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II-

B- les évolutions en droit béninois

La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 consacre et garantit tous

les droits reconnus universellement1. Il s’agit des droits proclamés et

contenus dans la charte des Nations unies de 1945, ceux contenus dans la

Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, et

aussi dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité africaine et ratifiée par le

Bénin le 20 janvier 1986 et dont les dispositions font partie intégrante de la

Constitution et du droit béninois 2. Mais le législateur n’a pas suivi cet élan

en ce qui concerne les infractions contenues dans l’interdiction de la

torture. Le rôle du législateur est de déterminer le cadre normatif dans

lequel le juge exercera son activité répressive 3. Le cadre répressif de la

torture se limite aux dispositions du code pénal Bouvenet réprimant les

coups et blessures volontaires et les lois relatives à la protection des

femmes et des enfants. Il n’y a donc pas de loi pénale spécifiquement

élaborée pour réprimer la torture à l’instar de certains Etats 4.

Les infractions contenues dans l’interdiction de la torture font partie du

noyau dur des infractions classiques5 . Ce sont des infractions naturelles6.

C’est la première catégorie des infractions qu’on oppose au droit pénal

technique qui, lui, touche aux affaires, aux relations du travail, à la

1 Voir notamment § 7 du préambule de la Constitution.


2 Voir § 7 du préambule et art. 7 de la Constitution du 11 décembre 1990.
3 Georges LEVASSEUR et autres ; Droit pénal général et procédure pénal ; éd. Sirey, 14e éd., Paris, 2002, p.
365.
4 Cf. notre étude comparative aux pp. 20-21 (comparaison entre la France, la Belgique et le Bénin).
5 J. PRADEL et M. DANTI-JUAN ; Droit pénal spécial, t. 3, éd. Cujas, Paris 1995, p. 15.
6 Ce sont des incriminations de violation de principes supérieurs de morale respectés en tous temps et en tous
lieux et qu’il serait pratiquement impossible de ne pas sanctionner (Lexique des termes juridiques, Dalloz). Il
s’agit de la violation d’un droit considéré comme inné et inaliénable que chaque personne possède par naissance
et nature (Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Imprimerie des presses universitaires de France, 1984 ; le
droit qui génère les infractions naturelles est irréductible (voir Mireille DELMAS-MARTY, Le flou du droit,
Du code pénal aux droits de l’homme, PUF, Paris, 2004, p. 364.) 99 Ibid.
circulation routière qui constitue la deuxième catégorie. Si une loi

spécifique avait été édictée, chacune des infractions contenues dans

l’interdiction de la torture serait incriminée de façon distincte. Les

comportements portant atteinte à la dignité humaine à incriminer ne

manquent pas en droit interne. Ces comportements évoluent d’ailleurs en

flèche, en devenant de plus en plus nombreux. On peut mentionner

notamment les conditions d’isolement carcéral qui constituent des «

mesures particulièrement douloureuses pour le psychisme de ceux qui la

subissent »7. Surtout si ces conditions ne prennent pas en compte la dignité

de l’être humain. En réalité, la conception restrictive de l’interdiction de la

torture peut être liée à l’existence de loi spécifique. Alors que l’objectif

fondamental de la justice répressive est de concilier la protection de l’ordre

social et la sauvegarde des libertés individuelles8.

A travers une législation pénale élaborée à dessein, des règles de conduites

peuvent être imposées par le juge9. « Une action ou une abstention, si

préjudiciable qu’elle soit à l’ordre social ne peut être sanctionnée par le juge

que lorsque le législateur l’a visée dans un texte et interdite sous la menace

d’une peine10». C’est l’exigence du principe de la légalité des délits et des

peines. Les différents fragments de l’interdiction de la torture

n’apparaissent pas toutes dans l’ordonnancement juridique interne. C’est

en consultant les dispositions du droit pénal spécial que l’on peut savoir ce

qui est incriminé et ce qui ne l’est pas 11. Et le droit pénal spécial doit être

précis pour éviter les amalgames. Par conséquent, définir une infraction en

droit pénal spécial suppose la précision de tous les détails relatifs à la

7 Martine HERTZOG-EVANS, Isolement carcéral : un arrêt du Conseil d’Etat révolutionnant les sources du
droit pénitentiaire, in Recueil Dalloz, 15 janvier, 2009, p. 134.
8 Jean Claude SOYER, Manuel de Droit pénal et procédure pénale, 15è éd. LGDJ, p. 7.
9 Jean LARGUIER et autre ; Mémentos de droit pénal spécial ; 12e éd., Dalloz, 2002, p. 3.
10 Jacques BORRICAND et Anne Marie SIMON, Droit pénal et procédure pénale, Aide-mémoire, 5è éd.,
Dalloz, Paris, 2006, p. 35.
11 Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN, Droit pénal spécial, op. cit, p. 12.
constitution de cette infraction. La consultation des dispositions du droit

