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Histoire du droit de la famille L3S5 - Equipe 2 Sophie DEMARE-LAFONT

Partie 1 - Le mariage

D’une manière générale, le mariage a été pendant très longtemps, le seul moyen reconnu par le droit
pour créer une famille. Il est le point central de la construction du droit de la famille.

Le droit du mariage s’intéresse à trois choses :


• Les personnes : qui peut se marier ou qui ne peut pas se marier ?
• La manière dont le mariage est conclu : quelle place donne-t-on au consentement et qui consent ?
• Les conséquences du mariage : quelles sont-elles sur le plan personnel et patrimonial ?

Chapitre 1 - Le mariage à Rome


Le point essentiel de l’approche romaine du mariage est que les romains conçoivent le mariage comme
une relation sociale continue à laquelle le droit reconnait des effets. En d’autres termes, en droit
romain, le mariage n’est pas un contrat ni un acte juridique, c’est une situation de fait.

I - La conception romaine du mariage

A) Les dé nitions des jurisconsultes

Modestin, jurisconsulte du 3ème siècle, a dé ni le mariage dans le Livre 23 du Digeste comme «l’union d’un
homme et d’une femme, la communauté de toute une vie, la mise en commun du droit divin et du droit
humain» :
• Le mariage est hétérosexuel et monogamique : le mariage concerne un homme et une femme.
• Le mariage est un état continu : il se manifeste par une communauté de vie durable, toute leur vie
idéalement.
• Le mariage est une mise en commun de droit divin : il met l’accent sur l’aspect religieux du mariage. Le
droit divin renvoie au droit naturel. Dans l’Antiquité, le droit naturel est le droit qui existe dans la nature
et donc qui n’a pas été créé par l’Homme car il existe avant les Hommes. Pour un romain, ce droit qui
existe dans la nature est forcément divin car la nature a été créée par les Dieux. Le mariage est placé
dans un ordre naturel qu’on ne peut pas contester. Mais, les Hommes ont ajouté des règles
juridiques à cette situation qu’ils ont trouvé dans la nature.
• Le mariage est une mise en commun de droit humain : il met l’accent sur l’aspect social du mariage. Le
droit humain renvoie aux règles juridiques créées par les Hommes.

Ulpien, jurisconsulte du 3ème siècle, explique dans le Livre 24 du Digeste que «ce qui fait le mariage ce
n’est pas l’union sexuelle mais l’affectio maritalis». L’affectio maritalis (affection maritale) est la volonté
continue et réciproque de se considérer comme mari et femme. En d’autres termes, tant que l’affectio
maritalis existe, le mariage existe.

↳ L’affectio maritalis permet de distinguer le mariage d’autres formes d’union qui ne sont pas le mariage :
• Le concubinage : il y a des relations sexuelles et une vie commune mais il n’y a pas la volonté des
partenaires de se considérer mari et femme.
• Les relations avec les prostituées : il y a des relations sexuelles et rien d’autre.

Comme le mariage est un fait, cette volonté de continue et réciproque de se considérer comme mari et
femme, l’affectio maritalis, est présumée par le droit romain.

↳ Si on n’est pas marié, il faut démontrer que l’affectio maritalis n’existe pas. Une simple déclaration
suf t.

Ce mariage fondé sur l’affectio maritalis est appelé les justae nuptiae (justes noces) ou bien le justum
matrimonium (juste mariage). Le jus (droit) est le droit romain donc ce mariage n’est valable que pour les
citoyens romains.

Si un romain épouse une non romaine, il n’y aura pas de justae nuptiae (justes noces). Le droit qui régira
ce mariage est le jus gentium (droit des gens) c'est- à-dire du droit romain pour les non romains, c’est un
droit romain adapté aux relations avec les non romains.

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B) La question du consentement

L’affectio maritalis est une forme de consentement puisque les époux réitèrent continuellement leur
volonté d’être mariés et de rester mariés. Les époux en vivant ensemble et en se considérant comme
mari et femme maintiennent leur consentement au mariage.

À partir du 4ème siècle, cette situation va changer lorsque l’Empire romain devient chrétien. Le mariage
n’est pas encore perçu comme un sacrement par les chrétiens, mais il est considéré comme un acte
indissoluble et donc dé nitif. L’idée d’un consentement continu s’efface au pro t d’un consentement
initial donné au début du mariage mais qui n’a pas besoin d’être réitéré.

Sur la question de savoir qui donne le consentement, le droit romain a évolué :


• Époque archaïque : le mariage était décidé par les deux chefs de famille et on ne demandait pas
l’avis des époux.
• Début de l’Empire : l’Empereur Auguste, empereur de -27 à 14, mène une politique nataliste et
encourage les mariages. A la n du 1er siècle, il promulgue une loi qui autorise la lle de famille à
contester le refus de son père. Cette loi, qui affaiblie directement le pouvoir du pater familias, est
justi ée par l’intérêt supérieur de la cité qui est d’avoir toujours plus de citoyens. Il est de l’intérêt
de la cité que la démographie soit en accroissement. Cette loi instaure l’idée que les époux aussi
doivent consentir au mariage.
• Fin de l’Empire : le pouvoir du père évolue puisqu’il présenté comme une mesure de protection
des enfants contre leur manque de discernement, leur inexpérience. Au 6ème siècle, Justinien
proclame une loi qui autorise la lle à se marier sans l’accord de son père pourvu que l’époux ait
la même condition sociale que l’épouse. Ainsi, la lle ne risque pas de faire un mauvais mariage.

↳ Cette évolution sur la question du consentement montre les progrès de l’individualisme dans la
conception du mariage. Lorsque les chefs de famille devaient donner leur consentement, on avait en tête
les intérêts du lignage, les intérêts de la famille sur les générations futures. En admettant le
consentement des époux, on tient compte des intérêts présents du ménage, du couple et ces intérêts
présents sont le signe d’une prise en considération de l’individu dans la famille, au moment où ils se marient.

II - La formation du mariage

A) Les ançailles

Les ançailles étaient appelées les sponsalia ( ançailles) par les romains. Le mot sponsalia vient du mot
sponsio (promesse) qui désigne, s’agissant du mariage, la promesse faite par le futur mari au pater
familias de la jeune lle ou la promesse faite par les deux chefs de famille. Cette promesse porte sur
l’engagement de réaliser le mariage. Les ançailles sont généralement conclues lorsque les futurs
mariés sont des enfants.

Cet engagement prend la forme d’un contrat. Le mot sponsio est aussi le nom d’un contrat du droit
archaïque romain. Le sponsio est un contrat verbal qui est dialogué. Il existe deux types de sponsio :
• La sponsio simple : il y a une question et une réponse.
• La sponsio double : les promesses sont mutuelles. Le pater familias de la jeune lle promet et le
futur mari ou son pater familias promet d’épouser la jeune lle.

Ces ançailles servent à programmer le mariage. Pour autant, le mariage n’est pas obligatoire et les
parties peuvent renoncer à tout moment et il n’y aura aucune sanction juridique. Éventuellement, il
pourra y avoir une indemnité si le contrat le prévoit. Mais, très souvent, les tribunaux invalident ce
type de clause au nom de la liberté matrimoniale. Les seules sanctions sont religieuses.

La situation change au 4ème siècle durant le Bas Empire sous l’in uence du christianisme et les effets
juridiques des ançailles vont être renforcés :
• À l’égard de la ancée : elle est tenue au même devoir de délité que l’épouse, de la femme mariée.
La rupture des ançailles : elle oblige celui ou celle qui rompt les ançailles à restituer les cadeaux.
• La pratique des arrha sponsalitia : les arrhes sont payées par le ancé au moment de la conclusion
des ançailles.
Si la ancée rompt les ançailles : la restitution se fait au double
Si le ancé rompt les ançailles : il perd les arrha sponsalitia

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B) Les rites matrimoniaux

Les rites matrimoniaux n’ont aucune valeur juridique car le mariage est un fait social. Mais, ces rites
sociaux ont eu un rôle dans la question de la preuve du mariage. Il n’y a pas de formes précises comme
ce ne sont pas des actes juridiques et donc on peut faire un peu comme on veut. En réalité, ces rites qui ont
une forte connotation religieuse, sont plus ou moins toujours les mêmes.

Ces rites religieux et sociaux sont appelés les nuptiae (les noces) qui sont un ensemble de rites religieux
et sociaux. Ils commencent dans la maison de la jeune lle. On cherchent les signes indiquant que
les Dieux sont favorables à la date choisie dans le calendrier religieux. Il y a un rite de jonction des
mains des époux. Un sacri ce est fait pour les Dieux. Il y a aussi un banquet. Une fois le banquet
terminé, l’épouse est conduite en cortège de chez elle à la maison du mari et elle entre portée par son
mari, que l’on appelle la dedutio in domum mariti (entrée dans la maison du mari).

La valeur de tous ces rites est essentiellement probatoire car tous ces rites se déroulent devant des
témoins (amis, famille, voisins) qui pourront af rmer que le mariage a eu lieu.
↳ Certains jurisconsultes romains ont accordé à l’entrée de l’épouse dans la maison du mari une
valeur juridique et ils en font le point de départ du mariage. Ils considèrent que tant que ce rite n’est
pas accompli, il n’y a pas de mariage.

Souvent, le mariage s’accompagnait de la rédaction de documents, les taboulae nuptiarum (tables du


mariage), rédigées devant témoins pour servir de preuve concernant les aspects patrimoniaux du
mariage. De même, on pouvait mettre par écrit l’instrumentum dotale (acte de dot) qui est le contenu de
la dot apportée par la femme. Cet acte devait servir de preuve en cas de litige.

C) La conventio in manum

La conventio in manum (convention dans la main) utilisé durant la période archaïque, est un acte solennel
qui suit le mariage cum manu et qui vise à faire passer l’épouse de l’autorité de son pater familias à
l’autorité du pater familias de son mari. La manus est un terme qui désigne la main mais aussi la
puissance, le pouvoir et l’autorité.

La conventio in manum a pour effet de rompre le lien juridique de l’épouse avec sa famille et par la même
occasion, elle fait passer l’épouse sous l’autorité de son beau-père. Juridiquement, elle devient un
membre de la famille de son mari. Plus exactement, elle est considérée comme la lle de son beau-
père ce qui veut dire par extension qu’elle est considérée comme la sœur de son mari. Le beau-père a sur
l’épouse la même autorité qu’il a sur ses lles. Par la même occasion, tous les biens de l’épouse tombent
dans le patrimoine de son beau-père et devient alors héritière de son beau-père.

À l’Époque archaïque, il y a deux formes de conventio in manum :

• La cofarreatio : c’est une cérémonie religieuse qui consiste à faire une offrande à Jupiter en
présence de témoins et du prêtre attaché au service de Jupiter.

• La coemptio (achat) : c'est un achat symbolique de l’épouse qui reproduit le mode très formaliste
d’acquisition de la propriété à Rome qui est la mancipatio. Ce type de contrat fait intervenir 5
témoins et un porteur de balance. L’acquéreur frappe un plateau de la balance avec un morceau
d’airain et en faisant ce geste, il se déclare propriétaire de l’objet. Dans le cadre du mariage, le mari
ou son pater familias frappe le plateau de la balance et il déclare que la femme lui appartient. Ce
rite est un rite de transfert de «propriété» où l’épouse joue le rôle du bien transféré d’une famille à
l’autre. Pour les romains, c’était la seule manière possible d’acquérir la puissance sur la femme.

↳ Si ces procédures ne sont pas correctement observées : l’usus (usage) veut que la femme passe
sous la puissance de son beau-père après 1 an de vie dans sa maison. Cet usage se calque sur la
prescription acquisitive. Cet usage est destiné à corriger les conventions qui auraient été mal
conclues et le procédé est aussi destiné à créer cette puissance du beau-père en l’absence de
convention.

↳ L’usus décline assez vite à partir du 5ème siècle : la loi des douze tables de 450 avant Jésus-Christ
permet à l’épouse d’échapper à la manus du beau-père si elle passe trois nuits hors de sa maison,

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c’est l’usurpatio trinoctii. Cette procédure interrompt la prescription acquisitive. Cette possibilité
montre que l’idée d’un transfert d’autorité par l’écoulement du temps n’est pas acceptée complètement
par la société. Au cours de la République, l’usus va disparaitre. Ainsi, pour que l’épouse passe sous
l’autorité de son beau-père, il faudra une conventio in manus donc l’effet du temps ne suf t plus.

III - Les conditions du mariage

A) La capacité matrimoniale

1. La capacité physique

Cette condition de capacité physique est liée à la nalité du mariage qui est la procréation. En effet, le
but du mariage est de fabriquer des citoyens romains.

A n que le mariage soit reconnu par le droit romain, il faut que les époux soient de sexes différents et
être en âge de procréer. Cet âge est xé par le droit à 14 ans pour les garçons et à 12 ans pour les
lles.
↳ Les chefs de famille peuvent marier leurs enfants avant cet âge : le mariage sera suspendu jusqu’à
l’âge légal et donc la vie commune commence avec l’âge légal.

2. La capacité juridique

a. Le concubin

Au titre de la capacité juridique, il faut avoir le conubium (capacité juridique de se marier). Cette capacité
est reconnue aux personnes libres qui ont la citoyenneté romaine.

La citoyenneté romaine s’acquiert par :


• La naissance de parents citoyens
• Les privilèges

↳ L’Édit de Caracalla de 212 accorde la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire ce qui a
posé un problème avec le droit romain puisqu’il avait été pensé pour être le droit de quelques-uns. Le
conubium s’est donc généralisé. Ainsi, seul le mariage avec une barbare n’était pas reconnu par le
droit romain.

b. Ne pas être déjà marié

Le droit romain interdit la bigamie et la polygamie. Ne pas être marié constitue une des conditions du
mariage.

c. Le respect du délai de viduité

Le délai de viduité est le délai au cours duquel le remariage est interdit par le droit pour des questions
de liation. Entre la dissolution du mariage et la conclusion du nouveau mariage, on insère un délai qui a eu
pour fonction de déterminer la paternité de l’enfant à naitre au cas où la femme serait enceinte lors de
la dissolution du mariage. Les romains ont xé ce délai à 300 jours c'est-à-dire 10 mois après le
divorce ou la mort du mari.

B) Les empêchements

1. Les empêchements de parenté

Le droit romain interdisait le mariage entre parents en ligne directe et en ligne collatérale jusqu’au 4ème
degré. Les romains comptaient les degrés de parenté en remontant à l’ancêtre commun. Le 4ème degré de
parenté est les cousins germains. Ces empêchements apparaissent à la n de la République.

Pour autant, certaines grandes familles aristocratiques pratiquent les mariages entre parents au 3ème degré
c'est-à-dire entre oncles et nièces. Cette pratique est régularisée par la loi au début de l’Empire à l’initiative
de l’Empereur Claude au 1er siècle qui voulait épouser sa nièce Agrippine.

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Avec l’essor du christianisme, l’Empire va revenir à une prohibition du mariage. Au 4ème siècle, plusieurs
lois impériales punissent de mort ces mariages jusqu’au 4ème degré. La sanction étant trop lourde, elle
n’est pas appliquée. Pour décourager les citoyens de conclure de tels mariages, la peine de mort est
remplacée par l’interdiction de faire un testament. Pour un romain, mourir sans avoir fait son
testament était une sorte déshonneur. Ils pouvaient faire plusieurs testaments mais étaient attachés à
l’idée que le chef de famille organise la distribution des biens. Cette interdiction a été beaucoup plus ef cace
pour limiter les mariages consanguins que la peine de mort qui n’était pas appliquée.

De plus, toutes unions avec les alliés sont prohibées. Les mariages avec les beau-père, belle-mère, beau-
ls, belle- lle, belle- sœur, beau-frère étaient interdits. Mais, elles sont régulièrement pratiquées
pendant la République.

2. Les empêchements liés à la condition sociale

a. L’interdiction du mariage entre patricien et plébéien

La loi des douze tables de 450 avant Jésus-Christ interdisait les mariages entre les patriciens et les
plébéiens :
• Les patriciens : ils forment un groupe social formé de citoyens qui appartiennent, par leur
naissance, à la classe supérieure de la société et qui, par ce rang, détiennent diverses
prérogatives politiques et religieuses.
• Les plébéiens : par opposition aux patriciens, il forment un groupe social formé des citoyens romains
distincts des esclaves et des patriciens.

