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Introduction à la notion de genre

Dakar, nov. 2023

Agnès Adjamagbo
Laboratoire Population-Environnement-Développement
(IRD – Aix Marseille Université)
Rapports sociaux de sexe : fonctions et
rôles sociaux, statuts, stéréotypes
attribués selon qu’on est une femme ou
un homme

De quoi parle le genre ?


Les perceptions du féminin ou du
masculin et les valeurs associées sont :
- constructions sociales, historiques,
culturelles, symboliques
- ni naturelles ni innées
- variables et évolutives (temps/espace)
Du sexe biologique au sexe social
• A la naissance, deux individus distincts : sexe masculin et sexe
féminin (sexe biologique)

• Pour la société, deux groupes : les hommes et les femmes (sexe


social)
– Rôles, attributions, qualités, compétences spécifiques
– Ces différences/spécificités n’ont rien à voir avec les différences
biologiques

Les hommes/femmes ne sont pas naturellement « doué.e.s


pour… » c’est la société qui les dote de cette capacité
Sexe / Genre
Sexe Genre
Inné, hérité Acquis et appris
Immuable Evolutif et modifiable
Biologique : Construit par la société et découle :
- organes génitaux - culture
- chromosomes - éducation
- caractéristiques physiques - rôles assignés aux femmes et aux
(poids, taille, couleur du teint...) hommes dans une société donnée

Permet d’identifier Permet d’identifier


les différences entre les femmes les relations entre les femmes et
et les hommes. les hommes.
Idées reçues sur le genre
Ce que l’on croit souvent Ce que le genre désigne en
réalité
Genre = sexe Construction sociale acquise
des identités de sexe
Genre = femmes Interactions sociales entre
hommes et femmes
Genre = seulement dans les Concerne aussi les pays au
pays « du Sud » Nord
Tous les secteurs :
Genre = concerne le secteur gouvernance, droits humains,
des affaires sociales économie, technologie,
environnement, recherche...
Une définition longue
Le genre est l'identité construite par
l'environnement social des individus, c'est-à-dire
le « masculin » ou le « féminin » que l'on peut
considérer non pas comme une donnée
« naturelle », mais comme le résultat de
mécanismes extrêmement forts de construction et
de reproduction sociale, au travers de l’éducation
(au sens large)
Pour faire court….
Le genre c’est :
Un statut acquis qui marque la
différence sociale faite entre les sexes
biologiques
Paroles de grands

Simone de Beauvoir :
« on ne naît pas femme, on le devient »

Pierre Bourdieu :
« on ne naît pas homme, on le devient »
Goffman, 1977, L’arrangement des sexes

• Le genre c’est ce qu’une culture, une société font du sexe :


c’est la transformation culturelle d’individus nés masculins
(mâles) ou féminins (femelles) en hommes et femmes,
dotés d’attributs, de rôles…sociaux.

• Le genre c’est le passage d’une grille de lecture, d’un


triage biologiques à une grille de lecture et un triage
sociaux et culturels.
Trois principes de base
• Rejet du déterminisme biologique des inégalités
• Les femmes (et les hommes) ne forment pas un
groupe homogène mais un ensemble traversé par
des différences de classe, de race et d’ethnie
• Reconnaissance d’une asymétrie fondamentale des
statuts, d’une hiérarchie et de relations de pouvoir
entre les hommes et les femmes
• Constat quasi universel d’une supériorité du
masculin sur le féminin = domination masculine
Hiérarchie et hétérogénéité
• Les relations sociales de sexe sont des rapports de pouvoir.

• Les études de genre ne disent pas seulement que les


hommes et les femmes sont socialement différents, elles
montrent également que le rapport est hiérarchisé.

• Les catégories de sexe ne sont pas homogènes. Les


catégories femmes, hommes doivent être analysées
également en tenant compte d’autres catégories : la classe
sociale, l’âge, etc.

Intersectionalité
Omniprésence du genre et invisibilité
• Rôles sociaux, stéréotypes concernant le
féminin et le masculin sont :
– Institutionnalisés

– Ancrés dans les mentalités, cultures

– Véhiculés par la famille, l’éducation, les institutions

– Caractéristique quasi universelle : se traduisent par


des inégalités au détriment des femmes
Penser le genre
• Genre = inégalité= différence entre les sexes (valence
différentielle des sexes)
• Il ne s’agit pas seulement de décrire ou de compter les
différences, mais aussi d’en comprendre les raisons

Question
• Quels sont, dans les ensembles de représentations propres à
chaque société, les éléments invariants dont l’agencement se
traduit par une inégalité, une hiérarchie considérée toujours
comme naturelle, comme allant de soi ?

