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Note de synthèse
I – Définition et évolution
1-1- Définition
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Ce processus de patrimonialisation : est-ce un passage de ces éléments
: de la culture (mémoire vivante) vers l'histoire (folklore,
muséification) ou une reconstruction, une réinterprétation d'élément
du passé pour le présent et l'avenir dans un ensemble constitué et
cohérent que l'on nomme culture (patrimoine : levier de
développement local) ?
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Avant la révolution française, cette notion désignait des biens privés
et transmissibles, ceux de l’église et de la cour. On y trouve
principalement, des œuvres d’arts, des édifices religieux, des
propriétés foncières et monuments.
La révolution française, en confisquant ces biens, fait entrer ces
derniers dans la sphère publique. Au lieu de détruire les traces d’un
passé rimant avec malheurs et servitudes, nombreux sont ceux qui
n’ont cessé de prôner leur conservation. Cette lutte était motivée par
une instrumentalisation d’ordre identitaire, idéologique et politique :
faire du patrimoine l’instrument d’une nouvelle identité : une identité
nationale.
C'est à cette époque que Victor Hugo écrit dans la Revue de Paris
en 1829 un article intitulé "guerre aux démolisseurs": véritable
manifeste contre le vandalisme que représente à ces yeux
l'urbanisation sans frein d'alors et plaidoyer en faveur du patrimoine.
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Il contribue également à l'idée d'une propriété non pas individuelle,
mais collective de tout bien patrimonial : "il y a deux choses dans un
édifice, son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa
beauté est à tout le monde; c'est donc dépasser son droit que de le
détruire".
Ce mouvement littéraire et artistique n'est pas isolé dans le reste du
pays. Pour la première fois en France, on assiste à la mise en place
d'une politique patrimoniale de l'Etat. Celle–ci est alors
exclusivement tournée vers les monuments historiques, mais ce qui
change c'est qu'il s'agit non plus seulement de connaître mais aussi de
protéger et de restaurer les monuments historiques:
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Patrimoine « mineur » ou petit patrimoine rural, que l'on se soucie peu
alors de préserver des assauts de la "modernisation" et de
l'urbanisation alors dominante.
Avec le temps la notion de patrimoine va s'étendre à d'autres
domaines (le patrimoine non bâti, culturel, et savoir-faire) et à
d'autres lieux que ceux de « La culture » (le petit patrimoine rural, le
patrimoine naturel).
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GH Rivière propose 2 formes de protection applicables à l'archi
rurale :
- protection restreinte et radicale : type muséographique ;
- protection diffuse et étendue : éducation des acteurs ruraux au
patrimoine ;
Au départ : une loi sur les sites datant de 1930 : que les paysages
exceptionnels et surtout naturels (pointe du raz, Mont St Michel).
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L'entrée du patrimoine ethnologique au Ministère de la Culture
= patrimoine symbolique : savoir-faire, techniques, traditions
Pendant longtemps en France tout particulièrement, ce patrimoine a
été laissé aux amateurs, "les folkloristes" (érudits locaux) avec une
orientation conservatrice, et a été dévalorisé par les universitaires et
les politiques.
Il faut attendre 1936 pour que soit créée son institution fondatrice,
musée et laboratoire de recherche, le Musée des Arts et Traditions
populaires.
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Des labels aux produits de terroir
Domaine déjà ancien mais qui n'a cessé de prendre de l'importance.
Dès l'entre deux-guerres, un texte législatif définit les Labels AOC :
sur la base d'"usages locaux, loyaux et constants".
Mais à côté de ces produits bien protégés, d'autres subissent la
concurrence du marché et les politiques agricoles productivistes.
D'où une réaction d'un mouvement associatif : associant défense du
patrimoine régionale (terroirs) et de la diversité biologique.
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1-3 – Le patrimoine aujourd'hui : entre éthique et conservatisme
Deux interprétations de cette extension de la notion de patrimoine
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Le patrimoine, dans l'extension actuelle qui le caractérise, révèle une
inversion de sens, c'est-à-dire le reflet d’une perte de sécurité, d’une
relativisation de toute valeur, rendant plus difficile la gestion de notre
héritage.
Pour A. Bourdin (1984, p. 23), l'engouement pour le patrimoine
découle d'une crise de la Modernité : "Les idéologies du progrès
nous ont menés, elles vacillent. Le monde se désenchante, se
sécularise […], aucune valeur ne s’impose comme assurément
supérieure aux autres, la rationalité domine".
L’accélération de l’histoire, pour reprendre P. Nora (1997, tome 1, p.
