Vous êtes sur la page 1sur 57

LA PAROLE DE L’ENFANT

EN JUSTICE CIVILE
Rapport de recherches en vue de l’obtention du Master 2 Droit des personnes et de la
famille à l’Université de Grenoble-Alpes

Sous la direction de Madame Géraldine VIAL, Maître de conférences en droit privé.

Soutenance le 09 septembre 2022.

2021-2022
YSALINE PRETEL
Master 2 Droit des personnes et de la famille, dirigé par Madame Anne-Sophie BRUN-
WAUTHIER, Maître de conférences en droit privé.
LA PAROLE DE L’ENFANT
EN JUSTICE CIVILE
Rapport de recherches en vue de l’obtention du Master 2 Droit des personnes et de la
famille à l’Université de Grenoble-Alpes

Sous la direction de Madame Géraldine VIAL, Maître de conférences en droit privé.

Soutenance le 09 septembre 2022.

2021-2022
YSALINE PRETEL
Master 2 Droit des personnes et de la famille, dirigé par Madame Anne-Sophie BRUN-
WAUTHIER, Maître de conférences en droit privé.
REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tenais à remercier Madame Géraldine VIAL pour avoir accepté de suivre mon travail tout
au long de cette dernière année de Master 2. Je la remercie de l’aide apportée et des conseils que celle-ci
m’a prodigué.

Je tenais également à remercier Madame Anne-Sophie BRUN-WAUTHIER qui m’a fait l’honneur
d’intégrer sa promotion au moment où je risquais de ne pas pouvoir achever mon cursus universitaire. Je
lui suis infiniment reconnaissante puisque grâce à elle, j’ai pu aller jusqu’au bout de mes objectifs.

Enfin, j’adresse tous mes remerciements à ma famille, mon compagnon et mes amis qui me soutiennent
depuis ma première année de droit. Merci d’avoir cru en moi depuis le début. Merci de votre soutien sans
faille, même dans les moments où j’ai cru abandonner.

Cette fin de cursus universitaire m’ouvre les portes, je l’espère, de la suite dont je rêve depuis des années.
SOMMAIRE

INTRODUCTION…………………………………………………..1

PARTIE I – LE RÉGIME JURIDIQUE INTERNE DE


L’AUDITION DE L’ENFANT……………………………………..5

SECTION 1 – LES SOURCES INTERNES RELATIVES À L’AUDITION DE


L’ENFANT MINEUR………………………………………………………..…………..5

SECTION 2 – LES CONDITIONS DE L’AUDITION DE L’ENFANT


MINEUR……………………………………………………………………..……….....16

PARTIE II – LES EFFETS DE L’AUDITION DE L’ENFANT


MINEUR. …………………………………………………..……...26

SECTION 1 – LE STATUT ACCORDÉ À L’ENFANT MINEUR….………….......26

SECTION 2 – LE POIDS DE LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR………..….30


INTRODUCTION
Un vieux proverbe français énonçait « La vérité sort de la bouche des enfants. ». La pensée des
philosophes de la Grèce antique allait effectivement dans ce sens alors que la société française
contemporaine n’est pas tout à fait du même avis. C’est alors que l’innocence de l’enfant en conduit
certains à prendre en totale considération sa parole, lorsque d’autres vont tenir compte de son incapacité
pour en diminuer la valeur. L’incapacité faisant alors référence à l’incapacité juridique renvoyant à
l’étymologie du mot enfant, « l’infans ».

L’infans traduisant alors « celui qui ne parle pas », « celui dont la parole ne compte pas ». Alors que les
mœurs françaises évoluaient dans une dimension au sein de laquelle la parole de l’enfant valait peu, les
idées ont évoluées. La création d’un droit de l’enfant au niveau international avec la Convention
Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) a permis, entre autres, l’évolution du droit français.

Droit français qui lui aussi, au fil des années, s’est vu construire un droit de l’enfant qui devait tenir compte
de sa parole. La grande difficulté liée à la construction de ce droit tenait principalement à la complexité
d’application. En effet, en fonction de l’âge de l’enfant, ce dernier n’ayant pas la même perception des
choses, il ne pouvait être entendu de la même manière.

La CIDE du 20 novembre 1989 est le texte fondateur du droit de l’enfant d’être entendu. Par la suite, un
certain nombre de textes européens ont également consacré ce droit. C’est l’article 13 de la CIDE qui est
venu consacrer la liberté d’expression de l’enfant. L’article 13 défini cette liberté comme « la liberté de
rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération
de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de
l'enfant ». L’article 12 de la CIDE vient quant à lui, consacrer le droit de l’enfant d’exprimer son opinion.
L’alinéa premier du texte vient consacrer un droit général de l’enfant « d'exprimer librement son opinion
sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant entant dument prises en considération eu égard à
son âge et à son degré́ de maturité́ ». Puis, l’alinéa second de ce texte consacre plus particulièrement le
droit de l’enfant d’être entendu dans le contexte judiciaire en disposant qu’« on donnera notamment à
l'enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit
directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible
avec les règles de procédure de la législation nationale ». D’autres articles de cette même Convention
viennent envisager la prise en compte de la parole de l’enfant, notamment à travers ses sentiments. En
effet, l’article 9 de la CIDE alinéa 2 prévoit que toutes les personnes intéressées, dont le mineur, doivent

1
avoir la possibilité de participer aux débats relatifs à la séparation du mineur et de ses parents, et l’article
21 exige que le consentement à l’adoption des personnes intéressées soit éclairé.

Alors que pendant longtemps, la Cour de cassation française a considéré que les dispositions de la
Convention internationale sur les droits de l’enfant ne créait d’obligations qu’à la charge des États parties,
le 18 mai 20051, elle a opéré un revirement de jurisprudence. Elle a admis l’applicabilité directe des articles
3-1 et 12-2 de la CIDE. Ainsi, l’article 12-2 de la CIDE peut être invoqué directement devant le juge
interne.

La Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’homme ne contient pas de dispositions


spécifiques sur l’audition du mineur. Pour autant, elle accorde une grande importance à la volonté de
l’enfant. Dans les arrêts Hoakkennen c/ Finlande du 23 septembre 1994 et Brinda c/ Italie du 9 juin 1998,
la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient consacrer une grande importance à la volonté
de l’enfant. Toutefois, la Cour rappelle également que l’avis de l’enfant ne pourra pas être pris en compte
dans un contexte où il y aurait des pressions parentales2. Récemment, la jurisprudence de la CEDH est
venue consacrer le droit de l’enfant d’être entendu dans les procédures le concernant sur le fondement de
l’article 8 de la Convention3. Elle a justifié sa décision en indiquant que, « le droit d’être entendu et de
participer à la prise de décision dans une procédure familiale qui l’affecte en premier lieu est garanti par
plusieurs instruments juridique internationaux tels que, les articles 13 de la Convention de la Haye,
l’article 13 de la CIDE, les articles 3 et 6 de la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant
et du Conseil de l’Europe la recommandation Cm/Rec(2012)2 du Comité des ministres du Conseil de
l'Europe ainsi que l'article 24 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 4». Au-
delà de la CIDE et de la Convention européenne des droits de l’homme, d’autres instruments
internationaux et européens viennent également mettre en avant la parole de l’enfant. Nous retrouvons
d’une part, la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant du 25 janvier 1996 et d’autre
part les recommandations de l’assemblée parlementaire du Conseil d’État du 13 mars 2009 « Promouvoir
la participation des enfants aux décisions qui le concernent ». Par ailleurs, la Charte des droits
fondamentaux est venue consacrer en son article 24 un corpus de droits spécifiques aux enfants tels que,
le droit à la protection, le droit de s’exprimer librement et le droit d’entretenir des relations personnelles
avec ses deux parents où l’intérêt supérieur de l’enfant occupe une place prépondérante. Enfin,
l’importance de l’audition de l’enfant ressort également de divers articles du Traité Bruxelles II bis (les

1
Civ. 1re, 18 mai 2005, n°02-20.613
2
CEDH, 23 septembre 2003, Sophia Gudrun Hansen c/ Turquie
3
CEDH, M. et M. c/ Croatie, 3 septembre 2015 et M. K. c/ Grèce, 1er février 2018
4
Dalloz action droit de la famille, chapitre 235, audition du mineur

2
articles 11, 23, 41 et 42) relatifs à l’enlèvement illicite d’enfant et à son retour. En effet, l’audition de
l’enfant et sa prise en compte est un élément très important dans ce type de situation. Il permet au juge
d'évaluer entre autres la situation de danger ainsi que la volonté et le ressenti de l’enfant.

Aujourd’hui, l’utilité d’invoquer l’article 12-2 de la CIDE devant les juridictions internes est relative
puisque le droit français est venu consacrer le droit de l’enfant d’être entendu en justice. Il découle de ce
droit différents principes généraux qui ont été posés par le législateur concernant l’audition des mineurs
en justice. Le premier grand principe est celui de la question de la parole de l’enfant en justice amenant à
s’interroger sur l’existence d’un droit pour l’enfant d’être entendu au cours d’une procédure de justice5.
Le deuxième principe qui émane de ce régime juridique français est celui afférent aux modalités
d’audition. Enfin, et surtout, il en découle la question de la valeur accordée à cette parole. Le droit interne
a donc mis en place un régime relatif à l’audition de l’enfant relativement complet. Alors que le Code civil
vient prévoir un régime général de l’audition à l’article 388-1, il est également venu étoffer ce dernier avec
des règles spécifiques pour certaines hypothèses.

Il s’agira de s’intéresser dans ce développement principalement à l’ensemble du régime juridique mais


également au statut accordé à l’enfant ainsi qu’au poids de sa parole. En effet, le dernier rapport du
Défenseur des droits paru en 2020, est venu soulever quelques difficultés. Il en ressort que notre droit
interne pourrait encore être amélioré. Il est légitime de se demander si l’audition de l’enfant a un véritable
intérêt dans la mesure où il est facile de penser que face à un enfant, le poids des dires de tous les autres
protagonistes adultes sera plus important.

Le choix de cette étude a alors été alimenté par la question de savoir si, à la suite des auditions des enfants
mineurs, les juges prenaient véritablement en compte les sentiments et volontés de ces derniers, ou si ces
auditions ne constituent qu’une formalité obligatoire pour le juge.

Pour cette raison, le déroulement de l’audition en lui-même ne sera pas développé par la suite. Afin de
mieux appréhender la suite des développements, des précisions succinctes concernant ce déroulement sont
toutefois nécessaires Selon une circulaire du 3 juillet 2009, les conditions dans lesquelles le juge entend
l’enfant ne font pas l’objet d’un encadrement juridique précis. C’est au magistrat de déterminer, au vu des
circonstances, les modalités concrètes du déroulement de l’audition. C’est ainsi que certains juges
procèdent à l’audition avant l’audience au fond, tandis que d’autres attendent que l’audience ait eu lieu.
Certains juges souhaitent également poser des questions précises aux mineurs qu’ils auditionnent et se

5
Rapport de 2012, Blandine Mallevaey, La parole de l’enfant en justice

3
servent des réponses pour prendre leurs décisions. D’autres utilisent l’audition pour permettre à l’enfant
de s’exprimer, sans vraiment demander au mineur son avis sur la situation à venir.6 À la suite de l’audition
de l’enfant, un compte rendu plus ou moins édulcoré est alors remis par le juge. Le compte rendu permettra
au juge de ne pas insister sur des points qui pourraient porter atteinte aux relations de l’enfant avec l’un
de ses parents. Ce compte rendu permettra également de faciliter l’expression de la parole de l’enfant qui
pourra déterminer avec le juge les termes du compte rendu. En effet, à l'issue de l’audition, le juge et
l’enfant pourront aborder ensemble les termes transcrits dans le procès-verbal. Le compte rendu devant
être produit aux parents, le fait pour le juge d’édulcorer ce dernier et de le revoir avec l’enfant permet à
ce dernier d’être rassuré. La difficulté à soulever et dont nous reparlerons ultérieurement, réside dans
l’hypothèse où l’enfant souhaite aborder un point mais qu’il ne souhaite pas que cela soit rapporté aux
parents. Il s’agira alors directement d’un point que le juge ne pourra pas inclure dans son compte rendu et
in fine, ne pourra pas prendre en compte dans sa décision. Cela dit, alors même que le juge a procédé à
l’audition, il devra garder, en conscience les mots de cet enfant qu’il n’est pour autant, pas censé utiliser
dans sa motivation. Cela dénote alors une certaine difficulté puisque, même avec toute l’impartialité
possible, il est très difficile de ne pas tenir compte de certains éléments après les avoir entendus.

Il serait alors pertinent de s’interroger sur la question suivante : Comment la justice apprécie-t-elle la
parole d’un enfant mineur dans le cadre du procès civil ?

Il conviendra alors de s’intéresser dans un premier temps à l’ensemble du régime juridique interne relatif
à l’audition de l’enfant (Partie I). Puis, dans un second temps nous aborderons les effets de l’audition de
l’enfant mineur (Partie II)

6
JUSTON, Les enfants peuvent-ils faire la loi ou dire leurs besoins ? AJ fam. 2009. 320

4
PARTIE I – LE RÉGIME JURIDIQUE INTERNE DE L’AUDITION
DE L’ENFANT

SECTION 1 – LES SOURCES INTERNES RELATIVES À L’AUDITION DE L’ENFANT


MINEUR

La création d’un véritable régime juridique relatif à l’audition de l’enfant est issue de plusieurs lois telles
que la Loi de 1975 concernant le divorce, la Loi du 22 juillet 1987 concernant l’exercice de l’autorité
parentale, la loi de 1993 relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux
affaires familiales et la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance. De l’ensemble de ses
sources internes en découlent alors la création d’un régime à la fois général (I) et de régimes spéciaux de
l’audition de l’enfant (II) concernant des situations particulières.

PARAGRAPHE 1 - LE RÉGIME GÉNÉRAL DE L’AUDITION DE L’ENFANT

Le décret du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’enfant a permis d’éclaircir certains éléments
concernant le recueil de la parole de l’enfant en justice tel qu’il est prévu à l’article 388-1 du Code civil.
Ce décret vient préciser les modalités d’applications de l’article 388-1 du Code civil. C’est grâce à ce
décret que l’audition de l’enfant mineur qui en fait la demande a été rendue obligatoire. Cette audition est
alors subordonnée à deux conditions : que l’enfant soit doué de discernement et qu’il soit concerné par la
procédure. Par ailleurs, ce décret impose également au juge le fait de s’assurer que le mineur a été informé
de son droit d’être entendu et d’être assisté d’un avocat. Ainsi, le décret du 20 mai 2009 a permis la
rédaction de l’article 388-1 du Code civil qui dispose que « Dans toute procédure le concernant, le mineur
capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son
consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par
le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur
refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat
ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut
procéder à la désignation d'une autre personne. L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de
partie à la procédure. Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être
assisté par un avocat. »

5
Selon la circulaire de la Chancellerie du 3 juillet 2009 « si l’audition du mineur constitue une mesure
d'information permettant à la juridiction saisie de recueillir des éléments de nature à éclairer sa décision,
elle correspond également à l'expression d'un droit substantiel du mineur, qui justifie qu'elle soit régie
par des règles procédurales propres, distinctes du droit commun des mesures d'instruction ». C’est pour
cela que le régime d’audition de l’enfant mineur dans les procédures le concernant est également contenu
aux articles 338-1 à 338-12 du Code de procédure civile, lorsque l’audition est ordonnée en vertu de
l’article 388-1 du Code civil. Ce régime consacre ainsi un droit général de l’audition de l’enfant. Il
semblerait alors rendre accessoires tous les autres textes spécifiques permettant l’audition de l’enfant dans
les procédures particulières, telles que l’assistance éducative, l’adoption ou encore le changement de nom.
Pourtant, ces textes spéciaux conservent une réelle utilité dans la mesure où ils rappellent au juge chargé
de la procédure qu’il doit impérativement tenir compte de la parole de l’enfant. Ainsi, et nous l’étudierons
ensuite, il est nécessaire que le juge provoque une telle audition dans certains cas, même lorsque le mineur
n’en a pas fait la demande.

Par ailleurs, une étude du ministère de la Justice réalisée en 2013 permet de constater, contrairement à ce
que certains magistrats pouvaient craindre avec l’entrée en vigueur de ce décret, qu’en réalité, l’audition
de l’enfant n’intervenait pas dans la majeure partie des procédures. Il ressortait alors des chiffres de cette
étude que, 14% des enfants étaient entendus lorsque les parents étaient en désaccord et seulement 2,4%
dans les situations d’accords entre les parents. Au niveau de l’âge des enfants, il ressort que la majeure
partie des enfants auditionnés sont alors âgés de 9 ans minimum et qu’ils n’ont jamais moins de sept ans.

