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La tutelle légale et le droit de garde

La notion d’autorité parentale partagée n’existe pas en droit marocain. La mère et le père ont
des droits et des obligations différents, ce qui peut entraîner une inégalité entre eux dans la prise
de décision concernant l'enfant. Le Code de la famille marocain (CFM) établit une distinction
entre les droits détenus par le représentant légal de l’enfant (le tuteur) et les missions confiées
à celui qui en assure la garde.

I . La tutelle légale

L’article 231 du Code de la famille marocain (CFM) mentionne l’ordre dans lequel est désigné
le tuteur légal : « La représentation légale est exercée par :

– le père majeur ;

– la mère majeure à défaut du père ou par suite de la perte de la capacité de ce dernier ;

– le tuteur testamentaire désigné par le père ;

– le tuteur testamentaire désigné par la mère ;

– le juge ;

– le tuteur datif désigné par le juge. »

L’article 235 du Code de la famille marocain apporte des précisions sur les obligations du
tuteur : « le représentant légal veille sur les affaires personnelles de l’interdit (le mineur) en lui
assurant une éducation religieuse et une formation, et en le préparant à la vie, comme il se
charge de la gestion courante de ses biens […]. Le représentant légal est soumis, dans l’exercice
de des missions à la surveillance judiciaire, conformément aux dispositions des articles
suivants. »

Malgré la réforme du Code de la famille marocain qui a établi l'égalité entre les époux,
l'article 236 maintient le père en tant que tuteur légal de l'enfant de droit, reléguant la mère en
position secondaire. La mère peut exercer une tutelle temporaire en cas d'empêchement du père,
comme lors de déplacements à l'étranger ou de maladie. Mais cette tutelle est restreinte, elle
s’exerce uniquement dans le but de veiller sur les intérêts urgents de l’enfant. Le père ne peut
se soustraire à cette responsabilité, sauf en cas de décision judiciaire le déchoyant, par exemple
en cas de violences avérées, auquel cas la tutelle revient à la mère. En cas de décès du père, à
moins qu'il n'ait désigné un tuteur testamentaire, la mère devient tutrice de l'enfant, bien qu'elle
n'assume pas la gestion de ses biens.

II. Le droit de garde

L’article 163 alinéa 1 du Code de la famille marocain précise que « la garde consiste à
préserver l’enfant de ce qui pourrait lui être préjudiciable, l’éduquer et veiller à ses intérêts. »
La garde englobe l’entretien, la scolarisation, l’éducation dans la religion du père et la
sauvegarde de la santé de l’enfant. Elle « se prolonge aussi bien pour le garçon que pour la fille,
jusqu’à l’âge de sa majorité légale. »

Il faut donc distinguer la garde du droit de tutelle, même si les deux consistent à élever l’enfant
dans de bonnes conditions et à le protéger, seule la tutelle permet d’exercer des droits au nom
de l’enfant et de veiller sur ses biens. Selon l’article 164 du (CFM), la garde est attribuée
conjointement à la mère et au père « tant que les liens conjugaux subsistent », contrairement au
droit de tutelle. En cas de divorce ou de décès du père, la garde revient à la mère. L'ordre de
priorité pour la garde est établi en faveur de la mère en premier lieu, suivi du père, et enfin de
la grand-mère maternelle de l'enfant.

C’est là où les vrais débats surgissent !

La tutelle légale sur les enfants est une discrimination notoire envers les femmes. Le texte
actuel prône l’égalité en droits et en responsabilités entre les hommes et les femmes, mais la
tutelle légale est attribuée uniquement au père.

La participation accrue des femmes à la vie publique n'a pas éliminé les obstacles juridiques
persistants qui entravent l'accès effectif à leurs droits. Malgré la reconnaissance, en principe,
du droit de garde maternelle, les législations classiques maintiennent une inéquité en exigeant
l'accord paternel pour des démarches administratives cruciales concernant l'enfant, telles que
l'obtention d'un passeport, l'ouverture d'un compte bancaire ou l'inscription dans une nouvelle
école. Cette disposition crée une asymétrie préjudiciable, où la mère détentrice de la garde
doit néanmoins obtenir le consentement du père, engendrant des situations délicates,
particulièrement pour l'enfant, étant donné que la plupart des divorces génèrent des tensions
parentales. En outre, en matière de déplacement à l'étranger, la mère, malgré son droit de
garde, se trouve contrainte d'obtenir le consentement paternel, son accord du père elle ne peut
pas voyager avec son enfant. Tandis que le père, en tant que tuteur légal, dispose de la liberté
exclusive de quitter le territoire marocain avec l'enfant. Cette disparité soulève des
préoccupations quant à l'égalité des droits parentaux et la nécessité d'une réforme législative
pour éliminer ces entraves discriminatoires.

