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Psychologie de la déviance
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Introduction
Objectifs
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CHAPITRE 1 : Rappel des concepts de base
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relationsintimes et se trouve cloisonner dans des relations de dépendance
avec son groupe de pairs.
- L’identité forclose, selon laquelle, l’adolescent adopte des engagements
auprès de son entourage de manière automatique sans s’inscrire dans une
quête identitaire puisque ses choix s’effectuent par conformisme social.
- L’identité est dite moratoire, elle émerge lorsque l’adolescent entre en
actionet s’engage de manière active dans une démarche d’exploration de
son environnement, quoiquesans décision d’un engagement définitif.
- L’identité est dite achevée. correspond à l’engagement de l’adolescent dans
différents activités et domaines qu’ila choisi suite à une démarche d’exploration
des diverses éventualités relatives aux choix établis.De ce fait, l’adolescent a la
conscience d’être une personne à part entière et, malgré tous les rôles qu’il a pu
jouer, il parvient à prendre des décisions et de choisir son mode de vie.
2. La socialisation comme processus d’adaptation
Plusieurs conceptions permettent d’expliquer le processus de socialisation de
l’adolescent, notamment celle de Thourrilhes (2008) dont la thèse repose sur deux
processus clés.
-L’incorporation des règles dont la base est la nécessité de se conformer aux normesdu
groupe. -Les processus par lesquels l’individu intériorise les normes collectives par
l’appropriation consciente de ce qu’il a reçu et subi.
Pour l’auteur, l’éducation reçue dans l’enfance, souvent liée aux conditions sociales,
est intériorisée chez l’individu, et marque de façon durable ses capacités de pouvoir
ou ne pas pouvoir s’intégrer. Ainsi, le jeunedevient acteur de sa propre socialisation
à partir d’expériences sociales multiples.
De la sorte, « La socialisation des adolescents se définit comme le processus
d’acquisitions des comportements, des attitudes et des valeurs nécessaires à
l’adaptation sociale de l’individu » (Cloutier, 1996, p.193). A cet effet, la réussite de
la socialisation de l’adolescent est intimement reliée à cette possibilité d’acquisition
de ces habiletés d’adaptationsociale et des possibilités d'exercer graduellement son
autonomie et être responsabilisé.
3. La théorie des statuts et des rôles sociaux
Selon les théories des rôles sociaux, (Baldwin, Carrel & Lopez, 1990), le processus
de socialisation se réalise à partir des contextes, familial et social de l’individu, qui
le préparent à jouer des rôles sociaux et à construire son identité sociale. Cette
conceptualisation de la socialisation par la famille articule l’importance de
l’expérience vécue par l’individu aux rôlesattribués de la vie quotidienne.
La famille :
Les rôles, confiés par la famille, constituent l’interface entre l’environnement social
de l’individu et la définition des rôles sociaux qu’il sera en mesure d’adopter
ultérieurement. L’efficacité de la socialisation repose, de ce fait, sur l’acceptation des
rôles sociaux octroyés aux jeunes par les membres de leurs familles (Cloutier, 1996).
Pour, Fougeyrollas et Roy (1996) la double reconnaissance entre soi et les autres sont
à l’origine des premiers rôles sociaux à remplir dans son processus de socialisation
jusqu’à son devenir adulte. Ainsi, le rôle social est considéré comme une conséquence
sociale des interactions existantes entre l’individu et son entourage familial et social.
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Les pairs :
Le processus de socialisation des adolescents se trouve sous l’influence des pairs à partir
des situations de groupes faisant intervenir d’autres processus interactionnels et
d’autres rôles sociaux dans le groupe (Harris, 1999).
Ainsi, les membres de groupe vont se comporter de sorte à se conformer au groupe,
surtout lorsqu’ils se sentent menacés par des membres d’autres groupes. Dans ce
contexte, l’individu en situation de groupe mobilisera le rôle social qui lui a été défini
par ses membres, alors qu’en situation familiale, il sera en mesure de remplir les rôles
attribués par les membres de sa famille.
Tout compte fait, si les rôles distribués par les agents de socialisation, incarnés par la
famille et les pairs, sont des facilitateurs de l’adaptation des adolescents, l’adhésion
à des groupes reste tributaire de la capacité des adolescents à pouvoir s’inscrire dans
les codes de fonctionnement des groupes auxquels ils appartiennent. Ceci nécessite
d’intégrer un ensemble de règles et de normes sociales, transposables dans les divers
espaces de vie de l’adolescent.
