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Sociologie de la famille et de l’éducation

Examen écrit de 2h en janvier, portant sur le contenu des différentes séances de cours (QO).

Rappel sur la démarche sociologique : il est conseillé de lire les tests introductifs sur la démarche sociologique
(eCampus) :

• Texte 1 : Extraits de : Anne Châteauneu-Malclès, « Entretien avec Bernard Lahire : la sociologie


n’incarne pas une « culture de l’excuse » (2016)
• Texte 2 : Extrait du chapitre 1 de : Van Campenhoudt Luc & Marquis Nicolas, Cours de sociologie, Paris,
Dunod, 2014
• Texte 3 : Extrait du chapitre 2 de : Van Campenhoudt Luc & Marquis Nicolas, Cours de sociologie, Paris,
Dunod, 2014

1ÈRE SÉANCE – INTRODUCTION

La famille est fabriquée par des inégalités de genre mais peut aussi en fabriquer (ex : en fonction des genres,
il peut y avoir différentes attentes, l’environnement matériel des enfants). Ces inégalités sont également
présentes dans la société en général.

I. QU’EST-CE QUE LA FAMILLE ?


La famille = l’ensemble des personnes apparentées par la consanguinité (avoir un ancêtre en commun) et/ou
l’alliance. On retrouve des liens verticaux et horizontaux.

• La famille élémentaire (conjugale, nucléaire), au sens plus étroit, concerne un, une ou des adultes et
leur(s) enfant(s) biologique(s) ou adoptif(s). Ce type de famille peut être conjugale quand les adultes
sont en couple (marié ou non) ou monoparentale.

• La famille dans un sens plus large, notamment la parentèle, impliquent toutes les personnes avec
lesquelles un individu est apparenté (ex : les cousins, les cousines, …). On pourrait également parler
de lignée, le fait de descendre d’un ancêtre commun qui définit la place dans la société.
L’anthropologie et la sociologie de la famille s’intéressent à la diversité des formes d’alliances (avec ou sans
mariage formel) et de filiation, selon les époques et les aires géographiques. Il n’y a pas une famille «
naturelle » ou « traditionnelle » (ni autrefois, ni ailleurs).
Ex : la société NA, « sans père, ni mari ». Il s’agit d’une société matrilinéaire. Les enfants sont créés par un
homme mais il ne sera pas considéré comme leur père ni comme le mari de la mère. Cependant, la femme
ne sera pas supérieure ou égale à l’homme.

II. L’ALLIANCE
Selon F. Héritier¸ en 2005, il n’existe pas de définition universelle du mariage. Cependant, aujourd’hui, on
pourrait établir quelques critères de définition généralement admis pour le mariage.
« Une union durable entre deux individus socialement reconnue par l’entourage éventuellement consacrée
d’une manière ou d’une autre par des autorités civiles ou religieuses et par des manifestations publiques ».

III. LA FILIATION
La filiation (« être parent de ») peut reposer sur plusieurs aspects (F. Weber) :
• La reproduction¸ de qui proviennent les gamètes, qui a porté l’enfant (le sang)

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• Le droit, qui a ce statut, de par l’accouchement, la présomption de paternité (à partir du moment où
le père est marié avec la mère, il est considéré comme père), la reconnaissance, l’adoption (le nom).
• Le « quotidien », qui se comporte comme un parent (la « parenté pratique », le care (prendre soin),
le flux d’aide financière).
Il n’y a pas de « tradition » universelle de coïncidence entre tous ces aspects (un père, une mère, ayant
officiellement ce statut, qui sont également géniteur et génitrice, et élèvent ensemble des enfants).
« Ce qui confère à la parenté son caractère de fait social n’est pas ce qu’elle doit conserver de la nature :
c’est la démarche essentielle par laquelle elle s’en sépare. Un système de parenté ne consiste pas dans des
liens objectifs de filiation de consanguinité donnés entre les individus ; il n’existe que dans la conscience des
hommes, il est un système arbitraire de représentations, non le développement spontané d’une situation de
fait. » (Lévi-Strauss)
La parenté apparait donc partout comme un fait essentiellement social soumis sans cesse à des manipulations
et à des choix d’ordre symbolique. Toute société tient compte des contraintes biologiques de la reproduction,
mais aucun système n’en est le résultat pur et simple.
Cette filiation peut être unilinéaire (de qui on reçoit son nom, de qui on est considéré comme enfant), le plus
souvent patrilinéaire (rarement matrilinéaire, ce terme est différent de matriarcat car la femme n’est pas
supérieure), ou bilinéaire (indifférenciée).
A. La filiation peut être :
a) Unilinéaire
Rarement société matrilinéaire ≠ matriarcat : les enfants appartiennent au groupe social de leur mère.
Toutefois, les hommes ne sont pas exclus, le plus important est l’oncle de l’enfant qui est le frère de la mère.
Le mari n’est que le géniteur. Ce n’est pas pour autant la femme qui a le pouvoir, c’est toujours l’homme.
Le plus souvent patrilinéaire : la femme s’installe chez l’homme, tout se transmet de père en fils.
b) Bilinéaire (indifférenciée)
Les biens dans l’héritage, le nom, tout se transmet autant par le père que la mère.
Toutes les sociétés du monde, quel que soit leur système de parenté, s’organisent sur la base de plus petites
unités résidentielles qui tournent autour du foyer et du lit. Les anthropologues ont montré la quasi-
universalité de l’unité conjugale (le couple marié et ses enfants), quoique certaines sociétés semblent
attacher peu d’importance au rôle de l’époux. Noyau parent-enfant mais aussi qui habite avec qui ?
Au-delà de ce petit noyau, on cherche à cerner les formes et les fonctions de la co-résidence qui réunissent
plusieurs personnes, apparentées ou non, sous un même toit. Cette demeure peut abriter plusieurs cellules
conjugales.
Dans nos sociétés occidentales qui sont caractérisées par un climat souvent humide et froid, les maisons sont
construites en matériaux solides qui s’imposent à la structure de l’unité familiale, tandis que dans les climats
chauds, l’habitat est fait de matériaux temporaires et s’adapte de façon souple aux transformations du groupe
domestique, en ajoutant des pièces lorsque c’est nécessaire.
En Belgique :
• Loi du 8 mai 2014 : Lorsque les filiations paternelle et maternelle de l’enfant sont établies en même
temps, l’enfant porte le nom choisi par ses parents : soit le nom de son père, soit le nom de sa mère,
soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom pour chacun d’eux

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• Loi du 25 décembre 2016 : En cas de désaccord entre les parents, ou en l’absence de choix, l’enfant
reçoit le double nom, avec les noms de chacun de ses parents placés par ordre alphabétique.

Statistiques des naissances en Belgique en 2018

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2ÈME SÉANCE – PARENTÈLE ET SOLIDARITÉS

I. LES GRANDES TRANSFORMATIONS DE LA FAMILLE AU XXÈME SIÈCLE EN OCCIDENT AU


XXÈME SIÈCLE
La progression de l’égalité de genre (dans les lois et les pratiques) fait partie des évolutions qui ont
profondément transformé la famille. Comment définir le genre ?

Selon « Introduction aux études sur le genre », le genre = un système de bi-catégorisation hiérarchisé entre
les sexes (homme/femme) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculins/féminins).
Donc on voit le genre comme un système qui se divise en 2 sous-systèmes : il est impossible de parler des
différences entre H et F sans parler de hiérarchie.

Le concept de genre implique approche constructiviste des différences et inégalités entre H et F : elles ne sont
pas immuables, inévitables… Comment elles sont construites socialement, à travers des processus qu’on peut
étudier ? Comment elles varient dans le temps et dans l’espace ?

Pourquoi préférer la notion de genre au sexe ? « Sexe » peut sembler trop ambigu (être H/F, partie du corps,
sexualité), d’où l’intérêt de « genre ». Mais la notion de sexe est toujours utilisée dans des travaux
sociologiques (on peut parler d’inégalités entre les sexes avec la même approche constructiviste).

A. Grands bouleversements
Bouleversements à partir des années 60-70 causés par une diffusion de la contraception « moderne », un
recul du mariage, une montée du divorce, …). Parallèlement, la sociologie de la famille devient un champ de
recherche à part entière (autonomie, spécialisation).

Chaque « nouvelle » forme de famille suscite ses débats de société et ses vagues de travaux sociologiques
(ex : monoparentalité dans les années 70 ; mariage homosexuel et homoparentalité dans les années 90, 2000).

B. Moins de normes, plus de liberté ?


• Il y a la diffusion de la contraception « moderne », la légalisation de l’avortement, une baisse de la
fécondité (généralement moins de 2 enfants / femme).
• Une généralisation du travail féminin rémunéré (Occident capitaliste dans les années 60-70)
• Une entrée dans la sexualité plus précoce et le plus souvent hors de la perspective du mariage ainsi
que des entrées dans la conjugalité et dans la parentalité plus tardives. (1er enfant autour de 28 ans
en moyenne pour les femmes de l’UE).

a) Du mariage d’amour au couple d’amour


Déclin du mariage, diffusion de la cohabitation hors-mariage, augmentation des naissances hors-mariage.
Parallèlement, on retrouve une augmentation des divorces. Aujourd’hui il suffit de vouloir divorcer pour
pouvoir divorcer, mais avant il fallait prouver qu’il y avait eu une erreur de la part de l’autre, il fallait une
bonne raison pour pouvoir divorcer. Disparition du divorce pour faute et consentement mutuel ! Il y a
également une diffusion des familles recomposées, monoparentales, puis homoparentales, etc.

Il y a une importance de l’amour dans le couple qui prône sur le mariage : il n’y a plus d’amour alors plus de
séparation. Il y a une dissociation entre conjugalisation, sexualité et procréation.

b) Quelques jalons législatifs en Belgique


Années 1970-1990 : il y a une levée progressive de nombreux obstacles procéduraux au divorce.

2000 : introduction d’un contrat de cohabitation légale pour les couples hétéro- comme homosexuels
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2003 : élargissement du mariage aux couples homosexuels

2007 : assouplissement considérable de la procédure de divorce (disparition du « divorce pour faute »)

« Le couple marié avec enfants élevés par l’épouse inactive » n’aura été qu’« une courte parenthèse
historique » dans les pays occidentaux (années 20-60) – Déchaux, 2009.

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C. La persistance des déterminismes
a) Le choix du conjoint

Les enquêtes de l’Institut d’études démographiques (INED) français sur le « choix du conjoint » et la
« formation des couples » :
• 1964 : Alain Girard – uniquement sur les couples mariés
• 1987 : Michel Bozon & Francois Héran – Y compris sur les couples cohabitants non mariés
(questionnaires + entretiens)
Qui épouse qui ? Origines sociales des conjoints dans les couples français âgés de moins de 45 ans (mariés ou
non). Elles sont à la recherche de conjoints qui sont souvent du même niveau social qu’elles. Ex : les filles de
cadre épousent les hommes de cadre, les filles d’agriculteur épousent les fils d’agriculteur, …

Homogamie = « la foudre, quand elle tombe, ne tombe pas n’importe où : elle frappe avec prédilection la
diagonale ».

Structure des rencontres par catégorie sociale et profil social des lieux de rencontre. Champ : personnes
vivant en couple, mariées ou non, et âgées de moins de 45 an au 1er janvier 1984 (dans 98% des cas, la vie
commune a débuté entre 1960 et 1984). Les couples sont classés ici selon la profession de l’homme.

La structure des rencontres selon les lieux de rencontre :


• Lieux publics : bal, tête publique, rue, commerce, sorties de groupe en ville, voisinage : lieux de
rencontres typiques des classes populaires
• Lieux réservés : association, lieu d’études, lieu de travail, boite, concerts, sorties de groupe au
restaurant, cinéma, sport, lieux de vacances, animation culturelle : lieux de rencontres typiques du
pôle culturel des classes supérieures
• Lieux privés : domicile privé, fête de famille, fête entre amis : lieux de rencontres typiques du pôle
économique des classes supérieures.

➔ Le choix du conjoint parait plus libre qu’autrefois, mais il reste déterminé par la classe sociale.
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b) Les inégalités de genre

Elles ont reculé mais restent importantes (division du travail domestique, violences conjugales).

D. Un repli sur la famille élémentaire ?

Famille = l’ensemble des personnes apparentées par la consanguinité (avoir un ancêtre en commun) et/ou
l’alliance, selon Dechaux et Le Pape (2021). → liens verticaux et horizontaux

• Famille élémentaire : un.e/des adulte(s) et leurs enfant(s) (biologiques ou adoptifs). La famille


élémentaire peut être conjugale, c-à-d lorsque les adultes sont en couple (marié ou non, monogame
ou non)
• Famille dans un sens plus large : notamment parentèle = toutes les personnes avec lesquelles un
individu est apparenté.

a) La thèse de la « conjugalisation » ou nucléarisation »


Dès le départ, des sociologues comme Durkheim (début XXe) et Parsons (années 1950) s’intéressent à la
famille sans se spécialiser sur ce sujet. Cependant, il existe des limites dans leurs travaux.

Emile Durkheim et plus tard Talcott Parsons présentent la thèse de la « conjugalisation » ou « nucléarisation
» de la famille : au terme d’une évolution historique, la famille a pris une forme adaptée à la société
industrielle, elle n’est plus une unité de production, sa fonction est essentiellement affective (éduquer les
enfants, stabiliser enfants et adultes). Ex : Durkheim parlait déjà du rôle protecteur du mariage contre le
suicide : le taux de suicide des hommes mariés est plus bas que celui des hommes célibataires.

Elle s’est aussi détachée de la famille étendue devenue superflue, et de par l’exigence de mobilité.
Contrairement à la famille d’autrefois où le but est de rester attaché à sa terre, avec l’industrialisation, nous
sommes obligés de bouger pour trouver du travail.

Il y a une asymétrie, une inégalité fonctionnelle entre les rôles de l’homme et de la femme. L’homme étant
tourné vers l’extérieur et la femme vers l’intérieur du foyer, Parsons ne dénonce pas ça comme une inégalité
mais dit que c’est une harmonie fonctionnelle et une complémentarité des rôles.

Cette thèse est démentie de deux manières :


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• C’était une idée reçue : l’Europe d’autrefois n’était pas dominée par la co-résidence en réalité on avait
une grande diversité. Par exemple, il y avait beaucoup de familles nucléaires en Angleterre, dans le
nord de la France et en Belgique et beaucoup de familles étendues dans le Sud de la France. Donc on
en avait déjà beaucoup par le passé. Il n’y pas de schéma d’un passé vers le futur, à chaque époque
il y a une grande diversité.

• Les familles occidentales d’aujourd’hui ne sont pas aussi nucléarisées qu’on avait pu le croire (ex :
résidence à proximité, échanges d’argent et de services).
La parentèle (kindred) d’un individu = ses parents par le sang et l’alliance jusqu’à épuisement des liens
généalogiques que sa mémoire ou celle de son groupe parental peut retenir. Qui fait partie de ma parentèle ?
Il n’y a pas de définition préalable, il faut se demander comment elle se manifeste en pratique ? Par exemple,
qui vient aux enterrements ? La parentèle est comme un réseau de sociabilité et d’entraide.
➔ Tout cela a été fortement remis en question

La famille nucléaire a existée en Europe dans le passé également. Il y a une redécouverte de la famille étendue
à partir des années 1990 et une progression de l’égalité entre les sexes, qui n’a pas fait s’écrouler la famille et
la société.

On observe de grands bouleversement à partir des années 1960-70 de par la diffusion de la contraception «
moderne », le recul du mariage, la montée du divorce, etc. Parallèlement, la sociologie de la famille devient
un champ de recherche à part entière. (autonomisation, spécialisation)

A partir des années 70 il y aura des sociologues qui vont se spécialiser dans la famille : on aura donc beaucoup
plus de travail, on fait alors face à une autonomisation de ce champ de recherche.

Depuis ces années-là, il y a eu l’apparition de nouvelles formes de famille à savoir que chaque nouvelle forme
de famille a d’abord suscité des débats de société et en même temps des vagues de travaux sociologiques.
Par exemple, avec la montée du divorce, on aura une augmentation très forte visible des mères célibataires
(on le verra dans les médias etc.). Les sociologues vont alors inventer le concept de familles monoparentales
et vont commencer à beaucoup enquêter sur ce sujet. Depuis les années 2000, on verra apparaitre des
mariages homosexuels, on aura également une vague de travaux des sociologues sur ces familles
homosexuelles.

II. LA PARENTÈLE EN PRATIQUES


A. Des solidarités au-delà de la famille élémentaire
a) Verticalité et matrilatéralité des liens familiaux
Il y a des bouleversements de la famille massifs en Occident depuis les années 1960 (déclin du mariage,
montée du divorce, …).

« Les intergénérationnels sont restés très puissants, d’autant plus que le lien conjugal est fragile ». – SM.

Autrefois, il y avait l’importance des liens horizontaux (moi et mes frères et sœurs, oncles, tantes, cousin.e.s)
tandis qu’aujourd’hui on parle de primauté des liens verticaux (moi et mes grands-parents, mes parents, mes
enfants) parfois au détriment de l’horizontal.

Les 3 cercles concentriques de la parentèle :

• 1er cercle qui est mobilisé dans la vie quotidienne, notamment résidentiel : ma/mon conjoint(e) et
mes enfants

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• 2ème cercle, typiquement mobilisé à Noël) : 1er cercle + mes frères et sœurs, mes grands-parents et
mes petits-enfants
• 3ème cercle, typiquement mobilisé aux mariages et enterrements : il se compose des 2 premiers
cercles + les oncles et tantes, cousins et cousines
• Le décès de grands-parents dans le 2ème cercle entraine un risque de disparition du 3ème cercle.

Ceci est la tendance dominante mais cela ne veut pas dire que ça se produit dans chaque famille

Verticalité : part de choix qui est plus forte et lien plus affinitaire. Il y a une grande variabilité des liens entre
frères et sœurs. Les grandes fratries ne sont pas soudées que les petites, elles testent le lien entre frère et
sœur. Il y a une forme d’inégalité selon le rang dans la fratrie, les ainés ont un niveau de diplôme plus élevé
que les plus petits.

Bien que le système de filiation des sociétés occidentales soit indifférencié, c'est-à-dire ne fasse en droit
aucune différence entre les lignes paternelle et maternelle (sauf pour la transmission du nom de famille
jusqu'à ces dernières années), dans les faits un biais du côté des liens verticaux entre femmes donc
matrilatéral est décelable dans les relations au sein des parentèles. (Ne pas confondre avec filiation
matrilinéaire).

Exemple : être plus proche de ses grands-parents maternels que paternels. Pour un homme, être plus proche
de la fratrie de son épouse que de ses propres frères et sœurs... donc leurs enfants seront plus proches de
leurs oncles et tantes maternels. → La mère est plus souvent dans l’entraide et est souvent mentionnée dans
l’histoire de la famille. C’est elle qui centralise les infos et fait le liens avec les parents plus éloignés. Les
réunions de famille reposent aussi sur ses épaules. Elle a le travail d’entretenir les liens, les femmes le font
plus souvent que les hommes en raison de la socialisation, on a été éduqué comme ça.

b) Quelles obligations ?
i. Proximité résidentielle et échanges
Pour comprendre les relations des individus avec leur parentèle, les enquêtes quantitatives et qualitatives
s’intéressent à 4 types d’indicateurs :

• Aux appréciations subjectives : qui est considéré comme proche, qui les gens désignent-ils, …
• A la résidence : habiter ensemble ou à proximité
• Aux sociabilités : la fréquence des contacts en général, se voir, se téléphoner, s’écrire
• Aux échanges : se rendre des services que la famille se rend, donner de l’argent ou une aide en nature
(cadeaux, achats de vêtements ou de nourriture… Difficile à retrouver dans les enquêtes car les gens
ne se rendent pas compte de la somme d’argent qu’ils ont dépensé pour leur famille tellement c’est
naturel.