Même si cette étude date de bientôt dix ans, il ressortait au moment de celle-ci que le taux d’enfants
entendus était alors très faible. Il est alors légitime de s’interroger sur ce point puisque d’après cette étude
le taux d’audition reste alors très faible et cela implique que la parole de l’enfant semble avoir encore peu
de poids. Toutefois, la dimension du poids de la parole de l’enfant à ce stade n’est pas située au niveau de
sa force probante. Elle se situe au moment de la demande d’audition. Il faut donc tirer la conclusion selon
laquelle, si moins de 20% des enfants souhaitent être auditionnés dans une procédure où un conflit est
présent entre les deux parents, c’est qu’il est probable que ses derniers subissent des pressions ou qu’ils
aient peur. Cependant, il faut tenir compte du fait que ses données ont été prises à l’encontre uniquement
des enfants considérés comme doués de discernement. En effet, certains enfants sollicitent une audition
de la part du juge mais celle-ci leur sera refusée. Ceci est notamment illustré dans une décision de la Cour
d’appel de Bordeaux, 3e chambre civile rendue le 22 février 2017 7où le juge n’a auditionné qu’un seul

7
Cour d'appel, Bordeaux, 3e chambre civile, 22 février 2017 – n° 16/01470

6
des deux enfants car le cadet, âgé de seulement 7 ans n’était pas doué de discernement aux yeux de la
juridiction.

En définitive, le régime général de l’audition de l’enfant mineur issu de l’article 388-1 du Code civil
permet donc à un enfant qui en fait la demande, d’être auditionné par le juge dès lors que ce dernier remplie
les conditions s’y afférant. Cette audition est dite de droit et sera donc obligatoire. Par conséquent, si le
juge démontre l’absence de discernement et que cette absence est correctement motivée, l’audition n’aura
pas lieu. Il convient d’ailleurs d’énoncer que cette notion de discernement est relativement complexe, ce
pourquoi nous y consacrerons tout un développement ultérieurement.

PARAGRAPHE 2 - LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE L’AUDITION DE L’ENFANT

Comme développé supra, malgré le régime général de l’audition de l’enfant, il existe divers régimes
spéciaux. Nous allons ainsi distinguer deux cadres relatifs à l’audition de l’enfant : celui où on impose au
juge d’entendre l’enfant et celui où l’audition de l’enfant n’a lieu que s’il le souhaite.
Il s’agira d’aborder dans un premier temps les quatre cas d’auditions obligatoires de l’enfant mineur qui
ne sont autres que l’assistance éducative, l’adoption, l’émancipation et la tutelle (A).
Puis, il conviendra de s’attarder sur les cas d’auditions subordonnées à la volonté et au consentement de
l’enfant d’être entendu (B). Ainsi, nous étudierons en quoi cette volonté dénote une importante prise en
compte de la parole de l’enfant, quand ce dernier la demande.
Enfin, il sera fait état d’une étude statistique de la proportion des décisions contenant une audition de
l’enfant (C).

A- Le cas des auditions obligatoires

L’audition de l’enfant mineur est obligatoire dans quatre procédures : l’assistance éducative,
l’adoption, l’émancipation et la tutelle. En vertu de l’article 375 du code civil, la mesure d’assistance
éducative intervient « si la santé, la sécurité ou la moralité » d’un enfant sont en danger ou « si les
conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont
gravement compromises ». Avant l’entrée en vigueur du décret du 15 mars 2002, le juge disposait du
pouvoir d’écarter l’audition si elle était trop difficile à supporter pour le mineur, si son âge ou son état ne
permettait pas de l’entendre. À la suite de l’entrée en vigueur du décret du 15 mars 2002, cette possibilité
a été supprimée. Désormais, l’audition du mineur est subordonnée à son discernement. Ainsi, la seule
possibilité pour le juge de ne pas entendre l’enfant mineur sera son absence de discernement ou bien, le

7
caractère d’urgence, issu de l’article 1184 du Code civil. En effet, l’obligation d’entendre l’enfant mineur
dans une procédure d’assistance éducative a une portée plus grande que celle issue de l’article 388-1 du
Code civil. C’est pour cela que la cassation sera encourue dès lors que le dossier ne mentionnera pas que
l’enfant a été entendu par les juges du fond, qui par ailleurs n'ont pas constaté l’existence de circonstances
rendant cette audition inopportune. Par ailleurs, la pratique de l'audition du mineur diffère sensiblement
selon qu'elle a lieu devant le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants. Cette différence repose
alors principalement sur la place accordée à l’enfant dans les différentes procédures qui le concerne. Au
sein d’une procédure d’assistance éducative, on remarque une certaine complexité car le juge sait l’enfant
en situation de danger et doit faire avec les éléments soumis par l’enfant. En effet, dans une décision de la
Cour d’appel de Nancy, 3e chambre civile, rendue le 19 juin 20178, le Juge des enfants a supprimé le droit
de visite de la mère de l’enfant car cette dernière représentait un danger à l’égard de la mère. Cette décision
ainsi rendue fut conforme aux auditions des enfants qui faisaient état du comportement déviant de leur
mère. La grande complexité réside alors dans l’hypothèse où l’enfant tient des propos qui ne représentent
pas réellement ce qu’il pense ou ressent. Cette situation survient souvent dans les cas où le parent
instrumentalise l’enfant. Il ressort ainsi de ce régime obligatoire, que le poids de la parole de l’enfant
mineur pourrait être davantage pris en compte dans une procédure d’assistance d’éducatives dès lors que
le juge a conscience de la situation de danger dans laquelle est exposée l’enfant. Son intérêt, bien qu’il
soit primordial dans chaque procédure dans laquelle il est concerné, surplomberait alors tout le reste. Nous
pourrions alors parler d’une hiérarchisation de la parole de l’enfant qui tendrait à faire penser que la parole
d’un enfant en danger sera prise en compte de manière plus importante que celle d’un enfant qui ne se
situe pas dans une procédure d’assistance éducative.

Pourtant, le 14 février 2006, la Cour de cassation s’est montrée moins exigeante. Elle a considéré « qu’il
ne peut être reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir expressément expliqué pourquoi le mineur n’avait
pas été entendu au cours de la procédure dès lors qu’il ressortait des énonciations des juges du fond que
l’enfant en cause n’était pas doué de discernement nécessaire à son audition ».

Toutefois, même si l’audition de l’enfant mineur dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative
constitue une obligation pour le juge, le mineur peut également refuser de s’exprimer. Il apparaît alors
intéressant de se demander dans quelles mesures un enfant refuserait d’être entendu. Le Rapport du
Défenseur des droits paru en 2020 « Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un

8
Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 19 juin 2017 – n° 15/01025

8
devoir pour l’adulte »9 fait état d’un recensement de témoignages d’enfants. Ces derniers indiquent entre
autres « On n’a pas confiance dans le juge parce-que c’est lui qui décide. Savoir qu’on a notre avenir
entre les mains d’une personne qu’on ne connait pas, c’est dur à accepter. On a peur de dire des choses
parce qu’on dépend de lui et de ses décisions ». Il ressort indéniablement de ses paroles deux grands
éléments. D’une part, la crainte inavouée de ce que pourrait dire ou faire l’un ou l’autre des parents face
aux paroles de l’enfant. Cette crainte motive alors directement le refus de ce dernier qui préfèrera être en
sécurité sur le moment sans penser au fait qu’il puisse être en sécurité sur le long terme. D’autres part, la
crainte du juge en lui-même qui par sa figure d’autorité fait craindre l’enfant de la décision qui suivra.
Cette crainte est par ailleurs, en quelque sorte confirmée puisque le juge n’est absolument pas tenu de
suivre les souhaits du mineur et peut lui imposer une décision qu’il estime être conforme à son intérêt.
Cette difficulté directement soulevée de la bouche des enfants nécessiterait la réflexion. Une réflexion qui
permettrait aux enfants d’acquérir une confiance plus aisée à l’encontre du juge, mais également une
confiance en eux même. Il ressort de ses mots que ses enfants craignent de tout ce que ses derniers
pourraient dire. Malheureusement, il en découle parfois une absence d’audition qui aurait pu permettre au
Juge des enfants d’avoir connaissance d’éléments clé. Enfin, il est également nécessaire de notifier que le
Juge des enfants est tenu de préciser qu’il a entendu le mineur si tel est le cas mais qu’il n’est pas obligé
de faire état des sentiments de l’enfant. Il peut ou non motiver sa décision en se référant aux souhaits de
ce dernier.

Concernant la procédure d’adoption, l’audition de l’enfant est obligatoire depuis la loi du 14 mars 2016
régie à l’article 353 du Code civil. Les alinéas 1 et 2 de cet article disposent ainsi que « L'adoption est
prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie dans un délai de six mois à
compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à
l'intérêt de l'enfant. Le mineur capable de discernement est entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt
le commande, par la personne désignée par le tribunal à cet effet. Il doit être entendu selon des modalités
adaptées à son âge et à son degré de maturité. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie
le bien-fondé de ce refus. Le mineur peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son
choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation
d'une autre personne ». L’enfant alors capable de discernement doit être entendu par le tribunal ou par
une personne désignée par lui, si l’intérêt de l’enfant le commande. Cette audition permet de renforcer la

9
Rapport du défenseur des droits (2020) - Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour
l’adulte

9
participation de l’enfant à la procédure d’adoption. Par ailleurs, quand l’enfant a moins de treize ans, il ne
sera pas appelé à consentir à cette adoption en principe. Cette audition constitue donc à elle seule l’élément
probant permettant de recueillir la volonté de l’enfant. En effet, dès lors que l’enfant est âgé de treize ans,
cette adoption sera cette fois-ci subordonnée d’une audition et d’un consentement. Cependant, cette
condition de consentement pour un mineur de plus de treize ans et également lié à la présomption de
discernement. Ainsi, comme il en ressort régulièrement, certains enfants peuvent être doués de
discernement avant l’âge de treize ans. Ainsi, dans ce type de configuration, nous sommes légitimement
amenés à nous demander si le consentement à adoption d’un mineur de moins de treize ans, doué de
discernement, est-il ou non, nécessaire. Cette question a directement été posée au Juge aux affaires
familiales, Laurent DESGOUIS (cf. Annexe 1 – Question 1). Ce dernier nous a apporté la réponse
suivante : « Le consentement devant notaire sera toujours nécessaire. À partir du moment où il y a la
procédure d’adoption avec audition du mineur, on subordonne le consentement à l’enfant. Ma position
est de ne jamais faire d’audition d’office. Cependant, dans les convocations à audience, je fais indiquer
que si le mineur souhaite s’exprimer, il pourra le faire à l’audience. Soit il vient à l’audience avec les
parents biologiques et les parents adoptants et peut s’exprimer s’il le souhaite. Soit, on procède à une
audience classique via l’article 388-1 sans la présence du parent. Ce qu’il faut retenir, c’est que je ne
substitue jamais le consentement à l’audition. ». Il ressort donc de ce témoignage que certains juges vont
obligatoirement exiger le consentement devant le notaire tout en procédant à l’audition que dans le cas où
celle-ci serait demandée par l’enfant.

Concernant la procédure d’émancipation, elle est définie comme l’acte par lequel le mineur est émancipé
et n’est donc plus soumis à l’autorité parentale. Ainsi, l’article 413-2 du Code civil dispose que « Le
mineur, même non marié, pourra être émancipé lorsqu'il aura atteint l'âge de seize ans révolus. Après
audition du mineur, cette émancipation sera prononcée, s'il y a de justes motifs, par le juge des tutelles, à
la demande des père et mère ou de l'un d'eux. Lorsque la demande sera présentée par un seul des parents,
le juge décidera, après avoir entendu l'autre, à moins que ce dernier soit dans l'impossibilité de manifester
sa volonté. ». Il ressort de cet article que le juge ne peut pas prononcer l’émancipation du mineur sans
l’avoir préalablement entendu. À contrario, le juge ne sera soumis à aucune obligation d’audition dans
l’hypothèse où l’émancipation serait rejetée. Toutefois, ce type de contentieux n’est pas des plus
récurrents. À titre d’exemple, sur une étude annuelle de jurisprudences établie sur l’année 2017, aucune
décision relative à l’émancipation n’est ressortie.

Enfin, concernant la procédure de tutelle du mineur, elle est issue du Décret du 5 décembre 2008. L’article
1234 du Code de procédure civile permet désormais à un mineur âgé de seize ans révolus, de solliciter la

10
réunion du Conseil de famille auprès du Juge des tutelles. Concernant le mineur âgé de moins de seize ans
mais doté de discernement, le Juge des tutelles pourra refuser de convoquer le conseil des familles, à la
demande du mineur et par décision spécialement motivée. Ainsi, le Juge des tutelles, conformément à
l’article 1236 du Code de procédure civile, se doit d’entendre le mineur doué de discernement avant la
réunion du Conseil des familles, dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil (cf. supra).
Le mineur doué de discernement devra donc obligatoirement être entendu par le Juge des tutelles. Ce type
de contentieux est particulier puisqu’il est à la fois régi par le régime général de l’audition issu du Code
civil mais également par un régime particulier développé dans le Code de procédure civile. Toutefois,
l’audition du mineur sous tutelle ne fait pas non plus parti d’un contentieux récurrent. Une nouvelle fois,
sur une étude annuelle de jurisprudences établie sur l’année 2017, aucune décision relative à
l’émancipation n’est ressortie.

Ainsi, l’ensemble de ses contentieux sociaux imposent au juge d’auditionner l’enfant avec une
particularité récurrente, l’exigence du discernement. Nous allons maintenant aborder un type de
contentieux où l’audition de l’enfant mineur n’est plus une obligation du juge mais une faculté offerte à
l’enfant et directement soumise à sa volonté.

B- Le cas des auditions subordonnées à la volonté et au consentement de l’enfant d’être


entendu

Après s’être intéressé au régime relatif aux auditions obligatoires de l’enfant mineur, il convient
d’aborder le cas des auditions de l’enfant mineur soumises soit à une volonté (1) soit, subordonnée à a un
consentement (2).

1- La prise en compte de la volonté de l’enfant

Il émane de plusieurs textes spéciaux que le juge doit, dans certains cas, tenir compte de la volonté de
l’enfant. Concernant l’audition de l’enfant mineur dans les procédures relatives à l’autorité parentale,
l’article 373-2-11 du Code civil indique au Juge aux affaires familiales les éléments que celui-ci doit
prendre en compte. Parmi ces éléments qui vont permettre aux magistrats de statuer, il est mentionné la
prise en compte des sentiments exprimés par l’enfant mineur, dans les conditions prévues à l’article 388-
1 du Code civil. Cette disposition n’oblige pas nécessairement le magistrat à entendre lui-même le mineur
si celui-ci ne le demande pas. L’audition est donc subordonnée à la volonté de l’enfant. Dans ce cas-là, le
Juge a toutefois la possibilité de se baser sur d’autres éléments. Il arrive fréquemment par exemple que

11
l’enfant ait été auditionné dans le cadre d’une enquête sociale. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt
du 14 janvier 1998, a considéré « qu’il est satisfait aux exigences de l’article 290-3 ancien du Code civil,
lorsque le juge, qui, en l’absence de demande du mineur à cette fin, n’a pas à écarter son audition par
une décision spécialement motivée, constate que l’enfant a été entendu au cours de l’enquête sociale ».
De même que, si la demande d’audition n’émane pas directement de l’enfant mineur mais de l’un ou
l’autre des parents, celle-ci n’est pas de droit. Le juge pourra également refuser l’audition si l’enfant a déjà
eu l’occasion d’avoir des échanges dans le cadre d’expertises psychologiques ou d’enquêtes sociales. C’est
dans ce sens que la Cour d’appel de Poitiers a statué, en 4e chambre civile le 11 janvier 201710. En effet,
un enfant mineur avait, dans un premier temps, sollicité une audition par une psychologue qui lui avait été
accordée. Puis, par le biais d’un écrit quelques mois plus tard, il avait fait savoir au Juge que celui-ci
entretenait de mauvaises relations avec la compagne de son père et qu’il appréhendait de s’y rendre. Dans
ce contexte, le Juge a jugé inutile de procéder à une deuxième audition de l’enfant, d’autant plus que cette
audition n’avait pas été directement sollicitée par l’enfant.

