Vous êtes sur la page 1sur 42

INTRODUCTION

GENERALE A L’ETUDE
DU DROIT
USAG

2022 - 2023
CHARGE DE COURS : Dr SANOGO YANOURGA

INTRODUCTION

NOTION ET SOURCES DU DROIT

Le droit, est-ce un phénomène social ou une science ? Il peut être les deux à la fois. Pour être
un phénomène social, il faut l’existence d’une société organisée, une entité autonome par
rapport aux individus qui la composent, dont la fonction est d’atteindre des objectifs
communs : sécurité (interne et externe) de la communauté, harmonie des relations privées.
Cette collectivité dès lors qu’elle est souveraine prend la forme d’un Etat.

Le droit se retrouve partout de nos jours et régit les rapports sociaux, économiques et mêmes
affectifs (mariage).

C’est donc un phénomène vivant qui évolue avec la société qu’il régit.

On peut l’aborder sous deux angles :

- Le droit objectif : ensemble des règles destinées à organiser la vie en société (droit
positif avec D traduit en anglais par LAW)
- Les droits subjectifs : ce sont les prérogatives reconnues aux individus, ils peuvent
s’en prévaloir dans leurs relations avec les autres (RIGHTS en anglais, human rights).

Le droit est donc un ensemble de règles destinées à organiser la vie en société, dont les
individus peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les autres.

2
CHAPITRE I : LE DROIT OBJECTIF

C’est le droit qui tend à structurer la société à travers une combinaison complexe de normes.

SECTION 1 : LES CARACTERES DU DROIT OBJECTIF

A/ Une règle générale et impersonnelle

La règle de droit est générale et impersonnelle, cela signifie que la règle s’applique à tout le
monde en même temps (générale) et à personne en particulier (impersonnelle). Elle concerne
donc chacun et ne vise personne précisément. Elle peut s’appliquer à un groupe de personne,
les époux, les commerçants, les salariés, mais dans le groupe elle touche tout le monde et
personne en particulier.

Ce caractère général et impersonnel est une garantie contre l’arbitraire, la discrimination


individuelle, ce qui lui permet de rester crédible.

Mais ce caractère ne signifie pas égalité, la règle de droit peut être discriminatoire à l’égard
d’un groupe de personnes pour des motifs louables (accorder plus de droit aux personnes
âgées, aux handicapés, aux enfants, aux femmes enceintes etc…) ou être sévère envers les
mauvais conducteurs ou encore pour des motifs condamnables (race, sexe, religion,
convictions politiques).

Ce caractère général permet de la distinguer d’autres normes juridiques (règlement, décret,


arrêté, circulaire) qui entrainent des décisions et non des règles de droit.

Ex : la loi ne dira pas si tel enfant est l’enfant légitime de Mr et Mme X, mais elle dira que
l’enfant né pendant le mariage est légitime.

B/ Une règle à finalité sociale

Le droit a une finalité sociale : faire régner l’ordre. Régler les relations extérieures des
hommes entre eux pour y faire régner une certaine paix sociale, c’est son but ultime et c’est
pourquoi il ne peut y avoir de droit sans société (ubi societas ubi jus : là où il y’a la société, il
y’a le droit).

A côté de cette finalité sociale, il y’a un rapprochement entre droit et religion qui est de faire
régner aussi l’ordre. Mais la religion a un objet différent du droit : veiller au salut de l’être
humain à travers l’enseignement des commandements de Dieu, ce qui revient indirectement à
régler les relations extérieures des êtres humains entre eux pour faire régner une certaine paix
sociale.

3
Droit et religion sont d’accords sur le fait qu’il ne faut pas tuer, qu’il ne faut pas voler, et qu’il
ne faut pas commettre l’adultère (punit par l’article 391 du CP).

Par contre, là où le droit autorise la légitime défense (riposte proportionnelle à l’attaque) la


religion préconise de tendre l’autre joue.

Ensuite, le droit veut se distinguer de la morale. La morale est individualiste. Le droit ne régit
pas les consciences mais le corps social, il a un caractère extérieur (il ne s’intéresse pas à vos
pensées, vos envies les plus noires) par contre, la morale tend à la perfection de la personne et
à son épanouissement, elle a un caractère intérieur. Mais le droit pour être plus efficace peut
être fondé sur la morale (la loi injuste ne peut que se heurter à la résistance des consciences
individuelles du corps social.

Pour terminer, notons que le droit s’oppose à l’équité. Le juge, chargé d’appliquer le droit ne
peut l’écarter parce qu’elle conduit à l’injustice. Ne dit-on pas souvent que : « la loi est
mauvaise mais c’est la loi ». Le juge statue selon le droit et non selon ce qui lui paraît juste.
Les raisons en sont simples, une des nécessités inhérentes au droit est de faire régner non
seulement la justice mais aussi l’ordre, la sécurité et la paix.

C/ La règle de droit est permanente

La règle de droit est permanente parce qu’elle a une application constante pendant son
existence. Elle a vocation à régir l’avenir, à durer un certain temps mais cela ne veut pas dire
que la règle de droit est éternelle : elle a un début et une fin. Cependant, elle a vocation à
s’appliquer de façon constante pendant le temps où elle est en vigueur jusqu’à son abrogation
par l’autorité compétente (en principe, la même que celle qui l’a fait naître).

D/ Le caractère spécifique : la coercition étatique

La règle de droit a un caractère obligatoire qui lui permet de ne pas passer pour un simple
conseil laissé à la discrétion de chacun et non un ordre. Sans ce caractère obligatoire de la
règle de droit, ce serait le règne de l’anarchie. Même lorsqu’elle est permissive, elle a un
caractère obligatoire parce qu’elle interdit aux autres de porter atteinte à cette liberté (Ex : le
droit de grève est une règle juridique obligatoire et l’employeur ne peut s’y opposer).

La règle de droit ordonne, défend, permet, récompense et punit, c’est un commandement.

La règle de droit a un caractère coercitif qui est sanctionné par l’Etat, ce qui lui donne sa
force. Pour obtenir le respect du droit, des contraintes et des sanctions sont prévues.

L’autorité judiciaire constate la violation d’un droit, elle requiert la force publique (police,
gendarmerie) pour que celle-ci contraigne le contrevenant à respecter le droit.

Les règles religieuses, morales ou de politesse sont dépourvues de ce caractère obligatoire. La


sanction de la règle religieuse vient de Dieu ou de l’église (enfer, excommunication), celle de
la morale ou de la politesse peut entrainer la réprobation sociale, le blâme public, l’exclusion,
mais l’exécution de ces contraintes ne peut être prise en charge par les pouvoirs publics.

4
5
SECTION 2 : LES BRANCHES DU DROIT OBJECTIF

A/ Les règles de droit privé

Le droit privé est celui qui régit les rapports entre particuliers ou avec les collectivités privées,
telles que les associations, les sociétés et qui assure prioritairement la sauvegarde de intérêts
individuels. Nous avons, le droit civil et le droit commercial.

1- Le droit civil

C’est le droit commun du droit privé. Branche la plus ancienne du droit qui s’applique en
principe à tous les rapports de droit privé sauf si un droit spécial a été édicté pour matière
déterminée. Il a donc une place privilégiée, il a une valeur générale et donne les principes
généraux. Il régit, la famille (mariage, divorce, filiation, régimes matrimoniaux), ensuite la
propriété et enfin le droit des obligations (contrat-responsabilité civile). Les principales règles
du droit civil sont regroupées dans le CC de 1804 ou code Napoléonien.

2- Le droit commercial

Il s’est détaché du CC et contient les règles dont l’application est réservée soit aux particuliers
qui effectuent des actes de commerce, soit aux commerçants. Il régit aussi bien les sociétés
constituées pour les opérations commerciales que les fonds de commerce du simple
commerçant ou encore les actes de commerce (actes accomplis par un commerçant dans
l’exercice et pour les besoins de son commerce).

3- Les règles de droit privé de nature mixte

Ce sont des règles qui se sont détachées du droit civil et du droit commercial pour constituer
une branche autonome de droit de nature mixte : le droit de la propriété intellectuelle
(propriété industrielle et propriété littéraire et artistique), le droit des assurances, le droit des
transports, le droit rural.

B/ Les règles de droit public

Le droit public régit l’organisation de l’Etat et des collectivités publiques ainsi que leurs
rapports avec les particuliers. Ici interviennent l’Etat ou ses agents dans une relation avec les
particuliers.

1- Les particularités des règles de droit public

Le droit public diffère du droit privé par :

- Une finalité différente : le droit public vise la satisfaction de l’intérêt public, de la


collectivité et le droit privé celui de l’individu.
- Un caractère impératif : le plus souvent, le droit public s’impose aux administrés alors
que le droit privé est un droit d’autonomie, les personnes sont libres de se placer sous

6
ce droit ou pas. Mais il peut arriver des cas où le droit privé perd cette autonomie :
(droit commercial, mode de constitution et de fonctionnement des sociétés) et en (droit
civil, ordre public découlant du régime primaire du mariage).
- Les privilèges reconnus à l’administration : elle jouit du privilège d’exécution
d’office, elle peut faire exécuter ses décisions à l’encontre des particuliers même s’ils
en contestent la régularité. Ils devront exécuter d’abord et ensuite contester (impôts).
En droit privé, nul ne peut se faire justice.
- Des contraintes possibles : pour faire exécuter ses décisions, ce sont des voies
d’exécution pour obliger les particuliers à respecter la décision de justice (saisie des
biens)
- Des juridictions différentes : l’administration est soumise à un ordre juridictionnel
particulier, celui de la juridiction administrative chargée d’appliquer les règles de droit
public. Mais en CI, le système d’unicité de juridiction ne permet pas de voir vraiment
cette différence.

2- Les branches du droit public

- Droit constitutionnel : fixe les règles de base d’organisation de l’Etat


- Droit administratif : règlemente la structure de l’administration et ses rapports avec les
particuliers
- Droit fiscal et finances publiques : réunissent et gouvernent les dépenses et les recettes
des collectivités publiques
- Libertés publiques : définissent les divers droits de l’individu dans la société et les
modalités de leur protection.

3- La remise en cause de la classification traditionnelle

Certaines règles appartiennent à la fois au droit public et au droit privé.

- Le droit pénal

Le droit pénal aussi appelé droit criminel est un droit mixte. Il a pour principal objet de définir
les comportements constitutifs d’infractions et de fixer les sanctions applicables à leurs
auteurs. Il ne vise pas que la répression, il veut aussi prévenir les attitudes délictueuses, à
rééduquer les anciens délinquants. Il défend l’intérêt public, général. Le procès pénal
n’oppose pas deux individus, la victime et le délinquant mais plutôt ce dernier à la société
(ministère public). Il sauvegarde aussi les intérêts privés des particuliers. Il protège les
individus dans leur vie, leur honneur, leur propriété…il peut donc être considéré comme la
sanction ultime du droit privé.

- Le droit processuel

Il regroupe la procédure civile, dite aussi droit judiciaire privé, la procédure pénale et la
procédure administrative pour l’organisation et le fonctionnement de la justice civile, pénale
et administrative.