Les plébéiens se sont révoltés contre les prérogatives réservées au patriciens en faisant la grève de la
guerre. A l’issue de cette révolte, les plébéiens ont été intégrés dans les fonctions politiques.

Le mariage entre patriciens et plébéiens est interdit par la loi parce que les patriciens ont refusé que
l’accès à leur groupe social soit élargi par le mariage. Ils ont voulu continuer à pouvoir s’identi er
comme patriciens. Cet interdit va tomber en désuétude au cours de la République parce que la plèbe
s’est intégrée au corps social et que la frontière entre les deux a ni par s’effacer. Pour autant, cette
prohibition n’a pas été abolie mais personne ne la suivait car les deux groupes sociaux ont cessé de se
dé nir comme tel.

b. L’interdiction du mariage entre citoyen et affranchi

L’affranchi est l’esclave qui a été libéré par son maitre et qui est donc devenu un citoyen car il est
libre.

Pour autant, le droit romain a voulu faire une distinction entre les citoyens de naissance (les ingénus) et les
anciens esclaves qui sont devenus citoyens. L’un des signes de cette discrimination est l’interdiction du
mariage entre les deux.

Dans le même esprit, au tout début de l’Empire, l’Empereur Auguste interdit aux garçons ingénus
d’épouser des femmes de mauvaise réputation (les prostituées, les proxénètes, les marchandes
d’esclaves, les femmes adultères et les femmes meurtrières).

c. L’interdiction du mariage entre sénateur et femme de mauvaise vie

Très préoccupé par la moralité des citoyens romains, l’Empereur Auguste a aussi interdit aux sénateurs et
à leur famille d’épouser des prostituées. La sanction prévue était la déchéance du rang social du
sénateur ce qui est une sanction lourde car les sénateurs occupaient une place prestigieuse. La sanction
touche aussi l’honneur de la famille et le déshonneur est une sanction lourde et grave.

Les Empereurs suivants ont ajouté les lles de gladiateurs, les commerçantes et plus généralement
toutes les femmes de condition sociale humble.

Au 6ème siècle, l’Empereur Justinien a éliminé un certain nombre de ces interdits sauf le mariage entre un
sénateur et une prostituée.

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3. Les empêchements temporaires

Les empêchements temporaires sont la prohibition du mariage entre le tuteur et sa pupille et


prohibition du mariage entre un gouverneur de province et une de ses administrés. Lorsque la tutelle
ou les fonctions de gouverneur prennent n, le mariage devient possible. L’existence d’un lien d’autorité
qui fait obstacle au mariage.

Un cas particulier est représenté par le mariage du soldat. En principe, le soldat ne peut pas se marier tant
qu’il est en service car il est tout entier dédié à la cité. Le problème était que les citoyens romains ont
allongé considérablement leur durée de service militaire avec notamment l’expansion de Rome ce qui
revenait nalement à empêcher les soldats de se marier. Au 2ème siècle, les légionnaires romains ont été
autorisé à se marier car leur interdire leur mariage faisait d’eux des célibataires à vie.

4. Les empêchements fondés sur la morale

L’Empereur Auguste interdit les hommes et femmes adultérins de se remarier. En réalité, c’est surtout
l’adultère féminin qui était poursuivi et puni et qui était une cause de répudiation.

L’Empereur Justinien a réduit cette interdiction au remariage avec le partenaire avec qui ont a
accompli l’adultère.

Au 4ème siècle, l’Empereur Constantin interdit le mariage réparateur c’est-à-dire le mariage entre le
ravisseur et sa victime. La jeune lle qui était enlevée et souvent violée pouvait être donnée en
mariage à son ravisseur. On appelait cela un mariage réparateur car après ce crime, la jeune lle ne
pouvait plus trouver d’époux, elle était déshonorée. Or, dans la société romaine et dans les sociétés Antique,
une femme honorable devait se marier et une femme célibataire était socialement mal considérée car elle se
prenait en charge économiquement. En effet, les activités économiques ouvertes aux femmes se réduisaient
au commerce et à la prostitution. Le pater familias pouvait contraindre le ravisseur à épouser sa
victime.

5. Les empêchements fondés sur la religion

Ces empêchements fondés sur la religion sont assez tardifs car ils apparaissent au 4ème siècle avec la
diffusion du christianisme.

L’Empereur Constantin qui s’était converti au christianisme, a légiféré sur ce sujet en interdisant les
mariages entre chrétiens et juifs. En revanche, les mariages entre chrétiens et païens étaient
autorisés. En effet, un païen ou une païenne mariée à un chrétien ou une chrétienne avait de forte chance
de se convertir au christianisme.

IV - Les effets du mariage

Le mariage créé des obligations entre les époux qui ne sont pas abordées de manière égalitaire entre
le mari et la femme.

A) La cohabitation

La cohabitation est un devoir, une obligation. Il faut une cohabitation pour qu’il y ait un mariage.

Dans le monde romain, le choix du domicile ne dépend pas de la femme. Les époux ne choisissent pas en
commun le domicile :

• Lorsque la femme est mariée cum manu : elle vit dans la maison de son beau-père. Elle cohabite avec
son mari et avec le reste de sa belle-famille. Elle est soumise à l’autorité de son beau-père, à l’autorité
domestique y compris en ce qui concerne les châtiments corporels

• Lorsque la femme est mariée sine manu : elle dépend de l’autorité de son pater familias. Le pater
familias peut exiger le retour de sa lle chez lui et donc rompre la vie commune. Il y a une
concurrence entre l’autorité du pater et l’obligation de cohabitation. Cette situation peut conduire à des
con its entre le mari et le père de l’épouse. Pour protéger le mari, le préteur lui accorde une action

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contre son beau-père pour exiger le retour de son épouse au domicile conjugal. Il protège les droits
du mari mais ne résout pas cette concurrence entre les droits du pater familias et les droits du mari.

↳ Cette concurrence entre la mari et le pater familias va être in échie à partir du 2ème siècle :
l’Empereur Antonin le Pieux accorde la préférence au mari. Le mari n’a plus seulement une action mais
il a un droit qui lui permet de rendre opposable sa volonté à lui contre celle de son beau-père. Ce
tournant montre que l’Empire favorise la famille conjugale (couple et autorité du mari) au détriment
de la famille patriarcale (lignage et autorité du pater familias).

↳ Ce mouvement se con rme au 3ème siècle : l’Empereur Dioclétien interdit au pater familias de
dissoudre le mariage tant que les époux conservent l’affectio maritalis. Le père de l’épouse en
con it avec son gendre ne peut plus retenir chez lui sa lle ce qui, à terme, revient à faire tomber la
cohabitation donc l’affectio maritalis et donc le mariage.

↳ À partir du Bas Empire : le consentement du paterfamilias reste obligatoire pour faire le mariage
mais, sa volonté ne peut plus défaire le mariage. Paul, un jurisconsulte af rme que «la volonté du
pater est indispensable pour conclure le mariage mais elle n’intervient plus pour défaire le mariage». La
cohabitation devient l’affaire des époux et non plus du mari contre le beau-père.

↳ Au 6ème siècle : la cohabitation devient un droit pour la femme. Elle peut exiger la cohabitation.
L’Empereur Justinien impose des sanctions contre le mari qui refuserait d’accueillir l’épouse.
L’Empereur Justinien oblige le mari à accueillir l’épouse dans la mesure où le projet matrimonial est un
projet des époux. Son objectif est aussi de préserver l’honneur de la femme mariée et de leur éviter
l’humiliation que représente le refus de cohabitation. La question du mariage prend un nouvel aspect
et la cohabitation devient le signe évident, tangible du consentement. Mais, en réalité, le
consentement est établi en amont par le projet des deux familles et des deux pères de famille, même
contre la volonté du mari. L’objectif de l’Empereur Justinien est d’inscrire le mariage dans la durée, de
préserver l’institution matrimoniale y compris contre la volonté d’un des protagonistes.

B) La délité

L'obligation de délité pèse théoriquement sur le mari et sur la femme. L’adultère du mari est une
cause de divorce qui entraine le paiement d’une amende à l’épouse. Mais, l’adultère apparait
principalement comme un délit de l’épouse puisque repose sur elle la liation.

Jusqu’au début de l’ère chrétienne, l’adultère est un délit privé c'est-à-dire que l’in délité de l’épouse est
punie dans le cadre de la famille, à l’intérieur de la famille :
• Lorsqu’il s’agit d’une épouse mariée cum manu : le beau-père qui in ige la sanction.
• Lorsqu’il s’agit d’une épouse mariée sine manu : le pater familias de l’épouse la punit.

Cette situation perdure jusqu’à la n de la République. Évidemment, la question de l’obligation de la délité


pour l’épouse est liée à la question de la liation à naitre car l’adultère de l’épouse risque d’introduire
dans la famille du mari un enfant qui n’est pas de son sang. La sanction est laissée à l’appréciation
souveraine du chef de famille et cette sanction peut aller jusqu’à la mort.

Au début de l’Empire, l’Empereur Auguste souhaite moraliser les familles et les moeurs. Il considère que
l’une des causes de la décadence de la République est la dépravation des mœurs des romains. Il
entreprend de réformer la société romaine et prend une série de mesure. La lex julia de adulteris coercendis
de -18 sanctionne l’adultère en renforçant les poursuites et les sanctions.

↳ La procédure : cette loi fait de l’adultère un délit public c'est-à-dire un délit qui va être jugé par un
tribunal romain et non plus par la juridiction domestique. La procédure romaine est accusatoire donc il
faut un accusateur pour enclencher les poursuites. Cette loi impose au mari ou au père de la femme
adultère d’intenter le procès contre la femme adultère et donc de dénoncer l’adultère devant la justice.
L’action est ouverte à tous les citoyens au delà de 2 mois après les faits.

↳ La sanction : l’adultère entraine l’obligation pour le mari de répudier l’épouse. L’épouse encourt la
peine de l’exil qui consiste en général en la relégation sur une ile pour qu’ils n’aient pas la possibilité de
revenir chez eux. L'épouse perd la moitié de sa dot et le tiers de ses biens si elle en avait apporté en
dehors de la dot :

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• Si le père surprend sa lle en agrant délit d’adultère chez lui : il peut la tuer sur le champ et n’aura
pas de sanction. On considère que c’est une excuse absolutoire en ce que sa colère est juste et et
en la tuant, il répare l’atteinte à l’honneur faite à son nom, à sa réputation et à sa famille.

• Si le mari surprend sa femme en agrant délit d’adultère : s’il la tue, le mari béné cie de
circonstances atténuantes et donc c’est une excuse minutoire. Il n’est pas exonéré de peine mais
sa peine sera très réduite car on considère que sa colère est juste. Le seul cas où son mari s’en
tirera avec une excuse absolutoire est dans le cas où l’amant serait un esclave ou un affranchi.
Le mari est déshonoré par l’adultère et encore davantage par la condition sociale de l’amant.

Au 4ème siècle, sous le règne de l’Empereur Constantin, le répression s’intensi e car l’adultère est punit
de mort. De plus, les poursuites sont réservés uniquement au mari ou aux proches. On abandonne
l’idée que tous les citoyens peuvent agir.

Au 6ème siècle, l’Empereur Justinien remplace la peine de mort par la réclusion de la femme dans un
monastère et ouvre le droit pour le mari de pardonner au bout de 2 ans. Cette règle est énoncée dans
la Novelle 134.

V - La dissolution du mariage

A) La dissolution par une cause extérieure aux époux

1. Le veuvage

La mort du conjoint entraine la dissolution du mariage de façon automatique.

2. La folie d’un des deux conjoints

Le mariage repose sur la volonté d’être marié donc la folie prive l’individu de sa volonté, il n’a plus le
contrôle de sa volonté.

3. La perte du statut de citoyen

La perte du statut de citoyen est appelée la capitis deminutio (diminution de la tête). Les romains ont
envisagé divers degrés de capitis deminutio :
• La capitis maxima : la perte de citoyenneté d’un soldat romain lorsqu’il est capturé et réduit en
esclavage.
• La capitis media : la perte de citoyenneté en cas de condamnation pour trahison ou à une peine
infamante.

4. L’adoption du gendre par le pater familias de l’épouse

Lorsque le pater familias de l’épouse adopte son gendre, ce dernier devient son frère et donc ce
nouveau statut entraine la dissolution du mariage. A l’inverse, lorsque la femme devient la soeur du mari,
le mariage est maintenu.

Cette différence s’explique par plusieurs raisons :

• Les formes de mariage cum manu disparaissent : sous la République, l’adoption se développe et le
mariage cum manu décline et nit par disparaitre.

• L’adoption de l’épouse par le pater familias du mari est une ction : lorsque le pater familias de l’épouse
adopte son gendre, il y a un véritable lien de liation qui se créé. Or, avec le mariage cum manu,
l’épouse devient comme la lle du pater familias de son mari mais ce dernier ne l’adopte pas.

Pour remédier à cette situation, l’Empereur Justinien a mis en place un système permettant
l’émancipation de la lle lorsque son pater familias adopte son mari. Par l’émancipation, la lle quitte
son statut de lle du pater familias, elle sort de la famille et donc elle n’est plus la sœur de son mari. Le
pater familias adopte son gendre pour des raisons patrimoniales et donc lui transmettre des biens.

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5. Le retour de l’épouse au domicile familiale à la demande de son pater familias

Le retour de l’épouse au domicile familiale à la demande de son pater familias est une cause de
dissolution jusqu’au 2ème siècle car les prérogatives du mari seront dès lors protégées contre les
prérogatives du pater familias de son épouse.

B) La dissolution par la volonté des époux

Le mariage étant un fait et non pas un acte juridique, il peut être rompu très facilement. Il n’y a pas de
formalités nécessaires pour divorcer puisqu’il suf t que ce qui a créé le mariage c'est-à-dire l’affectio
maritalis cesse pour que le mariage soit rompu.

En pratique, la femme divorce plus dif cilement que son mari.

À la n de l’Empire, les cas de divorce vont être réduits pour le mari et pour la femme.

1. L’époque archaïque

A l’époque archaïque, il y a encore des épouses mariées cum manu qui sont sous la puissance de leur
beau-père et donc elles n’ont pas de capacité juridique. Par conséquent, elles ne peuvent pas divorcer.

Le mari ne peut répudier son épouse que dans trois cas qui sont rapportés par Plutarque au 1er siècle :
• L’adultère de l’épouse
• La consommation de vin puisqu’il était considéré un produit abortif et parce que sa consommation
entraine l’ivresse qui est considérée comme inconvenante pour une femme mariée qui devait tenir un
rang honorable.
• Le vol des clefs puisqu’elles étaient les clefs la cave pour aller voler du vin ou que ce vole correspond à
une quali cation pénale qui est le vol domestique c'est-à-dire le vol de biens qui appartiennent au
ménage mais qui sont gérés par le mari.

Lorsque le mari répudie son épouse en dehors de ces cas, il n’y a pas de sanction sur le plan juridique.
Mais, il existe une sanction religieuse et une sanction sociale.
↳ Certains auteurs rapportent le cas d’un Sénateur qui avait répudié son épouse sans motif : ce dernier a
été exclu du Sénat. Cette sanction porte atteinte à l’honneur qui est une valeur essentielle pour les
citoyens à Rome. Ce frein moral a une certaine ef cacité. Les causes de la répudiation et la répudiation en
elle-même sont relativement limitées.

2. L’époque classique

Durant l’époque classique, les divorces se multiplient principalement parce que la réprobation sociale a
disparu ou s’est atténuée.
↳ Les maris répudient leur épouse parce qu’elles sont stériles ou parce qu’elles ont une conduite
indécente.
↳ Les femmes peuvent divorcer en quittant le domicile conjugal ce qui est une manière de faire cesser
l’affectio maritalis.

Les divorces sont fréquents et n’obéissent à aucune règle particulière. Ils n’ont pas besoin d’être motivés
au 1er siècle. Pour manifester le divorce, les époux ont parfois recours à un rite qui est une inversion du
rite du mariage que l’on appelle une diffareatio (≠ cofarreatio).

À la n de la République, les divorces sont assez nombreux ce qui conduit, à une réaction de la part de
l’Empereur Auguste qui entend limiter les divorces de 2 manières :
• Il impose des sanctions patrimoniales en cas de divorce : la femme qui divorce perd sa dot et donc elle
aura du mal à se remarier. L’homme qui divorce doit restituer la dot.
• Il impose des formes spéci ques : l’époux qui souhaite divorcer doit noti er sa volonté devant sept
témoins.