Vient ensuite le cas particulier de la demande d’audition formulée par l’enfant mineur dans le cadre du
divorce par consentement mutuel extra-judiciaire. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la
justice du 21e siècle a permis l’entrée en vigueur de l’article 229-1 du Code civil. Cet article prévoit ainsi
l’impossibilité d’office du recours au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée
contresigné par avocats dans l’hypothèse où l’enfant mineur des époux, doué de discernement et informé
par ses parents de son droit d’être entendu, sollicite une audition. Dans cette hypothèse, le Juge aux affaires
familiales devra auditionner l’enfant et la procédure de divorce par consentement mutuel sera
obligatoirement judiciaire. L’enfant mineur doit donc remplir un formulaire où il indique s’il souhaite ou
non être entendu par le juge. À l’intérieur de ce formulaire est également précisé à l’enfant mineur qu’il
peut être assisté par un avocat lors de son audition. Ainsi, il pourra être entendu seul, en présence d’un
avocat ou en présence de la personne de son choix. Le formulaire vient également préciser à l’enfant
mineur que ses deux parents auront, à l’issu de cette audition, un compte rendu de celle-ci. Il convient par
ailleurs de précise qu’en vertu de la Circulaire de 2016, la signature du mineur sur ce formulaire n’est pas
prévue à peine de nullité. L’ensemble de ce dispositif a donc été jugé conforme à la Constitution dans une
décision rendue le 17 novembre 2016. Dans le cas où l’enfant mineur du couple ne souhaite pas être
entendu, la convention de divorce enregistrée par le notaire devra comporter une mention indiquant que
le mineur a été informé par ses parents de son droit d’être entendu par le juge dans les conditions prévues
à l’article 388-1 du Code civil et qu’il ne souhaite pas y recourir. Dans son Rapport de 2020, le Défenseur

10
Cour d'appel, Poitiers, 4e chambre civile, 11 janvier 2017 – n° 16/00166

12
des droits a émis une proposition concernant l’information de l’enfant de son droit d’être auditionné. Cela
ne tient donc pas uniquement au cas du divorce par consentement mutuel mais il convient de l’aborder.
En effet, il est énoncé qu’il serait judicieux, dans le but d’éviter une manipulation éventuelle des parents
ou encore, dans le but de palier une omission éventuelle de la part de ses derniers, de s’assurer que l’enfant
ait été informé. Pour cela, le Défenseur des droits propose qu’un enfant mineur doué de discernement et
donc d’un certain seuil de maturité et de compréhension, puisse être directement et personnellement
informé par le greffe de son droit d’être entendu. Cette possibilité permettrait d’assurer réellement
l’information du mineur et accroit le nombre d’audition.11 Dans le cadre de différentes questions posées
au Juge Laurent DESGOUIS, son avis sur cette proposition a été sollicité. 12Ce dernier ne semblait pas
vraiment d’accord avec cette proposition. Il indique notamment que dans la mesure où le greffe informerait
l’enfant par le biais d’un courrier, les parents pourraient tout à fait être en mesure d’ouvrir le courrier à sa
place. Ainsi, dans une telle configuration, le fait d’être informé directement par le greffe ne changerait pas
trop les modalités actuelles puisque les parents seraient en mesure de faire taire l’information. Pourtant,
en Belgique, l’enfant de plus de 12 ans est informé par le juge de son droit d’être entendu, au moyen d’un
courrier qui lui est adressé et dans lequel les modalités d’une éventuelle audition sont détaillées. Par
ailleurs, Monsieur DESGOUIS expose qu’il n’a jamais fait face à une situation dans laquelle les parents
ont indiqué d’office que l’enfant refusait l’audition, ce qui laisserait présager une instrumentalisation. Il
conclut ainsi en énonçant que cette réforme serait difficilement applicable en pratique.

Le cas de l’enlèvement et opposition de l’enfant à son retour est également un contentieux où la volonté
de l’enfant d’être auditionné est requise. La Convention de la Haye du 25 octobre 1980 relative aux
enlèvements internationaux d’enfants permet à l’autorité administrative ou judiciaire compétente pour
ordonner son retour, de ne pas prendre cette décision lorsque l’enfant refuse de retourner dans son pays
d’origine. En effet, l’article 13 al 2 de cette Convention dispose que « L’autorité judiciaire ou
administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à
son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette
opinion ». Une nouvelle fois, cette expression de volonté sera conditionnée à un âge et à une maturité
suffisante appelés le discernement. La Cour de cassation semble cependant faire une interprétation
restrictive de cette disposition en reconnaissant ainsi une portée limitée à l’opposition de l’enfant à son
retour. En effet, la Cour considère que « la seule opposition de l’enfant ne peut justifier le rejet de la
demande de retour ». Cependant, cela est à nuancer puisque dans une décision du 14 mars 2018, la Cour

11
Rapport du Défenseur des droits, 2020, Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour
l’adulte.
12
Annexe 1 – Questions pour Monsieur DESGOUIS

13
de cassation rejette le pourvoi contre un arrêt d’appel ordonnant le retour de l’enfant au motif que « malgré
le refus exprimé par l’enfant âgé de dix ans, son retour auprès de sa mère en Espagne ne l’exposerait pas
à un danger physique ou psychique, ni ne le placerait dans une situation intolérable. » Nous pouvons
alors légitimement nous demander quel poids est réellement accordé au refus de l’enfant de retourner dans
son pays d’origine. La Cour de Strasbourg avait adopté dans l’arrêt Raw c/ France, le 7 mars 2013, la
position selon laquelle, même si l’opposition de l’enfant à son retour doit être prise en compte, celle-ci ne
fait pas nécessairement obstacle au retour. La Cour était alors venue réaffirmer cette position dans l’arrêt
Gajtani c/ Suisse, le 9 septembre 2014, en affirmant que « l’article 13 al 2 de la Convention de la Haye
n’impose nullement aux autorités nationales d’entendre l’enfant ni, en cas d’audition, de suivre son
opinion ». Puis, en 2018, dans l’arrêt M.K. c/ Grèce, la Cour de Strasbourg est venue rendre une décision
totalement différente. Elle revient sur sa position pour qualifier « le refus exprimé par l’enfant discernant,
de motif légitime de refuser le retour ». Dans cette jurisprudence, la Cour décide de baser sa décision sur
l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette notion très importante dans notre législation, a vocation à commander
parfois, que l’enfant ne soit pas séparé du parent avec lequel il se trouve au moment du litige ou, qu’il ne
soit pas retourné au parent qu’il réclame. Il en résulte que ce contentieux dénote une certaine complexité
siégeant entre le respect des conditions énoncées par la Convention de la Haye et le respect de la volonté
exprimée par l‘enfant.

2- Le recueil obligatoire du consentement de l’enfant

Dans le cadre d’un changement de nom, de prénom ou d’une adoption, au-delà d’une audition, il sera
exigé que l’enfant donne son consentement. Le consentement de l’enfant mineur implique une véritable
prise de position vis-à-vis d’une décision qui le concerne personnellement. Dans ce contentieux, le mineur
n’est pas simplement concerné par la procédure, il en est parti. La législation française est donc venue
imposer que l’enfant âgé de 13 ans et plus, soumette son consentement, en plus de procéder à son audition.
Cette exigence de consentement repose ainsi directement sur la présomption de discernement de l’enfant,
quasiment irréfragable à partir de 13 ans. Malheureusement, ce seuil d’âge a fait l’objet d’un certain
nombre de critiques. 13 Il en ressort que pour la plupart des enfants concernés par la procédure d’adoption,
ses derniers sont âgés de moins de 13 ans. Puisque le consentement n’est exigé que pour le mineur âgé de
minimum 13 ans, plusieurs auteurs ont ainsi tendance à affirmer qu’en deçà de ce seuil, l’adoption du
mineur pourrait avoir lieu, contre son gré. Pour autant, ses dires doivent être nuancés puisqu’il semblerait
que certains Juges, comme Monsieur Laurent DESGOUIS par exemple, soumettent l’adoption à un
consentement devant le notaire, dans tous les cas. Par ailleurs, la notion de discernement est relativement

13
J. Rubellin-Devichi, « Réflexions pour d’indispensables réformes en matière d’adoption », D. 1991. Chron. 209

14
subtile et ainsi, certains enfants âgés de moins de 13 ans seront entendus et leur consentement sera exigé.
En effet, le discernement ne se limitant point à un âge, il est important pour les juges d’évaluer la
compréhension et la maturité de chaque enfant. Ainsi, en matière d’adoption, le vice de consentement ou
l’absence de consentement pourra entrainer la nullité de la décision. Grâce à la jurisprudence, il a été
possible de pallier l’impossibilité pour un mineur de plus de 13 ans mais non doué de discernement, de
pouvoir disposer d’un administrateur ad hoc pour qu’il puisse apprécier l’intérêt du mineur et donner le
consentement à sa place. 14

C- L’étude statistique de la proportion des décisions contenant une audition de l’enfant

Dans le cadre de l’étude du régime de l’audition de l’enfant mineur, j’ai procédé à une étude
jurisprudentielle sur l’année 2017 de cinquante décisions de Cour d’Appel. Cette étude a été effectuée
dans le but de déterminer dans quelle proportion l’audition de l’enfant mineur apparaît dans chaque
contentieux. Par la suite, cela m’a permis de déceler la proportion des décisions rendues en conformité
avec le souhait exprimé par le mineur et la proportion dans laquelle la décision ne reflète pas forcément la
volonté exprimée par l’enfant mineur. Il ressort de cette étude que le contentieux qui revient le plus est
celui relatif au Juge aux affaires familiales dans le cadre de l’attribution de la résidence et/ou du droit de
visite et d’hébergement. En effet, sur l’ensemble des décisions, trente de celles-ci ont porté sur ce litige.
Vient ensuite le contentieux relatif à l’assistance éducative (huit décisions) puis à l’exercice de l’autorité
parentale. Enfin, nous retrouvons dans les mêmes proportions le contentieux relatif aux divorces, à
l’adoption et au changement de nom et de prénom. Nous pouvons également observer qu’aucune décision
n’a été rendue sur cette année-là, en termes de tutelle, d’enlèvements d’enfants et d’émancipation.

Proportions des décisions rendues sur l'année 2017


2% 2%
16% 8%

2%

70%

Autorité parentale Résidence / DHV


Divorces (contentieux et non contentieux) Assistance éducative
Adoption Changement de nom et de prénom

14
Dalloz action Droit de la famille – Chapitre 235 – Audition du mineur

15
Grâce à ces premières données, il m’a été possible d’étudier dans quelles proportions les décisions étaient
conformes avec les volontés exprimées par l’enfant mineur. Il ressort ainsi de cette seconde étude que plus
de la moitié des décisions rendues sont en adéquation avec le sentiment exprimé par l’enfant mineur. Dans
12% des cas, les décisions seront contraires à la volonté de l’enfant. Enfin, dans 18% des cas, le juge a
procédé à un refus d’audition. Ce dernier étant soit, directement motivé par l’absence de discernement
soit, car l’audition avait été demandée par l’un des parents et qu’elle n’apparaissait pas opportune soit,
parce-que l’enfant avait déjà été auditionné auparavant et qu’une nouvelle audition n’apparaissait pas
nécessaire.

Proportions des décisions conformes ou non


conformes aux dires de l'enfant mineur
18%

12%

70%

Conformes Contraires Refus d'audition

Après s’être intéressé au régime juridique interne de notre droit français relatif à l’audition de l’enfant
mineur, il convient d’étudier de manière plus approfondie les conditions s’afférant à cette audition.

SECTION 2 – LES CONDITIONS DE L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR

Dans le régime général de l’audition de l’enfant mineur issu de l’article 388-1 du Code civil, le Juge aux
affaires familiales peut refuser d’entendre un enfant qui le demande, uniquement dans l’hypothèse où il
ne satisfait pas aux exigences relatives à son audition. Ses conditions sont au nombre de trois, le
discernement (Paragraphe 1), la procédure en cours (Paragraphe 2) et la demande d’audition à l’initiative
de l’enfant (Paragraphe 3).

16
PARAGRAPHE 1 - LE DISCERNEMENT

A- La notion de discernement

L’article 388-1 du Code civil rappelle dans son premier alinéa que « Dans toute procédure le
concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son
intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la
personne désignée par le juge à cet effet. ». Toutefois, le discernement en lui-même ne fait l’objet d’aucune
définition dans le Code civil. Notre langue française définie alors cette notion comme « La capacité de
l’esprit à juger clairement et sainement les choses ». La circulaire de la Chancellerie du 3 mars 1993 a
également tenté d’apporter une définition de cette notion de discernement. Elle précise ainsi que « le juge
doit prendre en compte différents paramètres tels que : l’âge, la maturité et le degré de compréhension
pour apprécier si le mineur était discernant et devait être entendu ». Le souci étant que les notions de
maturité et de degré de compréhension ne sont pas vraiment plus explicites. C’est pour cela que la plupart
des juges ont tendance à prendre en compte le contexte global de l’affaire. La difficulté qui peut donc être
soulevée est celle de l’absence de seuil d’âge légalement imposé. À la différence du droit pénal où, le
nouveau Code de la justice pénale des mineurs dispose à l’article L.11-1 que « les mineurs de moins de
13 ans sont présumés dépourvus de capacité de discernement », le droit civil laisse libre appréciation aux
juges. C’est pour cela qu’il ressort des différentes Cour d’appel que le seuil retenu n’est pas toujours le
même. À titre d’exemple, la Cour d’appel de Grenoble retient l’âge de 10 ans en tant que seuil. Dans son
rapport de 2008, Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles 15, le Défenseur des droits
constatait un écart d’âge très important entre les différentes juridictions. Il ressortait de ce rapport que
certaines Cour d’appel attribuaient le discernement à des enfants de 7 ans lorsque d’autres ne l’attribuait
pas à des enfants de moins de 12 ans. Cette disparité s’observe également à l’échelle internationale. En
effet, la Chambre des Lords a indiqué « qu’un enfant de 7 ans peut mal comprendre la situation et n’avoir
qu’un sens limité de son intérêt supérieur ». A contrario, en droit allemand, l’audition de l’enfant mineur
est systématique et elle n’est absolument pas conditionnée au discernement. Un enfant de 3 ans pourrait
donc parfaitement être entendu par le juge allemand.

Ainsi, le critère du discernement va conditionner, en partie, l’accès du mineur à l’audition. L’absence de


discernement entrainera donc, automatiquement, l’irrecevabilité de la demande. Cette notion de
discernement apparaît également au sein de l’article 12 de la CIDE qui dispose à l’alinéa 1 que « Les États

15
Rapport du Défenseur des droits, 2008, Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles

17
parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion
sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à
son âge et à son degré de maturité ». En effet, outre le caractère de condition, cette capacité de
discernement doit être perçue comme un élément qui va permettre de s’assurer que l’enfant pourra
exprimer son opinion de manière libre. Cette notion de discernement a fait preuve d’une évolution
jurisprudentielle puisque, n’étant pas défini au sein de Code civil, il n’y avait pas de critères, à proprement
parler, permettant aux juges de les guider dans leur appréciation. Il faut ainsi retenir que le discernement
ne doit pas être confondu avec l’âge de l’enfant. La Cour de cassation attache une particulière importance
à le rappeler. C’est ainsi que, dans une décision du 18 mars 2015, la Cour de cassation énonce que « Le
discernement ne doit pas être confondu avec l'âge de l'enfant et qu’en se bornant à se référer à l'âge du
mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de discernement, et par un motif impropre à
justifier le refus d'audition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. » 16 De plus, le mineur
auprès duquel il a été établi qu’il était doué de discernement, doit être informé de son droit d’être entendu
et d’être assisté d’un avocat. Dans l’hypothèse où le juge refuserait alors l’audition de l’enfant estimant
que ce dernier n’est pas doué de discernement, aucun recours n’est ouvert si la demande émane du mineur.
Si la demande d’audition émane des parties, un recours sera possible dans les conditions prévues par les
mesures d’instruction (Article 338-5 du Code de Procédure civile). Dans le cadre particulier du divorce
par consentement mutuel, le défaut de discernement vient supprimer l’obstacle du divorce judiciaire.
Ainsi, un enfant qui n’est pas doué de discernement, même s’il en fait la demande au juge, ne pourra pas
être auditionné par celui-ci. Cette situation permet désormais aux parents de l’enfant de procéder à un
divorce par consentement mutuel sans passer devant le juge.