25), rend le passé obsolète avant d’avoir pu le déchiffrer. Il fait alors
le diagnostic d’une substitution de la mémoire par l’Histoire :
"La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et à ce
titre elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du
souvenir et de l’amnésie […]. L’histoire est la reconstruction toujours
problématique et incomplète de ce qui n’est plus".
Cette manière de vivre le passé à distance engendre trois
mouvements.
Le passé n'est plus vécu (ou reconstruit comme guide d'action au
présent) mais évalué.
Le présent est lui-même mis en archive pour en garder l’exacte trace,
avant qu'il ne devienne déjà du passé.
La mise en patrimoine doit, quant à elle, prémunir contre les
incertitudes de l'avenir.
La mémoire devient refuge, et les lieux de mémoire, des bastions à
défendre, pour les groupes qui se sentent menacés par cette
accélération de l'histoire.
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"C’est pourquoi la défense par les minorités d’une mémoire réfugiée
sur des foyers privilégiés et jalousement gardés ne fait que porter à
l’incandescence la vérité de tous les lieux de mémoire. Sans vigilance
commémorative, l’histoire les balaierait vite" (Nora, 1997, p. 29).
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II – Effets de cette extension de la notion de patrimoine :
multiplication des acteurs et des politiques du patrimoine.
Cette extension est allée de pair avec une multiplication des acteurs, et
des politiques du patrimoine.
Tout ceci bien entendu sur fond de nouveaux usages et conceptions de
la campagne.
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La politique du patrimoine rural intéresse dès lors :
- la DATAR et le ministère de l'Equipement (en matière
d'aménagement du territoire, en matière de développement local :
PEP)
- le Ministère de l'environnement (mise en place des parcs naturels
régionaux, et des parcs nationaux)
- le ministère de l'agriculture (mise en place des AOC,
multifonctionnalité de l'agriculture : CTE, promotion de la
diversification en matière de tourisme rural)
Pour autant le ministère de la Culture garde une certaine
prédominance en matière de politique patrimoniale notamment avec le
développement du patrimoine ethnologique (savoir-faire)
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"Toutes les questions relatives à ce patrimoine, et notamment à sa
connaissance, à sa préservation et à sa mise en valeur ",
Ainsi que la proposition "d’une politique de la recherche ethnologique
sur la France, de plans et programmes d’intervention..." de la Culture
et des " mesures... (de) coopération permanente entre les départements
ministériels et instances scientifiques concernés ".
La recherche en ethnologie est et reste donc au cœur des travaux et
de l’action du Conseil et de la Mission qui définissent les thèmes de
recherche et choisissent les modalités (appels nationaux d’offres de
recherche, programmes d’action incitative...), en dressent le bilan, en
font connaître les résultats.
Pour les valoriser et favoriser la connaissance du patrimoine
ethnologique, la Mission publie une revue, Terrain, et des collections
d’ouvrages. Elle soutient une production audiovisuelle d’une grande
diversité, participe à des colloques et des manifestations, directement
ou grâce à ses correspondants en région, accorde une grande
attention à la formation et à la professionnalisation, développe des
outils de documentation et d’information, tel le Répertoire de
l’ethnologie de la France : création en 1979 du répertoire de
l'ethnologie de la France – regroupant les activités de 700 chercheurs,
950 organismes
La mission du Patrimoine ethnologique : action et organisation
Les actions définies par le Conseil sont mises en œuvre par la mission
du Patrimoine ethnologique et menées, le cas échéant, en
collaboration avec d'autres services du ministère de la Culture ou
d'autres ministères. La Mission comprend :
- une équipe centrale d'une quinzaine de personnes à Paris
- quatorze correspondants dans les régions (conseillers à
l'ethnologie ou ethnologues régionaux).
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Le rôle du conseiller à l'ethnologie au sein de la direction régionale
des Affaires culturelles est :
- d’impulser et de coordonner la recherche et la formation sur le
patrimoine ethnologique au niveau local en soutenant et en reliant les
actions des équipes de recherche et des différents partenaires
régionaux ;
- de contribuer à la connaissance, à la sauvegarde et à la mise en
valeur de ce patrimoine ethnologique par différents moyens : films,
expositions, publications, actions de protection, circuits culturels, etc.;
- d’apporter des compétences de connaissance et d'expertise en
ethnologie et dans les sciences sociales à la DRAC.