7
- Le droit social

Il regroupe le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Le droit du travail regroupe


l’ensemble des règles qui définissent la condition des travailleurs salariés (prestation de
travail, rémunération, représentation collective des salariés, droit de grève, pouvoir de
l’employeur, licenciement…)

Le droit social réunit les règles destinées à s’appliquer principalement aux travailleurs pour
les garantir contre divers risques sociaux (maladie, accidents du travail, chômage) mais aussi
pour jouer un rôle de solidarité par l’octroi des prestations pour la prise en charge des famille.
Ce droit est proche du droit privé parce que dans la relation de travail, il y’a deux personnes,
l’employeur et l’employé. Il est mixte parce que de nombreux éléments du droit public
interviennent dans sa mise en œuvre : le pouvoir de l’employeur est très encadré par de
nombreux règlements, l’inspection du travail est une institution administrative, l’organisation
de la sécurité sociale est administrative (depuis sa création en France en 1945).

C/ L’opposition du droit interne au droit international

Le droit interne ou droit national est le droit en vigueur dans un Etat déterminé, ayant des
sources, des organes et des sanctions propres à cet Etat et réglementant les rapports sociaux à
l’intérieur de cet Etat. Dès lors qu’un élément étranger, (Etat ou citoyen) se rencontre dans un
rapport de droit, il s’agit de droit international. On distingue : le droit international privé du
droit international public.

1- Le droit international privé

C’est celui qui régit les rapports des particuliers entre eux lorsqu’il existe un élément étranger.
Ici il faut déterminer en cas de conflit la loi applicable par la méthode dite de « conflits de
lois ». Il détermine les droits des étrangers en CI et pose les règles applicables en matière de
nationalité qui relève du droit public, d’où sa mixité (rapport entre un particulier et l’Etat).

2- Le droit international public

Il contient les règles applicables dans les rapports des Etats entre eux et définit l’organisation,
le fonctionnement, la compétence et les pouvoirs des organisations internationales (Ex ONU).

8
CHAPITRE II : LES SOURCES DU DROIT

SECTION 1 : LES SOURCES DIRECTES DE LA REGLE DE DROIT

Elles sont écrites ou non écrites.

I- Les sources écrites

A/ Sources diverses et hiérarchisées

1- La constitution

C’est l’ensemble des lois fondamentales qui régissent l’organisation et le fonctionnement des
pouvoirs publics, et qui constituent la loi suprême d’un Etat. Toutes les autres lois doivent se
conformer à elle sous peine d’inconstitutionnalité prononcée par le conseil constitutionnel. La
constitution actuelle de la CI est celle du 1er août 2000, composée d’un préambule (partie
préliminaire) et de 134 articles.

2- Les traités internationaux

Traité est en droit international un accord conclu entre deux ou plusieurs Etats ou entre un
Etat et une organisation internationale. Ils lient les parties, elles doivent donc le respecter. Il
faut qu’il soit conforme (s’il ne l’est pas) à la constitution avant sa ratification (Article 86 de
la constitution ivoirienne), on procède donc à la révision de la constitution.

L’article 87 de la constitution de CI de 2000 stipule que les traités ou accords régulièrement


ratifiés ont dès leur publication une autorité supérieure à celles des lois, sous réserves, pour
chaque traité ou accord de son application par l’autre partie.

3- La loi et le règlement

La loi est constituée de l’ensemble des textes législatifs, c’est l’œuvre de l’assemblée
nationale (AN) ou parlement. On distingue les : les lois constitutionnelles (émanant du
pouvoir constitutionnel, elles servent à modifier la constitution et au sommet de la hiérarchie
des normes). Les lois organiques (elles permettent de régir les institutions, structures et
systèmes prévus ou qualifiés comme tels par la constitution). Les lois ordinaires (issue de la
navette parlementaire, c'est-à-dire pendant le travail quotidien des députés). Les lois
référendaires (celles adoptées par référendum, consultation directe du peuple afin d’avoir son
avis sur un texte ou une question essentielle, article 43 constitution).

Le règlement englobe l’ensemble des décisions du pouvoir exécutif et des autorités


administratives, on distingue :

- Le décret : C’est un acte ou un texte administratif de portée générale ou individuelle,


signé par le PR (décrets autonomes dans le domaine réservé au pouvoir réglementaire

9
et décrets d’application d’une loi pour faciliter la mise en œuvre de la loi) au plan
matériel. Sur le plan formel, on a (décrets simples pris de façon discrétionnaire par le
PR et les décrets pris en conseil des ministres).
- L’ordonnance : Le PR peut demander à l’AN pour l’exécution de son programme
l’autorisation de prendre par ordonnance pendant un délai limité des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi.
- L’arrêté : ministériel, préfectoral ou municipal dans l’ordre hiérarchique. C’est une
décision d’ordre pratique. Selon sa source, il s’applique à un territoire
géographiquement délimité.
- Les circulaires : un ministre donne des instructions à des fonctionnaires pour le
fonctionnement. En principes, ces circulaires n’ont pas de valeur réglementaire.

Selon l’article 72 de la constitution de 2000, les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi relèvent du domaine réglementaire.

B/ La force obligatoire de la loi

La loi a une force obligatoire pendant son existence, de sa naissance à sa mort. Cette force
varie selon le type de loi.

1) Naissance de la loi

La loi nait dès l’instant où elle entre en vigueur et pour ce faire, deux conditions
doivent être remplies :
La promulgation : c’est selon l’article 42 de la constitution le pouvoir que possède le
PR pour rendre la loi exécutoire. C’est l’acte qui ordonne l’exécution de la loi. C’est la
date de promulgation qui devient la date de naissance de la loi, elle la situe donc dans
le temps. Le PR doit promulguer la loi dans les 15 jours qui suivent sa transmission
par le président de l’assemblée nationale, 5 jours en cas d’urgence. Une loi non
promulguée par le PR dans le délai est déclarée exécutoire par le conseil
constitutionnel saisi par le président de l’assemblée si elle est conforme à la
constitution. (Pour les ordonnances, décrets et règlements, pas besoin de
promulgation, la signature de l’auteur de l’acte vaut acte d’exécution).
Après la promulgation, les lois et règlements doivent publiés pour être connus des
citoyens, ils deviennent obligatoires et opposables à ceux-ci. Elle se fait dans le JORCI
et le délai de publication est de 3 jours francs à compter de la date la promulgation. En
cas d’urgence, l’affichage est immédiat ou on procède par des communiqués
radiodiffusés (3).
Il peut arriver que malgré la promulgation de la loi celle-ci n’entre pas en vigueur
parce que le législateur l’a décidé ainsi. Dans ce cas, la loi elle-même précise sa date
d’entrée en vigueur. Dans d’autres cas, elle nécessite un décret d’application.

10
2) L’abrogation de la loi

C’est la mort de la loi. (Les lois de finance peuvent comporter des dispositions
applicables à une seule année considérée). Dans les autres cas, c’est l’abrogation qui
met fin à la loi. C’est l’autorité qui a créé la loi qui doit l’abroger.
- L’abrogation expresse : le texte nouveau précise formellement l’abrogation du texte
ancien.
- L’abrogation tacite ou implicite : le nouveau texte ne précise rien mais les deux textes
ne peuvent pas être appliqués en même temps.
- L’abrogation par désuétude : le texte à force de ne pas être appliqué disparait tout
simplement.

C/ Force variable de la loi

La loi acquiert après sa publication force obligatoire. Cependant, l’autorité de la loi n’est
pas uniforme. Certaines lois ne sont pas obligatoires de la même manière. Il faut en effet
distinguer les lois impératives des lois supplétives de volonté.

- Les lois impératives : sont celles qui ordonnent, défendent, l’individu est tenu de s’y
soumettre, il ne peut l’écarter. Ex : tout citoyen ivoirien doit payer ses impôts. Aucune
disposition conventionnelle ne peut en écarter l’application.
- Les lois supplétives : elles ne s’imposent aux individus que s’ils n’en ont pas écarté
l’application, que s’ils ne se sont pas placés dans une situation où la loi les atteint. Ex :
en cas de mariage, si les époux n’ont pas choisi de régime matrimonial lors de la
célébration, l’OEC leur impose celui de la communauté de bien réduite aux acquêts,
c’est le régime de droit commun en CI.

II- Les sources non écrites (la coutume)

La coutume apparait comme une pratique de la vie juridique qui présente un caractère
habituel et qui de ce fait tend à se poser en règle de droit. La coutume suppose la réunion
d’un élément matériel et d’un élément psychologique.

- L’élément matériel, il faut un usage ancien (résulter d’un assez grand nombre d’actes
analogues, plus vrai aujourd’hui dans le domaine des affaires), constant (les
comportements doivent avoir été relativement semblables), notoire (connu du groupe
de personnes concernées), et général (s’appliquer à l’ensemble du groupe de
personnes). L’usage doit être un comportement suivi de manière habituelle.
- L’élément psychologique, il y’a une véritable conviction du groupe d’agir en vertu
d’une règle obligatoire. L’usage est perçu comme étant une règle de droit et devient
ainsi règle de droit. La coutume émane directement du peuple sans passer par ses
représentants.

La principale fonction de la coutume est d’adapter parfaitement le droit à la conviction


sociale, ce qui permet une meilleure effectivité du droit et surtout d’adapter rapidement et

11
spontanément le droit aux besoins économiques et sociaux d’un groupe déterminé
(commerçants)

Trois hypothèses différentes d’application de la coutume :

. Celle où la loi renvoie expressément à la coutume (coutume secundum legem)

. Celle où la coutume vise à combler une lacune de la loi (coutume praeter legem)

. Celle où la coutume est contraire à la loi (coutume contra legem)

SECTION 2 : LES SOURCES INDIRECTES DE LA REGLE DE DROIT

I- La jurisprudence

Le mot jurisprudence a deux sens, pris au sens large, il désigne « l’ensemble des décisions
rendues par les juges » ; pris dans un sens étroit, il correspond au phénomène créateur de
droit, c'est-à-dire « l’interprétation d’une règle de droit définie, telle qu’elle est admise par les
juges ».

Le juge a pour mission d’appliquer la loi. Mais celle-ci n’a pas forcément prévu le cas qui lui
est soumis soit parce qu’elle n’y avait pas pensé soit parce qu’il s’agit d’un problème nouveau
que personne n’avait envisagé. Dans ce contexte, on peut estimer que le juge a pour rôle de
faire évoluer le droit résultant d’un texte écrit, figé. De plus, le contenu de la loi n’est pas
toujours clair, alors le juge doit dans ce cas l’interpréter.

A/ Les méthodes d’interprétation

1) La méthode exégétique

Il s’agit d’interpréter le texte en se demandant qu’elle a été la volonté du législateur. Le sens


que le législateur a voulu attribuer au texte si celui-ci est obscur ou incomplet. Il faudra se
rapporter à tous les travaux préparatoires qui ont conduit à cette loi et si on n’a pas de
réponse, se baser sur l’état du droit dans le pays parce que forcément le législateur n’a pas pu
s’en écarter, il a surement voulu rester cohérent et il faut aussi examiner l’appréciation des
conséquences des différentes interprétations dudit texte parce que le législateur n’a pas voulu
des conséquences absurdes ou socialement inadmissibles. Cette méthode à un caractère
psychologique.

2) Les méthodes modernes

- La méthode téléologique dans laquelle on recherche le but, la finalité sociale de la


règle et en cas de conflit entre la lettre et l’esprit du texte, on fait prévaloir l’esprit sur
la lettre parce qu’il ne faut pas rester figer dans la lecture du texte.
- La méthode historique ou évolutive, l’interprète a le droit d’adapter le texte aux
nécessités sociales de son époque.