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- Les normes formelles décrites par les codes sociaux, les réglementations en
vigueur et les textes juridiques, dont principalement les lois.
- Les normes informelles ne sont pas inscrites formellement, puisque
fondées sur les coutumes et habitudes communément adoptées dans un
groupe social donné ou une société.
L’approche culturelle :
* Gibbs (1992) illustre le caractère évolutif de la perspective de Kohlberg (1958) tout
en avançant un certain nombre de critiques en structurantle jugement socio-moral sur
deux niveaux : le niveau immature et le niveau de maturité, chacun d'eux contenant
deux stades.
Ces stades sont basés sur la définition du développement moral en termes de progrès
à partir d'un jugement moral superficiel à un jugement moral profond. Gibbs fait la
distinction entre un « type A » correspondant à des normes exprimées dans des
situations concrètes et un « type B » relatif à des normes exprimées de façon générale,
abstraites et à la limite universelle.
Dans cette perspective, le jugement moral fait référence aux normes collectives ou à
des principes collectifs qui vont orienter les comportements des individus en société
et les rapports entre les personnes (Leleux, 2003). Ainsi, la question du jugement
moral est confrontée à la remise en question des références construites et aboutissant
à des engagements idéologiques renouvelés et à des choix de comportements
personnels.
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A l’adolescence, le cadre traditionnel de l'apprentissage social peut apparaître
nécessaire pour certains adolescents dans la mesure où les figures d'autorité se
manifestent et rappellent à l'ordre et aux règles de la vie en société. Ceci étant, les
adolescents peuvent s'opposer à des normes imposées de l'extérieur et auraient
tendance à en tester les limites (Lehalle, Aris, Buelga, & Musitu, 2004). Ainsi, ce
processus d’intériorisation des limites tel que largement étudié en psychologie morale
constitue aujourd’hui un des cadres de référence incontournables dans la
compréhension des difficultés d’adaptation sociale chez certains jeunes et de leur
déviance comportementale.
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a) Les conduites d’essai et d’exploration : il s’agit de conduites
d’expérimentation apparaissant dans le développement « normal » de
l’adolescent, curieux de découvrir ses potentiels et ses limites. Même si
l’adolescent vise à tester ses limites, celles-ci
demeurent intégrées par le respect de soi et le respect des lois. Dans ce cas, les mises
endangers de soi par transgression des règles et des normes sociales sont très faibles.
b) Les conduites d’excès et de dépassement de limites : ces conduites
regroupentl’ensemble des conduites violentes nuisibles à l’individu
comme les conduites sexuellesnon protégées, la consommation excessive
de substances psychoactives (i.e., alcool, drogues, etc.), l’anorexie et les
conduites d’excès de vitesse de véhicules. Ces conduitespeuvent être
destructrices puisque la recherche extrême du risque peut causer une
maladie, un handicap, un coma ou aussi la mort.
c) Les conduites ordaliques : elles ressemblent aux conduites d’excès sauf
que dans ce cas, le sujet laisse des instances externes, tel le hasard ou le
destin, juger de son sort, deson droit à la vie ou la mort. Ces conduites
sont manifestes dans la voie publique lors de course de motos sans
casque, par exemple, ou pendant les soirées arrosées durant lesquelles les
adolescents se livrent à des défis parfois mortels. L’engagement de
l’adolescent dans ces formes de conduite peut avoir un impact important
sur son développement et causer un tournant irréversible dans sa
trajectoire de vie.
2. Facteurs de prise de risque
Outre la typologie distinguant les conduites à risque durant l’adolescence, plusieurs
facteurs peuvent expliquer l’engagement de l’adolescent dans ces comportements,
parfois mortels..
- Facteurs biologiques : D’après Cannard (2015), les changements
physiologiques induits par la puberté sont susceptibles d’entrainer une faiblesse au
niveau de l’image du soi corporel voir une dévalorisation de soi provoquant ainsi
des comportements mettant en défi lesrègles sociales et l’autorité. L’adolescent va
tenter de projeter son malaise mitigé de sentimentd’insécurité et de frustration par
son engagement dans des conduites à risques
- Facteurs sociaux : A partir de l’analyse des trajectoires de vie des
personnes engagéesdans des conduites à risques, Serrano (2008) a identifié cinq
principaux facteurs sociaux communs à l’apparition des prises de risque chez les
adolescents articulant des aspectsjudiciaires, socioculturels, éducatifs et sanitaires.
