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INTRODUCTION GENERALE

Dans toute société, le droit a pour but de faire respecter l’ordre social et il n’atteint
ce but que dans la mesure où les violations des droits subjectifs des individus sont
effectivement sanctionnées. En cela, le droit, considéré comme « l’ensemble des règles
régissant les relations de personnes vivant en société et sanctionnés par une contrainte
émanant de l’autorité publique »1, serait sans intérêt s’il n’était qu’un corps de règles
théoriques sans aucune mise en œuvre pratique. Ainsi, dans le cas où un droit est contesté,
le besoin d’un recours à la justice se fait sentir et se présente comme nécessité dans la
résolution de la contestation.
La justice est un service public de l’Etat, organisé et hiérarchisé suivant un ensemble
de règles établies, servant à organiser et à assurer le fonctionnement des tribunaux, à
définir le statut des magistrats, leur compétence et la manière dont les particuliers pourront
saisir le juge en vue d’obtenir un jugement, de même que les moyens et la procédure pour
faire exécuter la décision du juge.

I- La notion et l’objet du DJP


Dans une acceptation large, le DJP est entendu comme « Un ensemble de règles qui
gouvernent l’organisation et le fonctionnement de la justice en vue d’assurer aux
particuliers la mise en œuvre et la sanction de leur droits subjectifs en matière de droit
privé ». Michelle Perrot (18 mai 1928, France, Pr de Droit des Universités, historienne de
droit).
Dans sa définition classique, le DJP est ramené à la procédure civile, entendu comme
l’ensemble des règles permettant aux particuliers de défendre en justice leur droit de
propriété, leur droit patrimoniaux, comme extrapatrimoniaux ainsi que les libertés
essentielles.
Dans une acceptation moderne, l’expression « droit procédural » est parfois utilisée
pour désigner la matière du DJP. Souvent, il fait état de droit processuel qui emploie à la fois
la procédure civile, la procédure pénale et la procédure administrative.
En clair, le droit judiciaire privé réunit l’ensemble des règles permettant de
déterminer le juge à saisir, comment le saisir, quels sont les incidents pouvant être
soulevés, comment le juge rend sa décision, quelles sont les voies de recours ouvertes aux
justiciables. Il expose le déroulement d’un procès de la saisine du juge jusqu’au prononcé
de la décision définitive.

1
Ph. MALINVAUD, Introduction à l’étude du droit, Litec, 2008, 12 e édition, p. 4
II- L’objet et importance du DJP
Le DJP est une matière essentielle dans la mesure où c’est elle seule qui apporte des
réponses aux difficultés techniques suscitées par un procès. Son importance se mesure au
regard de son objet et peut être soulignée de la manière suivante :
- Le DJP donne au titulaire d’un droit subjectif la possibilité de faire valoir ses
droits ou de les faire respecter. Pour ce faire, il doit recourir à un pouvoir chargé
de faire respecter la loi, toute chose qui permet d’éviter qu’il abuse de sa force
ou de son pouvoir à l’encontre de son débiteur ;
- le DJP est un facteur de sécurité et de paix sociale. Il enlève au titulaire du droit
subjectif toute possibilité de se faire justice lui-même ;
- le DJP est un facteur de confiance et de crédit, essentiel dans les rapports
d’affaires. Son existence paralyse à l’avance toute résistance, la fraude, la
mauvaise foi du débiteur, sachant qu’il peut être cité en justice et contraint de
payer ;
- le DJP permet le respect des droits de la défense, c’est-à-dire les deux parties
(demandeur et défendeur). Suivant les formes et procédures prescrites, l’une
peut faire valoir ses revendications et l’autre, sa défense. (Article 5 et 6 du CPC) ;
- le DJP impose une ligne de conduite aux magistrats qui ne peuvent agir à leur
guise et dire le droit selon leurs convenances.
Ainsi, le DJP a pour objet l’étude de l’organisation judiciaire, de la compétence des
tribunaux, de la procédure à suivre devant ceux-ci pour aboutir à une décision, et de la
manière d’obtenir l’exécution de ladite décision.