Selon Déchaux, les trois composantes de l’économie cachée de la parenté sont :

• Entraide domestique : échanges réguliers de service (care auprès d’enfants, personnes âgées, …) →
prioritairement entre femmes dans la lignée maternelle
• Soutien relationnel : aide ponctuelle pour accéder à des ressources (trouver un logement, un
emploi, …) → potentiellement dans l’ensemble de la parentèle
• Redistribution de revenu : dons d’argent ou bien d’une valeur importante (aide financière, héritage,
don d’une voiture, …) → prioritairement dans les lignées.

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Des obligations qui vont moins de soi qu’autrefois. Les
enfants sont très aidés par leurs parents et un peu
moins souvent par leurs grands-parents. Les jeunes
n’aident pas avec l’argent mais rendent des services
mêmes s’ils deviennent plus rares. Les dons d’argent
vont en sens inverse et donc exclusivement de haut en
bas. Les jeunes financent les retraites des vieux et les
vieux aident les jeunes en leur donnant de l’argent.
Cependant, les échanges de services vont dans tous les
sens.

Il y a une exception à ces échanges de dons d’argent :


les immigrés, eux, ça va du sens autant en bas qu’en
haut, il n’y a pas de système de retraite aussi généreux
qu’en France. Les bornes d’âge ont été définies sur
base de calculs démographiques, sur tout un tas de
paramètre sur la structure de la population,…

Les solidarités entre générations : Vieillesse, famille, Etat, Paris, Nathan

Il y a un « nouvel esprit de famille » (Claudine Attias-Donfut, Lapierre, Segalen, 2002). Il est caractérisé par
sa souplesse et la démocratisation des relations entre les plus âgés et les plus jeunes, une large
reconnaissance du droit à l’autonomie, une légitimation du sentiment. Dans l’ensemble, les lignées
apparaissent au service des individus, alors que jusqu’aux années 1930-1950, les individus étaient au service
de la lignée.

Les obligations filiales – celles des enfants adultes à l’égard de parents vieillissants – ne constituent pas un
ensemble de règles imposées de l’extérieur, mais plutôt un paysage normatif négocié dans chaque situation,
réévalué si nécessaire.

Selon Janet Finch (1989), on retrouve 3 modèles de « family obligations » :

• Dans les pays scandinaves, l’emphase est plutôt placée sur l’autonomie et les droits individuels ; ceux
qui ont besoin d’être aidés se tournent vers l’État, notamment les vieux, plutôt que vers la famille.
Par ailleurs les soutiens financiers sont destinés aux individus, et ne transitent pas par la famille.
• Dans un second groupe, où figurent l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, les soutiens
publics transitent par les familles qui sont censées s’occuper de leurs jeunes et de leurs vieux.
• Enfin dans un troisième groupe qui rassemble les pays méditerranéens, on attend de la parenté
élargie qu’elle soutienne ses membres. Les soutiens publics sont relativement faibles ».

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→ Proximité résidentielle entre les +80 ans et leur enfant le plus proche géographiquement

B. La grand-parentalité

On se trouve dans un contexte d’allongement de l’espérance de vie tout court donc on parle de la moyenne
où on est en bonne santé et où notre dépendance à quelqu’un n’est pas engagée. → on vit plus longtemps et
il y a plusieurs générations coprésentes (parfois jusqu’à 5 !)

« En 2010, l’espérance de vie se situe à 78,2 ans pour les hommes et 84,8 pour les femmes, de sorte que de
nos jours les générations coexistent, se chevauchent et ne se succèdent plus. Un jeune âgé de 20 ans a encore
aujourd’hui deux grands-parents en moyenne alors qu’il n’en avait que 0,14 au XVIIIe siècle ».

Les « baby-boomers » (donc nés dans le pic de la natalité fin de la deuxième guerre mondiale) des Trente
glorieuses sont devenus des « papy-boomers », ils arrivent à la retraite avec en moyenne un bon niveau de
vie et une bonne santé et ils sont très disponibles pour leurs petits-enfants. (d’autant qu’ils en ont peu, avec
la baisse de la fécondité).

« Une enquête [française] quantitative et qualitative fondée sur la base de l’étude de familles à trois
générations dévoile l’importance considérable de leur rôle (Claudine Attias-Donfut et Segalen, 1998). Ce sont
de « nouveaux » grands-parents en ce qu’ils ont connu toutes les transformations sociales et culturelles des
années 1970. Les femmes, notamment, ont bénéficié des formes modernes de la contraception, du droit à
l’avortement ; elles se sont engouffrées sur le marché du travail. Leur maturité est contemporaine des
changements législatifs qui font d’elles les égales des hommes au sein de la famille. Elles et ils ont élevé leurs
enfants dans un climat de dialogue qui rompt avec l’autorité des générations précédentes.

Cette génération atteint l’âge de la grand-parentalité, d’après les résultats de l’enquête à trois générations, en
ayant bénéficié d’une ascension sociale sans précédent. Les « baby-boomers » se sont transformés en « papy-
boomers », dynamiques et affectueux. Ils entrent dans le nouveau troisième âge qui n’est pas associé à la
vieillesse, mais caractérise un groupe d’hommes et de femmes, « les seniors », bénéficiant de bonnes
retraites, en bonne santé, et disponibles pour leur famille.

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« Si l’on compare les modalités de la garde selon les pays d’Europe, une claire opposition entre les grands-
parents du Nord et du Sud se manifeste, ces derniers gardant quotidiennement leurs petits-enfants et se
substituant aux parents et aux modes collectifs de garde »

Attias-Donfut, Claudine. « Les grand-parents en Europe : de nouveaux soutiens de famille », Informations


sociales, vol. 149, no. 5, 2008, pp. 54-67

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3ÈME SÉANCE – DEVENIR ADULTE, DEVENIR PARENT

I. INTRODUCTION
A. Une première définition de la jeunesse, selon la littérature sociologique : Des passages de
seuils
• Premier seuil : Fin d’études
• Deuxième seuil : Entrée dans la vie professionnelle
• Troisième seuil : Départ de chez les parents (décohabitation)
• Quatrième seuil : Entrée dans la conjugalité (pas forcément le mariage car déclin)
• Cinquième seuil : Entrée dans la parentalité (la naissance du premier enfant)

B. Devenir adulte : le poids du genre et de la classe sociale


Si on prend l’exemple de la France, de l’entre-deux-guerres aux années 1960. Avant cela, dans les sociétés
traditionnelles, la jeunesse n’a pas d’existence sociale, on passe directement d’enfant à adulte. De là, naissent
deux modèles d’entre-deux-guerres :

• Le modèle populaire (homme/femme) : les hommes des classes populaires ont une jeunesse après
l’école (obligatoire) et souvent dès 14 ans jusqu’au service militaire et leur mariage. La scolarité
augmente jusqu’à 16 ans. Pour les femmes, c’est le même modèle. Cela commence à la fin de la
scolarité jusqu’au mariage.
• Le modèle de jeunesse bourgeoise : on retrouve un mode de vie estudiantin qui se met en place, les
jeunes favorisés socialement peuvent repousser ces obligations. Ils peuvent commencer à travailler
plus tard, se marier plus tard, …

C. Les grandes évolutions de la 2e moitié du XXe siècle : allongement et dé-standardisation de


la jeunesse
a) Allongement de la jeunesse avec notamment :
• Diffusion du modèle masculin: jeunesses féminines deviennent plus longues et plus tournées vers les
études et la vie professionnelle même si les femmes continuent à partir de chez leurs parents, à
s’installer en couple et avoir un 1er enfant plus tôt que les hommes.
• Diffusion relative du modèle bourgeois-étudiant grâce à un processus de massification scolaire et
universitaire.

Attention, l’allongement de la jeunesse n’est pas vécu de la même manière selon la classe sociale.

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b) Dé-standardisation
Diversification et individualisation des trajectoires (≠ illustrations des escaliers des « âges de l’homme » et «
de la femme ») Les trajectoires sont moins standards. On s’éloigne des images de gravures montrées au début
du cours...

c) Désynchronisation (Galland, 1997)

Ancien schéma

Nouveau schéma
(Différentes manières de
passer d’un seuil à l’autre

a) Réversibilité (Walther, 2006)

➔ Le passage des seuils est devenu réversible donc « transitions yo-yo »

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D. Récapitulatif
• L’âge est comme une construction sociale
• Devenir adulte : le poids du genre et de la classe sociale
• Les grandes évolutions de la 2e moitié du XXe siècle : allongement et dé-standardisation de la
jeunesse (individualisation, désynchronisation, réversibilité).

II. L’ENTRÉE DANS LA CONJUGALITÉ ET DANS LA PARENTALITÉ


A. La baisse de l’âge du 1er sexuel
Selon « Initiation sexuelle et genre : comparaison des évolutions de douze pays européens » (Bozon & Kontula,
1997) :

• Age médian du 1er rapport en Belgique


o Pour les hommes nés en 1942-51 : 19 ans et les hommes nés en 1972-73 : 17,4 ans
o Pour les femmes nées en 1942-51 : 20 ans et les femmes nées en 1972-73 : 18 ans

Selon Bajos & Bozon, ils confirment que l’âge au premier rapport sexuel (par sexe et génération (année des
18 ans) se stabilise autour de 17,5 ans (« Enquête sur la sexualité en France », 2008)

a) La première fois : avec qui ?


Selon Bajos et Bozon (2008) « Enquête sur la sexualité en France » :

Evolutions des années 1960 à nos jours

• (Futur.e conjoint.e)
o Autrefois : la grande majorité des femmes et 1/3 des hommes
o Aujourd’hui : 1/5 des femmes et 1/10 des hommes
• Amoureux/amoureuses
o Autrefois : 1/5 des femmes et 1/3 des hommes
o Aujourd’hui : ¾ des femmes et 2/3 des hommes (Modalité la plus courante)
• Partenaire occasionnel.le
o Autrefois : 1/3 des hommes et seulement 8% des femmes
o Aujourd’hui : 27% et 7% des femmes

b) Le lieu du premier rapport


Selon Bajos et Bozon (2008) « Enquête sur la sexualité en France » :

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• Années 1960 : parmi les hommes, ont eu plus souvent que les jeunes leur premier rapport en plein
air (plage, forêt, …). Parmi les femmes, plus souvent au domicile conjugal ou ) l’hôtel pendant le
voyage de noce.
• Année 2000 : les hommes comme les femmes déclarent plus souvent des lieux privés (surtout chez
les parents).

On a observé un rapprochement des expériences des jeunes hommes et femmes (moment, contexte
relationnel et lieu du 1er rapport). Mais le contrôle parental reste très genré.

Selon Bozon (2012), l’interdiction absolue de sortir, qui concernait pendant leur jeunesse les trois quarts des
femmes nées avant 1945, a fortement reculé. Les expériences des femmes et des hommes se sont
rapprochées. Plus que la liberté absolue de sortie, relativement rare, se développent deux formes
d’encadrement: le « contrôle stricte », où les jeunes doivent demander à chaque fois à leurs parents
l’autorisation de sortir lorsqu’ils le souhaitent, ce qui en restreint évidemment la possibilité, et le « contrôle
souple », où il suffit d’informer sur ses intentions et le lieu où l’on se rend. Le premier correspond plutôt aux
jeunes femmes, le second aux hommes »

Ce contrôle fonctionne ! Plus les parents contrôlent les sorties des jeunes femmes, plus le 1 er rapport est
tardif.

Bajos et Bozon constatent (Enquête sur la sexualité en France, 2008) que :

• Plus les parents contrôlent les sorties des jeunes femmes, pus le 1er rapport est tardif (« souple » =
16,5 ans et « strict » = 18,8 ans)
• L’effet est beaucoup moins marqué pour les garçons (« souple » = 17,4 ans et « strict » = 17,5 ans)

Il est devenu banal voire attendu pour les femmes d’avoir une sexualité avant le mariage, mais on attend
toujours d’elles qu’elles inscrivent cette sexualité dans une relation stable, dans l’amour et le couple.

« Les parents sont de plus en plus témoins et complices de la sexualité [hétérosexualité] de leurs enfants non
mariés […]. Le séjour des jeunes au domicile des parents tend à s’allonger à partir des années 1980 et un des
éléments qui rendent possible la prolongation de la cohabitation est justement le non-interventionnisme
sexuel de la génération aînée » (Bozon, 2002, p. 54)

De plus les jeunes gays et lesbiennes partent en moyenne plus tôt de chez les parents car c’est moins accepté
(Rennes, 2016).

16
B. La hausse de l’âge à la naissance du 1er enfant

En France, l’écart temporel qui sépare le premier rapport sexuel d’une femme de la naissance de son premier
enfant, qui était d’à peine 2 ans au XIXe siècle, est passé à environ 10 ans à la fin du XXe siècle » (Bozon, 2002)
C’est surtout pour les femmes que l’évolution est spectaculaire.

• Loi interdisant « la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle » : France (1920)


et Belgique (1923)
• Légalisation de la contraception (autour des années 20, la propagande anti-conception était très mal
vu au départ) : France (1967) et Belgique (1973)
• Légalisation de l’avortement : France (1975) et Belgique (1990, de facto)
• Absence de contraception au premier rapport (femmes) en France (Bozon, 2002) :
o 1970 : seule une femme sur deux était protégée lors du rapport (51%)
o 1988 : 30%
o 1993 : 16%

a) L’émergence d’une « norme procréative »


• Le premier aspect : la « norme contraceptive » = il faut désormais se protéger des grossesses quand
on ne veut pas d’enfants.

17
• Le deuxième aspect : il faut attendre les bonnes conditions (conjugales, socio-professionnelles, …)
pour devenir parent. L’âge idéal de la maternité est de 25-35 ans)

Le passage d’une maternité subie à une maternité volontaire et totalement contrôlée correspond à la
production d’une « norme contraceptive ». Les femmes qui ne prennent pas de contraception alors même
qu’elles ne désirent pas être enceintes sont alors considérées comme « déviantes », ainsi d’ailleurs, dans une
moindre mesure, que celles qui ont opté pour une contraception non médicale, présentée comme archaïque
et dépassée (Bajos & Ferrand, 2001).

En Europe, parmi les femmes nées vers 1970, rester sans enfant demeure minoritaire : la part de celles qui
ne sont pas devenues mères dépasse rarement 15-20%.

C. L’émergence d’une « jeunesse sexuelle » (du 1er rapport au 1er enfant)


D’une vision plutôt négative de la sexualité juvénile, soumise à un double standard moral selon le sexe et à
une obligation de retenue et de chasteté (pour les femmes), on est passé à une représentation de
l’engagement des jeunes dans la sexualité comme normal et attendu, même s’il s’accompagne d’invitations
fortes à la responsabilité et au souci de soi (Bozon, 2012). La sexualité des jeunes femmes est acceptée
d’autant plus si les rapports sont protégés.

L’apparition de l’autonomie sexuelle précède et annonce celle de l’autonomie sociale [résidentielle et


financière] (Bozon, 2002).

III. L’INDÉPENDANCE FINANCIÈRE ET RÉSIDENTIELLE

L’âge médian de la décohabitation dans 24 pays européens (Knijn, 2012)

Quelles sont les deux grandes tendances sociologiques flagrantes, concernant les départs de chez les parents
en Europe ?

• Il y a de grandes différences entre pays européens. Au Nord, les départs sont plus précoces qu’au Sud
et à l’Est.
• Partout en Europe, les femmes partent de chez leurs parents plus tôt que les hommes (l’asymétrie de
genre est d’autant plus forte qu’on est dans le Sud de l’Europe)

18
A. Les quatre mondes de l’Etat-providence (cf Esping-Anderson)
Livre 1ère édition 1990: Trois mondes → Critiques attentives à la dimension du genre (Orloff, 1993) donc
2ème édition 1999 : Trois mondes + Europe du Sud. Il y a au total 4 mondes :

B. Des jeunesses européennes plus ou moins dépendantes de la famille d’origine


En s’appuyant sur la typologie d’Esping-Anderson, on remarque que le principal résultat de l’étude est que
plus l’Etat-providence « défamilialise », plus il favorise l’autonomie des jeunes par rapport à la famille
d’origine, et plus il favorise des parcours individualisés. Ces 4 mondes sont reliés à la façon d’encourager à
devenir adulte, être indépendants sur tous les plans, ils les autonomisent.

« Défamilialiser » la politique sociale = un engagement à collectiviser1 le poids et les responsabilités de la


charge familiale, ce qui est manifestement une condition préalable pour les femmes qui cherchent à
harmoniser travail et maternité. Quelques États-providence sont clairement « familialistes », en ce sens où
l’on admet que la famille est le centre normal des responsabilités en ce qui concerne les besoins sociaux de
ses membres. Inversement, avec leur puissant engagement en faveur de l’égalité des sexes et leur provision
massive de services de soins aux enfants et aux personnes âgées, avec des congés parentaux généreux et des
allocations familiales, on peut dire que les États-providence scandinaves sont hautement « défamilialisants ».
[…] Dans les autres pays, ou bien l’on admet que les familles satisfont leurs besoins sociaux à travers les
transactions du marché (dans les pays libéraux anglo-saxons) ou bien par eux-mêmes (comme en Allemagne,
en Italie et en Espagne) (Esping-Andersen, 2007).

Ce qui est important c’est de ne pas être dans l’idée reçue qu’il y a des mentalités selon les pays d’Europe.
C’est encore aujourd’hui principalement à l’échelle nationale que les politiques d’États-providences se
régulent, que les marchés du travail se délimitent, que certains comportements familiaux trouvent une
homogénéité statistique. Cette combinaison, davantage qu’une propriété intrinsèque et spécifique de
chacune des sociétés [...] [favorise] le développement d’une expérience particulière du passage à l’âge adulte.
(Van de Velde, 2008)

a) Typologie des transitions vers l’âge adulte (cf Van de Velde)


• Danemark : « Se trouver » ou la logique du développement personnel
• UK : « S'assumer » ou la logique de l'émancipation individuelle
• France : « Se placer » ou la logique de l'intégration sociale
• Espagne : « S'installer » ou la logique de l'appartenance familiale

Pour comprendre les différentes politiques de jeunesse en Europe, le plus simple est de partir d’une question :
qui, de l’État, du marché, ou de la famille est censé s’occuper de la période couvrant le temps des études
et de l’insertion professionnelle ? (Van de Velde, 2013)

La première réponse est celle dite « sociale-démocrate », qui privilégie l’État. (Europe du Nord, pays
scandinaves).

1 Action menée en vue d’une appropriation collective des moyens de production et d’échange par expropriation ou par nationalisation.
19
Dans ces pays, les jeunes peuvent donc être indépendants de leurs parents relativement tôt: l’âge médian au
départ de chez les parents reste stabilisé autour de 20-21 ans. Au Danemark règne un modèle individualiste,
c’est plutôt une colocation avec les parents car les jeunes commencent à travailler en petit boulot, ils sont
parfois payés pour des tâches domestiques, … Il y a un plus fort taux d’étudiants tardifs !

La deuxième réponse possible est celle du marché, ou plutôt des marchés : marché bancaire et marché de
l’emploi. Elle caractérise les modèles dits « libéraux » (Royaume-Uni).

