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"Ce n’est pas la conscience des hommes qui déterminent leur existence, c’est au contraire leur
existence sociale qui détermine leur conscience."
Karl Marx

Introduction : En 2nde nous avons vu que le socialisation était un processus qui par l’apprentis-
sage des normes et des valeurs (par injonction, imitation, ou intéraction) permettait l’acquisition des
rôles sociaux. La socialisation a pour fonction de permettre l’intégration des individus à la société,
mais aussi de permettre à la société de se maintenir. Elle se déroule tout long de la vie, de la nais-
sance à la mort. La socialisation secondaire (qui intervient après la socialisation primaire) permet
d’acquérir des normes et des valeurs spécifiques à un groupe particulier (par exemple dans le monde
du travail). Parfois elle peut s’opposer à la socialisation primaire, mais le plus souvent elle s’inscrit
dans sa continuité. La socialisation explique en partie la reproduction sociale, en transmettant des
comportements spécifiques la famille va déterminer la réussite ou l’échec scolaire. Or parfois il existe
des trajectoires improbables (échec non attendu ou réussite paradoxale). En étudiant la diversité
des configurations familiales et la pluralité des influences localisatrices on peut saisir ses trajectoires
individuelles.

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CHAPITRE 1. COMMENT LA SOCIALISATION EXPLIQUE LES DIFFÉRENCES DE COMPORTEMENT ?

I La socialisation permet d’intérioriser une manière d’être

A La socialisation est socialement située


-Comment les individus expérimentent et intériorisent des façons d’agir, de penser et
d’anticiper l’avenir ?

Les goûts, les préférences, les manières de voir les choses etc., ne sont pas distribués au hasard
dans la société. Il existe des grandes régularités statistiques qui sont étroitement liées à la position
sociale des individus. Ce qui veut dire que nous sommes en partie le fruit d’une éducation, qui elle
même est liée à notre milieu sociale d’origine. Nos manières de penser, nos perceptions, jusqu’à des
choses qui peuvent nous paraître aussi naturelles que le rapport au propre ou au sale, le rapport à
la douleur etc., sont des constructions sociales. La socialisation va donc façonner des individus qui
vont incorporer ce que le groupe attends d’eux(l’apprentissage se traduit dans le corps : façon de
marcher, etc.).
Elle peut s’effectuer de façon explicite et intentionnelle comme par exemple le cas de l’éducation, où
l’objectif est clairement énoncé (l’éducation familiale, ou à l’école). Mais elle se fait souvent de façon
implicite, par imitation les individus vont prendre exemple sur d’autres personnes et s’imprégner de
leurs façons de faire (par exemple des enfants imitant les adultes). En intériorisant ses façon de faire
au point d’acquérir la force de l’évidence la socialisation donne l’illusion de l’inné, comme si tout ça
était naturelle.

-Les différences de comportements, de préférences et d’aspirations s’expliquent par


une socialisation différenciée.

Les comportements attendus (donc la socialisation) dépendent de la société dans laquelle on vit,
mais aussi de l’époque. Tout cela évolue au gré des époques et au gré des sociétés. La socialisation
va aussi être différente selon le genre et selon le milieu social. Pierre Bourdieu utilise la notion
d’habitus pour désigner toutes les façons d’être qui sont issues de la socialisation. Ainsi ce qui parait
évident est en réalité le résultat d’un apprentissage plus ou moins inconscient. Les différents habitus
de classes vont expliquez les différences en termes de pratiques culturelles et sportives. Par exemple
on constate que dans les classes populaires les goûts et les pratiques musicales sont plutôt univores
(un seul type de musique) alors que dans les classes dominantes les goûts et les pratiques sont plutôt
ominivores (plusieurs styles de musiques, on écoute de la musique classique, mais aussi du jazz, du
rap etc.).
Les choix d’études vont aussi en partie s’expliquer par la socialisation différenciée. En effet les enfants
de classes dominantes vont avoir tendance à s’orienter vers études longues et prestigieuses comme
les écoles de commerces, d’ingénieurs etc., alors que dans les milieux populaires on va davantage
favoriser les études courtes (DUT, BTS, BAC PRO, BEP etc.).
Garçons et filles vivent une socialisation différente, par exemple les filles sont davantage sollicitées
(très jeune) sur le plan cognitif (le langage par exemple), alors que les garçons le sont davantage sur
le plan moteur (apprendre à tenir une cuillère etc.). Plus tard les garçons sont davantage marqués
par l’esprit de compétition, les filles ont davantage tendance à rester concentrées en classe ce qui leur
procure un avantage certains. De fait les filles obtiennent de meilleurs résultats scolaires mais elles
ont plutôt tendance à choisir des orientations professionnelles par goûts, par intérêts. Les garçons
poussés par l’esprit de compétitions vont plutôt avoir tendance à choisir les études plus prestigieuses.
Tout ceci se traduit par de fortes inégalités sur le marché de l’emploi, par exemple il y a très peu de
femmes PDG de grandes entreprises.

I. LA SOCIALISATION PERMET D’INTÉRIORISER UNE MANIÈRE D’ÊTRE 62


CHAPITRE 1. COMMENT LA SOCIALISATION EXPLIQUE LES DIFFÉRENCES DE COMPORTEMENT ?

B Les différents types de socialisations secondaires


-La socialisation professionnelle.

La socialisation professionnelle constitue une étape importante dans la vie d’une personne, cela
conduit suivant à une re-définition de l’image que de soi. L’identité professionnelle est une dimension
importante de l’identité sociale.