III- Les sources du DJP


A l’instar des autres disciplines juridiques, le DJP a des sources nationales et des
sources internationales.

A- Les sources nationales


Il y a lieu d’établir une distinction entre les sources nationales principales et les
sources nationales complémentaires.

1- Les sources nationales principales


Ces sources sont d’ordre législatif et réglementaire. Ainsi, l’article 101 de la
Constitution dispose que : « La loi fixe les règles concernant l’organisation des tribunaux
judiciaires et administratifs et la procédure devant ces juridictions, les statuts des
magistrats, des officiers ministériels et auxiliaires de justice ».
C’est l’Assemblée Nationale qui en principe est compétente pour élaborer les textes
de DJP. A ce titre, nous avons :
- Loi n°015-2019/AN du 2 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina
Faso ;
- la loi n°22/99/AN du 18 mai 1999, portant code de procédure civile, source du
DJP ;
- la loi n°13/2000 du 9 mai 2000 portant organisation, attribution et
fonctionnement de la cours de cassation et procédure applicable devant elle ;
- la loi n°16/2000 du 23 mai 2000 portant réglementation de la profession
d’avocat ;
- la loi n°26/2001 du 13 décembre 2001, portant statut du corps de la
magistrature ;
- la loi n°22/2009 du 12 mai 2009 portant création, organisation et
fonctionnement du Tribunal de commerce.
Toutefois, par le jeu de la délégation de pouvoir prévu à l’article 107 de la
Constitution, le Gouvernement pourrait par voie réglementaire élaborer de nouvelles règles
de procédure ou modifier les anciennes par des ordonnances. A ce niveau, nous
avons l’Ordonnance N°92/53 du 22 octobre 1992 portant statut des Huissiers de Justice. (En
1992, il n’y avait pas d’Assemblée Nationale).
Un tel système a pour avantage essentiel la célérité dans l’élaboration des règles de
procédure. Cependant, il contient néanmoins de sérieux inconvénients :
- il tend à confondre la rapidité avec la précipitation. Ce qui conduit à une
modification incessante des textes ;
- ce système conduit à abandonner la protection des droits subjectifs à quelques
fonctionnaires qui expriment davantage leurs conceptions personnelles. Ce qui
pourrait être dommageable pour les justiciables.

2- Les sources nationales secondaires


Nous avons principalement la jurisprudence dont le rôle est considérable en DJP.
Ainsi, la jurisprudence comble de nombreuses lacunes en élaborant par elle-même des
théories nouvelles ou en apportant à la doctrine ses analyses. Par exemple, la théorie des
demandes reconventionnelles ou celle des actions possessoires sont d’origine
jurisprudentielle. Il appartient également à la jurisprudence d’interpréter les textes
législatifs, toute chose qui lui donne l’occasion d’apporter sa contribution à l’élaboration du
DJP.
Ensuite, il y a la pratique et les usages judiciaires. Leur rôle est exclu en matière
d’organisation judiciaire et de compétence. Mais, il peut être important dans le domaine de
la procédure où les praticiens constituent l’élément moteur. Dans la pratique, ceux-ci
peuvent faire disparaitre peu à peu certaines formalités ou encore pourraient imaginer de
nouvelles pratiques en dehors des textes qui seront finalement consacrées par le législateur.
A titre illustratif, le constat huissier a été d’abord une création de la pratique ensuite
consacrée par la loi.
Les principes généraux du droit constituent une source non écrite et ont
traditionnellement une valeur supérieure au décret mais inférieure à la loi. Toutefois,
compte tenu des conventions internationales, et du principe admis d’un contrôle de la
compatibilité des lois à ces dernières, la valeur des principes généraux peut changer. Par
exemple, il a été admis par le Conseil d’Etat français un principe général à valeur légale, à
savoir le principe de la conformité des traités à la Constitution.
De même, la Cour de Cassation a dégagé des principes généraux du Droit qui touche
soit au fond du Droit lui-même, soit aux règles de procédure. Par exemple, le principe « à
travail égal salaire égal », ou encore le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un
trouble anormal de voisinage », ou encore le principe des droits de la défense.
Pour ce qui est de la doctrine, il existe de nombreuses publications sur la matière de
droit judiciaire privé. On peut signaler certains auteurs qui ont apporté des contributions
essentielles au plan théorique, à la matière du DJP. Il est ainsi : Loïc Cadiet, Emmanuel
Jeuland, Traité de droit judiciaire privé ; Henri Solus, Roger Pérrot,Traité de Droit judiciaire
privé ; Serge Guinchard et Alii, et autres, Droit étatique de la procédure civile.

