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En 1972, la NASA décide d’envoyer dans l’espace une capsule dont le but est de délivrer une preuve de la
présence humaine à toute autre potentielle vie dans l’univers. Elle y joint un dessin représentant l’anatomie
humaine, avec un schéma simple d’un homme et d’une femme nus, qui se tiennent côte à côte. A l’origine, le sexe
de la femme était séparé par un petit trait, qui représentait la séparation des grandes lèvres. Cependant, ce trait a
beaucoup été critiqué. Probablement par peur de choquer les extraterrestres, il fut effacé avant l’envoi de la
capsule spatiale. D’où vient cette gêne du sexe féminin ? Pourquoi le réduire à un triangle vide, comme s’il n’était
pas nécessaire de s’attarder plus longuement sur sa structure ? Aujourd’hui, le clitoris n’apparaît que sur un
manuel d’SVT sur huit. La raison mise en avant est qu’il ne sert pas à la reproduction. En réalité, il semble qu’on
représente de manière générale beaucoup moins le sexe féminin, et ceux dès les livres destinés aux enfants.
Pourtant, ce tabou autour de la vulve n’a pas toujours existé : dans la mythologie, la légende de la déesse-vulve
Baubo redonnant le sourire à Déméter était connue. Il semble donc que la construction sociale d’un tabou autour
du sexe féminin se soit faite petit à petit, au fil des époques. Le paradoxe se tient dans l’hypersexualisation des
corps féminin et en même temps la volonté qu’ils soient cachés. En effet, le corps féminin apparaît très érotisé,
autant dans le développement de la pornographie que dans des images du quotidien comme les affiches
publicitaires, tandis qu’on demande perpétuellement aux femmes de ne pas être « vulgaires », de ne pas être trop
dénudées. A l’inverse, le corps masculin doit être visible, et répondre aux critères de virilité. Le corps masculin est
musclé, il s’impose en tant que corps supérieur. Cette virilité du corps doit aussi transparaître dans les actions de
l’individu masculin : en tant qu’homme fort, il n’est pas incité à parler de ses sentiments ou à montrer sa douleur.
Ainsi, la construction de corps féminins et de corps masculins vient former ce que Pierre Bourdieu nomme
« habitus », terme qu’il applique à la classe sociale et qui désigne un ensemble de dispositions qui commandent
les actions et goûts de l’individu. En effet, être sans cesse assigné à son identité en tant que « garçon » ou « fille »
vient marquer très tôt et de manière importante la perception de soi et des autres, avec des attentes précises.
Comment la socialisation par le corps vient-elle, en construisant un véritable habitus de genre, permettre
et légitimer un rapport hiérarchique entre hommes et femmes ?
Il semble que la socialisation par le corps relève de la socialisation primaire, qui la rend d’autant plus
forte et plus importante (I) ; cependant, elle se poursuit tout au long de la vie de l’individu et tente de rendre
légitimes, en leur conférant un aspect naturel, des inégalités sociales (II). Il s’agira enfin de voir comment la
construction de corps féminin et masculins contribue à la reproduction sociale, cette construction différant selon la
classe (III).