-La socialisation conjugale.

La mise en couple nécessite des adaptations de la part de chacun qui passent par une phase de
socialisation importante. C’est une étape importante de ré-définition de soi.

-La socialisation politique.

Les valeurs transmises durant l’enfance contribuent en général au positionnement gauche-droite,


la socialisation secondaire va plutôt influencer le choix du parti politique. Le monde du travail,
l’influence du groupes de pairs (amis), la fréquentations des associations, l’école etc. participent
aussi à la socialisation politique.
Les socialisations secondaires n’effacent pas totalement la socialisation primaire. Parfois elles
renforcent ses effets. Parfois elles entrent en contradiction on assiste alors à une transformation ou
encore une conversion.

II Configurations familiales et influences socialisatrices

A La pluralité des influences socialisatrices peut être à l’origine de tra-


jectoires individuelles improbables
Si il existe une forte influence de la socialisation sur les parcours des individus, il existe malgré
tout des trajectoires individuelles improbables, c’est-à-dire des situations sociales atypiques qui ne
correspondent pas à la majorité statistique. Par exemple on observe des réussites scolaires chez
des enfants issus de milieux défavorisés et à l’inverse des échecs chez des enfants issus de classes
dominantes. Dans les sociétés contemporaines nous sommes confronté à une multitudes d’espaces
de socialisations, dès lors deux personnes issues du même milieu vont donc connaître des formes de
socialisation différentes en fonctions de leurs fréquentations.

B La diversité des configurations familiales et leurs effets sur les condi-


tions de socialisation des enfants et adolescents
Quand on analyse dans le détail les formes d’organisations familiales, on se rend compte que
souvent des choses qui paraissent insignifiantes vont avoir une influence non négligeable sur la socia-
lisation de l’enfant. Par exemple la présence dans la famille d’une sœur étudiante ou d’un personne
diplômée que l’enfant voit régulièrement va modifier le rapport que de l’enfant à l’école. L’utilisation
de calendrier, agenda, liste de course etc., qui a priori semble anodin, peuvent favoriser la réussite
scolaire.
La séparation des parents ne favorise pas la réussite scolaire des enfants.

Conclusion : La socialisation détermine en partie nos façon d’être, en revanche elle n’agit pas
de façon systématique et implacable nous avons une certaine marge de manœuvre dans le choix,
l’acceptation, le rejet et l’interprétation de ce qui nous est transmis.

II. CONFIGURATIONS FAMILIALES ET INFLUENCES SOCIALISATRICES 63


CHAPITRE 1. COMMENT LA SOCIALISATION EXPLIQUE LES DIFFÉRENCES DE COMPORTEMENT ?

Définitions :
Habitus : C’est l’ensemble des manières d’être, de se comporter etc. qui sont le fruit d’un
apprentissage.

Auteur : Bernard Lahire 1963


C’est sociologue français qui a étudié, au travers de grandes enquêtes, les problématiques liées
à la socialisation primaire et ses effets sur la réussite scolaire.

Fiche méthode :L’exploitation d’un document statistique


Repérer les caractéristiques d’un document statistique SES Les Bons Profs

Fiche conseil : L’orientation


Comment bien s’organiser au lycée : fais un planning de travail
Comment réussir ses études au lycée ? Les 7 erreurs à évitern

Livre : Toute la socio en BD T2 : L’opinion publique et le vote (2020)


Une façon ludique d’aborder ses questions.

II. CONFIGURATIONS FAMILIALES ET INFLUENCES SOCIALISATRICES 64


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"L’homme est né libre et partout il est dans les fers"
Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social (1762)

Introduction : Toutes les sociétés humaines se caractérisent par l’existence de liens qui unissent
les individus les uns aux autres. Homo sapiens est avant tout un être social, c’est à dire que l’essen-
tiel de sa vie est organisée autour des relations qui l’unissent aux autres. Son existence et sa survie
dépendent des autres. Par exemple un médecin ne produit pas lui même sa nourriture, il dépend
des agriculteurs, à l’inverse un agriculteur ne se soigne pas seul, il dépendra des professionnels de
la santé sur ce plan. On pourrait multiplier les exemples à volonté. Les liens qui nous unissent à
la société sont donc très nombreux, et complexes (famille, amis, travail, religion, loisirs, politique etc).

La nature de ces liens évolue sans cesse, mais le XIIIème siècle marque une rupture importante
à la suite de deux éventements majeurs. En effet, La révolution Française (1789) et la révolution
industrielle marquent le début d’un mouvement qui va profondément transformer les liens sociaux.

Le développement de l’État-providence 1 a eu pour conséquence le renforcement de individua-


lisme 2 , on parle du primat de l’individu sur le groupe. D’autres éléments, comme la baisse de
conscience de classe, les phénomènes de ségrégation et d’isolement, la monté du chômage et de
la précarité ou encore les transformations de la famille ont contribué à affaiblir les liens sociaux. A
l’opposé, les possibilités de mise en relation qu’offre le numérique contribue à renforcer les liens.

Nous allons donc voir ici, comment se construisent les liens sociaux et la manière dont ils ont
évolué.

1. Ce terme désigne le fait qu’un État intervienne dans l’économie pour couvrir certains risques comme la maladie, etc. La mise en
place de la sécurité sociale (allocation familiale, chômage retraite etc.) relève de cette logique.
2. Cela ne signifie pas égoïsme, mais signifie simplement le fait que l’individu soit reconnu en tant que tel, qu’il ait des droits etc.

