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ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE

PARIS-LA-VILLETTE

DPEA : POST MASTER RECHERCHES EN ARCHITECTURE


IMMERSION AHTTEP 2021-2022

Les reconstructions au Liban : entre spéculation foncière et protection.


Le cas des maisons traditionnelles Beyrouthines entre 1990 et 2020.

Mémoire de recherche
Préparé par Mira AL AYASS

Sous la direction de Madame Catherine Maumi, Madame Linnéa Tilly et


Monsieur Antonio Brucculeri

Paris
2022
AVANT PROPOS
Depuis le début de mes études en architecture, j’étais toujours intéressée au sujet du
patrimoine, l’histoire de l’architecture, et les structures traditionnelles. Je choisissais mes
projets selon le thème de restauration et extension des maisons à haute valeur architecturale
dans le but d’exposer leur splendeur et leur importance historique. Le projet de restauration de
la maison beyrouthine fameuse de la star internationale « Feirouz » qui se situe à Zokak El-
Blat, un quartier traditionnel de Beyrouth a amplifié mon intérêt envers la protection de ces
maisons.
Le 4 août 2020, un tournant dans l’histoire du Liban, a cassé l’esprit du peuple libanais et son
enthousiasme. Une ville rabattue, grise, en poussière, dévastée, et déchirée, je ne pouvais pas
la revisiter qu’après une dizaine de jours pour participer aux travaux d’évaluation de la situation
des maisons afin de créer une base de données pour les travaux de reconstruction.
Plusieurs organisations non gouvernementales intéressées par le patrimoine ont lancé leurs
initiatives en collaboration avec l’ordre des ingénieurs et des architectes pour protéger ce qui
est resté debout. L’état en paralysie.
Ce que j’ai vu dans les maisons beyrouthines dans cette période, m’a incité à me lancer dans la
rédaction d’un mémoire qui traite leur sujet.
Cette recherche était jointe de plusieurs enjeux, principalement l’enjeu émotionnel. C’est un
sujet qui me tenait au cœur, et l’étude, comprenant une période vécue récemment, j’ai confronté
le problème de déprime à chaque fois que je lisais à propos des destructions successives de la
ville de Beyrouth.
A part de cette difficulté, j’ai réussi à collecter les informations nécessaires pour entreprendre
cette étude : cette recherche s’appuie sur un corpus constitué de textes législatives que nous
étudierons, et des ressources créées à travers des entretiens menés avec des personnes qui sont
au cœur de l’action. Ainsi, nous espérons produire une analyse architecturale et appréhender
un contexte historique.

I
ABSTRACT :
Beyrouth, la capitale du Liban, est une ville du Moyen-Orient qui a été réhabilitée et
reconstruite après avoir souffert de plusieurs destructions. On voit que cette ville vit par la
reconstruction, qu’elle se nourrit de celle-ci sans cesse. Cette ville ancienne ne peut plus créer
son futur, elle est comme figée dans un cercle anarchique où une reconstruction en appelle une
autre : Le patrimoine architectural paraît dangereusement exposé à l’heure de la
reconstruction.
A travers une analyse chronologique, cette recherche vise à interpréter les différentes
reconstructions planifiées et exécutées à Beyrouth, en se focalisant sur le cas des maisons
traditionnelles Beyrouthines dans la période entre l’après-guerre civile déclenchée en 1975,
et l’explosion du port en août 2020.
Cette recherche discute l’enjeu du patrimoine architectural dans les projets des acteurs de
reconstruction dans les quartiers traditionnels de Beyrouth, d’une part les sociétés foncières
et d’autre part, les défenseurs du patrimoine, afin d’interpréter les mesures de la conservation
des quartiers historiques et la protection des maisons traditionnelles Beyrouthines, en étudiant
les lois et les règlementations impliquées.

MOTS-CLES : Reconstruction, Maisons traditionnelles, Spéculation foncière, Protection,


Patrimoine, Beyrouth, Liban.