Valorisation sociale de l’indépendance individuelle : à partir de 18 ans, l’individu se doit d’être autonome par
ses propres moyens. Faire des études : « politique de prêts étudiants, avec un taux d’intérêt garanti par l’État»,
et « généralisation de l’emploi étudiant ». Modèle libéral, chaque étudiant doit travailler pour payer ses
études. Dettes rentables socialement. Revenu minimum dès 18 ans, il est ouvert partiellement de 18 à 24 ans
et c’est seulement à 25 ans qu’ils peuvent en profiter pleinement.

La troisième réponse est celle de la famille (Sud de l’Europe)

Il peut exister une politique de bourses d’études, mais qui dépend des revenus parentaux. La famille est
implicitement censée prendre en charge l’accès aux études et la période d’intégration sur le marché du travail.
Le revenu minimum n’existe qu’à partir de 25 ans, les aides au logement sont peu élevées, voire inexistantes.

Modèle s’installer : Les jeunes doivent rester dépendants et doivent compter sur leur famille. 3 conditions
doivent être remplies pour en bénéficier : pas de logement, pas d’emploi stable et pas installé en couple
(mariage). Départ très tardif pour ces jeunes… Différence genrée très marquée, les femmes veulent partir le
plus tôt possible que les garçons car elles sont plus contraintes aux tâches ménagères, elles ont plus
d’inconvénients et de restrictions.

Parmi ses trois réponses, la France apparait, dans son approche, relativement hybride. Elle peut être avant
tout considérée, dans ses politiques de jeunesse, comme « familialiste » : elle consacre in fine la famille
comme principal pilier de prise en charge des études et de l’insertion. Entre 18 et 25 ans, les aides sont
relativement faibles en termes de bourses d’études, et le revenu minimum reste au final principalement fixé
à 25 ans. Mais tout comme à d’autres âges de la vie, la tension reste forte entre la famille et l’État dans la
gestion de cette période : elle conjugue cette politique majoritairement familialiste avec quelques traits
sociaux-démocrates, comme l’aide au logement ou certaines aides plus directes (Van de Velde et al, 2013) →
On peut rapprocher la Belgique de la France.

Modèle se placer : méritocratique, l’indépendance partielle vis à vis des parents durant les études est
valorisée, l’autonomie est très prônée, les études très importantes figent la trajectoire de l’individu. Le départ
se fait en moyenne à 24 ans, à la fin des études. On n’attend pas d’être en couple pour partir, on vit seul sans
problème. L’emploi étudiant est assez rare.

L’Europe de l’Est (anciennement communiste) est à rapprocher de l’Europe du Sud avec une différence
importante: entrée en parentalité précoce (25 ans) et souvent avant de décohabiter. (Ferreira et Nunes, 2010 ;
Claro, 2018) L’état aide très peu dans ces pays. La cohabitation entre les différentes générations restent très
importantes.

IV. CONCLUSION

Dans ces dernières décennies, il y a un processus d’allongement et de dé-standardisation de la jeunesse.

Concept de « Jeunesse sexuelle » : une convergence entre hommes et femmes, mais des asymétries de genre
persistantes, on attend des femmes qu’elles se tournent plus précocement vers le couple et les enfants.

20
Les jeunesses sont modelées par des régimes d’État-providence assez différentes d’un pays à un autre malgré
cette tendance générale d’allongement et de dé-standardisation.

21
4ÈME SÉANCE – DIVORCE ET RECOMPOSITIONS FAMILIALES

Quelles variations entre pays européens ces deux documents mettent-ils en évidence ? Comment
s’expliquent-elles ?

I. INTRODUCTION
A. Les évolutions de la famille en Occident depuis 1960s
• Généralisation du travail féminin rémunéré
• Dissociation entre sexualité, procréation et mariage : diffusion de la contraception « moderne »,
légalisation de l’avortement, baisse de la fécondité (généralement moins de 2 enfants/femme)

Avant, les normes sociale étaient très fortes et exigeaient une coïncidence entre les trois. Depuis les années
soixante, grâce à la contraception, les trois sphères se diffusent et se séparent. On parle du « Du mariage
d’amour à l’amour sans mariage » (S&M) :

• Déclin du mariage
• Diffusion de la cohabitation hors-mariage
• Augmentation des naissances hors-mariage - Augmentation des divorces : évolution vers les modèles
actuels où il n’y a pas besoin d’avoir un motif ou une faute pour prononcer le divorce. Le motif ou la
faute constitue un moyen qui permet la facilitation du divorce mais ce n’est pas la cause unique.

Contrairement aux apparences, le couple demeure cependant dans les esprits une référence centrale. S’il est
devenu plus instable et statistiquement minoritaire, c’est justement parce que les acteurs exigent plus de lui
[...]. Paradoxalement, l’idéalisation du couple est à l’origine de sa fragilité , le rendant plus complexe à
construire ». (Kaufmann 2017)

Quelques jalons législatifs en Belgique :

• Années 1970-1990 : levée progressive de nombreux obstacles procéduraux au divorce


• 2007 : assouplissement considérable de la procédure de divorce (disparition du « divorce pour
faute »)
➔ Voir les graphiques p5

En observant les graphiques (p5), on voit que les mariages de 2000 ont le plus de fin de divorce. C’est 1/3 des
mariages qui se finissent par un divorce. Du mariage d’amour au couple d’amour : déclin du mariage, diffusion
de la cohabitation hors-mariage et augmentation des divorces → diffusion des familles recomposées et
monoparentales
22
Généralement les individus dans notre société ne divorcent pas parce que le mariage a perdu pour eux de
l’importance, mais parce qu’il est devenu tellement important qu’ils ne peuvent tolérer moins que le succès
complet de l’engagement matrimonial qu’ils ont contracté avec cet individu en particulier.

II. SE SÉPARER
A. Où vont vivre les enfants ?
Il y a une nouvelle norme du « bon divorce » : le duo parental doit survivre au couple, il faut partager l’autorité
parentale. Les parents doivent continuer à partager la coparentalité surtout chez les personnes diplômées. .
Comment partager l’hébergement ?

Le partage d’hébergement s’est d’abord fait de manière informelle, mais actuellement, la Justice l’instaure.
On l’appelle « Hébergement égalitaire ». Beaucoup de pays occidentaux ont ensuite instauré des cadres
légaux (surtout autour des années 2000). « Cette organisation post-séparation progresse partout, tout en
demeurant minoritaire ».

a) En France
• En 1987 : la possibilité d’une exercice conjoint de l’autorité parentale après un divorce
• En 2002 : obligation de l’exercice conjoint de l’autorité parentale (sauf déchéance) + reconnaissance
officielle de la « résidence alternée » (peut être décidée à l’amiable ou imposée en cas de désaccord).
La résidence alternée progresse depuis la loi de 2002. Après un divorce, elle est passée de 12 à 21%.
Après une simple séparation, elle est passée de 8 à 11%. Désormais, 71% des enfants de couple
divorcés / séparés résident chez la mère, 12% chez le père et 17% en résidence alternée.

Comment se prend la décision de l’hébergement chez la mère ?

• Dans 80 % ces cas : la justice entérine un accord des deux parents


• Dans 10% des cas : décision prise par la mère / le père ne s’est pas exprimé
• Dans 10% des cas : le père n’était pas d’accord (préférait résidence alternée / résidence chez lui).
Seulement 10% des cas que la Justice s’est opposée à la situation où le père veut s’investir.

Chez la mère car la division genrée existe toujours. C’est donc surtout par « reconduction d’une division
préexistante des rôles parentaux » que cette décision d’hébergement chez la mère est prise :

« Les [pères] n’ont pas de difficulté à affirmer en audience qu’ils ne se sentent pas disposés à s’occuper seul
ou quotidiennement de leurs enfants, n’ayant jamais eu cette expérience, ou qu’ils ne sont pas disponibles
pour ce faire, jugeant leurs horaires professionnels incompatibles avec les emplois du temps enfantins. A
contrario, les mères sont objectivement plus disponibles et par ailleurs prédisposées, sur le plan subjectif, à
envisager spontanément de vivre au quotidien avec leurs enfants après la séparation.

Les nécessités pratiques et les penchants moraux se renforçant mutuellement, la plupart des pères et des
mères ont tendance à adhérer à l’idée que confier le travail parental quotidien à la mère est de l’ordre de
l’évidence ».
Cf Coquard, Benoît, et al. « Des familles au tribunal. Séparations conjugales et reproduction sociale des inégalités de sexe et de classe
», Mouvements, vol. 82, no. 2, 2015, pp. 58-65

« Les pères et surtout les mères occupant des positions professionnelles stables, les affiliant souvent aux
classes moyennes voire supérieures, ont nettement plus de chances de recourir à la résidence alternée que
les hommes et les femmes des catégories populaires ».

L’hébergement égalitaire nécessite :

23
• des logements suffisamment spacieux et équipés en double, suffisamment proches (ce qui est lié à la
stabilité des trajectoires professionnelles)
• un partage du travail parental plutôt égalitaire avant la séparation (ce qui est plus répandu dans les
classes moyennes et supérieures)
Cf Bessière, C., Biland, É. & Fillod-Chabaud, A. (2013), « Résidence alternée : la justice face aux rapports sociaux de sexe et de classe
», Lien social et Politiques, (69), 125–143.

b) En Belgique
• En 1995 : possibilité l’exercice conjoint de l’autorité parentale après un divorce
• 2006 : « hébergement égalitaire » devient le modèle de référence (c’est au parent qui s’y oppose de
démontrer qu’il y a contre-indication) / selon une enquête, juges disent examiner cette option en
priorité mais ne pas l’imposer (Casman et al, 2010).

Résultats d’une enquête en FWB – trois catégories pour présenter les résultats :

Echantillon de 3 à 5 écoles par province wallonne et en région de Bruxelles-capitale > dans chaque école :
une classe par degré et par filière > Plus de 1600 répondant.e.s

• Hébergement exclusif : l’enfant réside 100% du temps chez l’un de ses parents
• Hébergement principal : l’enfant réside plus de 70% du temps chez l’un de ses parents
• Hébergement alterné : l’enfant réside entre 30 et 70% du temps chez un parent et 70-30% du temps
chez l’autre parents. Notons que dans cette enquête, la moitié des jeunes en hébergement alterné
sont dans un modèle strictement égalitaire (50-50).

B. Familles monoparentales
Après une séparation, les enfants restent majoritairement vivre avec leur mère (plutôt qu’avec leur père ou
avec les deux), et se retrouvent ainsi en famille monoparentale (jusqu’à une éventuelle remise en couple de
la mère).

La catégorie « famille monoparentale » apparaît en France dans les années 1970 : des chercheuses (s’inspirant
de l’anglais « one parent family ») ont participé à déstigmatiser cette situation, en réunissant les mères veuves,
divorcées ou jamais mariées dans une même catégorie (Le Faucheur 1975). Ensuite, cette catégorie apparaît
dans la statistique publique. En Belgique, un processus similaire se produit dans les années 1990.

Dans ces deux pays, aujourd’hui, environ 20-25% des familles avec enfant(s) sont monoparentales (environ
30% à Bruxelles et en Wallonie / environ 20% en Flandres). Environ 80-85% de ces familles monoparentales
ont une femme à leur tête.

La monoparentalité, qui est essentiellement féminine, est mieux acceptée qu’autrefois, mais reste considérée
comme une situation à risque. En Europe, le taux de pauvreté monétaire des mono-parents est de « 31 %,
contre 17% pour les couples vivant avec des enfants ». (Le Pape et al 2015).
24
Causes : revenus des femmes inférieurs à ceux des hommes + pensions alimentaires impayées et/ou qui ne
permet pas de compenser les besoins financiers.

Les séparations conduisent souvent à un éloignement avec le père. Le cas le plus fréquent est la non-
cohabitation avec le père. Ceci conduit à une pression pour réussir les brefs moments de visite (« disneyland
dads »).

En France, en 2005, 40% des enfants de moins de 25 ans issus d’une union rompue ne voyaient leur père que
rarement ou jamais. (S&M, chap 4)

C. L’hébergement égalitaire en pratique


Après une séparation, une minorité significative des enfants vivent (à peu près) autant avec leur mère qu’avec
leur père (30%), et se retrouvent ainsi dans deux familles monoparentales (jusqu’à une éventuelle remise en
couple de chaque parent). C’est une situation plus rare mais une minorité significative.

En France comme en Belgique, c’est le rythme « une semaine sur deux » qui domine (Hachet, 2014) : 75%
d’un échantillon de dossiers résolus à l’amiable selon une enquête belge (Merla et al., 2020). Il en existe
également d’autres types plus inventifs et minoritaires.

Hébergement « égalitaire » ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’inégalités de genre ! On observe une réticence
à éloigner les plus petits enfants de leur mère (moins pour les plus grands). Cette réticence est directement
liée aux stéréotypes de genre puisque l’on voit moins un homme s’occuper d’un bébé. La réticence rediminue
à l’adolescence : plus les enfants sont âgés, plus on demande l’avis aux ados ; donc ils peuvent s’exprimer
contre l’hébergement égalitaire (ou pour). Aussi, avoir un réseau social important pour l’adolescent au niveau
d’une localité liée à un parent pourrait être un élément de stabilité d’hébergement et donc contre l’égalité
d’hébergement (on empêche l’égalité parce que le jeune perdrait son réseau social).

• En France : « La résidence alternée croît avec l’âge des enfants pour être maximale quand ils sont à
l’école primaire, avant de diminuer à l’adolescence » ; « Elle est relativement rare pour les enfants de
moins de 5 ans, elle atteint un sommet entre 5 et 10 ans pour représenter un quart des décisions,
puis décroit régulièrement jusqu’à ne représenter que 14 % des décisions relatives aux enfants de 15
à 18 ans » (Hachet 2017)
• En Belgique : pas de données similaires / une enquête (par entretiens) montre que les juges sont très
réticent.es à l’hébergement égalitaires avant 6 ans (Merla et al 2020)

De plus, on observait des réticences de certaines mères :

• Une crainte que les pères soient moins disponibles qu’elles


• Elles se sentent perdantes financièrement car le salaire est plus bas en général chez les femmes.

Enquête qualitative : Pourquoi certaines mères vivent mal la résidence égalitaire ?

25
« Les mères déplorent d’abord un partage des tâches et du soin des enfants très inégalitaire : ce sont elles
qui se sont occupées principalement sinon exclusivement des enfants, soit du fait d’une certaine inconscience
du père, soit de son investissement dans son travail professionnel, ce père « s’en occupant le week-end,
comme un papa qui joue avec eux ».

« Elles n’ont donc pas confiance en lui en tant qu’éducateur au quotidien : « C’est un père qui ne voulait pas
être dans le conflit avec ses enfants, et encore moins aujourd’hui. Sur tout ce qui touche au niveau éducatif, il
est plutôt laxiste. Les enfants se couchent à n’importe quelle heure, ils regardent n’importe quoi à la télé…
Chaque fois que je les récupère, ils sont crevés, énervés. »

+ Sans pension alimentaire, se sentent perdante financièrement (comment partager équitablement les
dépenses ?).

III. SE REMETTRE EN COUPLE

Dans les années 1980, nous sommes de nouveaux termes : « familles reconstituées », « secondes familles »,
familles recomposées » finalement (en anglais : blended family).

« Est dite recomposée toute famille comprenant un couple vivant avec au moins un qui n’est pas celui des
deux conjoints » cf Leridon (1995).

Les pères non gardiens, plus prompts à revivre en couple que les mères gardiennes, sont absorbés par ce
nouvel ancrage familial ».

A. Beaux-pères et belles-mères

Frères et sœurs « entiers » / « demi » / « quasi » ? Comment nommons-nous ce lien ? Les fratries recomposées
sont plus nombreuses, et avec des écarts d’âge plus importants.

L’importance de la cohabitation :

« Dans une étude conduite sur les demi-germains, Eric Widmer souligne l’importance de la cohabitation, qui
« fabrique » des frères et sœurs finalement assez ordinaires, et soumis aux mêmes tensions […]. La relation
de demi-germanité semble essentiellement se construire autour de deux structures incontournables : les
différences de résidence et de classe d’âge. Le fait de ne partager qu’un seul des deux parents semble être
plus secondaire dans la structuration du lien » (Widmer 2008, cf S&M, chap 5)

« Lorsque ni le sang ni le droit ne viennent préalablement assigner à chacun un statut, un rôle, une façon de
se conduire avec ses proches, être père ou mère, frère ou sœur, […] perd son caractère d’évidence ».

Tensions pouvant apparaitre avec la recomposition :

• « Déplacement dans l’ordre de la fratrie » (aîné, cadet…)

26
• « Principe de l’égalité de traitement » / réalité de la corésidence ou non (habitude des règles de vie)

27
5ÈME SÉANCE – HOMOCONJUGALITÉ, HOMOPARENTALITÉ

I. INTRODUCTION
A. Rappel séance 1

L’anthropologie et la sociologie de la famille s’intéressent à la diversité des formes d’alliance (avec ou sans
mariage formel) et de filiation, selon les époques et les aires géographiques.
« Ce qui confère à la parenté son caractère de fait social n’est pas ce qu’elle doit conserver de la nature : c’est
la démarche essentielle par laquelle elle s’en sépare. Un système de parenté ne consiste pas dans des liens
objectifs de filiation de consanguinité donnés entre les individus ; il n’existe que dans la conscience des
hommes, il est un système arbitraire de représentations, non le développement spontané d’une situation de
fait » (Lévi-Strauss, 1959, p. 61).
La parenté apparaît donc partout comme un fait essentiellement social soumis sans cesse à des manipulations
et à des choix d’ordre symbolique. Toute société tient compte des contraintes biologiques de la reproduction,
mais aucun système n’en est le résultat pur et simple.

B. La filiation (« être parent de ») peut reposer sur plusieurs aspects


• La reproduction : de qui proviennent les gamètes, qui a porté l’enfant (« le sang »)
• Le droit : qui a ce statut, de par l’accouchement, la présomption de paternité, la reconnaissance,
l’adoption... (« le nom »)
• Le « quotidien » : qui se comporte comme un parent (« parenté pratique », care, flux d’aide financière)

Florence Weber (2005)

Attention aux idées reçues : il n’y pas de « tradition » universelle de coïncidence entre tous ces aspects (un
père, un mère, ayant officiellement ce statut, qui sont également géniteur et génitrice, et élèvent ensemble
des enfants) qui aurait été récemment, en Occident, bouleversée par la procréation médicalement assistée
ou l’homoparentalité.

Par exemple, on peut retrouver des traditions d’unions entre des personnes de même sexe dans diverses
sociétés : (1) Mariages entre hommes (les royaumes Azandé du Sud-Soudan, avant la colonisation (Mathieu,
2005) ; (2) Mariages entre femmes (en cas d’absence d’un héritier mâle (Mathieu, 2005), en cas de stérilité
féminine (Héritier, 2005).

C. Point sur la terminologie


Parentalité (« parenthood) plutôt que « parenté, à partir des années 70, = l’exercice de fonctions parentales,
le fait de prendre soin d’un enfant et de l’élever. Le terme « parenté » se réfère davantage aux définitions de
ce que sont des parents, un père, une mère notamment dans le cadre de la filiation légale. (Gross, 2017)

A cela, on voit l’apparition des termes « Monoparentalité » (années 1970) puis « Homoparentalité »
(néologisme introduit par l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens en France en 1999).

28
II. L’HOMOSEXUALITÉ DANS LES LÉGISLATIONS : DE LA PROHIBITION À L’ÉGALITÉ DES
DROITS
A. Prohibition

Nous avons connu toute sorte de loi qui interdisait et prohibait l’homosexualité, une prohibition presque
toujours réservée aux hommes. Les relations entre femmes sont un peu oubliées par ces lois tellement
l’homosexualité féminine semble impensable. On retrouvera des peins plus ou moins sévères partout dans le
monde.