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CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

I De la diversité des groupes à la diversité de liens sociaux


La multitude de groupe auxquels nous appartenons est source de cohésion sociale 3 , plus nous
fréquentons des groupes différents, plus les relations entre individus sont nombreuses. Les groupes
étant de natures différentes, les liens sociaux se complètent.

A La notion de groupe en sociologie

Attention le terme groupe en sociologie renvoie à un concept précis, il ne suffit pas que
des personnes sont en contact où présentent sur le même lieu pour parler de groupe. Des
personnes présentent sur un même lieu sans lien particulier (file d’attente devant dans les
transport en commun par exemple) ne sont pas un groupe social, mais un simple agrégat
physique
On distingue en général trois niveaux de regroupement :
-Le simple agrégat physique : ensemble de personnes présentes sur un même lieu sans
autre caractéristique commune
-La catégorie statistique : ensemble d’individus présentant des caractéristiques com-
munes, mais sans conscience d’appartenir à un même collectif, sans identification à cette
caractéristique (ex : des personnes portant des lunettes)
-Le groupe social : ensemble d’individus ayant une ou des caractéristiques communes,
partageant des valeurs communes, et en ayant conscience. La défense d’un intérêt com-
mun, le partage d’une cause commune sont des éléments déterminants dans la définition
du groupe . Par exemple les Végans sont un groupe, les Blacks Panthers, et les gilets
jaunes sont un groupe.

- Les groupes primaires

Les groupes primaires correspondent à des groupes de petites tailles, comme la famille ou les
amis (pairs), dans lesquels les contacts sont directs (face à face). Les relations sont assez intimes,
avec une forte proximité affective. Les liens sociaux dans ces groupes revêtent une importance de
premier ordre, ils constituent des ressources affectives, financières, et sociales importantes.

- Les groupes secondaires

Ce sont des groupes de grandes de tailles dans lesquels les relations sont indirectes, avec un faible
degré d’intimité. Les partis politiques, les entreprises sont un exemple de groupe secondaire.

-Les Professions et catégories socioprofessionnelles PCS

Définition :
La nomenclature des PCS est un outil de l’Insee qui classe la population selon une synthèse de 7
critères :
— La profession

3. Capacité d’une société à se maintenir.

I. DE LA DIVERSITÉ DES GROUPES À LA DIVERSITÉ DE LIENS SOCIAUX 66


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

— Le statut (indépendant/salarié)
— L’importance de l’entreprise
— La qualification
— La position hiérarchique
— Le secteur d’activité (Primaire, secondaire, tertiaire)
— L’appartenance secteur (public/privée)

La classification comprend trois sous-ensembles :

-8 groupes socioprofessionnels, qui se décline en 42 catégories socioprofessionnelles qui eux-mêmes


se déclinent en 486 professions
Une modification majeure a eu lieu en 1982 , le terme Catégories Socioprofessionnelles CSP a été
abandonné au profit de PCS

Intérêts : La catégorie socioprofessionnelle est une variable pertinente pour expliquez les com-
portements des individus. Par exemple quand on étudie les pratiques culturelles, la consommation,
le vote etc.

Limites : Ces catégories n’ont pas forcément d’existence réelle, par exemple personne ne se
définit comme ‘Profession intermédiaire’ . De plus il peut y avoir des différences très fortes au sein
d’une même catégorie, les revenus , la précarité de l’emploi etc. ne sont pas pris en compte. Certains
regroupements sont très hétérogènes.

Un exemple de nomenclature (la liste des Catégories est non exhaustive)

I. DE LA DIVERSITÉ DES GROUPES À LA DIVERSITÉ DE LIENS SOCIAUX 67


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

Groupes socioprofessionnels Catégories socioprofessionnelles


11 Agriculteurs sur petite exploitation
Agriculteurs exploitants
1 12 Agriculteurs sur moyenne exploitation
13 Agriculteurs sur grande exploitation
22 Artisan
Artisans, commerçants, et chefs
2 23 Commerçant
d’entreprise
24 Chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus
31 Professions libérales
Cadres et professions intellectuelles
3 32 Cadres fonct. publique
supéieures
33 Professeurs, professions scientifiques
Professeurs des écoles,Professions inter-
41
Professions intermédiaires médiaires de la santé et du travail social
4
42 Clergé, religieux
Professions intermédiaires administra-
43
tives de la fonction publique
Employés civils et agents de service de la
52
Employés fonction publique
5
53 Policiers et militaires
54 Employés administratifs d’entreprise
62 Ouvriers qualifiés de type industrie
Ouvriers
6 63 Ouvriers qualifiés de type artisanal
64 Chauffeurs
71 Anciens agriculteurs exploitants
Retraités
7 Anciens artisans, commerçants et chefs
72
d’entreprise
73 Anciens cadres
81 Militaires du contingent
8 Autres sans activité professionnelle 82 Chômeurs n’ayant jamais travaillé
83 Élèves, étudiants

Les PCS sont entre la catégorie statistique et le groupe, les cadres par exemple sont devenus un
groupe (conscience d’intérêts communs, vote, style de vie similaire etc.) après avoir été une catégorie
statistique.