B- La mise en œuvre du discernement

Après avoir abordé la notion de discernement il est important de s’intéresser à la mise en œuvre de celui-
ci. En effet, en l’absence d’une mesure particulière, ou dans le cas où la demande de l’enfant ne permet
pas d’évaluer son discernement, le juge aura un premier réflexe tendant à se référer à l’âge du mineur.
D’après une étude effectuée en 2014, à partir de 250 décisions de Cour d’appel, trois tranches d’âge sont
principalement ressorties 17. Il ressort ainsi de cette étude qu’en dessous de dix ans, les enfants sont
rarement entendus puis, entre dix et douze ans, les juridictions apparaissent partagées et au-delà de douze
ans, l’audition est de principe. Cette étude révèle ainsi que la totalité des mineurs âgés de plus de quatorze
ans ont été reconnus doués de discernement et ont été entendus. Il ressort également que les enfants âgés

16
Civ., 1re, 18 mars 2015, n°14-11.392
17
L. Briand, L’audition du mineur devant le JAF : examen des arrêts d’appel, AJ Famille 2014. 22

18
de moins de six ans ne pourraient jamais être entendus, faute de discernement. C’est à partir de sept ans
que les avis diffèrent. En effet, dans un arrêt du 27 mai 2014, la Cour d’appel de Rennes a refusé d’entendre
un enfant âgé de neuf ans et demi. A contrario, dans un arrêt du 26 mai 2014, la Cour d’appel de
Montpellier avait affirmé que « la fillette n'est âgée que de sept ans et trois mois mais elle fait preuve d'une
bonne maturité pour son âge et elle est capable de discernement. Il résulte d'autre part de son audition
qu'elle ne paraît pas être dans un conflit de loyauté ou faire l'objet d'une manipulation de la part de l'un ou
de l'autre de ses parents ». Il ressort de ces décisions que si les juges n’étaient amenés à se baser que sur
l’âge de l’enfant, il en découlerait une certaine inégalité vis-à-vis de la prise en compte de la parole de
l’enfant. C’est pour cela qu’à travers plusieurs décisions, les juges de la Cour de cassation démontrent
qu’il est impossible de se contenter de la simple référence à l’âge de l’enfant. Ainsi, dans une décision du
18 mars 2015, la Cour de cassation a énoncé que « pour rejeter la demande d'audition présentée par
l'enfant, l'arrêt retient, d'une part, que celui-ci n'est âgé que de neuf ans et n'est donc pas capable de
discernement, d'autre part, que la demande paraît contraire à son intérêt ; Qu'en se déterminant ainsi, en
se bornant à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de
discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale ».18

À travers ses décisions, la Cour de cassation tente d’illustrer qu’il faut sanctionner les juges qui
confondraient le discernement avec l’âge de l’enfant et qu’il est nécessaire de tenir compte d’autres
critères. Il peut notamment être fait mention de l’indépendance de l’enfant à l’égard de ses parents. Dans
son rapport de 2020, le Défenseur des droits a émis une recommandation à propos du discernement au
garde des Sceaux. Il sollicite une réforme de l’article 338-4 du Code de procédure civile par voie
règlementaire afin que l’audition de l’enfant qui demande lui-même à être entendu dans une procédure le
concernant, soit de droit, sans qu’il ne soit plus fait référence à sa capacité de discernement. Il semblerait
que cette recommandation revête à la fois de bons éléments mais également de critiques à prendre en
compte. Il ressort d’autres États tels que l’Allemagne qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’évaluation
du discernement de l’enfant pour mettre en place son audition. Cette façon de procéder conduit à une plus
grande prise en considération de l’opinion de l’enfant. Dès que la demande serait faite de sa part, ce dernier
se voit automatiquement auditionné par le juge et cela peut permettre à l’enfant de se sentir rassuré,
entendu et compris. D’un point de vue contraire, il faut nuancer cette proposition. En effet, un très jeune
enfant peut voir son discours changer à plusieurs reprises. Dans un pareil cas, son audition risque de ne
pas être prise en compte voir même, discrédité. De plus, en droit français, l’enfant est considéré comme

18
Civ., 1re, 18 mars 2015, n°14-11.392

19
une personne vulnérable. Il existerait alors un grand risque que ses derniers se fassent manipuler et/ou
influencer par leurs parents. Dans le cadre de ce rapport, j’ai sollicité l’avis de Monsieur Laurent
DESGOUIS19 au sujet de cette proposition. Ce dernier m’a alors indiqué qu’Il n’a jamais refusé l’audition
d’un enfant un peu plus jeune (8-9 ans) sous prétexte qu’il avait moins de dix ans. Cela dit, il expose le
fait que lors d’une audition d’un enfant trop jeune, il risque de ne ressortir de l’audition qu’une « mise en
difficulté de l’enfant », qui empêchera, de surcroit, d’obtenir des informations utiles. Monsieur Laurent
DESGOUIS serait plutôt ouvert à une audition de droit pour tous les mineurs doués de discernement, tout
en soulevant que cette possibilité se heurterait à un manque de magistrats.

Il découle de l’ensemble de ce développement que le discernement occupe une place prépondérante dans
la notion d’audition de l’enfant mineur. Après avoir abordé la notion même puis, sa mise en œuvre, il
convient d’aborder désormais son appréciation.

C- L’appréciation du discernement

Comme susmentionné, en droit français, il est question d’apprécier le discernement d’un enfant, dans
le but de savoir si son audition sera possible ou non. Il convient alors de parler d’appréciation subjective
qui est différente de celle en droit pénal. En effet, en droit civil, le discernement d’un enfant ne peut être
conditionné qu’à l’âge du mineur. Le discernement ne va donc pas s’analyser en fonction de l’âge mais
en fonction d’autres paramètres tels que, le degré de maturité. La circulaire du 3 mars 1993 relative à
l’application de la loi du 8 janvier 1993 se référait ainsi au degré de compréhension et à la maturité de
l’enfant mineur. Cette mission visant à vérifier le degré de maturité de l’enfant peut s’avérer complexe.
D’autant plus que dans certains contentieux, il sera possible de faire face à un enfant présentant une
maturité importante. Pourtant, ce dernier pourra tout de même se faire instrumentaliser par l’un de ses
deux parents. Dans de telles situations, le juge donne la parole à des enfants qui ne feront état que de dires
qu’on leur a malheureusement demandé de transmettre.

Dans le cadre de l’enlèvement illicite d’enfant, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 12 avril
2022 que « l’appréciation du discernement de l’enfant susceptible d’être entendu relève de l’appréciation
souveraine des juges du fond ». Dans cette décision, les juges de cassation viennent alors indiquer quels
sont les éléments que les juges du fond doivent prendre en considération pour apprécier le discernement.
La Cour de cassation a donc indiqué que le discernement devait être apprécié « au regard de l’objet précis

19
Annexe 1 – Question 5

20
de l’audition de l’enfant et des circonstances dans lesquelles elle intervient ». En d’autres termes, il doit
être étudié précisément ce à quoi va pouvoir servir cette audition, si celle-ci poursuit un but précis tout en
évaluant dans son ensemble la situation afin de déceler en amont si une potentielle instrumentalisation,
pourrait avoir lieu par exemple. En effet, il faut être prudent. Un lien avait été fait entre la dépendance de
l’enfant à l’égard de son ou ses parents et son discernement, notamment à travers la décision de la CEDH,
Sophia Gudrun Hansen c/ Turquie, le 23 septembre 2003. En effet, la Cour indiquait explicitement que
l’avis de l’enfant ne peut être pris en compte que s’il est exprimé dans un contexte serein excluant les
pressions du parent. Autre exemple encore, dans le cadre d’un contentieux relatif à l’autorité parentale où,
le 15 mai 2013, la Cour de cassation est venue approuver le raisonnement de la Cour d’appel. Cette
dernière avait strictement déduit le défaut de discernement d’une enfant mineure en relevant que « Eva
n’avait pas encore neuf ans et les lettres contradictoires qu’elle avait écrite à quelques jours d’intervalle
démontraient qu’elle était soumise à la pression de ses parents ».

En 2012, le Défenseur des droits indiquait en outre que les magistrats devaient faire une appréciation du
discernement au cas par cas. Il s’agit alors d’une appréciation subjective, comme indiqué supra. Cette
appréciation doit ainsi être extrêmement motivée par les juges et cela a ainsi été rappelé à plusieurs reprises
par la Cour de cassation. Récemment, la Première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcé
sur la question le 14 avril 202120. Les juges du Quai de l’Horloge ont ainsi énoncé que le fait de refuser
d’entendre un enfant au motif qu’il n’est pas capable de discernement ne suffit plus, cette décision doit
être motivée. En effet, à plusieurs reprises depuis 2007, la Cour de cassation n’a cessé de manifester sa
volonté de faire respecter le droit de l’enfant d’exprimer ses opinions dans les procédures qui le
concernent. En 2012, elle a notamment admis qu’un enfant formule une demande d’audition, quand bien
même les débats avaient été clôturés21. En 2015, elle a censuré les juges du fond pour avoir déduit du seul
âge de l’enfant qu’il n’était pas capable de discernement. 22 Dans cette décision rendue en 2021, la Cour
de cassation a fait réaliser un nouveau pas en avant. Le second pourvoi avait été formé contre l’arrêt sur
le fond qui reprochait aux juges d’avoir statué sans entendre l’enfant qui pourtant, en avait fait la demande.
Le refus des juges du fond avait été motivé par le manque de discernement de l’enfant en y ajoutant la
volonté de le préserver de tout conflit parental. Ainsi, la Cour de cassation vient rappeler que le fait de
refuser une audition d’enfant mineur, faute de discernement, doit être étayé et démontré. Ainsi, cette
solution vient confirmer la volonté de la Cour de cassation de contrôler la motivation des juges du fond.
Comme l’a justement énoncé un auteur de l’AJ famille paru en 2021, « elle vient directement participer à

20
Civ 1re, 14 avril 2021 n°18-26.707
21
Civ 1re, 24 octobre 2012 n°11-18.849
22
Civ 1re, 18 mars 2015 n°14-11.392

21
l’effectivité du droit de l’enfant de faire entendre sa voix dans les procédures judiciaires familiales le
concernant, de sorte que soient prises les décisions les plus respectueuses de ses besoins et de son intérêt
supérieur ». 23
En 2020, dans Claire Hédon, Défenseur des droits a rendu un rapport consacré à la parole de l’enfant que
nous avons déjà évoqué. Dans l’une de ses dix-sept propositions, Claire Hédon avait soumis l’idée selon
laquelle il serait opportun de supprimer le critère du discernement de l’article 339-4 du Code de procédure
civile. Blandine Mallevay, professeure et titulaire de la section de recherche « enfance et familles » au
sein de la faculté de droit de l’Université catholique de Lille a eu l’occasion de donner son opinion
concernant ses recommandations. En effet, cette dernière partage l’opinion de Claire Hédon et avait publié
au sein de l’AJ famille de 2019, un article intitulé « Audition et discernement de l’enfant devant le juge
aux affaires familiales », reprenant, globalement, les mêmes recommandations que Claire Hédon. Cette
dernière avait ainsi soulevé la volonté de mettre en place une présomption de discernement du mineur âgé
de plus de dix ans. Elle indiquait en outre que « le fait de compléter le critère subjectif du discernement
par le critère objectif tenant à l’âge de l’enfant est particulièrement opportun pour objectiver et
rationaliser l’évaluation du discernement de l’enfant, ce qui permettra de réduire les appréciations
intuitives du discernement et surtout les disparités de pratiques entre les juges aux affaires familiales. »

Ces observations permettent de constater que, bon nombre de professionnels ont à cœur de faire évoluer
cette notion de discernement. Le but étant de faire évoluer cette notion de discernement afin de préserver
coute que coute la parole de l’enfant.

PARAGRAPHE 2 - LA NÉCESSITÉ D’UNE PROCÉDURE

Au-delà du discernement, pour que l’audition du mineur puisse avoir lieu dans le respect des
conditions énoncées à l’article 388-1 du Code civil, il faut qu’une procédure soit en cours.

L’audition de l’enfant mineur doit donc avoir lieu dans le cadre d’une procédure préexistante. La seule
exception réside dans la procédure du divorce par consentement mutuel puisque, depuis 2016, si l’enfant
mineur demande à être entendu, c’est cette demande qui provoquera l’ouverture de la procédure judiciaire.
Ainsi, l’article 388-1 du Code civil impose que l’enfant soit concerné par une procédure dans laquelle il
demande à être entendu. D’après la circulaire du 1993, les décisions, les décisions prises dans le cadre de

23
AJ Famille 2021. 403 Refuser d’entendre un enfant au motif qu’il n’est pas capable de discernement ne suffit plus : les
juges doivent s’en expliquer – Cour de cassation, 1re civ, 14 avril 2021

22
ses procédures doivent avoir une incidence directe sur les conditions de vie du mineur et il faut que l’enfant
invoque des intérêts personnels. Il ressort donc de cette règle que le mineur sera entendu si l’instance est
relative à son avenir ou si encore si l’instance concerne une personne dont le devenir peut influer sur celui
de l’enfant mineur. Cette obligation de procédure en cours implique donc dans le même temps, l’intérêt
dont dispose l’enfant mineur à être auditionné. Cet intérêt est plus large encore que l’intérêt à agir. Il se
peut que dans certaines situations, l’intérêt de l’enfant à être auditionné ne soit ni concret ni juridique mais
qu’il soit tout simplement moral ou psychologique. Cet intérêt qui sera pris en compte permettra de
rassurer le mineur qui se sentira entendu et compris par le juge. La distinction entre l’intérêt à agir et
l’intérêt du mineur d’être entendu réside donc dans le fait que l’intérêt à agir exige une prétention juridique,
alors que l’intérêt du mineur n’exige qu’un lien entre l’enfant et la procédure. La condition de la procédure
et de l’intérêt sont donc intimement liés.

Cette condition relative à la procédure et à l’intérêt que présente l’enfant d’être auditionné permettre de
mettre en avant à quel point il parait important que l’enfant mineur ne se voit pas imposer une décision
sans être consulté. En effet, le mineur est perçu comme un incapable dans le droit français. Dans la mesure
où ce dernier sera dépourvu de prérogatives juridiques pour agir dans une situation qui le concerne,
l’audition lui permettra, d’une certaine façon, de participer à la procédure. Ainsi, cette codification dans
notre droit français et directement issu d’une articulation entre les articles 3-1 et 12-2 de la CIDE.

PARAGRAPHE 3 - L’INITIATIVE DE L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR

A- L’information du mineur

En vertu de l’article 338-1 du Code de procédure civile, le mineur capable de discernement est informé
par les titulaires de l’autorité parentale, le tuteur, ou la personne/service a qui il a été confié, de son droit
à être entendu. Dans certaines situations, les parents font faire le choix de ne pas informer leur enfant et
de justifier cette opposition par le fait que les circonstances de fait sont particulières. Cette situation doit
rester exceptionnelle. De fait, si les parents ne souhaitent pas que l’enfant soit entendu, ils devront
introduire une demande de dispense de notification accompagnée d’éléments venant fonder cette demande.
Le juge dispose également d’un rôle très important. Il se doit ainsi de vérifier que l’enfant mineur a bien
été informé de son droit d’être entendu. Le cas échéant, le juge peut pallier la défaillance parentale en
usant d’un autre moyen, notamment une notification directe à l’enfant de son droit d’être entendu. Cette
obligation s’inspire ainsi de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’exercice des droits de l’enfant.

23
Cette Convention vient combiner le droit de l’enfant d’exprimer son opinion dans les procédures qui le
concernent avec le droit d’être informé.

Se pose alors naturellement l’interrogation faisant suite à un enfant qui ne sollicite pas d’audition. Dans
ce type de situation, il est légitime de se demander si l’enfant à bel et bien été informé. La circulaire du 3
juillet 2009 est venue indique que : « en l'absence de demande d'audition de la part du mineur capable de
discernement, la preuve ce de qu'il a bien été destinataire des renseignements exigés par l'article 388-1
du Code civil pourra notamment être rapportée par un écrit signé des parents, mentionnant qu'ils ont
informé le mineur de ses droits et que celui-ci ne souhaite pas en faire usage. Dans le cadre des procédures
orales, le magistrat devra interroger les parties à l'audience et faire porter une mention sur ce point dans
les notes d'audience. En toute hypothèse, il apparaît nécessaire que la décision comporte une motivation
spécifique sur la question de l'information du mineur ». Il semblerait que grâce à cette circulaire, les
parents ait la possibilité de se « dédouaner » quand bien même l’information n’a pas été faite. Le doute
reste planant face à cette interrogation. En effet, il suffit donc qu’un parent atteste avoir informé son enfant
pour que les magistrats le croient. Et pourtant, il parait certains plusieurs parents doivent déjà avoir eu
recours au mensonge afin d’éviter d’envenimer certaines situations… Face à cela, la recommande du
Défenseur des droits concernant l’information devant être fait à personne, prend tout son sens.

Enfin, concernant cette information qui peut faire découler un refus d’être entendu de la part de l’enfant,
la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mai 2010 a « déduit l'information des enfants sur leur droit d'être
entendus de leur visite à un avocat (le dossier contenait une lettre de chacun des avocats des enfants). Par
ailleurs, la Cour n'impose pas au juge d'apprécier les motifs de refus des enfants d'être entendus, puisqu’il
s’agit naturellement de respecter leur droit au silence.

B- La demande d’audition

Une fois information faite à l’enfant mineur de son droit d’être entendu, il s’agit de s’intéresser à sa
demande d’audition.

