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camerounais
Par
MOHO FOPA Éric Aristide
Maître de Conférences de Droit privé
Maître-Assistant CAMES
Université de Dschang
L’enfance est une période très importante du cycle de la vie humaine. Elle constitue la première
étape d’une vie. C’est la période où la personne accède à la vie, découvre la vie et commence à
s’épanouir ou à s’affirmer dans cette vie. Mais, l’enfance est évanescente dans sa conception. Son
caractère furtif ou instable est tributaire de ses différentes figures. Le terme est employé tantôt de
manière collective tantôt de manière individuelle.
Pris collectivement, l’enfance désigne l’ensemble des enfants ou tout simplement la jeunesse.
Non pas cette jeunesse extensive qui va de « 7 à 77 ans », mais la tendre jeunesse ou la tendre enfance.
On parlera ainsi d’enfance joyeuse, d’enfance exploitée, d’enfance maltraitée ou d’enfance
délinquante.
À titre d’individualité, l’enfance va du nouveau-né à la jeune fille ou au jeune garçon, en passant
par l’adolescent et le pubère. À ce niveau, l’enfant est une personne fragile nécessitant constamment
une protection et un encadrement marqué. Il est alors placé sous la garde ou l’influence de ses parents
ou de ses représentants à travers des institutions spécifiques que sont par exemple la tutelle et
l’administration légale.
Pour le juriste, l’enfant correspond parfois au mineur. Dans ce sens, l'article 2 de la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant 1 prévoit que l’enfant est « tout être humain âgé de moins
de 18 ans ». Cette disposition va dans le même sens que l’article 1 er de la Convention de New York sur
les droits de l’enfant2 qui précise pour sa part que l'enfant est « tout être humain âgé de moins de 18
ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt ». Au Cameroun, l’enfant est également défini par la
législation comme « toute personne âgée de moins de dix-huit (18) ans » 3. Au regard de ces différents
textes, si la minorité n’est pas établie avant 18 ans, l’enfance prend fin à 18 ans. Autrement dit, dans
les pays concernés par ces instruments internationaux et où la majorité est établie à 18 ans, l’enfance se
confond avec la minorité. On peut notamment citer les cas du Sénégal 4 et de la France5. Par contre, au
Cameroun, tout comme au Tchad où la majorité est fixée à l’âge de 21 ans 4, l’enfance ne saurait
absolument se confondre avec la minorité. On assistera alors à deux cas de figures : les enfants-
1 Cette Charte a été adoptée lors de la 26 e conférence des Chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité
Africaine en juillet 1990. Elle est entrée en vigueur le 29 novembre 1999.
2 La Convention Internationale relative aux droits de l’enfant a été adoptée le 20 novembre 1989 par la résolution
44/25 de l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa quarante-quatrième session. Cette Convention met en avant
quatre principes fondamentaux concernant les enfants : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de
vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant.
3 Voir article 3 de la loi n° 2023/009 du 25 juillet 2023 portant Charte de protection des enfants en ligne au
Cameroun. 4 L’article 340 du Code de la famille sénégalais dispose : « à 18 ans accomplis, les personnes de l’un et l’autre
sexe sont majeures et capables de tous les actes de la vie civile ». 5 Voir article 414 du Code civil français.
4 Dans ces deux pays, l’article 388 du Code civil dispose que « le mineur est l'individu de l'un et de l'autre sexe qui n'a
point encore l'âge de vingt et un ans accomplis ».
1
mineurs dont l’âge est inférieur à 18 ans et les mineurs non enfants dont l’âge est comprise entre 18 et
21 ans.
Dans tous les cas, l’enfant implique vulnérabilité et dépendance. Mais cette dépendance, aussi
grande fut-elle, n’empêche pas la reconnaissance d’un certain nombre de droits à son profit. Ces droits,
qui relèvent des droits de l’Homme ou des droits de la personnalité, englobent le droit à la vie privée.