B La nature des liens sociaux dans les groupes primaires et secondaires

Dans son ouvrage le lien social (2008) Serge Paugam distingue quatre types de liens sociaux
nécessaires à l’intégration de l’individu à la société :
— Le lien de filiation désigne les relations familiales.
— Le lien de participation élective désigne les relations choisies (conjoints, amis, sport,. . . ).
— Le lien de participation organique désigne les relations professionnelles
— Le lien de citoyenneté désigne l’appartenance à la nation
Cette diversité de liens sociaux qui se complètent apporte protection et reconnaissance sociale. Ainsi
les familiaux apportent une solidarité intergénérationnelle. Les relations amicales sont sources de
plaisir et de reconnaisse. Le travail offre la satisfaction matérielle et une reconnaissance symbolique.
Les associations sont un lieu privilégié de création de liens sociaux, on y partage des centres d’intérêts
communs. En France on dénombre 1,3 millions d’associations actives, 13 millions de bénévoles et
23 millions d’adhérents. Elles participent largement à la cohésion sociale. Et le lien de citoyenneté
offre quant à lui une reconnaissance juridique et politique de la souveraineté de l’individu.

I. DE LA DIVERSITÉ DES GROUPES À LA DIVERSITÉ DE LIENS SOCIAUX 68


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

Le groupe des pairs signifie les amis, ceux qui nous ressemble (âge,style de vie etc.),
l’adolescence est un moyen privilégié pour ce type de relation. Les liens sociaux sont très
forts entre les membres du groupe.
L’école est aussi un lieu qui met en relation des pairs, c’est une institution qui produit de
la cohésion en contribuant largement au renforcement du lien social

Pour résumer, les liens sociaux sont nombreux et de natures diverses (familiaux, marchands,
politiques etc.). Les individus sont liés à la sociétés par des relations qui s’entrecroisent.
La multitude de groupes auxquels nous sommes liés implique une multitude de liens. La
capacité de la société à se maintenir (cohésion sociale) dépend de la qualité des liens.
En fonction du type de société, certains liens sont plus importants que d’autres.

C La particularité des liens au sein des réseaux


Les individus sont encastrés dans des réseaux de relations

Le terme réseau social est utilisé en sciences sociales depuis plus d’un siècle, il ne se réduit donc
pas réseaux sociaux numériques. Il a été employé des décennies avant l’apparition d’internet pour
caractériser les relations qui unissent les tribus amérindiennes aux États-Unis. Avant l’apparition des
réseaux sociaux numériques, le terme faisait souvent référence à des organisations plus ou moins
secrètes (la Franc-maçonnerie etc). Les réseaux sociaux sont donc des structures de liens qui unissent
des groupes ou des individus à d’autres groupes. Par exemple un motard adhérant à une association
de motard, et faisant parti d’une autre association (sport etc.) sera inséré dans une structure de
relations complexes qui pourra lui être utile dans certaines circonstances.

Pour comprendre le fonctionnement d’un réseau il faut prendre en compte les relations d’un indi-
vidu avec les autres contacts du groupe mais aussi avec les contacts des contacts. Par exemple dans
la figure A tous les individus sont liés les uns aux autres . Alors que dans Figure B les individus X et
W sont dans une position particulière car ils sont les seuls à être en contact avec les deux réseaux.
X et W vont donc avoir un avantage sur les autres membres du groupe, par exemple en disposant
d’informations exclusives.
La notion de capital social est utilisée pour qualifier les ressources sociales (les relations sociales )
dont disposent un individu, notamment au sein d’un réseau, afin de bénéficier d’avantages, comme
par exemple la recherche d’un stage ou d’un emploi.

La notion de sociabilité, et de liens faibles/forts

Si dans la sociologie Américaine les termes capital social et sociabilité sont synonymes, en France
ils sont utilisés distinctement. La sociabilité renvoie l’ensemble des interactions sociales d’un individu,
alors que le capital social désigne plutôt un sous-ensemble de ses interactions. En effet le capital

I. DE LA DIVERSITÉ DES GROUPES À LA DIVERSITÉ DE LIENS SOCIAUX 69


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

social se caractérise par la volonté consciente ou non de bénéficier d’avantages liés à la relation. Par
exemple tisser une relation amicale avec son facteur relève de la sociabilité, alors que déjeuner avec
une connaissance professionnelle permet d’entretenir son capital social.
Dans un réseau social la force des liens joue un rôle important, on distingue les liens forts caractérisés
par des relations fréquentes et intenses (les amis, la famille etc.) et les liens faibles caractérisés par
des relations occasionnelles avec un faible niveau d’intimité. Paradoxalement les liens les plus utiles
sont les liens faibles (car nous disposons de beaucoup de liens faibles) et finalement beaucoup moins
de liens forts.

La sociologie des réseaux sociaux (2004) de Pierre Merklé. Ce petit ouvrage synthé-
tique fait le point sur cette question. L’auteur part du principe que les réseaux sont un
paradigme, une méthode d’analyse des relations entre les individus. Les relations ont pour
particularité de ne pas tenir compte des caractéristiques des individus (âge, revenus, etc.).
On cherche ainsi à comprendre comment les réseaux de relations expliquent et donnent
du sens à une situation. Par exemple pour comprendre comment des individus trouvent
un emploi, on va pas s’intéresser à leurs diplômes etc. mais aux cercles de relations dans
lesquelles ils sont insérés.

L’analyse en terme de réseau complète l’analyse en terme de groupe. Le regard porté n’est le même.