L’exportation de la prohibition s’est faite via la colonisation des pays occidentaux presque partout dans le
monde. Ca visait les relations intra-masculines, les femmes lesbiennes étaient complètement impensables et
donc même pas évoquées.

En plus de ces lois, le phénomène de pathologisation de l’homosexualité (internements forcés, thérapies de


conversion) était d’actualité autant pour les hommes et pour les femmes. Il va y avoir des internements forcés
en hôpitaux psychiatriques et des thérapies en reconversion, toute sorte de traitement pour rendre les
homosexuels hétérosexuels.

On retrouve également des inégalités face à la majorité sexuelle. En France, jusqu’en 1982, l’homosexualité
n’était plus interdite depuis longtemps mais la majorité sexuelle était de 15 ans pour les hétérosexuels mais
de 18 ans voire 21 ans pour les homosexuels. L’idée était de protéger les enfants face à l’homosexualité le
plus longtemps possible.

B. Dépénalisation
Ce phénomène succède le phénomène de prohibition et est arrivé très tôt en France et en Belgique (1791)
puis beaucoup plus tard en Angleterre (1967).

En 1990, il y a la suppression de l’homosexualité de la liste des maladies mentales par l’Organisation mondiale
de la santé (OMS).

Les interdictions persistent essentiellement en Afrique, au Moyen Orient et dans une partie de l’Asie.

C. (Droit au) Quasi-mariages et mariages


Dans un premier temps, il y a des contrats pour les homosexuels : « Partenariat enregistré » au Danemark
(1989), pacte civil de solidarité (PACS) en France (1999) (ou encore : Lebenspartnerschaft, civil partnership, …).
On parlera ensuite de « semi-mariage » ou « quasi-mariage » (Festy, 2006).

Il est important de voir que dans ce contexte de l’émergence des premiers contrats de ce type, apparaissent :

• Une émergence des lois visant à lutter contre l’homophobie et les discriminations liées à l’orientation
sexuelle
• L’épidémie du Sida, qui laisse de nombreux compagnons endeuillés sans statut ni protection.
L’épidémie du Sida atteint son pic de mortalité au début des années 90. A la fin des années 90, cela
change car on trouve de nouveaux traitements mais dans une période où beaucoup d’individus
décèdent de cette maladie notamment parmi les hommes homosexuels. Il faut imaginer des
situations où un des membres du couple d’homme décède du Sida et son compagnon se voit expulser
de l’appartement qu’ils louaient ensemble, interdit par la famille du défunt d’assister à l’enterrement,
de récupérer un héritage,… C’est cette situation extrême du deuil qui fait prendre conscience de
l’importance que peuvent offrir la loi dans un couple hétérosexuel.
29
Ce sont concrètement des contrats + restreints, + légers que le mariage (en terme de droits, devoirs,
conditions de rupture) réservés aux couples de même sexe (Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède,
Allemagne et Royaume-Uni, …) ou bien ouverts à tous les couples (France, Luxembourg, Belgique, Pays-
Bas, …). Les couples hétérosexuelles se sont massivement servis d’avoir un contrat plus léger que le mariage.

De plus, on observe des dynamiques différentes selon les pays. En effet, la France et la Belgique, il y a eu le
quasi-mariage et ensuite le mariage. Au UK, uniquement le quasi-mariage était proposé tandis qu’en Espagne,
on passe directement au mariage.

Dans le cas où on arrive à l’étape du mariage, les mêmes droits en matière de filiation, que les couples
hétérosexuels s’attribuent, ne sont pas systématiquement distribués aux couples homosexuels (les droits liés
au couple et ceux liés à la parentalité). Dans certains pays, cela peut être dissocié. Par exemple, en France, le
mariage pour tous ne donne pas forcément l’accès à l’adoption pour les couples homosexuels.

III. DES CONFIGURATIONS HOMOPARENTALES DIVERSES, AVEC OU SANS


INSTITUTIONNALISATION
A. L’émergence d’un problème public
Il y a toujours eu des personnes homosexuelles devenues parents dans le cadre de couples hétérosexuels
(double vie / homosexualité après le divorce), mais la question de l’homoparentalité, telle qu’elle est politisée
aujourd’hui, n’a émergé qu’à partir des années 1970 et surtout 1990.

Concernant le contexte des débuts de la politisation de cette question :

• Au départ, il y a eu des batailles pour obtenir la garde (complète ou partagée) après un divorce
hétérosexuel. C’était beaucoup des pères divorcés qui vivaient leur homosexualité après divorce
et à cause de ça, les mères (ex-épouses) ou juges disaient que les enfants ne pouvaient pas vivre
avec le père dû à son homosexualité, en proclamant que ce serait nocif pour les enfants, que le
père leur offrirait un mauvais cadre pour eux.
• Il y a les 1ères inséminations artificielles de femmes non mariées dans le vide juridique 2 des
années 1970 (à ne pas confondre avec fécondation in vitro, qui sont des techniques médicales
pour pallier à un problème d’infertilité qui apparaissent dans les années 1980). Dans les années
70, sans qu’il n’y ait de technique complexe mise en œuvre, certains médecins vont permettre à
des femmes de bénéficier de dons de spermes (femmes hétérosexuelles célibataires ou femmes
homosexuelles qui souhaitaient avoir des enfants). Cette histoire est passée dans un vide
juridique. Les femmes commençaient à devenir mères sans qu’il n’y ait de père et même si c’était
très rare, cette affaire va commencer à faire débat, on va commencer à en parler, …
• L’adoption en tant que célibataire est possible mais difficile, il faut garder le secret sur son
orientation.

B. Enquête de psychiatres et de psychologues à partir des années 1970 : recherche d’arguments


pour/contre l’homoparentalité
La question de recherche : ces enfants vont-ils devenir homo/transexuel.le.s ? Vont-ils souffrir de
l’homophobie visant leurs parents ?

2 = une situation où il n’y a pas de règle de droit applicable à une situation donnée. >< le droit = ensemble de règles et de principes
qui régissent les relations entre les individus et les institutions. Exemple de vide juridique = si une nouvelle technologie est dvl et qu’il
y’a pas encore de loi qui réglemente son utilisation. Le vide juridique peut entrainer une incertitude juridique, une confusion quant à
la manière de résoudre un problème.
30
La méthodologie utilisée : à travers des questionnaires (parents, enseignant.e.s), comparaisons (avec des
contextes hétérosexuels ou monoparentaux).

Les résultats : on a pu conclure que ces enfants n’ont pas plus de difficultés psychologiques que les autres
(/d’autres résultats intéressants), (voire une plus grande ouverture d’esprit).

C. Des enquêtes sociologiques dans la France des années 2000


Travaux d’Anne Cadoret, Martine Gross, Virginie Descoutures, …

Nous sommes dans un contexte où il n’y a pas encore de « mariage pour tous » (2013), ni de « PMA pour
toutes » (2023).

Ces enquêtes sociologiques menées en France ont rencontré plusieurs configurations :

• Les enfants nés dans une union hétérosexuelle antérieure


• La co-parentalité avec géniteur-père et génitrice-mère, qui ne sont pas en couple et vivent ensemble
ou non
• Insémination, en contexte médical ou non (et donc en France ou à l’étranger), donneur connu ou non
(anonyme ou semi-anonyme).
• Adoption
• (Gestation pour autrui à l’étranger) → mères porteuses

Selon Virginie Descoutures, on voit apparaitre 2 types de famille : « Les familles homoparentales, qu’elles
soient biparentales ou pluri-parentales, s’écartent de la situation dominante mais se conforment à certaines
normes : l’importance du conjugal pour les unes, de l’altérité sexuelle pour les autres ».

• Familles biparentales : elles sont constituées d’au plus 2 parents qui élèvent un ou plusieurs enfants
pouvant avoir été adoptés dans une démarche individuelle, être nés du recours à une insémination
artificielle de donneur connu ou inconnu dans un foyer lesbien, ou du recours à une maternité pour
autrui dans un foyer gay. La famille vient dans le prolongement du couple, le projet parental est bien
souvent un projet de couple. Ces famille s’écartent de la norme dominante du couple hétérosexuel
mais se conforment à l’aspect « importance du conjugal ».
• Familles pluri-parentales : ce sont des configurations familiales dans lesquelles plus de deux adultes
exercent des fonctions parentales: par exemple, les familles recomposées ou constituées en
coparentalité. Dans la coparentalité homoparentale, un homme et une femme ont conçu un enfant
et l’élèvent en résidence alternée avec leurs éventuels compagnon et compagne. Ceux et celles qui
ont choisi la coparentalité sont nombreux à déclarer vouloir donner un père et une mère à leur enfant,
même si ceux-ci ne forment pas un couple.

La famille biparentale hétéroparentale est la norme dominante, c’est important pour un enfant d’avoir à la
fois un père et une mère. Peut-être qu’on peut imaginer que la situation avec deux parents de même sexe
pourrait devenir plus fréquente, plus banalisée (pas plus que deux), à ce moment-là, la norme dominante
sera alors « c’est mieux d’être un couple pour élever un enfant ». Il y a peu de pays qui reconnaissent la pluri
parentalité, mais c’est le cas en Angleterre.

IV. L’HOMOCONJUGALITÉ ET L’HOMOPARENTALITÉ : DES LOGIQUES SOCIALES PLUS


VASTES
A. Homoconjugalité et homoparentalité au prisme du genre
a) La maternité lesbienne est mieux acceptée que la paternité gay
Selon Gross (2017), les normes de genre pour la société en général se base sur l’idée que « « La situation d’un
enfant qui n’a pas de mère suscite aussi plus d’inquiétude ou de désapprobation sociale que celle d’un enfant
31
qui n’a pas de père. La monoparentalité est surtout maternelle, ce qui pose la question des compétences d’un
homme à élever un enfant sans femme. Ces interrogations traversent aussi les gays ».

La maternité lesbienne à cause de ces stéréotypes de genre va être mieux acceptée que la paternité gay.

b) La répartition du travail domestique


Des enquêtes quantitatives et qualitatives montrent que dans les couples de même sexe la répartition du
travail domestique est plus égalitaire que dans les couples de sexes différents et peut reposer sur d’autres
critères comme l’âge, les revenus, grossesse ou non, …

Une grande enquête par questionnaires en Europe, dirigée par Andresen & Nix (2019), qui se sont demandés
comment les revenus des parents évoluent après la naissance d’un enfant ? (périodes sans emploi, temps
partiels, éventuelles augmentations de revenue, … ?) Autrement dit, dans quelle mesure pères / mères
s’investissent dans l’enfant au détriment de leur carrière ? → Notion de Child penalty

Les auteurs ont interrogé des milliers de couples européens pour comparer ce qu’il se passait dans les couples
homosexuels et hétérosexuels après la naissance du 1er enfant.

Les résultats montrent que premièrement, les femmes en couple hétéro perdent en moyenne 22% de leur
revenu après leur 1er enfant, et cette perte se maintient dans le temps. En revanche, leurs partenaires
masculins n’ont pas de perte de revenu. Secondairement, dans les couples de femmes à la base, le revenu de
celle qui a accouché de l’enfant chute de 13% et le revenu de sa partenaire chute de 5%. → Des logiques de
genres qui se reconfigurent de façon différente dans ces couples

B. Homoconjugalité et homoparentalité dans le contexte d’évolutions sociales plus larges


Selon Chauvin & Lerch (2013), « les revendications des gays et des lesbiennes pour la reconnaissance légale
de leurs couples et de leurs familles apparaissent au moment où le couple et la famille hétérosexuels
connaissent eux-mêmes des changements profonds. Sociologues et historiens décrivent ainsi le passage
d'une conception du couple centrée sur les impératifs de l'institution familiale (transmission, procréation,
filiation) à une conception plus individualiste et plus élective, où la question de l'épanouissement personnel
et du plaisir sexuel, envisagés pour eux-mêmes, devient centrale ».

Les deux auteurs (2013) ajoutent que « le développement de l'adoption et la reconnaissance des familles
monoparentales, recomposées et pluriparentales hétérosexuelles ont tendu à faire de la famille
hétéronucléaire un simple cas parmi d'autres, qu'il serait impossible d'ériger en standard obligatoire sans nier
la réalité et discréditer une grande partie des configurations familiales existantes ».

V. CONCLUSION
• Homoconjugalité, homoparentalité sont des configurations atypiques qui entrainent une
reformulation, une réinterprétation des normes qui valent pour l’ensemble de la société (≠ hors-
norme)
• La reconnaissance légale de ces configurations s’inscrit dans un contexte plus large de dissociation
entre sexualité, procréation et filiation
• L’homo-conjugalité et -parentalité sont traversées par des logiques genrées, et ne sont pas vécues de
la même manière par deux femmes ou par deux hommes.

32
6ÈME SÉANCE – MIGRATIONS ET FAMILLES TRANSNATIONALES

I. INTRODUCTION
A. Les flux migratoires : contexte
Lorsqu’on parle de migration, de quoi parle-t-on ?

Selon le graphique des mouvements migratoires mondiaux (2013) en


millions :

• 60% des mvts migratoires restent horizontaux (nord-nord ; sud-sud)


• 39% des mvts se produit du sud vers le nord : on migre souvent des
pays moins riches vers des pays plus riches.

Qui migrent ? Quelle est la proportion des femmes et des hommes qui
migrent ? (Autour de 50/50) Les H migrent autant que les F globalement.
Cependant, si on rentre dans les détails, il y a de fortes différences (ex :
Roumanie : migration plutôt féminine)

Selon la Sociologie de la famille, l’image de l’homme qui migre laissant ses enfants et sa femme au pays
origine n’a pas forcément bousculé, choqué. Pourquoi les sociologues ne sont-ils pas partis investiguer ?
Pourquoi trouvaient-ils que ce n’était pas « intéressant » de creuser dans cette perspective ?

Quelle image peut-on avoir de ces migrants qui peuvent être casés dans des bons/mauvais rôles ? Selon le
parent qui va éventuellement partir laissant l’autre avec les enfants, n’est-ce pas atypique ?

B. Les familles transnationales


Les familles transnationales peuvent être définies comme étant :

• Des jeunes qui migrent sans leurs parents OU


• Des immigré.es avec leurs enfants dans le pays d’immigration, et une parentèle dans leurs pays
d’origine OU
• Des immigré.es sans leurs enfants dans les pays les plus riches, la parentèle restée dans des pays du
Sud ou d’Europe de l’Est prenant soin de ces enfants pendant des périodes plus ou moins longues
(focus de cette séance). → la configuration la plus atypique

II. LE CARE À DISTANCE


Selon Laura Merla (« Familles transnationales, familles solidaires » (2016)), il y a 5 dimensions du travail du
care :

• Soins personnels : prendre soin d’autrui, nourrir ou laver une personne dépendante ou malade, …
• Soutien pratique : échanger des conseils sur des façons de faire (mon enfant est malade, que dois-je
faire ? Ma voiture est en panne, quel garagiste choisir ?). Cela consiste à organiser la prise en charge
du soutien de quelqu’un. Si un parent vieillissant ne peut plus, dans le pays d’origine, rester seul à la
maison, on peut échanger des conseils sur la manière dont la famille dans son ensemble peut
résoudre ce problème.
• Soutien matériel : il regroupe Soutien financier (envoi de fonds) et Ressource matériel (hébergement
à disposition). Plusieurs migrants choisissent également d’investir dans la construction d’une maison
dans le pays d’origine, laquelle peut également être mis à la disposition d’autres membres de la
famille.
33
• Soutien émotionnel : c’est une forme de soutien transversale aux autres types de soutien. Quand on
envoie de l’argent ou que l’on prodigue des conseils, on soutient aussi émotionnellement les autres
membres de la famille.

Dans quelle mesure peut-on apporter ces soutiens ? Comment les migrants peuvent apporter ces 5 types de
soins en étant à distance ?

Tableau basé sur : « Familles transnationales, familles solidaires, Entretien avec Laura Merla, Propos
recueillis par Jérôme Minonzio », Revue Informations sociales 2016/3 n° 194, pp. 62 à 70

En se fiant au tableau, on se rend compte que :

• Soins personnels : il est impossible de faire à distance. Cependant, des visites peuvent tout de même
le permettre
• Soutien pratique : donner des conseils
• Soutien matériel : envoie d’argent
• Soutien émotionnel : par des réseaux sociaux

Remarques :

• Outils de communication (GSM, etc.) : dans le cas de la coordination à distance, ces outils
permettraient aux personnes immigrées de s’assurer à distance que quelqu’un s’est bien vu attribuer
le rôle de prendre soin de la famille, des enfants à leurs places.
• La délégation : il faut différencier la coordination à distance de la délégation. En effet, on peut se
désengager totalement d’un rôle (retrait complet ou partiel → dans le cas où la personne qui est
sensée prendre soin à la place des immigrés n’est plus présente, alors le travail du care réapparait et
les personnes immigrées doivent reprendre le relais). La coordination : on n’est pas présent au
quotidien mais on s’assure que quelqu’un prend le relais.

De plus, Laura Merla souligne que la capacité des personne immigrés de réaliser ces travaux de care
dépendent de pleins choses, non seulement de leur volonté. On va mettre en avant 2 ensembles de
contraintes :

• Les ressources personnelles ou familiales : conditions de travail qui permettraient ou non les visites
(le temps pour partir, pour communiquer ?), capital économique (pour pouvoir se déplacer et
communiquer, il faut avoir de l’argent), capital social (lorsqu’on a autour de soi des amis, de la famille,
des concitoyens, divers groupes, ceux-ci peuvent à certains moments aider les migrants et les
membres de la famille à accéder à des ressources auxquelles ils n’auraient pas accès directement. Par
exemple, quand un parent meurt, une collecte à l’église locale peut financer le billet d’avion pour
aller assister aux funérailles dans le pays d’origine) → cela dépend des ressources relationnelles
• Le régime migratoire : tout ce qui concerne les droits en matière d’entrée, de sortie et de résidence
(difficulté à obtenir un titre de séjour longue durée pour les immigré.es – « Selon que l’on a, ou pas,
un permis de séjour, la possibilité de sortir du territoire sur lequel on s’installe sera évidemment

34
différente). Quand on est en situation illégale, on prend le risque en sortant du territoire de ne pas
pouvoir y revenir ; difficulté à venir rendre visite pour la famille.

III. LAISSER OU ENVOYER SES ENFANTS « AU PAYS »


A. Les « chaînes globales du care »
a) La Thèse de la « fuite du care » cf Arlie Hochschild
C’est une sociologue états-unienne. Montée en généralité à partir du cas des nourrices Philippines en
Californie.

Elle considère que l’immigration Sud-Nord n’est pas seulement « brain drain » (fuite des cerveaux), mais
également « care drain » (fuite du care). Il y a une augmentation du taux d’activité des femmes du Nord, sans
que leurs conjoints ne participent de façon égalitaire au travail domestique. Hochschild propose alors une
analyse critique de ces rapports de travail et apporte un nouveau prolétariat de migrantes (nourrices, femmes
de ménages et autres employées à domicile).

Elle se demande alors quelles sont les conditions de production du care et de l’amour que les parents états-
uniens achètent ? Quelles sont les conditions d’emploi et de migration des nourrices philippines aux USA ?

➔ Les nourrices philippines souffrent de la séparation avec leurs propres enfants, laissés au pays,
souvent aux femmes de leurs familles (grand-mère, tante) ou à une autre nourrice, qui elle-même a
des enfants. Ce qui crée une chaîne globale du care.

