire.  
 
 
Le droit nous indique ce qui est légal et illégal sous peine de sanction appliquée par l‘État.  
 
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Dans la morale  : elle prévoit ce qui est bien et ce qui est mal. La sanction pour la morale est
appliquée par la propre conscience de l’individu. On se sanctionne sot même par la culpabilité. Il
peut avoir aussi une sanction par certains groupes sociaux (mal-vu, écarté…).  
 
Dans la religion : elle nous indique ce qui est autorisé ou non, ce qui est péché ou tabou. Pas de
sanction de l’Etat grâce au principe de laïcité. L’Etat de sanctionne pas les violations religieuses.  
 
Dans le sport : il prévoit la mise en place de règles de jeu. Ce n’est pas l‘État qui va sanctionner la
violation des règles de jeu, ce sont des juridictions sportives avec des sanctions adaptées.  
 
Dans la mode : on nous dit ce qui est beau ou laid en terme d’apparence physique. La sanction est
donnée par les gens. Elle a un caractère sociale.  
 
La règle de droit peut être :  
 
Amorale : càd qu’elle passe outre la morale. Il n’y a pas de raisons morales. Certaines règles de
droit n’ont aucune résonance morale.  
 
Immorale : les règles de prescriptions. Le droit prévoit que l’écoulement du temps peut conduire à
supprimer la possibilité d’agir en justice. Au bout d’un certain temps, même si j’ai raison, je ne peux
plus demande au juges de me porter raison. Valable en pénal (crimes…) et civil (si je n’ai pas
réclamer l’argent dans un délai, il ne me donne par l’argent).  
 
Sécurité juridique : fait de pouvoir savoir à l’avance ce qu’il va se passer/ce que le droit peut nous
imposer 
 
In uencer par la morale  : situation la plus fréquente. Droit de la responsabilité  : si j’ai causé du
dommage à qq, je dois le réparer.  
 
Renvoie à la morale : le droit va déléguer à la morale la façon d’interpréter la règle.  
« On ne peut déroger(prévoir une règle contraire), par des conventions particulières, aux lois qui
intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs » Article 6 du code civil.  
 
Les bonnes mœurs : règles imposées par la morale sociale à une époque donnée 
 
Droit et religion :  
Loi de 1905 > loi de la séparation des églises et de l’Etat. Liberté de culte. Pas d’argent publique
qui va au culte.  
Article 1 de la constitution : dé nition de ce qu’est la France. Le droit français reconnaît l’existence
de plusieurs religions mais le droit français ne reconnaît pas les règles religieuses. Un mariage
religieux, sans mariage civile, n’est pas un mariage. Un mariage civil ne peut pas être annulé pour
violation de règles religieuses  
 
IV. Le droit et le fait  
 
La réalité socio-économique. Le droit encadre le fait, il encadre le réalité a n de xer des règles
pour ne pas que l’on fasse n’importe quoi. Il va autoriser ou interdire certains comportement mais il
va favoriser aussi certains comportements, càd que certaines règles ont un régime de faveur.
Donner de l’argent à une association fait payer moins d’impôts.  
 
Le droit s’adapte aux faits mais pas toujours. Quand il s’adapte, c’est toujours de façon normative.
On doit se poser la question , ce n’est pas automatique. Le mariage pour tous.  
 

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Chapitre 3 : Qui fait le droit ? 
 
Est-ce que le droit intervient seulement lorsqu’il y a un con it entre deux personnes ?  
 
Le droit pose des règles généralement respectées. Le procès est la maladie du droit. Le droit est
fait pour bien organiser la société et devrait permettre qu’il n’y ai pas de con it.  
La déclaration de naissance d’un enfant, c’est un type de règle très souvent respectée.  
Les règles de conclusion du contrat, le but étant que les relations entre les deux contractants car
on aura prévu en avance de règles.  
 
En cas de con it, qui est légitime pour décider qui a raison ?  
 
Le juge mais il ne décide pas selon son bon vouloir. Il n’a pas de pouvoir arbitraire/
discrétionnaire.  
C’est très rare que le juge est un pouvoir discrétionnaire. Différence entre le pouvoir souverain
d’appréciation, càd que les juges doivent suivre des critères mais peuvent avoir une appréciation
différente de la situation, et de discrétionnaire du juge.  
Le juge reste soumis à la loi et il ne la crée pas. Son pouvoir de décision est quand même limité.  
 
Quelles sont ces autorités qui crée les règles de droit ?  
 
Le parlement (AN et Sénat), 
Le gouvernement, 
Les accords entre les États,  
La jurisprudence = c’est une autorité qui devient une source de droit.  
 
I. Les grands systèmes juridiques  

A. Systèmes de droit écrit  


 
Droit Romano-germanique/droit continental (exclu le Royaume-Uni). C’est la rencontre entre le
droit romain et le droit germanique.  
Le droit repose sur la loi, un texte écrit. Cette loi qui émane du pouvoir législatif. Le juge n’applique
que la loi mais il ne peut pas se contenter de l’appliquer car la loi n’est pas toujours suf samment
claire. Le juge doit interpréter la loi qui conduit à la jurisprudence.  
Le postulat de départ est la croyance des peuples dans la possibilité dans laquelle la loi permet de
résoudre tous les con its.  
 
B. Systèmes de Common Law  
 
POV différent. On a une con ance dans le juge et pas dans le texte. C’est le juge qui décident de
la règle qu’ils vont appliquer. Pourrait être une source d’insécurité juridique. Pour qu’il soit stable et
égalitaire, les juges sont soumis à la règle du précédent. Sur une même question de droit, le juge
doit se référer à ce que les autres juges ont répondu. Il va regarder si il y a déjà eu des « cases ».
Si il y a eu un précédent, le juge doit le suivre. Et s’il trouve que les choses doivent changer, il doit
mener un très bon argumentaire. Pour la changer, le juge doit mettre en avant des différences
entre le «  case  » d’avant et son «  case  » à lui. Ils émettent une opinion dissidente, que l’on fait
apparaître dans le « case ».  
Sur certains points, il y a des lois écrites qui sont adoptées par le parlement, sous la pression de
l’UE.  
 
C. Systèmes de droit musulman  
 
Pas la même séparation entre le droit et la religion. Il y certaines règles religieuses comme la
Charia, qui sont utilisées dans des affaires réglées par l’Etat. Dans certains pays musulmans, on
aura un mélange de droit écrit et de common law.  
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II. La séparation des pouvoirs  
 
Article 16 de la DDHC.  
 
3 pouvoirs distincts :  
• Législatif : crée la loi  
• Exécutif : exécute la loi et véri e que cette dernière est bien exécutée  
• Judiciaire : juge et sanctionne celui qui ne respecte pas la loi  
 
Droit positif : l’ensemble des règles de droit qui sont applicables à un moment donné 
 
  
Chapitre 4 : Méthodes du droit  

I. Diversité des règles de droit  


 
A. Objets différents  
 
1. Attacher une conséquence juridique à une action  
 
La règle prévoit les conditions et les conséquences, qui peuvent être positives comme négatives.  
 
Article 162 du Code civil : le mariage entre les frères et sœurs sont interdits > conséquence, ici une
interdiction  
Article 205 du Code civil : Enfant doit venir en aide à ses parents et/ou ses beaux-parents dans le
besoin, il doit payer une dette alimentaire > conséquence négative  
 
2. Dé nir une notion  
 
Les règles de droit peuvent parfois seulement servir à dé nir un terme.  
 
Article 515-8 du Code civil : dé nition du concubinage  
 
Mais d’autres textes prévoient le régime de cette notion, càd les différentes règles applicables.  
 
B. Principes et exceptions  

On rencontre souvent, en droit, un principe et des exceptions. On trouve aussi le


mot « dérogation », qu’on considèrera comme synonyme d’exception.

Ex : article 144 du Code civil = « Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ».

Article 145 du Code civil = « Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de
célébration du mariage d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves ».

= il faut avoir 18 ans pour se marier

Exception = on peut se marier avant 18 ans, en demandant une dispense. Conditions (de
l’exception) = motifs graves + accord du procureur de la République. Principe
Quelques expressions qui annoncent une exception : « néanmoins », « sauf si », « par dérogation
à » (tel article ou tel loi), « les règles reçoivent exception si… ».

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C. Droit commun et droit spécial

L’expression « de droit commun » signi e : sauf cas particulier.

Ex : - Le droit civil est le droit commun, là où le droit commercial est du droit spécial.

- Le tribunal judiciaire est la juridiction de droit commun, par opposition au tribunal de commerce
(notamment).

Ce qu’il faut retenir : ce qui est de droit commun s’applique par défaut, tant que rien de spécial ne
s’applique.

Expressions qui annoncent une règle de droit commun  : «  sauf dispositions contraires  » ou «  à
défaut de dispositions contraires ».

II. Quali cation juridique

L’argumentation juridique repose sur le syllogisme, démonstration en trois temps attribuée à


Aristote (vers 350 avant notre ère).

Tous les hommes sont mortels Majeure (règle) « Le mariage est prohibé entre frères et
sœurs » (ar cle 162 du Code civil)

Socrate est un homme Mineure (situa on) Alain et Louise sont frère et sœur

Donc Socrate est mortel Conclusion Donc Alain et Louise ne peuvent se marier
ensemble

Quali cation juridique : Ici, les catégories juridiques sont : l’homme (Socrate) / frère et sœur (Alain
et Louise).

On va véri er (dans la mineure) que Socrate peut être juridiquement quali é d’homme, qu’Alain et
Louise peuvent être juridiquement quali és de frère et sœur  ; cela permettra alors de leur
appliquer la règle qui correspond à cette catégorie (cette règle est la majeure), pour arriver à la
conclusion.

Les catégories sont donc importantes, ce qui conduit souvent à faire des distinctions.

III. L’interprétation

C’est le juge qui va véri er le sens de la loi.

Est ce que le fait de transmettre volontairement une maladie à quelqu’un d’autre est considéré
comme un empoisonnement. On connaissait les empoisonneurs et empoisonneuses.

Interprétation  : opération consistant à préciser le sens de certains termes employés dans des
textes juridiques.

Ex  : l’article 221-5 du code pénal prévoit que «  Le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou
l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement. 
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L'empoisonnement est puni de trente ans de réclusion criminelle  ». C’est la même peine que le
meurtre (homicide volontaire).
La transmission intentionnelle d’une maladie à une autre personne, est-elle un empoisonnement ?
La question a été posée à la jurisprudence à propos du VIH (virus du Sida). Un virus
(potentiellement mortel) est-il une «  substance de nature à entraîner la mort  »  ? Cour de
cassation (en 2006) : non.
La loi a ensuite créé une nouvelle infraction, à l’article 222-15 du code pénal, qui peut s’appliquer à
cette hypothèse  : «  l’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité
physique ou psychique d'autrui ».

Nous allons travailler à partir d’un exemple ctif. Imaginons une loi qui dispose : « Les magasins
de denrées alimentaires sont interdits aux chats, sauf enfermés dans une cage ».

A. Les règles d’interprétation

1. Le principe d’interprétation stricte des exceptions

Ex  : puis-je entrer dans un magasin de denrées alimentaires avec mon chat, enfermé dans un
panier ?
L’exception est  : «  enfermé dans une cage  ». Un panier n’est pas une cage, même si je peux
personnellement estimer que c’est très proche. Le principe d’interprétation stricte des exceptions
empêche d’autoriser l’entrée aux chats transportés dans un panier.

2. Le principe d’interprétation stricte de la pénale

Ex  : voir ci-dessus, le refus de considérer la transmission volontaire du VIH comme un


empoisonnement.

3. Ubi lex non distinguit

Il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas.


Si le texte utilise un terme général, on ne peut pas réduire son champ d’application à une sous-
catégorie de ce terme général.
Ex : reprenons notre exemple ctif. Peut-on estimer que cette loi ne s’applique pas aux chatons ?
Ou encore aux chats de race Sphynx, qui n’ont pas de poils ? Je pourrais argumenter ainsi : un
chaton n’est pas tout à fait un chat, un chat Sphynx ne perd pas ses poils donc cela supprime une
bonne partie des inconvénients que la loi cherche à éviter… Mais la règle d’interprétation ubi lex
non distinguit se heurte à ma proposition : la loi évoque les « chats », donc TOUS les chats, quelle
que soit leur race, ou encore leur âge. Je ne peux pas entrer dans un magasin de denrées
alimentaires avec un chaton ou un chat Sphynx.

4. Specialia generalibus derogant

Les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales.


Si deux textes sont applicables à une même situation, on doit appliquer celui qui a la portée la plus
resserrée ; en effet, si le législateur a pris la peine d’intervenir sur des cas particuliers, c’est qu’il
estimait qu’il y avait besoin d’une règle spéciale, qu’il faut donc respecter.

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Ex  : reprenons notre exemple ctif et ajoutons une autre loi, qui disposerait  : «  les animaux
domestiques simplement tenus en laisse sont autorisés dans les magasins  ». On voit que la loi
générale est celle qui autorise les animaux domestiques dans les magasins, avec une condition
plus souple que notre loi spéciale sur les cages. Puis-je entrer dans un magasin de denrées
alimentaires (qui est aussi un magasin au sens général) avec mon chat tenu en laisse ? Non, car il
y a une règle spéciale pour les magasins de denrées alimentaires et cette règle spéciale déroge à
la règle générale sur les magasins « tout court ».

B. Les méthodes d’interprétation de la loi

Majeure : les magasins de denrées alimentaires sont interdits aux chats


Mineure 1 : une boulangerie est un magasin de denrées alimentaires
Conclusion 1 : donc je ne peux pas entrer dans une boulangerie avec un chat
Mais… puis-je entrer dans une boulangerie avec mon chien ?

1. Interprétation a contrario

Raisonnement par lequel on déduit que si une règle est posée pour un cas déterminé, la règle
inverse vaut pour les situations non visées. La loi prévoit une interdiction pour les chats, pas pour
d’autres animaux. A contrario, cette interdiction ne s’applique pas aux chiens. Donc je peux entrer
dans la boulangerie avec mon chien.

Autre exemple  : avant la loi de 2013, le Code civil prévoyait que le mariage était l’union d’un
homme et d’une femme ; a contrario, le mariage ne pouvait pas être l’union de deux hommes.

2. Interprétation a pari (par analogie)

Raisonnement par lequel on étend l’application d’une règle juridique prévue pour une situation
donnée à une situation comparable. Cela suppose donc d’argumenter sur le caractère
comparable ou non de ces situations.

La loi prévoit une interdiction pour les chats, qui sont des animaux domestiques. Les chiens sont
également des animaux domestiques, donc la même règle devrait s’appliquer. Donc, je ne peux
pas entrer dans la boulangerie avec mon chien.

3. Interprétation a fortiori (à plus forte raison)

Lexique des termes juridiques  : «  raisonnement par lequel on étend l’application d’une règle
juridique prévue à une situation autre que celle prévue, parce que les raisons de le faire sont
encore plus fortes. La loi prévoit une interdiction pour les chats, qui sont des animaux domestiques
d’assez petite taille et considérés comme plutôt calmes et propres. Les chiens sont des animaux
domestiques susceptibles d’être plus gros, moins calmes et moins propres que les chats, donc
plus dérangeants dans un magasin alimentaire. Donc, je ne peux pas entrer dans la boulangerie
avec mon chien.
Comment savoir quelle argumentation doit l’emporter ? On voit bien que l’interprétation a contrario
conduit ici à un résultat différent des deux autres.

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Il faut chercher d’autres façons de raisonner.

4. Interprétation exégétique

Exégèse : on s’en tient à la lettre du texte. Il n’y a pas d’interprétation d’autres choses.

Elle conduit à s’en tenir à la lettre du texte, éventuellement en tenant compte de la construction
grammaticale de ce texte. Cela conduit souvent à conforter l’argument a contrario.
Dans notre exemple, on pourrait dire que le texte ne prévoit que le chat, alors qu’il aurait pu
facilement indiquer « animaux ».

5. Interprétation téléologique

Elle conduit à rechercher l’esprit du texte, c’est-à-dire la volonté du législateur, le but de la règle
(teleos = but, en grec). Dans notre exemple, on se demandera pourquoi la loi interdit l’accès aux
chats ; s’agissant de magasins alimentaires, on peut penser qu’il s’agit de raisons d’hygiène. Ces
raisons conduisent logiquement à interdire aussi l’accès à d’autres animaux, tels que les chiens.
Cela conduit à conforter les arguments a pari et a fortiori.

Précisions sur la méthode téléologique :


- l’interprétation peut évoluer dans le temps, car on peut estimer que le législateur a souhaité que
son texte puisse être adapté aux nouveaux besoins
Imaginons que, dans un futur proche ou dans certaines localités isolées, des denrées alimentaires
soient vendues dans les bureaux de poste. Les mêmes raisons d’hygiène conduiraient à interdire
l’accès de ces bureaux de poste aux chats (et aux autres animaux).
- où trouver l’intention du législateur ? Des indices intéressants peuvent être trouvés dans ce qu’on
appelle les travaux préparatoires de la loi (notamment, les débats parlementaires  : la question
s’est peut-être posée pendant ces discussions préalables au vote dé nitif de la loi). On peut aussi
se reporter à l’exposé des motifs de la proposition ou du projet de loi.
Ex : pour la loi n°2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la liation.

IV. Connaitre le langage juridique

A. Le vocabulaire

Des questions de quali cation et d’interprétation (I et II), on a pu comprendre qu’il était essentiel
d’utiliser le bon vocabulaire, car un mot peut changer le sens de la règle de droit.

La loi : Elle ne «  stipule  » pas, elle «  dispose  », «  prévoit  », «  prescrit  », «  énonce  »… C’est le
contrat ou la convention qui « stipule ».

Les tribunaux : Ils rendent des «  jugements  », les cours rendent des «  arrêts  », les conseils
rendent des « avis ». Et les juges uniques, des « ordonnances ». Tout ceci peut être regroupé sous
le terme générique de «  décisions  », ce qui est bien pratique quand on ne se souvient plus du
terme exact ou pour éviter des répétitions.

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Quelques termes très anciens, qui n’ont pas toujours été actualisés : « consorts » = les membres
d’une même famille qui agissent en justice ensemble  ; «  sieur  » = monsieur  ; «  grief  » =
reproche…

D’autres termes ont un sens légèrement différent en droit : « enfant » ne signi e pas une personne
qui n’est pas encore adulte, mais le ls ou la lle de quelqu’un ; cet « enfant » peut donc être un
adulte. « Partie » signi e quelqu’un qui participe (à un procès, à un contrat…).

Il faut bien utiliser le mot «  fondement  »  : le fondement d’une décision ou d’une argumentation,
c’est la règle juridique sur laquelle on s’appuie (le plus souvent, un texte). On dit par exemple que
le juge a rendu sa décision sur le fondement de l’article 203 du Code civil.

B. Le style

Les règles de droit comportent parfois l’énoncé explicite d’un devoir ou obligation : « les enfants
doivent des aliments à leurs père et mère (…) qui sont dans le besoin » (article 205 du Code civil).
Mais un énoncé au présent de l’indicatif exprime également un devoir (et non pas un constat) :
« chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants (…) » (article 371-2 du
Code civil) = chaque parent DOIT contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants. Il a
l’obligation.