12
- La méthode de la libre recherche scientifique, ici le doyen Gény pense qu’à un
moment donné, il n’y a plus de loi, le législateur n’ayant pas manifestement résolu le
problème. Rien ne sert alors de solliciter les textes. On passe alors de l’interprétation à
la libre recherche scientifique. L’interprète, c'est-à-dire le juge doit élaborer une
solution comme s’il avait affaire œuvre de législateur en s’aidant de toutes les données
historiques, utilitaires, rationnelles, sentimentales, sociales. Pour Gény, l’interprétation
du droit est fonction des besoins de la société et non attachée trop rigoureusement à la
lettre de la loi.
3) Les procédés techniques d’interprétation

a- Les procédés logiques d’interprétation

- Le raisonnement par analogie : consiste à étendre à un cas non prévu, la solution


admise pour un cas voisin parce qu’il y a dans les deux hypothèses les mêmes raisons
d’adopter cette solution.
- Le raisonnement a fortiori : conduit à appliquer la solution que la loi impose dans un
cas, qu’elle envisage expressément à un autre qu’elle ne mentionne pas, parce que
pour ce dernier, les motifs de la solution sont encore évidents. C’est l’idée : qui peut le
plus peut le moins (Ex : si on est responsable de la commission d’une faute la plus
légère, on est responsable a fortiori lorsqu’on a commis une faute lourde).
- Le raisonnement a contrario : c’est celui qui conduit à adopter une règle inverse de
celle qui est expressément édictée lorsque les conditions posées par celle-ci ne sont
pas remplies. Lorsqu’un texte dit une chose, il est censé en nier le contraire.

b- Les maximes d’interprétations

- Les exceptions sont d’interprétation stricte : la maxime signifie que les exceptions
admises par la loi doivent être renfermées dans leurs termes littéraux. Pas d’exceptions
sans texte.
- Il est défendu de distinguer là où la loi ne distingue pas
- Les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales (présence d’un agent
de police aux feux tricolores prime sur les feux)
- La loi cesse là où cessent les motifs : signifie que la loi ne doit pas être appliquée à des
situations qui tout en paraissant incluses dans sa lettre se trouvent exclues.

B/ La norme jurisprudentielle : le fruit d’un paradoxe

L’ensemble des juridictions produit un nombre considérable de décisions qui expriment,


au cas par cas l’interprétation de la règle de droit. On appelle alors jurisprudence, la
position constante des luges sur une question de droit. La manière dont telle ou telle
difficulté juridique est habituellement tranchée par les juridictions.

La jurisprudence est le produit d’un paradoxe car si plusieurs éléments s’opposent à sa


reconnaissance comme source de droit, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, elle

13
apparait comme une source primordiale de la règle de droit. En effet, le principe de la
séparation des pouvoirs se traduit, en premier lieu, par une interdiction faite aux juges de
s’ériger en législateur. Ils sont soumis à la loi et doivent se contenter de l’appliquer. En
même temps ils sont obligés de prendre une décision, même quand la loi est floue.

1) Les obstacles à l’admission de la jurisprudence comme source de droit

a- L’interdiction de créer la loi

Le juge n’est pas législateur. Cela se traduit par la règle selon laquelle « il est défendu
aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes
qui leur sont soumises », article 5 du CC. Le juge ne peut donc décréter la loi, créer le
droit. Il tranche uniquement le litige qui lui est soumis.

b- Le caractère relatif de l’autorité de la chose jugée

Article 1351 CC : « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a
fait l’objet du jugement ». Cela signifie que l’autorité de la décision ne s’attache
qu’au dispositif de la décision par lequel le juge constate, ordonne ou condamne et
non aux motivations du juge par lesquelles il relate son raisonnement juridique et
donne son interprétation de la règle de droit. Cela signifie également que la
décision a un effet relatif : elle ne lie que les parties entre lesquelles elle intervient.
La solution retenue par une décision de justice ne vaut que pour l’affaire qui a été
tranchée et ne s’impose pas en principe à un autre juge.

2) La reconnaissance de la jurisprudence comme source de la règle de droit

a- L’obligation d’appliquer la loi

« Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de


l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice »,
article 4 du CC de 1804. Les juges ne peuvent pas donc s’opposer à l’application
des lois. Même si le texte ne leur parait pas opportun, équitable, ils sont dans
l’obligation de l’appliquer. Le rôle du juge est d’appliquer la loi. Donc quand le
texte est clair, le juge doit simplement et purement l’appliquer. Le juge ne peut pas
se cacher derrière l’incertitude, l’obscurité ou l’ambiguïté de la règle de droit. Ici,
le juge va examiner ce qui a pu être décidé par les autres juges confrontés au
même problème. Ce qui conduit le juge à devenir un législateur supplétif.

b- Le juge, législateur supplétif

Le juge interprète la règle de droit obscure en se référant à la motivation des


décisions de ses collègues, soutien du dispositif de celles-ci. Et ce sont les
différentes interprétations allant dans le même sens qui feront jurisprudence, créant

14
ainsi une norme juridique qui va s’imposer. Le juge devient selon les mots du
doyen Ripert le « législateur des cas particuliers ».
Mais la décision des juges n’est pas éternelle, elle peut être renversée, on parle de
revirement de jurisprudence.

I- La doctrine

La doctrine, c’est l’ensemble des travaux écrits consacrés à l’étude du droit, et leurs auteurs.
Elle recouvre des œuvres diverses élaborées principalement par des universitaires (professeurs
de droit, avocats, magistrats ou notaires). Trois types d’écrits : ouvrages généraux, spécialisés
(thèses de doctorat) et enfin des écrits ponctuels (articles, études chroniques) ou note de
jurisprudence commentant une décision de justice.

La doctrine joue précisément le rôle de commenter chaque texte en le confrontant avec la


réalité sociale et surtout en le rapprochant aux autres textes. La doctrine édifie un ensemble
explicatif, elle a donc un rôle pédagogique.

Les juristes ne doivent se contenter d’étudier et de commenter la règle écrite, ils doivent
l’analyser et faire ressortir ses défauts, ils doivent montrer au législateur le défaut de la règle
afin que celui-ci la modifie pour la rendre meilleure, plus adaptée aux besoins sociaux et
économiques. La doctrine donc participe au perfectionnement de la règle de droit pour qu’elle
se rapproche le plus possible de l’idéal de justice.

15
CHAPITRE III : L’APPLICATION DE LA REGLE DE DROIT : LES CONFLITS DE
LOIS DANS LE TEMPS

L’entrée en vigueur d’une loi nouvelle peut créer un problème de conflit de lois dans le temps.
Il faut organiser cette succession pour éviter l’instabilité juridique. Lorsque deux lois se
succèdent, il faut déterminer à quels faits s’appliquent la loi nouvelle. Il peut aussi arriver que
des situations juridiques se prolongent dans le temps (mariage, contrat de location, de travail
etc…), il faut déterminer la loi applicable pour les situations juridiques qui ont commencé
sous l’empire de la loi ancienne et qui se poursuivent sous celui de la loi nouvelle.

SECTION 1 : LE PRINCIPE DE NON-RETROACTIVITE DES LOIS

« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » article 3 CC. Cela
signifie qu’une loi est sans application aux situations juridiques dont les effets ont été
entièrement consommés sous l’empire de l’ancienne.

Le principe de non retro activité est une règle qui apparait non seulement rationnelle mais
encore juste. Il faut en effet protéger la liberté de l’homme contre la loi. L’homme a besoin de
sécurité juridique. Or, il n’y aurait plus aucune sécurité si on pouvait remettre en question les
actes passés par les individus conformément aux prescriptions légales.

SECTION 2 : LES LIMITES AU PRINCIPE DE NON-RETROACTIVITE

Ce principe de non-rétroactivité est un principe qui ne s’impose qu’au juge. (Mais la non-
rétroactivité des lois pénales s’impose à tous, même au législateur).

Le législateur peut y porter atteinte, de façon directe en adoptant des lois expressément
rétroactives, soit de façon indirecte en adoptant des lois « faussement » rétroactives.

I- Les lois expressément rétroactives

En matière pénale, il n’est pas possible d’édicter une loi expressément rétroactive lorsque la
loi est plus sévère (nouvelle incrimination, aggravation de la peine, suppression de
circonstances atténuantes…). Il s’agit d’un principe constitutionnel inscrit dans la Déclaration
des droits de l’homme de 1789. Le conseil constitutionnel veille à son respect et annule les
lois qui y porteraient atteinte. (Les lois plus sévères ne sont pas rétroactives).

En matière civile, les lois expressément rétroactives sont possibles mais elles sont rares. Elles
interviennent souvent en période exceptionnelle lorsque le législateur l’a expressément prévu.
Ici, il y’a volonté de faire table rase du passé, surtout à des périodes troubles de l’histoire.

16
II- Les lois interprétatives

Une loi est interprétative lorsqu’elle vient seulement « préciser et expliquer le sens obscur et
contesté d’un texte déjà existant ». La nouvelle loi fait corps avec la loi ancienne, dont elle
n’est qu’une partie. Ce procédé est contesté parce que la critique considère que ce sont les
tribunaux qui doivent interpréter les lois et non le législateur. Le législateur doit intervenir
pour changer le texte existant qui il n’est pas d’accord avec l’interprétation qui en est faite.

III- Les lois pénales plus douces

Lorsqu’une loi pénale plus douce entre en vigueur, soit parce qu’elle réduit la, peine
encourue, soit parce qu’elle supprime l’infraction ou une circonstance aggravante par
exemple, elle s’applique immédiatement à toutes les situations juridiques pénales, mêmes
nées avant son entrée en vigueur. C’est ce que l’on appelle la rétroactivité « IN MITIUS ».

Les délits antérieurs sont jugés conformément à la loi nouvelle, car il semble normal de
considérer que si une loi pénale nouvelle est plus douce, c’est parce que la sévérité antérieure
n’a plus d’utilité sociale.

Si le législateur estime inutile de maintenir une sanction plus sévère, pour un comportement
délictueux déterminé, il n’y a aucune raison de continuer à l’appliquer à des délits antérieurs à
la loi nouvelle. Cette règle spécifique à la matière pénale a une valeur constitutionnelle. Aussi,
le délinquant pourra invoquer une loi pénale plus douce pendant le procès.

17
CHAPITRE IV : L’EFFET IMMEDIAT DE LA LOI NOUVELLE

Ce principe ne s’applique qu’en matière extracontractuelle. En effet, en matière contractuelle,


c’est un autre principe qui est applicable : celui de la survie de la loi ancienne.

SECTION 1 : LE PRINCIPE DE L’EFFET IMMEDIAT

Ce principe signifie que la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations juridiques
nées postérieurement à son entrée en vigueur. Elle va aussi saisir les effets futurs (c'est-à-dire
non encore réalisés) d’une situation juridique née antérieurement à son entrée en vigueur, qui
seront régis par elle. La loi ancienne n’est plus applicable.

Le législateur peut donc modifier à tout moment les effets des situations juridiques en cours :
les conditions de validité et les effets passés sont soumis à l’ancienne loi tandis que les effets
à venir des situations non contractuelles en cours sont soumis à la loi nouvelle. 3 cas de figure
doivent être distingués :

- Concernant les conditions d’établissement des situations juridiques : la loi nouvelle ne


les remet pas en cause. Il n’y a pas rétroactivité de la loi nouvelle. Si une loi nouvelle
impose que chaque époux ait au moins 2 témoins pour se marier (alors qu’on exige
qu’un par époux) : les mariages déjà célébrés avec un témoin par époux resteront
valables.
- Concernant les effets passés des situations juridiques antérieurement créées : ils restent
eux aussi soumis à la loi ancienne. La loi nouvelle ne s’applique pas à eux en vertu du
principe de non rétroactivité.
- Concernant les effets futurs des situations juridiques antérieurement créées : ils sont
saisis par la loi nouvelle en vertu du principe de l’effet immédiat.

