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5. Interprétant plus précisément l’alinéa que le droit belge, dans son état actuel, la torture d’abord, les peines et traite-
1er de l’article 17 de la Charte, qui porte n’interdit pas tout châtiment corporel ments inhumains ensuite, les peines et
notamment que «les Parties s’enga- à l’égard des enfants, même s’il est traitements dégradants enfin, constituent
gent à prendre, soit directement, soit incontestable qu’aucune interdiction trois paliers distincts en fonction de la
en coopération avec les organisations explicite n’existe, et que certaines gravité des souffrances infligées. En
publiques ou privées, toutes les mesures normes n’interdisent les châtiments tout cas, pour tomber dans le champ
nécessaires et appropriées tendant (…) corporels que s’ils atteignent un cer- d’application de l’article 3, un acte doit
à protéger les enfants et les adolescents tain degré de gravité. infliger des souffrances d’un minimum
contre la négligence, la violence ou 7. Il convient par ailleurs d’attirer de gravité. Aux yeux de la Cour, pour
l’exploitation», le Comité «est en outre l’attention sur un problème distinct, qu’une peine soit «dégradante», l’hu-
d’avis que vu l’acceptation tradition- trop souvent confondu avec celui de la miliation ou l’avilissement dont elle
nelle des châtiments corporels, il est portée normative des dispositions qui s’accompagne doivent se situer à un
essentiel que la législation sectorielle seront examinées : celui de la nature des niveau particulier et différer en tout
applicable (par exemple le droit de la sanctions qui s’attachent ou devraient cas de l’élément habituel d’humiliation
famille, la loi relative à l’éducation, la s’attacher à la violation des dispositions inhérent à toute condamnation pénale.
loi relative à toutes les formes de pro- concernées, pour satisfaire au prescrit de Cette appréciation est nécessairement
tection de remplacement et au système l’article 17 de la Charte sociale révisée, relative : elle dépend de l’ensemble des
judiciaire, la loi sur l’emploi) interdise tel qu’interprété par le Comité des droits circonstances de la cause, et notamment
clairement leur usage dans les contextes sociaux. de la nature et du contexte de la peine
pertinents» (5). Par ailleurs, à ses yeux, ainsi que de ses modalités d’exécution.
8. Les dispositions interdisant en prin-
«La mise en œuvre d’une interdiction 11. Dans un arrêt déjà ancien, la Cour a
cipe, au regard du droit belge, les châ-
claire et inconditionnelle de tous les décidé que certains châtiments corporels
timents corporels à l’égard des enfants
châtiments demandera des réformes ju- administrés à un enfant dans le cadre
peuvent être trouvées dans le droit inter-
ridiques variées dans les différents États de la discipline scolaire peuvent revêtir
national, dans le droit constitutionnel,
parties. Elle pourra requérir l’adoption le caractère de peine ou de traitement
dans le droit pénal fédéral, dans le droit
de dispositions spécifiques dans des dégradant (8). En l’espèce, il s’agissait de
protectionnel fédéral et dans le droit civil
textes sectoriels relatifs à l’éducation, à trois coups de verge (birch), administrés
fédéral. Aucune disposition pertinente
la justice pour mineurs et aux différentes à un jeune sur le postérieur dénudé, en
n’a été repérée en droit originaire (dé-
formes de protection de remplacement. application de la décision d’un tribunal
crets) ou dérivé (arrêtés) des différentes
Il conviendrait toutefois d’indiquer ex- local appliquant une loi pénale.
Communautés (7).
pressément que les dispositions de la lé-
12. Dans l’arrêt Campbell et Cosans c/
gislation pénale relative aux voies de fait
II. - Le droit international le Royaume-Uni, du 25 février 1982, la
s’appliquent aussi à tous les châtiments
Cour a connu d’une affaire qui mettait en
corporels, y compris dans la famille. Une A. L’interprétation du droit cause un élève menacé de recevoir une
disposition supplémentaire interdisant le
international applicable en Bel- punition corporelle consistant à frapper
recours à toutes les formes de violence,
y compris les châtiments corporels,
gique la paume de la main avec une lanière
de cuir appelée «tawse» (assimilable
pourrait être introduite à cet effet dans le
1. L’article 3 de la Conven- à un martinet), infligée tantôt séance
Code pénal de l’État partie ou bien dans
le Code civil ou encore dans le Code de tion européenne des droits de tenante devant les condisciples, en cas
l’homme de mauvaise conduite en classe, tantôt
la famille. Pareille disposition ferait
par le directeur ou son adjoint, dans son
clairement ressortir que les parents et les 9. L’article 3 de la Convention euro- bureau, en cas de mauvaise conduite à
autres prestataires de soins ne sauraient péenne des droits de l’homme interdit un autre endroit ou de très mauvaise
plus longtemps avancer des arguments la torture et les peines ou traitements conduite. Toutefois, en l’espèce, aucune
traditionnels à leur décharge, à savoir inhumains ou dégradants. exécution de «peine» n’avait eu lieu. Il
leur droit d’administrer des châtiments
10. La jurisprudence de la Cour euro- n’est dès lors pas apparu, aux yeux de la
corporels ("de manière raisonnable"
péenne a depuis longtemps estimé que Cour, que les élèves d’une école où l’on
ou "avec modération") en cas de pour-
suites pénales. Le Code de la famille
devrait également indiquer de manière
positive que, parmi les responsabilités (5) Observation générale no 8 (2006), 2 mars 2007, § 35.