B- Les sources internationales


Ces sources résultent soit des conventions bilatérales entre le Burkina Faso et un
autre Etat, soit de conventions multilatérales plus ou moins étendues. On peut citer :
- l’Accord de coopération en matière de justice entre le Burkina Faso et la France
du 24 avril 1961 et ratifié par le BF le 26 août 1961 ;
- la convention générale de coopération en matière judiciaire entre le BF et le Mali
du 21 novembre 1963 et ratifiée par le BF le 21 mars 1964 ;
- la Convention relative à la coopération en matière judiciaire entre les Etats
membres de l’ANAD (Accord de Non Agression et d’Assistance en matière de
Défense) du 21 avril 1987, ratifiée par le BF le 02 mai 1991 ;
- dans le cadre de l’OHADA, l’adoption le 10 avril 1998 d’un acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution.
Observations : Ces conventions de coopération concernent le plus souvent l’exécution d’un
jugement à l’étranger, notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires,
l’obtention des preuves…
IV- Les caractères généraux du DJP

A- Le caractère mixte du DJP

Le DJP a été pendant longtemps considéré comme matière du droit privé car il tend
à assurer la sanction des droits subjectifs des personnes privées. A l’encontre de cette
conception des auteurs font valoir qu’en englobant les questions d’organisation judiciaires
et de compétence, le DJP débauche sur le droit public. Il faut en outre ajouter que la justice
est un service public organisé par l’Etat. Ce dernier étant d’ailleurs directement intéressé
par la bonne administration de la justice. La réalité est donc intermédiaire en ce sens que le
DJP se rattache aussi bien au droit privé qu’au droit public, d’où le caractère mixte.

B- Le caractère formaliste du DJP

En procédure civile, les formes et les délais jouent un grand rôle. La loi décrit
minutieusement toutes les règles techniques que les plaideurs doivent respecter ainsi que
les sanctions de son non respect. Ces sanctions sont sévères que la violation des formes
d’un acte peut entraîner non seulement sa nullité mais également la nullité de tous les actes
subséquents. Dans certains cas, une telle nullité peut aller jusqu’à compromettre le fond du
droit lui-même.
Toutefois, la multiplicité des règles qui encadrent le procès alourdit son
déroulement. De plus, le fait pour un plaideur de perdre un procès pour une question de
procédure est mal accepté. Distinction entre le droit substantiel et le droit formaliste.
En réalité, ce caractère formaliste est aussi vecteur d’une certaine sécurité pour le
justiciable. Exemple : Il y a un délai pour exercer un recours contre une décision. Celui qui
respecte ce formalisme est assuré de conserver son droit sans avoir à craindre des
controverses ultérieures sur les actes déjà accomplis.
Toute formalité de procédure n’a pas forcement la nullité pour sanction. Lorsque
celle-ci est prévue, la nullité n’est prononcée que si une observation de la formalité a causé
préjudice à la partie adverse. « Pas de nullité sans délai. Pas de nullité sans grief ».