Le principe de l’effet immédiat s’inspire de l’idée que la loi nouvelle est meilleure. Il faut
donc que tous les individus en bénéficient. Cette solution est aussi nécessaire pour assurer une
certaine harmonie juridique. Il est important que tous les individus soient soumis à la même
Loi. Cependant, ces considérations cèdent devant un autre impératif : celui de la sécurité
juridique en matière contractuelle.

SECTION 2 : LE PRINCIPE DE LA SURVIE DE LA LOI ANCIENNE EN MATIERE


CONTRACTUELLE

I- Contenu du principe

Il y’a survie de la loi ancienne lorsqu’elle continue de régir des faits qui se situent après
l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, c'est-à-dire après l’abrogation de la loi ancienne.

18
La loi nouvelle ne va donc pas s’appliquer immédiatement mais la loi ancienne va régir les
effets futurs nés sous l’empire de la loi nouvelle.

La jurisprudence a décidé que « les effets d’un contrat sont régis, en principe, par la loi en
vigueur à l’époque où il a été passé » (Com. 27 oct. 1969). Cela signifie donc que les contrats
en cours d’exécution, lorsqu’entre en vigueur la loi nouvelle, continuent à être régis par la loi
qui était en vigueur au moment de leur conclusion. La loi ancienne survit donc puisqu’elle
s’applique après son abrogation et ceci dans tous les cas où une situation contractuelle est née
avant elle.

On explique cette exception par le fait que la situation contractuelle est largement laissée à la
maitrise de ceux qui l’ont créé. On peut considérer que la loi ancienne s’était incorporée dans
le contrat (Ex : statuts d’une société rédigés selon la loi ancienne : ils ont acquis une nature
contractuelle).

Cette exception s’explique dans un système libéral où l’on privilégie l’autonomie de la


volonté sur la volonté du législateur. Il est normal que les volontés des cocontractants ne
soient pas déjouées par la suite. Il est nécessaire qu’existe une certaine sécurité juridique et les
contractants peuvent être ainsi certains que l’équilibre qu’ils ont créé par contrat ne sera pas
déjoué plus tard par une nouvelle loi.

II- Exceptions au principe

Il existe une exception au principe de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle


pour les lois d’ordre public. A chaque fois que le législateur l’impose parce qu’il veut
uniformiser toutes les situations juridiques, qu’elles soient en cours ou celles qui sont à venir,
il va décider que la loi nouvelle est immédiatement applicable, même aux situations juridiques
contractuelles en cours. Il en va ainsi lorsque la loi nouvelle exprime un intérêt social
tellement impérieux que la stabilité des conventions ne saurait y faire échec.

En revanche, il en est fréquemment ainsi lorsque le législateur intervient en matière de baux à


usage d’habitation et professionnel. C’est parfois aussi le cas en matière de prêt d’argent ou
de contrat d’assurance, de droit du travail. La survie de la loi ancienne ne sera écartée par le
juge que s’il existe soit une disposition expresse du législateur en ce sens, soit si pour des
motifs tirés de l’ordre public, « l’uniformité des situations juridiques doit l’emporter sur le
respect des prévisions des parties ».

Cet ordre public doit être particulièrement grave et impérieux pour faire céder la sécurité des
contractants pour des raisons sociales ou nationales.

La Cour de cassation considère que cet ordre public impose l’uniformisation de certaines
situations, comme celles qui découlent de l’exécution du contrat de travail. En raison de
l’abondante et impérative réglementation à laquelle est soumis le contrat de travail, sa nature
n’est plus vraiment contractuelle.

La jurisprudence décide alors, que les lois nouvelles s’appliquent aux effets futurs de tous les
contrats de travail, ce qui conduit à une juste égalité des citoyens devant la loi, quel que soit la

19
date de leur contrat de travail. Ainsi, si une loi nouvelle accorde un avantage social aux
salariés, il parait juste que tous les salariés bénéficient de ce progrès social immédiatement.
L’intérêt poursuivi justifie que le bienfait de la loi s’étende même aux contrats en cours.

CHAPITRE V : LES DROITS SUBJECTIFS

Le droit subjectif : prérogative dont un sujet de droit est titulaire. Il possède une aptitude
juridique, qui a la possibilité d’être titulaire de prérogatives juridiques mais aussi d’être tenu
d’obligations à l’égard des autres sujets de droit.

SECTION I : LES TITULAIRES DES DROITS SUBJECTIFS

La personnalité juridique est l’aptitude juridique à être titulaire de droit et tenu d’obligations.

- Individus : on parle de personnes physiques


- Groupements de personnes ou de biens : on parle de personnes morales

Aujourd’hui, la reconnaissance de la personnalité juridique des êtres humains est donc


absolue et se confond à l’existence de la personne.

A/ Les personnes physiques

a) Le début de la personnalité juridique

1- Le principe

Elle commence à la naissance à condition de naitre vivant et viable (avoir le cœur qui bat et
tous les organes nécessaires à la vie en bon état). L’enfant mort-né ou mort à l’accouchement
n’a pas la personnalité juridique et est sensé ne l’avoir jamais eue.

La viabilité étant présumée, c’est à celui qui conteste la personnalité de prouver que l’enfant
n’est pas né viable.

2- L’exception

Il arrive que l’on fasse remonter l’acquisition de la personnalité juridique à la conception,


c’est la règle de l’infans conceptus. L’enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu’il
y va de son intérêt. Article 5 de la loi du 7 octobre 1964 relative aux successions, l’article 9 de
la loi du 7 octobre 1964 relative aux donations entre vifs et aux testaments, selon lesquels,
l’enfant conçu peut recueillir une succession ou une donation.

Don : donation du vivant de la personne qui fait le don. Lègue après la mort de la personne
qui lègue.

b) La fin de la personnalité juridique

1- La fin de la personnalité juridique au décès (principe)

20
En principe elle prend fin avec la mort biologique qui n’est pas définie par le législateur. C’est
le médecin qui apprécie la mort. Et pour lui, c’est l’arrêt complet et irréversible des fonctions
vitales constaté sur un corps.

2- Les atténuations au principe

Il existe des cas où l’on prolonge la personnalité juridique après la mort ; c’est une fiction
juridique :

- Le testament, c’est un acte juridique par lequel une personne dispose de ses biens
après sa mort. Avec le testament, c’est comme s’il y avait survie de la personnalité
juridique du défunt : le testament prend effet après la mort.
- Les atteintes à la mémoire du défunt sanctionnées en droit pénal
- La décoration à titre posthume
- Les cas de l’absence, la disparition et de la non présence.

B/ Les personnes morales

On entend par personne morale, un groupement de personnes organisé en vue d’atteindre un


objectif précis. La personne morale est un sujet de droit, c'est-à-dire qu’elle est titulaire de
droits et tenue d’obligations. Elle se distingue des individus qui la composent et la font
fonctionner. Ces derniers ont mis en commun des biens ou leur activité, en vue d’atteindre cet
objectif à travers le groupement. Il peut être lucratif ou désintéressé. La personne morale a un
nom, une nationalité et un domicile. Elle est titulaire d’un patrimoine (ensemble de biens)
qu’elle gère à travers ses organes et elle peut agir en justice. Mais dans certains cas, ce sont
les individus qui la composent qui supportent personnellement ses dettes.

Une personne morale est toujours créée pour atteindre un objectif déterminé, qui est établi
avant sa création et toutes ses activités doivent être centrées exclusivement sur celui-ci. Ce
principe vise à l’obligation de respecter le principe de spécialité qui délimite la sphère de
compétence de ces groupements.

Il existe plusieurs catégories de personnes morales en droit. Celles de droit public (Etat,
collectivités publiques, départements, communes, universités publiques hôpitaux) et celles de
droit privé, à but non lucratif (fondations, associations) ou à but lucratif (sociétés).

SECTION 2 : LES DROITS PATRIMONIAUX

Seuls les droits évaluables en argent sont des droits patrimoniaux et seuls ces droits font partie
des éléments du patrimoine. Le patrimoine est l’ensemble des biens d’une personne envisagé
comme formant une universalité de droit, une universalité juridique. Il est composé de l’actif
et du passif.

L’actif regroupe tous les droits, les éléments qui ont une valeur positive (droits de propriétés,
droit de créance) et le passif toutes les obligations, les éléments qui ont une valeur négative

21
(dettes). L’actif répond du passif, en claire, les créanciers de la personne peuvent se payer sur
l’actif.

A/ Les droits réels

Le droit réel est dans la théorie classique, un rapport juridique immédiat et direct entre la
personne et une chose.

1- Le pouvoir exercé sur une chose

Le titulaire du droit réel n’est pas toujours doté des mêmes pouvoirs ou prérogatives sur la
chose ; tout dépend de la nature du droit réel dont il jouit. En effet, on distingue les droits
réels principaux et les droits réels accessoires.

a) Les droits réels principaux


- Le droit de propriété

Article 544 du CC dispose que : « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de
la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois et
règlements ». Le propriétaire de la chose a donc tout pouvoir sur la chose. Le droit de
propriété est un droit absolu et total décomposé en trois attributs :

. L’usus, c’est le droit d’user de la chose. Le propriétaire peut se servir de sa chose ou la


laisser inutilisée.

. Le fructus, le droit de jouir de la chose. Le fait de faire fructifier son bien ou de le laisser
improductif. Quand un bien est mis en valeur, la jouissance consiste dans le droit de percevoir
les fruits de toutes sortes que produit cette chose (fruits naturels : cueillette, moisson,
vendange mais aussi fruits civils : encaissement de loyers

. Abusus, le droit de disposer de la chose. Le propriétaire a le droit de conserver la chose, de


l’abandonner, la donner, la vendre, la détruire.

- Les démembrements du droit de propriété

C’est lorsque le droit de propriété appartient a plusieurs personnes.

. L’usufruit et la nue-propriété : dans l’usufruit, le titulaire du droit dispose de l’usus et du


fructus sur la chose tandis que le droit d’aliéner la chose, d’en disposer se trouve entre les
mains d’une autre personne, le nu- propriétaire. L’usufruit est un droit nécessairement viager,
c'est-à-dire qu’il s’éteint à la mort de son titulaire et ne se transmet pas.

. Les servitudes : la servitude consiste dans le droit du propriétaire d’un fonds de se servir de
certaines utilités du fonds voisin. Droits de passage, droits de puiser de l’eau. La servitude est
attachée à un fonds quel que soit le propriétaire. Même en cas de ventes successives, la
servitude reste attachée au fonds. Le fonds qui bénéficie de la servitude est appelé fonds
dominant, le fonds qui supporte la servitude est appelé fonds servant.

22
. L’emphytéose : c’est le droit qu’a le locataire sur la chose qui a été louée pour une durée qui
varie de 18 à 99 ans. L’emphytéose devrait conférer comme à tout locataire un droit
personnel. La loi a décidé qu’il s’agissait d’un droit réel étant donné la longueur du bail. Le
bail emphytéotique est très rare en pratique.

b) Les droits réels accessoires

Ce sont des droits réels car ils portent directement sur la chose mais accessoires parce qu’ils
sont l’accessoire d’une créance. En effet pour garantir sa créance, le créancier exige parfois
d’avoir en plus du droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur, un droit direct sur
une ou plusieurs choses appartenant à son débiteur : c’est un droit réel accessoire qu’on
appelle aussi sûreté en ce qu’elle assure l’exécution de la créance en exerçant un pouvoir sur
une chose, on a :

- L’hypothèque : sûreté qui porte sur un immeuble


- Le gage : sûreté qui porte sur un bien mobilier corporel. Le bien gagé peut être remis
au créancier (gage avec dépossession), comme il peut rester en la possession du
débiteur ou du constituant du gage (gage sans dépossession).
- Le nantissement : porte sur un bien mobilier incorporel

Les effets des sûretés : le créancier muni d’une sûreté réelle bénéficie d’avantages par rapport
au simple créancier chirographaire. Alors que les créanciers chirographaires viennent en
concours et se partagent le patrimoine du débiteur, le créancier muni d’une sûreté réelle
bénéficie d’un droit de préférence qui lui permettra de se payer le premier sur le prix de la
chose sur laquelle il a un droit réel.