Ces facteurs concernent ; (1) la fragilisation des espaces de socialisation ordinaires
représentés par la famille et l’école, (2) le sentiment d’humiliation causé par la
précarité et les besoins sociaux (i.e., reconnaissance, appartenance) (3) l’entrée dans
l’errance par le bais d’actes de transgression des normes sociales, (4) les modes de
vie marginales et les formes de discrimination sociale et, (5) l’économie souterraine
et l’école de la rue.
- Facteurs psychologiques : Dans une conception biologique de la
personnalité, Zuckerman (1990) considère la recherche de sensations comme un
trait de personnalité prédisposant à la prise de risque. Ainsi, les personnes
dégageant un niveau élevé de recherche de sensation sont plus attirées par les
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activités sujettes au risque (Conrod, Castellanos, & Mackie, 2008) parce qu’elles
ont tendance à sous-estimer les risques encourus par ces comportements (Hoyle,
Stephenson, Palmgreen, Lorch, & Donohew, 2002).
- Facteurs psychosociaux : Un des processus psychosociaux intervenant
dans des situations de prise de risque est l’influence des pairs. Partant du fait que
la majorité des conduites à risque émergent en présence de groupe de pairs, il
a été démontré (Gardner &
Steinberg, 2005) que l’influence des pairs constitue un facteur d’encouragement pour
que l’adolescent se livre à des conduites à risque.
Ces facteurs de risque ont été regroupés selon une organisation suggérée par Loeber
et Farrington (1998). De l’analyse des facteurs explicités dans le modèle (c.f. tableau
1), on peut remarquer la non exclusivité des problématiques auxquelles sont associés
les jeunes en difficulté. Les auteurs révèlent aussi qu’il n’est pas rare, en effet, de
rencontrer des jeunes classés dans différentes catégories dans lesquelles une
multitude de combinaisons peuvent exister.
Le concept de jeunes en difficulté tel que défini dans la littérature recouvre un éventail
deprofils de personnes vivant des problématiques comportementales diverses, qu’ils
soient des enfants ou des adolescents. Appliquant ce concept au contexte tunisien, des
facteurs individuelset environnementaux se trouvent ainsi assujettis à la situation de
certains élèves en difficulté.
Tableau 1: Facteurs de risques dans la vie des jeunes en difficulté (Loeber & Farrington, 1998)
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Liés aux
Liés à l’individu Liés à la famille Liés à l’école Liés au quartier
fréquentations
• Manque d’estime de soi • Désunie •Faibles • Pauvreté • Pairs
• Peu de contrôle sur soi • Monoparentale performances • Taux élevé de consommateurs de
• Méfiance envers les (mère) • Échecs répétés mobilité substances
figures d’autorité •Socio- • Peu d’espoir quant résidentielle psychoactives
•Rejet des normes sociales économiquement à sa réussite • Manque • Pairs délinquants
• Difficultés à rencontrer défavorisée • Frustrations d’opportunités • Adultes modèles
les exigences de la vie en • Marquée par la • Stigmatisation – sociales et Déviants
société maladie physique, marginalisation économiques
• Regard sombre sur la vie psychologique, • Problèmes de • Taux élevé de
• Manque de toxicomanie Discipline, criminalité et de
sentimentd’appartenance • Manque de Absentéisme délinquance
• Manque de valorisation, supervision • Expulsion • Disponibilité des
de reconnaissance parentale / •Faible participation drogues, armes,
• Cherche l’aventure, les Contrôle excessif aux activités • Présence de pairs
sensations fortes, le • Violence, abus scolaires et déviants,
plaisir, l’oubli physiques, sexuels parascolaires délinquants
• Est impulsif, aime •les Véhicule des valeurs •Peu d’attachement • Désorganisation
bagarres et les Déviantes à l’institution sociale
confrontations • Liens fragmentés
entre les
Institutions
Bien qu’on puisse retrouver des personnes multi problématiques, et c’est bien souvent
le cas. Désormais, pour ces profils, le décrochage scolaire constitué un lit de
vulnérabilité sur lequel viennent se greffer d'autres facteurs à risque de fragilisation
de certains jeunes.