II
0-1. INTRODUCTION :
Beyrouth est une ville qui aurait plus de 5000 ans d’histoire. Et pourtant, de nos jours,
les maisons historiques, y compris celles que nous appelons "maisons de Beyrouth" ou
"maisons beyrouthines", se trouvent situées presque exclusivement dans les quartiers
péricentraux qui n’ont commencé à se développer qu’au XIXe siècle. Cette situation, qui
diffère de celle des autres villes du Liban, comme Saïda ou Tripoli dont le noyau historique est
préservé, est due à la transformation profonde que Beyrouth a subie au XIXe siècle et au début
du XXe.1
En plein chantier de l’immense reconstruction du cœur historique de Beyrouth d’après-
guerre 1990, une seconde reconstruction voit le jour, moins spectaculaire mais plus
douloureuse, c’est la reconstruction de l’après-guerre de juillet 2006.2 Beyrouth est devenue
aussi familière avec les reconstructions qu’avec les destructions à son fond, dans l’histoire
comme dans le présent : l’explosion du port en août 2020 qui a dévasté un large rayon de la
ville. Beyrouth a été perçue comme l'image d'une ville déchirée par l’explosion et est devenue
un exemple emblématique d'une ville qui sort des décombres.

Figure 1. Détail de la carte de Beyrouth de 1876 « Löytved-Map», montrant la ville ancienne (zone
rouge pâle) entourée des quartiers extra-muros en cours de développement. Source : Les maisons de
Beyrouth 1860-1925 - Manuel de restauration.

L’explosion du 4 août dans le Port de Beyrouth a marqué un tournant dans l’histoire du


Liban et de sa capitale. La catastrophe qui a frappé les quartiers de Mdawar, Quarantaine
(Karantina), Badaoui, Mar Mikhael, Rmeil, Gemmayzeh et Mar Nicolas a touché également
les quartiers de Bourj Hammoud, Achrafieh, Bachoura, Zokak el Blat et l’ensemble de la ville.3
Ces quartiers se distinguent par leurs maisons et histoires, chaque édifice reflète les traces, non
seulement de l’architecture majestueuse des époques successives, mais aussi l’histoire d’une
1
dir. Fadlallah Dagher et Nathalie Chahine « Les maisons de Beyrouth 1860-1925 - Manuel de restauration »,
2021, p. 17.
2
Karim Abou-Merhi, « L’identité beyrouthine et la reconstruction », Géographie et cultures [En ligne], 65 |
2008, mis en ligne en 2012.
3
Déclaration Urbaine de Beyrouth, octobre 2020.

III
identité, d’une vie, d’une culture et des figures renommées.
L’image architecturale des quartiers endommagés est considérée en relation directe avec les
lieux de vie et les pratiques sociales et spatiales des habitants. Ce patrimoine est un patrimoine
pluriel qui reflète la mémoire des habitants depuis la formation de la ville jusqu’à ce jour.
Période après-guerre civile 1990 : la reconstruction du centre-ville et la création du
SOLIDERE :
Au début du XXe siècle, après l'indépendance du Liban vis-à-vis de la France, Beyrouth
est devenue le « Paris du Moyen-Orient ». Avec ses arcades ornées et son architecture coloniale
française, Beyrouth était une capitale culturelle et intellectuelle qui attirait constamment
touristes et investisseurs à parts égales. Cependant, la période de prospérité de Beyrouth s'est
rapidement arrêtée en 1975 avec le déclenchement de la guerre civile libanaise. Depuis lors, le
pays est aux prises avec des décennies de conflits multiples qui ont gravement endommagé le
patrimoine architectural de Beyrouth.4
Les destructions causées par les conflits armés n’étaient pas seules à mettre en danger
l'architecture historique de Beyrouth. Ce danger a augmenté à la fin de la guerre civile en 1990,
avec la création du Solidere, une société privée qui s'est approprié le terrain, dans le but de
débuter l’investissement dans la zone dévastée. Cependant, les promoteurs n'avaient aucun
intérêt à restaurer les bâtiments historiques. Au lieu de cela, ils ont décidé de profiter de la
situation en achetant les maisons des propriétaires désespérés pour les démolir et construire des
bâtiments de luxe et des magasins haut de gamme pour les touristes fortunés plutôt que pour
les habitants. Des centaines de bâtiments traditionnels qui ont été désignés pour la
restauration ont été démolis.
Période après la guerre de juillet (2006) :
Pourtant l’année 2006 avait bien commencé, début d’une stabilité politique, lancement d’un
dialogue national pour la première fois depuis la fin de la guerre civile, les actions de Solidere
s’élèvent à la Bourse de Beyrouth, des millions de dollars étaient investis dans l’immobilier,
de nouvelles plages et de nouveaux restaurants ouvraient leurs portes... un large nombre de
touristes était attendu.5 Le 12 juillet 2006, tout a basculé. Le déclenchement de la guerre entre
Israël et le parti Hezbollah Libanais a mis fin à tout espoir de développement et de construction
jusqu’à nouvel ordre. Un mois de bombardements aériens était suffisant pour détruire
entièrement la banlieue Sud de Beyrouth, et attaquer surtout l’infrastructure urbaine : les
carrefours, les axes de communications et les ponts reliant la banlieue sud à la plaine de la
Bekaa et au Liban-Sud, en plus, les antennes de télécommunications, les radars et les routes
internationales dans le but d’isoler principalement la région de la banlieue Sud.
Dans les jours qui suivirent la fin de la guerre, des hommes d’affaires, des banques ou de
grandes entreprises libanaises s’engagent à reconstruire, chacun dans sa région, les ponts
endommagés. Un projet de reconstruction Waad s’est élaboré dans le but de gérer le processus
de la reconstruction des bâtiments partiellement endommagés et la construction de nouveaux
bâtiments sur les parcelles entièrement effacées.