Le titulaire d’une sûreté réelle a un droit de suite qui lui permettra de saisir la chose en
quelques mains qu’elle se trouve, même si la chose a été vendue.

Les différents biens :

- Les biens meubles et immeubles

Article 516 CC. Il existe trois catégories de biens immeubles, la première, les immeubles par
nature constitués de tout ce qui est fixe ou adhère au sol, qui ne peut pas se déplacer (maisons
arbres, terrains). La seconde, les immeubles par destination, ils constituent l’accessoire d’un
immeuble (animaux liés à l’exploitation d’une plantation, tableaux ou statues décorant un
immeuble). Et enfin, les immeubles par l’objet auquel il s’attache, il s’agit des droits qui
portent sur les immeubles : les droits réels immobiliers (usufruit d’une chose immobilière,
droits d’usage et d’habitation), les créances immobilières, les actions immobilières (actions
possessoires et actions pétitoires).

- Les biens meubles

Article 527 CC distingue les meubles corporels et les meubles incorporels.

. Les meubles corporels : les meubles par nature qui peuvent se déplacer ou être déplacés
(animaux, voiture, meubles meublant) et les meubles par anticipation, création
23
jurisprudentielle qui envisage les immeubles par nature sous l’aspect futur et définitif qu’ils
auront : récoltes sur pied avant la récolte, les matériaux de démolition avant la démolition.

. Les meubles incorporels : ce sont les droits mobiliers par l’objet auquel ils s’appliquent (les
droits réels mobiliers, les créances mobilières, les actions mobilières) et les droits mobiliers
par détermination de la loi (les parts sociales, les rentes, les propriétés incorporelles).

- Les biens corporels et incorporels

Biens corporels, tangibles, qu’on peut toucher, biens incorporels, ils peuvent être considérés
comme des droits puisqu’ils sont dépourvus de tout support matériel (droit de la propriété
littéraire, artistique, droit d’associé).

- Les biens consomptibles et non consomptibles

Les biens consomptibles, qu’on consomme, destruction physique (produits alimentaires,


carburant), on ne peut pas les rendre en nature. Les biens non consomptibles sont ceux dont
on peut se servir sans les aliéner (véhicule, maison, vêtement)

- Les biens fongibles et les corps certains

Les choses fongibles sont des choses interchangeables parce qu’il existe une équivalence
entre elles. Les choses non fongibles ou corps certains, sont des choses qu’on ne peut pas inter
changer, irremplaçables (bijou de famille)

- Les fruits et produits

Les choses frugifères sont des choses produisant des fruits. On distingue les fruits naturels
(animaux, plantes), les fruits industriels (issus du travail de l’homme) et les fruits civils qui
résultent d’une rémunération que les tiers donnent de la jouissance de la chose (loyers, rentes,
intérêts des capitaux placés). Quant aux produits, ils ne sont pas périodiques et leur apparition
altère la substance de la chose. On appelle produits tout prélèvements opérés sur une chose au
détriment de sa substance et ayant ainsi pour effet d’en entamer la substance et de l’épuiser en
définitive (les coupe de bois).

B/ Les droits personnels ou droits de créance

C’est le droit par lequel une personne appelée créancière peut exiger d’une autre appelée
débitrice, une prestation qui l’oblige à faire, à donner ou à ne pas faire quelque chose. Le
créancier ne dispose pas de tous les pouvoirs sur la personne du débiteur. Aujourd’hui, la
sanction de l’inexécution de la créance ne se fait plus sur la personne du débiteur (avant il
risquait jusqu’à la mise à mort), mais sur ses biens, il n’y a plus de prison pour dette. Article
1142 CC (toute obligation de faire ou ne pas faire se résout en dommages et intérêts. La
contrainte par corps (droit de faire emprisonner le débiteur qui n’exécute pas son obligation) a
été abrogée en 1867 (sauf pour les dettes à l’égard du trésor public et les infractions pénales).
Le droit de créance atteint donc l’actif du patrimoine du débiteur.

24
- Les droits de créance font naitre des obligations de faire, de ne pas faire ou encore de
donner (c'est-à-dire, transférer la propriété). Ces obligations trouvent leur source soit
dans la loi, soit dans le contrat, c'est-à-dire, la volonté des parties. Cela signifie que
c’est le contrat qui va créer l’obligation entre le vendeur et l’acheteur ou la loi qui va
imposer au responsable d’un accident de réparer le dommage.
- Les obligations peuvent aussi se transmettre. A titre onéreux et entre vifs, on parle de
cession de créance.
- L’extinction du droit personnel peut résulter de l’exécution par le débiteur de son
obligation (un paiement) ou d’une remise de dette consentie par le créancier.

SECTION 3 : LES DROITS EXTRAPATRIMONIAUX

Ce sont les droits qui ont une valeur morale, pas évaluables en argent. Ils ne sont donc pas
dans le patrimoine, mais sont hors commerce. On peut citer, le droit de filiation déterminée,
le droit à l’honneur, le droit au nom, le droit à l’intimité, etc… Toutefois, il ne faut pas
exagérer la portée de cette distinction puisque la lésion d’un droit extrapatrimonial peut
donner lieu à une indemnité de nature pécuniaire (article 1382).

A/ Les caractères généraux des droits extrapatrimoniaux

Les droits extrapatrimoniaux s’opposent aux droits patrimoniaux en ce qu’ils sont hors
commerce. Ils présentent un certain nombre de caractères communs.

- Les droits extrapatrimoniaux sont intransmissibles : on ne les transmet pas aux


héritiers avec le patrimoine, ils s’éteignent avec la personne. Le principe subit
quelques atténuations (possibilité d’exercer une action en vue de protéger sa
mémoire…)
- Les droits extrapatrimoniaux sont insaisissables : les créanciers n’ont aucun droit
quant à l’exercice de ces droits extrapatrimoniaux. En principe, cela ne représente
aucun intérêt pour eux puisqu’ils ne sont pas évaluables en argent.
- Les droits extrapatrimoniaux sont indisponibles : c'est-à-dire hors commerce. Ils ne
peuvent pas faire l’objet d’une convention, d’une renonciation. Ce type de convention
serait nulle d’une nullité absolue. Ainsi, le corps humain a un caractère
extrapatrimonial : « les conventions, ayant pour effet de conférer une valeur
patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ». Il est
donc interdit de monnayer le corps ou ses éléments.
- Les droits extrapatrimoniaux sont imprescriptibles : ils ne s’éteignent pas par leur non-
usage. Ils peuvent donner lieu à une action judiciaire sans limitation de délai. Il en va
ainsi par exemple des actions sur le nom (il y’a des exceptions en matière de filiation).

B/ Les différents types de droits extrapatrimoniaux

Deux groupes :

1- Certains droits de la famille


25
Les rapports personnels entre époux d’une part et parents et enfants d’autre part, traduisent
l’exercice d’un certain nombre de droits extrapatrimoniaux. Ex : le droit de garde, de
surveillance et d’éducation que la loi reconnait aux parents sur leurs enfants mineurs ; dans les
rapports personnels entre époux : le droit de la communauté de vie, à la fidélité, à l’assistance
de l’autre conjoint en cas de besoin. Toutefois, tous les droits de famille ne sont pas
extrapatrimoniaux car il existe un droit patrimonial de la famille. Ex : le régime matrimonial
qui s’occupe de la gestion des biens des époux.

2- Les droits de la personnalité

Certains des droits de la personnalité interviennent dans les rapports entre particuliers : ce
sont les droits individuels de la personnalité ou droits de la personnalité stricto sensu : ce sont
les droits à l’intégrité physique, droits à l’intégrité morale (droit à l’honneur, au respect de la
vie privée, droit à l’image, droits de propriété littéraire et artistique).

D’autres interviennent dans les rapports des individus avec l’Etat, ce sont les droits publics de
l’homme : droit à la vie, les libertés physiques (liberté d’aller et venir) et morales (liberté
religieuse, liberté d’expression, de réunion etc.) et les libertés professionnelles.

SECTION 4 : LES MODES DE PREUVE

La preuve permet à celui qui se prévaut d’une affirmation de la faire tenir pur vraie et d’en
tirer les bénéfices juridiques qui y sont attachés. En matière judiciaire, il s’agit de convaincre
le juge de la vérité de l’allégation car l’issue d’un procès dépend directement de la preuve
d’un droit.

A/ L’objet de la preuve

C’est ce sur quoi porter la preuve, c'est-à-dire ce que les parties doivent prouver. Pour
déterminer l’objet de la preuve, il faut faire la distinction entre le fait et le droit.

1- La preuve du fait

Les éléments de fait sont constitués par les faits, les actes et les situations juridiques. En cas
d’accident par exemple, la réalité de l’accident et le préjudice subi par le créancier (victime)
sont les éléments de fait sur lesquels il peut s’appuyer pour demander réparation. De même, si
une personne revendique la propriété d’un bien en se fondant sur un acte de vente, l’existence
et la teneur de l’acte de vente sont les éléments de fait. Le principe en matière de preuve est
que les éléments de fait doivent être prouvés. Le fait est donc par principe objet de preuve.
Les faits allégués par une partie au soutien de sa prétention doivent prouvés par cette partie.
Toutefois dans certains cas lorsque la preuve des faits est difficile à rapporter, ou lorsque le
législateur désire éviter des disputes sur la preuve de certains faits, il prévoit des
présomptions.

Selon l’article 1349 du CC « les présomptions sont des conséquences que la loi ou le
magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu ». Ce sont donc des déductions effectuées par

26
le législateur (présomptions inscrites dans les textes de lois) ou par le juge (présomptions de
fait ou de l’homme). Ces deux présomptions s’analysent en déplacement de l’objet de la
preuve, c’est à dire que le juge ou le législateur peuvent admettre que la preuve soit
indirectement rapportée. Ex : la présomption de paternité dispense l’enfant né dans le mariage
d’apporter la preuve qu’il est l’enfant du mari parce que la loi stipule que l’enfant né dans le
mariage est celui du mari de la mère. En réalité, on n’a pas rapporté la preuve de la paternité
du mari.

Dans certaines hypothèses, le législateur dispense la parie sur qui pèse la charge de la preuve,
d’en fournir ? Le mécanisme utilisé pour aboutir à ce résultat est la présomption irréfragable.
Ce type de présomption fait disparaitre le fait en tant qu’objet de preuve, exclu toute charge
de preuve. La présomption irréfragable pose le fait qui en bénéficie de vrai, par conséquent, la
preuve contraire est exclue. Ex : l’article 1350 du CC établit comme vrai le jugement définitif
rendu par le juge : c’est une présomption irréfragable.

En principe le pouvoir de poser des présomptions irréfragables n’appartient qu’au législateur.