La vie privée désigne le cadre strict d’intimité de chaque personne. C’est tout ce qui dans la vie
d’une personne, ne regarde personne d’autre qu’elle et ses intimes à moins qu’elle ne consente à la
dévoiler5. Elle renvoie ainsi à la sphère d’intimité réservée à chaque individu et protégée contre les
intrusions extérieures, qu’elles proviennent des autres individus ou même de l’État 6. En s’opposant à la
vie publique d’une personne, la vie privée qui est parfois présentée comme le « rempart » ou le «
sanctuaire »7 d’un individu englobe sa vie sentimentale, sa vie conjugale, sa vie familiale, la face
cachée de ses loisirs entre autres.
La vie privée englobe donc l’intimité. Elle recouvre aussi le domaine le plus secret de la
personne, concerne des situations où l'individu est en droit de se croire à l'abri du regard ou de l'écoute
d'autrui, où il peut se livrer à des activités strictement personnelles dans le champ étroit d'un lieu
privé8. En tant que tel, sa protection devient une nécessité de premier ordre. Cette protection est
recherchée tant au plan international qu’au plan national.
Sur le plan international, quelques textes remarquables garantissent la protection de la vie privée.
À titre d’illustration, on peut citer au niveau mondial, la Déclaration universelle des droits de l’Homme
qui prévoit que « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son
domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit
à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes »9. Cette disposition est
presque similaire à celle de l’article 17 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques 10.
La Convention de New York sur les droits de l’enfant précitée va dans le même sens en disposant que
« l’enfant a le droit d’être protégé contre toute immixtion dans sa vie privée, sa famille, son domicile
et sa correspondance, et contre les atteintes illégales à son honneur »13.
Au niveau continental africain, quelques textes d’envergure s’évertuent à garantir la protection de
la vie privée. On peut citer à cet effet la Convention de l’Union Africaine sur la cybersécurité et la
protection des données personnelles11 ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
D’après ce dernier texte, « aucun enfant ne peut être soumis à une ingérence arbitraire ou illégale
dans sa vie privée, sa famille, son foyer ou sa correspondance, ni à des atteintes à son honneur ou à sa
réputation, étant entendu toutefois que les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable
sur la conduite de leur enfant. L'enfant a le droit à la protection de la loi contre de telles ingérences ou
atteintes »15.
12 Article 41.
13 Voir article 11, alinéa 1, notamment.
14 Article 300 du Code pénal : « (1) Est puni d’un emprisonnement de quinze (15) jours à un (1) an et d’une
amende de cinq mille (5.000) à cent mille (100.000) francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, sans
l’autorisation du destinataire, supprime ou ouvre la correspondance d’autrui ».
15 Article 299 du Code pénal : « (1) Est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à un (1) an et d’une amende de
cinq mille (5.000) à cinquante mille (50.000) francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui s’introduit ou se
maintient dans le domicile d’autrui contre son gré. (2) Les peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées si
l’infraction est commise pendant la nuit ou à l’aide des menaces, violences ou voies de fait. (3) La poursuite ne peut être
exercée que sur plainte de la victime ».
3
s’enrichit chaque jour de nouveaux éléments »16. Il faut y intégrer la prise en considération les données
personnelles ainsi que les multiples activités des citoyens sur Internet. Le concept de vie privée a alors
subi une transformation. Si autrefois il était rigoureusement fondé sur le secret, « maintenant il tend
vers son opposé, la transparence »17. La vie privée s’épanouit à la lumière de l’informatique qui la fait
progressivement sortir de l’ombre. Les enfants se retrouvent très souvent piégés et perdus dans cette
évolution. N’ayant malheureusement pas suffisamment de discernement pour faire la différence entre
ce qu’il faut ou ne faut pas exposer sur les réseaux sociaux, ils se retrouvent piégés par les mauvais
choix qu’ils font et qui contribuent à une exposition à outrance de leur vie privée voire de celle de leurs
proches. En effet, ils sont de plus en plus adeptes des sites de réseau social, de socialisation en ligne,
voir des sites de réseautage social, à travers une surexposition de leur vie personnelle. Ils y ont
tendance à étaler leurs pensées, même les plus intimes, leurs photographies ou vidéos personnelles et
tous les événements de leur vie, sans toujours percevoir le risque auquel cela les expose.
