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A l’inverse, la politique de préservation du patrimoine a des effets ambivalents : elle interdit certaines constructions ou
l’implantation de projets économiques ou d’infrastructures de communication, mais elle est perçue comme un obstacle
à des possibilités de développement. On le voit en particulier à Paris avec l’exemple des tours de grande hauteur, comme
la tour Duo dans le 13e arrondissement ou la tour Triangle dans le 15e arrondissement : ces constructions sont soutenues
par la municipalité, qui rompt avec l’interdiction des tours > 37 m de hauteur après l’édification de la tour Montparnasse
en 1975. Chacun de ces projets, et d’autres encore, donne lieu à des débats où plusieurs associations de défense du
patrimoine et/ou de riverains estiment que l’on assiste à un « saccage. » La multiplication des bureaux est pointée
comme une accentuation du processus de gentrification alors que les parcs et jardins publics manquent dans la capitale.
Le manque de cohérence et d’harmonie est également dénoncé. La Ville de Paris maintient en revanche certaines limites
strictes : interdiction des buildings dans les quartiers historiques ou centraux, interdiction de démolir des îlots existants,
limitation de la hauteur. L’exemple de la rénovation de La Samaritaine, (centre de Paris) illustre la possibilité de réaliser
des équilibres entre aménagement urbain et préservation du patrimoine, dans un quartier remodelé sous Haussmann,
et où cohabitent un hôtel de luxe et des logements sociaux.
De nouvelles constructions sont donc reléguées à la périphérie de la capitale : le nouveau tribunal, implanté dans le
quartier de Clichy-Batignolles (nord-ouest de Paris), les nouveaux immeubles de Seine rive-gauche. Ces projets
s’inscrivent aussi dans la dynamique générale du Grand Paris, qui doit articuler renouveau urbain de la capitale et
préparation des JO de 2024.
->Le patrimoine peut être un enjeu de guerre dans les territoires en conflit. Dans l’ex-Yougoslavie, les troupes serbes
ont bombardé la bibliothèque de la ville bosniaque de Sarajevo. La destruction des bouddhas d’Afghanistan 2001 ou de
la cité antique de Palmyre (Syrie) par les islamistes est médiatisée à des fins de propagande et au nom d’objectifs
politiques (semer la terreur, faire pression sur la communauté internationale).
D’autres sites ont également été menacés pour les mêmes raisons géopolitiques, comme les mausolées de
Tombouctou, dégradés par AQMI, ou la vieille ville de Sanna’a au Yémen, attaquée par des attentats des rebelles
houthis. Au Proche-Orient, la visite des lieux saints de Jérusalem est une source de tensions permanente. L’accès à
certains sites archéologiques s’effectue sous protection militaire dans le secteur des « territoires occupés », appartenant
aux Palestiniens mais contrôlés par Israël. Les autorisations de fouilles sont difficiles à obtenir et dépendent de
considérations politiques et religieuses.
->Le patrimoine peut devenir un garant de paix, de façon inverse. L’effort de la communauté internationale pour sauver
les temples d’Abou Simbel, menacé par la mise en eau du barrage égyptien d’Hassouan, illustre la capacité du monde à
se mobiliser. Dans un autre registre, l’action internationale pour restaurer le patrimoine du Mali est une réponse à
l’action destructrice des islamistes mais aussi une affirmation de la solidarité mondiale avec le Mali. La rapidité des
restaurations, le souci de rénover « à l’identique », l’ampleur des financements (UNESCO, Etats, fondations privées) ont
une signification forte : effacer l’œuvre de vandalisme et faire revivre les sites patrimoniaux. La convention de La Haye
(1954) interdit tout vandalisme culturel en temps de guerre et crée le « bouclier bleu » pour signaler les biens à
protéger. Un texte de l’UNESCO adopté en 1989 renforce ces dispositifs. [ A noter dans un autre contexte, la destruction
plutôt que sauvegarde ex des églises]
L’UNESCO défend la notion de la paix par le dialogue des cultures. Cette notion sous-tend le respect des différences,
l’ouverture à l’altérité et la promotion du multiculturalisme, pendant culturel du multilatéralisme. Cette approche
permet de dépasser les traumatismes des passés post-coloniaux. La connaissance de cultures locales qui échappent à la
mondialisation est une condition de cet échange. La création du musée des arts premiers du Quai Branly, initiée par le
président Jacques Chirac, s’inscrit dans cette vision. Enfin, elle rend possible des actions de sauvegarde patrimoniale que
certains Etats n’ont pas les moyens de conduire, dans les domaines financiers, techniques et politiques. Exemples :
architectures coloniales avec maisons en briques et avant-toits formant parasols et toits à double versant de Saint-Louis
du Sénégal, ruines de Babylone, etc.
Les actions de sauvegarde de certains patrimoines basés sur la tradition orale transmise de génération en génération ont
permis de préserver puis de valoriser par exemple le savoir-faire artisanal des poteries de Sejnane en Tunisie. La
valorisation concerne un vaste champ : des objets traditionnels, une gamme de création (bois, jarres, plats décoratifs,
etc.), une tradition orale transmettant de génération en génération les secrets de fabrication, une micro-économie
d’appoint, un savoir ethnologique et artistique, l’image de la femme tunisienne, l’image internationale de la Tunisie.
(vlp.252-253). La charte de l’COMOS ou charte de Venise 1964 valide dans certaines conditions les reconstructions.