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La filiation illégitime :

Introduction :

Le respect de la dignité de toute personne humaine est un principe universel.


L’enfant est un être humain avec des droits et une dignité, ce qui le caractérise
c’est sa jeunesse et sa vulnérabilité d’où l’importance de le protéger. En effet,
l’enfant est un être en pleine croissance, un adulte en devenir, qui n’a pas les
moyens de se protéger seul.
Aussi, l’enfant doit faire l’objet d’un intérêt particulier et d’une protection
spécifique. C’est dans cette optique que des textes proclamant la protection de
l’enfant et de ses droits ont été adoptés. Il est primordial pour l’enfant de vivre
dans un milieu sain et équilibré afin d’être un bon citoyen de demain.
Cependant et malheureusement ce n’est pas toujours le cas.

Certains enfants payent le prix de l’irresponsabilité et du comportement


inadéquat de leurs parents. On parle d’enfants issus d’une filiation illégitime. La
filiation désigne le rapport de famille qui lie un individu à une ou plusieurs
personnes dont il est issu. Mais quand on parle de filiation illégitime, on
dépasse cette définition dans la mesure, ou l’enfant illégitime est un enfant
conçu dans le cadre d'une relation adultérine, c'est-à-dire en dehors du
mariage. La distinction entre enfants légitimes, conçus dans le cadre du
mariage, et les enfants adultérins a une place importante dans les civilisations
dont les structures sociales ou religieuses sont fondées sur le couple. C’est ainsi
que la filiation illégitime constitue une des questions majeures qui ont
préoccupé le législateur du fait de ses incidences souvent dramatiques sur les
enfants.

En effet, en Afrique du Nord, le Maroc occupe la première place dans la liste


des États ayant le plus de mères célibataires. On compte, en moyenne 23
abondants par jour, d’enfants issus d’une filiation illégitime. Mais aussi selon
une étude statistique menée par l’association INSAF de Casablanca, plus de
80.000 enfants naissent en dehors du mariage chaque année. L’étude nationale
commanditée par Insaf, en 2010, sur les mères célibataires avait révélé que
27.199 mères célibataires avaient donné naissance à 45.424 enfants en 2009.
Pour la seule ville de Casablanca, l’effectif estimé des mères célibataires ayant
au moins un enfant a été de 21.135, entre 2003 et 2010, soit 4 fois plus que
dans la période 1996-2002. Ces enfants nés en dehors du cadre légal sont
confrontés à un obstacle majeur à savoir la société qui n’a aucune
considération pour ses enfants «illégitimes».
Les incidents menant à la filiation illégitime sont très nombreux. On peut citer à
cet égard les nombreux cas de viol, d’abus sexuels, tromperie, de prostitution…
Mais aussi en plus de ces cas, la filiation illégitime provient également de
l’irrespect des adultes des commandements religieux et juridiques en matière
de procréation.
Ceci étant, quelque soit la cause ayant menée à une filiation illégitime, l’enfant
reste la première victime, fruit de cette relation illégale lui portant un grand
préjudice.

Cependant, peut-on considérer que les droits de l’enfant fruit d’une filiation
illégitime, sont suffisamment protégés par le droit marocain ?

A la lumière de notre analyse, il serait judicieux de voir dans un premier temps


la nature et les effets de la filiation illégitime et dans une seconde partie
d’analyser l’effectivité de la protection de l’enfant illégitime par le législateur
marocain.

I) La filiation illégitime : nature et effets

A°) Nature

La filiation parentale se réalise par la procréation de l’enfant par ses parents


elle est légitime ou illégitime ainsi dispose l’article142 du code de la famille.
Cette reconnaissance constitue un apport considérable en matière de la
protection des droits de l’enfant mais il existe un courant moderniste qui
n’éprouve pas une entière satisfaction.