II Les transformations du lien social


A L’évolution des formes de solidarité (lien social)
Dans un ouvrage devenu célèbre ( De la division du travail social, 1893), Émile Durkheim constate
que la conscience collective s’est fortement amoindrie, la cohésion sociale risque d’en pâtir. Il estime
que la division du travail est une conséquence de l’affaiblissement de la conscience collective et non
l’inverse. C’est à dire que la société a trouvé un moyen (une solution) pour créer une nouvelle forme
de solidarité 4 afin de maintenir la cohésion sociale. Il oppose deux formes de société cratérisée par
deux types solidarités, la solidarité mécanique et la solidarité organique.
Les sociétés à solidaires mécaniques sont des sociétés traditionnelles où la conscience collective 5
est très forte, l’adhésion à des normes et à des valeurs communes est indispensable. La division du
travail y est faible, par exemple dans les sociétés traditionnelles il y a peu de fonctions différentes
(chasseurs, guerriers, guérisseurs, chefs, cultivateurs). Les individus sont beaucoup moins dépendants
les uns des autres, du point de vue des ressources, que dans les sociétés contemporaines. Un paysan
au moyen-âge peut réparer ses outils et sa maison sans forcément avoir recours à un spécialiste, il
peut en partie se soigner seul etc.
Le lien social repose avant tout sur l’adhésion à des valeurs communes et aux respects des normes
très contraignantes. Les relations entre individus sont simples et on peut facilement remplacer un
individu par un autre, comme dans un mécanisme. Le droit dans ce type de société est répressif, il
cherche à se venger.
En revanche dans les sociétés à solidarités organiques, la conscience collective est faible alors que
la conscience individuelle est forte, c’est donc la division du travail qui crée du lien. Les individus sont
libres de choisir les valeurs qui leurs conviennent, les normes (vestimentaires etc.) sont beaucoup
moins contraignantes, mais il y a une forte dépendance matérielle. Le médecin va dépendre du ga-
ragiste pour entretenir sa voiture, qui lui même va dépendre de l’agriculteur pour se nourrir etc. Les
individus sont complémentaires et comme dans un organe les relations sont complexes, on peut pas
remplacer un individu par un autre. Le droit dans ce type de société est restitutif, il cherche à se corri-
4. Chez Durkheim la solidarité et lien social sont synonymes
5. Sentiment d’appartenir à une même communauté

II. LES TRANSFORMATIONS DU LIEN SOCIAL 70


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

ger la faute. Durkheim y voit une menace pour le lien social, il propose de renforcer la morale civique.

Ce problème a aussi été soulevé par Ferdinand Tönnies (sociologue et philosophe allemand du
XIXème siècle). Pour lui les bouleversements économiques et politiques du XIXème siècle on conduit
au passage de la communauté à la société. La communauté se caractérise par des relations directes
affectives, chaleureuses, etc. La famille et le village sont des exemples de communauté. La société
quant à elle se caractérise par des relations froides, réfléchies, rationnelles avec un calcul des intérêts
personnels.

La modernité a donc apporté plus de libertés (politique, choix du conjoint, de son mode de vie,
d’expression etc.) mais ce primat accordé à l’individu face au groupe (individualisation 6 ) menace la
cohésion sociale, Durkheim parle d’anomie 7 .

Les termes individualisme et individualisation sont proches mais ne se recoupent pas entiè-
rement. L’individualisme est l’idée que l’individu prend une place importante par rapport
au groupe, il a des droits . En ce sens on dire que la démocratie a contribué à l’individua-
lisme. L’individualisation renvoie à l’idée que l’individu est libre de choisir son conjoint, ses
valeurs etc. de façon personnelle, indépendamment du groupe.

B Les mutations sociales fragilisent le lien social


L’émancipation politique et économique qu’a permis la démocratisation de la vie politique et la
mise en place de l’État-providence 8 a eu pour conséquence le développement de l’individualisme et
de l’individualisation. En effet l’individu en plus d’avoir gagné des libertés civiques et politiques, a
gagné une autonomie matérielle, en ce sens il dépend beaucoup moins des solidarités traditionnelles
(famille etc) pour sa survie. Il y a de ce point de vue un affaiblissent du lien social.
Dans les sociétés contemporaines, le lien social repose essentiellement sur le travail. Travailler
signifie avoir un revenu qui permet de consommer et satisfaire ses besoins de façon autonome. Il
permet aussi d’ouvrir des droits sociaux (retraite etc). Il joue un rôle symbolique important car il
donne du sens, il offre de la reconnaissance, la place dans la division du travail offre un rôle à jouer
qui contribue à l’intégration et à la cohésion sociale. Dans le contexte de monté du chômage et de
la précarité, les personnes privées d’un emploi stable risque l’exclusion sociale.
Le rôle de la famille a beaucoup changé. La transformation des liens familiaux, l’augmentation du
nombre de divorces etc. entraînent une fragilisation du lien social. Si on ajoute une rupture du lien
familial à un éloignement du marché du travail, il y a un risque de rupture du lien qui unit l’individu
à la société.

Robert Castel parle de désaffiliation sociale pour évoquer le processus qui conduit progressive-
ment à la rupture des liens sociaux, par exemple une personne qui perd son emploi, et qui se coupe
de sa famille risque de se retrouver progressivement à la marge de la société sans ressources. Serge
Paugam utilise le terme disqualification sociale qui en plus du processus d’exclusion met avant en
plus la stigmatisation 9 des plus pauvres

Il faut aussi souligner que la baisse du sentiment d’appartenir à une classe sociale, la baisse du
taux de syndicalisation, la hausse de l’abstentionnisme témoignent de la fragilisation du lien social.
Le risque d’isolement est fort et menace le lien social.

