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Droit du patrimoine
culturel et naturel
2e édition
(à jour des lois du 7 juillet et du 8 août 2016)

Philippe Ch.-A. Guillot


Maître de conférences (HDR) en Droit public
à l’Université de Rouen

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ISBN 9782340-050600
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2017
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
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Liste des sigles et abréviations

ABF Architecte des bâtiments de France


ACMÉ Architecte en chef des monuments historiques
AFAN Association pour les fouilles archéologiques nationales
AVAP Aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine
BNF Bibliothèque nationale de France
BPI Bibliothèque publique d’information
CAA Cour administrative d’appel
CAMN Conseil artistique des musées nationaux
CDNSP Commission départementale de la nature, des paysages et des sites
CGI Code général des impôts
C. env. Code de l’environnement
CGÉT Commissariat général à l’égalité des territoires
CNPA Commission nationale du patrimoine et de l’architecture
C. parti. Code du patrimoine
CPI Code de la propriété intellectuelle
CRPS Commission régionale du patrimoine et des sites
CSSPP Commission supérieure des sites, perspectives et paysages
C. urba. Code de l’urbanisme
DGP Direction générale des patrimoines
DOM Département d’outre-mer
DPM Domaine public maritime
DRAC Direction régionale des affaires culturelles
DREAL Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement

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DUP Déclaration d’utilité publique


ÉPCI Établissement public de coopération intercommunale
INRAP Institut national de recherches archéologiques préventives
NCF Nouveau code forestier
ONF Office national des forêts
PLU Plan local d’urbanisme
PNR Parc naturel régional
PSMV Plan de sauvegarde et de mise en valeur
PAPE Plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine
ISF Impôt de solidarité sur la fortune
RAP Redevance d’archéologie préventive
RMN Réunion des musées nationaux
SCOT Schéma de cohésion territoriale
SPR Site patrimonial remarquable
STAR Service territorial de l’architecture et du patrimoine
TA Tribunal administratif
TGI Tribunal de grande instance
TVA Taxe sur la valeur ajoutée
UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la
culture
ZAC Zone d’aménagement concerté
ZEE Zone économique exclusive
ZNIEFF Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique
ZPPAUP Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager

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Introduction

Le patrimoine est une notion polysémique dont il faut préciser le sens et la portée,
les termes « naturel » et « culturel » étant moins évidents qu’il n’y paraît doivent
également être explicités pour cerner ce qu’est le patrimoine culturel et naturel
avant d’envisager la place de sa protection au sein des différentes branches du droit.

I. Patrimoine
Étymologiquement, le patrimonium était matière à héritage, « bien transmis
par le père1 », sans pour autant être alors un concept juridique, tandis que les res
patrimonio étaient des choses susceptibles d’appropriation privée mais composant
le domaine public romain. À l’époque féodale, « les premières acceptions col-
lectives du mot patrimoine sont venues […] fournir un produit de remplacement
aux classes sociales qui en étaient dépourvues, “les biens donnés à l’Église doivent
être le patrimoine des pauvres”, et le même terme a servi, en ce sens, à désigner
les États pontificaux, “le patrimoine de Saint-Pierre”2. » En 1694, le Dictionnaire
de l’Académie française définit le patrimoine comme « un bien qui vient du père
et de la mère, qu’on a hérité de son père et de sa mère ». Pour l’Encyclopédie de
d’Alembert, il s’agit « d’un bien de famille ; quelquefois on entend même par-là ce
qui est venu à quelqu’un par succession ou par donation en ligne directe », tandis
que l’adjectif « [p] atrimonial se dit de ce qui vient par succession, et quelques fois
en général de tout ce qui est un bonus, et que l’on possède héréditairement3. »
Le Dictionnaire de la langue française de Paul-Émile Littré donne au patrimoine
le sens premier de « [b] ien d’héritage qui descend, suivant les lois, des pères et
mères à leurs enfants », mais aussi le sens figuré de « propriété patrimoniale »,

1. J. Bouffartigue & A.-M. Delrieu, Étymologies du français, tome II, Les racines latines, Belin,
1996, p. 113.
2. J.-P. Babelon & A. Chastel, La notion de patrimoine, Liana Levi, 1994, p. 49.
3. Cf. : A. Héritier, Genèse de la notion juridique de patrimoine culturel, L’Harmattan, 2003,
p. 101-102.

