Vous êtes sur la page 1sur 8

Chapitre 3 : Comment devenons-nous des acteurs sociaux ?

Objectifs :
➢ Savoir que la socialisation est un processus.
➢ Être capable d’illustrer la pluralité des instances de socialisation et connaître le rôle
spécifique de la famille, de l’école, des média et du groupe de pairs dans le
processus de socialisation des enfants et des jeunes.
➢ Savoir illustrer le caractère différencié des processus de socialisation en fonction du
milieu social, du genre.
➢ Montrer que nous ne sommes pas des êtres naturels, c’est-à-dire que notre
comportement ne s’explique pas par notre état de nature (biologique) mais par nos
apprentissages : nous sommes des êtres sociaux.

Introduction

Socialisation : processus d’apprentissage et d’intériorisation des normes sociales, des


valeurs et de la culture de la société dans laquelle les individus évoluent et qui permet
leur intégration.

I. Le processus de socialisation

A. Un processus d’intégration sociale

Les normes sociales sont, au sens large, les règles de comportement qui s’imposent
aux individus. Au sens strict, les normes sociales se distinguent des normes juridiques : les
normes juridiques viennent de l’Etat et sont les mêmes pour tous (principe de l’égalité
devant la loi). (exemple : interdiction de tuer quelqu’un). Les normes sociales (au sens strict)
sont les règles de comportement spécifiques à un groupe ou à une position sociale.

Rôle social : ensemble des normes associé à une position sociale, qui implique un certain
type de comportement.

Les positions sociales :


➢ Enfant / Adulte
➢ Frère / Soeur / Parent
➢ Elève / Professeur
➢ Fidèle / Prêtre
➢ Ami ?
➢ Petit-ami / Fiancé ?
➢ Consommateur
➢ Citoyen
Les comportements attendus diffèrent selon le rôle social (exemple : un enfant ne
doit pas montrer de l’affection (câlins, tutoiement) à un professeur, il sortirait de son rôle social ;
on ne se comporte pas de la même façon entre frères et sœurs et avec son petit-ami ou sa
petite-amie). La confusion de ces rôles sociaux peut envoyer quelqu’un en prison. Ces rôles
sociaux nous paraissent naturels car nous les avons appris et intériorisés.

B. Un processus variable et différencié

La socialisation différenciée ne doit pas être confondue avec la socialisation


différente. La socialisation est en réalité inégale. Une inégalité est une différence qui
s’apprécie en termes d’avantage ou de désavantage. Elle s’apprécie sur une échelle
hiérarchique (exemple : en Arabie Saoudite, en Inde, en Iran, être une femme est une inégalité).
Lorsque la socialisation est différenciée, elle est avantageuse pour certains alors qu’elle
peut handicaper d’autres.

1. La socialisation différenciée selon le milieu social


Le milieu socio-professionnel : les métiers sont divisés en 7 PCS = professions et catégories
socioprofessionnelles
1) Agricultures
2) Indépendants
3) Cadres (études supérieures) = BOURGEOISIE
4) Professions intermédiaires (études supérieures) = BOURGEOISIE
5) Classes populaires
6) Classes populaires
Dans les familles de cadre ou issues de la bourgeoisie (en opposition aux classes
populaires, ouvrières), les enfants ont une socialisation très proche de celle de l’école
(exemple : activités culturelles proches de l’école : lecture, maîtrise de la langue, musées, pièces de
théâtre). Dans ces familles, les parents véhiculent à leurs enfants une bonne relation au
savoir (leurs parents ayant fait de bonnes études). Cette socialisation leur permet de mieux
s’intégrer à l’école. On leur transmet aussi beaucoup de codes sociaux : moins de liberté,
sens des contraintes, sens des responsabilités. Les parents adoptent des attitudes de
professeurs.
La norme n’est pas interprétée comme une contrainte, mais comme une sorte de «
jeu social », ce qui fait que les enfants s'intègrent plus facilement à l’école, un milieu régi
par de multiples règles et normes. Ces familles choisissent souvent pour leurs enfants des
loisirs scolairement rentables, c’est-à-dire qui leur permettront d’avoir de bons résultats
(exemple : théâtre, échecs, musique : permettent d'accroître les performances des élèves). Ils font
aussi des voyages à l’étranger pour préparer les enfants à l’apprentissage des langues
étrangères. Les enfants sont même souvent bilingues à un très jeune âge.

2. La socialisation différenciée selon le genre


Les garçons et les filles ne reçoivent pas la même éducation. Les garçons bénéficient
de plus de liberté, de plus d’argent de poche, moins de contrôle sur la tenue et sur leurs
fréquentations. Ils reçoivent un habitus plus étendu.