6. L’individu dépend moins du groupe, il prime sur le groupe dans ses prises de décision.
7. Perte de sens, perte de repères qui peux conduire à des dysfonctionnement comme par exemple l’augmentation du nombre de
suicides.
8. Retraite, assurance santé, assurance chômage etc.
9. Le fait de désigner des individus par une caractéristique visible.

II. LES TRANSFORMATIONS DU LIEN SOCIAL 71


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

La ségrégation urbaine entraîne des risques de mise à l’écart, en effet une sous-culture déviante
en marge des valeurs de la société globale peut entraîner une fragilisation des liens sociaux. Ainsi
aux USA les gangs et leurs activités criminelles sont très présents dans les ghettos des grandes
métropoles.

C Les nouvelles sociabilités numériques contribuent au lien social

Sociabilité numérique : Le terme numérique est employé dans un sens proche d’infor-
matique, ou plus globalement Nouvelles Technologies de l’Information et de la Commu-
nication. En outre il fait référence aux nouvelles formes d’interaction comme les réseaux
sociaux numériques, les jeux vidéos en ligne, etc.

-La modernité et ses conséquences sur la sociabilité classique


Les mutations de la famille (hausse des divorces etc.), la mobilité professionnelle, les relations
sociales quotidiennes de plus en plus impersonnelles etc. ont conduit à une baisse de la sociabilité
classique. En effet les villes contemporaines, les grandes métropoles ont progressivement évolué vers
des relations sociales moins intenses entre les individus. Par exemple les relations de voisinage sont
moins importantes qu’auparavant.

-Les nouvelles technologies ont des conséquences sur le lien social


La diffusion du téléphone à grande échelle a en partie compensé la baisse de la sociabilité classique
(relation directe de face à face). Mais il faut souligner un point important, les personnes qui ont
le plus de relations de face à face sont aussi celles qui entretiennent le plus de relations par téléphone.

Désynchronisation des temps et l’éclatement de l’espace : cette expression signifie


que l’apparition des nouvelles technologiques de communication a entraîné des nouveaux
modes d’interactions sans contraintes de temps et de lieux.

Facebook et la mise scène de la vie numérique : La mise en scène de soi sur Facebook
est l’occasion d’interagir avec des connaissances dont le lien est faible. Une forte sociabilité
sur Facebook s’accompagne souvent d’un fort engagement dans relations classiques de face
à face. Contrairement à une idée reçue une forme de sociabilité n’exclue pas l’autre.

Gamers et culture vidéoludique : : Les joueurs de jeux vidéos en ligne sont appe-
lés « Gamers », on parle même de «communauté». Ils ont un mode de communication
spécifique à cet univers et partage des codes communs.

Internet, les réseaux sociaux numériques, les jeux vidéos offrent des nouvelles possibilités de créer
du lien social sans pour autant se substituer aux liens sociaux «hors ligne» ; le numérique renforce
le lien social en prolongeant les relations sociales traditionnelles dans des formes nouvelles.

II. LES TRANSFORMATIONS DU LIEN SOCIAL 72


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

Défintions
Groupe : On parle de groupe en sociologie pour désigner un ensemble de personnes partageant
des caractéristiques communes et en ayant un sentiment d’appartenance à ce groupe.
Réseaux social : C’est une configuration de relations entre des individus ou des groupes.
Capital social : Ensemble de ressources (au sens relations sociales) qu’un individu peut
mobiliser en vue d’obtenir un avantage.
Sociabilité numérique : Relations sociales établies par le biais du numérique (Internet, jeux
vidéos, réseaux sociaux numériques, etc).
Lien social : Relations qui relient l’individu au groupe.
Individualisation : Processus qui conduit l’individu à choisir librement son mode de vie.

II. LES TRANSFORMATIONS DU LIEN SOCIAL 73


CHAPITRE 2. COMMENT SE CONSTRUISENT ET ÉVOLUENT LES LIENS SOCIAUX ?

Auteurs : Ferdinand Tonnies, Robert Castel


Robert Castel (1933-2013) est un sociologue français qui a travaillé sur la question du lien
social, on lui doit le concept de désaffiliation. Il est l’auteur d’un livre important sur cette
question : :Les métamorphoses de la question sociale. 1995.

Ferdinand Tönnies (1855-1936) est philosophe, sociologue allemand qui a étudié la nature
du lien social, notamment dans un ouvrage devenu célèbre : Communauté et société 1887

Fiche méthode :Les différentes manières d’exprimer une variation


Il existe trois grandes façons d’exprimer une variation :
-A) En valeur absolue avec la formule suivante :V a °V d (Va = valeur d’arrivé, Vd = Valeur
de départ)
-B) En valeur relative avec la formule suivante : V a°V d
V d £ 100
-C) En coefficient multiplicateur avec la formule suivante : VV ab

Par exemple si le chômage passe de 10% à 13 % en utilisant les trois méthodes on obtient :
A) 13 ° 10 = 3, on peut dire le chômage a augmenté de 3 points de pourcentage

"Si on compare des pourcentages on ne peut pas exprimer la différence en %

B) 13°10
10
£ 100 = 30 % on peut dire le chômage a augmenté de 30 %

C) 13
10 = 1, 3 on peut dire le chômage a été multiplié par 1,3

Fiche conseil : Un peu de lecture


Les sciences économiques sont une discipline qui ont pour objectif de permettre une
meilleure compréhension de l’environnement économique et sociale. Il est donc important de
lire régulièrement des choses qui se rapportent à cet enseignement. Cela permet de mieux
saisir le contenu des cours, d’avoir des exemples, d’enrichir le cours etc.