Remarque : Fétichisation de la marchandise selon Marx (le fait de ne pas vouloir voir les conditions de
production d’un bien, d’un service qu’on achète, qu’on valorise). Ex : on veut des belles baskets Nike mais on
ne veut pas savoir dans quelles conditions elles ont été fabriquées.

Les parents états-uniens achètent de l’amour des enfants philippines venant de la part des nourrices dont
leurs propres enfants perdent cette source d’amour qui est orienté vers les enfants états-uniens.

b) Les critiques de la thèse d’Arlie Hochschild


Une critique qui reconnait les apports de ses travaux mais en pointe les limites : Souffrance des mères
migrantes et de leurs enfants laissés au pays ?

Différents travaux en sociologie disent que : il faut faire attention à l’ethnocentrisme (partir de notre
conception de ce que c’est l’amour maternelle et juger la situation des migrants alors qu’elle est limitée et
n’est pas universelle) et à l’essentialisation (partir du principe qu’il y a une naissance de l’amour maternelle,
qu’il y ait une seule façon de donner de l’amour maternelle). L’amour mère-enfant est une construction
sociale, et les travaux empiriques sur les familles transnationales ont apporté des résultats plus divers et
nuancés (rôle de la famille élargie, tradition du « confiage3 » en Afrique, rôle des nouvelles technologies de
la communication, …).

Selon Merla et Degavre (2016), la migration n’entraîne pas systématiquement un déficit de care dans la sphère
familiale.

3Confier un enfant à qq d’autre qu’à ses parents biologiques) → ce n’est pas hors-norme dans ces pays-là, de se séparer de son
propre enfant qui est confié à qq d’autre (famille ou qq sans liens familiaux)
35
B. L’exemple des enfants de migrant.es sénégalais.es aux USA cf Amélie Grysole (2020)

« La pluriparentalité transnationale vient ainsi mettre en question le postulat occidental selon lequel la
parentalité serait « mieux » exercée par les parents statutaires et nécessiterait obligatoirement la
coprésence »

« Dans un contexte de recul du mariage et de multiplication des types de configurations familiales, les
demandes de reconnaissance juridique des liens entre les enfants et les « nouvelles » figures de la parenté
(le beau-parent, les parents biologiques dans le cadre de l’adoption, le deuxième parent dans le cadre de
l’homoparentalité, les grands-parents) dépassent les seuls parents reconnus statutairement. La notion de
« pluriparentalité », dite aussi « parentalité additionnelle » ou « cumulative », a été mise en avant par
plusieurs chercheurs (Le Gall et Bettahar, 2001 ; Cadolle, 2007 ; Martial, 2018) en tant qu’elle permet de
recouvrir « l’ensemble des personnes qui occupent à des degrés divers des positions ou des fonctions
parentales vis-à-vis de l’enfant, aussi limitées soient-elles » (Fine, 2016) ».

Remarque :

• Le « confiage » (fostering) en Afrique de l’Ouest : « confier un enfant à des proches pour de longues
périodes fait partie des pratiques de parentés historiques et répandues en Afrique de l’Ouest »
• Le biais matrilatéral : on confie plus les enfants du côté de la mère (surtout les tantes et grands-
mères maternelles)

IV. EXERCICE – LECTURE DES EXTRAITS


En lisant les extraits, essayer de répondre à « pourquoi envoyer ses enfants au Sénégal ? »

• Difficultés aux USA :


o Au Sénégal : « les cohabitations pluri-générationnelles et plurinucléaires autorisent une
gestion collective des soins aux enfants et des tâches domestiques »
o Aux USA : vie en famille conjugale, mères actives débordées, recours aux baby-sitters peut-
être mal vécu, accès aux crèches difficiles (régime d’Etat-providence libéral)
o « Dans l’impossibilité d’avoir recours à l’entourage familial (absent), aux crèches publiques
(réservées aux familles pauvres) ou privées (trop coûteuses), le départ des enfants vers Dakar
offre un mode d’accueil moins onéreux4et de meilleure qualité. »
o Le racisme aux USA subi par les personnes noires : les parents considèrent que les enfants
sont surement plus en sécurité et mieux protégés au Sénégal qu’aux USA.
• « Fabriquer des enfants redevables », en particulier des filles redevables », et de futures solidarités
avec la parentèle au Sénégal :
o Elever les jeunes enfants auprès de leurs proches au Sénégal engage la production de liens
affectifs et la socialisation au futur devoir de redistribution matérielle envers les membres
dakarois de leur maisonnée ;
o Au Sénégal, le régime d’Etat-providence est « familialiste » : « Il s’agit alors de transmettre
aux enfants la solidarité intra et intergénérationnelle dont dépendent la survie économique
et le bien-être des membres du groupe familial »
o En se déplaçant aux Etats-Unis, les femmes se retrouvent à pratiquer un métier qu’elles
considèrent comme moins valorisant (prof au Sénégal → femme de ménage aux USA). Ainsi,
elles considèrent que laisser l’enfant au Sénégal lui permettrait de rester dans la classe
moyenne et non la classe populaire.

4 Dont le coût est élevé


36
7ÈME SÉANCE – LA DIVISION GENRÉE DU TRAVAIL DOMESTIQUE

I. INTRODUCTION
A. « Découverte » du travail domestique, auparavant invisible, dans des recherches des années
1960
Cette découverte renvoie à une nouvelle façon de conceptualiser un ensemble de tâches, en les considérant
comme un véritable travail, mais non rémunéré, effectué par les femmes au nom de l’amour et de la famille
(cf. Delphy, Kergoat, courant « féminine matérialiste »). A partir de cette nouvelle théorisation, il devient
possible de mesurer son ampleur (en heures, en % du PIB).

Ce travail domestique consiste à :

• Apporter des soins aux enfants (et autres personnes dépendantes)


• Effectuer des tâches ménagères (courses, cuisine, vaisselle, ménage, lessive, etc.), le jardinage, le
bricolage et les démarches administratives.

B. Comment la répartition du travail domestique dans les couples hétérosexuels cohabitants a


évolué dans les dernières décennies ?
Remarque : On parle bien de couple marié ou non marié cohabitant ensemble.

Dans un contexte où l’activité des femmes a connu une augmentation très forte, dans les pays occidentaux,
qui se sont rapprochés des pays (ex-)communistes sur ce point.

Être en activité = avoir un emploi ou en recherche un (être officiellement au chômage). En Europe, les femmes
constituent 43-49% dans la population active.

Parallèlement au mouvement d’égalisation pour le travail, on se demande s’il y également un mouvement


d’égalisation au niveau des tâches domestiques ?

II. L’ARTICULATION TRAVAIL RÉMUNÉRÉ - DOMESTIQUE : COMPARAISONS


INTERNATIONALES
La féminisation de la population active est due, dans une large mesure, aux transformations des
comportements d’activité des femmes en âge d’avoir et d’élever des enfants (25-49 ans).

Traditionnellement, c’est parmi elles que l’on comptait les éléments les moins actifs de la population en âge
de travailler. Désormais, et depuis des années, elles en constituent l’élément le plus dynamique. Cependant,
il y a tout de même des variations entre les pays. L’activité des femmes, contrairement à celles des hommes,
varie beaucoup en fonction de la manière dont chaque pays facilite, ou ne facilite pas l’articulation entre
travail rémunéré et travail domestique.

Même quand les taux d’activités féminins sont élevés, d’autres phénomènes restent à étudier : la longueur et
répartition H/F des congés (voir tableau) après une naissance, la question des temps partiels, … Ce sont des
indicateurs à prendre en compte aussi.

37
Congé de maternité Toutes les mamans ont droit à un congé de maternité, et ce, qu’elles soient
salariées, au chômage, ou indépendantes. Ce congé permet à la mère de préparer
à la naissance, se reposer avec l’accouchement et passer du temps avec le
nourrisson, tout en ayant droit à des indemnités. Ce congé dure au maximum 15
semaines (contre 12 pour les indépendantes).
Congé de paternité/ Les pères ou co-parentes, il est possible d’avoir 10 jours de congé de naissance, à
co-paternité condition qu’ils soient occupés sous contrat de travail ou bénéficient d’allocations
de chômage (pas le cas pour les indépendants).
Congé parental Ce congé permet de suspendre ou réduire les prestations de travail pour s’occuper
de l’enfant de moins de 12 ans. Il est possible de le prendre n’importe quel moment
entre la naissance et les 12 ans. La durée dépend de ce qui est demandée
(suspension complète, mi-temps, 1/5).

A. Courbe à une bosse


Les femmes travaillent entre 20 et 25 ans (pic), puis s’arrêtent après le mariage
et les enfants. C’était le cas pour les pays du Sud de l’Europe, Irlande, Belgique,
PB dans les années 1960. Lorsqu’on y réfléchit, le catholicisme est le point
commun entre tous ces pays.

B. Courbe à deux bosses (en M)


Les femmes travaillent entre 20 et 25 ans, s’arrêtent pour élever les enfants, et
reprennent quand ils sont grands. C’était le cas pour la France, Royaume-Uni et
Allemagne de l’Ouest dans les années 1960. Pour le Japon c’est le modèle qui
prévaut pour hier comme aujourd’hui.

C. Courbe en U inversé
Les femmes travaillent tout le long de leur vie, comme les hommes. C’était le
cas pour les pays scandinaves et communistes dès les années 1960-70.
Aujourd’hui, il y a une relative convergence vers ce modèle pour toute l’Europe
même s’il reste des disparités importantes entre pays (certaines venaient du
modèle à une bosse, d’autre à deux, …).

Sur ce graphique qui illustre l’activité


des femmes en Belgique entre 1983 et
2011, on peut observer une courbe à
une bosse au début et devient une
courbe en U inversé. C’est
typiquement un exemple de
changement.

a) Les Etats-providence et les politiques publiques au prisme du genre


On se demande quel est l’impact des politiques publiques sur les inégalités de genre (rôles professionnels et
familiaux des hommes et des femmes), que ces politiques portent explicitement sur le genre ou non ?

Dans beaucoup de pays, il n’y a pas de politique qui explicitement, ont été créées/expliquées à la population
en termes de « on va faire ceci ou cela pour favoriser tel ou tel cpt chez les H ou les F ». Souvent, c’est un

38
résultat qui n’a pas nécessairement été prévu ou recherché car gouverner, c’est à la fois faire et ne rien faire.
Quand l’Etat ne « fait rien », il laisse faire d’autres institutions sociales que sont la famille ou le marché.

RAPPEL SÉANCE 3
Selon « Les trois mondes de l’Etat-providence » de Gosta Esping-Andersen :
• 1er édition (1990) : Trois mondes de l’Etat providence → Critiques attentives à la dimension du
genre qui avaient attirés l’attention car il fallait complexifier le modèle en fonction des inégalités
H/F.
• 2ème édition (1999) : Trois mondes + Europe du Sud

b) Typologie (Rachel Silvera)


Comment concilier le temps professionnel et familial en Europe ? Qu’en est-il du temps partiel, des congés
maternité/paternité, des modes de garde des jeunes enfants ?

Elle parlera alors des modèles européens de « contrats sociaux de genre ». (cf typologie d’Anderson)

i. Pays du Nord de l’Europe : le modèle le plus égalitaire


• Ce sont des pays où la défamilialisation5 est poussée : l’Etat s’implique dans la prise en charge des
jeunes enfants (beaucoup de crèches publiques).
• Il y a 1 an de congé parental indemnisé et les hommes sont incités à le prendre (ex : 2 mois de congé
à gagner en Suède).
• Le taux d’activité des femmes et le taux de fécondité sont élevés

MAIS

• Le congé parental reste beaucoup + pris par les femmes

5L’externalisation par les familles des tâches de care, qui favorise la liberté et l’indépendance économique des femmes
dans les pays occidentaux.
39
• Les crèches ne prennent les enfants qu’après 1 an et les travailleuses y sont majoritairement des
femmes. En Suède notamment, où les temps partiels sont très répandus pour les femmes.

ii. Pays du Sud de l’Europe : le modèle familialiste


• L’Etat s’implique peu dans la prise en charge des jeunes enfants, et laisse faire la famille (peu de
crèches publiques)
• Les congés parentaux sont non ou peu indemnisés
• Le taux d’activité des femmes et le taux de fécondité sont basses

Comment expliquer ce faible taux de fécondité ? On peut supposer qu’il est difficile pour les F de concilier
travail et famille pour les femmes du coup elles font peu d’enfants. C’est une des explications qu’on peut
donner mais ce n’est pas la seule raison.

iii. Royaume-Uni : le modèle libéral


• L’Etat s’implique peu dans la prise en charge des jeunes enfants, et laisse faire la famille et le marché
(crèches privés). Par exemple, en Italie, une prise en charge par la famille soit des crèches privées
• Les congés parentaux sont courts, le temps partie est très répandu pour les F
• Le taux d’activité des F et de fécondité sont élevés

iv. Pays d’Europe centrale et orientale anciennement communistes : une re-familialisation


Sous le communisme, l’Etat s’impliquait beaucoup, il défamiliarisait les familles et les femmes de prendre
soin des enfants. Depuis la fin du communisme, ça se refamiliarise.

• L’Etat s’implique moins dans la prise en charge des jeunes enfants, et laisse faire la famille et/ou le
marché
• Les congés parentaux sont non ou peu indemnisés

v. France et Belgique sont entre plusieurs modèles


• L’Etat s’implique dans la prise en charge des jeunes enfants (beaucoup de crèches, accessibles avant
un an), mais en partie en stimulant le marché. (nourrices)
• Il y a quelques mois de congé maternité bien indemnisés (/ environ 10 jours de congé paternité), puis
jusqu’à 3 ans de congé parental moins bien indemnisé, ils sont surtout pris par les femmes.
• Les temps partiels sont répandus pour les femmes en Belgique mais moins en France.
• Les taux d’activité des femmes et de fécondité sont élevés.
• L’importance des inégalités sociales: d’un côté les femmes les plus aisées bénéficient de réductions
fiscales pour embaucher des nourrices et travailler et de l’autre côté les moins aisées se rabattent sur
un congé parental peu indemnisé, surtout pris par les femmes.

On voit que la Belgique est assez bien équilibrée et pas très loin finalement de ce qu’il se passe en Angleterre
mais avec plus de couple biactifs, mais aussi pas mal de femmes à temps partiels et pas mal aussi de couples
où seul l’homme est pourvoyeur de revenu.

40
En Belgique, les femmes ont plus de recours au temps partiel. Dans les pays d’Europe aussi, le taux de temps
partiel est plus élevé chez les femmes. Ceci s’explique par le nombre d’enfants, en lien avec le fait que
s’occuper des enfants est une tâche plus féminine selon les mœurs. Chez les hommes, on observe une petite
augmentation du temps partiel, mais c’est un temps partiel qui est subi.

Conclusion sur la France et la Wallonie

• Les hommes en font un peu plus qu’avant en tâches parentales, mais pas plus qu’avant en tâches
ménagères
• Les femmes en font toujours beaucoup plus que les hommes, que ce soit en travail domestique
(parental + ménager) ou en travail global (domestique + rémunéré) ; elles ont donc moins d’heures
de loisirs
• Cette inégalité de genre varie :
o En fonction du nombre d’enfants : plus il y en a, plus c’est inégalitaire
o En fonction du niveau de diplôme : s’il est élevé, un peu moins inégalitaire

41
III. LA DIVISION GENRÉE DU TRAVAIL DOMESTIQUE SELON LES ENQUÊTES EMPLOI DU TEMPS
A. Exercice

• Quelles que soit la date considérée, quelles activités sont davantage effectuées par les hommes ? Par
les femmes ?

Pour les hommes, on remarque qu’ils sont fortement impliqués dans le travail rémunéré (1999-2013) ainsi
que les loisirs (1999-2013). Contrairement aux femmes qui sont beaucoup plus concernées pour les activités
liées aux tâches ménagères (1999-2013), aux soins aux enfants (les deux dates).

• Entre 1999 et 2013, est-ce que la participation des hommes au travail domestique s’est accrue ?

(Tâches domestiques = tâches ménagères + soins aux enfants).

On peut remarquer que l’implication de l’homme dans les tâches ménagères n’a augmenté que de 1% entre
1999 et 2013 (37% → 38%). Ensuite, pour les soins aux enfants, il y a une petite différence, hausse entre
1999-2013 : 28 → 33%

• Entre 1999 et 2013, dans quels domaines d’activités l’asymétrie hommes-femmes est restée à peu
près stable ? dans quels domaines cette asymétrie s’est-elle réduite, ou au contraire accentuée ?

L’asymétrie entre hommes et femmes est restée relativement stable pour toutes les activités, ne serait-ce
qu’une petite diminution pour les soins aux enfants (28-33%).

42
• Classez les activités suivantes en trois colonnes : plutôt masculines (participation des hommes > 70%) ;
plutôt mixtes ; plutôt féminines (participation des femmes > 70%).

Masculines Mixtes Féminines


Bricolage, jardinage, soins aux Courses, Loisirs avec les enfants, Cuisine, Repassage, Lavage du linge,
animaux Trajets avec les enfants Ménage, Soins aux enfants, Suivi
scolaire
➢ Les tâches liées aux linge (lessive, repassage) sont les plus féminisées
➢ Les tâches liées à la nourriture, considérées comme plus agréables, sont un peu plus facilement
masculinisables : faire la cuisine, et surtout faire les courses
➢ Les tâches un peu plus masculinisées que les autres, voire masculines, sont moins quotidiennes,
moins répétitives, plus tournées vers l’extérieur du foyer : faire les courses, bricolage, jardinage, laver
la voiture, loisirs et trajets avec les enfants
➢ Les tâches masculines sont aussi plus valorisées, moins invisibilisées, plus susceptibles d’attirer des
compliments ou remerciements. Tiennent en partie du « semi-loisirs », c-à-d en fonction du contexte,
l’activité sera vue comme soit une obligation, soit un loisir.
➢ Délicatesse >< Force physique

IV. LA FABRIQUE DES INÉGALITÉS, À L’INTERSECTION DU GENRE ET DE LA CLASSE SOCIALE


Court, Martine, et al. « Qui débarrasse la table ? Enquête sur la socialisation domestique primaire », Actes de
la recherche en sciences sociales, vol. 215, no. 5, 2016, pp. 72-89 :

Une enquête par entretiens dans des familles de quatre enfants et plus, avec un enfant (de 18 à 27 ans) et un
des deux parents, sur le travail domestique pendant l’enfance, en France.

Résultats : trois types de familles :

• Inégalitaires : filles beaucoup plus mises à contribution que les fils, pour les tâches ménagères et le
soin aux plus jeunes :
o Classes populaires : comme une évidence.
▪ Très inégalitaire chez les familles les moins dotées en capital culturel et économique
▪ Un peu moins inégalitaire chez les familles un peu plus dotées en capital culturel et
économique (effet maison / pavillon)
o Classes moyennes et supérieures en mobilité sociale : de façon ambivalente, égalitaires dans
les discours mais inégalitaires dans les pratiques
▪ Egalitaires dans les discours mais inégalitaires dans les pratiques (contradiction entre
leur socialisation primaire et les valeurs dominantes dans leur nouveau milieu social.
• Egalitaires : pôle culturel des classes moyennes salariées, souvent reproduction sociale

43
V. CONCLUSION
• En Europe, la division genrée du travail domestique se déploie dans le contexte ultramajoritaire du
couple hétérosexuel, dont les deux membres travaillent désormais souvent à temps plein. Mais les
interruptions des vies professionnelles des femmes, ainsi que le recours au temps partiel chez les
femmes, restent bien plus importantes que chez les hommes, et ce dans des proportions variables
selon les pays (rôle du régime d’Etat providence).
• L’égalité face au travail domestique dans les couples hétérosexuels n’a que très peu progressé dans
les dernières décennies : les hommes en font un peu plus qu’avant en tâches parentales, mais pas
plus qu’avant en tâches ménagères. Certaines tâches se « masculinisent » plus facilement que
d’autres (ex : loisirs avec les enfants, faire les courses vs ménage, linge).
• La division du travail domestique dépend de la classe sociale : les plus favorisé.e.s ont des valeurs
plus égalitaires, et des pratiques qui tendent +/- à s’y conformer (entre autres grâce à la possibilité
d’avoir des employé.e.s à domicile… qui restent le plus souvent des femmes).