↳ Ces mesures ont été très peu observées : la société romaine était très attachée à la liberté du
divorce qui était considéré comme le corollaire inséparable de la liberté patrimoniale. Les divorces
sont restés relativement fréquents et les sanctions n’ont pas été ou très peu appliquées, la société romaine

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refusant de restreindre la liberté du divorce.

3. L’époque postclassique

Durant l’époque post-classique, le christianisme se diffuse dans tout l’Empire à partir du 4ème siècle. Les
chrétiens considèrent que le mariage est indissoluble. Or, les Empereurs chrétiens veulent maintenir
le divorce car le corps social n’accepterait pas son interdiction. Ils sont partagés entre la doctrine
chrétienne qui commence à répandre l’idée que le mariage est indissoluble et la société romaine qui tient à
maintenir la capacité de divorcer.

A partir du 4ème voire 5ème siècle, les Empereurs légifèrent pour limiter le divorce :

Le divorce par consentement mutuel : ce type de divorce est une illustration de la liberté de se marier et
donc de ne plus être marié. L’Empereur Justinien l’interdit sauf lorsque l’un des époux veut entrer
dans les ordres. L’Empereur Justin II le rétabli. La société romaine reste très attachée au principe
du divorce par consentement mutuel.

Le divorce unilatéral : ce type de divorce est encadré par de nombreuses lois qui envisagent deux
types de situation :
• Le divorce pour faute grave (repudium ex iusta causa) : les fautes graves représentent tous les
crimes (Ex : l’adultère, le meurtre, l’empoisonnement, la violation de sépulture), l’abandon du
domicile conjugal, l’entretien de la maitresse du mari au domicile et le proxénétisme de
l’épouse. Le divorce pourra être demandé unilatéralement.

• Le divorce pour motif sérieux (divorcium bona gratia) : les motifs sérieux représentent ce qui ne
dépend pas de la volonté du conjoint, ce ne sont pas des actes imputables au conjoint (Ex : la
folie, l’absence trop longue, l’impuissance, l’entrée dans les ordres). Il y a une cause mais cette
cause n’est pas une faute.

Cette législation qui encadre les causes du divorce vient modi er la conception romaine du mariage. Le
mariage n’est plus une situation de fait, c’est un lien de droit puisqu’il faut des causes spéci ques
pour rompre ce lien.

Pour rendre ces mesures effectives, ces mesures sont assorties de sanctions contre les divorces abusifs
c'est-à-dire des divorces qui ne correspondraient pas aux critères examinés :

• Les sanctions pécuniaires : la femme perd sa dot et les libéralités faites par le mari et on trouve
l’attribution des 2/3 des biens propres aux héritiers du conjoint.

• Les sanctions civiles : les divorcés n’ont pas le droit de se remarier.

• Les sanctions pénales contre les femmes : la peine de l’authentique avec la réclusion de la femme
dans un monastère.

↳ Les Empereurs n’ont jamais rendu nul le divorce abusif. Le droit romain n’a jamais envisagé la nullité du
divorce à cause de cet attachement à la nature du mariage et à l’affectio maritalis. Même un divorce
abusif est une manifestation de la cessation de l’affectio maritalis. Les romains n’ont jamais voulu
considérer le mariage comme un acte juridique.

Chapitre 2 - Le mariage au Moyen Âge


(5ème au 15ème siècle)
À partir du 4ème siècle, la Gaule est in uencée par les traditions juridiques romaines et les coutumes
des peuples germaniques. En plus de ces deux in uences, un troisième élément culturel, le christianisme
commence à prendre de l'ampleur, principalement sous l'Empire Carolingien dès le 8ème siècle.

À partir du 12ème siècle, le christianisme va devenir prédominant en ce qui concerne le mariage. Par
conséquent, les règles régissant le mariage sont alors principalement dictées par le droit canonique
de l'Église jusqu'à la n du 15ème siècle.

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À partir du 16ème, le droit séculier c’est-à-dire le droit royal commence à jouer un rôle de plus en plus
important. Parallèlement, l’institution du mariage commence à s'éloigner de ses racines religieuses et
à devenir plus séculaire.

I - Le Haut Moyen Age (5ème au 11ème siècle)

Dès le 4ème siècle, les peuples germaniques désignés par les Romains comme des «barbares» se
sont établis en Gaule. Naturellement, ils ont apporté avec eux leurs propres pratiques matrimoniales,
lesquelles ont perduré jusqu'au 7ème voire 8ème siècle, au moment où la doctrine canonique sur le
mariage a commencé à prendre forme sous l'égide de l'Empire Carolingien. Cette coexistence entre les
pratiques barbares et le droit canonique explique la lente la formation de la doctrine sur le mariage.

A) Le mariage dans les traditions germaniques

A l’inverse du mariage romain qui n’obéit à aucune condition de forme et repose sur le consentement
permanent, le mariage dans les traditions germaniques obéit à des rites très précis et se fait par
étape.

1. Les rites matrimoniaux

a. L’échange des consentements

L’échange des consentements s’exprime par le terme de desponsatio. La desponsatio est plus qu’une
simple promesse de mariage, c’est un engagement réciproque devant témoins qui est scellé par la
remise d’une petite somme d’argent symbolique que le futur mari remet à la future épouse.

Cet accord entre les parties porte sur deux choses :


• La date de la remise de la jeune lle à son mari
• Le montant de la dos ex marito (dot apportée par le mari)

Le consentement n’est pas donné par la femme mais par son père ou son frère c'est-à-dire la personne
qui a l’autorité sur elle, le mundium.

Cette desponsatio est plus que la promesse du mariage, c’est le début du mariage. A ce stade, la femme
est considérée comme mariée à l’égard des tiers donc elle a les obligations d’une épouse comme la
délité. D’autre part, le mari est tenu d’accueillir la jeune lle à la date xée sinon il est passible d’une
amende élevée. Il s’agit d’un mariage qui est déjà engagé.

b. La remise de la jeune lle au mari : la traditio puellae

La remise de la jeune lle au mari est appelée la traditio puellae. Elle intervient après un banquet qui réunit
les deux familles. Elle correspond à la consommation du mariage. Dans les droit germaniques, la
consommation est indispensable à la formation dé nitive du mariage. De plus, la jeune lle arrive
vierge au mariage et le mari reconnait cette étape physiologique en donnant à la femme une libéralité
qui s’appelle morgengabe (don du matin).

Ainsi, la desponsatio et la traditio puellae forment le mariage complet.

2. Les formes déviantes du mariage

a. Le mariage par rapt

Le mariage par rapt est un mariage forcé conclu sans le consentement des parent manifesté par le vol
de la jeune lle. Le rapt est considéré comme une présomption de viol car la famille n’a pas consenti.

Le mariage par rapt est souvent évoqué dans les textes juridiques mais il est dif cile de savoir si cette
pratique était fréquente.

Le mariage par rapt était souvent régularisé. Il y a une espèce de rati cation a posteriori du mariage et

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cette régularisation intervient sous la forme du paiement de la dos ex marito et d’une indemnité pour
réparer le préjudice subi par la femme. Cette pratique servait parfois pour les époux à mettre les
familles devant le fait accompli, de les obliger à accepter. Dans d’autres cas, ce mariage est révélateur
de la violence de la société et de la réi cation des femmes car le consentement des femmes n’est pas pris
en compte et la régularisation du mariage est une façon de considérer l’épouse comme un objet de droit
plutôt que comme un sujet.

b. La polygamie

La polygamie était beaucoup pratiquée par l’aristocratie surtout chez les Mérovingiens. Au 6ème siècle,
Clotaire 1er, le ls de Clovis a eu 7 épouses et concubines. Au 7ème siècle, Dagobert 1er a également eu
7 épouses et concubines. Les Carolingiens ont eu un peu le même mode de vie avec plusieurs
concubines et des épouses qu’ils répudiaient. Ces situations ont donné lieu à des con its avec
l’Eglise.

Dans ces milieux aristocratiques, une seule femme porte le titre d’épouse et les autres sont des
concubines.

3. La dissolution du mariage

La tradition germanique admet le divorce. Certains peuples germaniques, sous l’in uence du droit romain,
ont repris les causes de divorce romaines.

Le divorce était une pratique largement répandue, surtout dans les familles aristocratiques, mais on
présume qu’il était pratiqué au-delà.
↳ Dans le Formulaire de Marculf du 7ème siècle qui est un recueil mérovingiens d’actes juridiques, on
retrouve un formulaire de divorce par consentement mutuel. Dans ce formulaire, les époux
reconnaissent que la vie commune est devenue impossible et ils acceptent, par avance, de ne pas
s’opposer au remariage de l’autre conjoint ou à son entrée dans les ordres.

Dans cette société mérovingienne, le mariage est une institution dont les contours théoriques sont
assez ous et qui peut être rompu par la seule volonté des époux sans motifs, sans faute.

Dans la société carolingienne, l’Église va tenter d’encadrer juridiquement le mariage. En effet, l’Empire
Carolingien intègre le droit canonique en partie dans sa législation. La doctrine canonique du mariage
se forme en réaction des sociétés germaniques et contre les pratiques Mérovingiennes.

B) La formation de la doctrine canonique du mariage

Au Moyen Age, l’Eglise est le principal producteur de normes juridiques. Elle intervient en particulier
dans le droit de la famille.

La législation est abondante et provient de plusieurs sources :

• Les règles élaborées par les Conciles : les Conciles sont des assemblées d’évêques

• Les décisions des Papes : ce décisions sont appelées les décrétales

• Les règles élaborées dans les pénitentiels : un pénitentiel est un livre rédigé à l’intention du clergé,
pour guider les clercs dans l’administration du sacrement de pénitence. En face de chaque pêché,
on trouve la pénitence correspondance. Les moines qui sont confrontés à des listes de plus en plus
longues de pêchés con és dans le secret de la confession se tournent vers leur hiérarchie pour établir
les pénitences.

↳ La plupart des pêchés sont des pêchés sexuels : cela qui montre une espèce d’obsession du clergé
régulier pour la sexualité. Sur la base de ces pénitentiels, les clergés séculiers puis les Papes vont
établir une série de règles juridiques qui intéressent le mariage. La sexualité est régulée par l’Église
au Moyen Age et ces régulations ont une incidence sur le droit du mariage.

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1. La lutte contre l’inceste

Dans les familles aristocratiques, on pratique le mariage entre proches parents essentiellement pour
des raisons patrimoniales. Ce mariage permet de maintenir les biens dans la lignage.

A n de lutter contre ces pratiques, l’Église instaure une liste de degré pour les empêchements à
mariage. Ces empêchements à mariage couvrent la parenté jusqu’au 7ème degré canonique. Les degrés
canoniques sont comptés différemment des degrés romains. Le 7ème degré est le 14ème degré romain et
donc c’est quasiment impossible de se marier. La parenté est entendue de manière très large car on inclut
dans les empêchements la parenté par alliance et donc toute la famille du conjoint. On inclut aussi la
parenté spirituelle créée par le baptême.

Dans le même esprit, l’Eglise créée des empêchements fondés sur l’engagement religieux. Il y a
l’interdiction du mariage des prêtres et l’interdiction du mariage des diacres qui sont des laïcs qui ont
reçu le 1er degré du sacrement.

En n, les veuves sont encouragées à entrer dans les ordres et à faire voeux de chasteté donc à ne
pas se remarier. L’idée du sacrement du mariage se dessine avec l’idée qu’il ne prend pas n avec le
décès du mari.

2. La lutte contre le divorce

Durant le Haut Moyen Age, la lutte contre le divorce est la grande bataille du droit canonique médiéval.
L’enjeux est de faire reconnaitre l’indissolubilité du mariage comme un principe absolu.

La question centrale est de savoir si l’indissolubilité du mariage est un principe absolu ou relatif. Dans un
passage de l’Évangile selon Matthieu 5:32, il est écrit que «celui qui répudie sa femme, sauf pour cause
d'in délité, l'expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère».

↳ La question se pose dans un contexte où l’aristocratie pratique le divorce notamment en raison


d’alliances politiques.

↳ L’exemple emblématique est le con it qui a opposé Lothaire II au Pape à propos de la question du
divorce. Au 9ème siècle, Lothaire II commence par vivre en concubinage avec Waldrade qui ne devait
pas être de sang royal car il ne l’a pas épousé. Puis, il se marie avec Teutberge qui est une princesse
donc d’un rang aristocratique. Leur mariage est une alliance politique et stratégique et non pas un
mariage d’amour. Effectivement, les deux ne s’entendent pas, sans doute à cause du fait que Teutberge
ne porte pas d’enfant. Lothaire II décide de faire annuler le mariage pour pouvoir épouser Waldrade, sa
concubine. Mais, il lui faut un motif pour rompre cette union. Il invoque la stérilité puis l’inceste car il
reproche à sa femme des relations incestueuses avec son frère. Cet inceste va emporter la conviction
du Concile que Lothaire II a réuni et qui prononce la nullité du mariage. Lothaire II épouse Waldrade.
Le Pape s’oppose à ce remariage et oppose notamment le concubinage dans lequel vivait Lothaire
II et le mariage qu’il a fait annuler. Le Pape reproche à Lothaire II d’avoir succomber au pêché de
luxure au lieu de respecter ses engagements matrimoniaux. Le Pape insiste sur le fait qu’en tant
qu’Empereur, il doit être exemplaire et doit accepter le mariage car l’engagement du mariage est
dé nitif par rapport au concubinage qui n’est qu’une situation de fait. Hincmar de Reims rédige un
traité sur le divorce et l’adultère De divorcio Lotharii et Teutbergae, dans lequel il condamne le divorce et
l’adultère en général et condamne la répudiation de Teutberge comme étant contraire à la délité
inhérente au mariage. L’Église met l’accent sur la notion de délité. Son argument central est que le
mariage est indissoluble lorsqu’il est consommé. Sur la base de ce texte, le Pape excommunie
Lothaire et Waldrade et menace d’excommunication tous ceux qui voudront se remarier après avoir
divorcé et ce, quelque soit le motif.

L’Église s’oriente très tôt vers une dimension sacramentelle du mariage c’est-à-dire cette idée que l’union
est indissoluble tant que vivent les époux. Le remariage d’un conjoint qui a répudié l’autre est
interdit. L’Église encourage les époux a la réconciliation et au pardon mutuel.

La législation carolingienne par voie de capitulaires va intégrer cette approche religieuse dans le droit
séculier en ajoutant des sanctions civiles aux sanctions religieuses.

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Parallèlement, l’Eglise met en place des juridictions pour asseoir son autorité dans le domaine du mariage.
Ces juridictions sont appelées des of cialités et le juge ecclésiastique est appelé l’of cial.

II - Le mariage du 12ème au 15ème siècle

Dès le 12ème siècle, l’in uence de l’Eglise est prépondérante quant à la morale familiale et conjugale.

On rentre dans une période de grande productivité normative. Il y a beaucoup de Conciles, de décrétales au
point que l’on en vient à rédiger des collections canoniques qui classent les sources. La plus
importante de ces collections est le Décret de Gratien vers 1140. La ré exion de l’Eglise se nourrit aussi
droit romain à travers la redécouverte du Corpus juris civilis de Justinien à la n du 11ème siècle. les
canonistes se servent aussi de la philosophie grecque avec notamment Aristote.

A) Le sacrement du mariage

1. L’af rmation du principe d’indissolubilité

Au début du 12ème siècle, les théologiens précisent le sens du sacramentum. Le mot sacramentum est
le sacrae rei signum c'est-à-dire le signe d’une chose sacrée. Cette expression utilisée par l’Apôtre Paul
pour quali er l’union irrévocable du Christ et de l’Eglise. Les théologiens transposent cette idée au
mariage.

Au 14ème siècle, la doctrine avec l’idée que le sacrement est inclus dans l’échange des consentements
et il confère la grâce. Cette évolution conduit à instaurer l’idée que le mariage procure une sancti cation
des époux. Les époux se donnent mutuellement le sacrement.

Cette approche théologique à des conséquences juridiques. La mariage devient indissoluble et cette
indissolubilité est absolue.

A partir du milieu du 11ème siècle, ce principe s’impose dans les Conciles français. On interdit le remariage
des époux qui se sont remariés sous peine d’excommunication. L’Église ne reconnait pas le divorce.