Pourtant, la protection de leur vie privée est fondamentale. C’est pourquoi, il devient nécessaire
de questionner les mécanismes qui la garantissent en droit camerounais.
L’enfant, adulte en miniature ou adulte en devenir, a une vie privée qui est naturellement
fragilisée, du fait de la vulnérabilité et de la délicatesse de son statut. C’est pourquoi, les contours de
cette vie privée doivent être clairement définis. Sa délimitation qui s’établie en prenant en compte le
statut particulier de l’enfant (I) permet un meilleur déploiement de sa protection (II).
I- La délimitation de la vie privée de l’enfant
La vie privée de l’enfant sera considérée en fonction de son âge. Pendant sa prime enfance, il est
évident que celle-ci n’existe que par rapport à ceux qui exercent l’autorité parentale à son égard, c’est-
à-dire en principe ses parents. En grandissant, certains aspects de sa vie privée pourront s’imposer aux
adultes, soit de manière naturelle, soit par l’enfant lui-même. Mais, quoiqu’il en soit, la détermination
de la vie privée de l’enfant repose sur un critère fondamental qui est la prise en compte de son intérêt
supérieur
(A). Toutefois, l’enfant étant naturellement incapable et manquant de discernement, des limites
nécessaires sont prévues afin d’encadrer cette vie privée à sa juste mesure (B).
L’intérêt de l’enfant apparaît comme une « formule magique »18. Par cette expression, le Doyen
Carbonnier évoquait, à sa manière, le caractère insaisissable 19 de cette notion, qui est pourtant auréolée
du prestige associé à la protection de la vie privée de l’enfant. L’intérêt de l’enfant est ainsi une notion
aussi bien floue qu’une notion à contenu variable. La loi ou la jurisprudence ne saurait, de manière
objective, définir cet intérêt. L’intérêt de l’enfant va certainement varier en fonction de son âge, de son
16 Voir exposé des motifs de la loi sénégalaise n° 2008-12 du 25 janvier 2008 portant sur la Protection des données à
caractère personnel.
17 C. Vallet, « Le dévoilement de la vie privée sur les sites de réseau social. Des changements significatifs », Droit et
Société n° 80, 2012/1, p. 165.
18 J. Carbonnier, Droit civil, 21e éd., t. 2, La famille, l’enfant, le couple, PUF, 2002, p. 85.
19 Certains auteurs préfèrent plutôt parler de « notion-cadre » (C. Lienhard, Le rôle du juge aux affaires
matrimoniales », Economica, 1985, p. 128), d’autres de « standard » (P. Bonfils et A. Gouttoire, Droit des mineurs, Dalloz,
2008, p. 45). 24 T. Dumortier, « L’intérêt de l’enfant : les ambivalences d’une notion « protectrice » », Journal du Droit
des Jeunes n° 329, 2013/9, p. 16.
4
aptitude, de son degré d’intelligence et du contexte culturel et socioéconomique de sa vie. Malgré cette
flexibilité, on peut tout de même tenter de l’envisager globalement comme ce qui permet le bien-être
de l’enfant. Ainsi, l’administration légale et la tutelle sont nécessaires pour l’enfant parce qu’il y va de
son intérêt.
Dans cette logique, le recours à l’intérêt de l’enfant sera très souvent « destiné à fonder un
arbitrage entre deux revendications opposées, deux droits en conflit, tandis que dans d’autres cas, il
permet de restreindre l’exercice d’un droit » 24. Dans sa fonction arbitrale, l’intérêt de l’enfant pourra
aider à trancher entre les revendications opposées du père et de la mère concernant notamment
l’attribution de la garde de l’enfant ou le droit de visite ou d’hébergement de l’un des parents 20.