4
Maria Yepez, « A Fight to Save Beirut’s Historic Architecture », septembre 2020, www.arabamerica.com,
consulté le 28 juin 2022.
5
Liliane Buccianti-Barakat, « Il était une fois un 12 juillet 2006 à Beyrouth... », La Découverte - « Hérodote » no
124, publié en 2007, p. 39, 40.

IV
Période après l’explosion du port (4 août 2020) :
Zokak-el-blat, Gemmayzeh et Mar Mikhael, connus pour leur riche architecture
historique, faisaient partie des zones qui ont été les plus touchées par l'explosion. Les
dommages structurels causés par l'explosion pourraient entraîner une vague de démolitions par
des promoteurs opportunistes. Par exemple, la tragédie pourrait être utilisée comme une autre
excuse pour démolir, au lieu de restaurer, les quelques bâtiments historiques qui restent debout.
L’initiative BHI (Beirut Heritage Intitiative) a été créé en quelques jours après l’explosion dans
le but de reconstruire les maisons traditionnelles Beyrouthines endommagées et de les protéger
d’un projet Solidere 2. Une collaboration avec la BBHR (Beirut Built Heritage Rescue) et
APSAD était essentielle pour gérer les projets de reconstruction en termes financiers et
juridiques.
Acteurs urbains :
La reconstruction d'après-guerre civile du centre-ville a impliqué une variété d'acteurs
urbains locaux et internationaux représentant les secteurs publics et privés ainsi que les
habitants locaux. Le CDR (Conseil de développement et de reconstruction) a donné charge à
Dar el Handasah Consultants (DAR) qui est une société de construction privée, pour repenser
au centre de la ville. Dans le même temps, des membres d'Oger Liban, devenue Solidere, la
société privée du Premier ministre Hariri, ont été soit nommés à des postes de responsabilité
au sein du gouvernement, soit ont agi à titre consultatif auprès du CDR, plaçant des capitaux
privés au contrôle de la principale agence de planification du pays. 6 L’ordre des ingénieurs et
architectes, la direction générale de l’urbanisme, le conseil supérieur de l’urbanisme, le
ministère des travaux publics et transports et d’autres cabinets d’architectures indépendants ont
tous pris rôles pour participer à règlementer l’aménagement et l’urbanisme et dresser des
schémas directeurs. D’autre part, les défenseurs du patrimoine, organisations et individus ont
aussi joué un rôle essentiel pour créer un genre de pression sur les sociétés foncières et l’état
afin de sauver les maisons traditionnelles de Beyrouth et les édifices à valeur architecturale
intrinsèque.
La reconstruction après l’explosion du port était principalement prise en charge par les
organisations non gouvernementales : BBHR (Beirut Built Heritage Rescue) et la BHI (Beirut
Heritage Initiative) en collaboration avec APSAD (association pour la protection des sites et
anciennes demeures).
La maison Beyrouthine :
Lorsque nous parlons aujourd'hui des maisons de Beyrouth, nous pensons généralement
à la typologie la plus caractéristique qui s'est développée au XIXe siècle, communément
appelée « maison aux 3 arcs » et désignée sous le nom de « maison à hall central » par les
historiens de l'architecture. Cela dit, il est important de garder à l'esprit que jusqu'à la fin du
XIXe siècle, les maisons construites extra-muros présentaient une grande variété de types.
Dans les quartiers péricentraux actuels, des structures diverses survivent parfois encore,
souvent intégrées dans des constructions postérieures, ce qui les rend difficiles à repérer pour
les observateurs non spécialistes. Néanmoins, ces vestiges matériels ainsi que les descriptions
et les dessins historiques nous permettent de retracer une partie de la diversité typologique et

6
Maha Yehya, “Let the Dead be Dead: Memory, Urban Narratives and the Post-Civil War, Reconstitution of
Beirut”, Center of Contemporary Culture of Barcelona 2004, Conference lectured at the symposium “Urban
Traumas. The City and Disasters”, Juillet 2004.