C- Le caractère impératif du DJP

Pour qu’elles concernent l’administration de la justice, les règles de DJP sont


imprégnées par la notion d’ordre public. En conséquence, elles s’imposent d’une part au
juge et aux parties et d’autre part, les lois nouvelles de DJP sont d’application immédiate.
Les parties ne peuvent y déroger librement.
Ce caractère impératif se manifeste aussi par le fait que la violation d’une règle peut être
invoque par les parties au litige mais également pas le ministère public ou encore d’office
par le juge.
Toutefois, ce principe subit une atténuation, les règles peuvent dans certains cas être
contournées. C’est le cas des droits disponibles, notamment en cas d’arbitrage. Ici on sort
du Service public de la justice pour entrer dans une justice privée. Mais pour recourir à
l’arbitrage, il faudrait insérer dans le contrat une clause compromissoire par laquelle les
parties s’engagent d’un commun accord à confier le litige qui pourrait survenir entre eux à
un arbitre.
En général, on considère comme étant d’ordre public, les règles relatives à
l’organisation judiciaire, à l’exercice de l’action en justice ainsi que les règles de compétence
judiciaire (d’attribution). En revanche, les règles de compétence territoriale ainsi que les
règles de procédure gouvernant le déroulement de l’instance sont considérées comme
d’ordre privé, dans la mesure où elles tendent à protéger des intérêts privés.

V- L’application des règles du DJP dans le temps

Concernant au préalable l’application dans l’espace des règles de DJP, celles-ci


s’appliquent sur toute l’étendue du territoire nationale. En conséquence, il est interdit aux
juges burkinabè de faire application des lois judiciaires étrangères, c'est à dire que
conformément au principe général du Droit international public, la procédure est régie par
la lex fori (loi du for).

Position du problème

Sur la question de l’application dans le temps des lois nouvelles de DJP, il y a lieu de
préciser que lorsque la loi nouvelle entre en vigueur avant l’introduction de l’instance, la loi
nouvelle s’appliquera immédiatement et l’instance à introduire sera donc soumise à la loi
nouvelle. De même, lorsque la loi nouvelle survient après l’extinction de l’instance, c'est à
dire lorsque la décision est passée en force de chose jugée et que par conséquent le procès
est terminé, la loi nouvelle ne trouvera pas application.
Le problème vient de ce que la loi nouvelle de DJP intervient alors que l’instance est
liée mais n’est pas encore terminée autrement dit, le procès est en cours. Il convient alors
d’une part, de se demander si les actes accomplis sous l’empire de la loi ancienne restent
encore valables, ou s’il est opportun de les renouveler suivants les dispositions de la loi
nouvelle ; d’autre part, sous quel régime juridique, l’ancien ou le nouveau, l’instance en
cours devra-t-elle se poursuivre ?
A- L’application immédiate

- Selon la doctrine classique (traditionnelle), les lois de procédure civile sont


rétroactives et il ne peut avoir de droit acquis pour des particuliers là où serait en cause la
bonne administration de la justice. Cette solution est inacceptable, car elle ne pourrait en
réalité que nuire à une bonne administration de la justice dans la mesure où elle anéantit les
procédures en cours chaque fois qu’une loi nouvelle de procédure serait promulguée.
- La doctrine moderne propose une solution intermédiaire qui évite toute
confusion entre l’impossible rétroactivité et le principe de l’application immédiate des lois
nouvelles de procédure jugée suffisante, pertinente pour permettre une bonne
administration de la justice. Selon cette doctrine, il en résulte que tout ce qui a été fait sous
l’emprise de la loi ancienne doit subsister, tandis que les actes nouveaux devront être régis
par la loi nouvelle.