CHAPITRE 5 SERA FAIT APRES LE 6

Chapitre 6 : Organisation juridictionnelle

Vocabulaire important :

- les tribunaux rendent des « jugements », les cours rendent des « arrêts », les conseils rendent
des «  avis  ». Et les juges uniques, des «  ordonnances  ». Tout ceci peut être regroupé sous le
terme générique de « décisions », ce qui est bien pratique quand on ne se souvient plus du terme
exact ou pour éviter des répétitions.

- celui qui introduit l’action en justice / agit en justice est le demandeur. Il agit contre le défendeur
(à ne pas confondre avec le défenseur  !). Au féminin, cela donne  : demanderesse et
défenderesse.

- Faire droit à la demande / débouter le demandeur


- La partie qui perd le procès est appelée partie succombante ; elle pourra interjeter appel
- En appel, on distingue l’appelant (celui qui interjette appel) et l’intimé
- La cour d’appel con rme la décision de 1ère instance ou l’in rme (arrêt con rmatif / in rmatif)
- Devant la Cour de cassation, on distingue le demandeur au pourvoi et le défendeur au pourvoi
- Former un pourvoi en cassation = se pourvoir en cassation
Introduction :

La conception française de la séparation des pouvoirs a conduit à une organisation juridictionnelle


très particulière, dictée par la volonté d’empêcher le pouvoir judiciaire d’empiéter sur les deux
autres. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les

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opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs
fonctions ». C’est ce que l’on a appelé la dualité des contentieux judiciaire et administratif.

On insistera ici sur les juridictions de l’ordre judiciaire, après avoir simplement indiqué le nom des
juridictions administratives :

juridiction juridiction juge de


du 1er d'appel cassation

tribunal cour Conseil d'Etat

Cour de
tribunal cour d'appel
cassation
•tribunal judiciaire
•tribunal de
commerce

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I. Les juges de fond

A. Les juridictions judiciaires de premières instances

1. Les juridictions civiles

La juridiction de droit commun est le tribunal judiciaire (TJ).

Il existe également plusieurs juridictions spécialisées, ainsi que des juges uniques qui ont des
missions spéci ques.

a. Tribunal judiciaire

Jusqu’au 1er janvier 2020, la juridiction de droit commun était le TGI (Tribunal de Grande Instance)
et il existait une juridiction plus petite pour les petits litiges (en-dessous de 10 000 euros)  : le
tribunal d’instance. La loi du 23 mars 2019 a fait fusionner les TGI et les TI, pour créer le tribunal
judiciaire.

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b. Juridiction spécialisées

- tribunal de commerce = litiges entre commerçants (par des commerçants)

- conseil de prud’hommes = litiges liés au contrat de travail

- tribunal paritaire des affaires de sécurité sociale

- tribunal paritaire des baux ruraux

c. Juges uniques

Ils exercent leurs fonctions spéci ques au sein d’un TJ.

- juge aux affaires familiales (JAF)

- juge de l’exécution

- juge des référés (rôle exercé par le Président du TJ)


2. Juridictions répressives

En fonction de la gravité des infractions, trois juridictions différentes :

- contraventions : tribunal de police

- délits : tribunal correctionnel

- crimes : cour d’assises

B. L’appel

Un des principes fondamentaux est le principe du double degré de juridiction : en principe, la partie
déboutée en première instance doit pouvoir faire juger son affaire à nouveau. Pour ne pas trop
encombrer les juridictions, ce principe n’est appliqué que pour les litiges d’une certaine
importance, qui dépend des montants en jeu. On appelle cela le taux de ressort, c’est-à-dire le
montant en-dessous duquel l’affaire est jugée en premier et dernier ressort : le premier ressort (le
premier jugement) est aussi le dernier. Ce taux de ressort est xé à 5 000 euros.

Attention au vocabulaire : faire appel, interjeter appel, former un appel.

L’appel est :

- suspensif 

- dévolutif 

L’appelas va critiquer certains passage du jugement. La cour d’appel va tout rejuger.

II. La Cour de cassation

A. Le rôle de la Cour de cassation

La Cour de cassation permet d’uni er, ou du moins, harmoniser, l’interprétation de la loi par les
différentes juridictions du fond. Mais aussi d’imposer aux juges du fond de respecter la loi et leur
obligation de motiver leurs décisions.

En 2020, il y a eu 23% de décisions cassées, en matière civile.

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La Cour de cassation ne juge pas toute l’affaire, mais seulement l’application du droit qui a été
faite par les juges du fond. Le pourvoi en cassation n’a donc pas un effet dévolutif (à la différence
de l’appel). Il est très important de comprendre que la Cour de cassation n’est pas un troisième
degré de juridiction.

On dit que les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait.

Ex  : l’article 371-4 du Code civil prévoit que «  L’enfant a le droit d’entretenir des relations
personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce
droit ». Rappel : ascendants = parents, grands-parents…

M. Dupont n’a pas vu sa petite- lle depuis plusieurs années. Il essaie de revenir dans la vie de
Laura, mais les parents (sa lle et son gendre) s’y opposent fermement. M. Dupont décide alors
d’agir en justice pour obtenir un droit de visite. Les juges du fond refusent sa demande. Il forme un
pourvoi en cassation.

On envisagera trois hypothèses :


- les juges du fond ont jugé que « La jeune Laura n’a aucun souvenir de son grand-père, qui ne
s’est pas manifesté depuis les premiers mois de l’enfant. Elle entretient des relations suivies
avec ses autres grands-parents, notamment l’ex-femme de M. Dupont, sa grand-mère
maternelle, mais aussi ses oncles et tantes ; elle béné cie donc d’un entourage familial soutenu.
Au cours de son audition, elle a manifesté de la crainte à l’égard de son grand-père, ayant
assisté à plusieurs scènes de violences verbales avec ses parents. En conséquence, l’intérêt de
l’enfant Laura X. justi e le rejet de la demande de M. Dupont ».
- les juges du fond ont jugé que « L’intérêt de l’enfant Laura X. justi e le rejet de la demande de
M. Dupont ».
- Les juges du fond ont rejeté la demande, en indiquant  : «  L’autorité parentale dévolue aux
parents leur donne pouvoir de décider des relations personnelles entretenues entre leur enfant
et toute autre personne. Les parents de Laura X. ne souhaitant pas qu’elle entretienne des
relations personnelles avec M. Dupont, la demande de ce dernier est rejetée ».

Dans les trois cas, les juges du fond :

- devaient se décider sur un élément de fait  : l’intérêt de l’enfant Laura, à renouer des relations
personnelles avec son grand-père.
- rendent la même décision : refus d’accorder un droit de visite à M. Dupont. Mais on voit que la
motivation est très différente.

B. Composition de la cour de cassation

1. Les six chambres spécialisées


- 1ère chambre civile : état des personnes, biens, contrats
- 2ème chambre civile : divorce, responsabilité délictuelle, sécurité sociale
- 3ème chambre civile : droit immobilier
- chambre commerciale et nancière : droit commercial
- chambre sociale : droit du travail
- chambre criminelle : droit pénal

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2. Les formes spéciales

Composi on Compétence
Chambre mixte Magistrats appartenant à au Ques on de principe suscep ble de se présenter dans
moins trois chambres plusieurs chambres
di érentes
Assemblée 1er Président, Présidents des 6 - obligatoire : second pourvoi consécu f sur la même
plénière chambres, doyens des 6 ques on de droit (résistance du juge d’appel de renvoi). La
chambres, 2 conseillers de décision s’impose alors à la 2de juridic on de renvoi.
chaque chambre
- faculta ve : risque de divergence entre les juges du fond et
la Cour de cassa on, ou a aire importante.

C. Le pourvoi en cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi ou casse la décision de la juridiction inférieure (casse


l’arrêt d’appel).

1. Les cas d’ouverture à cassation

Il n’y a pas de droit à former un pourvoi en cassation ; pour pouvoir le faire, il faut pouvoir soulever
un argument qui rentre dans les hypothèses de cas d’ouverture à cassation.

Il y a 9 cas d’ouverture à cassation mais ce sont les quatre les plus courant :

- violation de la loi : les juges ont mal appliqué la loi (mauvaise interprétation d’une loi, application
de la mauvaise loi, oubli d’une condition posée par la loi…)

- manque de base légale : les juges n’ont pas suf samment motivé leur décision, par exemple ils
n’ont pas donné les éléments permettant de véri er qu’une des conditions de la loi était remplie ;
donc la Cour de cassation ne peut pas exercer son contrôle.

- défaut de motifs : les juges n’ont pas motivé tout ou partie de leur décision, ils n’ont pas détaillé
leur argumentation.

- dénaturation  : les juges ont fait une erreur grossière d’interprétation d’un acte juridique (ex  :
contrat ; pas la loi).

2. Le mécanisme du pourvoi

La Cour de cassation peut rendre trois sortes de décision :

- rejet du pourvoi : elle valide donc la décision critiquée, qui devient irrévocable.

- cassation de la décision avec renvoi  : elle casse et annule la décision critiquée, il faut donc
rejuger l’affaire au fond. Elle renvoie l’affaire devant une autre juridiction de même nature (ou la
même juridiction, autrement composée).

- cassation sans renvoi : quand il n’est pas nécessaire de rejuger l’affaire au fond.

A noter que la cassation peut être totale ou partielle, car la Cour de cassation peut admettre un
moyen et en rejeter d’autres.

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III. Le contenu d’une décision de justice

A. Les mentions obligatoires

- juridiction rendant la décision

- date

- noms des magistrats, gref ers, avocats, parties

- rappel des faits et de la procédure (qui a saisi la juridiction, éventuelle décision antérieure, etc.)

- prétentions de chaque partie (prétentions = ce que la partie demande et ses arguments)

- motifs de la décision (argumentation du juge). Cette motivation est essentielle, notamment pour
permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle. Elle permet aussi de faire comprendre la
décision.

- dispositif : c’est le prononcé de la décision, qui commence toujours par « par ces motifs… ». Le
juge accueille la demande (il « fait droit à la demande ») ou il rejette la demande (il « déboute » le
demandeur).

La décision est ensuite noti ée aux parties. Certaines décisions sont publiées. Pour respecter la
vie privée des justiciables, les décisions publiées ne doivent pas indiquer leurs noms ; on parle de
l’anonymisation des décisions. Ce n’était pas le cas jusqu’à une période récente, aussi de
nombreux arrêts importants étaient connus par le nom d’une des parties.

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Chapitre 5 : Branches du droit

droit public droit privé

droit interne droit international droit interne droit international

droit droit civil = droit


constitutionnel commun

droit administratif droit commercial

droit des finances


publiques et droit droit du travail
fiscal

etc. droit pénal

etc.

I. Summa divisio : droit public et droit privé

La loi des 16 et 14 août 1790 : «  les fonctions juridiques sont distincts et demeurent toujours
séparées des fonctions administratives ».

Droit privé : concerne les relations entre les personnes priées, càd les individus, les sociétés, les
associations.

Droit public : concerne les relations avec les personnes publiques, càd l’Etat, une commune, une
entreprise publique.

II. Principales branches du droit

Droit constitutionnel : Organisation des institutions de la République

Droit administratif : Ce sont les règles applicables à l’action de l’administration et à ses rapports
avec les usagers.

Droit scal : Ce sont les impôts

Droit des nances publiques : C’est le budget de l’état

III. Principales branches du droit privé

Le droit commun est le droit civil. Maus il existe des droits spécialisés :
- Le droit du travail qui prévoit des règles adaptées aux rapports du travail
- Le droit commercial qui prévoit des règles adaptés entre commerçants

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Le droit pénal est à la fois privé et public mais il est classé dans le droit privé car l’une des parties
est l’Etat mais les juridictions compétentes sont les juridictions judiciaires.

IV. Le droit international

Public : droits des relations entre les Etats, càd des traités des organisations internationales
comme l’ONU

Privé : droits des relations entre les personnes privées, avec un éléments d’extranéité, pour savoir
quel droit appliquer et quelle juridiction est compétente.
- Le con it de lois : c’est quand on se sait pas quelle lois appliquer
- Le con it de juridictions : quel est le juge compétent ?

Extranéité : c’est quand deux personnes concernées n’ont pas la même nationalité et/ou ne
viennent pas du même pays.

V. La procédure

Droit substantiel (ou matériel) et droit processuel  : quelles sont les règles pour faire valoir ses
droits en justice, les règles du procès ?

Chapitre 7 : L’évolution historique du droit privé

I. Antiquité

A. Code d’Hammurabi

La plus ancienne compilation de règles juridiques dont on ait retrouvé l’existence. Hammurabi était
le un roi de Babylone, en Mésopotamie, vers 1770 avant notre ère. Ces règles étaient gravées sur
des stèles disposées sur les places publiques. Il ne s’agit pas de règles légales, mais plutôt
jurisprudentielles (sentences rendues dans des cas particuliers).

B. Antiquité grecque

- La notion de démocratie
- La notion de loi

C. Droit romain

Loi des XII Tables > ancêtres des codes


Pendant plusieurs siècles, le droit romain sera surtout jurisprudentiel et casuistique, sans principes
généraux. Plus tard, l’empereur Justinien sera à l’initiative d’une compilation et refonte des textes
romains, que l’on nommera alors Code de Justinien, aux environs de l’an 530 de notre ère.

II. Moyen-âge et ancien droit

Avec la chute de l’Empire romain et les invasions barbares, le droit romain disparaît.
Des coutumes locales se développent, notamment d’origine germanique. Au départ, ces coutumes
étaient d’application personnelle, puis elles sont devenues d’application territoriale (ex  : coutume
de Normandie).

- Dans le sud, les coutumes sont inspirées du droit romain, c’est pourquoi on parle d’un pays de
droit écrit. Ce phénomène sera ampli é à partir du XIIè siècle, avec la création des premières
universités, dont les membres se plongeront dans l’étude du Code de Justinien, redécouvert après
avoir été perdu pendant plusieurs siècles, suite à la chute de l’Empire romain.

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- Dans le nord, qui reste davantage soumis à l’in uence des règles d’origine germanique, ces
coutumes restent longtemps orales ; on l’appelle donc pays de droit coutumier. Pour faciliter leur
connaissance, les praticiens les regroupèrent par écrit dans des « coutumiers ».

Les rois vont peu à peu imposer :


- La rédaction des coutumes (Ordonnance de Montils-lès-Tours, 1453, Charles VII.
- Des ordonnances pour l’ensemble du royaume, par exemple l’Ordonnance sur la procédure
civile en 1667 ou encore l’ordonnance sur les testaments en 1735.

Le bilan provisoire est un droit morcelé mais aussi inégalitaire.

III. La codi cation

La Révolution avait parmi ses objectifs celui d’uni er et simpli er le droit, à travers un code de lois
communes à tout le territoire. Malgré plusieurs projets, aucun n’aboutit. Seul Napoléon Bonaparte
parviendra à faire promulguer le Code civil des Français, en 1804. Il sera suivi d’autres codes.
La rédaction du Code civil fut con ée à 4 juristes  : Portalis, Tronchet, Maleville et Bigot de
Préameneu.

Le Code civil est le résultat d’un double compromis :


- entre les pays de coutume (Nord, avec Tronchet et Bigot de Préameneu) et les pays de droit
écrit (Sud, avec Portalis et Maleville)
- entre le droit de l’Ancien régime et le droit révolutionnaire (droit intermédiaire). Planiol le
résumait ainsi : « ni réactionnaire ni révolutionnaire ».

IV. L’après code civil

A. XIX ème siècle

Période marquée par l’in uence du code civil à l’étranger comme en France.

B. XX ème siècle

- La jurisprudence a pris une place importante au seines sources du droit


- La révolution industrielle et l’intervention de l’Etat dans le domaine social, ont conduit le
législateur à intervenir dans de nouveaux domaines comme le droit du travail ou le droit de la
sécurité sociale. C’est l’Etat Providence
- Le droit a aussi été in uencé par l’évolution des meurs > principe d’égalité

C. XXI ème siècle

Le droit doit s’adapter au développement des technologies, qui posent de nouvelles


problématiques dans des domaines très variés :
- internationalisation du droit
- « fondamentalisation » du droit : place croissante prise par les droits et libertés fondamentaux,
ce qui a une incidence sur le mode de décision des juges, qui doivent de plus en plus souvent
arbitrer entre des droits fondamentaux de part et d’autre. Le juge doit alors procéder à ce qu’on
appelle la «  balance des intérêts  », pour déterminer quel droit est le plus fondamental et doit
donc l’emporter…

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Partie 2 : sources du droit

Chapitre 8 : Hiérarchie des normes

Deux sens de l’expression « la loi » :


- au sens strict, la règle de droit qui émane du Parlement
- au sens large, tout texte de droit en vigueur
Le terme « norme » est encore plus large, car la norme peut être écrite (au sens large de la loi) ou
pas (ex : coutume, jurisprudence).

I. La pyramide de Kelsen

Traditionnellement, on se réfère à la «  pyramide de Kelsen  » pour une première approche de la


hiérarchie des normes.

Selon cette théorie, la loi est valable si elle est conforme à la Constitution.
- On n’a pas besoin de se demander si chaque norme est juste ou morale, il suf t de véri er
qu’elle est conforme à la norme supérieure
- Il faut prévoir un contrôle de cette conformité.

Vocabulaire :

- Contrôle de constitutionnalité = véri er que la norme est conforme à la Constitution


- Contrôle de légalité = véri er que la norme est conforme à la loi
- Contrôle de conventionnalité = véri er que la norme est conforme à une convention
internationale (ou traité)

Constituti
on

Traités et
conventions
internationau
•loi
Loi •ordonnance
•règlement autonome

•règlement
Règlements d'application
•décrets

II. Le cas particulier du droit de l’Europe

Il existe deux « Europe ». Il faut absolument savoir les distinguer, car les mécanismes juridiques
sont très différents.

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Organisation Texte Juridiction

Conseil de Convention
Cour EDH
Le droit de l'Europe EDH
l'Europe Union Droit de
CJUE
européenne l'UE

- L’Europe des droits de l’homme : elle réunit 46 États sous l’égide du Conseil de l’Europe (créé
par le traité de Londres le 5 mai 1949, et siégeant à Strasbourg). C’est dans le cadre de ce Conseil
de l’Europe qu’a été adoptée la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, la CEDH.
- L’Union européenne, qui réunit aujourd’hui 27 États, et qui correspond à un mécanisme
d’intégration politique très poussé. Le droit qui est produit dans ce cadre est le droit de l’Union
européenne (avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009 on parlait de
droit communautaire).

Les deux Europe ont chacune leur juge qu’il ne faut jamais confondre :
- La Cour européenne des droits de l’homme veille au respect de la Convention EDH,
(Strasbourg)
- La Cour de justice de l’UE (CJUE) [anciennement Cour de justice des communautés
européennes, CJCE] est le juge de l’Union européenne (Luxembourg).

Chapitre 9 : Normes constitutionnelles

I. Le bloc de constitutionnalité

A. Le corps de constitution

La Constitution elle-même, en ses 89 articles. Il s’agit essentiellement de règles d’organisation des


pouvoirs.