des parents, figure la fourniture d’une (6) Ibidem, § 39.
orientation et de conseils appropriés aux (7) Parce qu’ils n’ont pas de portée normative dans l’ordre juridique belge, on négligera les rapports et recom-
enfants sans recours à une quelconque mandations émanant d’instances internationales, tels le Rapport sur «Interdire le châtiment corporel des enfants
en Europe» de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille de l’Assemblée parlementaire
forme de violence» (6). du Conseil de l’Europe ou la Recommandation 1666 (2004) «Interdire les châtiments corporels des enfants en
6. La décision n° 21/2003 du Comité Europe», de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, du 23 juin 2004 (Doc. 10199, 4 juin 2004).
est critiquable en ce qu’il est inexact (8) Tyrer c./ Royaume-Uni du 25 avril 1978, §§ 29 et ss.
recourt à de telles punitions soient, en Dans son arrêt, la Cour rappelle que des 3. Les articles 19 et 28
raison du simple risque d’en subir une, mauvais traitements doivent atteindre un de la Convention relative
humiliés ou avilis aux yeux d’autrui au minimum de gravité pour tomber sous le aux droits de l’enfant
degré voulu ou à un degré quelconque. coup de l’article 3, mais constate aussi
13. Dans un arrêt Costello-Roberts c./ le que tel était le cas en l’espèce. Au de- 17. L’article 19 de la Convention rela-
Royaume-Uni, du 25 mars 1993, la Cour meurant, le gouvernement du Royaume- tive aux droits de l’enfant prévoit que
a eu à connaître de la compatibilité avec Uni l’avait admis devant elle et avait les États parties prennent toutes les
l’article 3 de la Convention de la pratique concédé que la loi britannique n’était mesures législatives, administratives,
consistant à infliger sur le postérieur d’un pas suffisamment protectrice. sociales et éducatives appropriées pour
enfant de sept ans, par-dessus son short, protéger l’enfant contre toute forme
trois coups de chaussure de gymnastique 2. L’article 7 du Pacte interna- de violence, d’atteinte ou de brutalités
à semelle de caoutchouc. Comparant tional relatif aux droits civils physiques ou mentales, d’abandon ou
cette espèce avec celle qui concernait et politiques de négligence, de mauvais traitements
M. Tyrer (ci-dessus), la Cour a constaté ou d’exploitation, y compris la violence
15. L’article 7 du Pacte international sexuelle, pendant qu’il est sous la garde
que M. Costello-Roberts était un jeune
relatif aux droits civils et politiques de ses parents ou de l’un d’eux, de son
garçon puni conformément au règlement
contient une interdiction similaire à ou ses représentants légaux ou de toute
disciplinaire en vigueur dans l’internat
celle de l’article 3 de la Convention eu- autre personne à qui il est confié. Les me-
où il séjournait. Le directeur lui donna,
ropéenne, mentionnant en plus les «trai- sures de protection doivent comprendre,
sans témoins, trois coups de chaussure
tements cruels» : «Nul ne sera soumis à selon qu’il conviendra, des procédures
de gymnastique à semelle de caoutchouc
la torture ni à des peines ou traitements efficaces pour l’établissement de pro-
sur le derrière, par-dessus le short. M.
cruels, inhumains ou dégradants (…)». grammes sociaux visant à fournir l’appui
Tyrer, lui, était un adolescent condamné
par le tribunal local pour jeunes à trois 16. Le Comité des droits de l’homme (9) nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est
coups de verge sur le postérieur dénudé. a estimé dans une observation générale confié, ainsi que pour d’autres formes de
Il subit sa peine, trois semaines plus tard, que «L’interdiction énoncée à l’article prévention, et aux fins d’identification,
dans un commissariat où deux policiers 7 concerne non seulement des actes de rapport, de renvoi, d’enquête, de
le tenaient tandis qu’un troisième lui qui provoquent chez la victime une traitement et de suivi pour les cas de
administrait son châtiment; au premier douleur physique, mais aussi des actes mauvais traitements de l’enfant décrits
coup, la verge se brisa en partie. Le qui infligent une souffrance mentale. En ci-dessus, et comprendre également,
jeune Costello-Roberts n’a quant à lui outre, de l’avis du Comité, l’interdiction selon qu’il conviendra, des procédures
fourni aucune preuve d’effets graves doit s’étendre aux peines corporelles, y d’intervention judiciaire.
ou durables du traitement dénoncé, compris les châtiments excessifs infligés 18. L’article 28, § 2, de la même Conven-
dépassant les conséquences à escompter à titre de sanction pénale ou de mesure tion porte que la discipline scolaire doit
de mesures prises sur un plan purement éducative ou disciplinaire. À cet égard, être appliquée d’une manière compatible
disciplinaire. Une peine qui n’entraînait il convient de souligner que l’article avec la dignité de l’enfant en tant qu’être
pas de telles séquelles peut tomber sous 7 protège notamment les enfants, les humain.
l’empire de l’article 3 si l’on peut consi- élèves des établissements d’enseigne-
19. Se fondant sur ces dispositions, le
dérer qu’en l’occurrence elle atteignait le ment et les patients des institutions
Comité des droits de l’enfant (11), consi-
seuil de gravité requis. La Cour a estimé médicales» (10). On le voit, le Comité
dère qu’aucune forme de violence contre
qu’il n’en avait pas été ainsi en l’espèce, évoque les traitements «excessifs». Par
les enfants n’est acceptable, en aucune
même si le caractère automatique de la ailleurs, il est communément admis en
circonstance.
sanction et le délai de trois jours avant doctrine que l’article 7 du Pacte a la
même portée normative que l’article 3 20. Dans la Première observation gé-
l’exécution de celle-ci lui «inspiraient nérale sur les buts de l’éducation, du
certaines préoccupations». de la Convention européenne.