Pourtant, la jurisprudence s’est reconnue implicitement le pouvoir d’admettre les
présomptions irréfragables spécialement au sujet de l’obligation de garantie des vices cachés
de la chose vendu pesant sur le vendeur.

2- La preuve du droit

En principe, le droit n’est pas un objet de preuve. En effet, les parties n’ont pas à prouver
l’existence, le contenu ou la portée des règles juridiques qu’elles invoquent pour appuyer leur
prétention car « nul n’est censé ignorer la loi » Cela signifie que chacun connait la loi et qu’il
n’est pas besoin de la prouver aux autres. Ce principe se justifie aussi par le fait qu’il revient
au juge de dire le droit et non aux parties.

Toutefois, lorsque la règle de droit est coutume ou usage, elle doit être établie dans son
existence et dans sa teneur par celui qui l’invoque, en cas de contestation. Cette exigence se
justifie par le fait que la coutume ne fait pas l’objet de codifications et de publications comme
la loi. Pour échapper à cette exigence, la coutume ou les usages doivent prendre place dans
une loi.

B/ La charge de la preuve

1- Le principe

C’est à la personne qui demande un changement dans une situation établie qui doit apporter la
preuve que ce changement doit être opéré. L’article 1315 du CC prévoit que : « celui qui
réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».C’est donc à celui qui soumet une
prétention au juge et voulant obtenir gain de cause de rapporter la preuve. La charge de la
preuve incombe donc au demandeur (demandeur à l’instance). Ainsi, si le demandeur
demande la nullité d’un contrat, il doit apporter la preuve du vice qui affecte la validité dudit
contrat sinon sa demande sera rejetée.

27
2- Les exceptions au principe

. La licéité des conventions sur la preuve : les règles sur la charge de la preuve ainsi que les
mécanismes mêmes des preuves n’ont pas un caractère d’ordre public (ce sont les règles sur
l’administration de la preuve qui ont un caractère d’ordre public), sauf exceptions notamment
en matière d’état des personnes (naissance, décès, mariages etc). Par conséquent, il est
possible aux parties d’y renoncer par conventions sur la charge, sur l’admissibilité de la
preuve ou la force probante d’un acte. Il est d’ailleurs fréquent qu’un plaideur assume une
preuve qui n’était pas à sa charge.

. La charge de la preuve peut se trouver modifiée par le jeu des présomptions légales. En effet,
il peut arriver que le législateur prévoie que le demandeur sera dispensé de la charge de la
preuve. Ici le législateur n’a pas pour but d’éliminer toute question de sur un certain fait, mais
il modifie la désignation de celui qui a la charge de la preuve. Ex : l’article 2268 du CC
présume la bonne foi du demandeur. Cela signifie que le demandeur qui se prévaut de sa
bonne foi est dispensé d’en rapporter la preuve. Toutefois la loi n’écarte pas définitivement
tout débat sur l’existence ou non de la bonne foi. Car il appartient au défendeur de prouver
que le demandeur est de mauvaise foi.

C/ Le rôle du juge

1- Le principe de la neutralité du juge

La charge de la preuve incombe aux parties elles-mêmes. La neutralité du juge est donc un
principe : il n’appartient pas au juge d’établir par ses propres moyens la vérité des faits
allégués, mais uniquement de statuer sur les preuves qui lui sont fournies par les parties et sur
celles-là seulement. En définitive, il appartient au juge de déterminer quelles sont les
meilleures preuves.

2- Le rôle actuel du juge

Le rôle actuel du juge lui donne un pouvoir accru en matière de preuve. Le Code Ivoirien de
Procédure Civile, commerciale et administrative donne une importance au rôle du juge en
matière de preuve. Ainsi son article 48 prévoit qu’il peut ordonner toutes mesures (expertise,
vérification d’écriture…) pour l’instruction du dossier. Toutefois, en matière de preuve, les
pouvoirs du juge sont limités : une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que
si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas, il
ne peut l’être en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

28
TITRE III : LA SANCTION DES DROITS SUBJECTIFS : L’ACTION EN JUSTICE

Article 1er code de procédure civile, commerciale et administrative (CPC) de CI : « Toute


personne, physique ou morale, peut agir devant les juridictions de la RCI en vue d’obtenir la
protection ou la sanction de son droit… »

L’action en justice est donc le droit pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond
de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. L’action en justice est un droit
subjectif.

CHAPITRE I : L’ORGANISATION DE L’APPAREIL JUDICIAIRE IVOIRIEN

SECTION I : LE PRINCIPE DU LIBRE ACCES A LA JUSTICE

Ce principe se traduit par deux principes :

I- Le principe de l’égalité devant la justice

La justice doit être la même pour tous. On est jugé selon les règles établies sans (mêmes
règles pour tous) discrimination quant au sexe, la race, la religion, l’appartenance politique ou
ethnique. Ce principe a pour corolaire l’indépendance, la neutralité, l’impartialité et
l’inamovibilité du juge qui le protègent des pressions, des préjugés et des tendances ou
incitations à des discriminations entre justiciables.

II- Le principe de la gratuité de la justice

L’accès à la justice est libre et gratuit car c’est un service public de l’Etat. Les plaideurs
(parties) ne rétribuent pas les juges qui sont payés par l’Etat. L’article 231sanctionn pour délit
d’avantage illégitime tout juge qui accepte de l’argent ou des présents d’une partie au procès.

Mais l’intervention des auxiliaires de justice (avocats, huissiers) entraine des frais à la charge
des plaideurs. Pour aider certaines personnes sans ressources à ester en justice, l’article 27 du
CPC prévoit l’assistance judiciaire.

SECTION II : L’ORGANISATION DES JURIDICTIONS

Une juridiction est un organe crée par la loi qui a pour but de trancher des litiges en droit et
dont la décision a une autorité qui s’impose aux parties au litige.

Il faut donc déterminer la juridiction compétente par rapport à chaque situation ou à la nature
de l’affaire et celle compétente sur le plan géographique ou territorial.

29
SOUS SECTION 1 : La compétence matérielle des juridictions ivoiriennes

Il s’agit de savoir à quelle catégorie de juridiction il revient de connaitre du litige ou de


l’affaire suivant la nature de celle-ci et son degré de traitement. Ces règles de compétence
matérielle et d’attribution sont d’ordre public (article 9 CPC). Par conséquent, l’expression
d’incompétence d’attribution peut être soulevée à tout moment du procès, même par le juge
lui-même et les parties ne peuvent transiger sur cette question. Il faut donc respecter la
répartition faite entre les juridictions selon la nature de l’affaire et respecter aussi l’ordre et le
degré juridictionnel. Les juridictions sont hiérarchisées afin de respecter le principe du double
degré de juridiction qui permet au plaideur qui n’est pas satisfait de la décision rendue par la
juridiction de 1er degré de faire appel pour que l’affaire soit rejugée par la cour d’appel (CA).
De plus, si le plaideur estime que la CA dans sa décision a violé la loi, alors il peut saisir la
cour suprême (CS) par un pourvoi en cassation.

I- Les juridictions classiques

Classiques parce que correspondant au mode traditionnel de règlement des conflits qui se
traduit nécessairement par le recours au juge. On distingue celles qui siègent de manière
permanente, celles qui ne se réunissent que pour un objet précis et enfin les juridictions
spécialisées telles que le tribunal militaire et les tribunaux de commerce.

A/ Les juridictions permanentes

Permanentes parce qu’elles tiennent des audiences durant toute l’année selon un calendrier
établi à l’avance par ordonnance du chef de la juridiction, nous avons :

1) Les juridictions de premier degré

Nous avons les tribunaux de première instance (TPI) et les sections de tribunal (ST)

a- Les tribunaux de première instance

Au nombre de 9 : Abidjan-plateau, Abidjan-yopougon, Bouaké, Daloa, Man, Korhogo,


Abengourou, Bouaflé et Gagnoa (mais depuis le 5 octobre 2006, un décret du PR a érigé en
tribunaux de première instance de nombreuse sections de tribunaux à travers le pays).

Ils sont composés de magistrats du siège (président, le ou les vices présidents ; les juge
d’instruction ; les juges des enfants, les juges des tutelles et d’autres juges). Ils ont pour rôle
de présider les audiences, rendre les jugements et instruire les dossiers en prenant des
ordonnances. Les attributions du PR du TB sont d’ordre juridictionnel et administratif : il
préside les audiences, assure le service intérieur du TB et délivre les certificats de nationalité.

Les magistrats du parquet regroupent les procureurs de la république, les procureurs adjoints
et les substituts.

Les tribunaux de première instance siègent en formation collégiale et sont compétents en


toutes matière : pénale (délits et contraventions), civile, sociale, administrative (contentieux
30
de pleine juridiction) sauf les matières que la loi leur retire expressément (c’est le cas en
matière commerciale par exemple).

b- Les sections de tribunal

Au nombre de 25, détachées des TPI. Depuis la loi n° 99-435 du 6 juillet 1999, elles
comprennent au moins 3 magistrats : un PR de section, un juge d’instruction, un substitut
résident dotés des mêmes attributions que ceux des tribunaux de première instance. Elles sont
compétentes en toutes matières sauf exceptions légales. Les décisions rendues par les TPI et
les ST sont appelées jugements.

2) Les juridictions du second degré

Les cours d’appel (CA) représentent le second degré de juridiction. Compétentes pour
connaitre des recours formés par les justiciables contre les jugements rendus en premier
ressort par les juridictions du 1er degré en toute matière, lorsque la nature et la valeur du litige
le leur permettent.

L’appel est formé par exploit d’huissier, c'est-à-dire assignation en principe, mais pour les
décisions gracieuses, on peut faire appel par voie de requête.

Le délai de l’appel est en principe de un mois à partir de la signification de la décision dont


appel. Dans les deux mois à compter de la signification de l’appel, à peine de forclusion, les
parties doivent se conformer aux exigences de l’article 166 du CPC relatives au dépôt de
conclusions et de pièces.

On admet en principe comme appelant que les parties déjà présentes au premier degré et qui
ont finalement perdu totalement ou partiellement. L’appel interjeté par un intimé est un appel
incident.

Sauf dispositions contraires de la loi, l’appel interjeté dans le délai légal est suspensif, à moins
que l’exécution provisoire (qui peut être de droit ou facultative : articles 145 à 148 du CPC)
ait été ordonné. Pour la jurisprudence ivoirienne, non seulement l’exercice effectif de l’appel
(comme de l’opposition) est suspensif d’exécution de la décision de justice pendant lequel
l’appel peut être exercé.

Il existe 3 cours d’appel en CI : Abidjan, Bouaké et Daloa. Elles sont constituées de chambres
civiles, sociales, correctionnelles, administratives et la chambre d’accusation. Elles regroupent
les magistrats du siège que sont le premier président, les présidents de chambre et les
conseillers, ainsi que les magistrats du ministère public ou parquet général comprenant le
procureur général, les avocats généraux et les substituts du procureur général.

Les arrêts de la CA sont toujours rendus par au moins 3 magistrats. Ce peut être des arrêts
confirmatifs (la CA tranche dans le même sens que le tribunal) ou des arrêts infirmatifs (la
CA contredit la décision du tribunal).

Lorsque l’appelant (celui qui a fait appel) ou l’intimé (son adversaire) ne sont pas satisfaits
par l’arrêt de la CA, ils peuvent former un pourvoi en cassation.