A cet égard il importe de définir l’enfant illégitime a la lumière du code de la


famille, on peut définir l’enfant illégitime étant l’enfant naturel, né hors
mariage cet enfant est considéré dans la société marocaine comme le fruit
de relations illegales.sa naissance est perçue comme un drame familial et
social ouvrant que des possibilités de précarité et de misère puisque sa
protection est toujours inégale a un enfant légitime.

Le statut juridique de l’enfant illégitime tel que prévu par le code de la


famille est différent de l’enfant légitime, on peut expliquer cette différence
ou encore discrimination comme beaucoup de modernistes la qualifient, par
la crainte non seulement du législateur, mais aussi de la société de
permettre d’encourager la procréation d’enfants hors mariage.
On mesure déjà l’intérêt de la question de la filiation illégitime du fait que
les enfants abandonnés sont de plus en plus nombreux et les chiffres sont
alarmants .selon l’ancienne ministre du développement social et de la
famille Nezha Skalli « entre 2003 et 2010 500 000 enfants sont nés de
mères célibataires »

Parmi les questions qui ont fait couler beaucoup d’encre au niveau de la
doctrine figure celle qui se rapporte à la preuve de la filiation paternelle.

Régie par les dispositions de l’article 158, cette question a divisé les auteurs
en deux courants. Le premier est celui qui a estimé que la filiation paternelle
peut désormais être prouvée par tout moyen même à défaut d’un contrat
de mariage. Le second courant, sans doute plus conservateur, estime que
les moyens dont il est question au dit article ne peuvent être utilisés en vue
de prouver la filiation qu’en l’existence d’un contrat de mariage valablement
conclu. La validité du contrat de mariage doit être entendue ici dans un sens
large, qui ne fait de l’écrit qu’un moyen de preuve doté de la même force
que les autres.

Article 158 du Code de la famille, qui se trouve à l’origine de cette


polémique, dispose que : « La filiation paternelle est établie par les rapports
conjugaux (Al Firach), l’aveu du père, le témoignage de deux adoul, la
preuve déduite du oui-dire et par tout moyen légalement prévu, y compris
l’expertise judiciaire ».

B°)Effets

La situation de l’enfant illégitime ne s’analyse pas de la même façon. On


distingue entre rapport père-enfant et mère-enfant. En ce qui concerne la
mère, puisqu’elle porte l’enfant dans sa matrice, son lien ne peut être
considéré que légitime, entrainant les mêmes effets et résultats que la filiation
légitime. L’enfant naturel sera rattaché a sa mère dont il prendra le nom
comme prévu par l’article 146 qui dispose que « la filiation qui résulte d’une
filiation légitime ou illégitime est la même par rapport a la mère, en ce qui
concerne les effets qu’elle produit ». Par conséquent, l’enfant illégitime par
rapport a sa mère est tout comme l’enfant légitime, que la filiation résulte d’un
mariage valable ou vicié ou d’une relation illégitime.
La situation est différente concernant le père .la filiation illégitime ne
rattache pas l’enfant a son ‘’père ‘’ et ne produit aucun des effets qui
découlent normalement de la filiation illégitime ainsi dispose l’article 148 du
code de la famille « la filiation illégitime ne produit aucun des effets de la
filiation parentale légitime vis-à-vis du père ».c’est a dire que l’enfant né
hors mariage ne peut rien réclamer a son père biologique ni avoir accès a
sa succession. Les autres effets de la filiation sont également exclus en
l’occurrence : les empêchements au mariage, les droit et devoirs
réciproques qu’ils soient personnels ou patrimoniaux entre le père et
l’enfant.

II-Protection de l’enfant illégitime : Renforcée ou fragilisée par la loi ?