17 avril 2001, le Comité des droits de
14. Dans un arrêt A. c/ le Royaume-Uni l’enfant énonçait déjà que «L’éducation
du 24 septembre 1998, la Cour rendait doit également être dispensée dans le
sa décision dans une affaire mettant en respect des limites strictes de la disci-
cause un enfant âgé de neuf ans, qui pline conformément au paragraphe 2 de
avait reçu des coups de bâton de son l’article 28 et de façon à encourager la
beau-père. Des meurtrissures et des ec-
chymoses avaient été constatées par un (9) Ce comité est institué par l’article 28 du Pacte. Il ne rend pas de décisions juridictionnelles contraignantes.
médecin. Le beau-père avait été inculpé Il est habilité à formuler des observations générales.
de «voies de fait portant atteinte à l’inté- (10) Observation générale n° 20 remplaçant l’observation générale 7 concernant l’interdiction de la torture et des
grité physique», mais un jury le déclara traitements cruels, 10 mars 1992, § 5.
non coupable, la loi anglaise admettant (11) Ce comité, institué par l’article 43 de la Convention, ne rend pas non plus de décisions juridictionnelles, mais
la notion de «châtiment raisonnable». il est habilité à formuler des observations générales ou à l’égard d’un État partie.
non-violence dans le milieu scolaire. Le de douleur, de désagrément ou d’humi- publiques ou privées, toutes les mesures
Comité a indiqué clairement à maintes liation à des fins punitives. nécessaires et appropriées tendant : (…)
reprises dans ses observations finales 22. À l’occasion cette fois de l’examen (b) à protéger les enfants et les adoles-
que le recours aux châtiments corporels des rapports périodiques des États par- cents contre la négligence, la violence
allait à l’encontre du respect de la di- ties, le Comité des droits de l’enfant a ou l’exploitation;».
gnité inhérente de l’enfant et des limites demandé à de nombreux pays de tous les 25. La décision rendue à l’encontre de la
strictes de la discipline scolaire» (12). continents d’interdire clairement tous les Belgique est elle-même très claire sur sa
21. Dans son Observation générale châtiments corporels – dans la famille, méthode d’interprétation et sur la portée
n° 8 de 2006 (13), le Comité définit les dans les structures de placement, dans de celle-ci : «En vue de l’interprétation
châtiments «corporels» ou «physiques» les écoles et dans les établissements de l’article 17, le Comité se réfère no-
comme tous les châtiments impliquant pénitentiaires – et il a suggéré d’associer tamment à :
l’usage de la force physique et visant à la réforme légale à des campagnes de - l’article 19 de la Convention des
infliger un certain degré de douleur ou formation à une discipline positive pour Nations unies relative aux droits de
de désagrément, aussi léger soit-il. La soutenir les parents, les enseignants et l’enfant tel qu’interprété par le Co-
plupart de ces châtiments donnent lieu les autres groupes concernés (14). mité des Droits de l’enfant;
à l’administration d’un coup («tape», 23. La Première Observation générale - l’article 3 de la Convention euro-
«gifle», «fessée») à un enfant, avec la du Comité des droits de l’enfant sur les péenne des droits de l’homme tel
main ou à l’aide d’un instrument - fouet, buts de l’éducation, déjà citée, énonce qu’interprété par la Cour européenne
baguette, ceinture, chaussure, cuillère de encore que «L’éducation doit également des Droits de l’Homme (notamment
bois, etc. Ce type de châtiment peut aussi être dispensée dans le respect des limites en ce qui concerne la fustigation
consister, par exemple, à donner un coup strictes de la discipline conformément judiciaire à enfant : l’arrêt Tyrer
de pied, secouer ou projeter un enfant, le au paragraphe 2 de l’article 28 et de c. Royaume-Uni, 1978, en ce qui
griffer, le pincer, le mordre, lui tirer les façon à encourager la non-violence dans concerne les châtiments corporels
cheveux, lui «tirer les oreilles» ou bien le milieu scolaire. Le Comité a indiqué infligés à l’école : l’arrêt Campbell
encore à forcer un enfant à demeurer clairement à maintes reprises dans ses et Cosans c. Royaume-Uni, 1982,
dans une position inconfortable, à lui observations finales que le recours aux et en ce qui concerne les châtiments
infliger une brûlure, à l’ébouillanter ou châtiments corporels allait à l’encontre corporels parentaux : l’arrêt A. c.
à le forcer à ingérer quelque chose (par du respect de la dignité inhérente de Royaume-Uni, 1998);
exemple, laver la bouche d’un enfant l’enfant et des limites strictes de la dis-
avec du savon ou l’obliger à avaler des - la Recommandation n° R (93) 2 sur
cipline scolaire» (§ 8).