Au 12ème siècle, les collections canonique vont dans le même sens en insistant sur le fait que
l’indissolubilité est une règle de droit divin. Les Papes Alexandre III et Innocent III imposent ces
normes à toute la chrétienté occidentale. Le Concile de Latran en 1215 place le mariage parmi les
sept sacrements.

L’aristocratie résiste et continue à pratiquer le divorce malgré les menaces d’excommunication. Au


11ème siècle, le Roi Philippe 1er répudie son épouse après 20 ans de mariage et se remarie avec l’une
des ex-femmes du Compte d’Anjou. Conformément à la loi canonique, il est excommunié. Cette attitude de
la noblesse montre à quel point il est dif cile de mettre en œuvre cette notion de mariage indissoluble à
cause de la forte résistance de la société.

2. Les aménagement du principe

a. La séparation de corps

La séparation de corps est appelée divorcium quoad thorum par la doctrine canonique. Elle est accordée
lorsque ds motifs graves rendent la cohabitation devient impossible :
• L’adultère
• Les menaces de mort
• Les sévices graves qui vont au-delà de la juridiction domestique
• L’hérésie qui est une opinion contraire au dogme of ciel
• L’apostasie qui est celui qui renonce au christianisme
• L’entrée en religion

La séparation de corps doit être prononcée par l’of cial, le juge ecclésiastique qui se prononce après
une enquête. Il est le seul à avoir la capacité de prononcer le divorcium quoad thorum. Ce moyen se
développe pour permettre aux époux de se séparer. Une procédure de réconciliation est prévue dans
l’optique de reprendre la vie commune car ce sont des mesures provisoires.

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b. La séparation d’habitation

La séparation d’habitation est appelée divorcium quoad cohabitationem par la doctrine canonique. Cet
aménagement apparait au 14ème siècle dans les of cialités. Cette séparation est momentanée et
dispense de la vie commune. La séparation d’habitation a vocation être d’une durée plus courte que
la séparation de corps. Elle est prononcée pour :
• Les sévices moins graves que pour la séparation de corps
• La mauvaise gestion patrimoniale
• La dilapidation des biens

La séparation d’habitation est prononcée après enquête par l’of cial. Mais, le patrimoine du ménage
n’est pas protégé.

B) Le consentement

La notion de consentement à fait l’objet d’un vif débat entre deux groupes de canonistes :
• Les partisans du consensualisme : le mariage est fondé sur le consentement
• Les partisans du réalisme : le mariage est fondé sur l’acte charnel

La doctrine consensualiste s’est développée au 11ème siècle en particulier grâce à l’Évêque Yves de
Chartres qui considère que le mariage est formé par la rencontre des consentements. Son approche
oriente le consentement vers quelque chose de plus spirituel. Le mariage est l’union des âmes plutôt
que l’union des corps. Il considère que le consentement lie les esprits, les âmes et fait le mariage.

La doctrine réaliste est défendue dans le Décret de Gratien qui dé nit le mariage comme «l’union de
l’homme et de la femme établissant une communauté de vie entre eux». Cette dé nition est inspiré de celle
de Modestin. Mais, à travers l’union de l’homme et de la femme, il évoqué la consommation du mariage
comme élément essentiel de sa validité.

Entre le 12ème siècle et le 14ème siècle, l’objectif des théologiens va être de consolider la doctrine
consensualiste. Ils vont fondées une véritable théorie du consentement avec une approche
personnaliste chrétienne c’est-à-dire qui met la personne le respect de la personne au centre de la ré exion.
Ils seront ensuite con rmés par les canonistes.

1. Les ançailles

Les théologiens s’interrogent sur la question suivant : quelle est la valeur juridique des ançailles ?

S’agissant de la théorie réaliste, le Décret de Gratien abordent le problème de manière concrète en


soulevant la question de la différence entre les ançailles et le mariage à propos du cas suivant : une
ancée peut-elle rompre avec son ancé pour épouser un autre homme ? Si l'on reconnaît que l'un
des deux ancés peut se délier de sa promesse pour envisager une autre union, c'est que le seul
consentement ne suf t pas à créer le lien matrimonial. Ainsi, il propose de distinguer deux phases :

• Le matrimonium initiatum (le mariage initié) : cette phase correspond à des ançailles, des promesses
résultant du seul consentement, qui commencent le mariage mais qui peuvent être rompues.

• Le matrimonium ratum, perfectum (le mariage rati é et parfait) : cette phase correspond à la
con rmation du mariage par la conjonction charnelle (la copula carnalis). Le mariage achevé par
l’acte charnel.

↳ Le mariage parfait est se réalise dans la seule nalité du mariage c'est-à-dire la procréation. L’union
devient indissoluble comme celle du Christ avec son Eglise d’où l’idée de sacrement. L’idée de
consommation scelle dé nitivement l’union en faisant accomplir la nalité du mariage.

S’agissant de la théorie consensualiste, Pierre Lombard distingue également deux phases dans la formation
du lien matrimonial tout en réduisant l’importance de la copula carnalis :

• Les sponsalia per verba de futuro (les promesses par paroles de futur) : cette phase correspond à des
paroles de future qui ne sont que de simples promesses de mariage et qui est révocable.

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• Les sponsalia per verba de praesenti (les promesses par paroles de présent) : cette phase correspond à
des paroles de présent qui représentent l’engament actuel donc présent. Cet engagement lie
dé nitivement les parties et en font des époux.

↳ Cette distinction permet de différencier la promesse et le consentement : dans la première phase, les
formules prononcées par les intéressés sont au futur (je te prendrai pour épouse) alors que dans la
seconde phase, les paroles sont prononcées au présent (je te prends pour épouse).

Dans sa conception décisive du droit canonique, l’Église empruntera aux deux théories. En effet, le Pape
Alexandre III soutiendra que le lien matrimonial s’établit par l’échange des consentements initial (les
paroles de présents) et que dès cet instant, le mariage existe vraiment dans son essence. Cependant,
il considérera qu’il peut être dissous en cas de non-consommation. En d’autres termes, le mariage
sacramentel et consommé est radicalement indissoluble.

↳ Les ançailles ne sont qu’une promesse : elles n’obéissent à aucune forme particulière. La seule
condition posée par le droit canonique concerne la capacité des ancés. Pour que les ancés puissent
prononcer les paroles futures, il faut qu’ils aient l’âge de raison soit au moins 7 ans.

↳ La rupture des ançailles : l’Église permet la rupture des ançailles mais d’un commun accord. En
réalité, les dissolutions unilatérales sont fréquentes donc l’Église impose un dédommagement en
l’absence de motifs à la rupture.

2. Le mariage

A partir de la n du 12ème et du début du 13ème, le mariage est formé par un consentement initial ce qui
représente une différence par rapport au mariage romain où le consentement est permanent. Il suf t
de prononcer les paroles de présent pour que le mariage soit créé mais aussi pour qu’il soit
indissoluble.

L’Église fait triompher le principe du consensualisme dans le mariage. Ce principe a plusieurs conséquences
importantes :

• Le mariage est un contrat : les canonistes analysent désormais le mariage comme un contrat. Ce
contrat est indissociable du sacrement et les théologiens rappellent constamment aux juristes que la
dimension juridique (contrat) du mariage est accessoire de la dimension religieuse (le
sacrement).

• Seul le consentement des époux est pris en compte : le droit canonique ne prévoit pas que les
parents consentent au mariage. Le droit canonique admet la validité du mariage par enlèvement de
la jeune lle du moment qu’elle est consentante. Cette position de l’Église va à l’encontre des
pratiques sociales qui sont très attachées à l’autorité paternelle dans les familles. Cette position est
résumée dans la locution consensus facit nuptias (le consentement fait le mariage).

• Les mariages entre absents sont possibles : il est possible de se marier en dehors de la présence des
époux. On peut conclure le mariage entre absents mais il faut que l’absent soit représenté par un
tiers et que la volonté soit transmise par écrit. Ce système de représentant qui fait fonction de mari
est surtout utilisé pour les mariages princiers conclus à distance. Le représentant du mari glisse une
jambe dans le lit de l’épouse pour faire comme si le mariage avait été consommé.

• L’échange des consentements suf t à créer le mariage : tout autre union postérieure, même suivie
d’une consommation est nulle tant que subsiste le premier mariage. Pour autant, le rôle de la
copula carnalis continue d’alimenter les controverses. Mais, la société reste attachée à la consommation
du mariage, elle considère la consommation comme un critère de l’existence du mariage et comme
expression du consentement. Cet attachement de la société se trouve aussi dans la doctrine
canonique et c’est certainement lié au fait que le mariage a pour nalité la procréation.

↳ Le droit coutumier attachait des effets patrimoniaux à la consommation du mariage : la coutume de


Normandie prévoit qu’«au coucher la femme gagne son douaire» c'est-à- dire que l’épouse reçoit
l’usufruit des biens du mari lorsqu’elle devient veuve. Le douaire est acquis par la consommation
du mariage qui induit la naissance d’héritiers.

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↳ Le droit canonique reste assez attaché à cet élément qu’est la consommation pour rendre le mariage
indissoluble : Le Pape Alexandre III admet des aménagements de ce principe consensualiste. Il
considère que s’il y a eu des paroles au présent et qu’un conjoint entre en religion ou que le
conjoint se révèle impuissant, on peut prononcer la nullité du mariage parce qu’il n’a pas été
consommé. En dé nitive, la nalité du mariage qui est la procréation est assurément impossible
dans ces deux cas. Ces aménagements sont objectivement incompatibles avec la doctrine du
consentement puisque l’Église af rme que la consommation du mariage n’entre pas dans la création du
lien juridique. Le Pape Alexandre III admet que des ançailles, des paroles au futur, suivies d’une
relation sexuelle forment un véritable mariage.

↳ Pour rétablir l’unité juridique de la notion du mariage : Huguccio, un canoniste, élabore la théorie du
mariage présumé qui consiste à dire que les relations sexuelles entre ancés font présumer
l’échange des consentements. Les relations sexuelles expriment des paroles au présent. Au
13ème siècle, cette théorie est consacrée notamment par le Pape Grégoire IX dans ses décrétales.
Cette incorporation de la théorie du mariage présumé a été contestée par les canonistes parce qu’on fait
entrer dans le champ du droit une situation qui lui est contraire. Pourtant, les théologiens voyaient dans
la consommation du mariage une expression de la volonté des parties.

↳ Les canonistes vont élaborer une théorie autour d’un droit de chaque époux sur le corps de l’autre :
Cette théorie est devenue la notion de devoir conjugal. Cette idée résulte de ré exions autour de la
nature juridique de la consommation du mariage. La doctrine hésite entre un droit réel ou une
obligation. Si on opte pour le droit réel, on considère que l’on a un droit sur une chose, la chose étant
le corps de l’autre conjoint. Si on opte pour une obligation, on considère que chaque conjoint peut
exiger de l’autre une prestation de faire. Finalement, la doctrine retient l’idée d’une servitude
corporelle qui est créée par l’échange des consentements donc les paroles au présent. La doctrine
canonique explique que le consentement porte sur la mise à disposition du corps de l’autre, en ce
sens, chaque conjoint a donc un droit réel sur le corps de l’autre. La question du consentement est
une construction qui sert à habiller l’importance considérable que toute la société attaché à la question
des relations sexuelles. Ainsi, chaque conjoint est dépossédé de son droit sur son propre corps. En
dé nitive, les rapports corporels sont juridicisés. Toutes la normativité du mariage se construit autour
de questions de sexualité alors que la doctrine canonique fait tout le temps référence à la question du
consentement. les théologiens qui prônaient le consensualisme avait surement envie de valoriser
le culte de la Vierge Marie.

3. L’expression du consentement

Le consentement doit être libre et éclairé, il doit être donné librement sans contrainte. Il y a beaucoup de
discussions pour savoir ce qui pourrait constituer une contrainte. La contrainte peut être la violence et la
menace qui sont des vices du consentement. Le consentement donné n’est pas considéré comme libre.
En revanche, le dol n’est pas pris en considération comme l’af rme Antoine Loysel, «En mariage, trompe
qui peut». Cette idée que le dol n’est pas un vice du consentement et donc que le mariage est maintenu est
une manière de soutenir l’institution. En revanche, l’erreur sur la personne ou l’erreur sur la condition
personnelle sont des causes de nullité.

Par ailleurs, l’Eglise n’a pas développé de forme particulière et obligatoire pour le mariage. Mais, très
rapidement, l’Église a mesuré l’inconvénient des mariages qui sont faits sans aucune ritualisation
parce que l’intérêt des rites est d’assurer la publicité du mariage. Ainsi, le mariage s’effectue in facie
ecclesiae c’est-à-dire à l’église et en présence d'un prêtre. La cérémonie commence par l’échange des
consentements devant le portail de l’Eglise et ensuite à l’intérieur de l’église pour la bénédiction
nuptiale. On met également en place des gestes rituels comme la remise de l’anneau à la femme, le
voile sur la mariée ou encore la main droite de l’épouse est placée dans la main du mari qui
symbolise la remise de l’épouse au mari.

Au 13ème siècle, l’Église généralise la pratique des bans. Les bans sont des annonces publiques
destinées à faire connaitre le mariage et sa date et à éventuellement susciter des oppositions qui
seraient liées à d’éventuel empêchement. Le curé annonce à la messe dominicale le mariage prochain.

Ces règles de publicité du consentement des époux ne sont pas suf santes. Le problème qui se pose est la
prolifération des mariages clandestins qui sont secrets ou discrets. Ils sont destinés à échapper à des
obstacles comme l’empêchement, le délai de publication des bans ou encore l’opposition ou le refus

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des parents. L’Église essaye d’interdire ces mariages clandestins mais elle ne peut pas annuler ces
mariages car ils reposent sur le consentement des époux. L’Eglise veut stabiliser l’institution et
rendre pérenne des unions qui sont précaires. Cette émergence du principe consensuel a causé une
certaine précarité de l’institution matrimoniale.

C) La nullité du mariage

Le droit canonique af rme que le mariage est indissoluble. Ainsi, il ne peut y avoir de divorce s’agissant
des mariages valablement formés.

Mais, les mariages non valablement formés peuvent être frappés de nullité. L’Église a prévu une
procédure de nullité que l’on appelle le divortium a vinculo matrimonii (divorce du lien matrimonial).
L’Eglise a imaginé ce divorce pour annuler un mariage qui n’est pas valablement formé.

1. Le divorcium a vinculo matrimoni

Le divortium a vinculo matrimonii (divorce du lien matrimonial) n’est pas un divorce mais une nullité du
mariage. Le mariage est réputé ne jamais avoir existé.

Les causes de nullité sont les vices du consentements (l’erreur et la violence) et les empêchements à
mariage.

a. La procédure en nullité

La procédure en nullité est présentée devant l’of cialité et est ouverte à toute personne ayant
connaissance d’une cause de nullité. Au cours du Moyen Age, cette procédure nalement ne sera
ouverte qu’aux époux eux-mêmes pour éviter d’engager une procédure qui aboutisse à des
calomnies ou qui obligent à des enquêtes qui ne donnent rien.

La particularité de cette action en nullité est qu’elle est imprescriptible. Ce caractère imprescriptible pose
un problème car les époux peuvent attendre longtemps avant d’invoquer une cause de nullité.
↳ Le mariage du Roi Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine : il a été annulé après 15 ans de mariage pour un
empêchement de parenté. Louis VII et Aliénor connaissaient cet empêchement mais le mariage était
conclu pour des raisons politiques et a duré le temps que les parties ont considéré utile.

b. Les effets de la procédure

La procédure nullité du mariage est censé faire que le mariage n’a jamais existé. Chaque époux peut se
marier de son côté et cela veut aussi dire que les enfants nés de ce mariage sont illégitimes. Cette
conséquence est particulièrement injuste pour les enfants car ils sont privés de droits successoraux.

A partir du 13ème siècle, cette situation a conduit les canonistes à ré échir sur des moyens d’aménager
le sort de ces enfants. On donne dès lors des droits aux enfants nés d’un mariage annulé sur la base
de la théorie du mariage putatif donc supposé. Ce mariage consiste à présumer que les époux, ou au
moins l’un d’eux, étaient de bonne foi au moment du mariage et donc ignoraient l’existence de
l’empêchement. Les enfants nés d’un mariage putatif sont considérés nés d’un mariage légitime.

