La notion de genre est apparue en Angleterre et aux
Etats-Unis dès les années 1970. Pourtant, elle ne sera reprise en France qu'à partir des années 1990, avant de se populariser dans les années 2000. On peut avancer plusieurs raisons à ces "résistances françaises" :
- La prégnance de l'approche marxiste du
social,
- Le poids des débats entre
"essentialisme" et "constructivisme",
- Le frottement conflictuel avec
l'imaginaire républicain.
Conversion progressive de l'université française :
études sur les femmes signifie études féministes soit études du genre.
2. Qu'est-ce que le genre ?
Le sexe c'est la donnée anatomique, biologique ; le
genre, une construction sociale, historique, qui peut varier selon les espaces, le temps et les sociétés, c'est le sexe socialement constitué.
- La notion de genre est utile au sens
où elle sert non seulement à penser les rapports entre les sexes, mais aussi la fabrique sociale de la masculinité et de la féminité,
-Elle permet ainsi de dénaturaliser les
différences femmes-hommes,
- Ce n'est pas naturel qu'une fille soit
douce et sensible et qu'un garçon soit énergique et ambitieux. C'est le produit d'une socialisation qui fabrique, dès le plus jeune âge, des individus comme masculins ou féminins.
Ce constat ne date pas d'hier. Sans employer la
notion de genre, des anthropologues avaient déjà souligné la construction sociale des "rôles sexués".
- C'est le cas d Margaret MEAD qui, dès
les années 1930, dans une enquête en Nouvelle-Guinée, avait repéré de grandes différences entre trois tribus : les Arapesh, les Chambulis et les Mundugumors.
- Autre exemple emblématique : le terme
de muxhe désigne, dans la culture Zapothèque, civilisation précolombienne située au sud du Mexique, une personne assignée au sexe masculin à la naissance, mais qui va adopter les vêtements et comportements associés au genre féminin. Les muxhes sont reconnus et même valorisés au sein de cette société et constituent en quelque sorte un "troisième genre".
Or, dans les sociétés occidentales, le genre s'est
construit autour d'une bipolarisation entre le féminin et le masculin. - Cette bi-catégorisation produit toujours de la hiérarchie, des rapports de pouvoir.
Pour Joan SCOTT, historienne américaine pionnière
dans le domaine, le genre est "un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes", mais aussi une "façon première de signifier des rapports de pouvoir".
La "domination masculine" peut être envisagée d'au
moins deux façons.
- A travers les inégalités : les hommes
occupent encore les positions les plus valorisées et les plus favorables, au plan économique, social ou symbolique,
- Une domination qui s'exerce aussi sur
les hommes, en particulier ceux qui dérogent aux normes de la masculinité hégémonique.
Il y a un classement (qui implique des hiérarchies)
de genre : les discours courants égrainent les stéréotypes de genre;
- Les normes de genre apparaissent si
naturelles que leurs conditions de production ne sont pas interrogées,
- Or, il n'y a pas d'ordre naturel : le
sexe est un invariant, le genre est variable dans le temps et l'espace, selon les époques et les sociétés.
Dans le sillage de Jean SCOTT, Judith BUTLER va
s'intéresser, dans les années 1990, à la dimension "performative" du genre. - Il n'y a pas d'essence du genre, tout le monde joue un rôle de genre, nous passons notre temps à chercher à coller à un modèle qui n'existe pas en soi, en nature. Les normes de genre méritent d'être contestées par des pratiques de résistance. Judith BUTLER préconise l'invention de figures nouvelles en multipliant les genres et la fluidité entre les genres.
Dans le même mouvement, est aussi déconstruit ce
que certains chercheurs appellent l'hétéronormativité,
- Il s'agit d'interroger les questiosn
de sexualités et de normes sexuelles,
- Les normes hétérosexuelles sont
dominantes et il nous faut désormais penser "le normal comme normé".
A partir des années 1990, les études de genre
commencent ainsi à se constituer comme champ de recherche interdisciplinaire, en anthropologie, en histoire, en sociologie, en philosophie, etc.