A°) Une protection consolidée :

Il faut reconnaitre que le législateur marocain a d’avantage protégé l’enfant


issu d’une filiation illégitime, en essayant même d’établir un certain équilibre
entre l’enfant légitime et l’enfant illégitime. En effet le législateur marocain a
introduit des innovations à la situation juridique des enfants illégitime afin de
leur éviter de payer le prix des erreurs de leurs parents.
Ceci étant, la reconnaissance à la fois religieuse et positiviste de la filiation
illégitime uniquement ne signifie nullement que l’enfant, vivra sans identité
comme ce qui était le cas avant le code de la famille de 2004.
Le législateur a voulu apporter une réponse au bouleversement socioculturel,
économique et politique sans pour autant s’éloigner des préceptes du droit
musulman dont la position est strict envers la filiation illégitime.
Ainsi avec toutes les mutations qu’à connues la société marocaine, il était
urgent d’opérer des réformes. Cela se traduit à travers plusieurs dispositions
prévu par la moudawana.

Tout d’abord, l’article 146 dispose que la filiation illégitime entraine vis-à-vis de
la mère les mêmes effets que la filiation légitime en raison du lien naturel
unissant l’enfant à sa mère. La filiation maternelle est réputée légitime qu’il
s’agisse d’un cas de doute, de viol ou même en cas de relation illégitime.
L’enfant illégitime rattaché à sa mère prendra alors le nom patronymique
comme prévu par l’article 146.
Le fait que l’enfant soit rattaché à sa mère, cela constitue une protection de ce
dernier, dans la mesure où tout enfant a besoin d’une identité et d’une
présence maternelle.

Mais aussi, afin de favoriser la situation des enfants illégitime, le code de la


famille a apporté un assouplissement au principe selon lequel un enfant né en
dehors du mariage, ne pourrait jamais avoir la qualité d’enfant légitime, et ce
selon l’article 158 du code de la famille. Cet article prévoit trois principaux
moyens afin de sauvegarder la filiation. Il s’agit en l’occurrence de la
reconnaissance de paternité, qui se fait soit par l’aveu du père soit pas le
rattachement, le doute tel que prévu par l’article 155 du même code. Mais la
plus grande évolution touche un autre volet du code de la famille, il s’agit du
rattachement de l’enfant conçu pendant la période des fiançailles, qui est
rattaché au fiancé en tant qu’enfant légitime.

De plus, il existe des mesures pénales tendant à limiter les abandons et les
changements d’identité des enfants illégitime. En effet le droit à l’identité fait
parti des droits fondamentaux protégés par le droit pénal marocain. Ainsi,
l’abandon d’un enfant met en péril non seulement son identité mais aussi sa
vie, sa santé et son avenir. La mère, qu’elle soit mariée ou non, assume toute
responsabilité envers son enfant même illégitime. Si elle l’abandonne, elle peut
se voir poursuivie du chef de délaissement des enfants et des incapables
comme en disposent les articles 459 à 477 du code pénal. Mais aussi, la mère
qui abandonne un enfant pour se débarrasser de sa filiation commet outre
l’infraction de délaissement, le délit de changement de son identité encadré et
réprimé par l’article 470.

Malheureusement, il existe toujours des enfants illégitimes abandonnés, sans


famille. Ces enfants sont sous la tutelle de l’Etat et sont confiés à des
établissements d’accueil qui se chargent de leur assurer une famille de
substitution. Ces derniers sont considérés comme les enfants de l’état d’où la
nécessité de leur garantir tous les droits comme ceux des enfants légitimes, tel
que le droit à la vie, le droit à la liberté, à la sécurité, droit à la nafaqah…

A travers ces différentes formes de protection de la filiation et de préservation


de l’enfant illégitime, on peut dire que les droits de ces derniers ont beaucoup
évolué dans la mesure ou le législateur a bien pris en compte leur intérêts et
leur droit et surtout à pris conscience que ce ne sont que des victimes de la
société dont la négligence et l’ignorance de leurs droits leur cause des
dommages les affectant dans leur vie sociale.
Cependant malgré la forte volonté du législateur, il existe encore certaines
lacunes en matière de protection de l’enfant illégitime.