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en donnant comme exemple : « Chaque découverte dans les sciences est le


patrimoine de toutes les nations1. » Plus près de nous son Supplément accorde
au patrimoine une nouvelle définition : « Biens, héritage culturel communs à
un groupe de personnes, une collectivité, un État 2. »
Dans le langage juridique, les significations sont aussi variées, reflétant la summa
divisio entre droit privé et droit public3. Pour les privatistes, le patrimoine est
depuis l’œuvre de Charles Auby et Charles Rau, « l’ensemble des biens d’une per-
sonne, dont il n’est au reste que l’émanation » et, plus récemment, sous l’influence
de la théorie du patrimoine d’affectation, « l’ensemble des droits et obligations
d’une personne, avec pour trait saillant la référence à la notion d’universalité »,
tandis que les publicistes ont développé une notion autonome de patrimoine
commun. « Le patrimoine civiliste est empreint de libéralisme économique
tandis que le patrimoine commun se rattache à une conception beaucoup plus
conservatrice et non productiviste4 » qui remonte à la conception originelle du
patrimoine qui, dans la Grèce archaïque, désignait « l’ensemble de la terre utile à
la survie d’une famille5 ». Le patrimoine est encore pour un civiliste une « masse
mouvante dont l’actif et le passif ne peuvent être dissociés 6 » et « où tous les
éléments futurs sont appelés à rentrer7 », tandis que la patrimonialité postule
l’évaluation pécuniaire, la cessibilité onéreuse et la transmission à cause de mort8.
Cette idée de transmission se trouve aussi originellement dans la conception
publiciste du patrimoine : « Un des premiers actes juridiques de la Constituante,
le 2 octobre 1789, avait été de mettre les biens du clergé “à la disposition de la
nation”. Suivirent ceux des émigrés puis ceux de la Couronne. […] La valeur
primaire du trésor ainsi échu au peuple entier est économique. Les responsables
adoptent immédiatement pour le désigner et le gérer la métaphore successorale.
Mots-clés : héritage, succession, patrimoine et conservation9. »

1. Éd. de 1880, Tome 4, réimpression Encyclopædia Britannica France, 1994, p. 4547-4548.


2. J. Baudenau & Cl. Bégué (dir.), Littré – Dictionnaire de la langue française – Supplément,
Encyclopædia Britannica France, 1999, p. 372.
3. Cf. A. Dionisi-Peyrusse & B. Jean-Antoine (dir.), Droit et patrimoine, PURH, 2015,
p. 13 et s.
4. D. Hiez, Étude critique de la notion de patrimoine en droit privé actuel, LGDJ, 2003, p. 1-3.
5. Ibidem, p. 47.
6. S. Guinchard & G. Montagnier (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12e éd., 1999,
p. 385.
7. R. Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 2002, p. 283.
8. P. Catala, Famille et patrimoine, PUF, 2000, p. 33. Cf. : M. Fontaine e.a., Notions fonda-
mentales de droit, Foucher, 4e éd., 2004, p. 92-94.
9. F. Choay, L’allégorie du patrimoine, Seuil, 3e éd., 1999, p. 75 ; Cf. A. Héritier, op. cit., p. 106 et s.

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Sous la Convention, « [l] e sens du patrimoine, c’est-à-dire de biens fondamentaux,