44
8ÈME SÉANCE – Représentations de la paternité par les professionnel(les) en
institution : le cas de la prison et des centres d’hébergement et de
réinsertion sociale (Marine Quennehen)

REMARQUE : Pas matière d’examen à proprement dit mais certains liens peuvent être demandés avec de la
matière à voir

I. LA QUESTION DE LA PARENTALITÉ EN PRISON ET EN CHRS


Concernant la parentalité en prison et en CHRS, un discours théorique se répand qui promeut la parentalité
dans le but de soutenir et d’accompagner les personnes concernées.

On se rend compte que la maternité est omniprésente dans la prison, en sachant que les prisonniers en France
sont 5% des femmes). La mise en place d’unités de visite familial, permettant aux personnes incarcérées de
rencontrer leurs proches et de partager des moments d’intimité, durant plusieurs heures sans surveillance.

Lorsque le père assume la paternité, cette notion est souvent appréhendée dans sa dimension utilitaire, c-à-
d qu’il va s’approprier de ce rôle dans le seul but d’obtenir des avantages, par exemple des permissions de
sortie, etc. Ce n’est pas un statut valorisable par les hommes prisonniers. Contrairement au rapport des
femmes avec la maternité, qui garde une place affirmée au sein des prisons.

Dans les centres d’hébergement (personnes sans-domicile), il y a une parentalité appréhendée comme un
élément constitutif de la prise en charge comme n’importe quel autre élément, telle que la recherche de
domicile, …). Cependant, on se rend compte qu’il n’y a pas de pratiques institutionnalisées concrètes dans
cette accompagnement.

La façon d’accompagner ces personnes est fortement genrée. En effet, lorsqu’on est face à des femmes, on
va les obliger à réfléchir plutôt sur l’espace privé (le soin de la famille) alors que les hommes, on va les pousser
à penser à l’espace public, à la recherche de travail. Dans les faits, selon les genres, l’accompagnement va être
différent.

II. ENTENDRE UN DISCOURS SUR LA PATERNITÉ DE LA PART DES PRISONNIERS ET DES


SANS-DOMICILE
A. Méthodologie
Marine Quennehen s’est déplacé dans deux terrains :

1. Le terrain en prison de 2013 à 2016 : 4 établissements (2 maisons d’arrêt et 2 centres de détention),


70 pères incarcérés suivis 1 à 5 fois chacun (en moyenne 2) sur une période de 6 mois à un an, 24
professionnel·les (surveillant·es, conseillèr·es pénitentiaire d’insertion et probation, psychologue,
psychiatre)
2. Le terrain en CHRS de 2015 à 2016 : 2 centres (un mixte et un nonmixte), 19 pères sans-domicile suivi
2 à 3 fois sur une période d’un an et demi, 8 entretiens formels avec des professionnel·les (assistantes
sociales, éducatrices spécialisées, conseillères en économie sociale et familiale)

Remarque : suivi est totalement différent entre les sans-abris (états plus compliqués pour le suivi,
toxicomanie, …) et les prisonniers.

45
B. Invisibilité de la paternité des détenus : les limites de la confidence et du dévoilement de soi

Je me suis jamais posé la question de la paternité en prison, moi personnellement, c’est peut-être un peu méchant, mais je n’arrive
pas à me soucier de leur vie de famille. Je me sens détaché. Y a des questions que j’évite sur la famille et d’autres choses. [Joseph
28 ans, surveillant, 3 ans d’expérience]

Il y a peu d’échanges entre les surveillants et les prisonniers concernant la paternité. On remarque que tout
ce qui est d’ordre d’intimité est visible dans l’ensemble, tout le monde pourrait l’observer dans la prison. De
ce fait, on pourrait dire que la vie familiale est visible également alors elle est relégué au second plan la
paternité tend à être effacée de leur quotidien. Les surveillants ne cherchaient pas à ce type de confidence,
voire en refusaient l’accès.

a) Réprouver les relations de confidence avec les détenus : le cas des surveillantes
Marine : Tu les écoutais ? Elles te parlaient de leur famille ? Elles t’en parlaient souvent?
Emeline : Ouais, c’était pas rare. C’était très souvent, ouais.
M : Mais, en détail, même ?
E : Ben après, sur des situations, ouais… après, des problèmes avec leur mari, des problèmes de garde d’enfant, les enfants, la
manière dont ils ont perçu les choses quand leur mère, elle a… voilà. Après, y en avait qui avaient besoin de… Oui, de discuter, de
parler… Chez la surveillante elles voient souvent une maman derrière tout ça, quoi […].
M : Et là, la proximité avec les détenus, tu la sens, toi, ici ?
E : Moins. C’est quand même moins… Pis bon, moins, et la barrière, tu la mets d’autant plus qu’il y a la différence de sexe, quoi. T’es
obligée, tu peux pas… Je discute pas avec les détenus ici, comme je pouvais discuter avec les femmes à S. Déjà, le temps, il manque,
ça, c’est clair. Et puis après, non, il y a quand même cette barrière du sexe qui fait que…Tu vas moins approfondir. Je me souviens
de conversations à S. avec certaines détenues… Voilà, c’était limite, confidentes. On n’ira pas jusqu’à amies, mais oui, si, elles me
confiaient des choses. [Émeline, surveillante, la quarantaine, séparée, 2 enfants, 10 ans d’expérience]

En France, les surveillantes sont soit dans les prisons de femmes, soit dans les prisons d’hommes mais ont
des rôles moins en contact avec les prisonniers. Il y a une valorisation de cet aspect social d’écouter les
prisonniers, d’avoir les confidences → vision socialisante, empathique.

De plus, on remarque une différence de comportements en fonction du genre des prisonniers (différence
genrée).

Plusieurs éléments qui montrent cette différence d’attitudes des surveillantes face à des hommes ou des
femmes :

• Niveau structurelle : les femmes détenues sont peu nombreuses par rapport aux hommes → aspect
relationnel différent.
• Interconnaissance : les surveillantes ressentent parfois un approche différente, une connexion avec
les femmes détenues car elles peuvent parfois comprendre ce qu’elles traversent et ce qu’elles ont
vécu.
• Séduction : il y a l’aspect sécuritaire qui prime, il y a une crainte de séduction entre les détenus et les
surveillantes
• …

b) Des surveillant.es qui privilégient des relations cordiales et serviables avec les détenus
Y’a pas de relation de confiance avec les détenus, c’est une relation, je dirai pas d’autorité, on sait faire preuve de souplesse, mais
on reste en prison, ils savent à qui ils ont affaire, à qui ils s’adressent surtout que je suis gradé de secteur, mais c’est pas une relation
de confiance. […] Ça reste strictement professionnel. Ils nous sollicitent quand ils ont besoin de nous, un service, on est des facteurs.
Y’a que les auxi6 avec qui on a des relations un peu plus poussées et ils se livrent sur la détention, mais on cherche pas à savoir leur
vie, on va pas leur poser des questions surtout sur l’éducation de leur enfant. Ils vont nous demander un parloir double, mais ils
s’étalent pas et on rentre pas dans le détail parce qu’ils parlent pas de ça en public. Ils en parlent au codétenu, ici on est le bleu, on
n’est pas là pour être les confidents ou faire l’assistante sociale. On ne cherche pas à le devenir non plus. Vous travaillez sur la

6 Auxiliaire : détenu qui aide le personnel, chargé de certaines corvées bénéficiant d’une certaine liberté (ex : nettoyer le sol, distribuer
les repas pour pouvoir se déplacer plus librement.
46
paternité, y a plus à dire sur la maternité. Ça doit faire bizarre de voir des enfants en prison de femmes. On légitime leur rôle de
mère, ça me parait naturel, c’est normal. Enfin moi je supporte pas les enfants. [Émeric, gradé, 30 ans, 6 ans d’expérience]
c) Résumer

A travers ces témoignages, on peut observer que les surveillants ne favorisent pas une relation de proximité
avec les hommes. En réalité, il y a cette fonction d’écoute en ce qui concerne la vie dans la prison (leurs
journées en prison, ce qui ne va pas en prison, …) mais ce qui déborde de la vie en détention, ce qui concerne
la vie privée des détenus, ils en sont évitants.

Il est très rare que les détenus interrogent les détenus sur leur intimité.

C. Entendre et susciter les récits sur les paternités en CHRS


C’est vrai que parfois, on découvre… Les personnes sont là depuis longtemps, qu’ils ont des enfants, alors qu’on le savait pas
forcément (…). La question de la parentalité, notamment chez les hommes, est moins posée, c’est possible. Après, du coup, on va
travailler avec eux sur… pour ceux qui en parlent, sur un accueil, etc. Mais oui, je pense que c’est possible qu’on en parle moins.
Après, souvent, les femmes vont en parler plus facilement. Donc c’est pas… On va pas en parler moins parce que c’est un homme,
c’est-à-dire que, voilà… on va éviter d’être intrusive, en tout cas, quand les personnes arrivent, que ce soit un homme ou une
femme… Ensuite, peut-être que la femme, la mère à qui on a retiré son enfant, va peut-être parler plus facilement de cette question-
là. Après, on a des hommes qui, dès les entretiens de pré-accueil nous disent « Voilà, j’ai tant d’enfants, etc... Je suis en lien, pas en
lien... ». On voit bien parfois aussi que c’est douloureux, pour certains hommes, d’en parler, parce qu’ils sont pas forcément non
plus habitués à ce qu’on leur pose la question. Et c’est vrai que le fait qu’on puisse proposer d’accueillir les enfants notamment sur
les appartements famille, c’est quelque chose qui est assez nouveau. Ils ne pensaient pas que ce soit possible… (Nadine, 40 ans,
cadre socio-éducative)

Les personnes sans-domiciles, en cas de prise en charge, sont amenées à raconter ce qu’elles ont traversé.
Les professionnelles qui les prennent en charge sont souvent réticents au sujet de leurs interroger sur la
parentalité (les hommes) afin de préserver leur intimité. Ils considèrent qu’ils en parlent, tant mieux et s’ils
n’en parlent pas, il n’est pas nécessaire de forcer.

De plus, cette précaution semble être moins efficiente en ce qui concerne les femmes. En effet, les femmes
sont enjointes à raconter à travers le statut de mère. C’est un attendu pour les femmes qu’elles parlent de
leur maternité. On peut dire que les professionnels préservent plus les H d’une violence institutionnelle
contrairement aux femmes qui font face à une recherche intrusive pour connaitre leur intimité.

Selon Lanzarini (2003), « une grande part de la vie personnelle (des hommes) ne fait pas l’objet d’intrusion »
à la grande différence des femmes.

Pour les professionnelles, il y a cette nécessité de ne pas imposer le sujet de la paternité aux hommes.

Monsieur Amery, il m’a beaucoup étonné concernant la parentalité. Il m’a parlé de ses enfants et il m’a expliqué que pour le moment
il n’avait pas besoin d’être présent pour eux, pour le moment c’est mieux pour eux et qu’ils étaient mieux avec leurs mères qu’il
avait bien choisi les mères et qu’elles avaient pas besoin de lui, les enfants auront besoin de lui plus tard. J’ai pas su trop quoi
répondre […]. Je lui ai dit que quand il aurait envie de parler de ses enfants plus tard il pourrait le faire et si jamais il avait envie de
reprendre contact je serai là […]. C’est peut-être pas plus mal qu’il n’aille pas voir ses enfants, qu’il les laisse avec leur mère parce
qu’un père comme ça… vu son état. (Aude, 27 ans, éducatrice spécialisée en CHRS)

La question de la famille, ça reste quand même quelque chose de très intime et on peut pas… C’est toujours… comment est-ce qu’on
avance ou pas, et du coup, ça peut être en lien, parfois, avec les psychologues aussi. (Nadine, 40 ans, cadre socio-éducative)

Deux attitudes émergent :

• Les pro acceptent d’entendre ce récit mais quand ils en parlent, ils trouvent que les sans-domicile
sont souvent pas assez prêts (consommation, …) pour entamer une paternité. Dans l’intérêt pour
l’enfant, il est favorable qu’il n’y ait pas de contact avec le père.

III. Accompagner la paternité des hommes en Institution


A. En prison
Deux visions du maintien des liens pères-enfants :
47
1) Les visites des enfants sont perçues comme nécessaires pour le maintien des liens pères-enfants :
pour que l’enfant soit au courant de la situation familiale. Dans ce cas de figure :
o Mise en place d’ateliers d’accompagnement qui permettent de dvl une capacité à s’occuper
de l’enfants et cette apprentissage concerne deux notions importantes : la responsabilisation
et la capacité d’assumer le rôle de père → travail sur la pratique paternelle (apprendre à
changer une couche, les encourager dans leur démarche et approuver leurs efforts)

2) Les enfants n’auraient pas leur place en prison et devraient en être éloignés

Ce qui crée ainsi différentes normes de paternité :

1) Le premier cas est encouragé par les personnes qui n’ont pas de contact quotidien avec la prison, les
prisonniers
2) Le deuxième cas est encouragé par des personnes qui ont un contact quotidien avec des prisonniers,
l’administration pénitentiaire

Pour moi, quand tu es en prison tu n'es pas apte, tu ne peux pas prendre de décision. Le mec qui le voit, qu'est-ce que tu veux qu'il
conseille son gosse, il l'a pas vu à l'école, il l'a pas vu rentrer, il faut pas banaliser la paternité du mec, mais il n'a aucun pouvoir, il
ne fait rien, il n'est pas apte. La mère dans ce contexte a forcément plus d'importance que lui (Fidelio, la trentaine, surveillant).

Pour les agents pénitentiaires, les prisonniers ne sont pas capables d’être pères, donc vont plutôt considérer
que ceux-ci ne correspondent pas du tout à l’image de paternité. De nouveau, lorsque les pères montrent
cette identité, c’est surtout pour avoir des avantages (aménagement de peine, faire la victime pour obtenir
des permissions de sortie).

Souvent les demandes ne sont pas prises en compte, car il y a une négation de ce statut de père. En effet, de
nombreux agents de l’administration pénitentiaire considèrent que la représentation dominante du « bon »
père consiste à être pourvoyeur de ressources sans être une charge pour la famille et présent au quotidien
auprès de ses proches.

B. Centre d’hébergement
Nous, ce qu’on fait, c’est les démarches. Après, j’occulte pas cette question-là. Je vais régulièrement prendre des nouvelles des
enfants. Est-ce qu’ils vont bien ? Est-ce qu’il les a vus ? Après, par exemple, Monsieur Rabie qui, lui, a des enfants, mais il les voit
plus… Lui, il m’en parle beaucoup (…), donc, on en parle, il me dit que c’est très difficile pour lui de plus être en lien avec eux. Et il
me dit « Voilà, est-ce que vous pourriez appeler mon ex pour lui parler, parce que elle veut pas que je voie mes enfants, c’est très
compliqué ». Et là, je lui ai dit « Non. Moi, je n’appelle pas votre ex, pour commencer à discuter avec elle, de pourquoi elle veut pas,
machin… Moi, ce que je peux faire… ». En fait, en gros, je lui ai dit, voilà, il a un droit, il a le droit de voir ses enfants. Pour qu’il
obtienne ce droit, si son ex ne veut pas… ne veut pas qu’il vienne voir les enfants, on peut passer par le juge des affaires familiales.
Je lui ai proposé de l’accompagner dans ce sens. Tu vois ? C’est là, en fait, où y a la limite, donc… Et alors, c’est pareil, quand il me
racontait qu’il était allé voir son ex en Belgique, qu’il s’est pointé à 4 heures du matin, machin… Je coupe court. Pour moi, là, pour
le coup, je vois pas, moi, ce que je peux faire de ça, quoi. Qu’est-ce que j’en fais, de ça, moi, après ? Du coup, je bascule un peu dans
la confidente. (Camille, 35 ans, conseillère en économie familiale et sociale)

A travers le témoignage ci-dessus, on peut noter que :

• L’intérêt de l’enfant reste une notion centrale dans la vision du maintien des liens père-enfant dans
les centres d’hébergement. Les professionnels vont souvent maximiser dans un premier temps le
travail sur des problématiques matérielles.
• Les hommes sont perçus comme peu combattifs et peu responsables. Les professionnels doivent
également s’assurer que le père est effectivement stable psychologiquement, qu’il n’est pas
dangereux pour s’occuper des enfants.
• Les femmes ont souvent une crainte d’être instrumentalisées par des hommes ayant commis des
violences intrafamiliales.

Chez les femmes sans-domiciles, on observe tout autre chose pour la maternité :

48
• On va encourager la mère à prendre ce rôle. Elle va être amenée à suivre des ateliers d’apprentissage
pour les tâches de soin, de s’occuper des enfants, … → une mise en conformité à une bonne maternité
et non un abandon.

On remarque qu’il n’y a pas de démarche directement liée à l’enfant pour le père, contrairement pour le mère.
Par exemple, pour l’homme, on va lui proposer des aides pour trouver du travail alors que la femme va se
voir inscrite dans des ateliers pour prendre soin de l’enfant.

On voit que les pratiques et les discours témoignent des différences de prise en charge entre les femmes et
les hommes.

Et est-ce que tu as déjà eu le discours de résidents qui te disaient « Je vois pas mes enfants parce que j’ai pas de logement, j’ai pas
de travail » ? Oui. Et toi, sur ça, comment tu réagis ? J’avais eu une discussion comme ça avec une personne qui me disait « Moi, je
veux pas que mes enfants me voient comme ça, je suis en centre d’hébergement, je travaille plus… Quand j’étais jeune, c’est moi
qui gérais tout, je travaillais, je m’occupais de mes gosses, et maintenant, en gros, je suis une merde… ». Je caricature, hein. « Je
ne veux pas que mes enfants aient cette image-là, donc je ne les vois plus depuis dix ans ». Moi, ce que je lui avais dit, c’est que
c’est vrai que on se juge beaucoup. On se juge beaucoup par rapport à ce qu’on a, matériellement, mais que… qu’il fallait peut-être
qu’il réfléchisse à ce qu’il pouvait leur apporter en termes d’amour et que… Et que la valeur, que sa valeur ne se cantonnait pas à «
J’ai pas de logement, j’ai pas de travail » […]. Donc est-ce que tu penses que c’était une forme d’excuse, ou est-ce que c’est pas aussi
un moyen de se dire, ben, j’ai pas ça, donc… ? Sûrement. Peut-être…. Peut-être qu’il est tellement… Après, plus le temps passe, plus
c’est difficile. Et puis je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, non plus. On peut tout imaginer, émettre des hypothèses… Je sais
pas. Après, on peut se dire que concrètement, si t’as pas d’argent, enfin… Tu vas pas voir tes enfants dans le parc… Ah ben, c’est ce
qu’il m’avait dit. Il m’avait dit « Moi, si je peux pas leur acheter une glace, si je peux pas… ». Alors, c’est vrai. C’est vra i…. Mais…
Bon, déjà, concernant cette personne, il avait un peu de ressources. Donc s’il veut vraiment voir ses enfants et les amener manger
au McDo, je pense que c’est possible, financièrement. Après, on peut toujours se donner les moyens de… T’as jamais proposé une
aide financière pour un soutien… Je sais pas, par exemple, quelqu’un qui aurait potentiellement eu envie de prendre l’appartement
ou aller au restaurant ? Je sais plus. Des aides financières, j’en fais, mais liées à ça, euh… Je sais plus. Non, je crois pas. (Camille, 35
ans, conseillère en économie familiale et sociale)

L’accompagnement repose sur une relation sociale asymétrique, qui vise à « socialiser un individu, à lui
donner les moyens d’apprendre un ensemble de normes, de valeurs, de croyances et à lui permettre
d’adopter des comportements attendus dans tel ou tel espace » (Couronné, Sarfati, 2022, 58) pour qu’il soit
capable de se prendre en charge.