Pis encore, en cas de remariage, la mère perd la garde de son enfant au profit de son ex-mari.
Paradoxalement, le fait que le père de l’enfant se remarie une nouvelle fois, de son côté, ne lui
enlève pas le droit de garde. Force est de reconnaître ainsi que l’esprit d’égalités pour la garde
des enfants après le divorce n’est pas respecté. Il s’agit en fait d’une autre forme de violence à
l’égard de la femme pour la priver de son droit naturel de se remarier, de refonder une famille
et d’avoir une nouvelle vie sentimentale et stable.

Recommandations / Solutions

Optimiser le bien-être de l'enfant dans le contexte de la garde alternée :

Dans le contexte d'un divorce, la question de la garde des enfants émerge souvent comme le
défi le plus délicat à gérer pour les deux ex-époux. Au-delà des aspects juridiques, la dimension
psychologique revêt une importance cruciale dans le processus de prise de décision. Les parents
doivent impérativement éviter d'impliquer l'enfant dans les conflits qui peuvent surgir durant
cette période délicate. Idéalement, la promotion du mode de garde alternée s'avère être une
solution bénéfique tant sur le plan psychologique que sur le plan du développement de l'enfant.
La garde alternée offre à l'enfant la possibilité de maintenir des liens étroits avec sa mère et son
père, favorisant ainsi un environnement stable et équilibré pour sa croissance. Les deux parents
ont le devoir d'accompagner l'enfant dans son évolution, en mettant de côté les divergences
personnelles au profit de son bien-être.

Sur le plan psychologique, il est essentiel de souligner que le choix de la garde alternée ne
doit pas être perçu comme une forme de punition envers l'un des parents, notamment celui qui
a fait le choix de refaire sa vie. Les parents divorcés ont le droit légitime de reconstruire leur
vie personnelle sans être sujets à la culpabilisation, et cette réalité doit être pleinement reconnue
par toutes les parties impliquées. Il importe de comprendre que l'enfant n'a pas besoin de parents
parfaits, mais plutôt de parents épanouis. Le processus de divorce peut être complexe, mais il
est fondamental que les parents maintiennent leur responsabilité commune envers l'enfant, en
veillant à préserver son équilibre émotionnel et à lui offrir un environnement favorable à son
épanouissement.

Dans cette perspective, les professionnels de la santé mentale, tels que les psychologues ou
les médiateurs familiaux, peuvent jouer un rôle essentiel en aidant les parents à naviguer à
travers les défis émotionnels du divorce et en encourageant des modalités de garde qui
favorisent le bien-être de l'enfant. En favorisant une approche axée sur le respect mutuel, la
communication ouverte et la coopération entre les parents, le processus de divorce peut être
transformé en une opportunité de croissance positive pour tous les membres de la famille, tout
en préservant les droits et le bien-être de l'enfant.

Égalité parentale : Abolir les discriminations de genre dans l'attribution de la tutelle


légale :

L'élimination des discriminations en ce qui concerne la tutelle légale de l'enfant dans le code
de famille marocain est une étape essentielle pour promouvoir l'égalité des sexes et garantir
une approche équitable envers les droits parentaux. Il est primordial de reconnaître que
l'attribution automatique de la tutelle légale au père constitue une discrimination de genre
flagrante. En éliminant cette discrimination, le système juridique peut contribuer à briser les
stéréotypes de genre préjudiciables et favoriser une vision plus inclusive des rôles parentaux.

En abordant spécifiquement la question de la tutelle légale, il est proposé que celle-ci soit
attribuée à celui des parents qui détient la garde de l'enfant. Cette approche repose sur le
principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, garantissant une continuité naturelle dans sa vie
quotidienne et un environnement stable. Cette orientation tient compte des réalités familiales
diverses et reconnaît que la garde effective est un indicateur plus pertinent pour déterminer le
parent le mieux qualifié pour assumer la tutelle légale.

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