épices piquantes). De l’avis du Comité, les aspects médico-sociaux des mau-
tout châtiment corporel ne peut être que 4. L’article 17 de la Charte vais traitements infligés aux enfants
dégradant. En outre, certaines formes adoptée par le Comité des Ministres
sociale européenne révisée le 22 mars 1993, la Recommandation
non physiques sont également cruelles et
dégradantes et donc incompatibles avec 24. L’article 17, littera b, de la Charte n° R (90)2 sur les mesures sociales
la Convention. À leur nombre figurent, sociale européenne révisée – dont l’ap- concernant la violence au sein de la
par exemple : les châtiments tendant à plication au cas de la Belgique, par la famille adoptée par le Comité des
rabaisser, humilier, dénigrer, prendre décision du Comité des droits sociaux Ministres du Conseil de l’Europe le
pour bouc émissaire, menacer, effrayer du 7 décembre 2004, constitue le centre 15 janvier 1990, la Recommandation
ou ridiculiser l’enfant. Le Comité a de la polémique, comme on l’a vu – n° R (85) 4 sur la violence au sein de
souligné que les châtiments corporels, porte, sous le titre «Droit des enfants la famille adoptée par le Comité des
mêmes légers, dans la famille, les écoles et des adolescents à une protection Ministres le 26 mars 1985;
ou d’autres établissements, ou dans le sociale, juridique et économique», que - la Recommandation 1666 (2004)
système pénal, sont incompatibles avec «En vue d’assurer aux enfants et aux «Interdire le châtiment corporel
la Convention. (Rapport sur la vingt- adolescents l’exercice effectif du droit des enfants en Europe» adoptée par
cinquième session, «La violence d’État de grandir dans un milieu favorable à l’Assemblée parlementaire le 24 juin
contre les enfants», septembre/octobre l’épanouissement de leur personnalité 2004» (15).
2000, CRC/C/100, § 688.) Le Comité et au développement de leurs aptitudes
reconnaît que l’exercice des fonctions physiques et mentales, les Parties s’en-
parentales et l’administration de soins gagent à prendre, soit directement, soit
aux enfants, en particulier aux bébés et en coopération avec les organisations
aux jeunes enfants, exigent fréquemment
des actions et interventions physiques (12) § 8.
destinées à les protéger, mais elles sont (13) CRC/C/GC/8, 2 mars 2007.
très différentes du recours délibéré à la (14) Rapport sur la vingt-huitième session, septembre/octobre 2001, CRC/C/111, § 715.
force en vue d’infliger un certain degré (15) § 38.
B. Les interprétations doctri- qu’elle puisse accepter la constitution- décrets et des ordonnances de la Région
nales et jurisprudentielles nalité des châtiments corporels que de Bruxelles-capitale relève quant à elle
le Comité des droits de l’enfant ou le exclusivement du contrôle de la Cour
31. La Cour constitutionnelle, dont Comité des droits sociaux ont jugés in- constitutionnelle.
tous les arrêts sont publiés, n’a jamais compatibles avec la Convention relative
été saisie d’affaires posant la question aux droits de l’enfant ou avec la Charte IV. - Le droit pénal
de la constitutionnalité, au regard de sociale.
l’article 22bis, d’une norme autorisant
ou interdisant les châtiments corporels 36. Il n’est certainement pas dérai- A. Les dispositions pertinentes
à l’égard des enfants. sonnable de soutenir qu’un châtiment
40. Le Code pénal punit les coups et
corporel, même léger, administré par
32. Les jugements et arrêts des cours blessures volontaires et prévoit une
les parents ou par un éducateur, est
et tribunaux de l’ordre judiciaire, qui gradation des peines en fonction de la
de nature à compromettre l’intégrité
doivent assurer le respect des normes gravité des conséquences de l’acte.
d’un enfant, ce qui est au demeurant le
constitutionnelles contraignantes, ne postulat même du Comité des droits de 41.Comme le relève la décision
sont quant à eux pas tous publiés, loin l’enfant, du Comité des droits sociaux, n° 21/2003 du Comité européen des
s’en faut, mais il semble que cette ques- de l’OMCT et des partisans de l’inter- droits sociaux, les articles 398 et suivants
tion ne leur a jamais été posée non plus diction légale absolue de ces châtiments. du Code pénal, retranscrits in extenso au
dans son principe. Il faut en déduire que de tels châtiments § 14 de la décision, incriminent les actes
33. L’Organisation mondiale contre la sont contraires à l’alinéa 1er de l’article constitutifs de «coups et blessures vo-
torture avait soutenu devant le Comité 22bis de la Constitution. lontaires» et prévoient des dispositions
des droits sociaux que le nouvel article tenant compte de l’âge de la victime.
22bis de la Constitution, qui se réduisait C. Les effets juridiques de 42. On peut ajouter que la préméditation
alors aux actuels alinéas 1er et 5, a été in- l’article 22bis de la Constitution est une circonstance aggravante des
troduit à la suite d’une recommandation coups et blessures volontaires (art. 398,
37. On peut soutenir que l’article 22bis,
de la Commission d’enquête parlemen- al. 2, du Code pénal). Dans la plupart
alinéa 1er, de la Constitution ne produit
taire «Dutroux» et a donc nécessaire- des cas, l’administration de châtiments
pas d’effets directs en droit interne,
ment été perçu comme visant davantage corporels à un enfant l’inclut nécessai-
en raison du libellé de l’alinéa 5. Il ne
le droit de l’enfant à être protégé contre rement.