31
3) Les juridictions suprêmes

Au plan national, la Cour Suprême (CS) et l’organisation pour l’harmonisation du droit en


Afrique (OHADA), la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).

a- La Cour Suprême

La constitution de CI de 2000 institue en lieu et place de la CS qui comprend 4 Chambres, 4


juridictions qui exercent les pouvoirs de cette juridiction, ce sont : la cour de cassation, la cour
des comptes, le conseil d’Etat et le conseil constitutionnel. Seul le conseil constitutionnel qui
remplace la chambre constitutionnelle de la CS est effectivement fonctionnel aujourd’hui. Les
3 autres chambres, judiciaire (civil et pénal), administrative et des comptes sont toujours en
place au sein de la juridiction suprême.

- Le conseil constitutionnel : il est juge de la constitutionnalité des lois. C’est l’organe


régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics. Il contrôle la régularité des
opérations de référendum et en proclame les résultats. Il statue également sur
l’éligibilité des candidats aux élections présidentielles et législatives, les contestations
relatives à l’élection du PR et des députés, et proclame les résultats définitifs des
élections. Il constate la vacance de la présidence de la république, il contrôle la
conformité des engagements internationaux et des lois organiques à la constitution.
Les projets et propositions de lois peuvent lui être soumis pour avis. Il est composé
d’un président et de conseillers nommés par le PR et comprend également les anciens
PR sauf renonciation expresse de leur part.

- La cour de cassation : dont les attributions sont encore exercées par la chambre
judiciaire de la CS, connait des demandes de révision et des pourvois en cassation
formés contre les décisions juridictions inférieures (tribunaux, cour d’appels) sur
lesquelles, elle exerce un contrôle de légalité (affaires pénales, civiles, commerciales
et sociales). Elle n’est pas en principe juge de fait mais de droit. Elle rend deux types
de décisions : les arrêts de rejet (du pourvoi) si elle estime que les juridictions
inférieures ont eu une bonne interprétation de la loi, les arrêts de cassation si elle
constate une erreur d’interprétation de la règle de droit. Dans cette dernière hypothèse,
le pouvoir d’évocation lui est reconnu par l’article 28 nouveau de la loi n°97-243 du
25 avril 1997 portant modification du CPC, c'est-à-dire de connaitre l’affaire au fond
(comme les juridictions de 1er et second degré). Toutefois, le renvoi est obligatoire
dans deux hypothèses.

● En cas de cassation pour incompétence, la chambre judiciaire renvoie l’affaire à la


juridiction compétente.
● En cas de cassation d’une décision intervenue sur l’action publique, la chambre
judiciaire renvoie l’affaire devant une autre juridiction de même nature
expressément désignée ou devant la même juridiction autrement composée.

32
- La cour des comptes : dont les attributions sont encore exercées par la chambre des
comptes de la CS, contrôle l’application des règles de gestion des finances publiques
et sanctionne les fautes de gestion.

- Le conseil d’Etat : dont les attributions sont encore exercées par la chambre
administrative de la CS, connait en premier et dernier ressort des recours en annulation
pour excès de pouvoir contre les décisions d’autorités administratives, ainsi que des
pourvois en cassation formés contre les décisions des juridictions inférieures, dans les
affaires où une personne morale de droit public est partie.

La Cour Suprême est composée d’un président, de trois vice-présidents, de présidents de


chambre, de conseillers référendaires, d’auditeurs, d’un secrétaire général, d’un SGA et d’un
secrétaire adjoint de chambre. Son siège est à Abidjan.

b- La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)

La CCJA de l’OHADA a été créée par traité de port louis au Sénégal le 17 octobre 1993, entré
en vigueur en 1995, qui prévoit la nomination de 7 juges ressortissants des Etats membres
(Bénin, Burkina faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,
Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, RD Congo, Sénégal, Tchad et le
Togo) qui exercent en toute indépendance leurs fonctions au sein de la CCJA, pour un mandat
de 7 ans renouvelable une fois. Son siège est à Abidjan.

LES POUVOIRS DE LA CCJA

● Fonction consultative

La CCJA donne un avis préalable à l’adoption des Actes Uniformes et tranche des
différents quant à l’interprétation ou à l’application du traité. Compétentes pour toutes
les questions relatives à l’application des actes uniformes, à l’exception des décisions
appliquant des sanctions pénales. Elle bénéficie d’un transfert de compétences
anciennement dévolues aux juridictions de cassation nationales, et contribue à assurer
une interprétation commune par les juges du fond de l’espace OHADA d’un même
droit substantiel communautaire.

● Fonction contentieuse

La CCJA est une cour de cassation qui se prononce sur les décisions rendues
(concernant l’application des actes uniformes) par les juridictions d’appel des Etats ou
sur les décisions non susceptibles d’appel, avec la particularité de statuer au fond sans
renvoi devant une autre juridiction (pouvoir d’évocation).

Les arrêts de la CCJA ont autorité de la chose jugée et force exécutoire et peuvent donc être
exécutés sur le territoire de chacun des Etats parties sans qu’on ait besoin de recourir à la

33
procédure d’exéquatur. La seule formalité exigée est l’apposition de la formule exécutoire de
l’autorité nationale compétente.

La CCJA peut être saisie directement par l’une des parties à une instance devant une
juridiction nationale ou sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation. 3 manières
de la saisir :

- Par un recours en cassation formé par l’une des parties


- Par l’arrêt de renvoi de l’affaire par une juridiction de cassation nationale saisie à tort
(Article 51 du traité)
- Lorsqu’une juridiction nationale a méconnu la compétence de la CCJA.

La CCJA intervient dans le domaine de l’arbitrage. Elle organise l’arbitrage mais n’arbitre pas
elle-même. Elle nomme les arbitres, est informée du déroulement de l’arbitrage et examine les
projets de sentence.

Elle peut prendre une décision d’exéquatur pour l’exécution forcée d’une sentence arbitrale
rendue dans un Etat.

B/ Les juridictions non permanentes

Elles ne siègent pas en permanence parce que leur sphère de compétence est limitée à un objet
précis. On a la haute cour de justice et la cour d’assise.

1) La haute cour de justice

Juridiction spéciale composée de députés que l’assemblée nationale élit en son sein, dès la
première session de la législature. Présidée par le président de la cour de cassation, elle est
compétente pour connaitre des crimes et délits commis par les membres du gouvernement. Le
PR n’est toutes fois responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et traduit
devant la haute cour de justice qu’en cas de haute trahison. La mise en accusation est votée au
scrutin secret par l’assemblée nationale, à la majorité des 2/3 pour le PR et à la majorité
absolue pour les membres du gouvernement.

2) La cour d’assises

La cour d’assises n’est pas une juridiction permanente mais est constituée, à chaque fois
qu’un accusé est renvoyé devant elle. Elle est compétente en matière pénale pour juger les
infractions les plus graves, c'est-à-dire les crimes et les infractions connexes à ces crimes.

Les assises se tiennent en principe au siège de chaque tribunal de 1ère instance tous les 3 mois.
Mais par exception, le ministre de la justice peut fixer le siège de la cour d’assises dans une
ville où il existe une section détachée.

Sa composition :

- Un président et deux conseillers ; le ministère public est représenté par le procureur de


la république ou le procureur général ; la cour est assistée d’un greffier.

34
- 9 jurés, ivoiriens, sachant lire et écrire, des deux sexes, âgés d’au moins 25 ans et
jouissant de leurs droits civils et politiques. 6 sont tirés au sort. Ils sont choisis sur une
liste établie pour 3 ans dans le ressort de chaque cour d’assises.

Son fonctionnement est complexe et les débats sont en principe publics. La cour et les jurés
délibèrent et se prononcent sur la culpabilité de l’accusé. Les arrêts rendus par la cour ne
peuvent faire l’objet d’un appel. La seule voie de recours possible est le pourvoi en cassation.

C/ Les juridictions spécialisées

Tribunal militaire et tribunaux de commerce

1) Le tribunal militaire

Juridiction permanente spécialisée en ce sens qu’elle est compétente au plan pénal pour juger
les militaires des armées de terre, de mer et de l’air, les membres de la GR, les militaires des
services de santé, les gendarmes, certains civils liés à l’armée par contrat, les prisonniers de
guerre même civils et les policiers depuis la loi n°78-635 du 28 juillet 1978. Les compétences
du tribunal militaire se limite à l’action publique et couvre les infractions militaires (désertion
en temps de guerre, insoumission, abandon de poste, trahison et complot…) et les infractions
de droit commun commises par les militaires dans l’exercice de leur fonction ou à l’occasion
du service.

Le parquet près du tribunal militaire joue le même rôle que le parquet civil. Il est placé sous
l’autorité du commissaire du gouvernement qui est l’équivalent du procureur de la république
et doit être obligatoirement militaire. Des 3 tribunaux militaires crées, seul celui d’Abidjan
fonctionne.

2) Les tribunaux de commerce

C’est la décision N° 001/ PR du 11 janvier 2012 qui crée et organise le fonctionnement des
tribunaux de commerce. Article 2 du texte établit que les tribunaux de commerce sont des
juridictions autonomes de 1er degré qui sont soumises sauf dispositions contraires, à la loi
portant organisation judiciaire et celle portant CPén Civ Cial Adtive. L’appel des jugements
rendus par les tribunaux de commerce est porté devant la CA et le pourvoi en cassation est
porté devant la juridiction suprême compétente.

Article 7 du texte : détermination de la compétence matérielle des tribunaux de commerce : ils


peuvent connaitre :

- Contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de


l’Acte Uniforme relatif au droit Commercial Général
- Contestations entre associés d’une société commerciale ou d’un groupement d’intérêt
économique
- Contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce au sens de
l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial. Toutefois, dans les actes mixtes, la
partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun

35
- Des procédures collectives d’apurement du passif
- Plus généralement, des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par
les commerçants à l’occasion de leur commerce et de l’ensemble de leurs
contestations commerciales comportant même un objet civil
- Des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les tribunaux de
commerce.

Article 8, les tribunaux de commerce statuent en 1er ressort sur toutes les demandes dont
l’intérêt du litige est supérieur à 10 Millions ou indéterminé. Pour les demandes dont
l’intérêt du litige n’excède pas 10 millions, ils statuent en 1er et dernier ressort.

Le juge saisi doit tenter au préalable de concilier les parties (article 5). Il apparait ainsi
comme un arbitre.

II- Les juridictions arbitrales

L’arbitrage est une procédure dans laquelle le litige est soumis, par convention entre les
parties, à un ou plusieurs arbitres qui rendent une décision contraignante. En décidant de
recourir à l’arbitrage, les parties optent pour une procédure de règlement des litiges privée en
lieu et place d’une procédure judiciaire. Il faut remplir certaines conditions :

- Etre partie à un contrat car l’arbitre n’intervient que dans le domaine contractuel.
- Il faut que les parties soient d’accord toutes les 2 pour recourir à l’arbitrage. Cet
accord peut être énoncé :
● Soit par une clause compromissoire incluse dans le contrat liant les parties, et qui
prévoit le recours à l’arbitrage en cas de litige. Elle doit être stipulée par écrit,
désigner le ou les arbitres.
● Soit par un compromis d’arbitrage ou convention d’arbitrage, qui est un contrat
signé après la naissance du conflit, dans lequel les parties s’accordent pour recourir
à l’arbitrage.

Voir la CCJA de l’OHADA. A côté d’elle, nous avons au plan interne d’autres structures
arbitrales telles que la Cour Arbitrale de CI (CACI) créée en 1997, c’est une structure de la
chambre de commerce et d’industrie de CI.