Habitus : une manière d’être, un style de vie particulier, une disposition d’esprit.

➢ Garçons : habitus professionnel (exemple : ils reçoivent des mini voitures, camions, …
comme cadeaux)
➢ Filles : habitus domestique (exemple : elles reçoivent des poupées, des dînettes, …
comme cadeaux)
En 2012, L’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) publie un rapport sur la
socialisation différenciée selon le genre dans les crèches. On remarque que les tenues
vestimentaires sont inégales (robe avec boutons dans le dos : filles non autonomes /
pantalon), ainsi que les jeux proposés (dinette, cuisine / camion). De même, les garçons et
les filles ne sont pas représentés de la même façon dans les livres : le sens de la justice, la
force et la bravoure sont associés aux hommes, et la beauté physique aux femmes).

Au Royaume-Uni, en 2013, une mère de famille demande à ce que La Belle au Bois


dormant soit interdite à la lecture des enfants, car le prince embrasse la princesse sans son
consentement. En effet, de telles choses peuvent installer une idée de droit sexuel des
hommes sur les femmes, ce qui provoque beaucoup d’agressions sexuelles. Les enquêtes
montrent également que, dans l’institution scolaire, la socialisation selon le genre est aussi
différente selon les milieux sociaux.
➢ Familles d’origine populaire ou immigrés : femmes dépendantes à leur mari,
domination masculine (exemple : port du voile imposé par l’homme), et même parfois
domination du frère sur la soeur
➢ Familles de la bourgeoisie, des cadres : les normes imposées aux garçons et aux
filles sont similaires.

Qui sont les responsables de cette socialisation différenciée ?


➢ En général, les filles suivent le comportement de leur mère ; les garçons celui de
leur père.
➢ Les enfants, les camarades qui veulent sanctionner ceux qui ne respectent pas les
normes de genre (moquerie, mise de côté) : jusqu’au collège.
➢ Les parents : quand la mère seule s’occupe des activités ménagères : idée d’un
partage genré des tâches. C’est tout de même de moins en moins le cas et on
remarque plusieurs changements qui favorisent l’égalité des parents (exemple :
congés paternités, de plus en plus d’hommes poussent la poussette).
○ En 1970 : les femmes se sentaient soumises à une domination masculine et
sentaient une inégalité : plus maintenant
○ Maintenant : cette domination n’est pas ressentie au même endroit : mais
des hommes refusent à ce que leur femme sorte seule et veulent la contrôler,
ils fuient aussi la discussion et manquent d’ouverture d’esprit, ce qui est
pourtant une exigence pour l’égalité dans un couple. Ils manquent aussi des
soutien affectif et devraient manifester leur amour plus
➢ Les médias : publicité très genrée, diffusion de messages subliminaux sans vouloir
marquer une inégalité hommes/femmes.
➢ Les entreprises : à diplômes, ancienneté, expériences égales : salaires inégaux,
promotions inégales, progression dans la hiérarchie inégale. Plus on s’élève dans la
hiérarchie, moins il y a de femmes.
○ Le MEDEF (Mouvement des Entreprises DE France) enquête sur la raison de
cette inégalité. : aux plus hauts postes, le salaire se négocie. Les hommes
misent tout pour avoir un plus haut salaire, alors que les femmes n’osent pas
trop demander mais ont d’autres exigences comme les horaires.
○ Les femmes manquent d’ambition, face à la socialisation différenciée.
➢ Les Etats
○ Exemple : Pays nordiques : interdiction de réunions de travail après 18h : les
deux parents ne peuvent pas rentrer trop tard
○ Progrès de l’Etat français : congé parental pour les deux parents ; congé
maternel le plus court d’Europe

Effet paradoxal de la socialisation différenciée selon le genre : les filles, bien que
défavorisées, réussissent mieux jusqu’au baccalauréat. Cela s’inverse après. Dans les filières
courtes de l’Education Nationale, on trouve des jeunes femmes qui auraient pu aller dans
des filières plus sélectives, mais qui ont été défavorisées par la socialisation différenciée
selon le genre.

Après un divorce, beaucoup de femmes sont démunies lors du partage des biens. En
effet, les femmes doivent faire les courses, achètent des éléments éphémères ; alors que les
hommes achètent la voiture, le mobilier).

II. Le rôle des instances de socialisation

A. Les instances traditionnelles de socialisation


1. Le rôle de la famille

Famille : groupe social élémentaire composé le plus souvent de deux adultes qui
coopèrent en vue d’entretenir et d’éduquer les enfants qu’ils ont engendrés ou adoptés.