pourrait acquérir d’effectivité que par
les actes d’extrême violence ainsi que 43. De même, l’article 405ter du Code
la consécration des droits de l’enfant
contre les sévices et exploitation sexuels pénal prévoit une circonstance aggra-
concernés, à travers une loi, un décret
que contre les autres formes de violence vante lorsque le fait a été commis envers
ou une ordonnance de la Région de
socialement acceptées (18). un mineur par ses père, mère au autres
Bruxelles-Capitale, selon les domaines
34. L’OMCT n’avait sans doute pas tort, respectifs de compétence. ascendants, toute autre personne ayant
mais aucune conséquence juridique ne autorité sur le mineur ou en ayant la
38. Il serait néanmoins envisageable de
peut être déduite de sa constatation. Les garde ou tout autre personne qui cohabite
donner une portée normative autonome
droits fondamentaux ne s’interprètent occasionnellement ou habituellement
à l’alinéa 1er – et d’ailleurs à l’alinéa
pas d’abord en fonction de l’intention avec la victime. L’énonciation large des
4 – et de soutenir qu’en ce qu’il inter-
des auteurs de la norme ou des événe- auteurs possibles comprend en outre no-
dit certains comportements, il confère
ments qui ont provoqué sa naissance, tamment les enseignants, les moniteurs
directement aux enfants le droit de
mais en fonction des conditions actuelles de sport, les chefs scouts, etc.
ne pas subir un traitement qui irait à
et du contexte des affaires qui sont 44. Les articles 417bis à 417quinquies
l’encontre de leur intégrité morale,
ultérieurement soumises aux instances du Code pénal belge, introduits par une
physique, psychique et sexuelle, parce
compétentes. C’est une constante de la loi du 14 juin 2002, visent la répression
qu’une telle injonction négative se suffit
théorie de l’interprétation des droits fon- de la torture, du traitement inhumain et
à elle-même sans qu’il soit nécessaire
damentaux internationalement consa- du traitement dégradant.
de la mettre en œuvre par une loi, un
crés, admise par toutes les instances
décret ou une ordonnance. Un tribunal 45. J.J. Haus, considéré comme le «père»
internationales de contrôle.
pourrait donc reconnaître l’interdiction du Code pénal belge, admettait le droit
35. La Cour constitutionnelle elle-même de tout châtiment corporel en prenant de correction des parents et des institu-
a par ailleurs toujours interprété les appui sur l’article 22bis, alinéa 1er, de la teurs, qu’il distinguait de la peine (19).
normes de notre loi fondamentale au re- Constitution. Gustave Beltjens, en 1901, écrit cepen-
gard du droit international et en fonction dant déjà qu’un instituteur n’a jamais le
39. Pour rappel, la vérification de la
de la jurisprudence ou des observations droit de frapper les enfants qui lui sont
conformité à la Constitution des lois, des
des instances internationales habilitées
à rendre des décisions ou à formuler (18) Décision du Comité des droits sociaux du 7 décembre 2004 sur le bien-fondé de la réclamation n° 21/2003,
ces observations en matière de droits § 20.
de l’homme. On imagine difficilement (19) Principes généraux du droit pénal belge, Gand, 1879, n° 74.
confiés. Le cas échéant, il doit être pour- corporels figurent encore parmi les être interprété comme interdisant tout
suivi du chef de coups et blessures (20). méthodes éducatives […] Qu’en consé- châtiment corporel et comme incom-
Il concède toutefois – à l’aube du XXème quence, l’usage de la contrainte ne patible avec un prétendu droit de cor-
siècle – que l’on peut tolérer de la part saurait constituer une méthode éduca- rection qui n’apparaît dans aucun texte.
des parents «de légères corrections ma- tive ou un moyen destiné à sanctionner Toute autre interprétation reviendrait à
nuelles, pour contraindre les enfants à a posteriori un comportement et tenter contester le pouvoir accordé au Comité
l’obéissance» (21). Les Novelles font leurs de générer, le cas échéant, rétribution des droits de l’enfant par le Traité. Le
la doctrine et la jurisprudence françaises et prévention» (26). On est sans doute ici même raisonnement est applicable à la
fondées sur une série d’arrêts de la Cour en présence d’une jurisprudence que Charte sociale révisée et aux pouvoirs
de cassation dont le plus ancien remonte le Comité européen des droits sociaux du Comité des droits sociaux.