Par la suite, l’Eglise va étendre le béné ce de ce mariage putatif pour que les conjoints puissent
conserver les avantages matrimoniaux liés au mariage.

2. Les empêchements dirimants et prohibitifs

a. Les empêchements prohibitifs

Les empêchements prohibitifs rendent le mariage illicite et passible d’une sanction.

Les empêchements prohibitifs visent à interdire le mariage pendant une période déterminée comme le
Carême ou certaines autres fêtes religieuses ou interdire le fait d’épouser quelqu’un qui a commis un
crime grave.

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b. Les empêchements dirimants

Les empêchements dirimants conduisent à la nullité du mariage.

1° Les empêchements fondés sur une incapacité

L’incapacité liée à l’âge : pour les lles, cet âge était xé à 12 ans et pour les garçons à 14 ans. Ces
âges sont considérés comme les âges de la puberté.

Les empêchements liés à l’impuissance : l’impuissance empêche de réaliser la nalité du mariage qui
est la procréation. Elle doit être antérieure au mariage et constatée par une expertise médicale ce
qui est dif cile à mettre en œuvre pour l’homme car cela l’expose socialement à une situation souvent
humiliante.

L’existence d’un mariage antérieur : elle entraine la nullité du mariage mais, comme les mariages
clandestins sont nombreux, il est donc dif cile d’établir l’existence d’un mariage antérieur. On peut
prouver l’existence de ce mariage par des témoins présents pour pouvoir annuler le second mariage.

La disparité religieuse : on ne peut pas se marier avec un in dèle c'est-à-dire avec une personne qui
n’est pas baptisé. Évidemment, l’entrée dans les ordres est une incapacité car en entrant dans les
ordres, on fait œuvre de chasteté. Le fait d’être ordonné constitue un empêchement, que ce soit prêtre
ou diacre. En effet, ceux qui reçoivent les ordres majeurs sont astreints au célibat. Cette règle est très mal
respectée puisqu’on trouvait des prêtres mariés ou qui vivaient en concubinage.

2° Les empêchements de parenté

La parenté par le sang (cognatio) : les empêchements sont in nis en ligne directe et en ligne
collatérale, les empêchements vont jusqu’au 7ème degré ce qui correspond au 14ème degré
romain. Il y a eu donc beaucoup de dispenses et au 14ème siècle, le Concile de Latran de 1215 a
réduit les empêchements au 4ème degré canonique.

La parenté adoptive : elle est soumise aux mêmes règles que la parenté par le sang.

La parenté par l’alliance (af nitas) : le mariage créé un lien de parenté entre le conjoint et toute sa
belle-famille. L’argument invoqué par les canonistes est le fait que les époux ne forment qu’une seule
chaire et donc chaque conjoint entre dans la parenté de la famille de l’autre. Les alliés sont
interdits jusqu’au 4ème degré. L’Eglise va pousser cette obsession de l’interdit sexuel au-delà du
mariage en considérant par exemple que les relations sexuelles hors mariage créent un interdit à
l’égard de chaque famille. De la même manière, les ançailles rompues créent un interdit à l’égard
de chaque famille.

La parenté spirituelle : la parenté spirituelle est celle qui résulte du baptême. Ce sacrement créé un
lien de parenté entre le baptisé et le parrain et la marraine. L’empêchement s’étend à la mère
biologique qui ne peut pas épouser le parrain de l’un de ses enfants.

Ce système des empêchements est très complexe et lourd. Ainsi, il est tempéré par le jeu de dispenses
souvent accordées jusqu’au 4ème degré canonique. En outre, ce qui tempère aussi de ce système c’est
la dif culté d’établir le lien de parenté car il n’y a pas encore de registres paroissiaux et les mariages
clandestins sont encore fréquents.

Chapitre 3 - Le mariage à l’Époque moderne


(16ème au 18ème siècle)
Durant l’Époque moderne, le monopole de l’Eglise sur le mariage recul et l’Etat séculier acquiert une
compétence toujours plus grande sur l’institution matrimoniale. Ce mouvement est le re et d’un
mouvement plus large d’af rmation de l’Etat à l’Époque moderne. Au Moyen Age, il est relativement
effacé et donc s’af rme au 16ème siècle. La Réforme protestante qui rompt l’unité chrétienne contribue
à affaiblir l’Église. Le monopole de l’Eglise sur le mariage commence à être contesté comme la doctrine
canonique sur le mariage. D’un point de vue sociologique, le mariage devient un moyen d’ascension

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sociale. Ainsi, se développe une obsession de la mésalliance dans les milieux nobles.

I - Les critiques de la doctrine canonique

Le point essentiel sur lequel la doctrine canonique est critiquée est la notion de sacrement. Cette question
du sacrement est remise en cause par trois courants de pensée.

A) L’humanisme chrétien

Au 16ème siècle, la grande gure de l’humanisme chrétien est Erasme, un théologien hollandais, catholique
et très cosmopolite. Il était très représentatif de cet humanisme du 16ème siècle c'est-à-dire un esprit
éclairé et avide de connaissances.

Erasme était particulièrement critique à l’égard de la traduction latine du Nouveau Testament, la Vulgate. Il
considère que cette traduction n’est pas able et il propose une nouvelle traduction fondée sur les
versions grecques. En traduisant le Nouveau Testament à partir du grec, Erasme en est venu à contester
la notion de sacrement pour le mariage qui est la base de la doctrine canonique médiévale. Il explique
que la notion de sacrement résulte d’une mauvaise interprétation d’un terme grec mysterion qui gure
dans l’Épître aux Ephésiens de Saint-Paul qui dit «C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et
s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand. Moi je dis qu’il
concerne le Christ et l’Eglise». Au Moyen Age, c’est sur la base de ce texte que s’est développé la
conception sacramentelle du mariage institution divine. Erasme reproche à la doctrine canonique d’avoir
traduit ce mot grec mysterion en latin sacramentum. En effet, la Vulgate a traduit mysterion en
mystère dans d’autres parties du Nouveau Testament. Or, selon Erasme, un mystère est ce qui est
inaccessible à l’entendement humain. Dans son interprétation, Erasme souligne la part mystique du
mariage qui réside dans l’union de l’homme et de la femme c’est-à-dire la procréation. Ainsi, le
mariage n’est pas un sacrement.

Cette approche critique d’Erasme le conduit à critiquer l’indissolubilité du mariage. En effet, si le mariage
n’est pas un sacrement, il n’y a aucune raison de considérer qu’il est indissoluble. Erasme dénonce
la séparation des corps qu’il trouve absurde car la séparation des corps maintient le lien matrimonial
en autorisant les époux à ne pas rester ensemble. Il la considère comme injuste parce qu’elle empêche
à l’époux innocent de se remarier. Erasme revient sur le passage de l’Evangile selon Saint-Matthieu 19:9
qui dit «Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour in délité, et qui en épouse une autre,
commet un adultère». Selon Erasme, ce passage ne pose pas un nouveau principe qui serait l’interdiction
du divorce mais il rappelle la règle posée dans l’Ancien Testament qui limitait la répudiation au cas de
l’in délité.

B) La réforme protestante

Les protestants reprochent à la doctrine canonique de s'éloigner de la lettre de la Bible et d’avoir


construit un dogme à partir de la foi. Ils contestent l’idée de sacrement qui n’est nulle part dans la
Bible.

Martin Luther, père de la réforme protestante, reprend les idées d’Erasme et notamment sa critique sur
l’épître de saint-Paul mais en allant plus loin. Il considère que le mariage est une institution humaine et
non pas divine. Ainsi, le mariage est l’état commun à tous les Hommes, institué par Dieu à l’usage de tous
depuis la création du monde. Le mariage n’est donc pas une institution chrétienne mais une institution
humaine qui ne peut pas être tenue pour sacrée.

Jean Calvin reprend cette critique en y ajoutant une dimension politique car il considère que l’Eglise
catholique a inventé le sacrement de mariage pour soumettre la chrétienté au droit canonique et aux
juridictions ecclésiastiques. Il considère que c’est une manipulation destinée à instaurer une emprise sur
les individus. L’Eglise de Rome prétend contrôler les individus avec ce dogme du mariage sacré, or, ce
mariage doit être fondé sur le texte de la Bible et non pas sur dogme romain, de l’Eglise catholique. Les
protestants séparent le texte religieux du dogme forgé par l’Eglise catholique. Jean Calvin considère
que le mariage est une institution de droit naturel c'est-à-dire une institution applicable à l’humanité
entière. Par conséquent, c’est une institution qui relève du droit temporel et pas du droit canonique.

Evidemment, les protestants rejettent l’indissolubilité du mariage et admettent le divorce. Les causes

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admises pour le divorce sont :


• L’impuissance même si elle survient au cours du mariage
• L’absence prolongée
• L’adultère du mari et de la femme
• L’abandon du domicile conjugal
• Le refus du devoir conjugal

↳ De même, les protestants admettent le remariage des divorcés. Certains théologiens protestants ont une
approche plus libérale du divorce qui rejoint l’approche romaine. Ils considèrent que lorsque l’affectio
maritalis a disparu, que la communauté d’affection a disparu, le mariage a disparu et donc on peut le
rompre sans formalité. Il s’agit d’une approche large du divorce qui n’est pas partagée par tous les
théologiens.

C) Le gallicanisme

Le gallicanisme est une doctrine politique qui af rme l’indépendance du Roi par rapport au Pape. Elle
revendique ses libertés c'est-à-dire les privilèges de l’Eglise de France par rapport à Rome. Le Roi est
indépendant, le Royaume de France est indépendant et donc l’Eglise de France dépend du Roi.

Ce mouvement politique et théologique nait au Moyen Age mais se développe dans l’Ancien Régime. Il est
relayé par les juristes, en particulier par les Parlements. On parle de gallicanisme parlementaire pour
désigner les critiques qui viennent de la part des magistrats.

Les gallicans critiquent l’emprise de l’Eglise sur la foi et préconisent un droit étatique plutôt qu’un
droit canonique. Ils considèrent que l’Eglise de France doit être organisée par le droit étatique français
et non par le droit canonique.

A l’égard de l’institution matrimoniale, les juristes gallicans insistent sur la distinction entre le sacrement
qui relève de la théologie et le contrat qui est le fondement juridique du mariage. Cette idée n’est pas
nouvelle car les juristes du Moyen Age avaient déjà fait cette distinction puisqu’à partir du principe
consensuel, ils avaient développé cette idée du contrat. Cette distinction est reprise dans le cadre d’un
argument historique puisque le mariage existait avant l’Eglise catholique et il était, selon eux, considéré
comme un contrat. L’Eglise aurait effacé l’aspect contractuel pour mettre en avant le sacrement. En
dé nitive, le mariage en tant que sacrement relève de l’Eglise et le mariage en tant que contrat relève
des autorités laïques. Cette idée est synthétisée par Robert-Joseph Pothier qui soutient que «Le mariage
que contractent les dèles, étant un contrat que Jésus-Christ a élevé à la dignité de sacrement pour être le
type et l’image de son union avec l’Eglise, il est tout à la fois contrat civil et sacrement». Les Parlements
considèrent que le sacrement s’ajoute au contrat contrairement à la doctrine canonique qui soutient
que le sacrement est indissociable du contrat.

II - La critique de la réglementation canonique du mariage

A) Les mariages clandestins

La doctrine canonique est considérée comme trop laxiste. Depuis le Moyen Age, seul le consentement des
époux fait le mariage. Il est recueilli sans aucune formalité. Ainsi, l’Eglise valide très souvent les
mariages clandestins. Or, il est parfois impossible d’établir la liation légitime puisque avec des
mariages clandestins, on ne peut pas prouver le mariage.

La doctrine du consentement créé une incertitude préjudiciable à la liation mais aussi un problème politique
et sociologique. En effet, l’Époque moderne accorde une importance à l’autorité paternelle. La famille est
vue comme une petite monarchie domestique. L’un des objectifs de la législation de l’Ancien Régime est de
protéger cette autorité paternelle. Mais, le principe consensualiste va à l’encontre cette autorité en
admettant le mariage conclu sans ou contre le consentement du père. La société de l’Ancien Régime
attend un renforcement de l’autorité paternelle et est en faveur d’un encadrement du mariage qui
permette de sécuriser la liation.

En ce sens, les juristes réclament d’inclure le consentement du père dans les conditions de validité du
mariage. L’un des arguments des juristes est l’exemple des pays protestants qui impose le consentement
des parents au mariage.

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B) Les empêchements à mariage

La doctrine canonique est considérée comme trop sévère. On critique les empêchements liés à la parenté
car ils sont trop étendus et impossibles à pratiquer.

Les juristes préconisent de nombreux changements. Ils préconisent un retour aux conceptions romaines
des degrés de parenté. Certain juristes critiquent l’idée de parenté spirituelle puisqu’ils considèrent
qu’elle n’a pas de fondement. Ils critiquent le célibat des prêtres et les vœux de chasteté en soutenant
que le mariage est conforme à la nature et donc le célibat n’est pas un état naturel. Ils af rment que la
procréation est un devoir social car la famille est le socle de la société.

A partir du 16ème siècle, les critiquent ouvrent vers une nécessaire réforme du droit matrimonial. Ces
critiques sont entendues par l’Eglise qui réagit en prenant une série de mesure. L’Etat royal va aussi
intervenir à partir du 17ème siècle.

III - Les réformes du mariage

A) La réforme canonique

La réforme canonique a été mise en place par le Concile de Trente qui a duré 18 ans de 1545 à 1563. Ce
concile a été réunit pour répondre au développement de la Réforme protestante. L’Eglise réaf rme des
éléments du dogme catholique contre l’approche des protestants. Lors de la dernière année, la question du
mariage est évoquée. Pour commencer, le Concile maintien les principes fondamentaux de la doctrine
canonique comme le sacrement, l’indissolubilité et le monopole des of cialités pour les litiges sur le
mariage.

S’agissant des critiques sur le mariage clandestin, des discussions vont déboucher sur le Décret Tametsi du
11 novembre 1563 qui rend obligatoire les formes solennelles de conclusion du mariage :

• La publication des bans devient obligatoire : il y a trois publications successives sont faites à la messe
dans la paroisse des futurs époux. Le but est de faire connaitre des oppositions éventuelles. L’Eglise
admet la dispense de bans sous réserve d’une demande à l’évêque. Si un mariage est conclu sans
la publication des bans, il n’est pas nul mais il est sanctionné sauf si l’absence de publication vise à
cacher un empêchement dirimant.

• Le mariage doit être célébré par un curé : le curé est chargé de véri er que le consentement des
époux est éclairé et sincère. Il donne la bénédiction nuptiale mais pas le sacrement car ce sont les
époux qui se le donnent mutuellement devant le prêtre. Ainsi, le curé acquiert le statut de témoin
privilégié puisqu’il qui prononce la formule qui constate le mariage «je vous déclare unis par les
liens du mariage». Il faut deux autres témoins à savoir un pour le marié et un pour la mariée.

• Le mariage doit être transcrit dans un registre paroissial : ce registre doit être revêtu de la signature
des témoins et des époux. La transcription n’est pas considérée comme une formalité obligatoire
mais c’est un moyen de preuve et donc même si pas de signature sur le registre, le mariage reste
valable.

Le mariage devient un acte solennel contrôlé par l’Eglise. L’ensemble des ces mesures correspond à la
réforme tridentine qui a surtout pour but de lutter contre les mariages clandestins. On trouve un écho de
cette solennisation du mariage dans le droit coutumier, notamment chez Antoine Loysel qui déclare que
«L’on disait jadis boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble, mais il faut que l’Eglise y
passe».

Le seul point sur lequel l’Eglise refuse de modi er sa position est le consentement. Le consentement des
parents est toujours exclu. Le Décret de Tametsi condamne moralement les mariages de mineurs
sans consentement des parents mais ils ne sont pas considérés comme nul.

↳ Ce décret a suscité l’opposition des gallicans et des protestants favorables au consentement des
parents : l’argument a été de dire que les dispositions du Concile de Trente sont du droit étranger. ce
droit ne peut pas être cliqué directement en France. Il doit être reçu c’est-à-dire intégré au droit français
par une loi. La Royauté va intervenir pour recevoir le texte mais va ajouter le consentement parental.

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B) La réforme royale

L’esprit de cette législation royale sur le mariage est de renforcer le formalisme du mariage et de faire du
consentement des parents une obligation.