B - L’approche du droit positif, la solution


En droit positif, pour éviter que l’application des lois nouvelles de DJP ne remette en
cause certains actes antérieurs, les législations modernes distinguent trois (3) types de lois
qui connaissent des régimes différents.
- En premier lieu, les lois d’organisation judiciaire (définissant les juridictions
qui existent) qui intéressent une bonne administration de la justice doivent s’appliquer
immédiatement conformément au principe général. Exemple : Si une loi nouvelle supprime
certaines juridictions, celles-ci doivent cesser immédiatement leurs activités et leurs
dossiers doivent être transmis soit aux nouvelles juridictions soit aux juridictions
maintenues. Il en est de même si une nouvelle loi modifie la composition d’une juridiction.
Dans ce cas, toutes les affaires non encore jugées devront être jugées par la juridiction
d’après sa nouvelle composition.
- En second lieu, les lois de compétence suivent également la règle
d’application immédiate avec cependant un important tempérament. Exemple : Dans le cas
où une juridiction valablement saisie devient incompétente en raison d’une nouvelle loi. En
principe, la règle d’application immédiate conduit à dessaisir la juridiction initialement saisie
et donc à obliger le demandeur à recommencer tout le procès devant la juridiction
désormais compétente. Il s’en suit que les conséquences sont les mêmes comme s’il y a
rétroactivité, ce qui n’est guère satisfaisant. Pour y remédier, il est généralement admis que
la juridiction initialement saisie demeure compétente chaque fois que l’instance a déjà fait
l’objet d’une décision sur le fond. Il ya décision sur le fond non seulement quand un
jugement définitif a été rendu mais également dans le cas des jugements avant-dire-droit
(avant de dire le droit sur le fond).
- En troisième lieu, les lois de procédure suivent également la règle de
l’application immédiate. Elles s’appliquent donc aux instances en cours et régissent tous les
actes et formalités qui devraient donc s’accomplir ultérieurement. Il doit donc s’agir d’une
règle de procédure proprement dite et non d’une règle qui touche le fond du droit.

PREMIERE PARTIE : LES INSTITUTIONS JURIDICIAIRE ET


LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS

TITRE I : PRESENTATION DE L’APPAREIL JUDICIAIRE

Il s’agira dans cette partie d’étudier les règles relatives aux diverses catégories de juridiction
par le biais de leur composition, du statut de leurs membres ainsi que des auxiliaires de
justice. Il s’agit en somme de l’étude de l’organisation judiciaire. (Titre I)

Par la suite, il sera question des règles relatives aux compétences respectives des
juridictions ainsi que de celles propres à la résolution de compétence. C’est l’étude des
règles de compétence (Titre II).

CHAPITRE I : LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DJP (Voir Polycopie)


CHAPITRE II : DESCRIPTION DES INSTITUTIONS JURIDICIAIRES (voir
polycopie)
CHAPITRE III : LE PERSONNEL JUDICIAIRE (voir polycopie)
TITRE II- LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS

Parmi les différentes juridictions étatiques, il faut déterminer laquelle connaîtra du


procès, suivant l’idée propre à une bonne administration de la justice, que n’importe quelle
juridiction ne peut pas juger n’importe quelle affaire. Les différentes juridictions sont dotées
de pouvoirs juridictionnels, et chaque juridiction ne peut user de ses pouvoirs que dans un
domaine limité, constituant son champ de compétence.
Selon Messieurs Solus et Perrot : « la compétence, c’est le pouvoir que possède une
juridiction de connaître d’un litige. Quand-on l’applique aux juridictions, le mot
compétence se réfère à la détermination et à l’étendue de leur pouvoir juridictionnel,
c'est à dire du pouvoir légal appartenant à un Tribunal ou à une Cour d’instruire et de
juger une affaire ». La question de la compétence est à résoudre préalablement à l’examen
du fond de l’affaire. En pratique, il peut apparaître des difficultés en raison de la diversité
des juridictions existantes, et par suite, des risques de conflits de compétence qui peuvent
se produire entre elles. Il est important de déterminer de manière exacte la juridiction
compétente, car l’incompétence provoque en principe l’irrecevabilité de la prétention
soumise à la juridiction, et au cas où un juge incompétent aurait statué, sa décision est
viciée et contraint au mieux à reprendre l’instance devant un autre juge.
Le législateur a déterminé des règles précises qui régissent la compétence des
juridictions. Elles sont dites règles légales de compétence. Ces règles légales de
compétence seront d’abord présentées, ensuite la question de la prorogation de la
compétence des juridictions sera examinée.
CHAPITRE I : LES REGLES LEGALES DE COMPETENCE