au 18 floréal an X, en enseignant qu’un disait manquante, mais dont il avait 50. L’OMCT avait soutenu devant le
soufflet n’est pas une violence légère, connaissance par le mémoire déposé Comité des droits sociaux que «s’il
mais un coup qui justifie l’application devant lui par la Belgique... est vrai que le Code pénal vise spé-
des peines correctionnelles (22). Cet en- 48. Il est cependant exact qu’il ne cifiquement les violences à enfant, en
seignement semble toutefois concerner semble pas possible de trouver d’autre pratique, les dispositions pénales ne
un soufflet administré à un adulte et ne jurisprudence publiée établissant à sont invoquées que pour réprimer les
dit rien du droit de correction paternelle. titre de principe que toute violence à cas graves de violence à enfant» (27). On
46. D’autres éminents auteurs, civilistes, l’encontre des enfants, même légère, ne peut que constater que la position
ont enseigné que le droit de correction exercée par les parents, est constitutive de l’OMCT contient une confusion
des parents incluait le pouvoir pour les de coups et blessures. Au demeurant, manifeste entre la question de la portée
père et mère de châtier l’enfant, même s’ils ne contiennent pas de raisonnement juridique des dispositions du Code pé-
corporellement (23). Cet enseignement, juridique intéressant, les jugements ou nal et une appréciation de la politique
qui remonte à bien plus d’un demi-siècle arrêts rendus par les juridictions pénales de répression du ministère public, seul
et fait droit à la notion de correction au ne sont pas publiés (moins d’un pourcent juge, en Belgique, de l’opportunité des
titre d’une exception à l’interdiction des décisions de justice sont publiées). poursuites. Le Comité semble entraîné
de coups et blessures volontaires, doit 49. C’est toutefois dans l’interprétation dans cette confusion. S’il est exact en
assurément être considéré comme de l’article 398, alinéa 1 er, du Code effet que les parents violents à l’égard
aujourd’hui dépassé. Déjà en…1898, pénal que prend toute son importance de leurs enfants ne sont poursuivis en
en effet, d’autres auteurs très autorisés la portée interprétative des dispositions pratique que dans les cas graves, cette
annonçaient qu’«On admet encore internationales ratifiées par la Belgique. pratique ne concerne pas la question de
actuellement, mais sans doute n’ad- Celle-ci, on l’a dit, a notamment ratifié savoir si le Code interdit ou non tout
mettra-t-on plus bientôt, que le droit de l’article 19 et l’article 28, § 2, de la châtiment corporel. On peut d’ailleurs
correction reconnu aux parents vis-à-vis Convention relative aux droits de l’en- supposer – et même espérer – que si des
de leurs enfants s’étend aux corrections fant. Le Comité des droits de l’enfant a dispositions pénales spécifiques visaient
corporelles» (24). estimé que ces articles interdisent toute explicitement la répression des châti-
47. D’ailleurs, la très rare jurisprudence violence physique à l’égard des enfants, ments corporels à l’égard des enfants,
publiée donne l’exemple d’un arrêt de même légère, et même administrée avec cette politique ne serait pas modifiée et
la cour d’appel de Bruxelles du 10 dé- une intention bienveillante par un parent que tous les parents administrant une
cembre 1949 qui a décidé que le préfet ou un instituteur. Or la Belgique a pris fessée à leur enfant ne devraient pas, au
de discipline qui a considéré comme de l’engagement de prendre toutes les me- vœu de l’OCMT, comparaître devant
son devoir d’éducateur d’administrer une sures législatives et autres nécessaires à le tribunal correctionnel. Le Comité
correction corporelle ne peut justifier la mise en œuvre des droits reconnus à des droits de l’enfant lui-même ne le
au regard de la loi, et dans l’état actuel l’enfant par la Convention. Il s’en déduit souhaite heureusement pas, comme on
de nos mœurs, les coups dont il s’agit. que si le texte du Code pénal le permet, le verra.
Le dol général existe dès que l’auteur a ce qui est le cas, il doit nécessairement
entendu volontairement faire du mal, ce
(20) Droit criminel belge, Bruxelles-Paris, 1901, sub art. 398, n° 12.
mal fût-il essentiellement momentané
et causé dans la pensée qu’il pourrait (21) Ibidem.
en résulter un bien ultérieur. Le mobile (22) Novelles, Droit pénal, T. IV, Les infractions, 1989, n° 6748, citant l’auteur français E. Garçon, Code pénal
annoté, Paris, 1901-1906, sub art. 309 à 311, n° 22 et Répert. Dall. , v° «Crimes et délits contre les personnes»,
ne peut l’exonérer de toute faute (25). Le n° 148.
Tribunal correctionnel de Bruxelles a (23) H. De Page, Traité élémentaire de droit civil, t. 1, 1ère édition, 1939, 2e édition, 1947, n° 792.
par ailleurs rendu en 1996 un jugement (24) Nypels et Servais, Code pénal belge interprété, t. III, sub art. 398, n° 17.
qui précisait, à propos d’une sanction
(25) Bruxelles, 10 décembre 1949, Journal des tribunaux, 1950, p. 208, obs. R. Philips; Revue de droit pénal et de
encourue par un enfant dans un institut criminologie, 1949, p. 900.
médico-pédagogique, «Qu’[…] il n’est (26) Corr. Bruxelles, 14 mars 1996, Journal du droit des jeunes, p. 331, n° 157, 1996.
plus concevable que les châtiments (27) § 21 de la décision sur le bien-fondé de la réclamation n° 21/2003.
51. Il est plus surprenant que le Comité large et extensive ces notions [de torture, par le Comité des droits de l’enfant, ce
européen des droits sociaux ait cepen- de traitement inhumain et de traitement texte doit nécessairement être lu comme
dant estimé que, même si le Code pénal dégradant] en tenant compte notam- protégeant les enfants de tout châtiment
belge punit les voies de fait et prévoit ment de la jurisprudence de la Cour corporel administré par quiconque,
des sanctions aggravées si elles sont européenne des droits de l’homme». même un parent ou un éducateur.
commises à l’égard des enfants, ces Cette position est incompatible avec le 56. Des mesures à l’égard des parents
dispositions ne constituent pas une inter- principe d’interprétation stricte du droit peuvent être prises en application de
diction en droit suffisante au regard de pénal. Les articles 417bis à 417quin- cette législation.