SOUS SECTION 2 : LA COMPETENCE TERRITORIALE DES JURIDICTIONS


IVOIRIENNES

Article 18 alinéa 1 CPC : « il peut être dérogé aux règles de compétence territoriale par
convention expresse ou tacite… les règles de compétence territoriale sont d’ordre public en
matière administrative ».

Elle est tacite si l’incompétence territoriale n’a pas été soulevée avant toute défense au fond.
En dehors des cas d’ordre public, les parties peuvent déterminer par convention le tribunal
compétent territorialement.

36
I- Les règles de compétence territoriale en matière civile

Il y’a une règle qui comporte des exceptions

A/ Le principe : la règle « actor sequitur forum rei »

Dans la procédure civile, cette expression veut dire que « le demandeur doit porter son
action devant le tribunal du défendeur ».

Article 11, alinéa 1 du CPC, le tribunal compétent en matière civile est celui du domicile
réel ou élu du défendeur et en l’absence de domicile, celui de sa résidence. S’il y’a
plusieurs défendeurs, l’action peut être portée indifféremment devant le tribunal du
domicile ou à défaut de la résidence de l’un d’eux. Si le domicile ou la résidence du
défendeur sont inconnus, le tribunal compétent est celui du dernier domicile ou à défaut de
la dernière résidence connue. D’après cette règle, le domicile réel ou élu et a défaut la
résidence du défendeur fonde la compétence territoriale du tribunal.

Le domicile est le lieu du principal établissement, c'est-à-dire le centre des intérêts


matériels et moraux d’une personne. Pour les personnes morales c’est le lieu du siège
social. Mais la jurisprudence admet la saisine du tribunal du lieu de situation d’une
succursale importante relativement aux grandes sociétés. Quant à la résidence, c’est le lieu
d’une habitation pratique.

B/ Les exceptions au principe

1) Les exceptions prévues par l’article 11 du CPC

- Si le défendeur est un ivoirien établi à l’étranger ou un étranger n’ayant en CI ni


domicile, ni résidence, le tribunal compétent est celui du demandeur.
- Outre le tribunal du domicile du défendeur, est également compétent : en matière de
pension alimentaire, celui du domicile du demandeur ; en matière de contestations
relatives à des fournitures, travaux, locations, louage d’ouvrage ou d’industrie, celui
du lieu où la convention a été contractée ou exécutée ; en matière de responsabilité
civile, lorsque celle-ci résulte d’un contrat, d’un délit, ou d’un quasi délit, celui du lieu
où le fait constitutif du dommage s’est produit.

2) Les exceptions prévues par l’article 12 du CPC


- En matière immobilière, le tribunal compétent est celui de la situation de l’immeuble
litigieux
- En matière de garantie, celui devant lequel la demande principale est pendante
- En matière de succession, celui du lieu de l’ouverture de la succession

37
II- Les règles de compétences en matière commerciale

En matière commerciale, le demandeur a le choix entre plusieurs juridictions

- Celui du domicile réel ou élu du défendeur, et en l’absence de domicile, celui de sa


résidence
- Celui dans le ressort duquel la promesse a été faite et la marchandise a été ou devait
être livrée
- Celui du ressort duquel le paiement a été ou devait être effectué
- Sont également applicables les dispositions des alinéas 2, 3 et 4 de l’article 12
- En matière de société commerciale, le tribunal compétent est soit celui du siège social,
ou d’une succursale, soit devant celui du domicile ou de la résidence de son
représentant.

III- Les règles de compétences en matière administrative et fiscale

En matière administrative le tribunal compétent est :

- Celui du lieu d’affectation de l’agent pour tout litige d’ordre individuel intéressant les
fonctionnaires ou les agents au service de l’Etat ou d’une collectivité publique
- Celui dans le ressort duquel se trouvent les immeubles litigieux pour les litiges relatifs
aux déclarations d’utilité publique, au domaine public et aux affectations d’immeubles
- Celui du lieu d’exécution des marchés, contrats ou concessions, pour les litiges relatifs
à cette exécution
- Celui du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, en matière de dommages
résultant d’une cause autre que la méconnaissance d’un contrat
- Dans tous les autres cas, celui dans le ressort duquel l’autorité qui a pris la décision
attaquée ou a signé le contrat litigieux, a son siège.

En matière fiscale le tribunal compétent est celui du lieu de l’établissement de l’impôt.

SECTION 3 : LES ANIMATEURS DE L’APPAREIL JUDICIAIRE

Ce sont d’abord les magistrats et les auxiliaires de justice ensuite.

I- Les magistrats

Ils sont du siège ou du ministère public.

A/ Les magistrats du siège (magistrature assise)

38
Magistrature assise parce que lors des audiences, ils sont toujours assis (siège). Ce sont des
juges, c'est-à-dire qu’il tranche des litiges et rendent des décisions de justice. Deux principes :

1) Le principe de l’indépendance

Article 103 de la constitution du 1er août 2000 : « les magistrats ne sont soumis, dans
l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi » cela signifie que dans l’exercice de
leurs fonctions, les magistrats du siège ne doivent recevoir d’instructions ou d’ordres de
personne, ni subir de pressions de la part de leurs chefs, des autorités politiques ou
administratives, ni même de leurs familles.

2) Le principe de l’inamovibilité du magistrat

Article 103 alinéa 2 de la constitution : « les magistrats du siège sont inamovibles ». Ils ne
peuvent être affectés sans leur consentement.

B/ Les magistrats du ministère public (magistrature debout)

Lors des audiences ils sont debout pour prendre la parole. Le ministère public est composé du
procureur de la république et de ses substituts, du procureur général et de ses substituts, des
avocats généraux. Nommés par le PR sur proposition du garde des sceaux, ils sont amovibles
et révocables. Ils constituent auprès des juridictions répressives ce que l’on appelle le parquet.
Le ministère public représente et défend les intérêts de la société, de l’Etat en requérant
l’application de la loi. Le ministère public est un représentant du pouvoir exécutif et une
partie principale au procès pénal. Par conséquent il est caractérisé essentiellement par trois
principes :

1) Le principe de la subordination hiérarchique

Contrairement aux magistrats du siège qui sont indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif, les
magistrats du ministère public, reçoivent des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques
auxquelles ils doivent obéir. Toutefois, le magistrat du parquet retrouve sa liberté lorsqu’il
développe oralement, les observations qu’il croit convenables au bien de la justice, en vertu
de l’adage « la plume est serve, mais la parole est libre ».

2) Le principe de l’indivisibilité

Un seul magistrat représente tous les autres. Celui qui agit le fait au nom du parquet tout
entier. Ils sont à ce titre interchangeables car ils peuvent se remplacer au cours d’une même
audience, ce qui n’est pas possible pour les magistrats du siège.

3) Le principe de l’irrécusabilité du ministère public

39
Alors qu’un juge du siège peut être récusé, le magistrat du ministère public ne peut pas être
récusé par les individus qu’il poursuit parce qu’il est demandeur au procès pénal, c'est-à-dire
l’adversaire de l’inculpé contre qui il requiert l’application de la loi.

II- Les auxiliaires de justice

Ils ne sont pas magistrats mais participent directement ou indirectement à la mission de


service public de la justice.

A/ Les auxiliaires à participation directe

Ce sont le greffier, l’expert et l’avocat ;

1) Le greffier

Fonctionnaire de l’Etat recruté par concours, c’est la plume et la mémoire du tribunal. Il


assiste le magistrat à l’audience, il tient le répertoire général des affaires et le registre
d’audience. Il assiste le juge, conserve les minutes des décisions et en délivre les expéditions
et des copies.

2) L’expert

C’est un professionnel dans son domaine qui intervient à la demande du juge. Il éclaire le juge
sur un problème technique dont la solution est indispensable au litige. Divers domaines
(médical, comptable, immobilier etc…). C’est le juge qui définit sa mission et son temps. Son
avis ne lie pas le juge qui apprécie en toute indépendance. Il est choisi sur une liste dressée
par la CS ou la CA (critère de compétence professionnelle et de moralité). L’expert perçoit
des honoraires à la charge des plaideurs. Il peut engager sa responsabilité civile et pénale pour
ses manquements.

3) L’avocat

En droit, l’avocat est un juriste exerçant une profession libérale dont la fonction traditionnelle
est de défendre ses clients, personnes physiques ou morales, en justice, en plaidant pour faire
valoir leurs intérêts et plus généralement pour les représenter. L’avocat s’acquitte d’une
fonction de conseil et de rédacteur d’actes (contrats, statuts d’une société). Le ministère
d’avocat est parfois rendu obligatoire par la loi notamment afin d’assurer les droit de la
défense devant certaines juridictions. Il doit respecter les règles professionnelles et
déontologiques sous peine de sanctions. Il est soumis au respect du secret professionnel dans
sa mission de conseil juridique, représentation en justice et de résolution extrajudiciaire des
litiges. Les honoraires de l’avocat sont en principe fixés en fonction du temps qu’il doit
consacrer à l’affaire qui peut être fixé librement avec le client.

B/ Les auxiliaires à participation indirecte : les officier ministériels

Ce sont des personnes titulaires d’un office c'est-à-dire d’une charge, conféré à vie par
l’autorité publique et disposant du droit de présenter leur successeur. Ils ne peuvent exercer
leurs fonctions qu’au sein de cet office dont ils sont titulaires. Leur nomination s’exerce par

40
voie d’agrément du garde des sceaux pris sous la forme d’un arrêté. Nous avons les notaires,
les huissiers de justice et les commissaires-priseurs

Les OM font partie d’une catégorie plus vaste que les officiers publics qui dressent des actes
authentiques et obligatoires. Mais tous les OP ne sont pas des OM. Les OEC, les greffiers sont
des OP mais pas des OM car ils ne sont pas titulaires de la charge. En fait seuls les huissiers
de justice et les notaires sont à la fois OP et OM.

1) Les notaires

Ce sont des OP et OM investis du pouvoir de délivrer des actes authentiques, dotés de la force
exécutoire sans qu’il soit besoin de recourir à une décision de justice. Ils exercent leur
profession dans un cadre libéral, et ont une mission de conseil des particuliers et des
entreprises, liée ou non à la rédaction d’actes et peuvent intervenir à titre accessoire dans la
gestion de patrimoines et la négociation immobilière. Leurs domaines d’intervention
principaux sont ceux du droit de la famille (opérations de liquidations et partage des biens de
la communauté, successions, libéralités (rédaction de testament par exemple), adoptions) du
droit immobilier et des contrats civils et commerciaux… L’organe représentatif de la
profession auprès des pouvoirs publics est la chambre des notaires.

2) Les huissiers de justice

Ce sont des OP et OM, nommés dans leurs fonctions par arrêté du garde des sceaux ils ont
seuls qualité pour signifier les actes de procédure et les décisions aux parties et amener à
exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire. Ils peuvent
en outre soit sur commission des tribunaux soit à la demande de particuliers, procéder à des
constats. En dehors de tout contentieux, l’huissier de justice peut procéder au recouvrement
des créances à titre amiable et peut administrer des immeubles (encaissement des loyers pour
le compte du propriétaire moyennant rémunération par exemple).

3) Les commissaires-priseurs

Les commissaires-priseurs constituent un corps d’officiers ministériels qui bénéficient du


monopole des ventes aux enchères publiques (il doit s’agir de biens meubles). Ce monopole a
été établi pour assurer la sécurité du vendeur et des acheteurs ainsi que pour éviter les
scandales liés à la vente d’objets recélés. A titre accessoire, il peut être autorisé à exercer les
fonctions d’administrateur d’immeuble ou d’agent d’assurance.

FIN

41
42

Vous aimerez peut-être aussi