Une autre dimension de la lecture est qu’elle permet d’améliorer sa qualité rédactionnelle,
en lisant on apprend aussi à présenter une idée, relativiser un point de vue etc.

La lecture d’un quotidien national, d’une revue, ou d’un magazine comme alternatives
économiques ou sciences humaines est indispensable à la formation.

Livre : De la démocratie en Amérique


Alexis de Tocqueville profite d’un voyage aux États-Unis pour analyser le système démocratique
naissant qui a tant de mal à s’imposer en Europe. C’est un livre important en Sociologie et en
Science Politique
De la démocratie en Amérique 1835 Tome I et 1840 Tome II, Alexis de Tocqueville.

II. LES TRANSFORMATIONS DU LIEN SOCIAL 74


3
"Le crime est un phénomène normal"
Émile Durkheim 1

Introduction : La vie de groupe nécessite des règles de fonctionnement, ses règles ne sont pas
décidées de manière aléatoires. L’existence de règles implique l’existence de sanctions qui visent à
faire respecter ses règles. En sociologie on appelle déviance la transgression des règles, or nous allons
voir que la déviance est phénomène complexe qui ne se réduit pas à cette simple définition.

1. Durkheim est l’un des fondateurs de la sociologie ("père fondateur de la sociologie française"), par cette expression il met en avant
que le crime est présent dans toutes les sociétés. On peut donc dire qu’il est normal car il fait partie du fonctionnement normal d’une
société. C’est parce qu’il existe des individus qui commettent des actes graves qu’on ne condamne pas ceux qui commettent des petits
écarts.

75
CHAPITRE 3. QUELS SONT LES PROCESSUS SOCIAUX QUI CONTRIBUENT À LA DÉVIANCE ?

I Le contrôle social vise à faire respecter les normes


A La distinction entre normes sociales et normes juridiques
Une norme (une règle) se définit par l’existence d’une sanction, il existe différents types de règles,
car il existe différents types de sanctions. En effet passer au feu rouge peut conduire à un retrait
de points, une amende etc. De la même façon les vols, les trafics, etc. sont sanctionnés par la loi.
Mais il existe d’autres formes de sanctions que ces sanctions dites formelles (prison, amende etc.),
par exemple dire bonjour est une norme, une personne qui ne se plie pas à cette règle s’expose à des
sanctions. Or il ne s’agira pas de sanctions formelles (peine de prison, amende...) mais d’un type
de sanction différent. Dans ce cas de figure on parle de sanctions diffuses, informelles car elles ne
relèvent pas de sanctions juridiques ou plus largement de sanctions écrites. Des rires, des moqueries,
une mise à l’écart etc. exercent une pression sur les individus qui les poussent à respecter la règle.
On va donc distinguer deux types de normes auxquelles correspondent deux types de sanctions :
-Les normes sociales : ce ne sont pas des règles écrites, elles relèvent de l’habitude, de la culture,
des mœurs etc. La transgression d’une telle norme entraine une sanction diffuse, informelle comme
des rires.
-Les normes juridiques : ce sont des règles écrites, elles relèvent du droit (code civile, règlement in-
térieur etc.). La transgression d’une telle norme entraine une sanction formelle, matérielle (punition,
amende, prison etc.).

Les normes juridiques sont différentes d’un pays à l’autres, d’une époque à l’autre 2 . On peut donc
en déduire que c’est le contexte sociale qui influence les normes. Parfois les lois suivent l’évolution
des mœurs (l’avortement était pratiqué avant qu’il ne soit autorisé), parfois la loi devance les mœurs
(la peine de mort a été abolie en France alors que la population y été favorable, aujourd’hui la
majorité n’y est plus favorable).

B Les différentes formes de contrôle social


Les sanctions visent à faire respecter les normes, de ce point de vue on peut dire que toutes les
actions de valorisation et de reconnaissance (décorations militaires, félicitations, honneurs etc.) sont
des sanctions positives car elle visent à montrer le modèle à suivre.

Le contrôle social est l’activité qui vise à faire respecter les normes. Le contrôle social qui porte
sur les normes non-écrites est l’affaire de tous, il n’y a pas de groupe spécialisé dans cette fonction. À
l’inverse le contrôle social qui porte sur les normes juridiques est prise en charge par des institutions
spécialisées (police, gendarmerie, douane etc.).
Le contrôle social interne (auto-contrôle) est le fait que nous nous contrôlons en permanence sans
forcement qu’il y ai une peur de la sanction. Une des fonctions de la socialisation est de nous faire
acquérir les normes et les valeurs de façon durable, afin que nous respections la règle sans y réfléchir.

II La déviance n’est pas une simple transgression


A Les normes sont relatives
«Il ne faut pas dire qu’un acte froisse la conscience commune parce qu’il est criminel, mais qu’il
est criminel parce qu’il froisse la conscience commune. Nous ne le réprouvons pas parce qu’il est un
crime, mais il est un crime parce que nous le réprouvons »
Cette citation d’Émile Durkheim illustre bien que les normes sont relatives. Certains actes peuvent
paraître convenables aujourd’hui alors qu’ils étaient considérés comme déviants dans le passé. Les
2. Par exemple la législation sur le cannabis est très différente entre les pays, l’avortement était interdit il y quelques décennies.