B. Le préambule de la constitution de 1958

Ce préambule a été reconnu comme intégré au bloc de constitutionnalité (donc dans le contrôle de
constitutionnalité) par une décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971.
Le préambule de 1958 renvoie à différents autres textes qui sont donc intégrés dans le bloc de
constitutionnalité :
- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC)
- préambule de la Constitution de 1946, qui se réfère aux « principes particulièrement nécessaires
à notre temps »
- Charte de l’environnement de 2004

Le préambule permet donc de donner une valeur constitutionnelle à des droits et principes
fondamentaux.
Il faut y ajouter d’autres principes, déduits des précédents par le Conseil constitutionnel. Ex  : la
fraternité (décision n°2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018).

II. Le contrôle de la constitutionnalité des lois

Il est assuré par le Conseil constitutionnel.


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Composition  : 9 membres nommés pour 9 ans (3 par le Président de la République, 3 par le
président de l’Assemblée nationale, 3 par le Président du Sénat) + les anciens Présidents de la
République, s’ils le souhaitent (ils sont membres de droit à vie). Le Président actuel du Conseil
constitutionnel est Laurent Fabius.
Point de vocabulaire : le Conseil constitutionnel rend des décisions (pas des arrêts).
L’un des rôles du Conseil constitutionnel est donc de véri er que les lois sont conformes à la
Constitution, y compris les droits et principes fondamentaux. Il exerce ce contrôle de deux façons
bien différentes, mais en suivant le même schéma de raisonnement.

A. Controle a priori

Une loi votée peut être soumise avant sa promulgation au contrôle du Conseil constitutionnel, sur
initiative du Président de la République, du Premier ministre, du Président de l’Assemblée
nationale, du Président du Sénat ; mais aussi, depuis 1974, par un groupe de 60 députés ou 60
sénateurs (donc, potentiellement, l’opposition).

B. Contrôle à posteriori

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Une loi a été votée et promulguée sans que le Conseil constitutionnel soit saisi. Ultérieurement, au
cours d’un procès, l’un des justiciables se rend compte que la loi qu’on veut lui appliquer porte
atteinte à un droit garanti par la Constitution, donc est contraire à la Constitution. Que faire  ?
Jusqu’en 2008, rien n’était prévu.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le justiciable peut demander au juge de transmettre
une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité.
Article 62-1 de la Constitution  : «  Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du
Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
Pour qu’il y ait un ltrage, c’est la Cour de cassation (ou le Conseil d’État) qui décide de
transmettre ou pas la QPC.

Trois conditions cumulatives sont nécessaires :


- la disposition contestée est applicable au litige
- la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution
- la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux

Si la QPC est transmise et que le Conseil constitutionnel estime en effet que cette loi est
anticonstitutionnelle, deux conséquences :
- la disposition légale en question ne sera pas appliquée au litige en cours
- la disposition légale est abrogée et ne sera donc plus applicable, de façon générale

Deux vidéos à regarder : https://dai.ly/x6yi257 et https://dai.ly/x7y3bu9

C. Schéma de raisonnement du contrôle de constitutionnalité

1- la disposition législative attaquée porte-t-elle atteinte à un droit protégé par la Constitution ? Si


oui, seconde étape :

2- l’atteinte à ce droit est-elle justi ée par une n (un objectif) d’intérêt général  ou encore par la
nécessité de faire respecter un autre droit protégé par la Constitution ?
Il s’agit le plus souvent d’apprécier la proportionnalité de la mesure législative contestée.

Ex. 1 : décision n°2019-808 QPC du 11 octobre 2019


Ex. 2 : décision n°2019-826 QPC du 7 février 2022

Chapitre 10 : La loi

La loi ne « stipule » pas, elle « dispose », « prévoit », « prescrit », « énonce »… C’est le contrat ou
la convention qui « stipule ».

I. Domaine de la loi

La Constitution répartit les compétences entre la loi et le règlement (entre le Parlement et le


Gouvernement), en fonction des matières.
L’article 34 xe le domaine de la loi et l’article 37 indique que « les matières autres que celles qui
sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Donc si une loi empiète sur le domaine
réglementaire, elle pourra être contredite par un règlement postérieur.

L’article 34 de la Constitution comprend deux parties différentes.


- «  la loi xe les règles concernant  : (…)  » (notamment  : la nationalité, l’état des personnes,
l’essentiel du droit pénal, les impôts…) ; il s’agit du domaine exclusif de la loi, il ne peut pas y avoir
de règlements dans ces matières.

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- « la loi détermine les principes fondamentaux : (…) » (notamment : l’organisation des collectivités
territoriales, l’enseignement, la préservation de l’environnement, le droit du travail, le droit des
contrats…). Il y a alors un domaine partagé avec le règlement  : la loi xe les principes
fondamentaux, le règlement précise les détails.

Cet article 34 fait également référence à des catégories particulières de lois :


- les lois de nance (budget de l’État)
- les lois de nancement de la sécurité sociale (budget de la sécurité sociale)
Ce sont des lois annuelles.
- les lois de programmation, qui « déterminent les objectifs de l’action de l’État » 

II. L’élaboration de a loi

On renverra au cours de droit constitutionnel pour plus de détails.


Qui peut proposer une loi ?
- Le Premier ministre (on parle alors de «  projet  de loi  »)  : le projet est délibéré en conseil des
ministres et soumis pour avis au Conseil d’État, puis déposé sur le bureau de l’Assemblée
nationale ou du Sénat
- un ou plusieurs membres du Parlement (c’est une « proposition de loi »)
Rappel : le Parlement français est bicaméral, il y a deux chambres : Assemblée nationale et Sénat.
Le projet ou proposition est examiné par l’une des chambres, puis l’autre, pour aboutir à un texte
identique  ; c’est la navette parlementaire. En cas de désaccord entre les chambres, le Premier
ministre peut déclencher la réunion d’une commission paritaire mixte paritaire, pour essayer
d’aboutir à un texte commun. En cas de désaccord persistant, le gouvernement peut demander à
l’Assemblée nationale de statuer dé nitivement.

III. Les ordonnances

Article 38 de la Constitution  : «  Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme,


demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des
mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent
en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de rati cation n'est pas
déposé devant le Parlement avant la date xée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être
rati ées que de manière expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent
plus être modi ées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».

Le Parlement peut autoriser le Gouvernement à prendre des mesures qui seraient normalement du
domaine de la loi. Il faut pour cela une loi d’habilitation.
Ces ordonnances sont prises en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État.
Elles entrent en vigueur dès leur publication, avec une valeur législative (si elles sont bien prises
dans le domaine de la loi).
La loi d’habilitation xe une date limite pour que le Gouvernement dépose un projet de loi de
rati cation par le Parlement. Si ce délai n’est pas respecté, l’ordonnance devient caduque.
Il peut y avoir des modi cations au moment de la rati cation par le Parlement.

IV. La période de la validité de la loi

A. Entrée en vigueur

1. Sa promulgation par le président de la République

C’est le décret de promulgation (décret du Président de la République) qui xe la date de cette loi
(et non le vote dé nitif au Parlement).

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Lorsque la loi a été dé nitivement adoptée, elle est transmise au Gouvernement. Le Président de
la République a alors 15 jours pour la promulguer. Tant que le décret de promulgation n’a pas été
pris, la loi peut être soumise au contrôle du Conseil constitutionnel et ne pourra alors pas être
promulguée avant que le Conseil n’ait rendu sa décision.
Ex : la loi sur le mariage pour tous a été dé nitivement adoptée par le Parlement le 23 avril 2013,
mais promulguée le 17 mai 2013. C’est la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux
couples de personnes de même sexe.
Pour les curieux, le dossier législatif  : https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/
JORFDOLE000026587592/

2. Sa publication

La loi doit être publiée au Journal of ciel, aujourd’hui édité uniquement sous forme électronique.

3. Date d’entrée en vigueur

Article 1er du Code civil : « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal of ciel de la République
française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils xent ou, à défaut, le
lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont
l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces
mesures ».

La loi entre en vigueur, c’est-à-dire devient applicable :


- soit à la date prévue dans le texte de loi
Ex  : la loi n°2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la liation, publiée au
Journal of ciel du 3 mars 2022, n’est entrée en vigueur que le 1er juillet 2022, comme le prévoit
son article 5.
https://www.vie-publique.fr/loi/283482-loi-2-mars-2022-simpli cation-changement-de-nom-dusage-
et-de-famille
- soit, si aucune date n’est prévue, le lendemain de la publication
- parfois, lorsque la loi doit être précisée par des mesures d’application (le plus souvent, des
décrets d’application), elle n’entre en vigueur que lorsque ces textes d’application ont été pris
A partir de l’entrée en vigueur, la loi s’impose à tous. On ne peut pas tenter d’y échapper en
invoquant le fait que l’on ne connaissait pas cette loi. C’est l’adage : « nul n’est censé ignorer la
loi ».

4. Un exemple concret et complexe

Réforme du droit des contrats :


- loi d’habilitation : loi du 16 février 2015
- ordonnance du 1er février 2016
- entrée en vigueur de l’ordonnance : 1er octobre 2016
- loi de rati cation du 20 avril 2018
- entrée en vigueur de la loi de rati cation le 1er octobre 2018

B. Cessation de la validité : abrogation

La loi n’est plus applicable à partir de son abrogation. L’abrogation peut être :
- expresse : par une autre loi (ou par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une QPC)
- tacite  : lorsqu’un ancien texte est incompatible avec un texte plus récent, on considère que le
texte récent a implicitement abrogé l’ancien ; c’est le juge qui constatera cette abrogation tacite
- automatique : pour les lois expérimentales, il est prévu dans le texte lui-même une date limite de
validité. La loi est votée pour un temps limité, ensuite ses effets sont évalués avant que l’on ne
décide de la supprimer, modi er ou pérenniser. Ex : la loi sur l’IVG. Ces lois expérimentales sont
prévues à l’article 37-1 de la Constitution (« La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet
et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental »).
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Chapitre 11 : les règlements

I. Place dans la hiérarchie

Constitu
tion
Traités et
conventions
internationa

Loi • règlement
autonome
Règlements • règlemen
t
L’article 37 (alinéa 1er) de la Constitution indique que « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».
Dans ces domaines réservés de l’article 37 de la Constitution, le règlement est dit «  règlement
autonome  ». La loi ne peut pas intervenir dans ces domaines, donc le règlement a la même
valeur normative qu’une loi.
Dans les autres domaines, le règlement est dit « règlement d’application ». Il doit respecter les lois
qu’il vient préciser ; il a une valeur infra-législative.
Le contrôle de conformité de toutes ces normes administratives est assuré par le juge
administratif. On parle de « contrôle de légalité », mais le terme « légalité » doit être entendu au
sens large.

II. Typologie des règlements

décrets
du
Président
décrets du
Premier
ministre
• interministéri
arrêtés els
• ministériels

III. Circulaires et réponses ministérielles

Il s’agit de textes qui échappent à la hiérarchie des normes, car ils n’ont pas de caractère
obligatoire.

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- circulaire ministérielle : acte émanant d’un ministère et destiné à ses agents, pour leur indiquer
l’interprétation à retenir d’un texte législatif ou réglementaire.
- réponse ministérielle  : réponse écrite donnée par un ministère à la question posée par un
sénateur ou député, et indiquant la position du gouvernement sur l’application d’un texte législatif
ou réglementaire.

Un exemple de réponse ministérielle à une question posée par une députée :

Chapitre 12 : Traités internationaux et conventions internationales

I. Primauté des conventions internationales sur la loi

Article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement rati és ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou
traité, de son application par l'autre partie ».

La rati cation est en général de la compétence du Président de la République, mais aussi par le
parlement dans certaines matières particulièrement sensibles combles traités de commerces,
d’économies de l’Etat… (article 53 de la Constitution).
Une fois qu’il est rati é, la loi ne peut donc pas déroger à un traité, elle doit être conforme au traité.
Il y a donc un contrôle de conventionnalité.
La n de l’article 55 correspond à la condition de réciprocité (« sous réserve (…) de son application
par l’autre partie ») : si l’autre État signataire ne respecte pas le traité, le droit français n’est pas
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obligé de le faire non plus, donc une loi française pourrait être contraire au traité. Mais attention,
cette condition de réciprocité n’est exigée que pour les traités bilatéraux.

L’article 55 de la Constitution prévoit donc :


- la force obligatoire du traité en droit interne, càd dans notre Etat.
- avec une application immédiate : sans nécessité d’une loi de transposition

Deux questions demandent davantage d’explications

II. Effet direct du traité dans l’ordre interne ?

Le traité est obligatoire pour l’État signataire, qui ne doit donc pas édicter de loi qui violerait le
traité.
Mais les particuliers peuvent-ils invoquer le traité en justice, pour faire valoir leurs droits ? Oui ils le
peuvent.
C’est ce que l’on appelle l’effet direct du traité dans l’ordre interne.

Pour que le traité ait un effet direct, il faut notamment :

- qu’il confère des droits subjectifs aux individus.


- que l’article en question soit clair et précis.

Comment savoir si le traité a un effet direct dans notre ordre interne ? C’est le juge saisi du litige
qui devra se prononcer. Attention, le juge doit se prononcer sur l’effet direct de chaque droit
subjectif conféré aux individus, pas sur l’effet direct du traité dans son ensemble.

III. Contrôle de conventionnalité de la loi

Qui contrôle la conformité de la loi aux traités ? C’est le contrôle de conventionnalité.

Si un nouveau traité est en contradiction avec une loi déjà existante, il n’y a pas de dif culté : le
traité a été rati é par une loi, donc cette loi de rati cation abroge du même coup la loi antérieure
non conforme. Je peux me prévaloir traité postérieur pour écarter l’application d’une loi antérieure
contraire.
Mais si une loi est postérieure au traité et contraire à ce traité ?

A. Refus du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel refuse d’opérer ce contrôle de conventionnalité depuis sa décision du 15


janvier 1975 sur la loi relative à l’IVG (n°74-54 DC).

Extraits de la décision :

1. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un


pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne
seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à
son examen ;  (…)

5. Considérant qu'une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la
Constitution ; 


6. Considérant qu'ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l'article 55 de la Constitution ne
saurait s'exercer dans le cadre de l'examen prévu à l'article 61, en raison de la différence de
nature de ces deux contrôles ; 


7. Considérant que, dans ces conditions, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est
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saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux
stipulations d'un traité ou d'un accord international ; 

B. Position de la Cour de cassation

Dès 1975, la Cour de cassation prend position et estime que le juge judiciaire peut opérer le
contrôle de conventionnalité.
C’est l’arrêt de la Chambre mixte du 24 mai 1975 (n°73-13.556), appelé arrêt Jacques Vabre.
Attention, le juge ne peut pas abroger la loi contraire au traité, il peut seulement écarter son
application dans le cas précis qui lui est soumis.

C. Position du Conseil d’Etat

Le Conseil d’État a attendu 1989 pour suivre la même position que la Cour de cassation.
Dorénavant, il estime que le juge administratif est compétent pour contrôle la conventionnalité de
la loi à un traité.
C’est l’arrêt du 20 octobre 1989, Nicolo (n°108243).

IV. La Constitution et les traités

A. Primauté du traité pour le juge international

Les juridictions internationales font prévaloir le traité sur les constitutions des Etats signataires.
Cour internationale de justice, Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ou encore Cour
européenne des droits de l’homme, sont unanimes sur ce point.

B. Primauté de la Constitution pour le juge français

Il faut d’abord remarquer que la question ne peut se poser que très rarement :

- le droit constitutionnel français est très largement conforme aux valeurs véhiculées par les
conventions internationales
- l’article 54 de la Constitution prévoit que les traités ne peuvent être rati és que s’ils ne
comportent pas de disposition contraire à la Constitution  ; pour rati er un tel traité, il faudra
d’abord procéder à une révision de la Constitution. Le contrôle se fait donc en principe a priori
(avant l’entrée du traité dans notre droit).

Mais il peut arriver exceptionnellement que le contrôle a priori n’ait pas fonctionné (personne n’a
soulevé le problème). Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont ainsi eu à prendre position, à
propos d’une question très technique. Il s’agissait d’une loi constitutionnelle du 20 juillet 1998,
prévoyant la détermination du corps électoral devant se prononcer sur l’Accord de Nouméa (relatif
au statut de la Nouvelle-Calédonie). Se posait la question de la conformité de cette norme
constitutionnelle au Pacte de New York sur les droits civils et politiques et à la Convention EDH.
Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont alors décidé que «  la suprématie conférée aux
engagements internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de valeur
constitutionnelle ».

CE, 30 octobre 1998, n°200286, 200287 (arrêt Sarran).


Cass. ass. plén., 2 juin 2000, n°99-60274 (arrêt Fraisse).
Attention : la solution est différente pour le droit de l’Union européenne.

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Chapitre 13 : Le droit européen des droits de l’Homme

La saisine de la Cour EDH se fait par une « requête ».


Le Conseil de l’Europe a été créé par le traité de Londres le 5 mai 1949, pour promouvoir un
espace juridique et démocratique commun en Europe. Il compte aujourd’hui 46 membres. Il siège
à Strasbourg. Il est dirigé depuis 2019 par Marija Pejčinović Burić, qui occupe le poste de
Secrétaire générale.

I. La Convention européenne des droits de l’homme

Le Conseil de l’Europe a adopté plusieurs conventions relatives aux droits fondamentaux. On


s’intéressera à la principale : la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, rati ée en France en 1974. Elle a été
complétée ensuite par des « Protocoles ».
Exemples de droits protégés par la Convention EDH : droit à la vie, droit à la liberté et à la sûreté,
droit à un procès équitable, liberté d’expression, droit au respect de la vie privée et familiale,
interdiction de la discrimination, etc.
La Convention EDH est directement applicable, donc les particuliers peuvent l’invoquer dans un
litige :

- devant le juge interne


- devant le juge international

Mais surtout, la Convention a mis en place une juridiction chargée de son respect, la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH), qui siège également à Strasbourg. Il y a un juge par
État contractant, élu pour 6 ans (et rééligible).

II. La cour européenne des droits de l’Homme

La CEDH peut être saisie par un État, mais aussi par les particuliers, notamment contre leur
propre État. C’est ce que l’on appelle le droit de recours individuel.
Notons aussi que les juridictions internes peuvent solliciter l’avis consultatif de la CEDH sur des
questions relatives aux droits et libertés dé nis par la Convention. On parle de «  dialogue des
juges ».

A. Les conditions du recours individuel

https://www.youtube.com/watch?
v=FxfCnu2m6nw&list=PLT-6qb4oU5fhzKQdkQk6O7UPNhSuAWsB9&index=3

Article 34 Conv. EDH 

La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non
gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des
Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les
Hautes Parties contractantes s’engagent n’entraver par aucune mesure l’exercice ef cace de ce
droit.