inaliénables, s’étend pour la première fois en France aux œuvres d’art, tantôt en
fonction des valeurs traditionnelles qui s’y attachent et qui les expliquent, tantôt au
nom de ce sentiment nouveau d’un lien commun, d’une richesse morale de la nation
tout entière1. » Le rôle de l’abbé Grégoire face au vandalisme révolutionnaire fut
primordial pour amorcer une politique de protection du patrimoine, mais c’est la
voix d’un grand romantique déclarant la guerre aux démolisseurs qui définit le mieux
la notion : « Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d’un édifice
historique et monumental ne doit pas être permise […] Il y a deux choses dans un
édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à
tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que le détruire2. » Dès lors, ainsi que
le note un des meilleurs spécialistes : « La nation tout entière est responsable de son
patrimoine. Les intérêts privés cèdent le pas devant cette exigence. La propriété privée,
conçue comme un absolu par les légistes de la Révolution, connaît paradoxalement
des atteintes et des limitations réelles, qui ne cesseront de ce fait de se multiplier3. »
Les biens patrimoniaux objets de la sollicitude des pouvoirs publics se multiplie-
ront eux aussi : des monuments historiques au « complexe de Noé qui tend à mettre
à l’abri de l’arche patrimoniale l’ensemble exhaustif des nouveaux types construc-
tifs4 », des archives aux manuscrits, des livres aux périodiques, des photographies
aux partitions musicales, des orgues aux vitraux, des œuvres conservées dans les
musées aux produits des fouilles archéologiques5. Il en résulte que le patrimoine
« recouvre aujourd’hui un ensemble fluctuant et indéterminé d’objets matériels
et immatériels, si bien qu’il n’apparaît ni comme une classe d’objets organisés ni
comme une catégorie intellectuelle normalisée6. » D’autant plus que si le code
du patrimoine – adopté en 2004 – se focalise sur le patrimoine culturel – dans
ses aspects matériels comme immatériels – il englobe aussi des éléments du patri-
moine naturel. Ce qui nous oblige à distinguer culture et nature.

II. Patrimoine culturel & naturel


L’article L1 qui ouvre le code définit le patrimoine comme :

1. J.-P. Babelon & A. Chastel, op. cit., p. 58-59 (mon soulignement).


2. V. Hugo, Littérature et philosophie mêlées, 1834, cité in J.-P. Babelon & André Chastel, op.
cit., p. 69 (mon soulignement).
3. D. Audrerie, La notion et la protection du patrimoine, PUF, 1997, p. 15.
4. F. Choay, op. cit., p. 156.
5. Cf. P. Moulinier, Les politiques publiques de la culture en France, PUF, 3e éd., 2005, p. 19 et s.
6. M.-A. Guérin, Action publique locale et patrimoine culturel, Grenoble II, 2004, p. 25.

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l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou


privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique,
scientifique ou technique.
Il s’entend également des éléments du patrimoine culturel immatériel, au sens
de l’article 2 de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel1, adoptée à Paris le 17 octobre 2003.
Cette définition se réfère aux divers intérêts publics ayant justifié la protection
du patrimoine au cours des siècles : intérêts historique et artistique dans la loi
de 1887 sur les monuments historiques, intérêt scientifique dans la loi de 1930
sur les sites, intérêt archéologique dans l’acte dit loi de 1941 sur les fouilles ; en
revanche l’intérêt légendaire qui figurait aussi dans la loi de 1930 a disparu, à
moins de considérer qu’il est désormais inclus dans le patrimoine immatériel ;
la disparition de l’intérêt pittoresque que contenait la même loi se justifie par
son rattachement à l’intérêt esthétique emprunté à la loi du 7 janvier 1983, mais
aucune loi n’avait précédemment fait référence à un intérêt technique lequel
renvoie à la politique du ministère de la Culture en faveur du patrimoine industriel
ou, plus largement, du patrimoine du XXe siècle2.
Le qualificatif naturel ne correspond à aucune définition précise et n’entraîne pas
à lui seul l’application d’un régime juridique déterminé3. Le patrimoine naturel
est généralement considéré comme résultant des forces naturelles sans interven-
tion de l’Homme, mais, « il est souvent difficile d’identifier une nature “pure”,
sur laquelle l’homme ne serait jamais intervenu pour l’organiser, pour répartir
champs, haies, espaces boisés, etc.4 » En définitive, « il ne peut exister entre
l’environnement et le patrimoine culturel qu’une fausse opposition et en tout cas,
une complémentarité très réelle si l’on consulte les textes5. » La Convention de

1. «… les pratiques, représentations, expressions, connaissance et savoir-faire – ainsi que les


instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communau-
tés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur
patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération,
est recrée en permanence par les communautés et les groupes en fonction de leur milieu, de
leur interaction avec la nature et de leur histoire et leur procure un sentiment d’identité et de
continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité
humaine » ; Cf. R. Goy, « La protection du patrimoine culturel immatériel », Annales de droit,
n° 6, 2012, p. 73 et s.
2. Cf. C. Delivré-Gilg, Finances publiques et protection du patrimoine culturel, Lyon III, 2004, p. 8-10.
3. Cf. J.-M. Bécet & R. Rézenthel, Dictionnaire juridique des ports maritimes et de l’environ-
nement littoral, PUR, 2004, p. 137.
4. P.-L. Frier, Droit du patrimoine culturel, PUF, 1997, p. 14.
5. J. Fromageau, « L’évolution du droit et des institutions a-t-elle été identique ? », Patrimoine
culturel, patrimoine naturel, Documentation française, 1995, p. 48.