Dans l’hypothèse où une affaire doit être portée devant les juridictions burkinabè, il
faudrait déterminer la juridiction spécialement habilitée à connaître de cette affaire. Pour ce
faire, il y’a nécessité à résoudre deux problèmes :
- premièrement, il faut identifier le type de juridiction compétent, c'est à dire, la
catégorie de juridictions qu’il convient de saisir suivant leurs attributions. C’est une question
de compétence d’attribution. La compétence d’attribution ou compétence ratione
materiae et dite encore compétence absolue ;
- deuxièmement, il faut préciser parmi les diverses juridictions du type déterminé,
laquelle connaîtra effectivement de l’affaire considérée, et autrement dit, c’est d’identifier
la juridiction devant laquelle il faudrait, en pratique, assigner l’adversaire. Ceci relève des
règles relatives à la compétence territoriale. La compétence territoriale ou compétence
ratione loci et dite encore compétence relative, est le pouvoir de juridiction appartenant
au juge, dans une circonscription déterminée.

SECTION I : LES REGLES DE LA COMPETENCE D’ATTRIBUTION


Les règles de la compétence d’attribution déterminent la nature et le degré de la
juridiction à saisir en fonction du litige en cause. Plusieurs critères permettent de cerner la
compétence d’attribution. Il s’agit entre autres, de la matière sur laquelle porte le litige
(critère qualitatif), de la personnalité des parties, mais aussi de la valeur du litige (un
critère quantitatif).
La détermination de la compétence d’attribution des juridictions tient compte des
exigences de l’organisation d’une bonne administration de la justice et de l’intérêt général,
d’où le caractère d’ordre public reconnu aux règles de compétence d’attribution.
Il sera examiné le contenu des règles légales de compétence d’attribution puis la
question de la valeur du litige.

Paragraphe 1 : Le contenu des règles légales de la compétence


d’attribution des juridictions
La compétence d’attribution est soumise à un certain nombre de principes directeurs dont il
sied d’en indiquer succinctement la teneur avant d’aborder la compétence d’attribution des
juridictions.
Le principe de la distinction entre les juridictions de Droit commun et les
juridictions d’exception. En effet, la juridiction de Droit commun est compétente en
principe, c'est à dire qu’elle a une vocation générale à connaître de tous les litiges de son
domaine de compétence (compétences ouvertes), sauf s’il existe une règle qui attribue
compétence à une juridiction d’exception. En revanche, le tribunal d’exception ou le juge
d’exception, ne connaît que des demandes initiales ou incidentes qui entrent dans sa
compétence d’attribution expresse.
Le principe de la distinction entre la compétence exclusive et la compétence
concurrente. Lorsqu’une juridiction reçoit de manière expresse, vigoureuse, compétence
exclusive pour un litige donné, cela signifie que non seulement cette juridiction est habilitée
pour statuer sur ce litige, mais qu’en outre, aucune autre juridiction ne peut le faire à sa
place. Lorsque la compétence est concurrente, cela signifie qu’un juge peut pénétrer dans
la zone de compétence matérielle d’un autre juge pour statuer sur un moyen de défense,
voire sur demande incidente s’il est juge de Droit commun.