Article 35 Conv. EDH

La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est
entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de
quatre mois partir de la date de la décision interne dé nitive. (…)

- Le recours est dirigé contre l’une des Hautes Parties contractantes, càd les Etats membres.
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- Violation des droits reconnus dans la convention et ses protocoles. Je dois toujours dire quel
droit a été violé.
- Epuisement des voies de recours internes
- Délai de 4 mois à partir de la date de la décision interne dé nitive

B. Le raisonnement juridique de la CEDH

Il s’effectue en trois temps :

- véri er que le droit interne porte bien atteinte à un droit garanti par la Convention
- véri er que cette atteinte n’est pas justi ée par un but légitime
- en cas de but légitime  : véri er l’absence de proportionnalité entre l’atteinte et ce qui est
nécessaire pour protéger ce but légitime

Un exemple : la jurisprudence de la CEDH et le discours de haine sur Internet https://vimeo.com/


641535155

C. Les suites en cas de violation de la Convention

1. Au niveau étatique

Si la CEDH constate une violation, elle ne peut cependant pas annuler la décision interne, ni
ordonner des modi cations à l’État.
Mais les États se sont engagés à se conformer aux arrêts de la Cour rendus contre eux. L’État
concerné procèdera donc souvent à une modi cation de son droit interne pour l’avenir. L’exemple
le plus connu est l’arrêt Mazurek c/ France rendu le 1er février 2000 (n°34406/97)

2. Au niveau individuel

Que devient le justiciable victime de la violation de la CEDH, puisque la Cour ne peut pas annuler
la décision interne qui viole ses droits ?

- il peut obtenir une « satisfaction équitable », sur le fondement de l’art. 41 de la Convention :


«  Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit
interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences
de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable ».

- dans certaines matières, le droit français prévoit la possibilité de réexaminer la situation, donc de
revenir sur la décision de justice initiale. C’est l’autorité de la chose jugée. C’est la « procédure de
réexamen  », prévue pour les décisions pénales (depuis 2000) et depuis 2016 pour certaines
décisions civiles : seulement en matière d’état des personnes et à condition que « par sa nature et
sa gravité, la violation constatée entraîne, pour cette personne, des conséquences dommageables
auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l’article 41 (…) ne pourrait mettre
un terme » (art. L452-1 COJ).

Pour aller plus loin


Sur la Convention EDH : https://www.echr.coe.int/Documents/Convention_Instrument_FRA.pdf
https://www.echr.coe.int/Documents/50Questions_FRA.pdf
https://www.echr.coe.int/Documents/Pub_coe_Teaching_resources_FRA.pdf

Sur la jurisprudence de la Cour EDH  : plusieurs guides thématiques, par exemple  : https://
www.echr.coe.int/Documents/Guide_LGBTI_rights_FRA.pdf
https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_8_FRA.pdf
https://www.echr.coe.int/Documents/Handbook_rights_child_FRA.PDF

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Chapitre 14 : le droit de l’Union Européenne

Déconstruire

https://european-union.europa.eu/index_fr
L’ancêtre de l’Union européenne est la Communauté Économique Européenne (CEE), instaurée
par le Traité de Rome de 1957 entre 6 pays fondateurs (France, RFA, Belgique, Luxembourg,
Pays-Bas, Italie).
La CEE s’élargira progressivement, puis deviendra l’Union européenne avec le Traité de
Maastricht de 1992.
Elle comprend aujourd’hui 27 membres (depuis le Brexit, effectif au 1er janvier 2021). Cet
élargissement a conduit à une réforme du fonctionnement des institutions européennes, opérée
par le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 (entré en vigueur le 1er décembre 2009). Cette
évolution s’est accompagnée d’un changement de vocabulaire : le droit communautaire est devenu
le droit de l’Union européenne.
Pour le détail des étapes de la construction européenne, on renverra au cours du second semestre
spécialement dédié aux Institutions européennes. On en donnera seulement un aperçu
aujourd’hui.

I. Institutions européennes

A. Institutions politiques

Nom Composi on
Commission européenne 1 représentant de chaque Etat-membre

Présidente : Ursula van der Leyen


(Allemagne) ; mandat 5 ans

Conseil européen Les chefs d’Etat de de gouvernement des Etats-membres, le Président du


Conseil européen, le Président de la Commission
Président : Charles Michel
(Belgique) ; mandat 2,5 ans
renouvelable une fois
Conseil de l’Union européenne 1 représentant de chaque Etat-membre, au niveau ministériel (donc un
représentant di érent selon les ques ons à traiter : ministre des a aires
(chaque pays exerce une présidence étrangères, du commerce, etc.)
tournante de 6 mois)

Parlement européen Membres élus dans chaque Etat-membre, au su rage universel direct, pour
un mandat de 5 ans
Présidente : Roberta Metsola
(Malte) ; mandat 2,5 ans (751 députés européens)
renouvelable une fois

B. Juridictions

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) est devenue en 2009 la Cour de
justice de l’Union européenne (CJUE).
Elle comprend également un Tribunal, créé en 1988 pour désengorger la Cour. Tous deux siègent
à Luxembourg.
Ils ont pour mission de veiller à ce que le droit de l’Union soit :
- interprété et appliqué de façon uniforme dans tous les pays membres, 27 aujourd’hui.
- respecté par les institutions de l’UE et les pays membres
Les recours peuvent être formés par un État membre, une institution de l’UE, une personne privée.

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II. Sources du droit de l’UE

Il faut bien distinguer le droit primaire (aussi appelé droit originaire) et le droit dérivé. Le droit
originaire crée le droit dérivé.

A. Droit originaire / droit primaire

Le droit primaire comporte :


- les traités constitutifs de l’Union européenne
- la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée le 7 décembre 2000 et qui a
la même valeur que les traités

B. Droit dérivé / Droit secondaire

Ce droit est dit «  dérivé  » car il est adopté par les institutions européennes en application des
traités. Le droit dérivé doit être conforme au droit primaire, la CJUE étant compétente pour opérer
le contrôle de cette hiérarchie européenne des normes.

Article 288 TFUE

Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements, des directives,
des décisions, des recommandations et des avis.

Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement
applicable dans tout État membre.
La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux
instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.
La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est
obligatoire que pour ceux-ci.
Les recommandations et les avis ne lient pas.

On se focalisera sur les trois principaux types de normes de droit dérivé, celles qui sont
obligatoires :

1. Le règlement européen

Il a une portée générale et contraignante, et est directement applicable dans les États membres.
Exemple connu : le RGPD (Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en
2018). Autre exemple : Règlement Bruxelles II ter, qui règle les questions de séparation parentale
et d’enlèvement international d’enfant (Règlement 2019/1111).

2. La directive européenne

Elle a une portée générale et contraignante mais xe seulement les objectifs à atteindre, chaque
État restant libre des moyens de la transposition de ces objectifs. La directive n’est donc pas
directement applicable en droit interne, elle nécessite une loi de transposition et elle xe un délai
pour cette transposition. Un État membre peut être condamné par la CJUE en cas de retard dans
la transposition ou de transposition non dèle.
Exemple  : directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des quali cations professionnelles
(transposée en France par l’ordonnance n°2008-507 du 30 mai 2008)

3. Les décisions européennes

Ce sont des normes individuelles, obligatoires seulement pour leurs destinataires.

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Exemple  : décision 2017/502 de la Commission du 21 octobre 2015 qui condamne la société
Starbucks à restituer des sommes à l’État néerlandais (les déductions d’impôts accordées ont été
considérées comme illégales)

III. Force normative du droit de l’UE

A. Primauté du droit de l’UE

1. Le droit de l’Union européenne et la loi interne

- CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ Enel  : «  à la différence des traités internationaux ordinaires, le
traité de la CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États
membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions ».
- La solution est également admise par le juge interne.

2. Le droit de l’union européenne et la constitution

Pour le juge européen, le raisonnement de l’arrêt Costa c/ Enel vaut également à l’égard des
règles constitutionnelles internes.
Dans l’ordre interne, il faut distinguer le droit originaire et le droit dérivé.

- droit originaire : on a vu à la leçon 12 que l’article 54 de la Constitution prévoit que les traités ne
peuvent être rati és que s’ils ne comportent pas de disposition contraire à la Constitution ; les
traités européens ont une telle importance qu’ils seront probablement toujours soumis au
contrôle a priori du Conseil constitutionnel. Il ne devrait donc pas y avoir de problème.

- droit dérivé : il n’est pas soumis à rati cation, il n’y a donc pas de possibilité de contrôle a priori.
Cependant, le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité d’une directive
(décision n°2004-496 DC du 10 juin 2004).

Article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement rati és ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou
traité, de son application par l'autre partie. »
Article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'Etats
qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité
sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils
résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

Considérants de la décision du Conseil cons tu onnel Analyse


17. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'ar cle 88-1 La transposi on est une exigence
de la Cons tu on : « La République par cipe aux Communautés cons tu onnelle.
européennes et à l'Union européenne, cons tuées d'États qui ont
choisi librement, en vertu des traités qui les ont ins tuées,
d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; qu'ainsi,
la transposi on en droit interne d'une direc ve communautaire
résulte d'une exigence cons tu onnelle ;

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18. Considérant qu'il appar ent par suite au Conseil Le Conseil cons tu onnel doit donc
cons tu onnel, saisi dans les condi ons prévues par l'ar cle 61 veiller à ce que la transposi on soit
de la Cons tu on d'une loi ayant pour objet de transposer en e ectuée, ce qui ouvre un certain
droit interne une direc ve communautaire, de veiller au respect contrôle.
de ce e exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet
e et est soumis à une double limite ; Mais ce contrôle est doublement limité,
il ne peut s’exercer que dans deux cas. Le
Conseil cons tu onnel peut déclarer
incons tu onnelle la loi de
transposi on :
19. Considérant, en premier lieu, que la transposi on d'une - si elle porte a einte à « une règle ou un
direc ve ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe principe inhérent à l’iden té
inhérent à l'iden té cons tu onnelle de la France, sauf à ce que cons tu onnelle de la France ».
le cons tuant y ait consen ;
20. Considérant, en second lieu, que, devant statuer avant la - si elle est manifestement incompa ble
promulga on de la loi dans le délai prévu par l'ar cle 61 de la avec la direc ve à transposer.
Cons tu on, le Conseil cons tu onnel ne peut saisir la Cour de
jus ce des Communautés européennes de la ques on
préjudicielle prévue par l'ar cle 234 du traité ins tuant la
Communauté européenne ; qu'il ne saurait en conséquence
déclarer non conforme à l'ar cle 88-1 de la Cons tu on qu'une
disposi on législa ve manifestement incompa ble avec la
direc ve qu'elle a pour objet de transposer ; (…)
30. Considérant, dès lors, que la loi française de transposi on Ce e incompa bilité peut résulter de la
serait contraire à l'exigence cons tu onnelle qui résulte de viola on par la loi de transposi on :
l'ar cle 88-1 de la Cons tu on si elle portait a einte aux
préroga ves que la direc ve reconnaît aux auteurs ou aux
tulaires de droits voisins en ma ère de reproduc on et de
- des disposi ons incondi onnelles et
communica on au public de leurs œuvres ou presta ons ; qu'en
précises de la direc ve
pareil cas, en e et, elle méconnaîtrait manifestement tant
l'objec f général poursuivi par la direc ve que ses disposi ons - ou de l’objec f général poursuivi par la
incondi onnelles ; direc ve

NB  : que faut-il comprendre par «  règle ou principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la
France » ?
Il s’agit d’un principe fondamental qui n’est pas protégé par le droit de l’UE, mais seulement par les
normes constitutionnelles française. Les valeurs sont souvent les mêmes, mais pas toujours. Par
exemple, ne sont pas protégés par le droit de l’UE (mais par la Constitution française) : la laïcité,
l’égalité d’accès aux emplois publics.

B. Effet direct du droit de l’UE

- le règlement européen a un effet direct


- la directive ne devrait pas avoir d’effet direct, puisqu’elle doit être transposée. Mais la CJUE
estime que, passé le délai de transposition, les dispositions claires et précises de la directive
doivent produire un effet direct. Cet effet direct a été reconnu par la Cour de cassation dans
l'arrêt de la 1ère chambre civile du 23 novembre 2004 et par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Dame
Perreux de 2009. La CJCE a précisé qu'il s'agit d'un effet direct vertical ascendant dans l’arrêt
Ratti du  5 avril 1975. C’est-à-dire que cet effet direct ne joue que dans les rapports entre un
justiciable et l’Etat qui n’a pas respecté le délai de transposition. En revanche, il n’y a pas d’effet
direct horizontal (dans les rapports entre deux justiciables) d’une directive, même si elle n’a pas
été transposée dans les délais impartis.

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Chapitre 15 : L’application de la loi dans le temps

Introduction : les données du problèmes

Lorsqu’une réforme intervient sur une question de droit, quelle loi appliquer  ? L’ancienne ou la
nouvelle ?
C’est une question que l’on désigne comme : les con its de lois dans le temps, ou encore le « droit
transitoire ».
Exemple concret  : la loi du 3 janvier 2001 prévoit l’égalité des liations et supprime notamment
l’inégalité successorale pour les enfants adultérins. Un enfant adultérin né en 1995 aura-t-il droit à
une part complète de succession, ou une demi-part  ? Si son parent décède en 2003  ? Si son
parent est décédé en 1999 ? On voit toute l’importance de cette question.

Il faut trouver une solution qui permette d’équilibrer deux objectifs potentiellement contradictoires :

- l’unité du droit, en faisant prédominer le droit le plus récent car porteur de progrès social (si le
législateur a changé la loi, c’est qu’il estime que la loi nouvelle est meilleure)

- la sécurité juridique (la possibilité pour les individus de prévoir quelles règles sont applicables à
leur situation) 
A. Eléments d’explications

Un nom à retenir sur cette question : Paul Roubier, qui a beaucoup in uencé la jurisprudence avec
son ouvrage Le droit transitoire (1929).

1. La situation et ses effets

L’analyse retenue repose sur :

- la notion de situation juridique, avec une phase de création (formation) et une phase
d’extinction ;
- et les effets de cette situation juridique (effets passés, effets à venir).

Six questions peuvent se poser  lorsqu’une loi nouvelle intervient  = quelle loi (loi ancienne / loi
nouvelle) doit-on appliquer à :

1. Conditions de formation d’une situation éteinte (au moment de l’entrée en vigueur de la


loi)
2. Effets passés d’une situation éteinte (au moment de l’entrée en vigueur de la loi)
3. Conditions de formation d’une situation en cours (au moment de l’entrée en vigueur de la
loi)
4. Effets passés d’une situation en cours (au moment de l’entrée en vigueur de la loi)
5. Effets futurs d’une situation en cours (au moment de l’entrée en vigueur de la loi)
6. Conditions de formation et effets d’une situation postérieure (à l’entrée en vigueur de la
loi)
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Ex : la société Alpha a embauché Tom le 5 décembre 2010. Il a démissionné le 4 septembre 2022.
Dans la même entreprise, Albane a été embauchée à un poste similaire en janvier 2022 et n’a pas
démissionné.
Imaginons deux lois de janvier 2023.
Situation juridique de Tom = contrat de travail, avec une date de création au 5 décembre 2010 et
une date d’extinction au 4 septembre 2022. Situation passée au moment des lois nouvelles.
Situation juridique d’Albane = contrat de travail, avec une date de création en janvier 2022. Donc
une situation juridique encore en cours au moment de l’entrée en vigueur des lois nouvelles.

* La loi A augmente le salaire minimal applicable aux salariés de la même catégorie que Tom et
Albane.
- Tom peut-il demander un complément de salaire pour tous les mois où il n’a pas reçu ce nouveau
montant minimal  ? Il s’agit de savoir si la loi nouvelle est applicable aux effets passés d’une
situation juridique éteinte (hypothèse 2).
- Albane peut-elle demander un complément de salaire pour tous les mois où elle n’a pas reçu ce
nouveau montant minimal  ? Il s’agit de savoir si la loi nouvelle est applicable aux effets passés
d’une situation toujours en cours (hypothèse 4).
- Albane peut-elle demander le complément de salaire pour les mois à partir de janvier 2023 ? Il
s’agit de savoir si la loi nouvelle est applicable aux effets futurs d’une situation toujours en cours
(hypothèse 5).

* La loi B ajoute une condition de diplôme obligatoire pour recruter des salariés sur le type de
poste qu’occupaient Tom et Albane. Or, aucun d’eux n’avait pas ce diplôme  : leur contrat est-il
annulé ? Qu’en sera-t-il des futurs salariés recrutés ?
- Pour Tom, il s’agit de savoir si la loi nouvelle est applicable aux conditions de formation d’une
situation juridique éteinte (hypothèse 1).
- Pour Albane, il s’agit de savoir si la loi nouvelle est applicable aux conditions de formation d’une
situation juridique en cours (hypothèse 3)
- Pour tous les futurs salariés recrutés par l’entreprise, il s’agira de savoir si la loi nouvelle est
applicable aux conditions de formation d’une situation juridique postérieure à la loi nouvelle
(hypothèse 6)

2. Le choix de la loi applicable


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A chaque fois que l’on applique une loi nouvelle :
- à des effets passés = hypothèses 2 et 4
- ou à une situation juridique éteinte (conditions de formation comme effets) = hypothèses 1 et 2
- ou aux conditions de formation d’une situation juridique (déjà) en cours = hypothèse 3
Cela correspond à la rétroactivité de la loi : on fait agir la loi sur le passé.
(Dans le cas contraire, bien sûr, il y a donc application de la loi ancienne).

Si l’on applique une loi nouvelle aux effets futurs d’une situation en cours = hypothèse 5
Cela correspond à l’application immédiate de la loi nouvelle.

Mais si je continue à appliquer la loi ancienne  aux effets futurs d’une situation en cours =
hypothèse 5
Cela correspond à la survie de la loi ancienne.

En n, évidemment, lorsque la situation est formée après l’entrée en vigueur de la loi (hypothèse
6), la question ne se pose pas  vraiment : on applique la loi en vigueur au moment de cette
formation de la situation, c’est-à-dire la loi « nouvelle » (qui n’est plus nouvelle, en réalité).

Autre façon de le présenter :

Loi ancienne Loi nouvelle


1- Condi ons de forma on d’une situa on Applica on loi ancienne Rétroac vité
éteinte
2- E ets passés d’une situa on éteinte Applica on loi ancienne Rétroac vité
3- Condi ons de forma on d’une situa on en Applica on loi ancienne Rétroac vité
cours
4- E ets passés d’une situa on en cours Applica on loi ancienne Rétroac vité
5- E ets futurs d’une situa on en cours Survie loi ancienne Applica on immédiate loi
nouvelle
6- Condi ons de forma on et e ets d’une - Applica on loi nouvelle
situa on postérieure

B. Eléments textuels

Examinons les textes :

➢ Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) : « Nul ne peut être
puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement
appliquée ».

➢ Article 2 du Code civil  : «  La loi ne dispose que pour l’avenir  ; elle n’a point d’effet
rétroactif ».

- la loi ne dispose que pour l’avenir + elle n’a point d’effet rétroactif : non-rétroactivité de la loi (I)
Cela correspond à l’objectif de sécurité juridique.
Mais il faut aussi lire :
- la loi (ne) dispose (que) pour l’avenir : application immédiate de la loi nouvelle (II)
Cela correspond aux objectifs d’unité du droit et de progrès social

I. Principe de non-rétroactivité de la loi

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Il signi e que la loi nouvelle ne s’applique pas :

- aux conditions de formation d’une situation juridique antérieure à la loi (plus précisément  :
antérieure à l’entrée en vigueur de la loi) = hypothèse 1
- aux effets (passés et futurs) d’une situation juridique née antérieurement à la loi (situation
éteinte ou situation encore en cours) = hypothèses 2, 4 et 5

A. En matière pénale

Hypothèse : la loi pénale change entre le moment où l’infraction est commise et celle où elle est
jugée.