La demande d’audition de l’enfant mineur peut émaner du mineur ou bien des parties. Il n’y a pas de
formalisme particulier et cette demande peut être sollicité à tous les stades de la procédure. Concernant
ma demande qui émane de l’enfant, la Cour de cassation est tout de même venue préciser dans un arrêt
datant de 2007, que « la demande d’audition du mineur doit être présentée au juge par l’intéressé. »

24
24
Concernant la demande écrite, plusieurs décisions de la Cour d’appel sont venues refuser ce type de
demande, craignant qu’elles ne soient pas directement dirigées par l’enfant. Toutefois, les effets sont
différents puisque, en vertu de l’article 338-4 du Code de procédure civile, la demande qui émane du
mineur est de droit, sauf si le mineur ne revêt pas les conditions sus évoquées. Quand la demande émane
du mineur et que le juge refuse l’audition, aucun recours n’est envisageable. Toutefois, dans l'hypothèse
où les juges du fond refuseraient d'entendre le mineur alors qu'il l'a lui-même demandé, on peut
légitimement se demander pourquoi la Cour de cassation ne pourrait pas être saisie en contestation de ce
refus. Naturellement, une question nous vient en tête. Ne peut-on pas considérer, dans le cas où le mineur
est discernant et qu’il est concerné par la procédure, que le refus de l’audition constitue purement et
simplement une atteinte à son droit d’être entendu ? Si la réponse est oui, un pourvoi en cassation fondé
sur le Code civile et la CIDE pourrait ainsi être accueillis par les juges de cassation.

La demande qui émane des parties peut se voir être refusée par le juge, sous réserve de motivation.
L’initiative de cette demande peut également émaner des parties, en d’autres termes, des parents. Face à
cette demande, le juge va bénéficier d’un pouvoir d’appréciation qui lui permet de refuser l’audition s’il
estime qu’elle n’est pas nécessaire. Il peut également faire le choix de refuser cette audition s’il estime
qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant. En effet, il faut rappeler que dans toutes les décisions impliquant
un enfant, le respect de son intérêt est primordial. En outre, les parents disposent d’un recours contre le
refus du juge qui sera soumis aux articles 150 et 152 du Code de procédure civile.

Dans tous les cas où le juge serait amené à refuser cette audition, en vertu de l’article 338-4 du Code de
procédure civile, « le mineur et les parties sont avisés du refus par tout moyen » et que « dans tous les cas
les motifs du refus sont mentionnés dans la décision au fond ».

Concernant un éventuel silence du juge, une décision du 18 mai 2005 est venue établir que l’absence de
réponse à une demande d’audition est incompatible avec le droit du mineur d’être entendu par le juge,
conformément aux articles 3-1 et 12-2 de la CIDE. Cinq années plus tard, la Cour de cassation est venue
confirmer cette position. Dans un arrêt du 15 avril 201025, les juges de la Cour de cassation sanctionne la
Cour d’appel qui n’a pas entendu un enfant dans une procédure relative à l’autorité parentale, alors même
qu’elle l’avait sollicité deux fois.

24
Civ 1re, 19 septembre 2007
25
Civ 1re, 15 avril 2010

25
Enfin, concernant le silence de l’enfant mineur. Le mineur a le droit de se taire dans la mesure où il ne
souhaiterait pas s’exprimer sur le conflit qui relis ses deux parents. Toutefois, l’article 388-1 du code civil
dispose que « lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus ». C’est
un point regrettable en l’état. En effet, cela tend à dire que le juge peut interpréter négativement le fait
pour l’enfant mineur, de ne pas vouloir s’exprimer. Ainsi, cela érige implicitement ce droit d’être
auditionnée de l’enfant en une sorte d’obligation déguisée. Ce point est ainsi critiquable et nécessiterait
sans doute un point de réforme. Il faut retenir également, que même dans le cadre d'assistance éducative
(article 1183 du Code de procédure civile) ou d'émancipation (article 413-2 alinéa 2 du Code civil),
l’enfant mineur peut refuser de s'exprimer alors même que l'audition constitue une obligation pour le juge.

PARTIE II – LES EFFETS DE L’AUDITION DE L’ENFANT


MINEUR

SECTION 1 – LE STATUT ACCORDÉ À L’ENFANT MINEUR

Dans cette partie, il s’agira de s’intéresser à l’envergure du statut qui est accordé à la parole de l’enfant
lorsque ce dernier est auditionné. En effet, comme nous l’avons développé supra, l’enfant ne dispose pas
de la qualité de partie au sein du procès. Cela amène donc à ce que ce dernier dispose d’une place
particulière. Pour autant, dès lors que nous procédons à l’audition de l’enfant mineur, sa parole doit
impérativement être entendue et prise en considération.

PARAGRAPHE 1 - UN STATUT PARTICULIER DE L’ENFANT MINEUR N’ÉTANT PAS


PARTIE AU PROCÈS

Depuis 1993, le législateur est venu affirmer que dans le cadre où le mineur est entendu alors que ses
droits ne sont pas mis en cause, ce dernier n’est pas parti à la procédure. Par la suite, la jurisprudence (4
janvier 1995) est venue affirmer à plusieurs reprises que la demande d’intervention du mineur dans la
procédure de divorce de ses parents était irrecevable. La leçon à en tirer est donc très claire : un enfant
mineur peut être entendu dans le cadre d’une procédure qui le concerne mais ne pourra pas disposer de la
qualité de partie à l’instance. Ce principe a été réaffirmé le 12 juillet 2012 par la Cour d’appel de Douai
qui est venue affirmer que « si l'article 388-1 du Code civil prévoit que le mineur peut être entendu dans

26
toute procédure le concernant, son audition ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure ; de
sorte que les conclusions de Manon X. en intervention volontaire déposées en son nom sont irrecevables ».

Toutefois, la loi de 1993 n’a pas rendu impossible toute hypothèse du mineur partie à la procédure. Grâce
à l’article 388-1 du Code civil, le mineur pourra être entendu sans préjudice de son intervention. Ainsi, il
est possible que l’enfant mineur soit, à la fois entendu et à la fois partie à une audience, comme cela est le
cas en matière d’assistance éducative.

L’originalité qu’il peut être accordée à l’enfant mineur dans la procédure, c’est qu’il est physiquement
présent mais qu’il ne bénéficie d’aucun droit d’action. L’audition de l’enfant va donc lui permettre de
donner son avis sur une situation juridique qui le concerne. Pour autant, il ne pourra être l’auteur d’aucune
action et ne pourra ni imposer ni rejeter un quelconque droit.

PARAGRAPHE 2 - LA PAROLE DE L’ENFANT RESPECTUEUSE DE GRANDS


PRINCIPES

A- La parole de l’enfant et le respect du contradictoire

Dans le cadre de l’audition de l’enfant mineur, le respect du contradictoire doit impérativement être
respecté. Le strict respect de ce principe a d’ailleurs été exigé par la Cour de cassation il y a plusieurs
années maintenant. En effet, le 3 décembre 2008, cette dernière énonçait « qu’il doit ressortir de la
décision attaquée ou du dossier de procédure que les parents des enfants ou leurs conseils ont été avisés
de l’audition de l’enfant par le juge ». Cette décision vient donc explicitement exiger que les parties à
l’instance ait pu avoir connaissance de l’audition de l’enfant, sans apporter de précision concernant la
forme. Il ressort donc de cela mais également des textes, qu’aucune transmission écrite du compte rendu
n’est exigée. Ainsi, une transmission orale du contenu général de cette audition ou, une mise à disposition
du compte rendu peut tout à fait suffire. Dans le cas où l’audition a eu lieu avant l’audience, certains
avocats prennent le parti d’expliquer aux parents les sentiments de l’enfant. Et dans certains cas, cela
conduit les parents à modifier voir parfois, à abandonner leur demande initiale. Quelques années après la
décision de 2008, la Cour de cassation a donc été amené à répondre à la question de savoir « si le fait pour
le juge de rendre compte oralement, lors de l'audience, de l'audition du mineur, à laquelle il a
généralement lui-même procédé, permet de satisfaire aux exigences du contradictoire tel que visé par
l'article 338-12 C. pr. civ. » ? C’est par l’affirmative que la Cour se prononce le 20 juin 2012. De plus, la

27
circulaire du 3 juillet 2009 était venue préciser que la nature de la procédure était sans incidence et que le
fait d’être au sein d’une procédure écrite n’empêchait nullement que le compte rendu de l’audition soit
fait de manière orale. Toutefois, il est très important pour le Juge de préciser à l’enfant que les éléments
clés de ce qu’il rapporte devront être retranscris aux parents. Ainsi, si l’enfant soulève un point dont il
refuse qu’il en soit fait état dans son compte rendu, le Juge ne pourra pas le prendre en compte lors de sa
décision. Il ne pourra donc pas non plus le retranscrire et en faire part aux parents de cet enfant. Puisqu’en
vertu du principe du contradictoire, les parties doivent avoir accès à tous les éléments, les choix de chacun
doivent être respectés et rien ne doit être outrepassé. Dans l’hypothèse où l’audition du mineur intervient
après la clôture des débats, l’audition de l’enfant qui suit conduire automatiquement à la réouverture des
débats, conformément à la circulaire du 3 juillet 2009. Ainsi, la décision de la cour d'appel qui s'est fondée
« sur les propos de l'enfant, recueillis lors d'une audition organisée après la clôture des débats, pour fixer
la résidence de celui-ci chez son père, sans avoir ni invité les parties à formuler leurs observations en
cours de délibéré sur le compte rendu qui leur était adressé, ni ordonné la réouverture des débats, n'a pas
respecté le principe du contradictoire et est cassée par la Cour de cassation dans un arrêt du
19 septembre 2019 » (Civ. 1re, 19 sept. 2019, no 18-15.633).

Une précision est à apporter dans le cas du danger de l’enfant. La circulaire du 3 juillet 2009 est venue
rappeler que si l’enfant faisait état d’un élément qui est de nature à révéler l’existence d’une infraction ou
d’un danger, le juge doit le signaler au parquet. Ce dernier mettra alors tout en œuvre pour assurer la
protection de l’enfant. Concernant l’assistance éducative, un élément particulier est également à soulever.
L’article 1187 du Code de Procédure civile permet au Juge des enfants, pour protéger l’enfant, d’écarter
une pièce du dossier lorsque celui-ci peut être consulté par les parents. Si une interprétation stricto censu
est faite à l’égard de ce texte, il semblerait que le Juge ait le pouvoir d’exclure le compte rendu de l’audition
du mineur.

Concernant la référence de l’audition de l’enfant dans la décision, le juge n’est pas tenu de respecter les
souhaits et sentiments de l’enfant. Toutefois, il lui est demandé de préciser lors de sa motivation si ce
dernier a tenu compte de l’avis de l’enfant. Le 20 novembre 1996, La Cour de cassation était venue
sanctionner la Cour d’appel d’Amiens qui n’avait pas précisé si elle avait tenu compte des sentiments
exprimés par le mineur. La décision a été réaffirmée en 2008. Les Juges de cassation indiquaient que le
Juge du fond devait prendre en compte les sentiments de l’enfant parmi les éléments fondant sa décision
et d’autre part, préciser que ce dernier a souscrit à cette obligation. Il faut comprendre ici que le principe
du respect du contradictoire relatif à l’audition de l’enfant va jusqu’au fait de poser une obligation à l’égard
du juge. Une obligation selon laquelle, « le juge doit faire part des éléments qui ont fondé sa décision et

28
au sein de ses éléments, on doit retrouver l’audition de l’enfant sans pour autant que le juge ai besoin de
mentionner les sentiments de l’enfant. » Ainsi, même si certains ne fondent absolument pas leur décision
sur la parole de l’enfant, ils n’omettent pas de préciser pour autant que ses derniers l’ont prise en compte.
Il découle de cela une certaine complexité. Il faut donc comprendre qu’un juge pourra motiver sa décision
sur des éléments autres, mais que cela n’implique pas de facto, qu’il n’a pas écouté et pris en considération
les dires de l’enfant. En définitive, le juge n’a aucunement l’obligation de statuer en conformité avec les
sentiments de l’enfant et c’est pour cela qu’il faut faire la distinction entre le fait de « tenir compte » et de
« rendre compte ».

B- La parole de l’enfant et le respect de l’intérêt de l’enfant

La notion d’intérêt de l’enfant est une notion clé en droit français, comme cela a été mentionné
auparavant. Ainsi, c’est une notion qui peut être perçue de différentes manière, soit d’un point de vue
objectif soit, d’un point subjectif. Dans tous les cas, elle est plus que respectée en droit de la famille et les
Juges n’hésitent pas à le rappeler très fréquemment dans leur décision. La notion d’intérêt de l’enfant est
un concept qui permet de préserver le bien-être et le bon développement d’un enfant. Le but étant de
renforcer le statut de l’enfant comme étant un sujet de droit. Avant d’aborder la décision qui se doit d’être
respectueuse de l’intérêt de l’enfant, il est important de faire état de l’audition en elle-même. En effet,
cette notion se doit d’être respectée dès le stade de l’audition qui est effectuée par le juge.

L’article 338-12 du Code de procédure civile dispose que « Dans le respect de l'intérêt de l'enfant, il est
fait un compte rendu de cette audition. Ce compte rendu est soumis au respect du contradictoire ». Le
texte nous indique alors que la personne qui entend l’enfant, en l’espèce, soit le Juge soit, la personne à
qui cette mission a été déléguée, doit établir un compte rend. Ce compte rendu ne doit pas être entendu
comme un procès-verbal et il n’est donc pas souhaitable que l’ensemble des dires de l’enfant, au mot près,
soit retranscris. C’est à la personne en charge de l’audition d’évaluer ce qu’il est nécessaire de retranscrire
et ce qu’il l’est moins. Il sera également nécessaire de revoir avec l’enfant ce qui a été noté afin qu’il soit
conscient de ce qui sera retranscris à ses parents. La circulaire du 3 juillet 2009 va également dans ce sens
puisqu’elle considère que « le magistrat ou le tiers ne sont donc pas tenus de rapporter in extenso les dires
de l'enfant. Il peut s'agir d'une synthèse, qui fait état de la teneur des sentiments exprimés par le mineur,
dès lors qu'ils présentent une utilité par rapport à la prise de décision du juge. » Ainsi, cette condition est
primordiale puisqu’elle va permettre de ne pas insister sur des points qui pourraient directement porter
atteinte aux relations qui unissent l’enfant et ses parents. Cela va donc permettre à l’enfant de se mettre en
confiance. Il sait que tout ne sera pas retranscris et il sait également qu’il peut avoir un visu sur cette

29
retranscription. Il peut ainsi se sentir pleinement considéré et cela permettra de diminuer l’appréhension
que certains enfants peuvent ressentir face à cette audition. En 2009, L. Francoz-Terminal a rédigé une
étude au sein de laquelle il démontrait que ce procédé permettait d’une part à l’auditeur, de s’assurer qu’il
a bien retranscris ce que l’enfant souhaitait exprimer et d’autre part, de permettre à l’enfant de se sentir
rassuré.

SECTION 2 – LE POIDS DE LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR

Après avoir abordé le statut particulier accorder à l’enfant auditionné, il convient désormais d’étudier le
poids de cette parole. Par ce terme, nous entendons ainsi la manière donc cette parole est appréhendée,
prise en compte et comment celle-ci peut être appliquée. Il en ressort nettement d’une part, une
appréhension pouvant être différente selon le litige mais également une vision des choses totalement
différente entre le point de vue du professionnel et le point de vue des enfants auditionnés.

PARAGRAPHE 1 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT : MYTHE OU


RÉALITÉ ?