V
des développements qui, à un moment donné - au milieu du XIXe siècle -, ont également
produit la « maison à hall central ».7
Dans les années 1820-1850, il y avait des maisons-tours et des maisons à plusieurs niveaux,
avec des rez-de-chaussée voûtés, ainsi que des maisons à un étage avec des pièces disposées
en forme de L ou de U autour d'une avant-cour ou d'une cour intérieure. Parfois, les anciennes
voûtes du rez-de-chaussée étaient utilisées pour le stockage et les écuries, tandis que les ajouts
successifs englobaient le toit-terrasse d’origine dans une habitation à part entière. Les cours et
les terrasses sur le toit étaient des espaces importants utilisés pour les tâches ménagères, la
transformation des aliments et les loisirs de la famille et de ses invités. Certaines maisons
disposaient d'une pièce sur le toit nommée ʿaliyya qui servait en quelque sorte de belvédère et
de chambre d'hôtes.8
Un élément typique des maisons était le īwān ou līwān, c'est-à-dire une pièce donnant sur la
cour à travers un large arc. Il existait, dans les environs ruraux de Beyrouth, une variante où la
partie arrière du līwān était fermée par un mur, créant ainsi une pièce séparée communiquant
avec la partie frontale par une porte centrale flanquée de deux fenêtres. Cette partie frontale
devenait une sorte de porche avec son arc ouvert. Ces līwāns apparaissaient souvent en
combinaison avec une pièce latérale (murabbaʿ) de chaque côté, leurs portes s'ouvrant
également sur le porche. Le type à līwān qui en résulte peut être considéré comme l'un des
modules standards utilisés pour la construction de maisons dans les zones extra-muros de
Beyrouth et peut constituer une habitation complète en soi ou être intégré dans des structures
plus vastes.9
En tout cas, en 1900, le type des maisons beyrouthines à hall central dans sa forme développée,
avec deux ou trois étages, une triple arcade et un toit pyramidal à tuiles rouges, n'était pas
seulement devenu la forme typique des maisons des classes moyenne et supérieure à Beyrouth,
il avait également commencé à se répandre dans d'autres villes côtières et dans les montagnes.
Les observateurs ottomans contemporains l'appelaient al-tirāz al-bayrūtī (le style de Beyrouth),
la maison urbaine traditionnelle à cour.

0-2. PROBLEMATIQUE :
Les anciennes maisons Beyrouthines et les palais dans les quartiers de Saïfi, Centre-ville,
Gemmayzeh, Achrafieh et Mar Mikhael étaient toujours en question. Entre protection et
spéculation foncière, aboutissant à un genre de gentrification, le patrimoine architectural était
déjà en danger durant toutes les phases de reconstructions au Liban. Voilà des années que le
problème est récurrent et que des profiteurs détruisent régulièrement des anciennes maisons
faisant partie du patrimoine architectural de Beyrouth, pour construire des bâtiments
commerciaux, faute d’une législation solide et du manque de politiques strictes, affectant le
tissu social et économique en même temps.
Un an après la fin officielle d’une guerre civile longue de quinze ans, Solidere, chargée de la
reconstruction et du développement du centre-ville de Beyrouth entreprit la démolition
d’immeubles détruits par la guerre.

7
dir. Fadlallah Dagher et Nathalie Chahine « Les maisons de Beyrouth 1860-1925 - Manuel de restauration »,
2021, p. 17.
8
Ibid.
9
Ibid.