L'ethnologue régional a un rôle similaire à celui des conseillers pour
l'ethnologie en DRAC, dans la politique culturelle définie par le
conseil régional dont il relève. Grâce à une liaison étroite, ce sont des
interlocuteurs privilégiés de la Mission.
Mais ces professionnels ne sont pas seuls à intervenir au niveau
local: de plus en plus leurs actions doivent s'articuler à de
multiples autres acteurs locaux
On a eu deux mouvements :
- d'une part une décentralisation de la politique du patrimoine, avec un
rôle croissant des collectivités territoriales
- d'autre part une multiplication des zonages où différents
professionnels, institutions et niveaux d'intervention s'entrecroisent.
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2-3- Décentralisation et appropriation locale de la politique du
patrimoine
ère
1 étape : décentralisation, avènement des pouvoirs locaux, rôle
phare dans la mise en valeur du « petit patrimoine rural ». Avec une
définition parfois corporatiste (à chaque patrimoine correspond une
communauté de spécialistes qui en font à chaque fois l’étude, en
définissent le champ et en font la promotion)
ème
2 étape : loi sur la démocratie de proximité 5 février 2002 :
Article publié le 9 Février 2002, in : Le monde : "Une loi surprise
décentralise la protection du patrimoine" par EMMANUEL DE
ROUX
Les collectivités locales s'emparent du classement des Monuments
historiques.
Le 5 février, au détour d'une loi sur la « démocratie de proximité »,
les députés et les sénateurs se sont mis d'accord pour transférer la
responsabilité de l'Inventaire et du classement des Monuments
historiques aux collectivités locales. Un texte que personne n'avait vu
venir au ministère de la culture et qui fait l'effet d'un séisme dans le
petit milieu du patrimoine culturel.
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Ministère de l'équipement et du logement (aide à la préservation de
l'habitat ancien)
1977 : ces objectifs seront élargis avec la mise en place à l'échelon
départemental des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de
l'environnement (financés par les Conseillers généraux) : CAUE qui
sont chargés de préserver la qualité de l'architecture et des paysages
par leurs actions de conseil et d'information auprès des collectivités
locales et du public.
Un corps professionnel s'est montré particulièrement actif dans la
"protection diffuse" du patrimoine au sens où l'entend GH Rivière: ce
sont les architectes. Mais ceux-ci ne constituent pas une profession
homogène, ils exercent leur compétence sous divers statuts, dans des
positions différentes vis-à-vis des élus et responsables locaux :
Fonctionnaires de l'Etat (architectes des Bâtiments de France:
ministère de la culture) praticiens libéraux, consultants ou titulaires de
postes publics dans les DDE, DDA, DIREN, CAUE.
Tous ont été confrontés au problème de la conservation et de la
restauration du bâti ancien dans un espace rural en pleine mutation:
souvent opposition entre conservation et développement local.
Préservation patrimoniale et dvpt démographique, économique.
Les architectes des Bâtiments de France notamment sont les
principaux responsables de la mise en place des ZPPAUP : zone de
protection du patrimoine architectural, urbain, et paysager : dispositif
fondé en 1984 pour protéger un ensemble bâti (urbain ou rural) et en
liant fortement à son espace paysager. Avec pour objectif : de
rapprocher la politique de classement des monuments historiques de la
population et d'apporter des solutions aux questions d'articulation
entre préservation et mise en valeur du patrimoine. Mais c'est une
procédure lourde, difficile à appliquer : d'où le faible nombre de site
créés.
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En plus de cela d'autre zonages sont venus s'ajouter, sous la
tutelle du ministère de l'environnement : parc régionaux, ZNIEFF
(zones naturelles d'intérêt écologiques, floristique et faunistique),
conservatoire du littoral (cf. loi sur le littoral)
Dans ce cadre, il s'agit toujours selon la tradition régalienne, de
territoire d'exception où donc les mesures de sauvegarde s'applique à
des enclaves au sein de région qui elles sont en pleine mutation.
Pour articuler cette mesure de sauvegarde à la procédure ordinaire
d'urbanisme et d'aménagement, de nouvelles réglementations ont été
mise en place en direction des élus locaux :
- Plans de paysages, (communaux ou intercommunaux) ; charte
paysagères (intercommunale, dans le cadre des pays) ;
- "volant paysager" ajouté aux plans d'occupation des sols par la loi
paysage de 1993;
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On ne peut analyser cette fièvre du patrimoine sans s'interroger
sur la "demande sociale" que gestionnaires et responsables politiques
se voient aujourd'hui obligés ou incités à prendre en compte : cette
demande sociale de "préservation du patrimoine" est hétérogène et
contradictoire :
- préservation de la qualité du cadre de vie quotidien, renforcer ou
reconstituer une identité locale (surtout pour les habitants
permanents)
- mise en valeur et à disposition d'une campagne préservée des
maux de la ville (pour les citadins)
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III – Patrimonialisation des campagnes : développement local ou
muséification ?