➢ Famille traditionnelles (les majoritaires) : enfants avec leurs deux parents


➢ Familles mono-parentales : un seul des deux parents
➢ Familles recomposées : un parent et son (nouveau) conjoint
➢ Familles homo-parentale (les moins nombreuses) : les deux parents sont du même
sexe
➢ Familles atypiques : vivent avec leurs grands-parents, tante, oncle, …

La famille a beaucoup évolué.


➢ Jusque dans les années 60, l’éducation s'apparentait à une forme de dressage. On
pouvait corriger physiquement l’enfant. L’enfant avait très peu d'autonomie, de
liberté. Solidarité économique : les parents financent l’entretien de leurs parents
➢ A partir des années 60, la famille devient un refuge psychologique plébiscité par les
individus. L'éducation est beaucoup plus affective, et les relations familiales sont
plus détendues. Il est aussi plus dur d’éduquer les enfants, ceux-ci étant plus libres.
La solidarité change aussi beaucoup. Solidarité affective (grâce à la Sécurité Sociale
qui assure les finances des parents) : relations plus égalitaires (plus de domination
masculine, ni de domination des grands-parents. Même si la violence est toujours
présente, elle est plus psychologique. (exemple : de nombreux pays européens ont
interdit la fessée. Dans ces pays, ces lois sont accusées d’être raciste)

Les enfants imitent les habitudes de leurs parents : transmission des normes et des valeurs.
Un enfant aime ses parents et les aura donc facilement pour modèle. Apprentissage des
codes sociaux informel, personnel et affectif : les règles ne sont pas écrites, souplesse dans
l’application des normes.

2. Le rôle de l’école
L’école telle qu’on la connaît aujourd'hui a été inventée au Moyen-Âge, car on cherchait à
rassembler dans un lieu la transmission de tous les savoirs (en opposition au système des
précepteurs). L’objectif est de faire de l’école un espace de socialisation. Avant, l’objectif
était de faire des enfants de bons chrétiens. Maintenant, l’objectif pédagogique reste le
même, mais il s’est laïcisé.
Valeurs transmises par l’école :
➢ Valeurs de la démocratie : tous les individus sont égaux (exemples : campagnes contre
le racisme, le sexisme, le harcèlement, l’homophobie). L’école est le lieu de la tolérance
et de la diversité.
➢ Sensibilisation aux problèmes environnementaux (exemple : éco délégués)
➢ Solidarité (exemples : aide aux devoirs, associations pour inciter à la fraternité)
➢ Code de conduite (exemple : ASSR 1 et 2)
L’apprentissage est méthodique, impersonnel et formel. Mêmes valeurs que dans la famille.
Les normes et les valeurs sont claires à comprendre, elles sont explicites.

B. Les nouvelles instances de socialisation

1. Le rôle du groupe de pairs

Groupe de pairs : ensemble d’individus ayant le même statut social (exemple : élèves d’une
même classe, collègues, amis, …)

L’influence des pairs est de plus en plus importante à cause notamment de l'allongement de
la durée de la scolarité.
Les normes et les valeurs transmises par les pairs sont parfois opposées aux valeurs de
l’Etat (exemple : consommation de drogue encouragée). En effet, les jeunes ressentent de
l’excitation à transgresser les règles. En France, très grande sévérité autour de la drogue :
attraction pour la drogue, le cannabis.
➢ Normes favorisées par le groupe de pairs : axées sur les loisirs, utilisation du
téléphone, réseaux sociaux, la mode
➢ Normes favorisées par les parents, l’école : axées sur le travail
En 2023, la sociologue Isabelle Clair publie un livre intitulé Les choses sérieuses, dans lequel
elle veut étudier les normes et les valeurs chez les jeunes, et en particulier ce qui met en
valeur les jeunes aujourd'hui. Elle étudie trois milieux : les jeunes défavorisés des cités
HLM, les jeunes ruraux des milieux populaires, et la bourgeoisie progressiste et aisée.
Parmi ces trois milieux, l’idéal, la norme est la même : le couple hétérosexuel.
Pour la première fois depuis les années 2000, les jeunes se définissent « célibataires » dès
14 ans, sans pour l’instant considérer cela terrible. Mais plus on grandit, plus ce statut
devient anormal, il faut être en couple pour s’intégrer. Ce n’est pas qu'un modèle, mais une
norme, ce qui signifie qu’il s’ensuit des sanctions.
➢ Les jeunes filles ne veulent pas être considérées comme « coincées » (surtout dans
les milieux populaires) ni comme une « salope » : il faut être une « fille bien ».
➢ Les jeunes garçons ont peur d’être considéré homosexuel ou « puceau ». Dans les
milieux populaires, les jeunes garçons ont dit vouloir virer leur fils s’il jamais il était
homosexuel.
Les filles ont plus de mal à se dire lesbiennes que les garçons, même si cela est dur pour les
garçons aussi. Les gays disent même se forcer à sortir avec des filles de peur d’être
stigmatisés.
On remarque que les jeunes ont des mœurs archaïques : domination masculine + une fille
doit être docile et ne pas s’imposer. (exemple : le mouvement #MeToo, un mouvement qui
encourage la prise de parole des femmes victimes de viol et d’agressions sexuelles, a eu beaucoup
d’effet dans le monde des adultes, mais pas du tout chez les jeunes).