B°) Des failles à combler :

Comme on la vu précédemment, le code de la famille a renforcé les mesures


pénales afin de protéger l’enfant illégitime. En effet, toute la responsabilité
retombe sur la mère, en cas d’abondant ou de changement d’identité, cette
dernière sera sévèrement sanctionnée. Cependant le père tout aussi coupable
que la mère n’encourt aucune sanction .Le législateur a exonéré le père de
toute responsabilité envers l’enfant illégitime, il a annulé tout lien entre le père
et l’enfant et ne prévoit aucune sanction contre l’abandon de ce dernier par
son géniteur.

Il est vrai que les moyens permettant d’établir la reconnaissance paternelle ne


sont pas toujours faciles a appliquer en pratique, et qu’il est plus facile de
rattacher un enfant a sa mère .Mais au niveau des sanctions, il n y a pas de
raison pour que le père s’en sorte indemne sans être réprimé par la loi a
l’oppose de la mère qui subit des conséquences très lourdes.

Ainsi on peut dire que malgré les efforts déployés par la moudouwana en
matière de protection de l’enfant, certains courants féministes trouvent que
l’article 146 constitue un sorte d’atteinte au droit de l’enfant du moment que
cet article établit la distinction des enfants légitimes et illégitimes en portant
atteinte au droit naturel de l’enfant à être affilié à son père. Selon ces
courants, l’article 146 est une loi qui punit l’enfant d’un crime qu’il n’a pas
commis. En effet, Il y a des jugements judiciaires où le tribunal a demandé des
tests ADN qui ont prouvé la filiation paternelle biologique entre l’enfant et son
père, pourtant le tribunal s’est prononcé contre, la relation étant considérée
comme une relation de Zina (fornication) condamnée par le Code pénal, privant
ainsi l’enfant de filiation paternelle.

Pour ce qui est de ces décisions judiciaires, on peut citer a titre d’exemple le
cas du jugement rendu le 30 janvier 2017, en vertus duquel le tribunal de la
famille de Tanger a reconnu la filiation "parentale" à un enfant né hors
mariage, tout en condamnant son père "biologique" à lui verser une
indemnisation, bien que cette reconnaissance de la paternité ne donnait pas à
l'enfant accès aux droits liés à la filiation tel que héritage , ce verdict considéré
comme jugement historique au Maroc qui ouvrait des perspectives aux enfants
nés hors mariage et qui se trouvent privés de nombreux droits a été finalement
cassé par La cour d'appel de Tanger qui a considéré que la filiation naturelle
paternelle n'existe pas et en dehors des trois motifs prévus par l'article 152,
aucune autre preuve de filiation ne peut être admise, or l'analyse ADN ne fait
pas partie de ces motifs

C’est là l’une des causes du nombre d’avortements et d’abandon des enfants.


Les répercussions sociales de la grossesse non désirée, notamment en termes
d’enfants abandonnés et de mères célibataires, impliquent la nécessité de
garantir les moyens de prévenir ce genre de grossesse et de réviser le cadre
juridique qui pousse d’avantage les hommes à ne pas assumer leurs actes mais
qui pénalise toujours lourdement les mères célibataires et leurs enfants.

Conclusion :

On peut conclure que le Maroc a bel et bien opéré des reformes en matière de
filiation illégitime afin de conserver au maximum les droits des enfants en
dehors des relations matrimoniales. C’est pourquoi Le nouveau code a
finalement prévu la reconnaissance d’un enfant né or mariage, néanmoins il a
conditionné cette procédure par le terme « fiançailles ». Le législateur
marocain doit faire face à un dilemme, il doit d’un côté protéger les droits des
enfants et essayer de légitimer d’avantage la filiation illégitime, toutefois le
Maroc est un pays musulman et donc il ne peut pas enfreindre et transgresser
le fondement religieux du code de la famille.

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