De même, l’intérêt de l’enfant sera grandement considéré chaque fois qu’il existera un
antagonisme entre les parents et l’enfant sur des questions relevant de la vie privée de ce dernier. Sa
considération pourra alors aboutir à la restriction d’un droit des parents ou de l’enfant. Dans tous les
cas, il s’agit, en toute circonstance, de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant ou son meilleur intérêt,
comme l’exige d’ailleurs la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant 21. Mais, en pratique,
la solution ne sera pas toujours aisée à établir. On peut facilement imaginer des cas complexes. Par
exemple, une fille, jeune enfant qui a conçu à la suite d’un viol dont elle a été victime veut garder son
enfant, contrairement à l’avis de ses parents 22. Vouloir garder son enfant ici relève exclusivement de sa
vie privée. Or, la jeune fille étant encore enfant, le rôle de ses parents dans la délimitation de ce qui
relève de sa vie privée est encore significatif.
Les raisons avancées par chaque partie dans cette circonstance peuvent être nombreuses et toutes
pertinentes. Pour la jeune fille, son souci est de connaître les joies de la maternité et de prendre soin de
son enfant. Pour les parents, il est question d’assurer l’équilibre psychologique de la jeune enfant, de
l’aider à oublier le traumatisme du viol en rompant tout lien avec l’auteur, de lui permettre de suivre
aisément son éducation bref, d’assurer son avenir.
Au regard de cette hypothèse, on se rend compte que de part et d’autre, les raisons avancées vont
dans l’intérêt moral de la jeune enfant. D’aucuns iront même jusqu’à avancer le respect de la dignité de
la jeune fille concernée. Dans cette circonstance, il pourra être utile de considérer l’opinion de la jeune
enfant, surtout si la maternité ne présente pas de danger sanitaire pour son organisme. La liberté
d’expression et d’opinion qui est reconnue à l’enfant par certains textes internationaux 23 peut
efficacement contribuer à la détermination du contenu de la vie privée de l’enfant à travers la prise en
considération de son avis. La liberté d’opinion de l’enfant sera donc considérée à ce niveau comme le
réfèrent sur lequel est délimité la vie privée de l’enfant. L’enfant sera donc à ce niveau, le meilleur juge
de son intérêt. Toutefois, les raisons liées à sa santé physique ou morale pourront primer sur cette
volonté et permettre de faire primer son bien-être au détriment de sa volonté.
Mais, l’intérêt de l’enfant n’est pas monolithique. Il est, au final, plus approprié de parler plutôt des
intérêts de l’enfant. En réalité, plusieurs intérêts peuvent être relevés. On peut citer à titre indicatif, son
intérêt moral, son intérêt matériel et son intérêt familial. La sphère de la vie privée de l’enfant doit
27 F. Boulanger, « Autorité parentale et formation religieuse des mineurs (essai comparatif) » : Dr. Famille novembre
2013, n° 11, étude 14.
28 CA Douai, 8 janvier 2013, rapporté par M. Dupuis et autre, Les petites affiches du 4 août 2014, n° 154, p. 6.
29 L’infraction de violation du secret de correspondance de l’article 300 du Code pénal n’existe pas entre parents ou tuteurs
et enfants à charge. Voir notamment R. Assontsa et B. M. Kem Chekem, « Les liens de famille en matière pénale au
Cameroun », Juridis périodique n° 85, janvier-février 2011, p. 102.
30 Les informations liées à l’état de santé de l’enfant peuvent être nécessaires pour l’établissement scolaire dans la
mesure où le personnel peut en avoir besoin pour répondre à des besoins médicaux précis, élaborer éventuellement un plan
d’enseignement individualisé correspondant à l’état de l’enfant ou planifier des interventions en cas d’urgence médicale.
