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I Préserver par l’accompagnement : Patrimoine et urbanisme (cf le cas de PARIS)

a) la patrimonialisation et développement urbain


L’urbanisation et la métropolisation s’accompagnent fréquemment d’un volontarisme patrimonial. Le patrimoine met
en valeur les centres-villes, l’image de marque d’un espace urbain en l’associant à un élément patrimonial identifiant. Le
patrimoine fait partie de l’aménagement urbain, en donnant une sorte d’« authenticité » aux centres historiques
anciens. Il favorise la création d’activités grâce :
* aux musées, qui ont une notoriété importante (le Louvre, le Centre Pompidou…) et qui valent à Paris l’appellation de
ville-musée, expression forte en sous-entendus peu flatteurs sur le manque de dynamisme ou le passéisme supposé de
la capitale française.
* aux animations patrimoniales (exemple du Carnaval ou de la Mostra à Venise, des évènementiels organisés au château
de Versailles)
* à la transformation d’anciennes friches industrielles en espaces culturels. (ex : les anciens docks de Lisbonne
transformés en parc des Nations avec un musée des sciences, un oceanarium, dans un quartier où coexistent habitat
hôtels, centres commerciaux, équipements publics et infrastructures de transport, etc.).
On retrouve un processus identique à Baltimore, Hambourg, etc. Le patrimoine constitue un élément de la
mondialisation.

b) une entrave réelle ?


Cependant, l’urbanisation porte atteinte au patrimoine, ce qui conduit l’UNESCO à placer Liverpool ou Vienne sur la liste
du patrimoine en péril, à cause de la multiplication de projets architecturaux modernes dénaturant le centre historique
ancien.

A l’inverse, la politique de préservation du patrimoine a des effets ambivalents : elle interdit certaines constructions ou
l’implantation de projets économiques ou d’infrastructures de communication, mais elle est perçue comme un obstacle
à des possibilités de développement. On le voit en particulier à Paris avec l’exemple des tours de grande hauteur, comme
la tour Duo dans le 13e arrondissement ou la tour Triangle dans le 15e arrondissement : ces constructions sont soutenues
par la municipalité, qui rompt avec l’interdiction des tours > 37 m de hauteur après l’édification de la tour Montparnasse
en 1975. Chacun de ces projets, et d’autres encore, donne lieu à des débats où plusieurs associations de défense du
patrimoine et/ou de riverains estiment que l’on assiste à un « saccage. » La multiplication des bureaux est pointée
comme une accentuation du processus de gentrification alors que les parcs et jardins publics manquent dans la capitale.
Le manque de cohérence et d’harmonie est également dénoncé. La Ville de Paris maintient en revanche certaines limites
strictes : interdiction des buildings dans les quartiers historiques ou centraux, interdiction de démolir des îlots existants,
limitation de la hauteur. L’exemple de la rénovation de La Samaritaine, (centre de Paris) illustre la possibilité de réaliser
des équilibres entre aménagement urbain et préservation du patrimoine, dans un quartier remodelé sous Haussmann,
et où cohabitent un hôtel de luxe et des logements sociaux.

De nouvelles constructions sont donc reléguées à la périphérie de la capitale : le nouveau tribunal, implanté dans le
quartier de Clichy-Batignolles (nord-ouest de Paris), les nouveaux immeubles de Seine rive-gauche. Ces projets
s’inscrivent aussi dans la dynamique générale du Grand Paris, qui doit articuler renouveau urbain de la capitale et
préparation des JO de 2024.

II Préserver par l’interdiction : patrimoine et tourisme (cf le cas de VENISE)


a)patrimoine et tourisme, une relation ambivalente
Tourisme et patrimoine vont souvent de pair. Au XIX e siècle, la pratique du « grand tour » effectué en Europe par des
familles aisées et cultivées consistait à visiter des villes et des sites prestigieux en raison de leur histoire et leur
patrimoine. Les modes culturelles ont entraîné l’essor des séjours touristiques a mode de l’orientalisme en Europe a
suscité de nombreux séjours en Orient, dont le voyage de Flaubert en Tunisie qui a inspiré son roman Salammbô
constitue un exemple significatif. Réciproquement, l’intérêt des touristes a valorisé le patrimoine de certains lieux
comme Venise, Bruges, ou a amplifié le prestige de Paris ville-Lumière ou de Londres. Se crée ainsi un processus de
patrimonialisation
La valorisation du patrimoine devient alors source de développement économique, par son influence symbolique :
prestige attaché à un patrimoine d’exception mondialement connu, utilisé comme décor au cinéma ou à la télévision,
détruit dans les films catastrophes, posté sur Instagram… C’est une forme de soft power. Dans d’autres cas, il s’agit
d’une mise en patrimoine qui favorise aussi l’intégration à la mondialisation de certains espaces en marge comme le
Kenya et les tribus Massaï.
Cependant, la valorisation touristique de certains sites patrimoniaux rend nécessaire la mise en œuvre de mesures de
protection. Le site d’Angkor Vât (Cambodge), tombé dans un certain abandon amplifié par les problèmes du pays
(décolonisation, guerre civile, dictature communiste des khmers rouges) est aujourd’hui redécouvert et visite par des
milliers de touristes. Inscrit depuis 1992 sur la liste du patrimoine de l’UNESCO, Angkor parvient à concilier accueil des
visiteurs, exploitation économique et préservation du site. Le secteur est protégé par diverses zones très réglementées
qui restreignent aussi les accès touristiques et les extensions. Une administration spécifique, l’APSARA, gère cet
immense espace sur place, en coordination avec l’Etat et l’UNESCO.