VI
Depuis le 4 août, la question de la protection de ce patrimoine architectural, notamment les
maisons Beyrouthines, est relancée. Cependant, il existe de nouvelles menaces pour
l'architecture de Beyrouth, telles que le risque accru que des individus abandonnent leurs
maisons parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de reconstruire et de restaurer le bâtiment, les
laissant à la merci des développeurs. Ce qui était explicite dès la 1ère semaine après l’explosion,
lorsqu’un groupe de promoteurs a arpenté les quartiers les plus touchés, afin de proposer aux
habitants concernés de vendre leur bien immobilier, le but étant de modifier
démographiquement et architecturalement le statut de ces quartiers.
Mais comme un premier effort de résistance, il s’est produit un refus ferme d’effacer la
mémoire collective à Beyrouth par ses habitants : « Beyrouth n’est pas à vendre ! ». Les
citoyens ont peur que les quartiers à proximité du port subissent une reconstruction, un projet
Solidere version 2. Ils préfèrent donc confier la reconstruction à des Organisations Non
Gouvernementales.
Ces évènements cruciaux de l’histoire urbaine des reconstructions à Beyrouth constituent le
point d’entrée de cette étude, tant ils révèlent l’imbrication d’enjeux politiques, législatives et
économiques dans la protection du patrimoine urbain.
La spéculation foncière, accrue depuis les années 2000, fait des secteurs patrimoniaux l’arène
dans laquelle s’affrontent les défenseurs de la valeur historique et esthétique du paysage urbain
traditionnel à des promoteurs et propriétaires qui investissent dans l’exploitation du foncier.10
Alors le centre-ville a été reconstruit après la guerre par une société foncière privée, rattachée
à l’état, mais dont les intérêts étaient publics. Aujourd’hui, les organisations non
gouvernementales prennent en charge la reconstruction des quartiers patrimoniaux dévastés.
Le pari est donc lancé : Quelle reconstruction pour le Beyrouth de Demain ?
L’enjeu du patrimoine dans les projets des acteurs de la reconstruction appellent à poser la
question suivante :
Quels acteurs, dans quelles périodes de reconstruction, traitent-ils l’enjeu patrimonial ?
selon quelles lois, réglementations et circonstances ?

0-3. HYPOTHESES :
1. Les enjeux politiques et économiques imposent la façon de reconstruire et de gérer
le patrimoine architectural.
2. Le clientélisme entre les sociétés privés et le gouvernement facilite l’effacement
des demeures historiques et contribue à la spéculation foncière.
3. La valorisation économique du patrimoine architectural est essentielle dans la
conception de politiques urbaines qui servent à protéger les demeures à haute valeur
architecturale, et à définir des stratégies urbaines pour le futur de la ville, ce qui
manque au Liban.
4. L’absence d’une législation adaptée au patrimoine laisse la porte ouverte à des
excès et à l’arbitraire : l’inefficacité de la législation actuelle ou temporelle autorise
la destruction en toute légalité d’objets d’une grande valeur architecturale.

10
Sophie Brones, “Beyrouth dans ses ruines”, parentheses, 2020, p. 57.

VII
L’ambiguïté de la loi sur le patrimoine permet de déconsidérer tout édifice
architectural âgé, en facilitant leur effacement physique du paysage urbain.11
5. La connaissance des acteurs à chaque période et les moyens économiques jouent un
rôle dans le choix des processus de la reconstruction sur le chantier.
6. Plusieurs acteurs externes interviennent sur le chantier de la reconstruction et
affectent le choix des méthodes et du degré de la conservation.
7. Les tendances de l’époque ont un rôle dans le choix et les décisions prises dans le
fait de la reconstruction du centre-ville.
8. La loi de la construction et le schéma directeur de la ville de Beyrouth,
communément appelé « Zoning », exercent une grande pression sur le patrimoine
architectural de la capitale.

0-4. METHODOLOGIE :
A travers une approche chronologique, nous retracerons dans un premier temps
l’historique des reconstructions des quartiers patrimoniaux de Beyrouth, depuis la période de
l’après-guerre civile en 1990 jusqu’à l’explosion du port en 2020, ce qui nous permettra de
souligner les particularités et les enjeux du patrimoine dans les projets de reconstructions par
les différents acteurs.
Par la suite, la méthodologie de recherche nécessite la collecte de données pertinentes
à partir de documents spécifiques et la compilation d’articles législatives et les lois de
protection du patrimoine, précisément, les demeures traditionnelles, pour les analyser et les
comparer pour mieux comprendre le choix des trajets de reconstruction à chaque période.
En plus, des entretiens seront effectués avec les acteurs concernés durant la période
d’étude, afin d'analyser le matériel et d'arriver à une compréhension plus complète des
pratiques historiques et modernes de protection, de conservation et de revitalisation des
quartiers patrimoniaux après des dommages, en tenant compte des études de cas pertinentes
pour soutenir la recherche.