Claire Hédon, Défenseur des droits énonçait dans son Rapport paru en 2020 que « Pour se convaincre
de la nécessité de prendre en compte la parole de l'enfant, il suffit de regarder ce que sa négligence
emporte comme conséquences »

Au regard des premières sources dont il a été fait mention, elles ne font pas toutes état de la manière dont
doit être appréhendée cette parole. La CIDE, au sein de son article 12 alinéa 2, précise que les « opinions
de l’enfant doivent être dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ».
Cet article fut très important puisqu’il a permis de reconnaître pour la première fois l’enfant comme un
sujet de droit qui est capable de se forger sa propre opinion. Le Règlement Bruxelles II bis lui, ne vient
fournir aucune précision quant au poids que l’on doit donner à la parole de l’enfant. La Convention de la
Haye elle, prône la mise en place d’un mécanisme d’appréciation particulier en matière d’enlèvement
d’enfant, que nous avons déjà étudié au préalable. Puis, la Cour de cassation elle, refuse que le juge délègue
son pouvoir décisionnel en matière de fixation du droit de visite et d’hébergement à l’accord de l’enfant.
26
Elle a donc rappelé à plusieurs reprises que le juge ne devait pas uniquement fonder sa décision sur
l’accord ou non de l’enfant. Cette obligation, Monsieur Laurent DESGOUIS, Juge aux affaires familiales

26
Civ, 2e, 7 octobre 1967 n°86-15.026

30
l’applique strictement. Lors d’un entrevu passé avec ce dernier au sein duquel j’ai pu lui poser plusieurs
questions, j’ai souhaité lui demander son avis sur la pratique. Je lui ai ainsi posé la question suivante :
« Pensez-vous que dans la pratique nous pouvons réellement parler du poids de la parole de l’enfant ou
n’est-ce qu’illusion car, bien que les procédures d’auditions soient respectées quand elles sont
obligatoires, les juges n’en tiennent pas suffisamment compte ? » Ce dernier m’a alors fait état de sa
pratique et de sa manière de fonctionner et surtout de penser. Manière qui, finalement, rejoint parfaitement
le courant de pensée préétablie par les Juges de cassation. Ainsi, au cours de notre échange, Monsieur
DESGOUIS m’explique qu’il tient compte, dans chacune de ses décisions, de la parole de l’enfant. Pour
autant, ce dernier ne motive jamais sa décision sur cette parole. Il m’affirme alors que dans tous les cas,
dans la pratique, chaque juge tient évidemment compte de cette parole. Ainsi, il aborde le fait que très
souvent, il va échanger avec des enfants de bonne foi et qu’il est tout de même très rare que ses derniers
soient instrumentalisés. Lorsqu’il doit rendre sa décision, il ne la fondera pas sur cette audition pour autant,
celle-ci lui permettra de voir si, dans le dossier, les choses semblent correspondre ou pas, avec les dires de
l’enfant. Cela va donc lui permettre de voir s’il semble être sur la bonne voie ou si une remise en question
est nécessaire. Par ailleurs, il m’indique que ce moment d’audition est un instant important qui lui permet
par la même occasion de faire comprendre à l’enfant que sa parole est très importante mais que ce n’est
pas sur cela qu’il fondera sa décision. Il adaptera son discours en fonction de l’âge mais fera toujours état
de transparence face à eux. Ce procédé est alors très intéressant et rejoint une idée précédemment
développée selon laquelle il est primordial de faire la distinction entre « tenir compte » et
« rendre compte ». De prime abord, j’ai pu penser face à ce discours, que l’audition ne semblait donc
n’être qu’un simple « procédé », une simple étape visant à respecter un formalisme ordonné par la loi. J’ai
ainsi cru que la parole de l’enfant était oubliée et qu’elle revêtait une simple obligation. Par la suite, j’ai
pris du recul sur cet argument et j’ai tenté de comprendre ce mécanisme si particulier. Il vise effectivement
à entendre un enfant mais à ne jamais lui faire porter le poids d’une décision qui pourrait ainsi créer un
sentiment de culpabilité chez ce dernier. Quand bien même, la motivation ne sera pas basée sur cette
audition et que parfois même, elle ira à l’encontre des sentiments de l’enfant, cela n’implique jamais que
le Juge ne l’a pas écouté et entendu. L’appréciation que fait Monsieur DESGOUIS est étroitement liée à
une pratique qui lui est propre. Ce dernier est en effet un grand partisan de l’audition de l’enfant qui se
déroule après l’audience. Je lui ai alors demandé de nous préciser cette pratique et de nous en expliquer
les contours. Ce dernier m’indique alors qu’il essaye au maximum de procéder à l’audition de l’enfant
après l’audience. Pour lui, le fait d’avoir eu une lecture du dossier permet d’entendre l’enfant avec des
questions précises. Il énonce par ailleurs qu’entendre un enfant avant, dans le cadre d’une procédure orale,
conduirait à avoir un dossier vide. Monsieur DESGOUIS fait alors état d’un certain « malaise » lorsqu’il
doit interroger un enfant sans même savoir de quoi il en retourne. En effet, cela va conduire à une posture

31
beaucoup délicate. Il conclut en m’indiquant que grâce à cette façon de faire, il aura la faculté de voir si
le conflit s’est apaisé ou accentué, si un accord a pu aboutir ou non. Cette pratique est alors étroitement
liée avec sa manière d’appréhender la manière dont l’audition doit être utilisée.

Malheureusement, il ressort indéniablement du Rapport du défenseur des droits de 2020 « Prendre en


compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour l’adulte » que, du point de vue de
l’enfant en lui-même et plus précisément, de la société, cette parole parait ne pas être prise en compte. Il
ressort effectivement de ce rapport que la parole des enfants n’est pas systématiquement considérée dans
les procédures judiciaires. D’après ce rapport, les enfants ne se sentiraient pas suffisamment en confiance
auprès des professionnels qui les auditionnent. Différents enfants qui ont eu l’occasion d’être interrogés
dans le cadre de ce rapport ont pour certains témoignés que « souvent, l’avis de l’enfant ne compte pas
pendant un divorce. Nous ne sommes pas assez écoutés par les magistrats ou sur des sujets qui concernent
notre propre vie » C’est là toute la complexité de l’appréhension de la parole de l’enfant. Du fait de leur
jeunesse, ces derniers pensent que leur volonté doit être entendue et appliquer par l’interlocuteur qui
l’écoute. Ainsi, si un enfant fait état du fait qu’il ne souhaite plus voir l’un de ses parents et que lors de la
décision de justice, un droit de visite classique est mis en place, ce dernier peut se sentir incompris. C’est
à cet instant que l’explication de Monsieur DESGOUIS prend tout son sens. L’enfant auditionné pense
légitimement que s’il demande à être auditionné, ses souhaits seront appliqués. Malheureusement,
certaines situations plus complexes que d’autres conduisent à ce que le respect strict du souhait de l’enfant
ne puisse aboutir. Puisqu’en effet, parfois, le souhait de l’enfant peut ne pas être dans son intérêt.

L’article 388-1 du Code civil ne précise pas quel poids le magistrat doit accorder à la parole de l’enfant.
Cela implique alors que le juge est soumis à un pouvoir d’appréciation souverain et que selon le juge, le
poids donné à la parole sera différent. Il en découle donc que dans certains cas, le poids accordé sera peut-
être dérisoire alors que dans d’autres cas, il sera omniprésent. Lorsque le juge évalue cette audition, il doit
prendre en compte l’intérêt de l’enfant. C’est pour cela que dans certaines situations, l’avis émis par
l’enfant ne sera pas pour autant respecté car il ne sera pas en adéquation avec son intérêt. Alors, même si
l’article 373-2-11 du Code civil prévoit que le juge doit prendre en compte les sentiments de l’enfant, la
balance avec son propre intérêt doit être faite. Comme indiqué supra, prendre en compte les sentiments
de l’enfant ne conduira pas forcément le juge à s’y conformer. Dans certaines décisions, le souhait de
l’enfant viendra préciser la décision du juge. Cette audition pourra constituer un élément à part entière
venant étoffer la décision du juge. Et puis, dans d’autres cas, les sentiments de l’enfant vont constituer un
élément qui vient conforter l’analyse que s’était faite le juge et qui visera à ne pas abonder dans le sens de
celui-ci. En outre, il est tout de même important de souligner que le mineur qui a le droit d’être entendu

32
dispose également et bien évidemment du droit de ne pas exercer son droit. Un enfant ne sera donc
auditionné que dans la mesure où ce dernier l’accepte, en particulier dans l’hypothèse où la demande
d’audition émane initialement, des parents. Une critique est tout de même à apporter à cette situation.
L'article 388-1 du code civil dispose alors que « lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie
le bien-fondé de ce refus ». Cette disposition parait incohérente. En effet, s’il est important de respecter le
droit de l’enfant d’être auditionné et que ses dires soient pris en compte, il parait important dans le sens
contraire, de respecter le fait que le parent ne souhaite pas s’exprimer. Le refus de cet enfant doit pouvoir
être interprété à l’égard de son propre intérêt et non à l’égard de l’intérêt de ses parents. Ce refus peut
simplement résulter d’une volonté de l’enfant de ne pas s’immiscer dans le conflit unissant ses parents.
Ainsi, utiliser ce refus à l’encontre de l’enfant mineur est une technique peu conforme à son intérêt.

D’après Claire Hédon, défenseure des droits concernant la parole de l’enfant, « dès son plus jeune âge, un
enfant à son mot à dire sur tout ce qui le concerne et sa participation doit s’inscrire, non pas en parallèle
mais dans le circuit décisionnel. » Au sein de son rapport paru en 2020, Madame Hédon a proposé
plusieurs recommandations. La troisième de ses dix-sept recommandations n’a par ailleurs point échappé
aux différents professionnels du droit de la famille. En effet, au sein de proposition 3, Madame Hédon a
fait état de la complexité relative à la notion de discernement. Les débats sont ouverts à ce sujet, et bon
nombre de professionnels sont partisans du fait de supprimer cette notion du Code civil. L’absence de
définition légale de cette définition conduit encore beaucoup trop écarts de la part des juges qui sont trop
tendance a uniquement fondée leur refus d’audition en vertu du simple âge de l’enfant. Ils utilisent alors
la notion d’absence de discernement pour justifier cela, malgré les multiples réprobations de la Cour de
cassation. D’autres praticiens trouvent également qu’imposer cette notion de discernement à un enfant
pour qu’il soit auditionné peut être perçu comme une entrave à l’audition. En effet, cela pourrait permettre
d’évincer bon nombre d’auditions et donc, de ne pas entendre ce que l’enfant a à dire. C’est pour cela que
Madame Hédon a proposé la suppression de cette notion dans le Code civil, tout en proposant également
une information personnelle effectuée par le greffe, à l’encontre de l’enfant de 10 ans et de son droit d’être
entendu. Au-delà de Madame Hédon, plusieurs autres auteurs partagent ce point de vue puisqu’en 2009
déjà, plusieurs d’entre eux exprimaient leur regret face au fait que la France ne mette pas en place un
système d’audition systématique. A ce moment-là, nous étions déjà dans une dynamique de pensée où il
était préconisé la mise en place d’un système similaire à celui de l’Allemagne. Malheureusement, les
années passent mais rien n’évolue puisque les récentes recommandations de la Défenseure des droits ont
eu lieu. Et depuis deux ans maintenant, aucune réforme législative n’a été proposée sur ce point… Cette
inaction fait ainsi penser que les avis sont encore trop divisés à ce sujet. Lorsque certains pensent que la

33
parole d’un enfant devrait être prise en compte systématiquement, d’autres préfèreraient qu’elle soit
réduite au maximum, afin de limiter le risque d’instrumentalisation. Le problème majeur à soulever n’est
autre que, tous les Juges n’ont certainement pas la même conscience. Même si nous avons pu constater
que Monsieur DESGOUIS était un professionnel rigoureux, il est légitime de se demander si tous ont la
même approche ? Même dans un contexte professionnel où les juges sont soumis à l’impartialité, je ne
peux m’empêcher de penser que les idées de certains influent forcément sur leur manière d’exercer. Ainsi,
un Juge estimant qu’un enfant n’a pas à être entendu, risque de procéder à son audition par simple
formalisme sans pour autant la prendre en compte. La question qui se pose ainsi légitimement est celle de
se demander si le problème ne réside pas finalement dans le fait que l’audition de l’enfant soit soumise à
l’appréciation souveraine du juge. En effet, alors que certains vont pouvoir fonder toute leur décision sur
cette audition, d’autres font effectivement le choix de ne pas du tout en tenir compte.

En définitive, nous revenons une nouvelle fois sur la complexité relative au fait que le Code civil soumet
le Juge a une obligation de tenir compte des sentiments de l’enfant mais que pour autant, ses sentiments
ne s’imposent pas au Juge. Pourtant, certaines législations européennes prévoient un seuil d’âge à partir
duquel la volonté de l’enfant doit être respectée par le juge. C’est le cas par exemple de la Belgique où
une mesure d’assistance éducative ne peut être mise en œuvre qu’avec l’accord du mineur à partir du
moment où celui-ci a minimum 14 ans. En Finlande également, aucune décision concernant le droit de
visite et d’hébergement ne peut être mise en exécution contre sa volonté.

PARAGRAPHE 2 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR AU


SEIN D’UNE PROCÉDURE JAF

Au sein des procédures JAF, qu’elles soient dans le cadre d’un divorce ou non, il est ressorti de cette
étude que la parole de l’enfant est perçue d’une certaine manière qui n’est pas unique à tout le contentieux.
Tout d’abord, il doit être fait état du cas du divorce par consentement mutuel qui est une procédure avec
ses propres caractéristiques depuis la réforme du divorce. Dans le cas du divorce par consentement mutuel,
le mécanisme est un peu particulier. En effet, à partir du moment où l’enfant souhaite être entendu, les
parents basculent dans une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire. Si l’enfant n’est pas
d’accord avec les dispositions qui sont prévues par ses parents à son égard, son audition pourra inciter le
juge à ne pas homologuer la convention de divorce. En effet, si le juge estime que la convention n’est pas
conforme à l’intérêt de l’enfant, il se réserve le droit de refuser son homologation. Mais cette réaction
n’est pas automatique et le juge peut aussi, a contrario, considérer que la convention est bien conforme à

34
l’intérêt de l’enfant. Donc, dans le cas où l’enfant exprime une opposition, le juge n’y donnera pas raison.
Mais cette procédure implique que les sentiments exprimés par l’enfant du couple peuvent, à l’appréciation
du juge, complètement remettre en cause la convention préétablie.

Dans le cas des procédures JAF concernant le mode de garde de l’enfant ainsi que l’éventuel droit de visite
et d’hébergement, une importante difficulté fait face concernant l’audition de l’enfant.
L’instrumentalisation d’un enfant peut causer beaucoup de difficultés dans le cadre de ses procédures et
même s’ils sont rares, les cas d’instrumentalisation existent. C’est précisément cette situation qui vient
poser d’immenses difficultés au juge lorsqu’il doit prendre une décision. Mais au-delà du juge, le cas
d’instrumentalisation n’impact pas que lui. Il peut mettre en grande difficulté l’avocat de la partie adverse
qui souvent, se sent démunie et impuissant face à des propos rapportés qui ne reflètent pas la vérité. Mais
elle peut également causé de grandes difficultés à l’égard des parties. Dans certains cas d’ailleurs, un
parent se sentant extrêmement dévalorisé et peu considéré, pourra prendre la partie de modifier toutes ses
demandes dans le but de respecter les demandes de son enfant. Le problème majeur en l’espèce, c’est que
très souvent, les sentiments exprimés par les enfants ne sont pas les bons et sont mentionnés sous la
pression de l’autre des parents voir, des deux ou d’autres membres du cocon familial. C’est en cela qu’il
est très difficile d’articuler le souhait du Juge de vouloir tenir compte de la volonté de l’enfant tout en
sachant prendre du recul sur une situation. De plus, il peut naturellement arrivé que le juge finisse par être
confronté à une situation où il n’arrive plus à être certain que l’enfant auditionné retranscris vraiment ce
qu’il ressent. Et c’est ici que toute la difficulté relative à l’audition de l’enfant réside. Elle ressemble un
peu finalement à l’intime conviction qu’il est possible d’avoir dans le cadre pénal et que l’on demande
aux jurys d’avoir. Récemment, la Cour d’appel de Versailles a donc énoncé que « si la prise en compte de
la parole de l'enfant en justice est une exigence légale, néanmoins l'audition d'un mineur ne doit pas être
instrumentalise par l'un ou l'autre des parents en l'exposant а un conflit de loyauté et en faisant de lui
l'arbitre du conflit » (Versailles, 28 mars 2019, n° 18/04749). En effet, dans ce type de contentieux, et
particulièrement au sein des procédures où les parents sont partis à l’instance, il arrive trop souvent que
ses derniers oublient la place qui doit être conférés à l’enfant. Sur ce même terrain, Maître Gauthier, avocat
au barreau de Grenoble soutenait également que, au stade de la demande d’audition de l’enfant, nous
pouvons nous demander si cela provient bien de sa propre initiative. Ce dernier dispose d’un avis assez
tranché sur la question de l’audition de l’enfant en matière familiale. Ce dernier est pour le fait d’entendre
l’enfant mais adopte la même position que Monsieur DESGOUIS, celle de l’entendre après l’audience. Il
prône le fait qu’il est essentiel de replacer l’enfant dans son rôle d’enfant qui n’est pas le rôle de partie à
l’instance. Toutefois, il émet l’avis selon lequel cette audition place l’enfant dans une mauvaise posture
puisque ce sont, dans tous les cas, les parents qui sont titulaires de l’autorité parentale. C’est donc aux

35
parents, en théorie, de prendre les bonnes décisions et non à l’enfant de choisir pour lui. C’est pour toutes
ses interrogations et difficultés qu’il a ainsi été prévue la mise en place d’une réunion d’harmonisation qui
aura lieu au Palais de Justice de Grenoble. Nous pouvons alors penser que les choses n’évolueront pas la
suite à ce sujet et que peut être, de nouvelles propositions législatives seront mises en place.

Concernant l'impact de l'audition sur le fond de la décision prise par le juge aux affaires familiales, une
étude de terrain réalisée en 2013 à Bordeaux faisait apparaître que près de 70,4 % des jugements étaient
conformes à la volonté de l’enfant. Il ressort ainsi de cette étude que la parole de l’enfant semble donc
bien être prise en compte dans la globalité si la majorité des jugements respectent leur volonté. En effet,
lors de mon étude jurisprudentielle sur des décisions de l’année 2017, il ressortait également que 70% des
décisions étaient conformes à l’audition de l’enfant. Il semblerait donc que le taux soit inchangé. Ces
résultats nous permettent de voir, que même si la pratique peut paraître douteuse parfois, statistiquement
parlant, l’enfant auditionné est globalement très souvent entendu et pris en considération.