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l’UNESCO, signée à Paris le 16 novembre 1972, pour la protection du patrimoine


mondial culturel et naturel distingue les deux types de patrimoine mais favorise
l’unité de leur protection, considérant la nature et la culture comme des valeurs
communes contribuant au patrimoine mondial1. Selon son article 2, le patrimoine
naturel rassemble les monuments naturels (formations physiques et biologiques)
d’une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique et scientifique,
les formations géologiques et physiographiques et les zones d’habitat d’espèces
animale et végétale menacées, ayant une valeur universelle exceptionnelle pour
la science ou la conservation et les sites naturels exceptionnels du point de vue
de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle.
Même si le patrimoine naturel et le patrimoine culturel ne sont pas réductibles
à la simple beauté, les deux notions renvoient cependant à l’esthétique, qui est la
définition que nous retenons dans cet ouvrage. En dépit des distinctions quant
aux intérêts à protéger, la notion de patrimoine unifie le régime de protection
limitant l’absolutisme du droit de propriété au nom de l’intérêt général.

III. La place de la protection du patrimoine au sein


des différentes branches du droit
Si la protection du patrimoine a d’abord été conçue en droit interne, une protec-
tion internationale s’est ensuite mise en place ; le droit de l’Union européenne
régissant la libre circulation des biens et la protection de l’environnement il n’est
pas étranger au droit du patrimoine. En effet, le droit du patrimoine entretient
des rapports étroits avec le droit de l’environnement au point de se confondre avec
lui, même s’il relève par ailleurs du droit de la culture et du droit de l’urbanisme.

1. Droit international et droit de l’Union européenne


La protection internationale du patrimoine culturel apparaît tout d’abord dans
le droit de la guerre avec le règlement annexé à la IVe Convention de La Haye
de 1907 sur les lois & coutumes de la guerre sur terre, la Convention de La Haye
de 1907 sur les bombardements par les forces navales en temps de guerre, puis la
Convention de La Haye de 1922-1923 sur les règles de la guerre aérienne et enfin avec
la Convention de La Haye du 14 mai 1954 sur la protection des biens culturels en cas
de conflit armé, son protocole du même jour et son Second Protocole du 23 mars

1. Cf. N. de Sadeleer & Ch.-H. Born, Droit international et communautaire de la biodiversité,


Dalloz, 2004, p. 157.

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1999, ainsi qu’avec les Premier et Deuxième protocoles additionnels de 1977 aux
Conventions de Genève de 1949 adoptées sous l’égide du Comité international
de la Croix-Rouge1. Elle fait son entrée dans le droit de la paix avec l’UNESCO.
Succédant à l’Institut international de coopération intellectuelle créé par la Société
des nations2, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science
et la culture – plus connue sous son acronyme anglais d’UNESCO – est une
institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies. L’article 1er de son
Acte constitutif la charge d’aider « au maintien, à l’avancement et à la diffusion du
savoir : en veillant à la conservation et protection du patrimoine universel de livres,
d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique ou scientifique, et en
recommandant aux peuples intéressés des conventions internationales à cet effet ».
Le traité majeur conclu par l’UNESCO dans notre domaine est la Convention
déjà citée pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Solution
classique du droit international, la responsabilité d’appliquer les obligations nées
de ce traité revient prioritairement aux États, l’article 4 rend compte que chaque
Partie « reconnaît que l’obligation d’assurer l’identification, la protection, la
conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patri-
moine culturel et naturel […] lui incombe au premier chef ». Le rôle opérationnel
de l’UNESCO est donc des plus limités. Conforme au principe de souveraineté,
cette liberté de mise en œuvre est d’autant plus grande que le droit internatio-
nal propose seulement « un rattachement supplémentaire pour l’objet juridique
complexe et global que constitue le patrimoine culturel dans son ensemble, mais
ne prétend nullement le substituer aux rattachements nationaux3 ».
Sous les auspices de l’UNESCO, ont été également adoptés des traités concernant
notre sujet, à savoir la Convention de Paris du 14 novembre 1970 concernant
les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’ importation, l’exportation et le
transfert de propriété illicites de biens culturels – complétée par la Convention de
Rome 1995 de l’Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés4 – et
la Convention de Ramsar du 2 février 1971 sur la protection des zones humides
d’ importance internationale (amendée en 1982 et 1987)5.