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mesurer, entre autres, la consommation du tabac,de l’alcool, des drogues et la violence
interpersonnelle. L’échantillon de l’étude est représentatifde la population tunisienne
et constitué de jeunes âgés entre 15 et 24 ans (n= 1971) définis parsondage.
Selon les résultats, 23.7% des adolescents ont déclaré fumer des cigarettes (43.3 %
des garçons contre 3.9% des filles) à un âge d’initiation compris entre 15 et 19 ans
(69.5% de l’échantillon) affirment avoir fumé. Pour ce qui a trait à la consommation
de substances psychoactives, 19.6% des sujets consomment de l’alcool, parmi
lesquels 11.8 % sont âgés entre15 et 19 ans. En revanche, 7.1 % des jeunes déclarent
consommer du cannabis, 3.7 %consomment des psychotropes et 1.3 % seulement
utilisent de l’Héroïne par voie injectable.
Par ailleurs, 16.2% des jeunes affirment avoir conduit sans permis durant les 12
derniersmois, dont 3.8 % déclarent avoir conduit en état d’ivresse et 0.7% révèlent
qu’ils ont conduit un véhicule sous l’emprise d’une drogue. Si on se penche du côté
de la violence interpersonnelle, la violence verbale ou physique apparait chez 52.1%
des jeunes garçons ayantdéclaré avoir agressé un inconnu et chez 37% des jeunes
ayant agressé un ami. Pour les jeunesfilles, 37.2% d’entre elles déclarent avoir porté
préjudice à un frère durant les 12 derniers moiset 41.7 % une sœur par des actes
d’agression commis.
La violence est considérée dans cette enquête comme une des conduites à risque dans
laquelle s’engagent certains jeunes. Toutefois, la violence n’est pas uniquement
exercée par les jeunes tunisiens, puisqu’elle est souvent vécue et subie dans leurs
différents espaces de vie. Les jeunes se trouvent, souvent, victimes ou auteur de
violence.
Il a été démontré dans une étude (Mathlouthi Ben Larbi et al., 2019), les types
d’activitésdéviantes dans lesquels s’engagent nombre de jeunes tunisiens décrocheurs
et issus de milieuxdéfavorisés. D’après nos résultats, 74,7 % des jeunes se trouvent
dans l’errance, 37,6 % consomment des substances psychoactives dont
principalement le cannabis et les inhalants, 62,4 % recourent à la violence physique
et verbale et, 36,5 % commettent des vols mineurs. Ces activités déviantes se trouvent
associées à une faible estime de soi globale et une importante tendance à la
fréquentation des pairs délinquants.
D’autres résultats réalisées auprès des jeunes tunisiens délinquants (Nasraoui, 2011)
démontrent la disposition de certains jeunes à légitimer les actes d’infraction, comme
le vol d’une personne riche par exemple. Ce type de conduite s’enracine souvent dans
les conduites de leurs entourages familial et social, dont certains membres ont eux-
mêmes un lourd casier judiciaire. A ce titre, la dégradation des valeurs au sein du
cercle familial semble constituer unfacteur de risque chez les adolescents, puisque de
tel climat facilite leur entrée dans la dévianceen commençant par la consommation de
substances psychoactives (Sellami, Feki, Zahaf & Masmoudi, 2016).
La désintégration de certaines valeurs sociales de solidarité et de fidélité de la part
des délinquants n’existe qu’en rapport avec la société, puisque les jeunes délinquants
semblent disposer à conserver certaines valeurs, comme la non dénonciation des
partenaires ou encore lepartage équitable des bénéfices du vol au sein du groupe de
référence (Touzri, 2005 ; Nasroui,2011). A ce titre, l’auteur démontre le partage des
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mêmes valeurs sociales par les délinquants et les non délinquants, sauf que la manière
d’y procéder diffère entre les uns et les autres (Nasraoui, 2011).