38
Fr. Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, idem, p. 173. 39 Débits de boisson, boîte de nuit, sites
réservés aux adultes…
7
Divers procédés apportant des aménagements à la vie privée de l’enfant sont parfois mis sur pieds par
les pouvoirs publics ou sous leur impulsion. Bien que constituant des limites à la vie de l’enfant, les
mesures adoptées à cet effet visent la protection de son intégrité physique ou morale ainsi que de sa
dignité. Ainsi en est-il des mesures interdisant l’accès des mineurs à certains lieux 39 ou sur certains
sites internet, sous peine de sanction des contrevenants. Relativement à cette dernière mesure, la la loi
n° 2023/009 du 25 juillet 2023 portant Charte de protection des enfants en ligne au Cameroun impose
aux fournisseurs d’accès à Internet de mettre à la disposition des utilisateurs des procédures et des
moyens techniques facilitant le contrôle de l’accès des enfants à Internet. Il est également fait
obligation à ces fournisseurs d’offrir des dispositifs de contrôle parental aux fins de surveiller, filtrer et
bloquer des sites ayant des contenus portant atteinte à la dignité et à l’intégrité des enfants 31. De même,
l’interdiction de la consommation et de la vente des boissons alcoolisées ou du tabac aux enfants sont
sans doute destinés à préserver leur santé physique et mentale du fait de leur fragilité. II- La
protection de la vie privée de l’enfant
Comme tout être humain, l’enfant a droit à la protection de sa vie privée (A), laquelle peut conduire à
l’application des sanctions en cas de nécessité (B).
A- Le droit du mineur à la protection de sa vie privée
La vie privée du mineur est avant tout protégée contre les agissements de ceux qui sont chargés de
l’encadrer au quotidien, c’est-à-dire les parents (1). En plus, cette protection prend une connotation
particulière en matière processuelle (2).
1- La protection générale contre les agissements des parents
Toute personne a droit au respect et à la protection de sa vie privée. À l’évidence, les hypothèses
d’action visant la protection de la vie privée des enfants et des incapables en général, seront rares.
Cette rareté se justifie par ce que leur capacité de revendication reste limitée. De même, les actions en
ce sens dépendent en général de leurs représentants32. Dans tous les cas, face à une intrusion non
justifiée et dommageable dans la vie privée de l’enfant, ses représentants légaux (ou cet enfant lui-
même, une fois la majorité obtenue), peuvent mener des actions en vue d’obtenir la sanction de ces
violations.
Dans cette logique, l’enfant doit être préservée contre les pratiques de ses parents de nature à
nuire à sa propre vie privée. Il en sera ainsi lorsque les parents, adeptes d’une secte ou d’une société
ésotérique, exercent les pratiques relatives à leurs croyances au domicile conjugal, au vu et au su des
enfants. Dans une telle hypothèse, lorsqu’il est établit que de telles pratiques heurtent la sensibilité des
enfants, le juge peut interdire leur exercice en présence de ces derniers. La Cour d’appel de Versailles a
décidé en 2001 dans ce sens en France, à propos d’une mère dont les pratiques sectaires et les réunions
répétées des autres adeptes de cette secte au domicile familial, étaient de nature à influencer
négativement les enfants33. Face cette interdiction, la mère invoqua sa propre vie privée qui empêche le
juge de pouvoir interdire ou restreindre la manifestation de ses convictions religieuses et de lui
interdire de pratiquer collectivement sa religion à tout moment. De même, elle estima que c’est une
atteinte à sa vie privée que de prohiber la réunion des membres de la secte à laquelle elle appartient à
son domicile, car cela porte atteinte à ses libertés fondamentales. Mais, cette argumentation n’a pas
retenue la faveur de la Cour de cassation. D’après cette dernière, il n’y avait pas d’atteinte directe aux
34 Ch. Courtin, L'intérêt de l'enfant et les droits et libertés fondamentaux des parents, Dalloz 2001, Jurisprudence
p. 422. 44 Idem.