1. Le formalisme

Le formalisme du mariage est encadré par l’Ordonnance de Blois en 1579. Cette ordonnance n’a pas été
prise à Blois mais à Paris et elle a été prise à la suite des Etats généraux de Blois qui ont eu lieu en
1577. Au moment des Etats généraux, les députés des 3 ordres rédigent des cahiers de doléance et
dans ces cahiers, il y a un certain nombre de demandes faites au Roi concernant la question du mariage.
Cette ordonnance est inspirée des doléances émises pendant les Etats généraux.

Cette ordonnance reprend les dispositions du Décret Tametsi mais en durcissant les règles posées ce
qui rend le formalisme plus lourd :

• La publication des bans devient obligatoire : il n’y a plus de dispenses admises comme le prévoyait le
Décret de Tametsi.

• Le curé de la paroisse où est célébré le mariage doit être présent : le Décret de Tametsi prévoyait que les
époux puissent choisir le curé qui allait les marier. L’ordonnance n’interdit pas le choix du curé mais
oblige la présence du curé de la paroisse où est célébré le mariage.

• La présence de quatre témoins est imposée : l’ordonnance prévoit la présence de quatre témoins
alors que le Décret de Tametsi en prévoyait deux.

Par la suite, des lois royales sont venues donner un rôle plus actif au curé pour lutter contre des pratiques
qui visent à contourner les formalités. Ces mariages sont appelés «mariage à la Gaulmine», du nom de
Gilbert Gaulmin, un magistrat et qui a été l’inventeur de ce genre de mariage. Ce magistrat avait décidé de
se remarier à 60 ans avec une jeune lle et le curé de la paroisse ne voulait pas entendre parler de ce
mariage immoral et s’est donc opposé au mariage. Avec la nouvelle législation, il fallait la présence de ce
curé pour rendre le mariage valide. Gaulmin fait publier les bans dans une autre paroisse et se présente
un matin avec sa femme et les témoins de chaque partie devant le curé à l’improviste. Ils échangent
leur consentement devant le curé qui ouvre sa porte et donc le mariage est fait. On comprend bien que la
manœuvre destinée à obtenir le mariage contre l’avis de l’autorité ecclésiastique contourne la
législation. Pour empêcher ces mariages à la Gaulmine, deux textes législatifs viennent imposer un rôle
plus important pour le curé :

• L’Ordonnance de janvier 1629


• La Déclaration de novembre 1639

↳ Ces deux textes exigent que le curé prononce la bénédiction nuptiale en entier et à haute et
intelligible voix et ce, en présence des mariés. Le curé qui était un témoin passif acquiert un rôle actif
dans le mariage. Les mariages à la sauvette diminuent considérablement après ces deux interventions de
la législation royale.

2. Le consentement des parents

La première intervention de l’État royal au sujet du consentement des parents se fait par l’Édit d’Henri II de
février 1557.

↳ Cet édit intervient avant le Décret de Tametsi puisque comme le Concile de Trente a connu plusieurs
interruptions et on ne savait pas quand il reprendrait et s’il allait consacré la question du
consentement parental. De plus, cet édit est directement lié à un scandale qui éclabousse la Cour du
Roi. Ce scandale impliquait une lle illégitime d’Henri II qu’il voulait marier à François de Montmorency, ls
du Connétable de Montmorency qui était le mentor d’Henri II et une gure politique et symbolique très
importante. Il voulait resserrer les liens entre la famille royale et les Montmorency. François de
Montmorency n’était pas d’accord et révèle qu’il a épousé en secret une autre femme de la Cour. Il
explique qu’ils ont échangé les paroles de présent qui font le mariage mais aussi des cadeaux mais qu’il
n’y a pas eu de cérémonie. On est avant le Décret de Tametsi et donc le mariage n’est pas un acte

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formel et l’échange des consentements suf t à le former, même clandestin et même contre l’avis des
parents. Henri II et le connétable décident de faire annuler ce mariage et demande l’annulation au Pape
pour défaut de consommation du mariage ce qui est un argument de droit irrecevable. Le Pape dit qu’il
n’est pas question d’annuler le mariage car seul le consentement fait le mariage. Si le mariage est
clandestin, il faut le valider à posteriori. Le connétable fait pression sur son ls qui nit par nier
l’existence de ce mariage en disant qu’il n’y a pas eu les paroles de présent. Ainsi, il épouse Diane de
France, la lle illégitime d’Henri II en mai 1557.

↳ L’objectif du Roi est d’imposer le consentement des parents au mariage de leurs enfants. L’édit xe l’âge
jusqu’auquel ce consentement doit être obtenu soit 30 ans pour les garçons et 25 ans pour les lles.
L’édit rajoute que même au-delà, les enfants doivent solliciter l’avis des parents et doivent le faire
sous une forme solennelle c'est-à-dire sous la forme d’un acte notarié. En effet, le notaire recueille
l’avis des parents même si les enfants ne sont pas tenus de prendre en compte cet avis, on appelle cela
l’acte respectueux. En cas de désaccord des parents, la voix du père est prépondérante. Si le
mariage a lieu sans cet accord parental, il est considéré comme clandestin. Il n’est pas nul car le
droit royal n’a pas la possibilité de rendre nul car le mariage est un sacrement et donc il relève de
l’Eglise. Pour que le mariage soit considéré comme nul, il faut saisir la juridiction de l’Eglise ou le
Pape. L’Édit de 1557 prévoit des sanctions patrimoniales pour décourager le mariage clandestins et
qui consistent à déshériter l’enfant qui se marie contre l’avis de ses parents.

Le Décret Tametsi de 1563 ne fait aucune mention du consentement parental. Mais comme il est
considéré comme un droit étranger, le droit français considère que ce consentement est nécessaire sur la
base de l’Édit de 1557. L’Ordonnance de Blois de 1579 intègre la réforme du Concile de Trente dans le
droit français et ajoute à la sanction civile déjà prévue, une sanction pénale qui est encourue sur la
base de la quali cation du viol que l’on appel rapt. Le rapt est le mariage d’un mineur sans le
consentement de ses parents. Il est assimilé à un viol et les peines peuvent aller jusqu’à la peine de
mort si l’un des deux conjoints est majeur. L’auteur du rapt et le curé qui a célébré le mariage
encourent la peine de mort. L’Ordonnance de Blois alourdit la sanction avec cette dimension pénale
comme l’exprime l’adage d’Antoine Loysel «il n’y a si bon mariage qu’une corde ne rompe». En effet, le
mariage peut conduire à la mort si on se marie sans le consentement des parents.

Au 17ème siècle, la sanction patrimoniale est renforcée dans la Déclaration de novembre 1639 car
l’exclusion de la succession pour l’enfant qui se marie contre l’avis de ses parents intervient de plein
droit et non plus à la demande des parents ce qui était le cas avec l’Édit de 1557. La jurisprudence étend
cette mesure aux enfants majeurs en cas de mésalliance. La mésalliance est un mariage entre deux
personnes qui sont de conditions sociales différentes.

Toutes les réformes mises en place par la royauté sont imposées aux tribunaux ecclésiastique par un Édit de
1606. Cet édit oblige les juridictions d’Eglise à appliquer le droit royal et non pas le droit canonique. Il
marque le premier pas vers la sécularisation du mariage car les tribunaux ecclésiastiques restent
compétents mais doivent mettre en œuvre le droit royal qui n’est pas canonique et que l’Eglise rejette sur la
question du consentement. Le rapport de force s’inverse en faveur de l’autorité royale et la
sécularisation du mariage est un processus qui se met en place régulièrement par les différentes
interventions du Roi dans le champ matrimonial.

Mais, la royauté ne peut pas imposer la nullité des mariages irréguliers. En effet, ce sont les juridictions et
la jurisprudence qui ont franchi le pas.

C) L’oeuvre de la jurisprudence

La jurisprudence est avant tout le fait des Parlements qui sont des juridictions supérieures, des cours
souveraines. Les Parlements récupèrent une compétence dans le champ matrimonial, qui est en
principe une compétence de l’Eglise et cet empiètement se fait sur la base du gallicanisme qui repose sur
l’autonomie de l’Eglise de France par rapport au Pape. Seul le Roi garantit les privilèges, les libertés de
l’Eglise et donc ce sont les juridictions séculières qui vont appliquer le droit royal.

La technique utilisée par les Parlements est l’appel comme d’abus qui est une expression qui signi e que
l’on peut faire appel devant les Parlements contre une décision de l’of cialité. Une sentence répressive
peut être réformée par le juge séculier. Cette procédure a été mise en place au 15ème siècle pour protéger
les privilèges de l’Eglise gallicane. Mais, à la n du 16ème, cette technique est utilisée en matière de

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mariage comme le montre le Traité de l’abus de Charles Fevret en 1652 qui répertorie tous les motifs
pour lesquels on passe de la juridiction ecclésiastique à la juridiction séculière dont les questions du
mariage. Les Parlements interviennent dans trois domaines concernant le mariage :
• Le formalisme
• Le consentement
• La séparation de corps

1. Le formalisme

La jurisprudence des Parlements fait de la publication des bans une formalité substantielle. S’il n’y a pas de
bans, le mariage est nul. La législation royale considérait qu’il s’agissait d’un mariage clandestin et
imposait des sanctions patrimoniales. La jurisprudence des Parlements va plus loin.

Par ailleurs, la jurisprudence impose comme preuve du mariage la production des registres paroissiaux.
Cette exigence du Concile de Trente est considéré par la jurisprudence comme étant la seule preuve
recevable du mariage. On ne peut plus faire la preuve par tout moyen comme l’acceptaient les
of cialités. Il faut une mention dans les registres paroissiaux pour prouver le mariage. Cette solution
jurisprudentielle passe dans la loi royale avec l'Ordonnance civile de 1667 qui a été l’une des grandes
inspirations du Code civil.

2. Le consentement

Les Parlements sont très attachés au consentement des parents et en font une condition de validité du
mariage mais ils vont au-delà. Les parents utilisent souvent l’appel comme d’abus pour contester les
mariages auxquels ils n’ont pas consenti. La législation royale avait déjà légiféré dans ce domaine mais
l’Édit de 1567 imposait seulement des sanctions patrimoniales. La jurisprudence va plus loin et
prononce la nullité du mariage sur la base du rapt de séduction. Cette création des Parlements combine
à la fois les dispositions du Concile de Trente et de l’Ordonnance de Blois. L’idée est que le rapt est
considéré comme un vice du consentement et par conséquent il ne peut pas y avoir mariage. Par
ailleurs, la notion de rapt de séduction s’inspire de l’Ordonnance de Blois qui prévoit que le mariage d’un
mineur sans consentement parental est un rapt. Le rapt de séduction rend le mariage nul.

Les Parlements ont créé cette notion pour pouvoir prononcer la nullité du mariage. L’Ordonnance de Blois
imposait des sanctions pénales dans le cas d’un mariage contre l’avis des parents et ces sanctions
pénales étaient beaucoup trop lourdes et donc on n’appliquait jamais. L’objectif des Parlements était de
donner à cette question du consentement une ef cacité et donc d’attacher des effets civils et non
plus criminels au rapt. Pour les juges, un mineur n’a pas de volonté du fait de son âge. Ainsi, dans le rapt
de séduction, il ne subi pas exactement une violence mais une pression psychologique qui est la
séduction. Un mineur est plus facile à séduire, à berner et c’est cette séduction qui constitue un vice du
consentement. Le rapt de séduction n’est pas une infraction pénale mais une cause civile
d’annulation du mariage. Dans cette théorie, on postule que seuls les parents peuvent consentir car le
mineur, par nature, manque de discernement. Cette séduction laisse présumer un vice du consentement
puisque le consentement ne peut pas être libre et sincère. Cette idée du rapt de séduction a beaucoup été
utilisée comme argument contre les mésalliances avec cette idée que l’amour a aveuglé l’un des deux
conjoints et que le conjoint amoureux a été manipulé et ce d’autant plus qu’il était mineur.

3. La séparation de corps

La séparation de corps ou la séparation d’habitation tend à disparaitre sous l’effet d’une innovation des
Parlements qui est la séparation de biens. La séparation de bien est prononcée lorsque le mari dilapide
les biens du ménage comme il en a la gestion. S’il dilapide les biens du ménage, les juges séparent les
patrimoines et donc la communauté de biens n’existe plus. Ainsi, la femme reprend sa dot et les biens
acquis par chaque conjoint restent la propriété de chacun.

Cette innovation a pour but de préserver les biens de l’épouse. Mais, éventuellement ceux du mari quand
il est trop dépensier. Cette séparation de bien ne dispense pas de la vie commune. Les deux époux
continuent de vivre ensemble. Cette séparation ne permet pas à l’épouse de disposer de son
patrimoine. Elle peut en disposer mais avec l’autorisation de son mari. Cette innovation ne va donc pas
au bout de sa logique.

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Cette séparation de biens représente une alternative à la séparation de corps et d’habitation qui sont
réservés au cas de violence conjugale et au cas d’adultère de l’épouse. Cette séparation de corps et
d’habitation disparait progressivement au 17ème voire 18ème siècle. Les familles se montrent seulement
intéressées par la séparation de biens. Les femmes mariées se retrouvent quelques fois dans des
situations dangereuses et plus fragiles. En effet, elles doivent continuer à vivre avec une mari violent
ou étant séparées de biens, elles ne peuvent pas disposer de leur patrimoine sans l’autorisation de
leur mari. Cette création jurisprudentielle pour répondre aux intérêts patrimoniaux des familles ne permet
pas de répondre à la réalité des époux.

Dans l’Ancien Régime, la conception de la famille est très autoritaire, très inégalitaire et en faveur
du mari dont l’autorité est renforcée. Cette approche de la famille est le re et de l’approche politique
du pouvoir royal avec une conception autoritaire du pouvoir politique et un renforcement de l’autorité
du chef de famille comme de celle du chef de l’Etat royal. Dans ce cadre d’une conception autoritaire
de la famille, la question du consentement des parents est un sujet de société dont on voit l’importance
dans le fait que le consentement des parents au mariage sert d’arguments aux pièces de Molière qui fait
implicitement l’apologie de la liberté du mariage. Il y a un cadre législatif et un cadre normatif sur le
consentement des parents qui ne reçoit pas l’adhésion de toute la société. Cette société misogyne est
caricaturée par Rabelais dans Le Tiers Livre en 1546.

En dé nitive, le processus de sécularisation du mariage notamment avec l’intervention de la législation


royale est enclenché. Cette idée s’installe dans les esprits et aboutit à la n de l’Ancien Régime à l’Édit
de Tolérance de 1787 qui fait du mariage un acte civil seulement pour les protestants. Il autorise
pour les non-catholiques, un mariage purement civil reconnu par le droit. Cet édit permet de
remédier à un vide juridique qui était le protestant ne se mariait pas devant un prêtre mais devant un
pasteur et donc leur mariage n’était pas reconnu par le droit. Ils étaient donc considérés comme
concubins et leur enfants étaient considérés comme nés hors mariage, donc illégitimes. Cette
situation des mariages au désert était souvent corrigée par les Parlements qui validaient les mariages
mais ces validations arrivaient après coup donc les situations étaient précaires. Ainsi,
Malesherbes, Ministre de Louis XVI, prépara cet édit et créa un état civil laïc pour les protestants.
Ainsi, le mariage pour les non-catholiques est formé par une simple déclaration devant un juge
royal ou devant un curé de paroisse mais qui agira comme un of cier d’état civil. Ils reçoivent le
consentement des époux. Pour les non-catholiques, le mariage est un acte civil. Beaucoup de protestants
ont fait régulariser leur mariage sur la base de cet édit. La notion d’un mariage-contrat passé devant
une autorité laïque entre dans le droit royal. La société s’oriente de plus en plus dans une conception
civile du mariage et qui quitte la conception religieuse du mariage.