1. Principe

L’article 8 DDHC prévoit l’interdiction de la rétroactivité et il a une valeur constitutionnelle ; la loi ne


peut donc pas y porter atteinte.
Le code pénal reprend cette règle en son article 112-1 :
«  Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été
commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date (…) ».

On voit que l’alinéa 1er concerne la commission de l’infraction ; l’alinéa 2 concerne les peines, les
sanctions.
Autrement dit, l’alinéa 1er concerne la constitution de la situation juridique, l’alinéa 2 concerne ses
effets.

Ex  : une loi A de janvier 2045 interdit de manger des crêpes, sous peine d’une amende de 125
euros. Une loi B de janvier 2046 augmente la peine, en prévoyant un emprisonnement d’un mois.
J’ai mangé des crêpes en décembre 2044 et en avril 2045.
- Suis-je punissable pour ma gourmandise de 2044  ? non, car la loi A ne peut pas s’appliquer
rétroactivement.
- Pour ma gourmandise de 2045, quelle est la peine encourue ? L’amende de 125 euros était déjà
prévue (loi A), mais pas celle de l’emprisonnement (loi B), au moment de la commission de
l’infraction.

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2. Exception : rétroactivité in mitius

Mais il existe un principe de faveur pour le délinquant : la rétroactivité de la loi pénale plus douce.
On parle de « rétroactivité in mitius » (mitis = doux, en latin). Si la loi est devenue plus douce entre
le moment de l’infraction et celui du jugement (ex : peine moins lourde), le juge doit appliquer la loi
nouvelle.

C’est ce qu’indique l’article 112-1 du code pénal, alinéa 3 : « Toutefois, les dispositions nouvelles
s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les
dispositions anciennes ».

Ex 1 : André a commis une infraction en 2021, le code pénal prévoyait alors une peine maximale
de 5 ans d’emprisonnement. Il est jugé en décembre 2022. Or, une loi de septembre 2022 a
abaissé la peine maximale encourue à 3 ans d’emprisonnement. Il ne pourra donc pas être
condamné à plus de 3 ans d’emprisonnement. Il béné cie de l’exception de rétroactivité in mitius.

Ex 2 : Samia a commis une infraction en 2021, le code pénal prévoyait alors une peine maximale
d’1 an d’emprisonnement. Elle est jugée en décembre 2022. Or, une loi de septembre 2022 a durci
la peine maximale encourue, pour la porter à 2 ans. Mais Samia sera jugée par rapport à la loi
applicable au moment où elle a commis l’infraction : pas de rétroactivité de la loi pénale. Donc elle
encourt une peine maximale d’1 an. Elle béné cie du principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

B. En matière civile

1. Principe : pas de rétroactivité

Article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».
Les conditions de formation d’une situation en cours sont donc toujours régies par la loi ancienne
(la loi qui était en vigueur au moment où cette situation s’est formée). Idem pour les effets passés
d’une situation (éteinte ou en cours). = hypothèses 3 et 4.
C’est le principe en matière civile, mais il peut y avoir des exceptions, donc une rétroactivité de la
loi nouvelle.

2. La possibilité de rétroactivité de la loi civile

L’article 8 DDHC concerne uniquement le droit pénal, donc on ne l’applique pas en matière civile.

L’article 2 du Code civil a une valeur législative  ; la loi peut donc en principe y porter atteinte et
prévoir que telle loi aura des effets rétroactifs. C’est le cas notamment :

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- Des lois interprétatives : la loi interprétative vient préciser le sens d’une loi antérieur ou préciser
l’interprétation jurisprudentielle de la loi ancienne.

- Des lois de validation : la loi de validation vient valider une situation pourtant non conforme à la
loi antérieure, pour des raisons d’intérêt général, il vaut mieux valider, pour notamment pour
éviter un contentieux de masse.

Contentieux de masse : beaucoup de procès sur un même sujet dans un laps de temps restreint.

Ex  : l’affaire des tableaux d’amortissement. Une loi de 1979 imposait au banquier de joindre un
tableau d’amortissement en cas de prêt immobilier  ; mais les informations contenues dans ce
tableau n’étaient pas précisément indiquées dans la loi. En 19941, la Cour de cassation décida que
les informations devaient être beaucoup plus complètes que ce qu’était la pratique habituelle des
banquiers. La sanction, pour les banques, était la déchéance des intérêts : le prêt devenait donc
gratuit. Pour éviter la perte de tous ces droits aux intérêts, une loi de 19962 a validé des prêts qui
n’avaient pourtant pas fait l’objet d’une information préalable suf sante.

- Des lois plus ordinaires qui prévoient la rétroactivité ; ex : la loi du 4 mars 2002 qui est venue
« briser » la jurisprudence Perruche (cf. le cours de droit de la responsabilité, L2 semestre 2).

3. Une possibilité encadrée

Une loi peut être déclarée inconstitutionnelle ou inconventionnelle (contraire à une convention
internationale, notamment la Convention EDH) parce qu’elle est rétroactive…

Dans l’affaire précitée des tableaux d’amortissement, la loi de 1996 a été déclarée :

- Constitutionnelle par le Conseil constitutionnel (décision n°96-375 DC du 9 avril 1996)  : le


législateur peut modi er une loi antérieure dans un but d’intérêt général, à condition de ne pas
méconnaître des principes ou droits constitutionnels. Dans cette affaire, «  le législateur a
entendu (avoir le but de) éviter un développement des contentieux d'une ampleur telle qu'il
aurait entraîné des risques considérables pour l'équilibre nancier du système bancaire dans
son ensemble et, partant (en conséquence), pour l'activité économique générale ».

- Conforme à l’article 6-1 de la Convention EDH, par la Cour de cassation (Cass., 1ère civ., 29 avril
2003, n°00-20.062) : le législateur obéissait à d’impérieux motifs d’intérêt général, à savoir éviter
que soit compromise la pérennité des activités bancaires dans le domaine du crédit immobilier.

- Mais contraire à la Convention EDH, par la Cour EDH (CEDH, 14 février 2006, n°67847/01  ;
Lecarpentier c/ France)  : atteinte injusti ée et disproportionnée au droit au respect des biens
(garanti par l’art. 1er du premier protocole additionnel). En effet, selon la Cour : « aucun élément
ne vient étayer l’argument selon lequel l’impact aurait été d’une telle importance que l’équilibre
du secteur bancaire et l’activité économique en général auraient été mis en péril » (n°47).

Conclusion : la loi rétroactive doit répondre à un impérieux motif d’intérêt général, sous peine :

- d’être censurée par le Conseil constitutionnel ou la Cour EDH


- que son application soit écartée par le juge au cours d’un litige (pour atteinte à un droit protégé
par la CEDH)

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Ex  : Cassation en assemblée plénière, le 23 juin 2004, n°03-13617 (absence d’impérieux motif
d’intérêt général à cette rétroactivité, s’agissant d’une loi interprétative qui venait corriger une
interprétation jurisprudentielle)

II. Principe de l’application immédiate de la loi nouvelle

A. Le principe

A partir du moment où une loi est entre vigueur, elle s’appliquera :

- aux situations juridiques qui sont nées postérieurement à cette mise en vigueur (hypothèse 6).
- mais aussi aux effets futurs d’une situation qui était déjà en cours au moment de cette entrée en
vigueur (hypothèse 5)

L’idée est d’assurer une unité d’application du droit, d’éviter la multiplication de régimes différents.
C’est la jurisprudence qui a consacré ce principe, car le texte de l’article 2 du Code civil ne le
formule pas de façon aussi explicite.
Cass. 3ème civ., 13 novembre 1984, n°83-14.566 : « une loi nouvelle s'applique immédiatement aux
effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en
vigueur ».

Ex : M. et Mme Martin se sont mariés en 1970, à une époque où la loi ne permettait pas le divorce
par consentement mutuel  ; il fallait prouver une faute de l’autre conjoint pour divorcer. En 1975,
une loi nouvelle a permis le divorce par consentement mutuel : si les deux conjoints sont d’accord
pour divorcer, ils peuvent le faire même sans prouver de faute de l’un ou de l’autre. Aujourd’hui, M.
et Mme Martin veulent divorcer, même s’ils n’ont rien à se reprocher. La loi de 1975 leur est-elle
applicable ? Notez bien que leur situation juridique (le mariage) s’est formée en 1970 donc avant
cette loi nouvelle de1975. On va cependant appliquer immédiatement la loi nouvelle (1975) à cette
situation juridique en cours (depuis 1970), pour les effets futurs (la possibilité de divorce).

B. Les exceptions : survie de la loi ancienne

1. En matière contractuelle

Reprenons nos deux objectifs potentiellement contradictoires, pour les appliquer au contexte
spéci que du contrat :

- l’unité du droit  : elle est moins importante en matière contractuelle, car justement le contrat
permet aux parties de choisir ensemble les règles adaptées spécialement à leur situation, à leur
projet. Vous le verrez en L2, on dit que «  le contrat est la loi des parties  ». Paul Roubier
écrivait que le contrat est « le moyen par lequel la diversité pénètre dans le monde juridique ».

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- la sécurité juridique  : elle est particulièrement importante en matière contractuelle. C’est à ça
que sert un contrat  : c’est un outil de prévision, il ne faut donc pas porter atteinte à ce qu’ont
négocié et prévu ensemble les parties.

La loi nouvelle s’appliquera donc aux contrats conclus après son entrée en vigueur, mais pas aux
contrats conclus avant et qui sont toujours en cours. En matière contractuelle, il y a donc « survie
de la loi ancienne ».

C’est la jurisprudence qui a imposé cette règle, inspirée par Roubier. Cass. 3ème civ., 3 juillet
1979, n°77-15.552  : «  il résulte des dispositions de l'article 2 du code civil que les effets des
contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle, même s'ils continuent à se réaliser
postérieurement à cette loi, demeurent régis par les dispositions de la loi sous l'empire de laquelle
ils ont été passés ». = hypothèse 5

MAIS  ! exception à l’exception, il y aura application de la loi nouvelle lorsqu’elle répond à des
«  exigences impérieuses d’ordre public  » (autre formulation  : «  disposition impérieuse d’intérêt
général »).

Notamment en matière de contrat de travail, car il faut faire en sorte que tous les salariés d’une
entreprise soient soumis aux mêmes règles, quelle que soit leur date d’embauche. Ex : éviter que
dans une même entreprise certains salariés aient un temps de travail hebdomadaire de 40h,
d’autres de 39h, d’autres encore de 35h.

2. Dispositions transitoires

La survie de la loi ancienne pour un certain temps peut être prévue par la loi nouvelle elle-même,
qui comporte des dispositions transitoires allant dans ce sens.
Un exemple que vous retrouverez l’année prochaine en L2 au 1er semestre, dans le cours de droit
des contrats. Ex : La réforme du droit des obligations contient des dispositions transitoires, dans la
loi de rati cation du 20 avril 2018, particulièrement son article 16 :

« I. - La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.



Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles
L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et nancier, dans leur rédaction résultant de la
présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en
vigueur.

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Les modi cations apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221,
1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du code civil ont un caractère interprétatif. »

- al. 1er : l’entrée en vigueur de la loi est précisée (1er octobre 2018, et non pas le lendemain de la
promulgation de la loi)

- al. 2  : les articles cités (qui sont issus de la loi nouvelle) ne sont applicables qu’aux contrats
conclus après le 1er octobre 2018. Principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle.
A contrario pour les autres articles, il n’y a pas de survie de la loi ancienne > application directe
de la loi nouvelle.

- al. 3  : ces autres articles (toujours dans leur rédaction issue de la loi nouvelle) sont quali és
d’interprétatifs, donc rétroactivement applicables ; autrement dit, applicables à tous les contrats
en cours, même conclus (formés) avant l’entrée en vigueur de la loi.

Conclusion

A. L’in uence de Roubier

La Cour de cassation a clairement suivi les propositions de Roubier :


Cass. 1ère civ., 29 avril 1960 : « Si, sans doute, une loi nouvelle s’applique aussitôt aux effets à
venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, et
cela même quand semblable situation est l’objet d’un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait,
sans avoir d’effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés
d’opérations juridiques antérieurement achevées ». 

B. Schéma récapitulatif

Conflits de lois dans le temps

droit pénal droit civil (sauf contrat) droit des contrats

Art. 8 Art. 2 C. principe = application


principe = non- principe = survie de la
immédiate loi
DDHC rétroactivité civil loi ancienne
nouvelle

exception : exception = survie loi exception =


rétroactivité in ancienne en vertu du application
mitius droit transitoire immédiate loi
nouvelle d'ordre

exception :
rétroactivité (lois
interprétatives, de
validation)

C. Exemple de réponse aux questions posées en introduction

Rappel : la société Alpha a embauché Tom le 5 décembre 2010. Il a démissionné le 4 septembre


2022. Dans la même entreprise, Albane a été embauchée à un poste similaire en janvier 2022 et
n’a pas démissionné. Imaginons deux lois de janvier 2023.
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1) La loi A augmente le salaire minimal applicable aux salariés de la même catégorie que Tom.
Peut-il demander un complément de salaire pour tous les mois où il n’a pas reçu ce nouveau
montant minimal ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux effets passés d’une situation juridique éteinte ?
Droit applicable = Article 2 du Code civil  : «  La loi ne dispose que pour l’avenir  ; elle n’a point
d’effet rétroactif  ». Le principe est la non-rétroactivité de la loi nouvelle, sauf si elle en dispose
autrement. La question des effets passés d’une situation juridique éteinte est une question
totalement antérieure à la loi nouvelle. Celle-ci ne s’y applique donc pas.
Application = La loi A date de janvier 2023, alors que Tom a démissionné en septembre 2022.
Cette loi n’est donc pas applicable à la situation passée de Tom, en particulier le montant minimal
de salaire. Il ne pourra pas invoquer cette loi nouvelle pour obtenir un complément de salaire.

2) Albane peut-elle demander un complément de salaire pour tous les mois où elle n’a pas reçu ce
nouveau montant minimal ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux effets passés d’une situation juridique toujours en
cours ?
Droit applicable = Article 2 du Code civil  : «  La loi ne dispose que pour l’avenir  ; elle n’a point
d’effet rétroactif  ». Le principe est la non-rétroactivité de la loi nouvelle, sauf si elle en dispose
autrement. La question des effets passés d’une situation juridique éteinte est une question
totalement antérieure à la loi nouvelle. Celle-ci ne s’y applique donc pas.
Application = Albane ne peut pas demander de complément de salaire pour les mois antérieurs à
l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

3) Albane peut-elle demander le complément de salaire pour les mois à partir de janvier 2023 ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux effets futurs d’une situation juridique toujours en
cours ?
Droit applicable = Article 2 du code civil, principe de l’application immédiate de la loi nouvelle. Mais
la jurisprudence décide que la loi ancienne doit survivre en matière contractuelle (Cass. 3ème civ., 3
juillet 1979). Sauf si la disposition en question de cette loi nouvelle est une disposition impérieuse
d’intérêt général. C’est notamment souvent le cas pour le contrat de travail.
Application = Selon que l’augmentation de salaire est considérée ou non comme une disposition
impérieuse d’intérêt général, la solution sera différente. Il est très probable qu’une augmentation
de salaire rentre dans cette catégorie. Albane devrait donc pouvoir demander le complément de
salaire pour les mois à partir de janvier 2023.

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4) La loi B ajoute une condition de diplôme obligatoire pour recruter des salariés sur le type de
poste qu’occupait Tom. Or, Tom n’avait pas ce diplôme : son ancien contrat est-il annulé ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux conditions de formation d’une situation juridique
passée ?
Droit applicable = Article 2 du code civil, la loi n’est pas rétroactive.
Application = Ici, il n’y a pas de doute, la situation est déjà éteinte au moment de l’entrée en
vigueur de la loi, qui ne peut donc la régir rétroactivement. L’ancien contrat de Tom ne sera donc
pas annulé.

5) Le contrat d’Albane est-il annulé en vertu de la loi B ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux conditions de formation d’une situation juridique en
cours au moment de son entrée en vigueur ?
Droit applicable = Appliquer une loi nouvelle aux conditions de formation d’une situation juridique
formée antérieurement à son entrée en vigueur, serait faire rétroagir la loi. Or, cette rétroactivité est
écartée par l’article 2 du code civil.
Application = Même si la situation d’Albane est déjà en cours, les conditions qui étaient en vigueur
au moment de sa formation ont été respectées. Le contrat ne peut donc pas être annulé
rétroactivement.

6) Les futurs salariés recrutés dans l’entreprise au même type de poste que Tom et Albane,
devront-ils avoir le diplôme requis par la loi B ?

Réponse :
PJ = La loi nouvelle est-elle applicable aux conditions de formation d’une situation juridique
postérieure à son entrée en vigueur ?
Droit applicable = Bien évidemment, sauf disposition repoussant la date d’application de la loi
nouvelle, cette dernière s’applique à toutes les situations juridiques formées postérieurement à son
entrée en vigueur. L’article 2 du code civil précise que la loi n’a d’effets que pour l’avenir  ; cela
signi e qu’elle a bien des effets pour l’avenir.
Application = Les futurs recrutements à ce type de poste devront donc respecter la condition de
diplôme posée par la loi B.

Chapitre 16 : La jurisprudence

Rappel de vocabulaire :

Les tribunaux rendent des « jugements ». Tout ceci peut être regroupé sous le terme
Les cours rendent des « arrêts ». générique de « décisions », ce qui est bien
Les conseils rendent des « avis ». pratique quand on ne se souvient plus du
Et les juges uniques, des « ordonnances ». terme exact ou pour éviter des répétitions.

La Cour de cassation : elle casse l’arrêt d’appel (elle est d’accord avec le pourvoi) ou rejette le
pourvoi (elle est d’accord avec la cour d’appel).

Instance : suite d’actes de procédure allant de la demande en justice jusqu’au jugement

Partie : personne engagée dans une instance judiciaire

Grief : critique adressée à une décision de justice

Moyen : argumentation développée par les plaideurs, éventuellement divisé en branches

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Motifs : argumentation développée par les juridictions au soutien de leurs décisions

Le mot jurisprudence vient du latin jurisprudentia : la science du droit. Cela correspond plutôt à ce
que l’on appelle la doctrine (voir leçon 17). Le sens moderne du mot jurisprudence correspond
plutôt à l’activité des juges.

- dans un sens large : l’ensemble des décisions de justice (4 millions environ par an en France
- dans un sens strict, qui nous intéresse ici : « la solution suggérée par un ensemble de décisions
suf samment concordantes rendues par les juridictions sur une question de droit » (dé nition du
Lexique des termes juridiques).

I. La jurisprudence est-elle une source du droit ?

A. L’interdiction des arrêts de règlement

Article 5 du Code civil dispose que « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
L’article 5 du Code civil interdit ce qu’on appelle les «  arrêts de règlement  »  : des décisions de
justice qui auraient une portée générale. Il interdit au juge de créer une règle de droit.

B. L’interdiction du déni de justice

Mais d’un autre côté, l’article 4 du Code civil interdit le déni de justice. Il est ainsi formulé : « Le
juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuf sance de la loi,
pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».
Or, la loi ne peut pas tout prévoir.