1. Cf. Ph. Ch.-A. Guillot, « La protection internationale du patrimoine culturel en droit des
conflits armés », in A. Dionisi-Peyrusse & B. Jean-Antoine (dir.), op. cit., p. 127 et s.
2. Cf. J.-J. Renoliet, L’UNESCO oubliée. La Société des Nations & la coopération intellectuelle
(1919-1946), Publications de la Sorbonne, 1999, 352 p.
3. Cl. Bories, Le patrimoine culturel en droit international, Pédone, 2011, p. 283.
4. Ce traité n’a toutefois pas été ratifié par la France.
5. Cf. N. de Sadeleer & Ch.-H. Born, op. cit., p. 164 et s. ; article L336-2 du Code de
l’environnement issu de la loi du 8 août 2016 de reconquête de la biodiversité.

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Le Conseil de l’Europe a développé des politiques spécifiques dans le domaine


du patrimoine, tant sur des aspects techniques que dans le cadre de la coopération
juridique et institutionnelle1. La Convention culturelle européenne du 19 décembre
1954 confie à chaque État le soin de sauvegarder son apport au patrimoine culturel
commun de l’Europe et à en encourager le développement. La Charte européenne
du patrimoine architectural, adoptée le 26 septembre 1975 à Amsterdam, est une
déclaration en forme de décalogue sur une conservation intégrée du patrimoine.
Une résolution du 14 avril 1976 relative à l’adaptation des systèmes législatifs et
réglementaires nationaux aux exigences de la conservation intégrée du patrimoine
architectural met au point des dispositions en matière de protection intégrée liant
les États qui s’engagent de surcroît à promouvoir des politiques d’information et
de sensibilisation auprès du public. La Convention européenne sur les infractions
visant des biens culturels, signée à Delphes le 23 juin 1985, la Convention pour la
sauvegarde du patrimoine architectural en Europe, signée à Grenade le 3 octobre
1985, la Convention pour la protection du patrimoine archéologique signée à La
Valette le 16 janvier 1992 régentent leur domaine respectif. La Convention euro-
péenne du paysage, adoptée à Florence le 20 octobre 2000, a pour vocation de
mettre en valeur l’ensemble des paysages, sans se limiter à une approche sectorielle
de sites patrimoniaux, ni même de paysages culturels. Enfin, la Convention-cadre
sur la valeur du patrimoine culturel pour la société adoptée le 27 octobre 2005 à
Faro contient la plus ambitieuse définition du patrimoine culturel2 mais la France
ne l’a pas signée3.
L’article 3 du Traité sur l’Union européenne mentionne un « patrimoine culturel
européen », tandis que l’article 167 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne se réfère à un « héritage culturel commun », mais, par respect du
principe de subsidiarité, l’Union européenne se contente de se superposer à
l’action des États membres, notamment avec les labels « Capitale européenne de la
culture » et « patrimoine européen ». Des programmes spécifiques comme Raphaël
(30 millions € pour un patrimoine perçu dans ses dimensions mobilière, livresque,

1. Cf. P.-L. Frier, « L’Europe et le patrimoine », in N. Mezghani & M. Cornu (dir.), Intérêt
culturel et mondialisation, tome II Les aspects internationaux, L’Harmattan, 2004, p. 137.
2. « Le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que des
personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une
expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et tradition en continuelle évolution. Cela inclut
tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes
et les lieux », art. 2 a.
3. Seuls 17 États membres l’ont ratifiée, 5 l’ont signée mais ne l’ont pas encore ratifiée ; l’absence
de signature par la France n’a pas empêché des parlementaires de s’y référer durant les débats
sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine.

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