3-1- Il y a autant de patrimoine que d’enjeux.
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- développement de nouveaux usages de la campagne (touristiques,
résidentiels) et de nouvelles attentes (qualités des produits, terroirs) :
le patrimoine produit d'appel dans une campagne publicisée ?
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3-3 - Le patrimoine, outil de la construction des territoires ruraux
Cet objectif de développement local assigné au patrimoine
implique une définition large de cette notion, telle que la décrit
Pierre LAMAISON :
"Le patrimoine est constitué par tous les éléments qui fondent
l'identité de chacun des groupes humains et contribuent à les
différencier les uns des autres. C'est un ensemble d'agents sociaux, de
biens matériels ou immatériels, de savoirs organisés, qui se sont
élaborés, transmis, transformés sur un territoire donné. Faire
l'inventaire de tous ces éléments impose de prendre en considération
les traits les plus variés, allant des formes d'organisation économique
et sociale aux savoirs techniques ou symboliques, des moyens de
communication (tel la langue ou le dialecte) aux biens matériels, traits
considérés dans chaque cas comme éléments d'un tout, de ce qu'on
appelle une culture"
(LAMAISON P. 1982 – Ethnologie et protection de la nature – pour
une politique du patrimoine ethnologique dans les Parcs Naturel".
Rapport au Ministère de l'environnement, Paris, Ed. de l'EHESS, 76p.
)
Commentaires
Enjeux importants qui ressorts à chaque fois que l'on parle de
patrimoine : en faire l'inventaire : c'est à dire sélectionner ce qui va
être conservé et ce qui va être oublié.
D'où l'enjeu pour les acteurs qui prennent part à cet inventaire :
qui va participer, et qui va imposer sa définition de ce qui est légitime
(scientifiquement, culturellement, localement) de préserver, de
valoriser, de faire connaître…?
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- désignation, authentification et appropriation (ou restitution/ou
valorisation)
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Et cet enjeu est d'autant plus important que le patrimoine sert
finalement ici à définir les contours d'un territoire : on aboutit en
effet aux termes de cette extension du sens de la notion, à la
définition d'un territoire.
On en vient ainsi à associer étroitement patrimoine et territoire :
Notamment à partir des années 1980 avec la montée en puissance du
parc régional et plus récemment avec la mise en place des pays.
Exemple des Parcs naturels régionaux :
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3-4 – Agriculture et patrimonialisation de la campagne
Importance majeure du patrimoine dans le monde agricole,
préoccupation qui touche en tout cas le ministère de l'Agriculture,
qui a commandé une enquête d'opinion (IPSOS – 2002)
Deux tendances :
- L'une qui tend à évincer ou marginaliser la place des agriculteurs
dans ce processus : dans sa dominante paysagère et environnementale
(la nature comme réservoir vierge)
- L'autre qui tend à instrumentaliser ou intégrer le patrimoine comme
outil de défense et de développement agricole : dans sa dominante
économique, mais pas seulement, avec les produits de terroir, les
"relances" d'activités traditionnelles
Première tendance : plusieurs manifestations, et un contexte
général:
Un contexte général : exprimé par Bertrand Hervieu
- Remise en question de la légitimité de la tradition (chasseurs) et du
productivisme (agriculteurs pollueurs) et des constructions
politiques antérieures (prédominances des agriculteurs dans le
monde rural, co-gestion) et accusation des agriculteurs d'être des
pollueurs
- Recherche par les citadins d'authenticité à travers les campagnes
anciennes (diversité des terroirs) – dans lesquelles le paysan a sa
place mais défini depuis la ville et en fonction des attentes urbaines
(jardiniers de la nature)
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Deuxième tendance : instrumentalisation du patrimoine à des fins
de développement agricole
Capacité des acteurs agricoles à s'approprier les nouvelles attentes
urbaines en matière de produits de terroir, mais aussi à mettre en scène
certaines techniques et pratiques pour sensibiliser le public et
redynamiser certaines filières.
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par contre l'AOC implique bcp plus directement les producteurs
et permet de délimiter un espace de discussion plus novateurs :
BIBLIOGRAPHIE
GEERTZ C., Savoir local, Savoir global, les lieux du savoir, PUF, 2002
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