- elle ne peut pas énumérer tous les cas particuliers. Elle utilise donc souvent des notions
générales, appelées parfois « notions-cadres », qui nécessitent une interprétation dans chaque
cas d’espèce. La notion de bonne moeurs est une notion cadre.

- elle ne peut pas prévoir les évolutions techniques et sociales.

Il peut donc y avoir un vide législatif, mais il ne peut pas y avoir de vide juridique (sinon, on
aboutirait à un déni de justice). On voit bien que le rôle du juge ne peut pas toujours se limiter à
appliquer exactement un texte précis à des cas particuliers.

C. La jurisprudence, source informelle du droit

La jurisprudence n’est pas of ciellement une source du droit, il n’y a pas de loi qui impose au juge
de suivre les décisions prises avant lui. Dans les systèmes de Common law, les juges sont tenus
par la règle du « précédent obligatoire » ; mais pas le juge français (de droit écrit).
Mais le juge aura spontanément tendance à suivre les précédents, surtout quand ces décisions
émanent de la juridiction suprême (Cour de cassation ou Conseil d’État.

De plus, la loi prévoit la possibilité pour les juges du fond de demander son avis à la Cour de
cassation «  avant de statuer sur une demande soulevant une question de droit nouvelle,
présentant une dif culté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » (article L. 441-1 du COJ,
code de l’organisation judiciaire).

La jurisprudence est donc une source informelle du droit : on ne peut pas nier que certains arrêts
énoncent des règles générales, à partir d’une interprétation des textes. Et que ces arrêts sont
ensuite suivis par les juges dans les litiges qui portent sur la même question.

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II. L’évolution de la jurisprudence

A. L’arrêt de principe

Arrêt dans lequel la Cour de cassation (parfois une cour d’appel) énonce, à l’occasion d’un litige,
une règle générale qui pourra ensuite être appliquée à d’autres litiges portant sur la même
question. On dit que cet arrêt a une portée qui dépasse le litige individuel soumis à la Cour.
L’arrêt de principe s’oppose à l’arrêt d’espèce, qui n’aura pas de retentissement sur des affaires
ultérieures : il se limite à ce cas d’espèce, à cette espèce.

Comment reconnaître un arrêt de principe ? C’est la question de la « portée » d’un arrêt. Quelques
critères :

- la chambre qui a rendu la décision 


- la publication de la décision : la Cour de cassation décide du degré de publicité qu’elle souhaite
donner à chaque arrêt, ce qui est un bon indice de l’importance qu’elle lui attache. Un arrêt
peut :
- rester « inédit », donc non publié.
- être publié au Bulletin (un Bulletin pour les « chambres civiles », c’est-à-dire toutes les
chambres sauf la criminelle ; un Bulletin pour la Chambre criminelle)
Ex  : https://www.courdecassation.fr/publications/bulletin-des-arrets-des-chambres-civiles/
numero-6-juin-2022/accident-de-la-circulation

- être publié au BICC (bulletin d’information de la Cour de cassation, publication


bimensuelle qui a cessé en 2020) ; ou désormais dans une des six Lettres de chambre
Ex  : https://www.courdecassation.fr/publications/lettre-de-la-premiere-chambre-civile/ndeg7-
juillet-2022/page-de-garde

- être publié sur le site Internet de la Cour (systématique désormais, mais pas avant 2021)
https://www.courdecassation.fr/acces-rapide-judilibre

- être mentionné dans le Rapport annuel


Ex  : https://www.courdecassation.fr/ les/ les/Publications/Rapport%20annuel/rapport-
annuel_2021.pdf

- être assorti d’un communiqué de la Cour, qui prend la précaution d’expliquer sa solution et
d’insister ainsi sur son importance.
Ex  : https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2022/04/20/licenciement-dun-animateur-
d e - t e l e v i s i o n - l a - s u i t e - d u n e ?
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Les sigles utilisés ont récemment évolué :

Avant le 15 juin 2021 Depuis le 15 juin 2021


Publica on au Bulle n P B
Publica on au BICC B n’existe plus
Publica on au Rapport annuel R R
Mise en ligne sur le site Internet I Super u : tous les arrêts doivent désormais
être mis en ligne

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Publica on dans une des Le res de chambre - L
Communiqué de presse - C

- Le cas de cassation : la formulation de l’attendu : est-elle générale et abstraite ou reprend-elle de


nombreux éléments factuels (on dit alors que l’arrêt est « circonstancié ») ?

B. La résistance des juges du fond

Il arrive que les juridictions du fond refusent de se plier à l’interprétation retenue par la Cour de
cassation. On parle alors de résistance des juges du fond.
Cette résistance, en général, ne peut pas durer  : la décision sera très probablement cassée, au
besoin en allant jusqu’à un second pourvoi qui sera tranché par l’Assemblée plénière (cf. leçon 6).
Mais il peut arriver que la Cour de cassation, constatant une résistance tenace des juges du fond,
revienne sur sa position ; on aura alors un revirement de jurisprudence (infra, D).

C. La divergence de jurisprudence

Il arrive que des juridictions différentes rendent des solutions différentes sur la même question de
droit. C’est une divergence de jurisprudence.
Cette divergence peut exister :

- entre différentes cours d’appel


- entre différentes chambres de la Cour de cassation.

D. Le revirement de jurisprudence

La Cour de cassation peut tout à fait changer de jurisprudence, aucune loi ne l’en empêche,
puisqu’il n’y a pas de règle du précédent obligatoire. C’est ce que l’on appelle le revirement de
jurisprudence.
Le revirement de jurisprudence pose une dif culté particulière, cependant, c’est son caractère
rétroactif. Quand la loi change, on en est averti par la promulgation de la nouvelle loi, qui ne vaut
en principe que pour l’avenir (voir leçon 19).
Mais quand la jurisprudence change, c’est à l’occasion d’une affaire particulière.
Le revirement de jurisprudence est donc une source d’insécurité juridique. C’est pourquoi la Cour
de cassation se montre très prudente dans ses revirements :

- elle utilise souvent ce que l’on appelle la « technique des petits pas ». Obiter dictum.
- récemment, elle prend soin de motiver particulièrement ses revirements, en prenant exemple
notamment sur la CEDH. Voir infra, III. Professeur Molfesi.

Et même, la Cour de cassation a commencé à moduler l’application dans le temps de sa propre


jurisprudence. Dans un arrêt de 20043, elle a indiqué que la cour d’appel (qui suivait la
jurisprudence habituelle) avait tort, mais qu’elle ne cassait pas l’arrêt d’appel, car cela porterait
atteinte au droit du justiciable à un procès équitable (le fameux article 6-1 de la Convention EDH).
Depuis lors, la Cour de cassation a parfois appliqué cette modulation dans le temps des effets de
ses revirements. Ex : Cass. ass. plén., 21 décembre 2006, n°00-20.493 (1er moyen) ; Cass. com.,
21 mars 2018, n°16-28.412).
Mais pour autant, la rétroactivité reste la solution normale. La Cour de cassation rappelle
régulièrement que les justiciables ne peuvent pas se prévaloir d’un droit à une jurisprudence gée.
Ex : Cass. 1ère civ., 11 juin 2009, n°07-14.932.

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III. Réforme de la rédaction des décisions de la Cour de cassation

Récemment, la Cour de cassation a décidé de modi er sa façon de rédiger ses arrêts.


https://youtu.be/1VWo1Acaguw

A. Modernisation du style

Un style plus direct et plus moderne :

- suppression des « attendus 


- les paragraphes sont numérotés
- les différentes parties de l’arrêt sont identi ées : « faits et procédure », « examen des motifs »,
« dispositif ».

B. Motivation « enrichie » pour les décisions importantes

Revirement de jurisprudence, solution nouvelle, uni cation de la jurisprudence, mise en cause de


droits fondamentaux, etc.
La Cour détaille davantage les raisonnements tenus.
C’est une méthode qui est inspirée de la Cour européenne des droits de l’homme et, plus
généralement, des droits de common law.

Chapitre 17 : La coutume

I. Notion de coutume

A. Dé nition de la coutume

Elle nécessite la réunion de deux éléments :

- élément matériel : la pratique est relativement constante, soit dans l’ensemble de la population,
soit pour une catégorie (il y a par exemple des coutumes liées à une pratique professionnelle).
« Une fois n’est pas coutume ».

- élément psychologique : les gens pensent que cette pratique est obligatoire. C’est l’opinio juris
qui donne son caractère juridique à la coutume ; l’opinio juris est la croyance dans ce caractère
juridique, obligatoire.

Ex : pendant longtemps, les gens pensaient que la femme prenait obligatoirement le nom de son
mari après le mariage. C’était une coutume. Aujourd’hui, la loi précise que c’est une possibilité,
seulement à titre de « nom d’usage », et possible aussi bien pour la femme que pour le mari.

B. Formes de la coutumes

1. Adages ou maximes

Ce sont des petites phrases, souvent rédigées en latin, qui énoncent des règles de droit
traditionnelles, des sortes de principes généraux.

Ex : Nul n’est censé ignorer la loi ; Specialia generalibus derogant

2. Traditions

Ex : L’habitude pour les femmes mariées de porter le nom de leur mari.

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3. Usages

Ils sont limités à une profession ou un lieu.

- usages géographiques : liés à un territoire particulier

Ex  : article 671 du Code civil = «  Il n'est permis d'avoir des arbres (…) près de la limite de la
propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants,
ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de
deux mètres de la ligne séparative (…) ».

- usages professionnels

Ex  : article L 134-5, alinéa 3, du code de commerce = «  Dans le silence du contrat, l'agent
commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité
couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l'absence d'usages, l'agent commercial a
droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à
l'opération ».

II. Rôle de la coutume

A. Rôle donné par la loi : la coutume secundum legem

- La loi peut déléguer à la coutume le soin de donner des précisions qui seront ainsi variables
d’un endroit à l’autre, ou d’une profession à l’autre, par exemple (voir supra, les différentes
sortes d’usages).
- La loi peut aussi, plus rarement, s’effacer devant une coutume locale. La coutume ne règle alors
pas seulement les détails, mais tout le régime juridique. Ex : l’article 75 de la Constitution permet
à certains citoyens français de conserver un statut coutumier (Mayotte, Nouvelle-Calédonie).

« Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article
34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ».

B. Rôle au-delà de la loi : la coutume praeter legem

Dans le silence de la loi, la coutume peut venir énoncer une règle de droit et venir ainsi combler
cette lacune. C’était autrefois le cas de la coutume selon laquelle la femme portait le nom du mari
(mais aujourd’hui, la loi est venue régler la question, vous le verrez au second semestre).

La coutume prater legem est plus répandue en droit internationale, car les sujets de droit n’ont pas
la même loi. S’est ainsi développée, depuis le Moyen-âge, la lex mercatoria, ensemble assez
disparate de règles coutumières dans les rapports commerciaux internationaux.

C. La coutume contre la loi : contra legem

Il peut même arriver que la coutume résiste à la loi.

Ex : la loi interdit les mauvais traitements contre les animaux, mais le droit pénal tolère les corridas
en vertu des usages locaux.

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Chapitre 18 : Les règles individuelles

Un peu de vocabulaire

Dans un contrat (une convention), les parties stipulent : on parle des stipulations d’un contrat (alors
que la loi « dispose » ; dispositions).

La règle de droit n’est pas toujours générale et abstraite, elle peut se concrétiser individuellement,
à travers des décisions et des actes juridiques.

I. Typologie

A. Décisions

Décision = acte émanant d’une autorité légitime et s’imposant à des destinataires individualisés.
La décision est la mise en œuvre concrète d’une règle de droit.

- décision juridictionnelle
- décision de l’administration
- décision de l’employeur

B. Actes juridiques

Article 1100-1 du Code civil : « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à
produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux ».

1. Notion d’acte juridique

C’est la volonté des personnes qui crée la règle, elle ne leur est pas imposée par une autorité
supérieure.

Il y a deux catégories d’actes juridiques :

- le contrat (ou convention) : il émane de deux ou plusieurs volontés.


- l’acte juridique unilatéral : il provient d’une seule volonté.

2. Distinction avec le fait juridique

Il faut bien distinguer l’acte juridique du fait juridique. Le fait juridique est un événement qui
entraîne des effets de droit, mais des effets qui n’ont pas été voulus.
Pour distinguer acte juridique et fait juridique, il faut donc se demander si l’obligation a été voulue ?
Est-ce que j’ai voulu m’engager ?

A des conséquences Les conséquences Exemples


juridiques (= crée une ou juridiques étaient voulues
des obliga ons) / recherchées
ACTE JURIDIQUE OUI OUI
FAIT JURIDIQUE OUI NON
FAIT ORDINAIRE NON (NON)

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II. Caractère de règle juridique

La règle individuelle pourra être sanctionnée par le juge si elle n’est pas respectée, c’est donc bien
une règle juridique.

Mais attention :

* le juge ne la sanctionnera que si cette règle individuelle respecte bien les règles générales (on
peut annuler un contrat, une décision de l’administration, etc., qui ne respecte pas la loi)
La règle individuelle doit en effet respecter les règles générales. Plus précisément, il faut
distinguer les règles impératives et les règles supplétives.

* la règle individuelle ne s’impose pas à tous, elle est obligatoire seulement pour ses destinataires
(décision) ou ses auteurs (acte juridique). S’agissant des actes juridiques, ils sont aussi
obligatoires pour les héritiers.

Chapitre 19 : La doctrine

I. Notion de doctrine

Un peu de latin…
Docere = enseigner / doctor = enseignant
Deux sens :

- l’ensemble des auteurs qui écrivent sur le droit 


On trouvera des expressions telles que : « la doctrine unanime estime que », « une partie de la
doctrine soutient que », voire « une doctrine relève que ».

- un avis, une opinion sur une question de droit.

II. Utilité de la doctrine

A. De lege lata

Faire connaître et expliquer la règle de droit (loi, décisions de justice)

B. De lege ferenda

Proposer des évolutions du droit


Les réformes importantes sont le plus souvent préparées avec l’aide des universitaires. Ils sont
sollicités pour mener des groupes de travail qui rédigent des rapports ou des avant-projets de loi,
qui inspireront (plus ou moins…) les futurs projets de loi.

Plus ponctuellement, des universitaires sont auditionnés par les députés ou sénateurs en
préparation d’une réforme ou d’une nouvelle loi.

En n, la doctrine in uence la jurisprudence, par ses critiques et ses propositions.

La doctrine est-elle une source du droit ?

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Partie 3 : Applications du droit

Chapitre 20 : Les droits subjectifs

Un peu de vocabulaire :

Dette : ce que le débiteur doit au créancier (ce que je dois à autrui)

Une créance : ce que le créancier peut exiger du débiteur (ce qu’autrui me doit)

Introduction :

Dé nition simpli ée : Les droits subjectifs sont des prérogatives particulières dont peut se prévaloir
une personne déterminée.

Dé nition précise (G. Cornu, vocabulaire juridique)  : prérogative individuelle reconnue et


sanctionnée par le droit objectif qui permet à son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire quelque
chose, dans son propre intérêt ou parfois dans l’intérêt d’autrui.

On parle de droit « subjectif » dans le sens de « droit du sujet » : seules les personnes juridiques
sont titulaires de droits subjectifs.

droits subjectifs

droits droits
L2, L3… Semestre 2
patrimoniaux extrapatrimoniaux

I. Droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux

A. Notion de patrimoine

La théorie du patrimoine a été construite par deux auteurs du XIXè siècle, Aubry et Rau.

Selon cette théorie, le patrimoine est :

1. Une universalité de droit

Article 2284 du Code civil : « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son
engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».

Le patrimoine est une « universalité de droit », car on ne peut pas dissocier l’actif du passif.
Autrement dit, si j’ai une dette, mon créancier peut saisir n’importe lequel de mes biens pour
obtenir le remboursement. C’est ce que l’on appelle le « droit de gage général du créancier ».

2. Une émanation de la personnalité

Il y a un lien étroit entre la personne et le patrimoine. Il en découle 4 principes essentiels :

- seules les personnes peuvent avoir un patrimoine

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- toute personne a un patrimoine
- le patrimoine reste lié à la personne toute sa vie durant, il est donc intransmissible entre vifs (=
vivants). Lorsque la personnalité cesse, au décès de la personne, le patrimoine se transmet aux
héritiers (actif ET passif).

- toute personne n’a qu’un patrimoine : il n’est pas possible d’en isoler une partie, par exemple
pour l’affecter à une activité ou la mettre à l’abri des créanciers.

B. Distinction entre droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux

1. Les caractères des droits patrimoniaux

Les droits patrimoniaux ont une valeur économique, une valeur d’échange. Ils sont transmissibles,
saisissables, et prescriptibles.

- transmissibles = on peut les transmettre, c’est-à-dire les vendre, les donner, les léguer par
testament, etc.

- saisissables = ils peuvent être saisis pour payer les créanciers, c’est-à-dire qu’on prive leur
titulaire de ces droits

- prescriptibles = le titulaire peut perdre le droit s’il ne l’utilise pas pendant une longue période, il
peut y avoir prescription extinctive ; mais à l’inverse, un droit prescriptible est un droit que l’on
peut acquérir grâce à l’écoulement du temps, on parle alors de prescription acquisitive.

2. Les droits extrapatrimoniaux

Les droits extrapatrimoniaux ne font pas partie du patrimoine car ils ne correspondent pas à une
richesse économique : ils ne sont donc pas transmissibles, saisissables, ni prescriptibles.

- droits familiaux = ils dérivent des rapports entre époux (et dans une moindre mesure,
partenaires pacsés) et des rapports entre parents et enfants (droits d’autorité parentale,
principalement).

- droits de la personnalité = droits inhérents à la seule qualité de personne humaine, reconnus


pour la défense de la personne en tant qu’être humain. Certains sont relatifs au corps de la
personne. D’autres sont relatifs aux aspects moraux de la personnalité.

Droits
extrapatrimoniaux

Droits de la
Droits familiaux
personnalité

aspects aspects moraux


physiques de la de la
personnalité personnalité

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II. Typologie des droits patrimoniaux

Droits
patrimoniaux

Droits
Droits réels
personnels

droits réels
principaux D. de préférence

droits réels Droit de suite


accessoires

A. Droits personnels / droits réels

1. Droits personnels

Attention ! Ne pas confondre droit personnel (qui est un droit patrimonial) et droit extrapatrimonial.

Droits permettant à un créancier d’exiger d’une autre personne (le débiteur) l’exécution d’une
obligation. On les appelle aussi des droits de créance.
Il y a un lien juridique direct entre ces deux personnes, ce qu’on appelle aussi une obligation.

L’article 1100 du Code civil, alinéa 1er, précise : « Les obligations naissent d'actes juridiques, de
faits juridiques ou de l'autorité seule de la loi ».

Le droit personnel provient donc, soit :

- d’un contrat conclu par ces personnes


- d’un dommage causé à l’une des personnes par l’autre : la victime a un droit à réparation contre
le responsable

- de la loi 

Le droit personnel ne confère aucun droit de préférence sur les autres créanciers : chacun sera
payé proportionnellement si le débiteur n’a pas suf samment de ressources.