Françoise Héritier, 1996. Masculin / féminin. La pensée de la


différence, éditions Odile Jacob, Paris, 318 p.
Penser le genre
• Explorer les racines des préjugés qui sont au
fondement de la hiérarchie entre les sexes.
– Comment chaque société pense la différence ?
• Prérequis : voir/mesurer les différences
« Les éléments principaux qui constituent notre monde
ne sont jamais remis en question, dans la mesure où,
n’étant pas perçus comme premiers, ou n’étant pas
perçus du tout, ils ne peuvent de ce fait être
questionnables ni mis en cause » (F. Héritier, 1996,
p.10)

• Les inégalités de genre sont dans le sens commun un


« impensé »
Effet pervers de la logique du
biologique avant tout
• Prima du masculin sur le féminin
• Les femmes appartiennent au sexe faible et leur
faiblesse est fondée biologiquement
• Elles peuvent donc être légitimement rabaissées au
statut d’inférieures
=> Les inégalités entre les hommes et les femmes ne
sont que le reflet de réalités tangibles, ancrées
dans les corps, donc irrémédiables et
incontestables
Quatre domaines où les discriminations
s’exercent contre les femmes
• Droits politiques : moindre possibilité de les
exercer
• Les droits légaux en tant qu’individus et membres
de la famille
• Accès des filles et des femmes à l’éducation, à la
formation, au travail
• Accès aux services de santé, au planning
familial, au logement, à la nutrition
L’apport d’Ester Boserup
• Mise en évidence du rôle productif des
femmes
• Lacunes dans les programmes de
développement économique
• Mécanismes d’occultation, d’assignation et
d’exploitation de la force de travail féminine
en ASS

Intégration des Femmes au Développement (IFD)


3 principes de l’approche IFD
• Quête d’égalité : impliquer les femmes dans le
développement de façon à ce quelles puissent en
profiter autant que les hommes
• Anti pauvreté : il faut augmenter la productivité
des femmes pour lutter contre la pauvreté
• Efficacité : appuyer les activités productives des
femmes = instrument du processus global de
développement
Critiques faites à l’approche IFD
• Accroît l’exploitation traditionnelle dont les
femmes sont l’objet
• Néglige la question des rapports de force
entre les hommes et les femmes
• Ignorance des contraintes liées aux rôles
sexués et au statut des femmes
Concept de genre et développement
Des changements difficiles
• Bilan négatif
– Discriminations toujours flagrantes et ancrées
culturellement
– Échec des programmes de développement rural, PF ou
de santé
– …..
• Points positifs
– Codification des droits civils et juridiques des femmes
– Abondance d’études et de données soulignant les
inégalités entre les hommes et les femmes
– Prise de conscience mondiale de la nécessité d’une
restructuration de la société et de ses institutions
Quelques constats chiffrés
• Chaque année 100 millions de bébés et fœtus filles sont
supprimés
• 130 millions de filles sont victimes de mutilations sexuelles dans
40 pays
• Les femmes produisent la moitié des aliments, ne gagnent que
10 % du revenu total, possèdent moins de 2 % des terres,
reçoivent moins de 5 % des prêts bancaires.
• Elles forment 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec
moins de 1 dollar par jour
• Secteur formel, en moy. 1 homme sur 8 occupe un poste de haute
direction, pour une femme sur 40
• Sources, OMS, ONU, Unicef, HCR, Amnesty international, Croix rouge internationale, Observatoire de la
parité
Quelques constats chiffrés
• 37% des pays du monde ont réalisé la parité entre les sexes dans
l’enseignement secondaire en 2006.
• En Afrique, 75 % des 15-24 ans séropositif-ves sont des femmes
• 15 femmes sur 192 chefs d’Etat et de gouvernement et 18, 4 % en
moyenne de femmes dans les Parlements (2008)
• Dans le monde, une femme sur trois a été violée, battue, ou victime
d’une forme ou d’une autre de mauvais traitements au moins une
fois dans sa vie
• Dans certains pays, la violence domestique = cause principale de
mort ou d’atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans
Sources, OMS, ONU, Unicef, HCR, Amnesty international, Croix rouge internationale, Observatoire de la
parité
Enjeux de l’utilisation du genre
• Idéologiques et politiques :
– remise en question du modèle de société patriarcale ;
vision d’une société plus égalitaire

• Sociaux, culturels et identitaires :


– cesser de penser les inégalités des rôles sociaux entre
hommes et femmes comme des faits naturels et
immuables
A quoi sert le genre ?