pénal spécial renseigne surtout sur la hiérarchie des valeurs protégées 12 à

travers, entre autres, la sévérité de la peine. Le droit d’être à l’abri de la

torture devrait être plus protégé que les autres en considération de la

dignité humaine que ce droit vise à protéger. La façon dont les infractions

sont définies révèle, en effet, le prix attribué aux valeurs ainsi protégées 13.

En droit pénal, le problème de la qualification revêt une grande importance

au regard des pouvoirs du juge 14. Mais force est de constater que les

infractions contenues dans l’interdiction de la torture ne sont pas

seulement limitées en leur nombre dans l’ordonnancement juridique

interne. Ces infractions sont définies aussi vaguement que dans les

instruments internationaux. Cette façon de définir les infractions accroit le

travail des acteurs judiciaires qui doivent développer des techniques

spéciales, les conduisant parfois à sortir des limites traditionnelles pour

empiéter sur le domaine du pouvoir législatif. C’est à cette condition que les

juristes pourront se servir efficacement des textes définis

laconiquement1516. Le droit béninois de protection contre la torture provient

des traités internationaux ou conventions internationales que le Bénin a

signés, ratifiés et intégrés dans son droit interne. Mais ces différents

principes générés par le droit international et acceptés en droit interne

n’ont pas pu être traduits en lois répressives spécifiques, de sorte que le

juge n’a pas à sa disposition de textes facilement applicables en la

matière17.

12 Ibid.
13 Jean LARGUIER et Anne Marie LARGUIER, Mémentos de Droit pénal spécial, op. cit, p. 2.
14 Ibid. p. 3.
15 Luzius WILDHABER ; Discours à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire, le 20 janvier
2006, in « Dialogue entre juges, Cour européenne des droits de l’homme, Conseil de l’Europe », Strasbourg
2006, p.
16 .
17 Paul TAVERNIER (sous la direction), Recueil juridique des droits de l’homme en Afrique ; op. cit., p. 879.
De même, la faiblesse des organes de répression béninois ne concourt pas

souvent à l’effectivité d’une répression de la torture au Bénin. En

conséquence, la répression de la torture au Bénin est caractérisée par une

défaillance notoire. Elle est ainsi fondée sur un droit qu’on a de la peine à

cerner et assurée par des organes qui manquent de pouvoirs réels.

L’interaction entre la Convention contre la torture, d’autres instruments

pertinents et la législation nationale au Bénin a marqué des avancées

significatives dans le domaine des droits de l’homme. La ratification de la

Convention contre la torture des Nations Unies par le Bénin en 1992 a

laissé une empreinte notable sur la législation nationale, en particulier en

criminalisant la torture et en renforçant la protection des droits des

détenus. En parallèle, le Bénin s’est engagé à aligner sa législation sur

d’autres instruments internationaux tels que le Pacte international relatif

aux droits civils et politiques. Ces développements témoignent de

l’engagement du Bénin envers le respect de ses obligations internationales

en matière de droits de l’homme, renforçant ainsi la protection des droits

fondamentaux.

Cependant, des lacunes persistent dans la législation béninoise en matière

de prévention et de répression de la torture. Par exemple, le Code pénal

béninois ne propose pas de définition de la torture conforme à celle de la

CAT (Convention contre la torture) et ne prévoit pas de sanctions pénales

spécifiques pour ces actes. De même, le Code de procédure pénale

béninois ne garantit pas pleinement les droits des personnes privées de

liberté, notamment l’accès à un avocat, à un médecin, à un interprète ou à

un juge. De plus, le Bénin n’a pas encore mis en place le mécanisme

national de prévention de la torture prévu par l’OPCAT (Optional Protocol to

the Convention against Torture). Ces constats sont corroborés par les

rapports du Département d’État américain sur les pratiques en matière de


droits de l’homme ainsi que par d’autres sources concordantes. Les lacunes

dans la législation béninoise en matière de prévention et de répression de

la torture sont également soulignées par diverses organisations

internationales et des délégations étrangères. Ces observations soulignent

la nécessité d’une action corrective pour renforcer le cadre légal béninois et

assurer une pleine conformité aux normes internationales en matière de

droits de l’homme.

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