2. Droits réels

Droits qui confèrent à leur titulaire un pouvoir sur une chose. Ex : droit de propriété.
Ils donnent à leur titulaire un droit de suite et un droit de préférence.

a. Droit de préférence

Priorité pour le titulaire du droit réel : il pourra saisir le bien en question avant les autres créanciers.
Plusieurs personnes peuvent avoir un droit réel sur le même bien, ils seront alors payés par ordre
d’inscription.

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b. Droit de suite

Possibilité pour le titulaire du droit réel d’invoquer son droit quelle que soit la personne qui détient
la chose.
Il existe cependant une limite si la chose est un meuble : on ne peut pas la revendiquer si le
possesseur est de bonne foi.

B. Droits réels principaux / accessoires

1. Droits réels principaux

Il s’agit du droit de propriété et de ses démembrements (usufruit, droit d’usage, servitudes…).


Le droit de propriété confère des pouvoirs sur une chose qui appartient au titulaire du droit. Les
démembrements confèrent des pouvoirs sur la chose d’autrui. Ex : l’usufruitier a le droit d’utiliser la
chose qui est la propriété du nu-propriétaire.

Ces droits s’exercent directement sur la chose.

2. Droits réels accessoires

Ils accompagnent un droit personnel (droit de créance), en lui servant de garantie. On les appelle
aussi des sûretés réelles : si le débiteur ne respecte pas son obligation, le créancier pourra faire
saisir le bien objet du droit réel accessoire. C'est Ex : le créancier (titulaire d’une créance, donc
d’un droit personnel) qui a une hypothèque (droit réel accessoire) sera payé en priorité sur les
créanciers ordinaires (qu’on appelle créanciers chirographaires) ; c’est le droit de préférence. De
plus, si le débiteur vend la chose, l’hypothèque persiste sur la chose (droit de suite).

Chapitre 21 : sanction des droits

I. L’action

A. Dé nition

Article 30 cpc : « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de
celle-ci a n que le juge la dise bien ou mal fondée.
Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ».
L’action en justice est le pouvoir reconnu aux sujets de droit de s’adresser à la justice pour obtenir
le respect de leurs droits ou de leurs intérêts légitimes ; mais aussi de se défendre en justice.

B. Conditions

1. Intérêt à agir

Article 31 cpc : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet
d'une prétention (…) ».
Autrement dit, la situation juridique des parties doit être susceptible d'être modi ée par l'action.
On applique l’adage «  Nul ne plaide par procureur  ». Cependant, certaines personnes sont
considérées comme trop vulnérables pour pouvoir agir elles-mêmes, elles seront donc
représentées (mineurs, majeurs sous tutelle). Il en va de même des personnes morales (sociétés,
associations), qui sont représentées par leurs dirigeants.

2. Qualité à agir

Article 31 cpc (suite) : « sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules
personnes qu'elle quali e pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt
déterminé ».
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Dans certains cas, seules certaines personnes peuvent agir, alors que d’autres pourraient y avoir
un intérêt. C’est ce que l’on appelle une action attitrée.

3. Délais

On ne peut pas agir en justice tardivement, il faut le faire assez rapidement, sinon l’action en
justice s’éteint, car elle est prescrite. Le délai de prescription est variable selon les types d’affaires.
En droit commun (donc, sauf cas particulier), ce délai est de 5 ans.
Article 2224 cc : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du
jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Il existe également des délais, plus courts, pour exercer les voies de recours : appel (en principe,
un mois) ; pourvoi (en principe, deux mois).

C. Déroulement de l’instance

1. Saisine

Formalité par laquelle un plaideur porte son différend devant une juridiction a n que celle-ci
examine la recevabilité et le caractère fondé de ses prétentions.

2. Audience

Séance au cours de laquelle une juridiction prend connaissance des prétentions des parties,
instruit le procès, entend les plaidoiries et rend son jugement. Sauf exceptions, l’audience est
publique.

3. Délibération

Phase de l’instance au cours de laquelle, les pièces du dossier ayant été examinées, les
plaidoiries entendues, les magistrats se concertent avant de rendre leur décision à la majorité. Les
délibérations des juges sont secrètes.

4. Jugement

Terme général pour désigner toute décision de justice.


Le jugement doit ensuite être noti é aux parties.

D. Les voies du recours

Les voies de recours permettent de remettre en cause une décision de justice, donc d’obtenir un
nouvel examen du procès.
Il existe des voies de recours dites ordinaires et d’autres dites extraordinaires.

II. Les principes directeurs du procès

Les principes directeurs du procès sont les règles fondamentales du procès civil : rôle des parties
et du juge, garanties d’une bonne justice. Cela renvoie au droit à un procès équitable, garanti par
l’article 6 de la Convention EDH  : «  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi ». Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle de ce principe.

Ce droit au procès équitable comprend notamment les droits suivants :

- droit d’accès à un juge, c’est-à-dire le droit de faire valoir ses droits et d’obtenir une décision de
justice  ; ce droit doit être concret et effectif et ne pas être compromis par des obstacles
juridiques ou nanciers
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- droit à l’indépendance et l’impartialité du tribunal
- droit à une durée raisonnable du procès
- droits de la défense, en particulier le principe du contradictoire  : chaque partie doit pouvoir se
défendre, donc avoir eu connaissance des arguments et éléments de preuve de l’autre et avoir
eu l’occasion de les discuter.

- droit à l’exécution effective de la décision obtenue

III. Les effets de la décision de justice

A. Forme exécutoire

Les parties sont tenues d’exécuter la décision de justice. Si elles ne le font pas, la partie gagnante
peut demander une exécution forcée, en particulier par l’intermédiaire d’un huissier (désormais
appelé « commissaire de justice »).

B. Autorité de chose jugée

L'autorité de la chose jugée interdit aux parties de porter à nouveau une affaire en justice, alors
qu’elle a déjà été jugée.

Chapitre 22 : La preuve

Introduction

Prouver, c’est établir la réalité d’une af rmation.

Un adage classique l’exprime bien : c’est la même chose de ne pas avoir de preuve, que de ne
pas avoir de droit. En latin : Idem est non esse aut non probari.

La procédure pénale est inquisitoire  : le juge (d’instruction) est actif dans la recherche des
éléments de preuve. C’est à lui d’apporter la preuve de la culpabilité de l’accusé, en particulier.
Mais la procédure civile est accusatoire : le juge n’a pas à rechercher les preuves, il doit seulement
décider quelles sont les preuves admissibles et juridiquement convaincantes. L’article 9 du code
de procédure civile prévoit que : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les
faits nécessaires au succès de sa prétention ». Deux conséquences :

- la charge de la preuve
- l’importance des règles de preuve, que le juge lui-même doit respecter 

En revanche, les justiciables n’ont pas à prouver la règle de droit, car le juge connaît le droit. Selon
un adage, le juge dit au justiciable : « donne-moi les faits, je te donnerai le droit ».

Les règles de preuve (en droit non répressif) gurent :

- dans le Livre III, Titre IV bis du Code civil  : De la preuve des obligations (articles 1353 et
suivants)

- aux articles 9 à 11 et 132 à 322 du code de procédure civile

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I. Charge de la preuve

La charge de la preuve a pour enjeu ce que l’on appelle le risque de la preuve  : qui risque de
perdre le procès si le doute subsiste  ? Comme l’a dit la Cour de cassation4, «  l’incertitude et le
doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent nécessairement être retenus au
détriment de celui qui avait la charge de la preuve »…

A. Le principe

Article 1353 du Code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justi er le paiement ou le fait qui a produit
l'extinction de son obligation ».

La charge de la preuve pèse donc sur celui qui émet une prétention, qui réclame quelque chose.
On dit que la charge de la preuve pèse sur le demandeur à l’allégation (qui n’est pas forcément le
demandeur à l’action).

B. Le renversement de la charge de la preuve par les présomptions

Article 1354 du Code civil : « La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits
en les tenant pour certains dispense celui au pro t duquel elle existe d'en rapporter la preuve.
Elle est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout
moyen de preuve ; elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être
renversée ou l'objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu'elle ne peut
être renversée ».

1. Notion de présomption

La présomption dispense le justiciable d’apporter la preuve qui pèserait normalement sur lui, parce
que ce serait très dif cile, voire impossible. C’est donc à son adversaire de prouver le contraire.
On dit que la présomption permet de renverser la charge de la preuve. Il y a en réalité deux degrés
de présomption :

- soit le justiciable est dispensé de prouver l’élément allégué, mais doit pour cela en prouver un
autre, plus facile  ; cet élément facile à prouver rend statistiquement probable l’élément allégué,
dif cile à prouver. Cela correspond à la dé nition traditionnelle de la présomption : la présomption
est une conséquence que la loi tire d’un fait connu à un fait inconnu.
Ex : la présomption de paternité du mari (pater is est), prévue par l’article 312 du Code civil.

- soit (plus rarement) le justiciable est totalement dispensé de la preuve


Ex : la bonne foi est toujours présumée (c’est un adage) 

2. Typologie des présomptions

L’alinéa 2 de l’article 1354 présente les trois types de présomption ; on va voir que leur in uence
sur la charge de la preuve est différente.

a. Présomption simple

On peut apporter la preuve contraire, c’est-à-dire renverser la présomption, par tout moyen.
Ex  : l’art. 311 du Code civil  : «  La loi présume que l'enfant a été conçu pendant la période qui
s'étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de la
naissance.

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La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce
qui est demandé dans l'intérêt de l'enfant.
La preuve contraire est recevable pour combattre ces présomptions ».

b. Présomption mixte

On peut apporter la preuve contraire, donc renverser la présomption, mais seulement par certains
moyens.
Ex : la présomption de responsabilité du fait des choses qui pèse sur le gardien de la chose qui a
causé un dommage, ne peut être renversée que par la preuve d’un cas de force majeure ou d’une
faute de la victime.

c. Présomption irréfragable

On ne peut pas apporter de preuve contraire.


Les présomptions irréfragables sont rares, mais on peut citer par exemple la règle selon laquelle si
le contrat de travail n’est pas passé par écrit, il est irréfragablement présumé à durée
indéterminée.

II. Modes de preuve

A. Preuves parfaites et imparfaites

Ces différentes preuves ont des «  forces probantes  » variables  : elles sont plus ou moins
convaincantes, d’un point de vue légal. C’est-à-dire que cette force probante s’impose au juge.

1. Preuves parfaites

a. L’écrit

- Article 1363 : « Nul ne peut se constituer de titre à soi-même. »


- Article 1364 : «  La preuve d'un acte juridique peut être préconstituée par un écrit en la forme
authentique ou sous signature privée ».

- Article 1365 : «  L'écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous
autres signes ou symboles dotés d'une signi cation intelligible, quel que soit leur support ».

- Article 1366  : « L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous
réserve que puisse être dûment identi ée la personne dont il émane et qu'il soit établi et
conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

- Article 1367 : « La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identi e son auteur.
Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est
apposée par un of cier public, elle confère l'authenticité à l’acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé able d'identi cation
garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La abilité de ce procédé est présumée,
jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire
assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions xées par décret en Conseil d’Etat. ».

- Article 1368 : « A défaut de dispositions ou de conventions contraires, le juge règle les con its
de preuve par écrit en déterminant par tout moyen le titre le plus vraisemblable. »

- Article 1369 : « L'acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un
of cier public ayant compétence et qualité pour instrumenter.

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Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions xées
par décret en Conseil d'État.
Lorsqu'il est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

- Article 1370 : « L'acte qui n'est pas authentique du fait de l'incompétence ou de l'incapacité de
l'of cier, ou par un défaut de forme, vaut comme écrit sous signature privée, s'il a été signé des
parties. »

- Article 1371 : « L'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'of cier public dit
avoir personnellement accompli ou constaté.
En cas d'inscription de faux, le juge peut suspendre l'exécution de l’acte. »

- Article 1372 : «  L'acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l'oppose ou
légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l'ont souscrit et à l'égard de
leurs héritiers et ayants cause. »

- Article 1373 : « La partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les
héritiers ou ayants cause d'une partie peuvent pareillement désavouer l'écriture ou la signature
de leur auteur, ou déclarer qu'ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à véri cation
d’écriture. »

- Article 1374 : « L'acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties
ou par l'avocat de toutes les parties fait foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur
égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause.
La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable.
Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

- Article 1375 : «  L'acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait
preuve que s'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, à
moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l'unique exemplaire dressé.
Chaque original doit mentionner le nombre des originaux qui en ont été faits.Celui qui a exécuté le
contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité d'originaux ou de la mention
de leur nombre.L'exigence d'une pluralité d'originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous
forme électronique lorsque l'acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et
que le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire sur support durable ou d'y
avoir accès. »
- Article 1376 : «  L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une
autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il
comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-
même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte
sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres. »

- Article 1377 : « L'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des tiers que du
jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa substance est
constatée dans un acte authentique. »

- Article 1378 : « Les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont,
contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui
s'en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n'en retenir que celles qui lui sont
favorables. »

Article 1378-1 : « Les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au pro t de celui
qui les a écrits.
Ils font preuve contre lui :
1° Dans tous les cas où ils énoncent formellement un paiement reçu ;
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2° Lorsqu'ils contiennent la mention expresse que l'écrit a été fait pour suppléer le défaut du titre
en faveur de qui ils énoncent une obligation. »

Article 1378-2 : « La mention d'un paiement ou d'une autre cause de libération portée par le
créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de
libération du débiteur.
Il en est de même de la mention portée sur le double d'un titre ou d'une quittance, pourvu que ce
double soit entre les mains du débiteur. »

- Article 1379 : « La copie able a la même force probante que l'original. La abilité est laissée à
l'appréciation du juge. Néanmoins est réputée able la copie exécutoire ou authentique d'un écrit
authentique.
Est présumée able jusqu'à preuve du contraire toute copie résultant d'une reproduction à
l'identique de la forme et du contenu de l'acte, et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un
procédé conforme à des conditions xées par décret en Conseil d'État.
Si l'original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »

- Article 1380 : «  L'acte récognitif ne dispense pas de la présentation du titre original sauf si sa
teneur y est spécialement relatée.
Ce qu'il contient de plus ou de différent par rapport au titre original n'a pas d’effet. »

a1. Notion d’écrit

- Article 1364 du Code civil : « La preuve d'un acte juridique peut être préconstituée par un écrit
en la forme authentique ou sous signature privée ».

L’écrit permet de préconstituer la preuve, c’est-à-dire de la créer à l’avance, en prévision d’un


éventuel futur besoin (parce que d’un éventuel futur litige).

- Article 1365 du Code civil : « L'écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres
ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signi cation intelligible, quel que soit leur
support ».

- Article 1366 du Code civil  : «  L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identi ée la personne dont il émane et qu'il
soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».

Cet écrit peut être sur papier mais aussi numérique, c’est ce que l’on appelle un acte électronique.
Il faut pour cela qu’il soit établi et conservé de façon sécurisée, pour garantir son authenticité.
Attention, tout papier rédigé n’est pas une preuve parfaite, un «  écrit  » au sens strict, il y a des
conditions à remplir :

a2. Acte authentique

Article 1369 du Code civil  : «  L'acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités
requises, par un of cier public (notaire) ayant compétence et qualité pour instrumenter (rédiger et
conserver) (…) ».
Sont des actes authentiques  : les décisions de justice, les actes reçus par les commissaires de
justice (anciens huissiers ou commissaires-priseurs), les actes établis par des agents publics
(of cier d’état civil) et, surtout, par le notaire.

Certains actes doivent obligatoirement être passés par acte authentique (ex : donation).
L’acte authentique a une très grande force probante. L’article 1370 du Code civil dispose qu’il « fait
foi (con ance) jusqu’à inscription de faux  ». C’est-à-dire que le juge doit tenir pour vrai ce que
l’of cier public a constaté dans l’acte, en sa présence. Il en va de même de la date de l’acte. Pour

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contester la réalité de ces éléments, il faudra intenter une action très particulière, l’inscription de
faux, très rare car son auteur risque une amende en cas de contestation infondée.

a3. Acte sous signature privée (SSP)/ Acte sous seing privé

Article 1367 du Code civil : « La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identi e
son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle
est apposée par un of cier public, elle confère l'authenticité à l'acte (…) ».

L’acte SSP n’a de valeur que s’il comporte la signature de la personne à laquelle on l’oppose.
Cette signature permet d’identi er l’auteur (ou les auteurs) de l’acte, et de constater leur
consentement. Il est possible de désavouer son écriture ou sa signature, si l’on conteste avoir
participé à cet acte ; c’est la procédure de véri cation des écritures sous seing privé (art. 1373 du
Code civil). Sauf si l’acte a été contresigné par un avocat (article 1374 du Code civil), auquel cas il
faudra en passer par la même procédure que pour l’acte authentique (inscription de faux). Mais
attention, la contresignature par l’avocat permet seulement d’authenti er la signature des parties,
pas le contenu ou la date de l’acte.

Il faut maintenant opérer une nouvelle distinction :

- si l’acte contient une convention synallagmatique (il fait naître des obligations à la charge des
deux parties), il doit être établi en autant d’originaux que de parties. Voir l’article 1375 du Code
civil5.

- si l’acte contient un engagement unilatéral (une seule partie est tenue d’obligation), il doit
comporter la mention de la somme en toutes lettres et en chiffres, par le du débiteur. Voir
l’article 1376 du Code civil6.

Quelle est la valeur probante de l’acte SSP ?

- Article 1368 du Code civil : « A défaut de dispositions ou de conventions contraires, le juge règle
les con its de preuve par écrit en déterminant par tout moyen le titre le plus vraisemblable ».
L’acte SSP fait foi jusqu’à preuve du contraire. Cette preuve contraire ne peut être apportée que
par un mode de preuve au moins équivalent. C’est alors le juge qui décidera de la preuve la plus
convaincante.

- Article 1377 du Code civil : « L'acte sous signature privée n'acquiert date certaine à l'égard des
tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d'un signataire, ou du jour où sa
substance est constatée dans un acte authentique ».
La date de l’acte ne peut pas être opposée à un tiers  ; il n’aura date certaine qu’à partir de
circonstances particulières énoncées dans l’article 1377 cc : enregistrement de l’acte, décès d’un
signataire, reprise du contenu dans un acte authentique.

b. L’aveu judiciaire

Article 1383 : « L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de
nature à produire contre elle des conséquences juridiques ».
Il est judiciaire s’il est fait en justice (article 1383-2 du Code civil).

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c. Le serment décisoire

La force probante de ces preuves imparfaites est laissée à la libre appréciation du juge (qui est
donc souveraine). La preuve imparfaite n’oblige pas le juge alors que la prive parfaite lie le juge.
On le voit notamment à l’article 1381, s’agissant des témoignages.

- documents écrits qui ne répondent pas aux conditions strictes de l’écrit « parfait » ; par exemple,
un écrit établi unilatéralement par celui qui l’invoque.

- témoignages (article 1381 du Code civil) = « déclarations faites par un tiers »


- présomptions judiciaires (article 1382 du code civil) = il s’agit d’indices graves, précis et
concordants

- aveu extra-judiciaire = aveu fait hors du tribunal


- serment déféré d’of ce (autrefois appelé serment supplétoire) : serment demandé par le juge à
l’une des parties ; il ne lie pas le juge, à la différence du serment décisoire. Voir l’article 1386 du
Code civil.