2. Le rôle des médias


Ils ont en commun avec le groupe de pairs le fait que les normes et valeurs ne soient pas
clairement énoncées, il faut les deviner (normes implicites).
➢ En 1960, la jeunesse s’émancipe avec la TV, le cinéma, les concerts
➢ En 1980, les radios jeunes (exemple : Skyrock), les magazines, la presse
➢ puis Internet et les réseaux sociaux.
Pour les femmes : Les médias exercent une pression sociale sur le physique des femmes,
notamment sur leur poids. On remarque que les femmes françaises ont l’IMC le plus bas de
l’Union Européenne, cependant elles sont celles qui aspirent le plus à un régime, à maigrir.
Influence médiatique sur le maquillage de plus en plus jeune : la Suède interdit récemment
la vente de maquillage aux pré-adolescentes.
Pour les hommes : La santé physique, le corps sont mis en avant (abdos, musculation).

Le non-respect de ces normes conduit à des sanctions. C’est l’existence de ces sanctions
qui nous apprend l’existence de ces normes « déguisées » :
➢ le ricanement, la moquerie
➢ le harcèlement
➢ l’exclusion d’un groupe : ne pas adresser la parole, ignorer
Ces sanctions peuvent être totalement infondées et révèlent que l’état des normes sociales
des jeunes sont contraires aux lois de l’Etat.
Le harcèlement (au nom de l’orientation sexuelle, de la religion, de la couleur de peau, du
handicap, d’une difformité physique, de la tenue vestimentaire, du surpoids (le terme «
grosse … » est utilisé comme stigmate pour dévaloriser une fille : normes de maigreur), du
ton de la voix, de certaines expressions utilisées, des jeux, des goûts (exemple : un garçon qui
serait passionné par le maquillage serait stigmatisé et mis à l’écart par ses pairs).
Les réseaux sociaux véhiculent des messages, des idéaux non prioritaires (idéal de
l'esthétique), centrés sur les loisirs (musique, jeux vidéos).
➢ La pornographie : la pornorgaphie véhicule des normes : inégalité hommes/femmes,
violence, absence de poils autour des parties intimes, dévalorisation du
cheminement vers l’acte sexuel (= on ne prend pas le temps de construire une
relation : plus de viols), absence de libertés
➢ La violence : les algorithmes des réseaux sociaux favorisent l’expression de la
violence : images de violence physique, verbale. L’anonymat favorise les insultes
verbales.
Faut-il renoncer aux réseaux sociaux ?
Non : il faut apprendre à désobéir aux normes, à y résister, lorsqu’elles sont opposées aux
normes de l’école, de l’Etat, des parents. Pour résister à ces normes, il faut multiplier les
instances de socialisation, pour mettre en relation plusieurs systèmes de normes, et donc
être plus autonome et plus libre.

Notions

Groupe de pairs : ensemble d’individus ayant le même statut social (exemple : élèves d’une
même classe, collègues, amis, …)

Famille : groupe social élémentaire composé le plus souvent de deux adultes qui
coopèrent en vue d’entretenir et d’éduquer les enfants qu’ils ont engendrés ou adoptés.

Socialisation : processus d’apprentissage et d’intériorisation des normes sociales, des


valeurs et de la culture de la société dans laquelle les individus évoluent et qui permet
leur intégration.

Habitus : une manière d’être, un style de vie particulier, une disposition d’esprit.

Normes : règles sociales explicites ou implicites qui orientent le comportement des


individus conformément aux valeurs de la société. La transgression des normes est
passible de sanctions.

Valeurs : principes moraux et idéaux sociaux qui permettent de classer les situations et
les comportements jugés souhaitables et acceptables par la collectivité. Le système de
valeurs est à la base de la construction de normes.

Entraînement

➢ Montrer que la socialisation est un processus.


➢ Quel est le rôle spécifique de la famille / de l’école / des médias / du groupe des
pairs dans le processus de socialisation des enfants et des jeunes ?
➢ Illustrer la pluralité des instances de socialisation.
➢ Comment se différencie le processus de socialisation selon le milieu social / selon le
genre ?

Vous aimerez peut-être aussi