0-5. CORPUS :
1. Lois, Articles et règlementations urbaines concernant la protection des quartiers
patrimoniaux et édifices traditionnelles à Beyrouth de la part de :
-L’ordre des ingénieurs et architectes et le Département de la planification urbaine,
OEA et DUP
-La direction générale des antiquités DGA (la loi sur les antiquités 1933).
-Les décisions gouvernementales (arrêtés) temporaires élaborées par les ministres
concernés durant chaque évènement.
2. Les rapports du conseil du développement et de la reconstruction CDR, 2005 sur le
schéma directeur physique national du territoire libanais.
La déclaration urbaine de Beyrouth élaborée après l’explosion du port.

11
Michael Davie, “Le patrimoine architectural urbain au Liban : des pistes de recherche », hal archives
ouvertes, octobre 2016.

VIII
3. Entretiens avec :
BHI (Beirut Heritage Initiative) 2020,
BBHR - Beirut Built Heritage Rescue 2020,
APSAD (association pour la protection des sites et anciennes demeures au Liban).

4. Etudes publiées sur la typologie et la situation des maisons traditionnelles


Beyrouthines.

5. Photographes et cadastres collectés sur chantier.

0-6. ETAT DE L’ART :


Dans son ouvrage publié en 2020, la chercheure Sophie Brones évoque le sujet du
patrimoine au Liban après quinze années de guerre civile, en questionnant le sujet de
l’identification de ce qui relève du patrimoine. La métropole libanaise, palimpseste où
affleurent de multiples strates d’urbanisation, a été et reste le champ d’une opposition farouche
entre, d’un côté, partisans de l’effacement des traces d’un passé violent et, de l’autre,
défenseurs de la cause patrimoniale. Les ambitions politiques ou spéculatives rivalisent avec
les stratégies de promotion ou de défense d’un capital culturel et symbolique.
Ainsi, bien plus que des traces comme témoignage d’une douloureuse période historique, les
ilots ruinés de Beyrouth révèlent les conflits irrésolus qui secouent toujours la société
libanaise.12 Suivant une enquête menée à Beyrouth entre 2005 et 2010, la recherche a consisté
à identifier et entretenir avec des groupes et des personnes en relation avec des bâtiments ou
des quartiers ruinés ou en reconstruction. En se basant sur une simple évaluation des politiques
urbaines et patrimoniales, l’auteure cherche à voir si ce que l’on entend en Europe par
« patrimoine » existe au Liban sous d’autres formes que celle de la conservation matérielle des
biens culturels, prescription largement dominante dans les politiques patrimoniales
européennes et internationales comme l’Unesco.
Dans un texte publié par le géographe Eric Verdeil en 2008, l’étude porte sur trois lieux
et trois moments de l’émergence de politiques du patrimoine en lien avec l’enjeu de la
reconstruction : le projet pour le centre-ville de Beyrouth, les tentatives de protection des
espaces péricentraux de la capitale depuis le milieu des années 1990 et la reconstruction de la
petite ville de Bint Jbeil au Sud-Liban après la guerre de 2006. Il déduit principalement que
l’état libanais est fragile et qu’il est largement marginalisé dans ces politiques patrimoniales,
aussi bien en termes d’initiative que de régulation.13

12
Sophie Brones, « Beyrouth dans ses ruines », parentheses, 2020.
13
Eric Verdeil, « Reconstructions et politiques du patrimoine urbain au Liban », researchgate, 2008.

IX
0-7. PLAN DE L’ETUDE :

Remerciements
Avant-propos
Abstract
Introduction

0-1. Introduction
0-2. Problématique
0-3. Hypothèses
0-4. Méthodologie
0-5. Corpus
0-6. Etat de l’art
0-7. Plan de l’étude.
Partie historique
Chapitre 1 : les maisons traditionnelles beyrouthines
• Définitions, histoire, valeur patrimoniale.
Chapitre 2 : Destructions et reconstructions.
• Aperçu sur les tentatives et les reconstructions jusqu’au 1990.
•Destructions et reconstructions après-guerre 2006 jusqu’à 2013 (avant l’effondrement
économique).
• Destructions et reconstructions après l’explosion du port 2020.
Conclusion de la 1ère partie.
Partie analytique
Chapitre 3 : Solidere (1992 – 2006)
• Les plans de reconstruction.
• Financement des projets.
• Enjeux socio-politiques.
• lois et développement des règlementations urbaines.

Chapitre 4 : APSAD, BHI et BBHR (1992 – 2006 – 2020)


• Les plans de reconstruction, interventions et défense du patrimoine.
• Financement des projets.
• Enjeux socio-politiques.
• lois et développement des règlementations urbaines.

Conclusion : le conflit entre les acteurs de reconstruction ? Et les résultats sur terrain.
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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