Par ailleurs, outre cette dimension liée aux valeurs, certains jeunes commettent des
délits pour des motifs de loisir et non pas pour l’acquisition de biens matériels
(Nasraoui, 1984), Pourcette catégorie de jeunes, le vol semble devenir un moyen de
réconforter une certaine image sociale et une démarche d’accès vers une vie sociale
plus confortable et plus prestigieuse, bienque les moyens pour y accéder demeurent
marginaux (Nasraoui, 2011).
Ceci étant, cette attitude de banalisation des actes commis a souvent des
conséquences sur les jeunes. Ils deviennent insensibles à l’intro-punition (Ben
Hamida, 2003) et participent, même indirectement, à l’amollissement des mécanismes
de dissuasion sociale (Nasraoui, 2011).Néanmoins, cette légitimité à l’égard des actes
délinquants ne semble pas se restreindre aux hommes, vu que nombre des infractions,
de type vol simple mineur et majeur, ont été émergé auprès des femmes tunisiennes
durant les années 80-90 (Mâaouia, 1995).
Concernant l’usage de substances psychoactives auprès des jeunes tunisiens, il a été
démontré (Sellami et al., 2016) que l’âge moyen d’initiation à la consommation se
situe avant 18 ans, dont 38.8 % de cas ayant initiés avec le cannabis et ce, en raison
de la médiocrité du prix et de son accessibilité sur le marché tunisien. Pour ce qui a
trait au profil des consommateurs, 68.3 % sont issus de milieu socioéconomique
précaire ou modeste, 61.1 % vivent dans des familles de type monoparentale et 59.5
% semblent avoir eu des emmêlés avec les autorités en raison de leurs antécédents de
conduites déviantes (i.e., comportements de désordre, faible adaptation sociale, abus
de substances, transgression des règles et agression).
Autre étude menée auprès des usagers des drogues injectables, démontre le recours
au produits par souci d’automédication, telle une tentative de lutte contre la douleur,
d’oubli des souffrances mais aussi comme un mode d’inhibition ou de recherche de
conformisme aux normes sociales face à une fragilité identitaire et affective et des
images parentales non sécurisantes (Hatta, Agbemele Soedje, Boukassoula,
Kpassagou, Fathi, & Ben Rejeb, 2016).
2.3. Jeunes dans la rue
L’étude sur les Caractéristiques psychologiques et sociales des enfants et des jeunes
dans la rue, réalisée par le Ministère des Affaires sociales en 2008 auprès de 592
jeunes, avait pour objectifde faire un état des lieux sur la situation des enfants et des
se trouvant dans la rue afin de cernerleurs caractéristiques psycho-sociales. Selon les
principaux résultats de cette enquête, 86 % desenquêtés sont en décrochage scolaire
précoce, 80% d'entre eux issus de familles de type nucléaire, 59,4% uniquement
gardent des liens avec leurs parents alors que 25,6 % n'ont pas dedomicile stable.
Concernant les dispositifs d'insertion socioprofessionnelle, 87,08% des jeunes
déclarent les connaître et refusent de s'y inscrire et 14,5% certifient avoir déjà été
intégré dans une structure d’apprentissage professionnelle. Parmi les enquêtés, 78,54
% indiquent avoir fréquenté des structures culturelles et sportives et /ou bénéficié de
prestations des structures sociales. Pour ce qui a trait aux raisons qui les ont poussés
à être dans la rue, 51% des jeunes âgés de moins de 18 ans attribuent au hasard leur
survenue dans la rue et 47 % déclarent s’être retrouvé sous l'influence d'un ami ou
d'une tierce personne se trouvant déjà passer leur temps dans la rue. Le vécu dans la
rue a été caractérisé par de la peur (52%) et paradoxalement par dela sécurité (48%)
lorsque la rue est considérée comme un espace de vie. D'ailleurs, pour 60% des jeunes
le fait d'appartenir à des petits groupes est la meilleure stratégie de survie dans la rue
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surtout lorsque la majorité d’entre eux (97,1 %) passent leur journée dans la rue.