I. LE CONTRÔLE SOCIAL VISE À FAIRE RESPECTER LES NORMES 76


CHAPITRE 3. QUELS SONT LES PROCESSUS SOCIAUX QUI CONTRIBUENT À LA DÉVIANCE ?

normes dépendent donc du contexte, elles sont différentes d’un pays à l’autre, d’une époque à l’autre
et d’un milieu social à l’autre. Ce qui peut être considéré comme normal dans le passé peut être
considéré comme déviant aujourd’hui (fumer dans un lieu public etc.).

B La déviance comme processus


Les explications biologiques ou génétiques de la criminalité sont complètement dépassées depuis
plus d’un siècle. De plus on sait aujourd’hui que la déviance ne se réduit pas à une simple transgres-
sion des normes, en effet c’est un processus plus complexe que cela. La déviance peut être considérée
non pas comme une caractéristique propre à un comportement, mais comme la réponse qu’apporte
la société à ce même comportement. De ce point de vue les interactions entre les acteurs vont jouer
un rôle important.

-Les entrepreneurs de morale

Souvent pour qu’un comportement soit considéré comme déviant, il faut que des individus média-
tiques le dénoncent. Cette médiatisation peut conduire à la création d’une loi, comme par exemple
la loi sur la cigarette dans les lieux publics. Dès lors un comportement jusqu’alors considéré comme
normal va devenir déviant.

-Stigmatisation

Certaines personnes ou groupes vont être pointés du doigt et désignés comme déviants, à par-
tir de caractéristiques plus ou moins visibles (poids, cicatrice, style vestimentaire, façon de parler,
comportement etc.).

-L’étiquetage

Une personne identifiée comme déviante risque d’être définit comme tel, quand cela se produit
l’identité de la personne risque d’en être affectée. Elle risque ainsi d’accepter ce jugement social
porté sur elle (stigmate), voir même la revendiquer en style de vie (ex : les clips de rap). Cela
peut avoir des effets importants, une personne étiquetée comme droguée, fou, maniaque, etc. aura
du mal a trouver sa place dans la société. Cela peut conduire à la constitution de groupe sociaux
marginalisés (bandes, gangs etc.).

Les carrières déviantes

A partir d’une étude menée sur les fumeurs de marijuana, Howard S. Becker 3 a montré qu’une
première expérience de déviant ne suffit pas à devenir un déviant régulier. L’identité déviante se
construit progressivement par un processus d’apprentissage au contact avec les pairs, dans ce cas le
déviant peut s’engager dans une carrière déviante.

III Les difficultés de mesure de la délinquance

A La diversité des formes de déviance


Le non-respect d’une norme correspond à un acte de déviance. Au sens général le terme déviance
désigne le non-respect des différents types de normes. Mais on distingue généralement la transgres-
sion des normes sociales et celle des normes juridiques. Dans ce sens le terme déviance est employé
pour signifier la transgression des normes sociales alors que pour les normes juridiques on va parler
3. Sociologue étasunien auteur d’Outsiders en 1963

III. LES DIFFICULTÉS DE MESURE DE LA DÉLINQUANCE 77


CHAPITRE 3. QUELS SONT LES PROCESSUS SOCIAUX QUI CONTRIBUENT À LA DÉVIANCE ?

de délinquance et de criminalité.

Pour être plus précis en France il existe trois catégories d’infractions :


-Les contraventions désignent les infractions les moins graves(elles sont punies de peines d’amende).
-Les délits désignent les infractions plus graves punis d’amende supérieures ou égales à 3 750 euros
et de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans.
-Les crimes constituent la catégorie des infractions les plus graves (violation des interdits fondamen-
taux de notre société). Ils sont punis, d’une peine de réclusion pouvant aller de 15 ans à la perpétuité
(homicide, viol, ’émission de fausse monnaie....).

B Les difficultés de mesure de la délinquance


Il est difficile de mesurer la délinquance pour plusieurs raisons,tout d’abord tous les actes de
délinquances ne sont pas connus. Pour être comptabilisé un acte doit être connu, hors certains actes
ne sont jamais révélés (une personne qui fume du cannabis chez lui). Ensuite par exemple pour le
cas d’un vol ou d’une agression il faut que la victime porte plainte, ce qui n’est pas toujours le cas.
En effet pour diverses raisons certaines victimes ne portent pas plaintes 4 .
Les chiffres officiels sont donc à relativiser et correspondent qu’à une partie de ce qui est constaté.
Pour qualifier ce problème on parle de chiffre noir de la délinquance ( la différence entre la délin-
quance réelle et la délinquance connue au travers des statistiques officielles).
Les statisticiens pratiquent des enquêtes de victimisation, dans lesquelles ils interrogent des per-
sonnes pour savoir si elles ont été victimes, si elles ont porté plainte etc. On peut observer jusqu’à
trois fois plus de personnes victimes de vol ou tentatives de vol par rapport aux plaintes déposées.
On peut aussi faire des enquêtes de délinquance auto-déclarée, dans lesquelles on interroge des per-
sonnes pour savoir si elles ont commis un délit ou un crime, ce qui permet ensuite de comparer aux
statistiques officielles.

Un autre problème se pose, quand l’activité de la police augmente cela conduit nécessairement
à plus de constatations et donc une augmentation des chiffres de la délinquance sans qu’il y ai pour
autant plus de délits commis.

Les normes évoluant, il est difficile de mesurer l’évolution de la délinquance dans le temps, par
exemple une légalisation de la consommation de stupéfiants va entrainer mécaniquement une baisse
de la délinquance portant sur cette pratique.

4. Il faut faire des démarches pour un résultat parfois incertain

III. LES DIFFICULTÉS DE MESURE DE LA DÉLINQUANCE 78

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