Par ailleurs, il découle de cette étude que la Jurisprudence n’infléchie aucunement sa position concernant
la stricte motivation des juges du fond concernant les refus d’audition. De nouveau, le 16 février 2022, la
Cour de cassation énonçait que le juge qui refuse d’entendre l’enfant doit en préciser les motifs dans sa
décision. 27 En l’espèce, la Cour d’Orléans avait été sollicité par l’enfant qui avait demandé son audition
sur le fondement de l’article 388-1 du Code civil. Le juge a refusé d’entendre cet enfant et en a avisé le
conseil par courriel. Suite à cela, le juge n’a indiqué nulle part dans sa décision au fond les raisons l’ayant
conduit à refuser cette audition. La censure de la Cour de cassation était donc inévitable. Le juge du fond
avait complètement violé la loi. De nouveau, la Cour de cassation vient donc affirmer avec vigueur son
intention de contrôler rigoureusement les raisons pour lesquelles les juges pourraient refuser d’auditionner
un enfant. Il faut ainsi souligner un dynamisme sans faille de la part de la Cour de cassation où aucun
revirement de jurisprudence n’est venu s’affirmer depuis tant d’année. Au contraire, cette dernière fait
preuve de beaucoup de rigueur et semble ainsi être attaché au respect de ses dispositions et à une éventuelle
évolution légale.

Au-delà des décisions de la jurisprudence française, la Cour européenne des droits de l’homme dispose
aussi d’une certaine influence. Dans plusieurs décisions, elle est venue dessiner les contours d’une position
nuancée. Elle souhaite notamment qu’il soit pris en compte le fait qu’un enfant qui exprime ses opinions
ne doit pas être interprété comme un droit de véto. Ainsi, elle condamne dans l’arrêt A. V. c/ Slovénie

27
Civ 1re, 16 février 2022, n°21-23.087

36
(CEDH 9 avr. 2019, A. V. c/ Slovénie, req. no 878/13) « les autorités nationales qui n'ont pas déployé tous
les moyens nécessaires pour amener les enfants, âgés d'une dizaine d'années au moment des faits qui
n'avaient eu aucun contact avec leur père depuis deux ans à revenir sur leur position. » Dans le même
sens, l’arrêt R.I. c/ Roumanie (CEDH 4 déc. 2018, R. I. c/ Roumanie, req. no 57077/16) est venue
considérer que « les autorités auraient dû faire face à l’opposition des enfants, âgés de cinq et sept ans
sous l’influence de leur père de retourner auprès de leur mère ». Elle vient toutefois nuancer ces propos
avec une autre décision rendue le 18 novembre 2018, CEDH (Khusnutdinov et X c/ Russie, req.
no 76598/12). La Cour indique alors que « dès qu'un enfant arrive à maturité, les tribunaux doivent tenir
dûment compte de son opinion et de son sentiment ainsi que de son droit au respect de sa vie privée ». À
la différence des deux arrêts précédents, l'avis de la mineure, plus âgée, est analysé par la Cour comme un
avis qui correspond à ses sentiments réels. correspondant à ses sentiments réels. Alors, que faut-il retenir
de ses décisions ? À travers cette position, la Cour européenne des droits de l’homme vient démontrer que
la volonté du mineur est importante. Cette importance est ainsi exprimée par son audition. Pour autant,
jamais cette volonté ne devra primer sur l’intérêt de l’enfant. Par ailleurs, il ressort de ses décisions que
des sentiments exprimés par un enfant de 5 ans ne seront pas interprétés de la même manière que ceux
d’un enfant de 13 ans, quand bien même ce sont les mêmes. En effet, il sera très difficile de forcer un pré-
adolescent à voir l’un de ses parents si ce dernier ne le souhaite pas. Le juge peut estimer que cet enfant,
plus grand, a déjà en partie aboutie à une partie de sa construction. À contrario, il serait complètement
contraire à l’intérêt d’un très jeune enfant, de le priver de voir l’un de ses deux parents, saufs cas de danger
et de mesures d’assistance éducatives. Cette situation ressort alors de plusieurs décisions
jurisprudentielles. Dans une décision du 28 septembre 2016, la Cour d’appel de Bastia a accordé un droit
de visite en lieu neutre après avoir relevé que, lors de l’audition de l’enfant, celui-ci indiquait très
nettement ne plus souhaité voir son père mais était d’accord pour que ce dernier puisse l’appeler une fois
par semaine. En vertu de son âge du fait que ce jeune enfant ne fut pas complètement réfractaire à l’idée
de garder contact avec son père, le juge est allé à l’encontre de la volonté de l’enfant auditionné. Il résulte
tout simplement de cette position judiciaire qu’un jeune enfant, pour se construire et s’épanouir sur le plan
affectif et psychologique, a besoin de ses deux parents.

Encore une fois, les positions divergent d’une pratique à une autre. Certains juges estimeront que ce ne
sont pas les enfants qui doivent décider de leurs relations à avoir avec leurs parents. D’autres font alors
état de la difficulté d’imposer à un enfant une décision allant à l’encontre de sa propre volonté. C’est pour
cela que la pratique a mis en place une manière de contourner plus ou moins l’obstacle de la jurisprudence.
Ainsi, dans certaines décisions, les juges subordonneront le droit de visite et d’hébergement, non pas à la
volonté de l’enfant mais à la présence d’un accord entre les parents. Il existait par ailleurs, pendant de

37
nombreuses années, la possibilité de solliciter la fixation d’un droit de visite et d’hébergement uniquement
à l’amiable. Cependant, cette possibilité n’est plus depuis quelques temps. En effet, la Cour de cassation
est désormais réfractaire à cette idée et les juges du fond s’y plient. Ce type de décision paraissant trop
floue et laisse trop de libre arbitre au parent chez qui vit l’enfant. C’était alors le meilleur moyen de
contribuer au fait que les liens soient rompus entre l’enfant et l’un de ses parents. C’est pourquoi, le
contournement par lequel certains juges pouvaient passer afin d’éviter de rendre une décision contraire à
la volonté de l’enfant, ne pourra plus être utilisée désormais.

En conclusion, il découle de l’ensemble de ce développement que la prise en compte de la parole de l’enfant


en procédure familiale ne peut pas vraiment être perçue comme toute blanche ou toute noire. De nombreuses
nuances viennent dépeindre ce tableau. Il peut ainsi être retenue que globalement, les sentiments de l’enfant
sont largement entendus mais pour autant, doivent être mis en articulation avec l’intérêt de ses derniers ainsi
que la situation dans son ensemble.

PARAGRAPHE 3 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR AU


SEIN D’UNE PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

En matière d’assistance éducative, le dessein est différent d’une audition intervenant en matière JAF.
En effet, nous l’avons abordé au tout début de cette étude, il semblerait y avoir une sorte de hiérarchisation
de la prise en compte de la parole de l’enfant selon le contentieux. Dès lors que l’assistance éducative
intervient lorsque l’enfant mineur est en potentielle situation de l’enfant, il en ressort que le poids que l’on
accorde à cette parole fait bien plus l’unanimité.

A- Le poids accordé par le juge

Dans cette discipline, l’audition du mineur par le juge des enfants est prévue par les textes. L’article
1182 et 1184 du Code de procédure civil prévoient que le juge va entendre chacune des parties : les parents,
le tuteur, le représentant du service à qui l’enfant a été confié et le mineur qui est capable de discernement.
Mais dans la pratique, le magistrat a tendance à entendre tout enfant mineur concerné par la procédure,
discernant ou non. A contrario, le juge est également en mesure, en vertu de l’article 1189 du Code de
procédure civile, de dispenser l’enfant de se présenter ou ordonner qu’il se retire pendant une partie des
débats. Au sein d’une procédure d’assistance éducative, le juge est conscient que les enjeux sont
extrêmement importants. Au-delà du bien-être de l’enfant et de son intérêt, il en va très souvent de sa
santé, de sa moralité et/ou de sa sécurité. C’est pour cela que tout au long de cette étude, un ressenti a fait

38
surface selon lequel, le juge aura plus de facilités à remettre en question la parole d’un enfant dans le cadre
d’une procédure de divorce que dans le cadre de l’assistance éducative. Et pour cause, il en va de la sécurité
de cet enfant pour lequel les meilleures décisions doivent être prises.

Le cas de l’audition de l’enfant dans le cadre de l’assistance éducative est donc strictement encadré.
D’ailleurs, en octobre 2021, le Sénat avait soumis une proposition de loi dans le but d’améliorer les
garanties procédurales en matière d’assistance éducative. Parmi les différentes propositions, un article 7
visait le recours à une formation collégiale de jugement. Cet article proposait alors que le juge des enfants
statuant en matière d’assistance éducative « puisse renvoyer une affaire particulièrement complexe devant
une formation collégiale. » Cette proposition rejoint alors directement l’idée selon laquelle nous sommes
dans une sorte de hiérarchisation de la parole selon le contentieux juridique. Pourquoi ? Tout simplement
car aucune disposition législative ne propose une formation collégiale en cas de situation complexe lorsque
nous sommes dans le cadre d’une adoption, d’une émancipation ou d’un droit de visite et d’hébergement.
Hormis cette proposition, une autre, ayant été codifiée le 7 février 2022 a fait surface. Ainsi, en vertu de
l’article 375-1 du Code civil, le Juge des enfants a l’obligation de procéder à l’entretien individuel de
l’enfant capable de discernement. Il dispose alors de la possibilité de désigner un avocat pour les enfants
ayant une capacité de discernement et un administrateur ad hoc pour les enfants qui n’ont pas cette
capacité. Le juge des enfants a donc la prérogative de désigner d’office ou, à la demande du président du
conseil départemental, de demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant. Cette demande
aura donc lieux lorsque le juge estimera que l’intérêt de l’enfant le commande. Cette proposition de loi a
donc vu le jour afin de permettre à l’enfant d’être accompagné soit d’un avocat, soit d’un administrateur
ad hoc lorsque le cas le nécessite. Une fois de plus, l’audition de l’enfant dans le cadre d’une procédure
éducative va donc être strictement encadré le tout, ayant pour but de rassurer au mieux l’enfant qui va être
auditionné.

En matière d’assistance éducative, le rôle complexe du juge réside alors dans le fait qu’il doit trancher un
litige dans un contexte parfois très complexe. Il s’agit de faire primer l’intérêt de l’enfant et au-delà de
cela, de faire primer sa santé, sa sécurité, son développement et sa moralité. Dans ce type de litige, les
enfants concernés font souvent face à des comportements déviants de la part de leur parent, les plaçant
dans une situation de danger. Lors de l’audition, le juge doit donc tout d’abord tenter de rassurer du mieux
qu’il le peut l’enfant qu’il va auditionner. Il s’agit d’installer cet enfant dans une relation de confiance et
de lui faire comprendre que tout ce qu’il sera amené à dire au juge ne sera pas utilisé contre lui, mais pour
lui. Par ailleurs, le juge se doit de faire la part des choses. Il sera parfois confronté à des dires très choquants
avec pour autant, un ou des parents face à lui qui semblent différents des propos émis par leur enfant. Une

39
nouvelle fois, il semble que c’est à cet instant que le rôle du juge est très complexe : savoir faire la part
des choses et prendre la meilleure décision. Il faut que ce dernier puisse prendre la meilleure des décisions
pour l’enfant, sans que ce dernier se sente incompris ou menacé. Il arrive que dans certaines situations,
l’enfant soit sous la pression intense des parents et qu’il n’ose rien dire. À cet instant, la situation est tout
aussi complexe puisqu’il s’agit d’analyser au-delà des mots. Ainsi, une gestuelle, une mimique, une
réaction à une question ou un propos, permettra sans doute d’aiguiller le juge et de l’aider dans la prise de
sa décision.

Ainsi, il ressort de plusieurs décisions étudiées que le juge des enfants fait preuve d’écoute et d’attention
à l’égard de la parole qui émane de l’audition de l’enfant. Par exemple, dans une décision rendue par la
Cour d’appel de Paris, le 31 janvier 201728, les enfants qui avaient été entendus avaient fait état de leur
mal être et de certaines douleurs. Suite à cela, le Juge a pris la décision de ne pas modifier le droit de visite
et d’hébergement. Une autre fois, la Cour d’appel de Versailles, le 26 janvier 2017 a fait état du danger
que représentait la mère des enfants et a supprimé le droit de visite médiatisé de Madame, agrès que ses
enfants ait fait mention de leur souhait de ne plus voir leur mère.

B- Le rôle complexe de l’avocat

En matière d’assistance éducative, le rôle de l’avocat a une place et celle-ci peut s’avérer parfois complexe
dans certaines situations. En effet, lorsque ce dernier est doué de discernement, un enfant est en mesure
d’être assisté d’un avocat. Mais comme nous l’avons développé supra, le contexte de l’assistance
éducative est bien plus complexe qu’une procédure en droit de la famille. Ainsi, de manière récurrente,
l’avocat risque de se retrouver confronté à un enfant qui va agir de différentes manières. Tout d’abord, ce
dernier peut faire face à un enfant qui, craignant les représailles de la part de ses parents, va vouloir se
murer dans le silence. Une posture assez difficile à débloquer et difficile à appréhender pour l’avocat qui
pourra avoir du mal à construire un argumentaire pour sa défense. Il peut également arriver que l’avocat
assiste l’enfant à son audition et que ce dernier se livre sur des éléments graves et importants. Par la suite,
l’enfant va indiquer que les propos que ce dernier vient de tenir, ne devront jamais être retranscris ni
utilisés sous peine de représailles de la part de l’un ou l’autre des parents, ou des deux. En effet, dans ce
type de situation où il est souvent question de violences et d’emprise, les parents n’hésitent pas à manipuler
et à menacer leurs enfants afin que ses derniers n’aborde pas la vérité. C’est en cela que la complexité du
rôle de l’avocat fait surface puisque ce dernier est en possession d’informations auxquelles il croit mais

28
Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 2, 31 janvier 2017 – n° 16/16739

40
qu’il ne peut utiliser dans sa plaidoirie. En effet, ce dernier sera directement lié à un sentiment de
culpabilité mais aussi de peur que cet enfant subisse par la suite d’éventuelles violences si le secret est
percé. Une nouvelle fois, une situation d’inconfort se créer entre le fait de respecter la volonté de l’enfant,
qui peut s’avérer être contraire à son intérêt ou trahir sa parole, tout en étant jamais certain, que ce dernier
soit en sécurité par la suite.

En définitive, il ressort de cette étude qu’au sein de la justice civile, la parole de l’enfant a un véritable
poids. Toutefois, plusieurs éléments restent discutables et critiquables et pourraient être modifié. La notion
de discernement, notion clé de l’audition de l’enfant, reste trop imprécise et nécessite une intervention
sans cette de la Cour de cassation pour être respecté. Les modalités d’informations faites à l’enfant restent
également bancales puisqu’à l’heure actuelle, personne n’est en mesure d’affirmer que chacun des enfants
est réellement informé de son droit d’être auditionné. Enfin, la complexité tenant à l’appréciation
souveraine du juge amène forcément au fait que pour une situation absolument identique, deux juges ne
statueront obligatoirement pas de la même manière car chacun aura une appréhension différente de
l’audition de l’enfant et de ce qu’il faut en retenir.

Ainsi, il reste encore plusieurs pistes à étudier et à soumettre pour que peut-être, à l’avenir, le régime
relatif à l’audition de l’enfant en justice civile continue d’évoluer.