2.4.Jeunes et violence
Si violence et précarité vont souvent de pair dans le contexte tunisien (Ben Miled &
Prêteur, 2011), les chiffres de l’enquête nationale par grappe à indicateurs multiples
réalisée par le Ministère du développement et de la Coopération Internationale,
Institut National des Statistiques & UNICEF en 2013, démontrent la répandue des
pratiques violentes dans les ménages tunisiens. A cet égard, 93 % des enfants
semblent avoir subi au moins une forme de punition physique ou psychologique par
leurs mères ou leurs tuteurs. Selon une récente étude (Ben Alaya, 2016), la violence
est plus souvent légitimée dans le contexte tunisien dans le milieu familial,
notamment lorsqu’elle est exercée par les parents et plus particulièrement par les
mères. Aussi, la violence maternelle à l’égard des filles tunisiennes est la plus
légitimée quand elle se trouve jugée par un homme, ce qui renvoie aux statuts des
filles et des garçons dans le contexte tunisien.
Néanmoins, la violence ne reste pas tributaire des pratiques parentales vue qu’elle se
manifeste aussi dans les établissements scolaires. A cet effet, les rapports existants
entre les agents scolaires et les différents élèves issus des établissements scolaires des
quartiers défavorisés du Grand-Tunis, semblent se caractériser par de la violence
physique et verbale (Payet, 2006).
En contexte tunisien, ces différentes formes de violence subies à l’enfance ou à
l’adolescence sont aujourd’hui connues comme affectant la qualité de vie des sujets
à l’âge adulte et ce, au niveau des relations sociales, des états émotionnels, de la santé
physique et du bien-être psychologique (Ben Fadhel, 2010). Une violence désormais
légitimée dans les foyersselon l’enquête nationale susmentionnée menée en 2013 et
parfois banalisée, même lorsqu’elles’exerce avec des intensités variées (Mathlouthi
Ben Larbi, Hammaouda Khouaja, Dridi, & Baulloum, 2017). Selon les résultats de
nos travaux, la manifestation des pratiques familiales violentes se trouvent associée à
un faible sentiment d’efficacité parental et parait s’organiser enfonction des conduites
sociales des adolescents, notamment lorsqu’ils s’engagent dans des prises de risques.
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leurs actes et sont systématiquement remis sous la responsabilité parentale suite aux
délits commis. En revanche,les mineurs de 13 à 18 ans justiciables, bénéficient d'une
protection législative conférée par unejuridiction spécialisée dans la mesure où ils sont
justiciables par les tribunaux compétents et lesjuges pour enfants et ce, en présence
de conseillers de l'enfance.
D'ailleurs, le mineur de plus de 13 ans a le droit de bénéficier de mesures de
condamnations particulières en cas de délits ou de crimes commis comme stipuler
dans l'article43 du droit pénal. Lors des crimes, la peine encourue est généralement
réduite de moitié. Pourles délits mineurs, l'enfant accusé est remis ou bien à sa famille
ou au juge de la famille qui peut décider, en fonction de l'intérêt de l'enfant, de le
souscrire à une peine minimale ou de le placer dans une structure habilitée de le
prendre en charge (i.e., établissement éducatif ou institution àcaractère médical ou
socio-éducatif).
Par ailleurs, le Délégué à la Protection de l'Enfance constitue un dispositif chargé
d'apporter des mesures de protection au gré des enfants justiciables en siégeant auprès
des jugesde la famille et de l'enfant pour les affaires impliquant des délits mineurs
commis par des enfants. Il intervient aussi pour réconcilier entre la victime et l'enfant
auteur du délit conformément à la législation en vigueur.
Selon, le Rapport national de la situation de l’enfance (2015), 6246 mineurs ont été
condamnés pour divers délits dont 385 de cas de délinquance économique (i.e., vol,
contrebandede fraude et d'argent et contrefaçon des opérations de change et 257 de
cas de condamnation pour des affaires de consommation de drogues illicites,
notamment le cannabis. Le délégué à la protection de l’enfant est intervenu pour
conclure 515 contrats de réconciliation entre des Enfants ayant commis un délit et
les victimes de ces faits. Parmi les 2549 mineurs arrêtés par
la police pour délits mineurs et bénéficiant de mesures de protection judicaire, 28% ont
commisdes vols et 26.2% sont reconnus avoir utilisé de la violence à l’égard d’autrui.
Ainsi, si certains jeunes sont officiellement reconnus comme ayant commis des délits
et ont été condamnés devant la justice, nombre de jeunes s’engagent dans des actes
frauduleux etdélictueux sans pour autant être considérés comme en conflit avec la loi
mais plutôt comme setrouvant en situation de déviance.
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