B) la menace du tourisme sur le patrimoine


A l’inverse, le tourisme met parfois le patrimoine en danger. La patrimonialisation aboutit à un tourisme de masse qui
entraîne une « folklorisation » et dénature le sens de sites. Ce phénomène est aussi appelé « disneylandisation », car
des lieux de culture se transforment en espaces de consommation culturelle. Les populations locales, les archéologues,
les historiens dénoncent cette tendance et s’inquiètent de la création d’infrastructures qui accentuent la dégradation
des sites (par exemple, projet d’aéroport près du Machu Picchu, ancienne citadelle inca construite au XV e dans les Andes
péruviennes).
De plus, les dégradations liées au tourisme de masse menacent l’intégrité de nombreux sites frappés par le phénomène
de surtourisme sur tous les continents. Les populations sont indisposées par la présence des touristes, qui est perçue
comme une atteinte à la tranquillité, une nuisance, voire une agression (exemple de pays musulmans qui ressentent le
tourisme comme une domination des valeurs et des normes occidentales).
Les exemples de sites dégradés par la fréquentation touristique ne manquent pas. Dubrovnik (Croatie)popularisé par la
série The game of the Thrones, Petra en Jordanie, rendue encore plus célèbre par le film Indiana Jones, la plage de Mya
Bay (Thaïlande), de sable blanc bordée d’eaux turquoises et entourée de falaises, rendue célèbre par un film de
Léonardo Di Caprio en 2000, a même été fermée et restaurée (nettoyage, replantage de récifs coralliens, limitation du
nombre de visiteurs, etc.

III Préserver par la reconstruction (cf le cas du MALI)

->Le patrimoine peut être un enjeu de guerre dans les territoires en conflit. Dans l’ex-Yougoslavie, les troupes serbes
ont bombardé la bibliothèque de la ville bosniaque de Sarajevo. La destruction des bouddhas d’Afghanistan 2001 ou de
la cité antique de Palmyre (Syrie) par les islamistes est médiatisée à des fins de propagande et au nom d’objectifs
politiques (semer la terreur, faire pression sur la communauté internationale).
D’autres sites ont également été menacés pour les mêmes raisons géopolitiques, comme les mausolées de
Tombouctou, dégradés par AQMI, ou la vieille ville de Sanna’a au Yémen, attaquée par des attentats des rebelles
houthis. Au Proche-Orient, la visite des lieux saints de Jérusalem est une source de tensions permanente. L’accès à
certains sites archéologiques s’effectue sous protection militaire dans le secteur des « territoires occupés », appartenant
aux Palestiniens mais contrôlés par Israël. Les autorisations de fouilles sont difficiles à obtenir et dépendent de
considérations politiques et religieuses.

->Le patrimoine peut devenir un garant de paix, de façon inverse. L’effort de la communauté internationale pour sauver
les temples d’Abou Simbel, menacé par la mise en eau du barrage égyptien d’Hassouan, illustre la capacité du monde à
se mobiliser. Dans un autre registre, l’action internationale pour restaurer le patrimoine du Mali est une réponse à
l’action destructrice des islamistes mais aussi une affirmation de la solidarité mondiale avec le Mali. La rapidité des
restaurations, le souci de rénover « à l’identique », l’ampleur des financements (UNESCO, Etats, fondations privées) ont
une signification forte : effacer l’œuvre de vandalisme et faire revivre les sites patrimoniaux. La convention de La Haye
(1954) interdit tout vandalisme culturel en temps de guerre et crée le « bouclier bleu » pour signaler les biens à
protéger. Un texte de l’UNESCO adopté en 1989 renforce ces dispositifs. [ A noter dans un autre contexte, la destruction
plutôt que sauvegarde ex des églises]

L’UNESCO défend la notion de la paix par le dialogue des cultures. Cette notion sous-tend le respect des différences,
l’ouverture à l’altérité et la promotion du multiculturalisme, pendant culturel du multilatéralisme. Cette approche
permet de dépasser les traumatismes des passés post-coloniaux. La connaissance de cultures locales qui échappent à la
mondialisation est une condition de cet échange. La création du musée des arts premiers du Quai Branly, initiée par le
président Jacques Chirac, s’inscrit dans cette vision. Enfin, elle rend possible des actions de sauvegarde patrimoniale que
certains Etats n’ont pas les moyens de conduire, dans les domaines financiers, techniques et politiques. Exemples :
architectures coloniales avec maisons en briques et avant-toits formant parasols et toits à double versant de Saint-Louis
du Sénégal, ruines de Babylone, etc.

Les actions de sauvegarde de certains patrimoines basés sur la tradition orale transmise de génération en génération ont
permis de préserver puis de valoriser par exemple le savoir-faire artisanal des poteries de Sejnane en Tunisie. La
valorisation concerne un vaste champ : des objets traditionnels, une gamme de création (bois, jarres, plats décoratifs,
etc.), une tradition orale transmettant de génération en génération les secrets de fabrication, une micro-économie
d’appoint, un savoir ethnologique et artistique, l’image de la femme tunisienne, l’image internationale de la Tunisie.
(vlp.252-253). La charte de l’COMOS ou charte de Venise 1964 valide dans certaines conditions les reconstructions.

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