l’article 17, § 1er, de la Charte révisée (28). quies du Code pénal ne sauraient être
Il considère mutatis mutandis que les considérés comme interdisant tout châ- B. Les effets juridiques
dispositions précitées du Code pénal timent corporel à l’égard d’un enfant, en droit interne
belge ne constituent pas une base juri- puisqu’on a vu que la Cour européenne
dique adéquate aux fins de l’article 17 des droits de l’homme considère qu’il 57. Le titre préliminaire de la loi du
tel qu’il l’a interprété. Le moins que l’on doit atteindre un certain seuil de gravité 8 avril 1965 a été inséré par loi du 13
puisse dire est que, par cette motivation, pour constituer un traitement dégradant, juin 2006. Sa portée juridique n’est
le Comité ne justifie guère sa position. et a fortiori un traitement inhumain ou pas claire. En raison de la formulation
La référence donnée par la décision aux un acte de torture. de la première phrase («Les principes
Conclusions 2003 relative à la France suivants sont reconnus et applicables
(qui vise en réalité vraisemblablement B. Les effets juridiques à l’administration de la justice des mi-
la page 85 et non les pages 184 à 189, en droit interne neurs»), on pourrait soutenir qu’ils ne
inexistantes) n’est pas explicative. Elle sont contraignants qu’au bénéfice des
renvoie à un paragraphe indiquant, à Le Code pénal est évidemment contrai- enfants à l’égard desquels la justice des
propos de la France, que «Pour ce qui gnant pour toute personne relevant de la mineurs est administrée.
est des châtiments corporels, le Comité juridiction de la Belgique.
note que, selon le rapport, il n’est pas Un tribunal compétent en la matière VI. - Le droit civil
formellement proscrit d’y avoir recours doit condamner le prévenu si des faits
à domicile, à l’école ou dans d’autres de violence à l’égard d’un enfant, même
institutions. Cela étant, le Code pénal A. Les dispositions pertinentes
légère, sont établis.
interdit d’user de violence à l’encontre 58. En 1995, l’article 371 du Code civil,
d’une personne et prévoit des peines qui portait depuis 1804 que «L’enfant, à
plus lourdes lorsque la victime a moins V. - Le droit protectionnel
tout âge, doit honneur et respect à ses
de 15 ans ou lorsque l’auteur des faits père et mère» a été remplacé par la dis-
a des liens de parenté avec l’enfant ou A. Les dispositions pertinentes
position suivante : «L’enfant et ses père
a autorité sur lui. Le Comité observe 53. Le titre préliminaire de la loi du et mère se doivent, à tout âge, mutuelle-
que ces dispositions du Code pénal ne 8 avril 1965 relative à la protection de ment le respect» (Loi du 13 avril 1995).
couvrent pas nécessairement toutes les la jeunesse, à la prise en charge des
formes de châtiments corporels et juge 59. Il n’existe ni jurisprudence publiée,
mineurs ayant commis un fait qualifié ni opinion doctrinale interprétant cette
donc la situation non conforme à la
infraction et à la réparation du dommage disposition comme interdisant tout châ-
Charte révisée». La circonstance que le
causé par ce fait prévoit que «les mineurs timent corporel à l’égard d’un enfant.
Code pénal français, selon le Comité,
jouissent dans le cadre de la présente
ne couvre pas nécessairement toutes les 60. En vertu de la portée interprétative
formes de châtiments corporels ne dit loi, à titre propre, de droits et libertés,
des normes internationales même dé-
rien de l’interprétation qu’il convient de au nombre desquels figurent ceux qui
pourvues d’effets directs, cette manière
donner aux dispositions du Code pénal sont énoncés dans la Constitution et la
d’appliquer l’article 371 du Code civil
belge et n’explique pas en quoi celui-ci Convention internationale relative aux
serait, en la matière, la seule possible. Il
ne constituerait pas une interdiction en droits de l’enfant […]».
convient de raisonner de la même ma-
droit suffisante au regard de l’article 17, 54. Il n’existe ni jurisprudence publiée, nière que pour les articles 398 et suivants
§ 1er, de la Charte révisée. ni opinion doctrinale interprétant le du Code pénal.
52. Disons un mot à propos des articles titre préliminaire de la loi du 8 avril
417bis à 417quinquies du Code pénal 1965 comme interdisant tout châtiment B. Les effets juridiques
belge, introduits par une loi du 14 juin corporel à l’égard d’un enfant. en droit interne
2002, visant la répression de la torture, 55. À nouveau toutefois, en raison de la 61. L’article 371 du Code civil est une
du traitement inhumain et du traitement portée interprétative de la Convention disposition contraignante, pour toute
dégradant. L’État belge, devant le Co- relative aux droits de l’enfant interprétée personne relevant de la juridiction de la
mité des droits sociaux, a invoqué ces
dispositions pour soutenir que les cours
et tribunaux belges, avec les textes
(28) Le Comité fait référence sur ce point à ses Conclusions 2003, tome 1, France, p. 184 à 189.
existant, «peuvent interpréter de façon
exemple, l’éloignement de l’enfant ou nelles à l’égard des parents, comme opportun, et il suffirait sans doute, de
l’éloignement de l’auteur des faits répré- l’imposition d’une assistance éducative, compléter le 4° de l’article 1er du décret
hensibles) ne devraient être envisagés de stages parentaux, le placement auto- du 12 mai 2004 relatif à l’aide aux
que si pareille mesure apparaît néces- ritaire de l’enfant, voire la déchéance enfants victimes de maltraitance. Son
saire pour protéger l’enfant contre un de l’autorité parentale. On rappellera libellé est actuellement : «Article 1er.