Chapitre 4 - Le mariage à l’Époque contemporaine


(de 1789 jusqu’à nos jours)
L’idée d’un mariage-contrat est reprise et ampli ée par les philosophes des Lumières. Dans L’esprit des lois
(1748), Montesquieu explique que le mariage comme une action humaine qui intéresse le plus la
société et donc qui doit être réglée par les lois civiles parce qu’il y va de l’intérêt de la société. Il était
favorable au divorce qu’il trouvait d’une grande utilité politique. Dans Dictionnaire philosophique
(1764), Voltaire se montre également très favorable à la notion de mariage-contrat et au divorce puisqu’il
explique que «Le mariage est un contrat du droit des gens dont les catholiques romains ont fait un
sacrement. Lorsque le contrat se trouve conforme au droit des gens, il doit produire ses effets civils». On
remet en cause l’idée que le mariage serait une institution religieuse au pro t d’une institution
commune à tous les Hommes. Le mariage ne peut avoir que des effets civils et ne peut être conçu que
comme un contrat parce que c’est sous cette forme civile qu’il peut être partagé par l’ensemble des
individus. Voltaire se demandait «Pourquoi un lien pourri serait-il indissoluble ?». Diderot considère que le
mariage indissoluble est contraire à la nature humaine car cette dernière est changeante. En
dé nitive, l’idée des philosophes des Lumières d’un mariage civil, d’un mariage-contrat a pour nalité
de faire reconnaitre le divorce qui est la conséquence logique de l’approche contractuelle.

Cette idée de mariage-contrat est largement répandue à la veille de la Révolution française au delà des
cercles philosophiques des Lumières. Par exemple, le Maréchal de Saxe proposait en 1770 de faire du
mariage un contrat à durée déterminé dont la durée prendrait n dès lors que le mariage aurait
produit 6 enfants. Il avait expliqué qu’avec ce système, la France serait peuplé en 1930 de 978 millions

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d’habitants.

La législation révolutionnaire va également à l’encontre de cette notion de mariage indissoluble. En effet, en


1789, lors de la convocations des États-Généraux, se multiplient les demandes favorables au divorce.
Louis-Philippe d’Orléans considère le divorce un facteur de régénération sociale puisqu’il explique
qu’«on ne sera plus contraint d’aller chercher dans le vice des plaisirs que l’on peut trouver dans l’union
légitime». Il considère que le divorce est la manière légale de multiplier les histoires d’amour. Finalement
lorsque la Révolution française commence les esprits sont prêts pour une laïcisation du mariage, pour une
sécularisation du mariage.

I - La législation révolutionnaire

Dès le début de la Révolution française, de nombreux projets législatifs vont dans le sens d’une
sécularisation du mariage. Un député de l’Assemblée, Durand de Maillane prépare un projet de loi pour
rendre le mariage civil obligatoire et le mariage religieux facultatif. En dé nitive, c’est une inversion de
l’approche que l’on avait jusque- là. Ce projet rédigé n’est pas soumis au vote car l’Assemblée a été
absorbée par une autre réforme qui a été la Constitution civile du Clergé de 1790. La loi est dormante et
attend d’être votée. En attendant, la Constitution de 1791 fait du mariage un contrat civil puisqu son article
7 dispose que «la loi ne considère le mariage que comme contrat civil». Ce même article con e aux
of ciers publics la tenue de registres d’état civil avec la mention des naissances, des mariages et
des décès. Ainsi, les anciens registres paroissiaux deviennent laïcs.

La Constitution de 1791 contient une disposition de droit privé alors qu’elle est un texte constitutionnel en
raison de l’affaire Talma. François-Joseph Talma était un acteur de la Comédie française qui voulait se
marier avec une prostituée mais, le curé de la paroisse dont dépendait François-Joseph Talma refusait ce
mariage. En effet, les comédiens avaient un statut peu recommandable et les prostituées avaient des
mœurs dépravés. Ainsi, il saisit l’Assemblée de ce refus qu’il juge contraire à la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen. Ainsi, l’Assemblée, qui a toujours en tête le projet de loi de Durand de Maillane et
souhaite donner une base juridique à la cause du comédien, a inséré dans la Constitution de 1791 une
disposition qui fait du mariage un contrat civil. Mais, en dé nitive, il n’y a toujours pas de loi sur le
mariage puisque le vote du projet de loi est encore différé en raison du climat politique compliqué avec la
fuite de Louis XVI, son arrestation à Varenne et la chute de la Monarchie le 10 août 1792 et la
suspension de Louis XVI.

A) La loi sur la mariage

La loi du 20 septembre 1792 sur l’état civil con e l’état civil aux municipalités et non plus aux paroisses.
Elle xe aussi les formalités du mariage en reprenant le droit de l’Ancien Régime sans l’aspect
religieux. Les bans sont publiés par l’Of cier d’état civil par af chage à la porte de la Mairie. Le
mariage repose toujours sur le consentement des époux qui est échangé devant l’Of cier d’état civil
et devant 4 témoins. Cet Of cier d’état civil inscrit le mariage dans le registre d’état civil. Le mariage
religieux n’a aucune valeur juridique car seule le mariage civil est reconnu par le droit.

La loi du 20 septembre 1792 sur l’état civil xe l’âge de la capacité au mariage à 15 ans pour les hommes
et 13 ans pour les femmes. Mais, ces âges ne sont pas les âges de la majorité civile xée à 21 ans.
Ainsi, les époux mineurs doivent obtenir le consentement de leurs parents. On voit une certaine
continuité avec la législation de l’Ancien Régime sur la question du consentement. La seule
nouveauté à l’égard du consentement parental est que cette loi supprime les actes respectueux au-delà
de l’âge de la majorité. En d’autres termes, la loi n’oblige pas à la consultation des parents.

La loi du 20 septembre 1792 sur l’état civil intervient aussi sur la question des empêchements à mariage
pour les réduire au 2ème degré de parenté. Concrètement, la loi prohibe les mariages entre parents et
enfants ou grands-parents et petits-enfants et entre frères et sœurs. Les empêchements liés à la
parenté spirituelle créée par le baptême disparaissent. Les empêchements avec les alliés
disparaissent aussi. Le mariage des prêtres et des religieux est ouvert.

B) La loi sur le divorce

La loi du 20 septembre 1792 sur les causes, le mode et es effets du divorce est la conséquence logique du
caractère contractuel du mariage.

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Cette loi reconnaît trois causes de divorce :

Le divorce par consentement mutuel : la loi prévoit une procédure de conciliation devant le Tribunal
familial. Ce Tribunal prononce le divorce après un délai de 4 mois à 1 ans. Le remariage est autorisé
après 1 an.

Le divorce pou incompatibilité d’humeur : la loi prévoit une procédure de conciliation devant le
Tribunal familial. Ce Tribunal prononce le divorce après un délai de 4 mois à 1 ans. Le remariage est
autorisé après 1 an.

Le divorce pour juste cause : la loi dé nit la juste cause comme la commission d’un crime, les sévices
et les excès, l‘abandon du conjoint pendant deux ans, l’absence, l’émigration, une condamnation
pénale et la folie. Dans ces cas, le divorce est prononcé immédiatement par l’Of cier d’état civil.
Le remariage est possible mais après un délai de viduité pour l’épouse pour éviter les con its de
liation.

La loi du 20 septembre 1792 sur les causes, le mode et es effets du divorce supprime la séparation de
corps.

Concernant la garde des enfants, la loi du 20 septembre 1792 sur les causes, le mode et es effets du
divorce attribue la garde à la mère si les enfants ont moins de 7 ans. Les ls ayant plus de 7 ans sont
attribués au père.

Entre 1792 et 1794, les Jacobins, majoritaires à la Convention, vont assouplir les conditions du divorce
xées par la loi du 20 septembre 1792 sur les causes, le mode et es effets du divorce. Le délai de
conciliation est réduit à un mois. Le mari peut se remarier immédiatement après le divorce. Une
simple déclaration suf t pour divorcer, même en dehors de la présence du conjoint, lorsque le
couple est séparé depuis plus de 6 mois.

Cette attitude témoigne l’attachement des Jacobins au divorce. Ces derniers avaient une approche
politique du mariage et de la famille. Le mariage était considéré comme une obligation des citoyens
envers la Patrie. Les Jacobins souhaitent faire du mariage une obligation civique pour augmenter le nombre
de citoyens au service de la Patrie. Ainsi, le divorce était considéré comme un argument incitatif. Pour
encourager au mariage, il faut assouplir divorce.

Entre 1792 et 1795, le nombre de divorces augmente de manière spectaculaire ce qui a conduit à une
certaine précarité des familles parce que les aspects nanciers des divorces n’étaient pas forcement
à l’avantage des épouses ou des enfants. En réaction à cette augmentation du nombre des divorces, le
Directoire en 1795 a voulu restreindre le divorce. En ce sens, Jean-Jacques Régis de Cambacérès a
proposé plusieurs projets de Code civil. Dans ces projets, il limitait le divorce qu’il considérait comme
une incitation à l’immoralité. Une loi d’août 1798 sur les fêtes républicaines encadre le cérémonial du
divorce. On impose que le divorce soit prononcé dans un silence absolu pour rappeler aux époux qu'«ils
ont pris à témoin la République et l’Eternel de l’inviolabilité de leur serment». Si les époux veulent rompre
leur mariage, il faut montrer que le droit et la société sont en défaveur cette démarche. Le droit se
montre moralisateur envers les époux qui souhaitent divorcer. On souhaite leur faire prendre
conscience de la démarche que constitue le divorce et le poids qu’elle emporte.

II - Le Code civil

Sur les questions du mariage et du divorce, le Code Napoléon tente de concilier la tradition de l’Ancien
régime et la législation révolutionnaire. Il ne remet pas en question la sécularisation du mariage ni la
question de l’état civil. Le mariage est un contrat civil parce qu’on a séculariser cette institution au
nom de la liberté religieuse.

Mais, les juristes admettent que ce contrat qu’est le mariage fait «intervenir le ciel» c’est-à-dire les Dieux, le
destin, un facteur qui ne dépend pas des hommes. En effet, le bonheur des époux dépend d’évènements
incertains. Chez les juristes, il y a une idée d’attachement a une forme religieuse du mariage qui
dépasserait le simple cadre de la religion catholique. En ce sens, il y a beaucoup de discussions sur
la nature juridique du mariage et sur le maintien divorce.

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A) Le mariage

Jean-Étienne-Marie Portalis, dans son Rapport nal explique ce qu’est cet assemblage qu’est le mariage
entre un contrat et une dimension religieuse, spirituelle ou peut-être sacrée. Dans l’idée de Jean-
Étienne-Marie Portalis, il y a le constat que si le mariage est un contrat civil, ce n’est pas n’importe
quel contrat puisqu’on ne peut pas le rompre comme on rompt n’importe quel contrat.

Cette idée de contrat civil particulier est reprise par François Denis Tronchet qui considère le mariage
comme «le plus saint des engagements» parce qu’il «contribue à l’harmonie sociale».

Ainsi, le Code Napoléon a une approche religieuse du mariage mais d’une religion civile. On reconnait
que ce contrat a une valeur supérieure, ce n’est pas un contrat comme les autres.

Dans cet esprit, le Code civil a renforcé la solennité du mariage a n de renforcer le contrôle de l’État sur
le mariage. Le mariage reste une institution essentielle au fonctionnement de l’État. Le Code civil
impose des formalités supplémentaires :
• Le Code civil impose deux publications des bans : il n’y a plus qu’une seule publication des bans.
• Le Code civil renforce le rôle de l’Of cier d’état-civil : il lit les articles du Code civil aux époux et fait
naitre le mariage en prononçant «je vous déclare unis pas les liens du mariage».
• Le Code civil impose le mariage religieux après le mariage civil : le mariage religieux ne peut pas
précéder le mariage civil.

S’agissant de la capacité à mariage, le Code civil xe la capacité à 18 ans pour les garçons et 15 ans
pour les lles. De plus, le consentement des parents est imposé jusqu’à 25 ans pour les ls et 21 ans
pour les lles. Au-delà, le Code civil rétablit l’acte respectueux, cet avis formel demandé aux parents qui
est requis jusqu’à 30 ans pour les garçons et 25 ans pour les lles. On retrouve l’approche de l’Ancien
Régime sur le poids de l’autorité parentale et en cas de désaccord des parents, c’est l’avis du père qui
prime.

S’agissant des empêchements, le Code civil impose des empêchements à mariage jusqu’au 3ème
degré. Ainsi, le mariage entre cousins germains est licite.

Concernant les cas de nullité du mariage, le Code civil reprend les cas qui existaient prévus pendant
l’Ancien régime et reprend la théorie du mariage putatif inventée par le droit canonique pour considérer
qu’un couple qui consomme le mariage sans en avoir respecter les formalités est considéré
rétroactivement comme marié.

B) Le divorce

La question du divorce est une question très débattue au début du 19ème siècle puisqu’il y a beaucoup d’opposition :

L’opposition des royalistes et des catholiques : le Vicomte de Bonald, juriste catholique, chef de le des légitimistes
est opposé au divorce. Il publie en 1801 un essai Du divorce considéré au XIXème siècle dans lequel il explique
que le divorce est un moyen de légaliser l’adultère et d’instaurer une véritable démocratie domestique. qui
équivaut à une sorte de chaos préjudiciable à l’État.

L’opposition des juristes et les rédacteurs du Code civil : les juristes et notamment les rédacteurs du Code civil
souhaitent abolir le divorce. Le seul favorable au divorce est Napoléon Bonaparte. Il participe à toutes les
séances de préparation sur le mariage et sur le divorce et a fait instaurer les articles 229 à 305 du Code civil sur
le divorce. Mais, le divorce instauré n’a rien à voir avec celui mis en place par la Convention en 1792. Jean-
Baptiste Treilhard, conseiller d’Etat, dira que «le divorce est non pas comme un bien mais un remède à un mal». Le
divorce est accepté comme solution dans des situations qui sont des impasses.

Ainsi, le Code Napoléon ne retient que deux cas de divorce et rétablit la séparation de corps :

Le divorce par consentement mutuel : le divorce par consentement mutuel suppose une très longue procédure. Il
faut le consentement des parents. Il y a 5 comparutions des époux devant le tribunal. Par ailleurs, ce divorce
implique le transfert de la moitié des biens aux enfants et donc les parents s’appauvrissent en divorçant. De
plus, le remariage est interdit pendant 3 ans. Les formalités mises en place sont particulièrement
contraignantes et volontairement dissuasives.

Le divorce pour motif déterminé : plusieurs cas constituent le motif déterminé à savoir les violences et sévices

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graves, la condamnation à une peine infamante et l’adultère qui consiste pour l’épouse à avoir des relations
sexuelles avec un autre homme et pour le mari à entretenir sa maitresse au domicile conjugal. Ce divorce
n’est plus prononcé par l’Of cier d’état civil mais par un juge. La procédure de divorce est longue et coûte
cher. Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation des causes, en particulier des fautes et il peut se servir
de la faute d’un conjoint pour alourdir les conséquences nancières ou pour décider de la garde des
enfants. Les articles du Code Napoléon sur le divorce sont à l’opposé de l’approche libérale de la Révolution. On est
face à un divorce-sanction.

La séparation de corps : la séparation de corps est rétablie et est prononcée par un tribunal pour les même
causes que les divorces et peut être convertie un divorce après 3 ans.

III - L’évolution jusqu’à la Troisième République

Après la publication du Code civil, c’est le temps de son interprétation. L’École de l’exégèse fait une vraie
interprétation critique des dispositions et l’on voit se développer la doctrine c'est-à-dire l’analyse des
obscurités de la loi ou des lacunes. Parallèlement, la jurisprudence se développe en soutient ou en
opposition à la doctrine.

A) Le mariage

Le Code civil ne dé nit pas le mariage. Ainsi, la doctrine a proposé des dé nitions du mariage mais elle
est assez divisée sur la nalité du mariage :

• Charles Demolombe considère le mariage comme la base de l’ordre social. Il fait le prolongement de
l’approche de l’Ancien Régime.

• Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau considèrent que le mariage comme le moyen de moraliser les
relations sexuelles. Ils font écho à toutes les discussions sur ce qui fait le mariage au Moyen Âge.

• Victor-Napoléon Marcadé considère le mariage comme une réciprocité d’amitié, de secours et


d’assistance.

• Émile Acollas considère le mariage comme une association fondée sur l’amour.

On voit apparaitre dans le vocabulaire des juristes une référence aux sentiments et l’idée d’un mariage
d’amour s’installe dans la société sous l’in uence du romantisme. Émile Acollas récuse l’idée d’une
majorité matrimoniale différente de la majorité civile. Il soutient qu’il faudrait harmoniser la majorité et
laisser la place à la volonté des individus (conception individualiste). A l’inverse, Charles Demolombe
souhaite conserver le consentement des parents au nom de l’intérêt des familles (conception
lignagère) et donc cette différence de majorité.