En tout cas je vois une force… je vois une différence sur leurs forces de caractère. Je trouve que les nanas elles sont… je suis pas
féministe hein… mais elles sont battantes, quoi. Les nanas, elles arrivent, elles en veulent quoi. Elles… elles vont bosser au noir, elles
vont, elles vont… elles vont faire du ménage… elles vont… elles sont moins dans… après c’est une généralité un peu, un peu vite
faite, mais enfin moi dans celles que je reçois, je trouve que, voilà, elles sont moins dans la plainte. Elles sont moins dans le truc «
Ouais on nous doit ». (Sylviane, 45 ans, assistante sociale)

➔ Injonction pour les hommes à être des pourvoyeurs

IV. CONCLUSION
• Le travail social renforce « les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes »
• Les hommes ont la fonction de pourvoyeur économique
• Les femmes ont davantage la fonction de soutien de famille (travail domestique et éducation des
enfants)
• Les hommes qui ont eu des enfants ne sont pas sommés de se présenter en tant que pères
• En CHRS, les rôles paternels pour être soutenus doivent être adossés à leur capacité à retrouver leur
autonomie financière et résidentielle.
• En prison, la paternité fait l’objet d’un double stigmate (absence auprès de l’enfant et incarcération),
renforcé par une double domination, institutionnelle et sociale.

V. LES QUATRES PROFILS DE PATERNITÉ


Paternité Paternité suspendue Paternité brisée Paternité
marginale ressource
49
L’histoire Père jeune Paternité tardive Projet d’avoir un Jeune père,
biographique (majoritairement (célibataires de longue enfant naissance peu de
des naissances non date) temps avant
désirés) En couple ou ont vécu l’incarcération ou
Peu de relations de des relations pendant
Instabilité conjugale couple durables (- de 2 conjugales longues (+
(précocité de la mise ans). Régulièrement en de 5 ans) En couple ou ont
en couple, mise en emploi (précaire, vécu des relations
couple, unions déclassement social) Régulièrement en conjugales longues (+
multiples) emploi de 5 ans)
Relations discontinues
Mode de vie avec l’enfant Vie commune avec Peine de prison
atypique tourné vers l’enfant avant la prison (souvent) lourde
la délinquance (vol, Ils ont peu vécu avec (mœurs,
stupéfiant, …) l’enfant Reprise de la homicides, …)
délinquance ou
Majoritairement Incarcérés en MA et en violence Majoritairement
incarcérés en MA CD incarcérés en CD
Majoritairement
incarcérés en MA
L’ici et Le parloir ne permet Pas de visites des Insatisfaction vis-à-vis Optimisation des
maintenant de pas de donner une enfants au parloir des dispositifs de usages des dispositifs
l’incarcération assise parentale et maintien des liens de maintien des liens
de construire du lien Suspension des
interactions avec Possible renoncement Les visites
La paternité n’a pas l’enfant pour éviter la des pères à voir les deviennent
sa place en confrontation et le enfants en prison essentielles à la (re)
détention stigmate carcéral et/ou renoncement construction de la
des enfants à venir en paternité
Famille qui peut Choix de la famille de prison
soutenir le détenu, ne pas laisser les Expérimentation de
mais pas enfants venir en prison L’incarcération est la paternité en prison
spécifiquement son vécue comme un choc
statut de père Peu de contacts avec la Famille impliquée
famille Peu de contacts, dans le maintien des
L’incarcération conflit avec la mère et relations parentales
s’inscrit dans une Le vécu de la prison est la famille
continuité priorisé par rapport au La prison : un
biographique vécu de la paternité moment de réflexion
sur son parcours
Connaissance du Peu de relations en personnel
milieu carcéral et détention, forme de
détournement des fuite
règles
L’appropriation Une paternité vécue Discours pauvres sur les Chutes sociale et La paternité est
personnelle à distance et peu pratiques parentales familiale : remise en vécue de manière
des normes de expérimentée dans cause de leur rôle positive
parentalité des pratiques Passivité dans leur rôle paternel
quotidiennes (care, Réflexivité sur le sens
loisirs, …) Reprise des liens La paternité est vécue de la paternité
renvoyée à la sortie de manière négative et (engagement moral,
Rôle traditionnel du dans la souffrance financier et affectif)
père valorisé
(pourvoyeur et Impossibilité La paternité conduit
autorité) d’assumer leur rôle de à se projeter dans le
père alors qu’ils le futur
faisaient auparavant

50
9ÈME SÉANCE – LES VIOLENCES CONJUGALES

I. INTRODUCTION
Les violences conjugales (liées au cadre du couple, marié ou non, ensemble ou ex) doivent être replacées
dans un ensemble plus large de violences qui peuvent être autant physique, sexuelle et psychologique, et qui
surviennent dans différentes sphères de la vie (dans la famille d’origine dans la rue, au travail, …).

La violence ne frappe pas au hasard : elle est genrée, traversée par des normes et des inégalités de genres.

II. LE CONTINUUM DES VIOLENCES DES HOMMES CONTRE LES FEMMES


A. Pourquoi parler de violences des hommes et de violences faites aux femmes ?
On observe des tendances statistiques lourdes. Exemples, deux formes de violences particulièrement
extrêmes qui sont le meurtre conjugal et les violences sexuelles.

Cependant, en Belgique, nous sommes en manque de chiffres. « En Belgique, parmi les faits de violence intra-
familiale (VIF) tels que connus par la police ou les parquets (environ 45 à 50.000 par an), entre vingt à trente
(par an) aboutissent au décès d’un des protagonistes, dans neuf cas sur dix, une femme. »

a) En France, au cours de l’année 2012

148 femmes sont décédées en une année, victimes de leur compagnon/ex-compagnon et 26 hommes sont
décédés, victimes de leur compagne ou ex-compagne.

85% des victimes de meurtres conjugaux sont des femmes.

Sur les 26 femmes auteures d’homicide commis sur des hommes, 17 d’entre-elles étaient victimes de
violences de la part de leur partenaire (+/- 2/3).

b) Les violences sexuelles en Belgique (Pieters et al. 2010)

Ont subi des attouchements ou rapports sexuels forcés/non désirés :

• Avant 18 ans : 8,9% des femmes / 3,2% des hommes


• Après 18 ans : 5,6% des femmes / 0,8% des hommes → l’écart est encore plus fort

Les hommes n’étant pas des victimes faciles, ils sont plus vulnérables lorsqu’ils sont enfants qui est causé par
la dépendance que les enfants peuvent avoir de l’autorité adulte. Les hommes adultes n’ont plus cette
dépendance. Les enfants sont beaucoup plus victimes que les hommes surtout à l’âge adulte.

Les auteurs de violences sexuelles subies avant 18 ans :

• Pour les victimes femmes : 100% d’hommes


• Pour les victimes hommes : 90,9% d’hommes

c) Meurtre conjugal et violences sexuelles, en résumé

Les femmes sont bien plus souvent victimes que les hommes et les hommes sont bien plus souvent auteur
que les femmes. Quand il arrive que des hommes subissent des violences sexuelles, elles sont dans l’immense
majorité des cas perpétrées par d’autres hommes. Enfin, quand il arrive que des femmes tuent leur conjoint,
c’est le plus souvent pour se défendre de violences dont elles sont victimes.
51
B. Pourquoi parler d’un « continuum de la violence » ?
Ce concept, développé par Liz Kelly, permet d’englober un ensemble de pratiques, des plus banales aux plus
exceptionnelles : exhibitionnisme, harcèlement sexuel, agression sexuelle ou de menaces / tentatives de viols
(des catégories juridiques).

Parler de continuum permet de mettre l’accent sur la façon dont ces violences opèrent ; la peur joue alors un
rôle non négligeable puisque des types de violences qui peuvent paraitre relativement anodins de prime
abord renvoient systématiquement à la potentialité de violences jugées plus graves par les personnes
concernées. – Lieber Marylène

Une simple insulte sexiste ou le fait d’être suivi dans la rue peut renvoyer à la peur du viol. Il peut y avoir un
continuum dans les sensations de peur.

« Au fil des années, l’expression « violence à l’égard des femmes » s’est vue dotée de nombreuses acceptions.
D’abord limitée, dans la décennie 1980, aux violences exercées dans la famille et aux violences sexuelle,s elle
devient très extensive par la suite »

La majorité des textes internationaux se réfèrent à la définition de la Déclaration sur l’élimination de la


violence à l’égard des femmes : « Tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant
causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la
menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou
dans la vie privée » (article 2, ONU, 1993).

a) La violence comme contrôle social

Les effets de la violence sur les femmes qui n’en sont pas directement victimes. Une définition sociologique
de la violence envers les femmes doit tenir compte de l’usage de la force et de la menace comme moyen
d’obliger les femmes à se comporter ou à ne pas se comporter de telle ou telle façon. – Alice Debauche

La peur du viol façonne les comportements des femmes qu’elles aient été menacées ou non.

Différents travaux sociologiques montrent que la violence ne frappe pas au hasard, les violences peuvent
apparaitre dans un couple quand par exemple la femme essaie de prendre des libertés et son indépendance
à tout niveau. Aussi, les femmes sont particulièrement susceptibles d’être victimes de violence au travail
quand elles sont en minorité dans un milieu très masculin, les hommes tentent de les exclure.

Ex : une agression de rue va amener des restrictions de sortie chez la femme victime (ex : rentrer plus tôt à la
maison, ne pas prendre des ruelles éclairées le soir. Cependant, ces restrictions ne sont pas des événements
directement liés à l’agression mais plutôt liés indirectement.

III. LES VIOLENCES CONJUGALES


A. Histoire des lois et des politiques publiques

L’histoire de la problématisation de la violence conjugale commence durant les années 1970 avec l’émergence
des mobilisations féministes dites de la « deuxième vague », qui s’emploient à la dénoncer, à promouvoir des
réformes pour y remédier et à ouvrir des lieux d’accueil pour les femmes victimes.

Jusqu’aux années 1970, il n’est pas évident que ces violences puissent avoir des causes sociales et que la
puissance publique doive intervenir pour aider celles qui en sont victimes. Prise en charge dans des cas
exceptionnels, la violence conjugale est le plus souvent envisagée comme une question d’ordre privé, non
comme un fait social. – Pauline Delage.

52
Il a fallu des mobilisations notamment féministes pour qu’on se dise que les violences conjugales étaient un
vrai problème de société avec des causes sociales. Avant on se disait que cela pouvait arriver, que l’homme
n’allait pas bien et que c’était quelque chose qui se réglait en famille. A partir des années 70, cette vision a
commencé à changer via les lois, la création de lieux d’accueil (aide juridique, matérielle, recherche de
hébergement). Des associations féministes ont fini par obtenir la confiance de l’Etat ainsi que des
financements publics et à se voir confier l’accueil des victimes.

Cela s’est fait différemment selon les pays.

a) Dates clés en Belgique

1989 : Loi permettant de punir le viol au sein du mariage (définissant le viol comme un crime contre une
personne et non plus contre l’ordre des familles). Cette évolution est importante car avant, il n’était pas
possible de punir un viol au sein du mariage car l’activité sexuelle était considérée comme un devoir dans le
cadre du mariage. Le refus de rapports sexuels était un crime contre les familles.

1997 : Loi de protection des victimes de violence conjugale

2003 : Loi permettant, en cas de violence conjugale, l’attribution du logement familial à la victime.

B. « Le cycle de la violence »

C’est une notion théorisée par une psychologue recevant des victimes aux USA : Lenore Walker (livre The
Battered Woman, 1979).

Elle permet de comprendre leurs réactions qui semblaient à la base irrationnelles : pourquoi elles ne partent
pas, ou bien pourquoi elles reviennent après être parties ? Au final, il y a bien une rationalité dans leurs
raisonnements.

Le fait de parler de cycle signifie que cela se répète. Les violences s’ajoutent les unes aux autres sous la forme
d’une escalade (violences verbales, psychologiques, physiques). Cette dernière va affaiblir petit à petit la
victime, cycle après cycle et l’intensité de actes augmente à chaque récidive. Au fur et à mesure du temps la
victime devient plus vulnérable et est sous emprise et soumise à l’agresseur. Enfin, la victime adapte ses
comportements aux besoins et envies de l’agresseur. Souvent, les violences économiques et sexuelles sont
transversales et renforcent la domination.

Quelles sont les phases ?

53
a) Phase 1 – Escalade de la tension

La tension est palpable et tout est susceptible d’énerver l’auteur des violences : frustration, mauvaise jouruée,
cris des enfants, … Pour apaiser ces tensions, la seule solution que trouve la victime est de s’adapter aux
besoins de son partenaire afin d’éviter ou de diminuer ses frustrations. Malheureusement, souvent,
l’adapatation de la victime ne suffit pas et l’agresseur finit par avoir recoursà la violence. Petit à petit, la
victime est déshumanisée et sera menacée de plus en plus facilement. Elle perd confiance en elle et tente de
s’ajuster tant bien que mal aux humeurs de son partenaire. L’agresseur est dans un rôle de dominant et finira
par exploser.

b) Phase 2 – Exploser de la violence

Passation à l’acte de l’agresserur, il explose et la violence éclate.

c) Phase 3 – Justification et culpabilisation

La victime se rend compte de la violence et ressent de la colère, c’est le moment idéal pour partir mais
malheureusement, souvent, l’emprise de l’agresseur sur elle est telle qu’elle culpabilisera d’éprouver ces
sentiments négatifs à son égard. Ses sentiments sont donc ambivalents et elle ne sait pas ce qu’elle doit faire.
De plus, elle ne sait pas souvent où aller te n’a souvent pas d’autonomie financière. L’agresseur lui, se sentant
en danger, va utiliser diverses stratégies pour que la victime ne souhaite pas partir et cette dernière finira par
excuser le comportment de son partenaire en entrant dans un processus de minimisation, de dédramatisation
et de déni. De plus, la crainte de se cronfronter à un échec et d briser la cellule familiale fait que la victime
accepte d’autant plus les violences.

d) Phase 4 – Lune de miel et rémission

Elle sert à ce que la violence perdure. L’agresseur s’excuse, offre des cadeaux et manipule sa victime en lui
faisant croire qu’il se remet en question et qu’il se rend compte d’avoir dépassé les bornes. La victime se
persuade alors que l’épisode de violence ne se reproduira plus et qu’il s’agissait d’un épisode isolé. Cette
phase peut durer des jours, des mois ou même des années mais dès que des tensions nouvelles
réapparaitront le cycle reprendra son cours. Plus le cycle se répète, plus la période de rémission se réduit et
au bout d’un certain temps, les étapes de ce cycle ne feront plus qu’une, les périodes de calme n’étant plus
nécessaires au bon déroulement du cycle. La victime est persuadée d’être responsable de cette violence, son
estime d’elle-même est réduite et bafouée.

Remarque : Dans le cas d’une intervention, il est possible d’avoir un décalage entre la demande d’aide et le
moment d’intervention. Étant donné que c’est un cycle, les phases se suivent et lors de l’intervention, la
victime peut se trouver dans la phase de justification et de culpabilisation, voire la lune de miel. Ainsi, la
demande n’est plus trop présente.

C. La méthodologie et les apports des enquêtes quantitatives

Focus sur une enquête belge : grande enquête nationale représentative de 2009 (approche socio-
démographique).

54
Ces enquêtes concernent les violences et la victimisation, elles sont représentatives au niveau national. On
peut observer que les premières enquêtes n’interrogeaient que les femmes, ce n’est que par la suite qu’on
interrogeait également les hommes.

a) Comment faire parler sur un sujet sensible ?

On peut prendre l’exemple de la grande enquête belge de 2009 (Pieters et al., 2010) :

• Formation des enquêteurs et enquêtrices pour qu’ils puissent bien traiter le sujet ainsi sauve tout un
dispositif pour faciliter la parole, les personnes sélectionnées pour l’échantillon ont reçu un courrier
préalable.
• Passation : le courrier préalable, le choix du telephone, et le plan B d’internet
• Les enquêtrices appellent tout le monde, les enquêteurs n’appellent que les hommes
• On demande à la personne si elle peut être seule le temps de l’appel, et si non, on la rappelle plus
tard
• Avant de parler des violences conjugales : « Nous allons aborder maintenant des situations que vivent
certains couples. Je vous rappelle que toutes vos réponses sont anonymes et strictement
confidentielles » —> c’est pour rassurer la personne en disant que si cela leur est arrivé, qu’ils sachent
qu’ils ne sont pas seuls et que les réponses restent confidentielles. Cela permet aussi à des personnes
victimes de se confier pour la première fois à ce sujet. Une question est d’ailleurs posée à la fin de
l’enquête afin de savoir si la personne en avait déjà parlé à quelqu’un avant.

On ne mesure pas seulement les violences physiques et sexuelles, mais aussi les violences verbales /
psychologiques. Ex : injures, contrôle des sorties et fréquentations ; privation de revenu, enfermement à
domicile ; menace de mort, chantage au suicide.

b) Questions sur les violences verbales / psychologiques

En pensant à votre partenaire ou ex-partenaire, diriez-vous qu’au cours des 12 derniers mois, il/elle :

• A essayé de limiter les contacts que vous entretenez avec vos ami(e)s ou des membres de votre
famille ?
• A insisté pour savoir avec qui et où vous êtes ?
• Vous a injurié(e), a critiqué ou méprisé ce que faisiez ou disiez ?
• A cessé de vous parler, a refusé totalement de discuter ?
• A fait quelque chose pour vous intimider (par exemple, en hurlant, en cassant des objets, en vous
menaçant de mort ou en vous menaçant de se suicider) ?
• A pris, contre votre gré, votre salaire (votre pension), vos économies ou vos a mis(e) en dettes ?
• Vous a empêché(e) de rentrer chez vous, vous a enfermé(e), a mis(e) à la porte ou, en voiture, vous
a laissé(e) sur le bord de la route ?

55
c) Questions sur les violences physiques / sexuelles

En pensant à votre partenaire ou ex-partenaire, diriez-vous qu’au cours des 12 derniers mois, il/elle :

• A blessé les enfants, vous a séparé(e) d’eux ou a menacé de le faire ?


• A lancé un objet contre vous, vous a bousculé(e) ou empoigné(e) brutalement ?
• Vous a griffé(e), pincé(e), mordu(e) ou tiré les cheveux ?
• Vous a giflé(e), vous a donné un coup de poing ou un coup de pied, vous a frappé(e) avec un objet
qui vous blessé(e)
• Vous a menacé(e) avec une arme ou un objet dangereux (couteau, bâton, …) ou a tenté de vous tuer,
de vous étrangler ?
• Vous a imposé des gestes sexuels que vous trouviez dégradants ou humiliants ?
• Vous a forcé(e) à des attouchements sexuels, a essayé ou est parvenu, par la force, à avoir un rapport
sexuel avec vous, contre votre gré ?