3 : L'importance de la socialisation primaire dans la
construction du genre
La socialisation de genre se sont donc les
processus par lesquels les individus apprennent dès leur naissance à se comporter, à sentir et à penser selon les formes socialement associées à leur sexe. De ce point de vue, les apprentissages par corps sont très importants : "L'essentiel de l'apprentissage de la masculinité et de la féminité tend à inscrire la différence entre les sexes dans les corps (à travers les vêtements notamment), sous la forme de manière de marcher, de parler, de se tenir, de porter le regard, de s'asseoir, etc." (Pierre BOURDIEU).
L'enfance est un vrai laboratoire de la
construction de genre.
- Il y a des injonctions et des
prescriptions divergentes selon le sexe des enfants,
- Ces différences sont incorporées dès
le plus jeune âge. Elles ne passent pas tant par des injonctions verbales explicites ou des sanctions, mais plutôt par un encouragement à coller aux normes de genres concernant les comportements des enfants,
- Les parents vont avoir tendance à
encourager d'avantage les comportements masculins chez les petits garçons qu les comportements féminin chez les petites filles,
- Les normes d'éducation sont toujours
genrées mais varient avec la classe sociale.
Le cas de transgression des genres.
- On parle de transgressions de genre
quand sont adoptés des comportements, des goûts, des manières d'être socialement attribués à l'autre sexe,
- Ces transgressions sont le plus
souvent partielles, par exemple via la pratique d'un sport, des goûts vestimentaires ou musicaux. Les personnes transgenres engagent en revanche des transgressions beaucoup plus importantes.
Les travaux de Christine MENNESSON permettent de
comprendre sociologiquement ce type de cas (rare et minoritaire). Elle s'est notamment intéressée aux cas des footballeuses et des boxeuses (cf. l'article "Etre une femme dans un sport masculin") mais aussi aux danseurs classiques. Elle explique la constitution de leurs dispositions de genre "inversées" à travers la socialisation familiale.
- Les footballeuses ont construit leurs
dispositions de genre en réaction opposée au modèle de féminité incarné par leur mère. Elles ont noué une relation de complicité avec leur père, dû notamment à la pratique de sport précoce, père auquel elles s'identifient. Elles ont par ailleurs évolué principalement dans des groupes de pairs masculins, favorisant des attitudes "de garçons manqués". Enfin, Christine MENNESSON remarque que, dans des familles où tous les enfants sont des filles, la cadette va avoir tendance à endosser le rôle du garçon "manquant" pour compenser les attentes déçus d'un père qui voulait un fils,
- En ce qui concerne les danseurs
classiques, ce sont de sgarçons qui appartiennent à des familles où la repartition des tâches est plutôt progressiste, des familles où la mère apparaît comm un modèle d'authentification plutôt positive. Il y a des relations fortes avec l'enfant et le parent de sexe opposé ici alors que, dans la plupart des familles, le lien est plutôt avec le parent du même sexe.
On voit bien ici comment les dispositions de genre
(et en l'occurence des disposition de genre "inversées") se construisent par un travail de socialisation.
On voit également que la sociologie est tout à fait
capable d'expliquer des phénomènes sociaux rares, exceptionnels, qui dérogent à la règle ou à la norme.
- C'est vrai pour les transgressions de
genre, mais ça l'est aussi pour les trajectoires a priori impropables comme les "miraculés scolaires",
- Parenthèse sur les polémiques autour
de "la théorie de genre",
-> Polémiques qui émergent à partir
de 2011 autour des manuels de SVT destinés aux collégiens où il écrit "devenir homme" et "devenir femme",
-> Ces polémiques se cristallisent
surtout en 2013 avec la "Manif pour Tous", dans les manifestations opposées au mariage homosexuel qui fustigent l'influence néfaste de LA théorie du genre,
-> Or, il n'y a pas une théorie du
genre mais DES théories du genre qui peuvent dialoguer et même entrer en conflit (Ex. Christine DELPHY vs Judith BUTLER). CONCLUSION ET OUVERTURE SUR LA NOTION D'INTERSECTIONNALITE.
Dossier Sur Le Thème de La Socialisation Différentielle Et La Construction Sociale de La Virilité Pour Préparer Le Raisonnement Argumenté de L'épreuve Composée PDF
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