Fournir des éléments d'analyse pour


comprendre la manière dont la définition
idéologique des sexes, qui imprègne toutes
les dimensions de la vie sociale, affecte les
comportements sociaux et individuels
Les écueils

• Dépasser la simple comparaison hommes


femmes
• Considérer les rapports sociaux de genre
comme la seule dimension structurante des
comportements
Des postures différentes
• Pour les féministes : un outil de
dénonciation et de revendication
• Pour les chercheurs : un outil d’analyse et
de compréhension du fonctionnement des
sociétés ; une grille de lecture des faits
sociaux
• Pour les décideurs : un outil pour repérer les
actions à entreprendre
Contextes qui influent sur les
relations de genre
• Politiques éducatives
• Lois et dispositifs juridiques
• Evolutions technologiques
• Politiques économiques
• Marché du travail
• Crises alimentaires
• Guerres
• …
Facteurs à prendre en compte
• Appartenance à une communauté,
• Caste, origine ethnique,
• Classe sociale, niveau de revenus,
• Religion,
• Statut matrimonial,
• Activité formelle et/ou informelle,
• Classe d’âge,
• Situation de handicap,
• …
Une notion dynamique
• Les processus de transformations sociales qui influent sur
les rapports de genre sont internes aux sociétés et aux
groupes sociaux
Mais aussi
• Influencés par des contextes extérieurs : mondialisation
économique, migrations internationales…
En résumé, l’approche du genre constitue à la fois :
– un concept sociologique qui analyse les modalités des rapports
sociaux entre femmes et hommes et leur caractère inégalitaire
– un objectif politique de mise en œuvre des droits humains
fondamentaux en faveur de l’égalité des droits des sexes
– une méthodologie proposant des outils concrets pour une
meilleure efficacité des organisations et de leurs actions.
Différents niveaux de mise en œuvre
Niveau
Macro Mainstreaming : inclusion du genre dans les plans de
développement nationaux et les politiques sectorielles
Législations nationales au regard de l’égalité H-F, système
juridique, etc.

Méso Egalité hommes femmes dans les institutions, entreprises,


structures économiques et sociales, marché du travail et
économie informelle

Micro Rapports de genre au niveau des individus, de la famille,


des communautés (accès et contrôle des ressources…)

Situations des associations féminines, défenses des droits


4 catégories de rôles sociaux

1. Activités reproductives
2. Activités productives
3. Activités communautaires
4. Activités politiques ou décisionnelles (au
sens large)
Activités reproductives
• Base du développement économique et
productif des sociétés
– soins aux enfants, garde des enfants,
– tâches domestiques (nettoyages, bricolage,
réparations…)
– Alimentation (achat, préparation des repas…)
– Activités liées à la santé
Notion de Care
Activités productives
• Économiques ou génératrices de
revenus
– Activité salariée ou indépendante,
– Secteur formel ou informel
– Temps partiel ou complet
– A domicile ou à l’extérieur
Activités communautaires

• Activités et contributions bénévoles à la vie


sociale et communautaire
– bénévolat associatif, activités culturelles
fêtes et rites
– soins aux personnes âgées
– entretien de l’environnement
Activités politiques ou décisionnelles

• Exercice du pouvoir et de la participation à la


prise de décision à tous les niveaux
– niveau politique (international, sous-régional, national,
local)
– niveau associatif et autres responsabilités sociétales
– niveau interne à la communauté, à la famille
Les conditions du changement
• Satisfaire l’accès et le contrôle des ressources
– Eau, terre (foncier), énergie
– Accès à la propriété et ou location
– Emploi, crédit
– Infrastructures, moyens de déplacement
– Éducation, formation
– Technologies de l’information et de la communication
(TIC)
Les conditions du changement
• Favoriser les changements structurels
• Mise en œuvre du mainstreaming
– Intégrer des objectifs d’égalité dans tous les politiques
publiques et les budgets
• Procéder à des mesures et évaluations régulières
des avancées
Élaborer des indicateurs de genre
Des indicateurs pour quoi faire
• Rendre visible l’invisible
• Identifier les inégalités entre les femmes et les
hommes, dans quels secteurs
• Repérer les changements dans le temps
• Appréhender comment et jusqu’où la situation
change
• Mesurer l’impact des politiques & des projets

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