35 CA Versailles, 31 octobre 2013.
36 CA Versailles, 12 septembre 2013.
37 Objet de la résolution 40/33 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 1985.
38 Adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1990.
9
Havane sur la protection des mineurs privés de libertés 39, les Règles de Tokyo sur les mesures non
privatives de libertés40. De manière générale, il ressort de ces textes que tout au long de la procédure
pénale notamment, la vie privée de l’enfant est strictement protégée non seulement contre la publicité,
mais aussi contre la qualification pénale et la divulgation de son identité. Ces mesures sont importantes
dans l’intérêt de l’enfant dans la mesure où elles sont destinées à éviter des dommages certains dans sa
vie future41.
Ces exigences ont un écho retentissant en droit camerounais à travers l’imposition, d’ordre
public, du huis clos devant toute juridiction pénale appelée à connaître d’une affaire dans laquelle un
mineur est impliqué. Tout jugement ne respectant pas cette exigence encourt nullité 52. Pour préserver
autant que possible l’intimité du mineur à cette occasion, la liste des personnes pouvant assister aux
débats a été restreinte. Seuls y sont admis, « les parents, tuteur, avocats, représentants des services ou
institutions s’occupant des problèmes de l’enfance et les délégués à la liberté surveillée » 42. Comme on
le constate, en dehors des parents ou des représentants légaux, les autres personnes pouvant être
admises au cours des débats concernant un enfant poursuivi sont des professionnels qui sauront
certainement traiter des informations dévoilées au cours du procès avec circonspection. Dans la même
lancée, les traces du jugement ainsi que l’identité de l’enfant poursuivi sont strictement règlementées,
afin de le protéger. À cet effet, même si le jugement pénal rendu à l’encontre de l’enfant peut être
publié, il ne doit toutefois pas indiquer son nom, même par initiales, et ne doit comporter aucun
renseignement personnel ou familial le concernant 54. Par cette mesure, l’identité de l’enfant est
protégée, ce qui est une garantie de la préservation de son intimité.
La protection de la vie privée du mineur faisant l’objet d’une mesure d’incarcération, est
également assurée. De manière générale, le principe en la matière est celui de la restriction des mesures
de détention et d’incarcération. Toutefois, quand, cela s’avère nécessaire 43, l’enfant est détenu ou
incarcéré dans des conditions exposant le moins sa vie privée. Pour ce faire, le mineur ne peut être
détenu que dans un établissement de rééducation, un quartier spécial d’une prison habilitée à accueillir
les mineurs. À défaut de ces établissements spécialisés, l’enfant peut être détenu dans une prison pour
majeurs, mais dans un cadre séparé de ceux-ci 44. Ces disposions consacrent le principe de la séparation
de l’enfant et de l’adulte en cas de détention ou d’emprisonnement. Dans ces conditions, l’enfant est
préservé de la mauvaise influence des adultes délinquants. Toutefois, il peut être dérogé à cette règle si,
dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il est indispensable qu’il reste avec les membres de sa famille
également détenus.
39 Adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies à travers la résolution 45/113 du 14 décembre 1990.
40 Objet de la résolution 45/110 de l’Assemblée générales des Nations Unies du 14 décembre 1990.
41 Voir S. B. Thierno, « L’examen de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant et des règles et
principes des Nations Unies relatifs à la privation des libertés des enfants en conflit avec la loi », Revue de l’Université de
Moncton, numéro Hors série, 2017, p. 91, https://doi.org/10.7202/1043659ar. 52 Article 720 du Code de procédure pénale.
42 Article 720, alinéa 2 du Code de procédure
pénale. 54 Article 721, alinéa 2 du Code de procédure
pénale.
43 Il en est ainsi notamment en cas d’assassinat, de meurtre ou de coups mortels pour le mineur de douze à quatorze
ans : voir article 704 du Code de procédure pénale. Pour l’enfant de quatorze à dix-huit ans, la détention provisoire peut
être envisagée si elle paraît indispensable.
44 Article 706 du Code de procédure pénale.
10
2- Les sanctions pénales
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