- autres types de preuve, par exemple des preuves scienti ques

B. Admissibilité des modes de preuves

Admissibilité des modes de preuve

principe : liberté de
la preuve

exception : preuve acte juridique


parfaite

Exception à l'exception : retour


au principe de la liberté

imposs. commenct c/
usage force majeure
procurer écrit preuve par commerçant

1. Principe de la liberté de la preuve

L’article 1358 du Code civil pose ce principe  : «  Hors les cas où la loi en dispose autrement, la
preuve peut être apportée par tout moyen ».
C’est-à-dire qu’en principe, la preuve est libre  : je peux utiliser des modes de preuve parfaits ou
imparfaits. On dit aussi qu’on peut prouver par tout moyen.
C’est le juge qui arbitrera entre les différents éléments de preuve fournis, pour déterminer dans
quel sens vont les plus convaincants. Cette appréciation des juges du fond est souveraine, c’est-à-
dire que la Cour de cassation ne pourra pas prendre de décision inverse. Elle ne pourra casser la
décision des juges du fond que s’ils ont insuf samment motivé leur décision (manque de base
légale) ou manifestement trahi le sens d’un élément de preuve (dénaturation).
On dit ainsi que la preuve imparfaite ne lie pas le juge.

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2. Exception : l’acte juridique

a. Nécessité d’un écrit

L’article 1359 du Code civil pose immédiatement une exception : « L'acte juridique portant sur une
somme ou une valeur excédant un montant xé par décret doit être prouvé par écrit sous signature
privée ou authentique ».
Cette valeur est xée par décret à 1500 euros.
Donc pour prouver tout acte juridique d’une valeur supérieure à 1500 euros, il faut un écrit
répondant aux conditions évoquées en A-1.

b. Modes de preuve équivalents à l’écrit

Article 1361 du Code civil : « Il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire
(…) ».
Aveu judiciaire et serment décisoire : cf. A, 1.

c. Exceptions à la nécessité d’un écrit

De plus, il existe des exceptions à l’exception, qui nous font retourner au principe de la liberté de la
preuve… (attention, il faudra quand même une preuve !)

c1. Impossibilité de se procurer un écrit, usage, force majeure

Article 1360 du Code civil : « Les règles prévues à l'article précédent reçoivent exception en cas
d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un
écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure ».

- impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit


- s’il est d’usage de ne pas établir un écrit : certains usages professionnels
- lorsque l’écrit a été perdu par force majeure : mais il faut alors prouver cette force majeure

c2. Commencement de preuve par écrit

Article 1361 du Code civil : « Il peut être suppléé (remplacé) à l'écrit par (…) un commencement de
preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve ».
On voit ici que le commencement de preuve par écrit n’est pas équivalent à l’écrit, à la différence
de l’aveu judiciaire ou du serment décisoire, puisqu’il ne se suf t pas à lui-même  : il doit être
corroboré (complété) par une autre preuve, qui peut être imparfaite.

L’article 1362 du Code civil détaille les différents commencements de preuve par écrit.

- «  tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend
vraisemblable ce qui est allégué » (al. 1er) :

- « la mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public » (al. 3) :
- le juge peut aussi considérer comme équivalant à un commencement de preuve par écrit « les
déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou
son absence à la comparution » (al. 2) 

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c3. A l’égard des commerçants

Article L. 110-3 du code de commerce : la preuve est libre « à l’égard des commerçants », c’est-à-
dire pour l’adversaire d’un commerçant.

- litige entre deux commerçants : preuve libre de chaque côté


- litige entre un commerçant et un non-commerçant  : preuve libre pour le non-commerçant, pas
pour le commerçant (s’il doit prouver un acte juridique d’une valeur supérieure à 1500 euros).

III. Règles entourant la preuve

A. La loyauté de la preuve

Le principe de loyauté de la preuve n’est pas prévu par les textes, mais a été consacré par la
jurisprudence.

Cass. ass. plén., 7 janvier 2011, n°09-14.316 et 09-14.667  : «  l'enregistrement d'une


communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé
déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».
La Cour de cassation vise l’article 9 du code de procédure civile (« il incombe à chaque partie de
prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »), l’article 6§1 de
la Convention EDH (droit au procès équitable) et « le principe de loyauté dans l’administration de
la preuve ». Principe qu’elle « découvre » elle-même, à l’occasion de ce pourvoi.
Dès lors, la preuve obtenue de façon déloyale, notamment en portant atteinte au droit au respect
de la vie privée, sera irrecevable.

B. Le droit à la preuve

La Cour de cassation a apporté une limite à l’irrecevabilité de la preuve obtenue de façon


déloyale : elle sera recevable si elle est :

- indispensable (je n’avais pas d’autres moyens de le prouver) à l’exercice du droit à la preuve (il
y a donc un droit à la preuve)

- et proportionnée aux intérêts en présence  ; il faut mettre en balance l’importance de la


déloyauté, spécialement de l’atteinte à la vie privée, et l’importance de cet élément de preuve,
donc de la prétention. Ainsi, on n’acceptera pas une violation agrante du droit au respect de la
vie privée, motivée par l’obtention d’une somme dérisoire.

Cass. 1ère civ., 5 avril 2012, n°11-14.177 

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Partie 4 : introduction au droit des personnes

Chapitre 23 :

I. La distinction des personnes et des choses

C’est la summa divisio en droit : la distinction fondamentale.


Les personnes sont des sujets de droit (elles ont des droits) ; les choses sont des objets de droit
(les personnes ont des droits sur les choses, par exemple le droit de propriété). Les personnes ont
un patrimoine, les choses peuvent être dans un patrimoine (ce sont alors des biens).

A. Dé nitions

1. Notions de personne juridique

La personnalité juridique est dé nie comme l’aptitude à être de sujet de droit.

Précisions :

- Tous les êtres humains ne sont pas (toujours) des personnes juridiques.
- Toutes les personnes juridiques ne sont pas des humains.

2. Notions résiduelle de chose

Tout ce qui n’est pas une personne, est une chose, pour le droit. Ex : un arbre, un déchet, un livre,
un immeuble, une voiture, une entreprise, une marque, un compte en banque, etc. Mais aussi, ce
qui peut nous sembler choquant à entendre : un fœtus, un cadavre, un organe humain, un chien,
etc.
Parce que la notion de chose est résiduelle, elle est forcément très hétérogène. Il y a donc des
régimes juridiques très différents selon les choses.
Certaines choses peuvent faire l’objet d’un droit réel, par exemple le droit de propriété. On les
appelle alors des biens.

B. Questions autour de la délimitation des personnes et des choses

1. Mouvement de réi cation de la personne (à travers son corps)

La réi cation est le fait de traiter comme une chose, voire de transformer en chose.

La question se pose :

- pour les éléments (ex : organe) et les produits (ex : sang, sperme, ovocytes…) du corps humain.
- dans l’hypothèse de la gestation pour autrui (mère porteuse)

Des lois spéci ques sont prévues, les lois de bioéthique, pour ces questions particulièrement
sensibles.

2. Revendications autour de la personni cation de certaines choses

En particulier, les animaux


Notons qu’il est arrivé, dans l’Histoire, que les animaux soient jugés comme des personnes (alors
même qu’on ne leur reconnaissait pas les mêmes droits).
Par la suite, les animaux ont été considérés comme des choses (par opposition aux personnes).
Le mouvement de protection des animaux conduit certaines personnes à réclamer pour eux un
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statut de personne. En droit français, l’article 515-14 du Code civil dispose, depuis la loi du 16
février 2015 : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui
les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». L’animal reste donc un bien (une
chose), mais avec des lois de protection particulières (notamment, en matière pénale, la sanction
des «  sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux  »  ; mais aussi les atteintes
volontaires ou involontaires à la vie d’un animal. Voir article 521-1 et suivants du code pénal).

II. Personne morale

Groupement de personnes ou de biens ayant la personnalité juridique et étant, par conséquent,


titulaire de droits et d’obligations.

La personne morale a son propre patrimoine, elle peut conclure des actes juridiques, agir en
justice, engager sa responsabilité…

La personne morale permet :

- d’organiser la poursuite d’un intérêt collectif.


- d’affecter un ensemble de biens à un objectif

A. Diversité des personnes morales

Etat

collectivités
de droit public
territoriales

établissements
publics

personnes à but lucratif sociétés


morales

groupements
associations
de personnes

à but non
syndicats
de droit privé lucratif

fondations GIE
groupements
de biens
sociétés
unipersonnelles

Quelques dé nitions :

Société : article 1832 du code civil : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue
de partager le béné ce ou de pro ter de l'économie qui pourra en résulter (…)  ». Donc un
groupement de personnes qui mettent en commun des biens ou leur activité dans le but de
partager les béné ces.
La société est en principe pluripersonnelle (plusieurs personnes s’associent ensemble). Mais à la
n du XXè siècle, le législateur a créé des sociétés unipersonnelles, qui ne sont donc pas des
groupements de personnes  : une seule personne affecte une partie de ses biens à une activité,
c’est pourquoi c’est un groupement de biens et non de personnes.

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Association : groupement de personnes mettant en commun leurs connaissances ou leur activité
dans un but autre que de partager des béné ces. L’association peut donc faire des béné ces,
mais ces béné ces ne seront pas partagés entre les membres (qu’on appelle les « sociétaires »).
Ils seront affectés à une cause défendue par l’association.

Syndicat : groupement de personnes exerçant la même profession ou des professions similaires,


en vue de défendre leurs intérêts professionnels. Cf. L3.

GIE (groupement d’intérêt économique) : groupement dont le but est de favoriser l’activité de ses
membres.

Fondation : affectation de biens à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général (ex : Fondation Abbé
Pierre)

B. Eléments d’identi cation

Ces éléments sont déterminés dans l’acte fondateur de la personne morale  : les statuts. Ces
statuts sont déposés au moment de l’immatriculation (au greffe du tribunal de commerce pour une
société ou un GIE) ou de la déclaration (à la préfecture pour une association). Dès ce moment, la
personnalité juridique est accordée au groupement.

1. Dénomination sociale du nom

Dénomination sociale pour une société, nom pour les autres groupements.

2. Siège social

Le siège social de la personne morale correspond à son principal établissement, c’est-à-dire le lieu


où est située la direction.
Tempérament  : jurisprudence «  des gares principales  »  : si un établissement important est situé
ailleurs que la direction, c’est le lieu de cet établissement qui sera pris en compte pour tout litige le
concernant

3. Nationalité

La nationalité de la personne morale permet de déterminer quelles règles seront applicables


(françaises ou étrangères). En principe : en fonction du siège social. Mais le juge peut prendre en
compte l’origine des capitaux et la nationalité des dirigeants.

C. Capacité de la personne morale

En tant que personne juridique, donc sujet de droit, la personne morale a des droits et obligations,
qu’elle exerce par l’intermédiaire de son représentant légal.

1. Représentation

La personne morale est représentée par ses dirigeants, qui sont divers en fonction de la forme
juridique choisie pour créer cette personne morale (association, société anonyme, société civile…).
La loi prévoit les modalités de désignation de ces représentants, qui ont un mandat : pouvoir d’agir
au nom et pour le compte de la personne morale.
C’est le représentant qui conclut les contrats ou encore qui agit en justice au nom de la personne
morale.

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2. Principe de spécialité

L’activité de la personne morale ne pas peut dépasser l’objet qui lui a été assigné (dans les
statuts). Le principe de spécialité vient donc encadrer l’action des représentants de la personne
morale.
Article 1145 du Code civil, alinéa 2 : « La capacité des personnes morales est limitée par les règles
applicables à chacune d'entre elles ».

Chapitre 24 : apparition et disparition de la personnalité juridique

Introduction : l’Etat civil

Voir les articles 34 à 101-2 du Code civil.


L’expression « état civil » recouvre deux choses liées entre elles :

- la situation de la personne en droit privé, avec les éléments relatifs à son existence et sa
situation familiale

- le service public chargé d’établir et de conserver les actes de l’état civil  : actes de naissance,
actes de mariage, actes de décès. Ce sont les of ciers de l’état civil qui dressent (établissent)
ces actes, dans les mairies. Les registres de l’état civil sont conservés dans les mairies.

Les actes de l’état civil peuvent ensuite être modi és ou complétés, par une mention en marge de
l’acte initial (« mention marginale »).
L’existence de la personne commence à la naissance et se termine à sa mort.

I. L’apparition de la personnalité juridique

La personnalité juridique s’acquiert par la naissance, plus exactement dès que l’enfant nait vivant
et viable.

A. La naissance

1. Acte de naissance

L’article 55 du Code civil prévoit que la naissance doit être déclarée dans les 5 jours de
l’accouchement. Cette déclaration est faite par le père ou, à défaut, par toute personne ayant
assisté à l’accouchement (art. 56 cc). L’art. 57 cc dresse la liste des indications de l’acte de
naissance (nom, prénoms, sexe, heure et lieu de naissance, etc.).
L’article 79-1 du Code civil dispose que : « Lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait
été déclarée à l'état civil, l'of cier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur
production d'un certi cat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours
et heures de sa naissance et de son décès ».

On voit, a contrario, que si l’enfant n’est pas né «  vivant et viable  », on n’établit pas d’acte de
naissance. Autrement dit, pour qu’un acte de naissance puisse être établi, il faut que deux
conditions soient remplies (conditions cumulatives) :

- l’enfant est né vivant


- l’enfant est né viable 

Même si l’enfant n’a vécu que quelques minutes, s’il est né vivant et viable, on dressera un acte de
naissance (et un acte de décès).

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2. Acte d’enfant sans vie

Si l’enfant ne nait pas vivant, ou pas viable, l’article 79-1, alinéa 2, du Code civil, prévoit que
l’of cier de l’état civil établit un « acte d’enfant sans vie », qui gure dans les registres de décès.
Cet acte comporte le moment et le lieu de l’accouchement, les éléments d’identi cation des
parents. Mais les parents peuvent également demander à y faire gurer :

- un ou des prénoms pour l’enfant


- et même, depuis la loi du 6 décembre 2021, le nom de famille de l’enfant

L’enfant sans vie n’a cependant jamais accès à la personnalité juridique  ; il n’y a pas de lien de
liation établi avec les parents.
Ces derniers pourront seulement :

- le faire inscrire sur leur livret de famille


- béné cier de certains droits sociaux
- réclamer le corps de l’enfant pour organiser des obsèques

Dernière précision  : cet acte d’enfant sans vie ne peut pas être établi pour les accouchements
intervenus avant la 15è semaine d’aménorrhée (13 semaines de grossesse) car il n’y a pas de
certi cat d’accouchement avant cette date.

B. Le statut de l’embryon ou foetus

Bien que vivants, l’embryon puis le fœtus ne sont pas des personnes.
NB : en droit, il n’y a pas de différence entre embryon et fœtus.

1. Absence de personnalité juridique

Notamment, si quelqu’un blesse une femme enceinte et que son enfant meurt in utero, il n’y a
donc pas homicide.

Cass. ass. plén., 29 juin 2001, n°99-85.973 


Cour EDH, affaire Vo c. France (8 juillet 2004, n°53924/00) 

2. Protection de l’embryon ou foetus

L’embryon ou le fœtus ne sont pas des personnes, mais ce ne sont pas des choses ordinaires, et
ils font donc l’objet d’une protection particulière, notamment par le biais des lois de bioéthique.

- la loi sur l’IVG protège le fœtus au-delà d’une certaine durée de grossesse
- les lois de bioéthique réglementent strictement les manipulations sur les embryons

C. L’adage infans conceptus

Formulation intégrale : « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur » =
l’enfant conçu doit être considéré comme né chaque fois qu’il s’agit de son intérêt.

L’hypothèse est celle d’un enfant simplement conçu, donc pas encore né. Pendant la grossesse,
on se pose la question de savoir s’il a la personnalité juridique, parce que cela aurait des
conséquences juridiques. Exemple  : une femme est enceinte et son mari décède pendant la
grossesse. Faut-il réserver une part d’héritage à ce fœtus, ou le laisser de côté  ? Cet adage
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permet de répondre que l’on va, par l’utilisation d’une ction, faire comme si l’enfant était déjà né et
avait la personnalité juridique, donc un droit à hériter de son père. Mais attention : si, nalement,
l’enfant ne naît pas vivant et viable, on considèrera qu’il n’a jamais eu la personnalité juridique et
n’a donc jamais hérité.

Cet adage a été repris dans le Code civil, aux articles 725 (pour les successions) et 906 (pour les
donations). Mais il peut également être mis en avant par la jurisprudence, comme dans l’arrêt
suivant :

Cass. 2ème civ., 14 décembre 2017, n°16-26.687 

II. Disparition de la personnalité juridique

La personnalité juridique s’éteint avec la mort. Il faut préciser, la mort physique.


En effet, jusqu’en 1868, a existé la « mort civile » : les condamnés à une très lourde peine étaient
également sanctionnés par cette mort ctive, qui leur enlevait la personnalité juridique.

A. La mort certaine

Depuis une circulaire du 3 avril 1978, la mort juridique correspond à la mort cérébrale (absence
d’activité du cerveau).
Elle doit être constatée of ciellement (par certi cat médical), pour que soit ensuite dressé un acte
de l’état civil, l’acte de décès.

Les effets du décès, donc la disparition de la personnalité juridique, sont :

- la dissolution du mariage ou du PACS


- la dévolution du patrimoine aux héritiers

B. La mort supposée

Le Code civil organise deux régimes juridiques pour les personnes dont on suppose qu’elles sont
décédées, sans en avoir cependant la certitude.

1. L’absence

Hypothèse : une personne ne donne plus signe de vie. Le Code civil prévoit ici un mécanisme en
deux temps.

a. Présomption d’absence

Article 112 du Code civil : « Lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de
sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des
parties intéressées ou du ministère public, constater qu'il y a présomption d'absence ».

Le juge compétent est donc le juge des tutelles.

b. Déclaration d’absence

Article 122 et suivants du Code civil.

Cette déclaration d’absence peut être demandée dans deux hypothèses :

- 10 ans après le constat judiciaire de présomption d’absence

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- 20 ans après que la personne a cessé de donner de ses nouvelles (si l’on n’avait pas demandé
de présomption d’absence).

Le juge compétent est ici le tribunal judiciaire.

La déclaration d’absence fait présumer que la personne est décédée. Elle est d’ailleurs transcrite
sur les registres des décès.
Elle a donc les mêmes effets qu’un décès (article 128 du Code civil).
Si l’absent réapparaît, il pourra demander l’annulation du jugement de déclaration d’absence. Il
retrouvera ses biens mais son mariage restera dissous (article 129 et suivants du Code civil).

2. La disparition

Article 88 du Code civil  : «  Peut être judiciairement déclaré, à la requête du procureur de la


République ou des parties intéressées, le décès de tout Français disparu en France ou hors de
France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n'a pu être
retrouvé ».
Tout intéressé ou le ministère public fait la demande auprès du tribunal judiciaire. Le jugement tient
lieu d’acte de décès (art. 91 cc).
Ce jugement pourra être annulé si la personne disparue réapparaît nalement. Les effets sont les
mêmes qu’en cas d’absence : il retrouve ses biens, mais son mariage reste dissous.

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