41
BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES :

Mallevaey, B. (2012). La parole de l’enfant en justice. Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-


recherches-familiales-2012-1-page-117.htm

Cairn Info – La parole de l’enfant en justice : ce que dit le droit - https://www.cairn.info/revue-


informations-sociales-2010-4-page-76.htm

NOTES DE JURISPRUDENCES :

Mallevaey, B. (2012). La parole de l’enfant en justice. Cairn.info.


https://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2012-1-page-117.htm

Cairn.info. (2010). La parole de l’enfant en justice : ce que dit le droit.


https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-4-page-76.htm

L’audition de l’enfant en justice [Commentaire sur l’article “Dossier parole de l’enfant : l’audition de
l’enfant en justice”]. (2014). Dalloz.
https://dalloz.fr

Commentaire de décision “Refuser d’entendre un enfant au motif qu’il n’est pas capable de discernement
ne suffit plus : les juges doivent s’en expliquer”. (2021). Dalloz.
https://dalloz.fr

Commentaire de décision “Procédure d’assistance éducative : l’audition du mineur discernant s’impose à


la Cour d’appel entendu en première instance”. (2021). Dalloz.
https://dalloz.fr

42
REVUES JURIDIQUES

Revue AJ Famille Mars 2022 AJ Famille 2022 du mois de mars”. (2022, 1 mars). Dalloz.
https://dalloz.fr

L’audition du mineur. (2021). Dalloz Action droit de la famille.


https://dalloz.fr

Le mineur entendu. (2021). Dalloz Répertoire de procédure civile.


https://dalloz.fr

PROJET DE LOI :

Projet de loi relatif à la protection des enfants “Protection des enfants” (Rapport - première lecture) Par
M. Bernard BONNE au nom de la commission des affaires sociales (2021, 20 octobre)
http://www.senat.fr/rap/l21-074/l21-0747.html

JURISPRUDENCES :

Cour d'appel, Rouen, Chambre de la famille, 30 mars 2017 – n° 16/03700

Cour d'appel, Rouen, Chambre de la famille, 1 juin 2017 – n° 16/00246

Cour d'appel, Chambéry, 3e chambre, 20 mars 2017 – n° 16/01995

Cour d'appel, Chambéry, 3e chambre, 16 mai 2017 – n° 16/01125

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 3, 12 janvier 2017 – n° 14/14840

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 3, 12 janvier 2017 – n° 16/23810

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 2, 24 janvier 2017 – n° 14/21858

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 2, 31 janvier 2017 – n° 16/16739

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 4, 27 avril 2017 – n° 16/05052

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 4, 8 juin 2017 – n° 15/04141

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 2, 20 juin 2017 – n° 15/08678

Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 3, 22 juin 2017 – n° 15/05915

43
Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 2, 31 janvier 2017 – n° 16/16739
Cour d'appel, Saint-Denis (Réunion), Chambre de la famille, 19 avril 2017 – n° 16/01119

Cour d'appel, Saint-Denis (Réunion), Chambre de la famille, 10 mai 2017 – n° 16/01729

Cour d'appel, Poitiers, 4e chambre civile, 11 janvier 2017 – n° 16/00166

Cour d'appel, Poitiers, 4e chambre civile, 12 avril 2017 - n° 16/04257

Cour d'appel, Poitiers, 4e chambre civile, 2 Août 2017 - n° 16/03037

Cour d'appel, Caen, 3e chambre civile, 15 juin 2017 – n° 16/03824

Cour d'appel, Lyon, 2e chambre B, 14 février 2017 – n° 15/02162

Cour d'appel, Lyon, 2e chambre B, 24 janvier 2017 – n° 15/04373

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 9 juin 2017 – n° 16/01033

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 12 juin 2017 – n° 16/01144

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 12 juin 2017 – n° 16/01144

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 19 juin 2017 – n° 15/01025

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 19 juin 2017 – n° 16/01392

Cour d'appel, Nancy, 3e chambre civile, 19 juin 2017 – n° 15/01025


Cour d'appel, Bordeaux, 3e chambre civile, 22 février 2017 – n° 16/01470

Cour d'appel, Bordeaux, 3e chambre civile, 20 juin 2017 – n° 16/03424

Cour d'appel, Bordeaux, 3e chambre civile, 6 juin 2017 – n° 16/04930

Cour d'appel, Versailles, 2e chambre, 1re section, 26 janvier 2017 – n° 16/02218

Cour d'appel, Versailles, 2e chambre, 1re section, 30 mars 2017 – n° 17/00259

Cour d'appel, Versailles, 2e chambre, 2e section, 11 mai 2017 – n° 16/03710

Cour d'appel, Besançon, 2e chambre civile, 2 juin 2017 – n° 16/00879

Cour d'appel, Besançon, 2e chambre civile, 9 juin 2017 – n° 16/02252

Cour d'appel, Metz, Chambre de la famille, 13 juin 2017 – n° 15/02171

Cour d'appel, Metz, Chambre de la famille, 20 juin 2017 – n° 15/03750

Cour d'appel, Angers, 1re chambre, section B, 9 février 2017 – n° 15/02117

Cour d'appel, Toulouse, 1re chambre, 2e section, 30 mai 2017 – n° 16/05945

Cour d'appel, Montpellier, 3e chambre A, 12 décembre 2017 - n° 16/00782

44
Cour d'appel, Montpellier, 3e chambre A, 20 juin 2017 - n° 16/07612

Cour d'appel, Dijon, 3e chambre civile, 1 juin 2017 – n° 16/00474

Cour d'appel, Dijon, 3e chambre civile, 22 juin 2017 – n° 16/00549

Cour d'appel, Orléans, 3e chambre de la famille, 16 mai 2017 – n° 16/02577

Cour d'appel, Orléans, 3e chambre de la famille, 20 juin 2017 – n° 16/03861

Cour d'appel, Orléans, 3e chambre de la famille, 20 juin 2017 – n° 16/02659

Cour d'appel, Aix-en-Provence, 6e chambre C, 8 juin 2017 – n° 16/05188

Cour d'appel, Colmar, 5e chambre civile A, 16 mai 2017 – n° 16/05546

Cour d'appel, Rennes, 6e chambre A, 24 avril 2017 – n° 16/03403

Cour d'appel, Douai, 7e chambre, 2e section, 30 mars 2017 – n° 16/00234

Civ, 2e, 7 octobre 1967 n°86-15.026


Civ. 1re, 18 mai 2005, n°02-20.613
Civ 1re, 24 octobre 2012 n°11-18.849
Civ 1re, 18 mars 2015 n°14-11.392
Civ., 1re, 18 mars 2015, n°14-11.392
Civ 1re, 14 septembre 2017 – n° 17-19.218
Civ 1re, 14 avril 2021 n°18-26.707
Civ 1re, 16 février 2022, n°21-23.087

CEDH, Sophia Gudrun Hansen c/ Turquie, le 23 septembre 2003 n°51312/16


CEDH, Raw c/ France, le 7 mars 2013 n°10131/11
CEDH, Gajtani c/ Suisse, le 9 septembre 2014 n°43730/07
CEDH, M. et M. c/ Croatie, 3 septembre 2015 et M. K. c/ Grèce, 1er février 2018 n°10161/13

45
ANNEXES

Questionnaire à l’attention de Monsieur Laurent DESGOUIS

Formulaire d’information mineur

46
Questions pour M. Desgouis dans le cadre de mon rapport de recherches – La parole de l’enfant en
justice civile.

Question 1 - Dans le cadre du changement de prénom, de nom et de l’adoption, on exige en plus de


l’audition de l’enfant, un consentement pour les mineurs de plus de 13 ans. Cette exigence de
consentement repose alors sur une présomption de discernement dite quasiment irréfragable. Pourtant,
vous-même nous avez expliqué que le discernement n’étant pas uniquement lié à un âge, il était tout à fait
possible de reconnaitre à un enfant de moins de 10 ans la capacité de discernement, quand parfois, un
enfant de 11 ans pourra être jugé comme ne pas être doué de discernement.

Ma question est donc la suivante : dans le cas où vous êtes dans ce type de contentieux, que vous
auditionnez un enfant qui a moins de 13 ans où il a été établi qu’il est doué de discernement : Son
consentement à adoption est-il nécessairement requis puisqu’il est doué de discernement ou, comme ce
dernier a moins de 13 ans, vous ne procédez qu’à son audition sans subordonner la procédure à son
consentement ?

à Non, le consentement devant notaire sera toujours nécessaire. A partir du moment où il y a la procédure
d’adoption avec audition du mineur, on subordonne le consentement à l’enfant. Sa position est de ne jamais
faire d’audition d’office. Mais dans les convocations à audience, il fait indiquer que si le mineur souhaite
s’exprimer, il pourra le faire à l’audience. Soit il vient à l’audience avec parent biologique et parent
adoptant, et peut s’exprimer à l’audience s’il le souhaite. Ou bien, on procède à une audience classique
article 388-1 sans la présence du parent. Mais ne substitue jamais le consentement à l’audition.

Question 2 - Pensez-vous que dans la pratique nous pouvons réellement parler du « poids de la parole de
l’enfant » ou n’est-ce qu’illusion car, bien que les procédures d’auditions soient respectées quand elles
sont obligatoires, les juges n’en tiennent pas suffisamment compte ?

à Je tiens compte de la parole de l’enfant mais je ne motive pas ma décision sur la parole de l’enfant.
Mais dans la pratique, la parole de l’enfant on ne tient compte ! La plupart du temps, il voit bien des
enfants de bonne foi. Il est très rare qu’il auditionne d’entendre des enfants instrumentalisés. Il ne fondera
pas sa motivation sur cette audition mais cela va lui permettre de voir si, dans le dossier au fond, les choses
correspondent à l’audition de l’enfant. Très important pour lui que ce moment de l’audition serve à faire
comprendre à l’enfant que sa parole est très importante mais que ce n’est pas sur cela que se fondera la
décision.

Question 3 - L’audition d’un enfant vous a-t-elle déjà conduit en partie à refuser la mise en place d’une
résidence alternée ou d’une résidence habituelle chez l’un des deux parents ? En d’autres termes, est-ce
qu’il vous est déjà arrivé que votre décision soit motivée en grande partie par ce qu’il ressortait de
l’audition du mineur ?

à Oui absolument, quand par exemple, alors qu’il est demandé une RA, on questionne l’enfant sur son
rythme de vie et constater que son mode de vie est compliqué et parfois épuisant. Cela représente quelque
chose que je peux utiliser dans ma motivation car il ressort de l’audition de l’enfant qu’il se situe dans une
situation inconfortable (rythme de la semaine, trajets scolaires, contrainte scolaire). Cela permet de voir
la manière dont l’enfant réagit face au questionnement. Ex : fatigue de l’enfant, j’oublie mon livre de
maths et je me fais toujours punir par la maitresse, je ne sais pas trop ou je vais dormir à chaque fois… Il
tient compte de la parole de l’enfant à distinguer de la volonté ! il n’assoit pas sa motivation sur le souhait
et la volonté de l’enfant. Mais il prend toujours en compte la parole afin de voir si la résidence alternée
peut lui convenir. Un enfant qui va faire part de relations conflictuelles avec son parent, d’éventuels propos
rabaissant va appuyer la vision globale et permettre de faire murir la réflexion.

47
Question 4 – Vous avez indiqué que dans votre pratique, vous ne procédiez à l’audition de l’enfant
qu’après les audiences, quand cela est possible. Pouvez-vous préciser cette pratique car, votre avis n’est-
il pas déjà en partie forgé si ce n’est complètement, quand l’audience a déjà eu lieu ?

à Il essaye toujours de procéder à l’audition de l’enfant après l’audience. Le fait d’avoir déjà eu une
lecture du dossier permet d’entendre l’enfant avec des questions. Dans une procédure orale, entendre
l’enfant avant conduit à avoir un dossier vide. Au fond, interroger l’enfant sans savoir de quoi il en retourne
est plus « malaisant » pour lui. La posture est plus délicate. Il préfère avoir une vision du dossier en tête,
solliciter l’enfant. Ce dernier dit ne rencontrer aucune difficulté à se remettre en question si nécessaire.
Mais grâce à cette façon de faire, il verra si le conflit s’est apaisé, accentué, si un accord a pu aboutir. Il
suffit que dans la requête on contexte tout puis, à l’audience les parents arrivent avec un accord et un point
de désaccord seulement sur le financier, il n’aura pas besoin de questionner l’enfant sur le financier.

Question 5- Que pensez-vous de la proposition du défenseur des droits concernant le fait de réformer
l’article 338-4 du code de procédure civile pour que « l’audition de l’enfant qui demande lui-même à être
entendu dans le cadre d’une procédure le concernant soit de droit, sans qu’il ne soit plus fait référence à
sa capacité de discernement. » Et celle selon laquelle il serait opportun de « compléter l’article 338-1 du
code de procédure civile pour prévoir que le mineur de 10 ans et plus soit personnellement informé par le
greffe de son droit d’être entendu » ?

à Comment voulez-vous que le greffe informe personnellement l’enfant ? concrètement, ce dernier écrit
un courrier à l’enfant, va-t-il réellement l’ouvrir et non ses parents ? il ne voit pas trop en quoi cela va
changer les choses. Il n’a jamais eu de cas où les parents ont indiqué d’office que l’enfant ne viendra pas.
Ni de la part de l’avocat du ou des parents qui lui aurait dit « non, l’enfant ne viendra pas » ce qui laisserait
présager une instrumentalisation. En définitive, il pense que cette réforme serait difficilement applicable
en pratique.

à Il n’a jamais refusé l’audition d’un enfant un peu plus jeune (8-9 ans) sous prétexte qu’il avait moins
de dix ans. Mais cela dit, si on commence a entendre des enfants trop jeunes, il risque de ne ressortir de
l’audition qu’une mise en difficulté de l’enfant et ne pas forcément obtenir des informations utiles. A la
limite, il serait pour une audition de droit pour tous les mineurs doués de discernement mais cela se heurte
à un manque de magistrats. Leur expliquer la manière dont on va tenir compte de leur parole. Il trouverait
cela mieux que le système d’aujourd’hui. Et supprimer la référence dans le code civil. Souvent les enfants
viennent en audition en voulant faire part de quelque chose au juge, mais en lui demandant de ne pas en
parler aux parents. C’est quelque chose de très complexe d’avoir en tête un élément « off » qui n’est pas
exploitable car la motivation ne pourra absolument pas tenir compte de ce qui a été dit. Selon lui ce ne
sont pas les deux réformes les plus urgentes. Ce ne sont pas les deux réponses à apporter au vrai problème.
Le problème est de bien expliquer à l’enfant ce que l’on va faire de sa parole et qu’il ne se sente pas
convoqué comme c’est le cas actuellement.

48
FORMULAIRE D'INFORMATION DES ENFANTS MINEURS DANS LE CADRE D'UN
DIVORCE OU D’UNE SEPARATION PAR CONSENTEMENT MUTUEL
CONVENTIONNEL

Je m'appelle [prénoms et nom)

Je suis né(e) le [date de naissance]

Je suis informé(e) que j'ai le droit d'être entendu(e), par le juge ou par une
personne désignée par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte
pour l'organisation de mes relations avec mes parents qui souhaitent divorcer
ou se séparer.

Je suis informé(e) que j'ai le droit d'être assisté(e) d'un avocat.

Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou


une personne de mon choix et qu'il sera rendu compte de cette audition à
mes parents.

J'ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi de la procédure de


divorce ou de séparation de mes parents.

Je souhaite être entendu(e) : OUI NON

Date

Signature de l'enfant

49
TABLES DES MATIÈRES

INTRODUCTION ___________________________________________________________________ 1
PARTIE I – LE RÉGIME JURIDIQUE INTERNE DE L’AUDITION DE L’ENFANT __________ 5
SECTION 1 – LES SOURCES INTERNES RELATIVES À L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR _ 5
PARAGRAPHE 1 - LE RÉGIME GÉNÉRAL DE L’AUDITION DE L’ENFANT _________________________ 5
PARAGRAPHE 2 - LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE L’AUDITION DE L’ENFANT ______________________ 7
A- Le cas des auditions obligatoires ___________________________________________________________ 7
B- Le cas des auditions subordonnées à la volonté et au consentement de l’enfant d’être entendu. ______ 11
1- La prise en compte de la volonté de l’enfant ________________________________________________ 11
2- Le recueil obligatoire du consentement de l’enfant ___________________________________________ 14
C- L’étude statistique de la proportion des décisions contenant une audition de l’enfant ______________ 15
SECTION 2 – LES CONDITIONS DE L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR __________________ 16
PARAGRAPHE 1 - LE DISCERNEMENT ________________________________________________________ 17
A- La notion de discernement _______________________________________________________________ 17
B- La mise en œuvre du discernement ________________________________________________________ 18
C- L’appréciation du discernement___________________________________________________________ 20
PARAGRAPHE 2 - LA NÉCESSITÉ D’UNE PROCÉDURE _________________________________________ 22
PARAGRAPHE 3 - L’INITIATIVE DE L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR _______________________ 23
A- L’information du mineur ________________________________________________________________ 23
B- La demande d’audition __________________________________________________________________ 24
PARTIE II – LES EFFETS DE L’AUDITION DE L’ENFANT MINEUR ____________________ 26
SECTION 1 – LE STATUT ACCORDÉ À L’ENFANT MINEUR _______________________________ 26
PARAGRAPHE 1 - UN STATUT PARTICULIER DE L’ENFANT MINEUR N’ÉTANT PAS PARTIE AU
PROCÈS _____________________________________________________________________________________ 26
PARAGRAPHE 2 - LA PAROLE DE L’ENFANT RESPECTUEUSE DE GRANDS PRINCIPES __________ 27
A- La parole de l’enfant et le respect du contradictoire __________________________________________ 27
B- La parole de l’enfant et le respect de l’intérêt de l’enfant ______________________________________ 29
SECTION 2 – LE POIDS DE LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR___________________________ 30
PARAGRAPHE 1 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT : MYTHE OU RÉALITÉ ? ____ 30
PARAGRAPHE 2 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR AU SEIN D’UNE
PROCÉDURE JAF ____________________________________________________________________________ 34
PARAGRAPHE 3 - LE POIDS ACCORDÉ À LA PAROLE DE L’ENFANT MINEUR AU SEIN D’UNE
PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE _____________________________________________________ 38
A- Le poids accordé par le juge ______________________________________________________________ 38
B- Le rôle complexe de l’avocat ______________________________________________________________ 40

50

Vous aimerez peut-être aussi