préjudice notable et conforme à l’intérêt en effet, sur ce dernier point, qu’aux Au sens du présent décret, on entend
supérieur de l’enfant affecté. Les opi- termes de l’article 32 de la loi du 8 avril par : (…) 4° situation de maltraitance :
nions de l’enfant affecté devraient être 1965, qui reprend d’ailleurs certaines toute situation de violences physiques,
dûment prises en considération eu égard dispositions de la loi du 15 mai 1912 de sévices corporels, d’abus sexuels,
à son âge et à son degré de maturité» (35). sur la protection de l’enfance, «Peut être de violences psychologiques ou de né-
Bref, la position du Comité des droits de déchu de l’autorité parentale, en tout ou gligences graves qui compromettent le
l’enfant quant à la nature de la sanction en partie, à l’égard de tous ses enfants, développement physique, psychologique
et à la nécessité de poursuites répressives de l’un ou de plusieurs d’entre eux : ou affectif de l’enfant; une attitude ou
des auteurs de violence à l’égard des 1° le père ou la mère qui est condamné un comportement maltraitant peuvent
enfants n’est pas très cohérente. Celle à une peine criminelle ou correction- être intentionnels ou non;». Cette option
du Comité des droits sociaux est vague. nelle du chef de tous faits commis sur aurait le mérite d’éviter la pénalisation
65. Il n’est sans doute pas nécessaire de la personne ou à l’aide d’un de ses trop systématique.
souligner l’effet déplorable que pourrait enfants ou descendants; 72. Il va cependant de soi que préciser
avoir la systématicité de la sanction 2° le père ou la mère qui, par mauvais que tout châtiment corporel est un acte
pénale à l’égard des parents ou des édu- traitements, abus d’autorité, incon- de maltraitance entraînera que les dispo-
cateurs sur l’enfant lui-même. Celui-ci, duite notoire ou négligence grave, sitifs prévus par le décret pourront être
qu’on le veuille ou non, se sentirait in- met en péril la santé, la sécurité ou déclenchés le cas échéant, soit l’apport
vesti du pouvoir de mettre en accusation la moralité de son enfant». d’une aide et de la protection à l’enfant
les adultes devant autrui ou à tout le victime ou à sa famille, l’orientation vers
Le 1° peut concerner une condamnation
moins de les en menacer, ce qui serait de ou le relais dans la prise en charge par
pénale du chef de coups et blessures
nature à pervertir gravement la relation le centre psycho-médico-social, le ser-
volontaires. Le 2° peut viser tout châ-
parents-enfants ou éducateurs-éduqués vice de promotion de la santé à l’école,
timent corporel qui, comme on l’a vu,
au préjudice de tous, et à disqualifier la l’équipe SOS Enfants, le conseiller ou
est toujours un mauvais traitement. Il va
figure paternelle (au sens large de celle tout autre intervenant compétent spé-
sans dire cependant que la déchéance,
qui peut être incarnée par n’importe quel cialisé, ou encore l’interpellation par le
fort heureusement, requiert un degré
parent ou éducateur), dont beaucoup di- Délégué général aux droits de l’enfant
élevé de gravité.
sent qu’elle s’estompe dangereusement (art. 3). La formation initiale et conti-
dans une société trop individualiste et 69. Les sanctions civiles peuvent consis- nuée des intervenants professionnels
dépourvues de repères pour les enfants. ter en une condamnation à payer des (art. 17 et 18) devrait être adaptée, de
dommages et intérêts à l’enfant, ce qui même que les campagnes d’information
66. En droit interne belge, selon la norme
est fort théorique, d’autant plus qu’en ou de sensibilisation à destination du
violée, la sanction peut être pénale (vio-
principe les parents représentent les grand public, des parents ou des enfants
lation du Code pénal) ou civile (violation
enfants mineurs en justice et gèrent leurs (art. 20).
d’une norme internationale, d’une norme
biens (il existe toutefois des mécanismes
constitutionnelle, du Code civil). 73. En quels termes préciser la définition
pour contourner ces difficultés).
67. La sanction pénale ne peut être pro- de la maltraitance dans un décret ? Le
70. La constatation de mauvais traite- droit comparé pourrait constituer une
noncée que sur la base d’une disposition
ments, même peu graves, peut par contre source d’inspiration (37). Le plus simple
qui prévoit, avant la commission des
manifestement avoir des conséquences serait peut-être de prévoir qu'«Aucun
faits, une infraction et une peine (c’est le
civiles indirectes sur l’exercice de l’au- éducateur de l’enfant n’est autorisé à
principe Nullum crimen sine lege, nulla
torité parentale ou l’hébergement, dès user de violences physiques ou psycholo-
poena sine lege). Celle-ci peut être un
lors qu’un juge serait saisi (application giques, même les plus légères, à l’égard
emprisonnement, une amende ou une
de l’article 223, 374, 387bis du Code d’un enfant». le décret ne prévoirait pas
peine de substitution comme le travail
civil, ou de l’article 1280 du Code ju- de sanctions explicites. Celles-ci seraient
d’intérêt général. À lire l’Observation
diciaire). déduites de la violation concomitante de
générale n° 8 (36), toutefois, il semble-
rait qu’aux yeux du Comité des droits 71. S’il faut légiférer au niveau de la normes civiles ou pénales.
de l’enfant, l’ouverture systématique Communauté française, il pourrait être
d’une information ou à tout le moins
un «signalement» constituent déjà une
(35) § 41.
«sanction» adéquate.
(36) § 40, cité ci-dessus.
68. Peuvent être assimilées à des sanc- (37) Voy. http://www.endcorporalpunishment.org/pages/frame.html, qui inclut aussi, le cas échant, des précisions
tions pénales les mesures protection- sur l’historique des interdictions et sur les interprétations jurisprudentielles.