L’autre question qui agite beaucoup la doctrine est la question des cas de nullité. En effet, le Code civil ne
distingue pas les nullités relatives et les nullités absolues. Les nullités relatives sont celles que seules
les parties peuvent invoquer. Les nullités absolues sont celles que le Ministère Public peut invoquer.
Cette distinction est proposée par la doctrine pour lutter contre la jurisprudence qui, par principe,
protège le mariage donc écarte très fréquemment les nullités. La doctrine reproche à la
jurisprudence de se servir du côté ou du Code civil sur la question des nullités pour prendre la
défense de l’institution matrimoniale. La jurisprudence valide toujours les mariages et ne prononce jamais
de nullité en se servant des dispositions du Code civil.

En ce sens, la doctrine considère qu’il y a des cause de nullités absolues à savoir l’impuberté, l’absence de
célébration publique, l’incompétence de l’Of cier d’état civil. Le Code civil cite ces causes de nullités
mais la doctrine dit qu’elles sont absolues, objectives. Or, la jurisprudence apprécie souverainement
ces nullités et considèrent parfois qu’il n’y a pas de nullité car les parties n’ont pas soulevées ces
causes de nullité.

La principal question qui divise la doctrine et la jurisprudence est la question de l’erreur. L’alinéa 1 de l’article
180 du Code civil mentionne l’erreur sur la personne mais ne la dé nit pas. La doctrine en propose des
interprétations :

• Robert-Joseph Pothier considère que seule l’erreur sur l’identité physique est envisagée c'est-à-dire

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la substitution de personne.

• Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau considèrent que seule l’erreur sur l’identité civile est
envisagée c'est-à-dire l’utilisation d’un faux nom pour se faire passer pour le ls ou la lle d’une
famille prestigieuse.

• Charles Demolombe, Victor-Napoléon Marcadé et Émile Acollas considèrent que seule l’erreur sur les
qualités substantielles est envisagée c'est-à-dire sur les qualités civiles comme le nom, les
qualités physiques, les qualités morales ou les qualités sociales.

↳ La jurisprudence hésite beaucoup et nit par suivre la conception de Charles Aubry et Charles-Frédéric
Rau. Dans un arrêt Ch. réunies, 24 avril 1862, Berton, qui concernait un mariage d’une jeune lle de
bonne famille avec un ancien forçat qui n’avait pas raconté son passé. La famille de l’épouse souhaitait
faire annuler le mariage et la Cour de cassation considère que «seule l’erreur sur l’identité civile peut donner
lieu à nullité» et non pas l’erreur sur les qualités de la personne qui était le moyen invoqué par la
belle-famille. L’objectif de la Cour de cassation était de limiter les actions en nullité. En effet, depuis
1816, le divorce est aboli et donc le seul moyen de dissoudre un mariage est de prononcer sa nullité.
La Cour de cassation envoie un signal assez clair, en soutenant qu’on ne peut pas faire une interprétation
extensive de l’erreur pour remplacer l’abolition du divorce.

↳ Quand le divorce sera rétabli et largement ouvert par la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce, la
question de la nullité fondée sur l’erreur sur la personne aura beaucoup moins d’intérêt.

L’alinéa 2 de l’article 180 du Code civil mentionne l’erreur sur les qualités essentielles c’est-à-dire la
situation où un homme divorcé cache son ancienne condition à sa second épouse, l’impuissance ou
bien le fait de cacher une maladie à son conjoint. Pour que la nullité sur les qualités substantielles soit
prononcée, il faut que celui qui invoque la nullité prouve que s’il avait su le fait caché, cette personne
ne se serait pas mariée. Il faut que l’erreur sur la qualité soit déterminante sur la décision du mariage.

Ex : CA Douai, 17 novembre 2008 : dans un arrêt TGI Lille, 1 avril 2008, les juges ont admis la nullité du
mariage pour la non-virginité de l’épouse en précisant que cette dernière avait accepté cette
demande de nullité. Mais, par un arrêt, la Cour d'Appel de Douai a in rmé ce jugement en retenant que
la virginité n’était pas une qualité essentielle de la personne.

Ex : CA Montpellier, 11 janvier 2019 : dans cet affaire, l’époux avait menti sur sa profession, sur la possibilité
d’embaucher son épouse et ne l’a pas informé de son passé pénal (condamnations pénales pour
escroquerie, faux, usage de faux et usurpation d’identité). Il a aussi menti sur sa date et son lieu de
naissance. Il lui a dissimulé ses trois précédents mariages ainsi que l’annulation de sa dernière union. La
Cour d’appel de Montpellier conclue à l’annulation du mariage pour erreur sur les qualités essentielle
de l’époux par l’accumulation de mensonges, à savoir une erreur «sur la réalité de son état civil, de sa
profession, sa situation pénale, carcérale et maritale précédant leur union».

B) Le divorce

Sous l’Empire, le nombre des divorces diminue puisqu’entre 1804 et 1816, il y a uniquement environ 2000
divorces. Cette diminution s’explique par le fait que le Code Napoléon maintient le divorce dans des
conditions juridiques restrictives et par la mise en place du régime concordataire.

↳ Le Concordat est un ensemble de dispositions organisant les relations entre différentes religions et
l’État en France, à la suite du traité de concordat conclu en 1801 par le gouvernement de Napoléon
Bonaparte et le Pape Pie VII. La religion catholique est rétabli en France mais sous l’autorité du
pouvoir politique. Ce régime est resté en vigueur jusqu’à la loi du 9 décembre 1905 concernant la
séparation des Eglises et de l’Etat. Ce régime a redonné un place au clergé et à l’Eglise dans la vie
publique et donc a relancé les discussions sur le divorce.

De plus, les juristes sont toujours hostiles au divorce. En effet, le Code Napoléon contenait des dispositions
sur le divorce à cause de Napoléon Bonaparte qui s’était positionné en faveur du divorce. Il était
personnellement intéressé par cette question du divorce puisqu’il a divorcé par consentement mutuel
en 1809 de Joséphine de Beauharnais. Mais, il n’a pas respecté les règles prévus par le Code Napoléon
puisque les dispositions imposaient que l’épouse ait moins de 45 ans, ce qui n’était pas le cas de

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Joséphine de Beauharnais et imposaient l’autorisation expresse des parents or, Napoléon Bonaparte n’a
pas demandé le consentement expresse de sa mère. À ce double titre, ce divorce ne correspondait pas aux
règles posées par le Code Napoléon.

De plus, le contexte de la chute de l’Empire était très propice à une suppression du divorce. En 1814, avec
la restauration de la Monarchie, la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 refait du catholicisme une
religion d’Etat. L’objectif de ce régime monarchique est de rétablir l’ordre ancien et donc d’écarter les
changements de la Révolution. De plus, le petit nombre de divorce est en faveur de cette suppression
du divorce. Ainsi, la loi Bonald du 8 mai 1816 abolit le divorce et conduit à effacer du Code Napoléon les
articles 229 à 305 qui sont considérés comme inutiles. La séparation de corps est maintenue.

Après son abolition, le divorce fait l’objet de demande de rétablissement par l’opposition politique. Une
première demande est effectuée en 1812 mais n’aboutit pas. Puis, sous la Monarchie de Juillet, comme
ce régime a abandonné le catholicisme comme religion d’État, de nouvelles demandes sont
effectuées mais, la chambre des députés accepte mais celle des pairs rejette.

Sous la Deuxième République, le débat perdure et Louis-Napoléon Bonaparte soutient les partisans du
divorce. Il considérait le divorce comme une tradition consulaire et impériale, dèle aux idéaux de
1789. Pourtant, à la chute de la Deuxième République et durant le Second Empire, Louis-Napoléon
Bonaparte n’a pas rétabli le divorce.

Durant la seconde moitié du 19ème siècle, se développe un courant favorable au divorce dans les
milieux intellectuels et littéraires avec Victor Hugo, Alexandre Dumas ou encore Georges Sand. Ce
mouvement est à mettre en relation avec les débuts du mouvement féministe. Ce mouvement est aussi
soutenu par la progression du nombre des séparations de corps. En effet, à partir du milieu du 19ème,
leur nombre augmente d’une part parce que la jurisprudence étend la notion d’injures graves à
l’adultère du mari ou à l’abandon du domicile conjugal et aussi parce qu’à partir de la loi du 22 janvier
1851 sur l’assistance judiciaire les demandes de séparation de corps dans les milieux ouvriers et
domestiques augmentent. On voit que la volonté politique résiste au rétablissement du divorce mais
que la société de plus en plus se montre prête à intégrer une règle sur le divorce.

IV - Les réformes du droit de la famille à partir de la Troisième République

La Troisième République est un tournant pour le droit de la famille alors qu’il n’y a pas eu de réforme
d’ensemble du droit de la famille parce que les républicains veulent revenir à des acquis de la
Révolution française sur la famille mais ils restent très attachés à la vision traditionnelle de la famille
fondée sur le mariage. Ainsi, il n’y a pas de réforme d’ensemble du droit de la famille mais une
succession de lois sur des points particuliers.

A) Le mariage

Au cours de la Troisième République, une quinzaine de lois sont intervenus dans le domaine du mariage :

• Les actes respectueux : en 1896, les actes respectueux sont réduits à un seul acte. En 1907, ils
deviennent une simple noti cation au parents puis ils sont nalement supprimés en 1933.

• La majorité matrimoniale : elle disparait en 1907. Ainsi, à 21 ans on se marie sans le consentement
de ses parents. Pour les mineurs, en cas de désaccord des parents, le Code Napoléon prévoyait la
prépondérance de l’avis du père. Cette règle disparait en 1907. Ainsi, le désaccord des parent vaut
consentement.

↳ L’objectif de ces règles est de réhabiliter le mariage, d’inciter les couples à se marier pour lutter contre
l’union libre, le concubinage qui est considéré comme dangereux. Ces mesures renforcent le caractère
contractuel du mariage puisqu’on quitte la conception du mariage comme institution sociale, comme
pilier de l’État.

Après la Première guerre mondiale, les formalités du mariage ont été simpli ées pour encourager au
mariage et pour encourager à la procréation :
• Le nombre de témoins : il est réduit à 2 en 1919
• Le délai de viduité : il est réduit en 1922

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• Les empêchements de mariage entre alliés : à partir de 1938, la prohibition du mariage entre allié peut
être levée par dispense lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

Mais, cette législation nataliste n’a pas eu l’effet escompté parce que l’union libre se développe
considérablement. Le Code Napoléon n’évoquait pas le concubinage puisqu’on estimait qu’il n’était pas
nécessaire d’encadrer une situation qui ne concernait qu’une petite partie de la population. Le concubinage
entre dans le Code civil en 1912 à propos de la recherche en paternité puisqu’un enfant peut faire une
recherche en paternité en cas de concubinage notoire. La Première guerre mondiale a renforcé la
place de l’union libre dans le champ du droit puisqu’on on accordait des aides nancières aux
femmes de soldat, qu’elles soient mariées ou pas. L’une de ces aides constituait à autoriser la concubine
du soldat à rester dans le logement de son concubin, compris comme le logement familial. De plus, la
jurisprudence a admis pendant un temps l’indemnisation de la concubine pour le préjudice résultant
de la mort de son concubin dans un accident. Cette conception de l’union libre est dénoncée par la
doctrine qui parle de «crise du mariage» et voit dans le concubinage une concurrence au mariage.

Après la Deuxième guerre mondiale, les principales réformes vont toucher la capacité de la femme
mariée, l’autorité paternelle et les aspects patrimoniaux du droit de la famille. Le mariage est
profondément modi é par la disparition de l’autorité paternelle remplacée par l’autorité parentale en
1985 ou encore par la n de l’incapacité juridique de la femme mariée en 1965.

Depuis la n du 20ème siècle, il y a une pluralité des formes d’union. Jusqu’aux années 50, il n'y avait que
le mariage et l’union libre. Depuis la n du 20ème siècle, il y a beaucoup d’autres formes de famille avec
l’introduction du PACS, la reconnaissance des familles monoparentales, les familles recomposées et le
mariage homosexuel. Le couple hétérosexuel n’est plus la seule référence pour fonder une famille.

B) Le divorce

Avec l’avènement de la Troisième République, les discussions sur le divorce vont progresser. Le divorce est
réintroduit par la loi du 27 juillet 1884 en partie grâce à Alfred Naquet qui, dans son œuvre Religion,
propriété, famille, soutenait que le mariage était attentatoire à la liberté. Cette phrase lui a valu 4 mois de
prison. A sa sortie de prison, il a concentré ses revendications sur rétablissement du divorce en proposant
deux projets devant le Parlement :
• En 1876, son projet est inspiré par la loi du 20 septembre 1792 autorisant le divorce
• En 1878, son projet reprend plus ou moins les dispositions du Code Napoléon

Mais, les républicains considéraient que la société n’était pas prête à réintroduire le divorce dans la
législation. En réalité, les députés étaient très conservateurs et ne souhaitaient pas rétablir le divorce.
L’élément déclencheur pour la réintroduction du divorce a été l’intervention de l’Eglise dans le débat
et notamment par l’encyclique (lettre que les Papes adressent aux évêques) Arcanum divinae du 10 février
1880 de Léon X qui porte sur le mariage chrétien où il renouvelle la condamnation du divorce parce que «le
divorce amoindrie l’affection mutuelle, encourage l’in délité, humilie les femmes et détruit les familles» et
qu’il est le «signe de la perversion des peuples qui ouvre la voie à la dépravation des mœurs publiques et
privées». Cet encyclique a poussé les prêtres à intervenir publiquement sur le sujet du divorce et
notamment certains prédicateurs comme Henri Didon qui dénonce l’hypocrisie du mariage dans la société
bourgeoise. Le rétablissement du divorce est devenu, pour les républicains, une manière de lutter
contre l’in uence de l’Eglise.

La loi du 27 juillet 1884 a donné lieu à une vraie bataille parlementaire. En effet, le projet d’ Alfred Naquet de
1876 reprend des éléments de la loi du 20 septembre 1792 autorisant le divorce, en particulier en
rétablissement le divorce par consentement mutuel. L’Assemblée nationale vote en 1882 ce projet mais,
le Sénat s’y oppose. Finalement, le Gouvernement propose un compromis qui consiste à revenir aux
dispositions du Code Napoléon sans le consentement mutuel.

↳ La loi du 27 juillet 1884 n’admet que le divorce pour faute et dé nit trois types de fautes :
• L’adultère
• Les sévices ou injures graves
• La condamnation à une peine af ictive ou infamante

↳ La loi du 27 juillet 1884 conserve la séparation de corps convertible en divorce au bout de 3 ans.
Mais, le juge peut s’opposer à cette conversion en divorce.

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↳ La loi du 27 juillet 1884 interdit le remariage avec le complice d’adultère.

Mais, très vite, le Parlement a assoupli cette législation en simpli ant la procédure en 1886, en
supprimant l’autorité maritale dans la séparation de corps en 1893, en permettant le remariage avec
le complice d’adultère en 1904, en automatisant la conversion de la séparation de corps en divorce
après 3 ans en 1908.

Mais, d’un point de vue sociologique, le divorce est resté assez marginal jusqu’en 1940. Le phénomène de
divorce est surtout urbain. De plus, la doctrine reproche à la jurisprudence d’utiliser la notion
d’injures graves pour déguiser le divorce par consentement mutuel. La doctrine reste hostile à
l’égard du divorce contrairement à la jurisprudence. En 1941, Le régime de Vichy restreint le divorce
puis ces dispositions sont annulées en 1945.

À partir de 1946, on voit une progression du nombre des divorces. On assiste à la mise en place d’une
«comédie judiciaire» car on ne peut divorcer que pour faute et donc les époux se reprochent des
fautes plus ou moins réelles pour pouvoir divorcer. Cette comédie conduit le Jean Carbonnier à lancer
son enquête sociologique sur le mariage puis sur le divorce. La loi du 11 juillet 1975 portant réforme du
divorce rétablit le divorce par consentement mutuel.

Depuis 1975, le nombre de divorce à continuer d’augmenter et à fait l’objet de plusieurs réformes :

• En 2004, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce a élargi le divorce et a dissocié les conséquences
nancières de la réparation des torts
• En 2016, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a simpli é le divorce
par consentement mutuel puisqu’il peut désormais se faire sans avoir recours au juge donc par acte
d’avocat.
• En 2019, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a simpli é la
procédure de divorce pour en réduire la durée.

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