Attention aux mots employés qui peuvent être très lourds, à la formulation des questions, … Tout le monde
n’a pas la meme signification d’un mot.

d) Gravité des violences appréciée via …


• Des relances portant directement sur les violences déclarées : répétition ou non, appréciations
subjectives, conséquences en termes de blessures
• Des questions ne portant pas directement sur les violences, posées en amont sur l’état de santé,
notamment mentale.
o Au cours des 12 derniers mois, avez-vous souffert d’une dépression sérieuse (ou dépression
pour une période d’au moins 2 semaines), d’anxiété chronique ?
o Au cours des 12 derniers mois, à quelle fréquence avez-vous eu des problèmes à vous
endormir ou à rester endormi(e) ?
o Au cours des 12 derniers mois, avez-vous consulté un professionnel de la santé pour vous-
même ? Un(e) médecin généraliste ? Un(e) psychothérapeute, psychologue, psychiatre ?
o Au cours des 12 derniers mois, avez-vous pris des médicaments somnifères, tranquillisants,
antidépresseurs, ou anxiolytiques ?
o Au cours de votre vie, avez-vous déjà tenté de vous susciter ?

D. Résultats

a) Prévalence et gravité des violences

Exercice : 3 tableaux sur les violences subies après 18 ans :


• Qui a subi des violences ?
• Qui était l’auteur des violences, par rapport à la victime ?
• Violences ponctuelles ou répétées ?

Question : Quelles sont les différences entre les violences subies par les hommes et les femmes ? Comment
les interpréter ?

Tableau 7 : Contrairement aux violences inter-masculines qui se déroulent le plus souvent dans la sphère
publiques et revêtent typiquement un caractère spectaculaire (agressions, bagarres), les violences contre les
femmes s’inscrivent dans la vie quotidienne (répétition), dans la proximité (elles sont le plus souvent le fait
d’un proche de la victime) et bien souvent, dans la sphère privée (au domicile de la victime) ». – Bereni Laure,
Chauvin Sebastien et Jaunait Alexandre.

56
Tableau 40 : Dans 1/3 des cas chez les femmes, l’auteur de violence est un partenaire, contre moins de 6%
chez les hommes. Plus globalement, on peut remarquer que dans le cadre familial, conjugal, 58.2% (30.8+27.4)
sont faites par un partenaire, un membre de la famille chez les femmes. Alors que chez les hommes, on
retrouve un taux plus faible de 21.9% (5.7+16.2). De plus, chez les hommes, l’auteur est à 40.4% un inconnu,
contre 13.3% chez les femmes.

Tableau 45 : Pour les femmes, dans pratiquement les 2/3 (100-33%) des cas, il y a une répétition des actes
alors que les hommes, on retrouve plutôt une répétition des actes dans les 57.1% (100-42.9) des cas.

Violences dans le couple et par l’ex-paternaire

57
Chiffres généraux : en résumé (au cours des 12 derniers mois)

14.9% des femmes et 10.5% des hommes ont déclaré avoir subi au minimum un acte de violence par leur
partenaire ou ex-partenaire au cours des 12 derniers mois.

Les femmes sont plus souvent victimes de violences entre partenaires « graves » et « très graves » que les
hommes. La différence entre les hommes et les femmes se situe davantage dans la gravité (liée à la fréquence
et à la forme de violence) des actes subis que dans le fait d’avoir subi un acte ou non.

Une analyse en termes de forme de violence subie montre que le terme de « femmes battues » couramment
utilisé ne rend pas compte de la totalité des violences entre partenaires puisque les pressions psychologiques
y sont prépondérantes : les violences psychologiques ou verbales concernent près de 11% des répondantes,
alors que les agressions physiques ont été déclarées par 1.3% des répondantes).

Comparaison internationale : plus de violences ou plus de déclarations ?

Le seuil de tolérance des femmes est plus bas, elles acceptent moins la violence et elles sont plus capables
de parler à des enquêteurs. On va se demander, y a-t-il plus de violences en Finlande ou y a-t-il plus de
déclarations en Finlande : plus de déclarations ne signifie pas plus de violence. On va plutôt supposer que ces
femmes sont plus capables de déclarer les violences (moins de difficulté à déclarer) car elles sont mieux prises
en charges.

b) Recours à la police et autres formes d’aide

Concernant les femmes et les hommes ensemble pour les violences subies après 18 ans : 2 cas de violences
physiques sur 10 ont fait l’objet d’une plainte à la police. Idem pour 1 cas de violence sexuelle sur 10.

On constate que cela reste difficile d’aller voir la police.

58
10ÈME SÉANCE – SOCIALISATION ET ÉDUCATION : LA FABRICATION DES
INÉGALITÉS ENTRE LES CLASSES SOCIALES

Dans les familles, se fabriquent toutes sortes d’inégalités (de genres, …). Aujourd’hui on va s’intéresser aux
inégalités entre les classes sociales dans les familles. Les familles de classes différentes socialisent et éduquent
les enfants de manière différente et ces derniers, plus tard ressembleront et reproduiront ce que les parents
ont fait.

I. INTRODUCTION
Selon Muriel Darmon (2016), la socialisation est la façon dont la société forme et transforme les individus

OU « l’ensemble des processus par lesquels la société construit les individus et l’ensemble des apprentissages
qui les font devenir qui ils sont » (Bargel et Darmon, 2017).

OU « le mouvement par lequel le monde social – telle ou telle « partie de celui-ci – façonne – partiellement
ou globalement, ponctuellement ou systématiquement, de manière diffuse ou de façon explicite et de
consciemment organisée – les individus vivant en son sein » (Lahire, 2013).

A. Socialisation / éducation

On peut avoir une confusion entre socialisation et éducation qui sont deux notions assez proches. En
sociologie, l’éducation est une forme particulière de socialisation. Et comment ?

• L’éducation est explicite : tout le monde a conscience de ce qu’il se passe, les personnes savent qu’on
en train d’éduquer
• Elle est à visée normative : la personne qui éduque a en tête ce qu’il ne faut faire et ce qu’il ne faut
pas faire (bien/mal)

Mais la socialisation est un processus beaucoup plus large et ne se limite pas qu’à l’éducation. Elle n’est pas
toujours explicite (ex : l’enfant voit sa mère se brosser les dents, sans expliciter l’éducation du brossage des
dents, l’enfant va participer à cette socialisation), et n’est pas toujours normative.

Quelles questions sociologiques peut-on se poser sur la socialisation ?

• Dans quels cadres, par qui ? (instances, acteurs)


o Ex : l’école, les paires, la famille, l’église, les médias, le travail sont des instances de
socialisation
• Quel contenu ?
o Vous êtes socialisés à quoi, à quel rôle ?
• Comment ? (modalités)
o Comment ça se passe, ce sont des ordres, des punitions, des conseils ?
• Quand ? (enfant = socialisation primaire / âge adulte = socialisation secondaire).
o La socialisation primaire est comparable à un fond de carte où tout se dessine par la suite.
Tout ce qui est appris avant l’âge adulte prime fortement et est très compliqué à effacer

o Qu’est-ce un transfuge (transformation) de classe ? Une personne ayant accédé à une classe
sociale différente de celle dont ils proviennent, ayant aussi dû en apprendre les codes, là où
la majorité de leur famille et entourage d'enfance n'a pas connu une telle ascension.

59
Tout au long de cette séance, on va essayer de réponder à la question : en quoi la socialisation découle
d’inégalités sociales, et produit des inégalités sociales ? (classe, genre, …) Les parents, ayant vécu d’une
certaine manière, vont socialiser les enfants selon les codes appris et cette socialisation va amener les enfants
à se comporter, à agir de manière prédisposée.

II. MODALITÉS DE SOCIALISTION ET LES STYLES D’ÉDUCATION SELON LES CLASSES


SOCIALES

• Incitations, injonctions (conseils, ordres) : suggérer ou dire à l’enfant explicitement ce qu’il / elle doit
faire
• Sanctions (gronder, moquer, mettre à l’écart, frapper, …) : sanctionner des comportements
o Ex : l’enfant ne se brosse pas les dents donc le parent l’enferme dans la SDB pendant 30
minutes
• Renforcement différentiel (féliciter, récompenser, …) : renforcer un comportement et pas un autre
o Ex : Un enfant qui a lu toute la journée et les parents vont renforcer ce comportement en lui
demandant de raconter ce qu’il a lu. Alors que son frère qui a joué au ballon toute la journée,
ne va pas se voir complimenter par les parents
• Participer : proposer ou imposer à l’enfant des activités
o Ex : aller au parc, aller se promener, etc. Par cette participation, l’enfant apprend à se
comportement d’une telle manière
• Imitation : mettre l’enfant en présence de modèles de comportements
o Ex : le simple fait d’avoir des parents qui lisent beaucoup peut socialiser l’enfant à la lecture.
Ex : les rôles des genres : la mère qui éduque les filles et les garçons de la même manière et
considère que la fille n’a pas à rester dans la cuisine, etc. Si dans cette famille, les tâches sont
partagées de manière inégalitaire alors l’effet de l’incitation ne va pas avoir le même effet
(ex : la mère qui conseille la fille de ne pas trop s’intéresser aux relations amoureuses —>
semble moins crédible

A. Les modèles d’éducation (Arnaud Frauenferlder)

• Modèle statutaire / autoritaire :


o Modèle remontant au XIXe siècle, qui s’est diffusé de l’élite vers le peuple7
o Il est idéal de l’enfant obéissant, qui ne discute pas les ordres des parents « chefs ».
o « Réponpenser et punir » —> ce modèle n’a pas toujours existé : à travers des traités
d’éducation qui définissent ce qu’est un bon enfant bien éduqué, qui ne cause pas de soucis

• Modèle négociateur :
o Ne remplace pas l’ancien modèle mais les deux modèles coexistent
o Nouvel idéal des classes moyennes à partir des années 1960.
o L’idéal de l’enfant autonome, curieux, avec des parents « accompagnateurs »
o « Encadrer avec souplesse », « donner un exemple » —> Des traités d’éducation qui vont
également promouvoir ce nouveau modèle d’éducation

7 Cette diffusion peut être due par le fait que le peuple se sent stigmatisé face à l’élite et donc imite cette dernière, par
le fait que le peuple lit de plus en plus, par le fait que pleins de professions gagnent de plus en plus d’importance
(éducateurs, assistants sociaux, …) qui diffusent l’idée que « vous n’avez pas bien éduqué votre enfant, c’est plutôt
comme ça qu’il faut faire … »
60
Deux scènes en contraste : dans le 1er modèle, le parent qui dit à son enfant « brosse toi les dents, ne discute
pas » si l’enfant refuse, il se voit frapper. Dans le 2ème modèle si l’enfant refuse, le parent va communiquer et
explique pourquoi il faut se brosser les dents.

Actuellement, les sociologues remarquent que :

• Les classes moyennes et supérieures : le modèle négociateur prone


• Les classes populaires : une progression du modèle négociateur mais on retrouve des restes du
modèle statutaire

Cette éducation des classes moyennes et supérieurs colle bien avec les attentes de réussite sur le plan du
marché de travail.

B. Résultats d’une enquête par entretiens auprès de parents de classe populaire en Suisse
(Arnaud Frauenfelder)

Il observe un modèle éducatif « autoritaire adouci ». De plus, des sanctions-actes liées à des enjeux
immédiats sont observées, c-à-d réagir dans l’immédiateté (réprimandes, ordres, punition ou menace de
punition, éventuellement châtiment corporel, parfois avec mauvaise conscience).

« Si la sanction est immédiate et peu différée dans le temps, c’est avant tout parce qu’elle est liée à l’humeur
des parents, à l’état de fatigue ou d’énervement, à leur capacité de résistance aux comportements de l’enfant
plus qu’à des règles formelles valables en tout moment ou de principes intangibles que l’enfant se doit
d’intérioriser ». L’adulte imprime sur le coup et réagir comme « ramasse ton mouchoir »

a) Autres résultats de cette étude

Autorité non négociable : le parent a raison parce qu’en tant que parent, pas besoin de se justifier
(reproduction de ce qui est vécu au travail avec le patron).

Une contrainte extérieure plutôt qu’intériorisée : uniquement quand l’enfant est sous le regard des parents.
L’objectif n’est pas que l’enfant soit autonome mais plutôt l’enfant qui est surveillé par quelqu’un d’extérieur
et quand il n’est pas surveillé, alors il ne l’est tout simplement pas. Donc il a une grande marche de liberté
pour ces enfants quand il n’y a pas les parents présents (paradoxe)

Les cpts non interdits : dans les familles avec parents diplômés, le jeu doit être éducatif, scolairement rentable
pour réussir à l’école et réussir dans la vie. Malgré que les classes populaires soient plus autoritaires, elles
laissent plus de liberté, des moments sans éducation qui permettent aux enfants de se détendre.

III. LA FABRIQUE DES INÉGALITÉS DE CLASSES

A. La réussite scolaire

Un sociologue français, Bernard Lahire, a notamment travaillé, à partir d’une enquête qualitative, sur les
pratiques familiales autour de l’écrit.

Il considère que si l’écrit n’est pas maitrisé, il y a d’office des mauvaises notes ainsi que dans les autres
matières. Il s’intéresse notamment aux familles des classes populaires et identifie des mécanismes par
lesquels l’écrit se développe ou non :

Des pratiques familiales autour de l’écrit :

• Incitation (« Écris un message à ta grand-mère »)


61
• Collaboration-participation (la mère et l’enfant cuisinent ensemble et plus tard, il lui est demandé de
réécrire la recette) —> la notion d’utilité de l’écrit
• Imprégnation indirecte et diffuse (en beignant dans la pratique directement ou indirectement liée à
l’écrit permet à l’enfant d’apprendre. Par exemple, le simple fait d’entendre les parents parler,
l’utilisation des mots compliqués ou simples).

Prendre en compte les dynamiques familiales dans toute leur complexité (Lahire)

• Investissements différents dans la socialisation de l’enfant selon les membres de la famille


• Le poids des asymétries de genre : des pères généralement moins investis que les mères dans le
travail parentale
➔ Diplôme de la mère compte plus que celui du père pour la réussite scolaire de l’enfant

B. L’alimentation et la santé

Une enquête collective (17 sociologues dont Lahire) qualitative menée en France pendant 4 ans (années 2010)
auprès de 35 enfants de 5 ans :

• Entretiens avec parents, enseignants et enfants


• Observation des enfants chez eux et en classe

Dans ce chapitre, les sociologues analysent l’alimentation et la santé selon des classes sociales (Nicaise et al.) :

Remarque :

• Pôle culturel des classes moyennes et sup. : les enseignants, quelqu’un qui cadre un musée ou une
bibliothèque (travail stable mais pas les plus riches)
• Pôle économique des classes moyennes et sup. : les médecins, les avocats, … (travail stable et riche)
• Classes populaires stabilisées : policier, vendeur, …
• Classes populaires très précarisés : parents sans emploi CDI, chômage, CPAS, …

En fonction de la position, le rapport à la santé et à l’alimentation est différent.

• Classes populaires très précarisés


o Soins d’urgence et de réparation (consultation uniquement en cas de situation grave)
o Alimentation insuffisante / parfois trop grasse et sucrée (pas assez de temps, d’argent pour
cuisiner)
• Classes populaires stabilisées
o Soins de réparation (consultation en cas de de problème)
o Une distance par rapport aux normes nutritionnelles
o Hédonisme (féculents, viande, sucrier, soda) : parfois les parents connaissent plus ou moins
les normes nutritionnelles et se sentent coupables de laisser les enfants grignoter
• Pôle économique des classes moyennes & supérieures
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o Rapport de prévention aux soins de santé, consultation routnière
o Alimentation saine saine et équilibre
o Minceur (surtout le filles)
• Pôle culturel des classes moyennes et supérieures
o Rapport de prévention (très fort) aux soins de santé physique et mentale
o Alimentation saine et équilibrée (bio) transmise pédagogiquement

A. Exercice
Que peut-on en penser ? « Les émeutes du Nutella »

• Panique morale : les plus pauvres se jettent facilement sur des produits qui sont mauvais pour la
santé
• Consommation irrationnelle : au contraire c’est très rationnel de la part de ces familles de la classe
populaire. « Vous dépensez mal votre argent » ; « Si vous faisiez les meilleurs choix de dépense, vous
seriez sortis de la pauvreté » venant des classes plus hautes. Or, Colombi Denis (sociologue) considère
qu’acheter des ports de Nutelle à 4,5 euros ne permettrait pas de sortir de la pauvreté mais leur
permettrait plutôt de se sentir heureux et les enfants pourraient en profiter et se faire plaisir (Nutella
considéré comme une norme désirable entre les enfants). De plus, acheter du Nutella est de se
conformer au modèle familial dominant.
• Consommation ostentatoire (ce que je montre de ce que je suis) : personne consomme pour
satisfaire que les besoins primaires. Ex : manger des aliments, porter des vêtements qui nous
valorisent face aux autres, montrer aux autres qui on veut être. C’est le cas pour toutes les classes.
Plus on est pauvre, plus on veut être pris au sérieux dans le marché du travail et se faire valoriser face
aux autres, contrairement aux plus riches qui ne nécessitent pas de ce besoin (ex : Marc Zuckerberg
s’habille en t-shirt simple et transmettrait une image de « Je ne suis pas comme les autres riches »).

IV. CONCLUSION

La famille est la première instance de socialisation (chronologiquement, dans une vie) et l’une des plus
importantes, si ce n’est la plus importante. Son rôle est particulièrement déterminant, en particulier pendant
la socialisation primaire (avant l’âge adulte). Ce qu’elle transmet ne se limite pas à l’éducation (forme de
socialisation explicite et normative).

Les familles de idfférentes classes chiales socialisent leurs enfants de différentes manières. C’est l’un des
mécanismes de la reproduction sociale (tendance observable statistiquement dans nos sociétés) = on a de
fortes chances de rester dans la même classe sociale que nos parents (≠ mobilité sociale)

Depuis les années 1960, les familles de classes moyennes et supérieures ont tendance à adopter un modèle
éducatif négociateur (idéal de l’enfant autonome et du parent accompagnateur). Ce modèle se diffuse dans
l’ensemble de la société, mais les familles de classe populaire ont tendance à conserver en même temps un
modèle statutaire / autoritaire (idéal de l’enfant obéissant et su parent chef).

Le modèle éducatif des classes moyennes et supérieures ne signifie pas que les enfants sont plus libres de
faire tout et n’importe quoi : il repose sur l’intériorisation des règles, sur une autodiscipline de chaque instant
+ les jeux doivent avoir une valeur éducative. A l’inverse, le modèle des classes populaires laisse les enfants
plus libres quand ils/elles ne sont pas sous le regard des parents.

Quand les enfants commencent leur scolarité, certain.es (ayant les parents les plus diplômé.es) bénéficient
d’un avantage que les autres n’ont pas : leur famille les a déjà socialié.es à un certain usage de la langue et
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de l’écrit, qui est valorisé par l’école (ex : utiliser l’écrit dans le quotidien, lire certains types de libre le soir,
faire des jeux de mots). Les enfants ne sont donc pas tous égaux face à la réussite scolaire.

De même, plus les familles sont diplômées et financièrement aisées, plus elles ont la possibilité de prendre
soin de la santé de leurs enfants (visite médicales préventives, suivi des recommandations nutritionnelles). A
l’inverse, les classes populaires vivent davantage « au jour le jour » et ont tendance à valoriser la nourriture
qui fait plaisir aux enfants, plutôt que la plus saine (hédonisme, idée qu’il faut « en profiter » avant que la
dureté de la vie professionnelle ne s’impose).

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