I- La compétence matérielle du Tribunal de Grande


Instance (article 38 à 41 de la loi 015-2019)

Le Tribunal de Grande Instance est la juridiction de Droit commun au 1 er degré des


juridictions civiles de l’ordre judiciaire. Elle dispose à cet égard d’une compétence de
principe pour connaître de toutes les affaires civiles de son domaine de compétence et qui
ne sont pas expressément confiées par un texte à d’autres juridictions. Il est ainsi conféré au
Tribunal de Grande Instance une plénitude de juridictions en matière civile. Ainsi, le TGI
connait des :
- affaires graves pour les biens tels les litiges relatifs au Droit de propriété (propriété
immobilière, propriété littéraire et artistique, propriété intellectuelle, etc.) ;
- affaires graves pour les personnes telles les demandes concernant l’état et la
capacité des personnes, la famille, la nationalité, la tutelle, la rectification des actes de l’état
civil, les régimes matrimoniaux (article 39) ;
- affaires graves pour l’ordre public telle la procédure d’inscription de faux ;
- actions intentées par ou contre les officiers ministériels en règlement de leurs frais ;
- appels contre les décisions rendues par les tribunaux départementaux ou
d’arrondissement en matière civile.

Le TGI est également compétent pour connaître des affaires civiles dont le montant au
principal est supérieur à 300.000 F.
En matière pénale, tenant lieu de tribunal correctionnel et s ous réserve de dispositions
spéciales, le TGI connaît des infractions que la loi pénale qualifie de contraventions et de délits
(article 41).
II- La compétence du Président du TGI (Articles 51 à 62 de la loi 15-
2019)

Le Président du TGI constitue une véritable juridiction à juge unique. Les litiges lui
étant soumis à lui tout seul et non au tribunal. C’est ce qu’on appelle la juridiction
présidentielle. Le Président du TGI dans ce cadre, a des compétences juridictionnelles
propres s’exerçant en matière gracieuse comme en matière contentieuse.
- En matière gracieuse, le Président du TGI rend des ordonnances sur requêtes.
L’article 57, alinéa 1 de la loi 15-2019 dispose que : « le Président du tribunal est saisi par
requête dans les cas spécifiés par la loi ». Il faut donc identifier les textes qui prévoient la
procédure sur requête. Il en est ainsi par exemple, pour l’autorisation de saisie attribution
sans titre, de la demande en rectification d’un acte de l’état civil. Ensuite, alinéa 2 affirme
que le Président peut ordonner sur requête toute mesure urgente lorsque les circonstances
l’exigent, consacrant ainsi une compétence générale du Président du TGI pour rendre des
ordonnances sur requête, sous condition de démontrer l’urgence de la situation et la
nécessité de ne pas prévenir son adversaire.
NB : La requête est présentée de manière unilatérale au juge. Sa procédure est non
contradictoire, et la décision sur requête appelée précisément ordonnance sur requête à un
caractère provisoire.
- En matière contentieuse, les articles 52 et suivants de la loi 15-2019 donnent
au Président du TGI, compétence pour prendre des mesures urgentes qui ne se heurtent à
aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Le référé est une procédure particulière généralement commandée par l’urgence
de la situation, et qui permet d’obtenir une décision à caractère provisoire qui ne préjuge
pas de la solution du fond. Cette dernière solution, ne relève pas de la compétence du juge
des référés, en l’occurrence, le Président du TGI. La procédure en référé est contradictoire,
ce qui suppose une assignation de son adversaire. Il est permis de recourir au référé en
toutes circonstances et ceci, en vue de prévenir la violation d’un droit gravement menacé.
Le Président du TGI a ainsi une plénitude de juridictions en matière de référé il peut
ordonner des mesures de référé dans les matières relevant du tribunal d’instance, devant
lequel il n’est prévu aucune procédure de référé. La décision du Président du TGI statuant
en référé, s’appelle ordonnance en référé, pouvant être modifiée, voire reportée par le
Président, et le cas échéant, faire l’objet d’un appel dans un délai de 15 jours suivant son
prononcé (article 56). L’appel est exercé devant le Président de la CA.
Enfin, et au terme de l’article 60 de la loi 15-2019, le Président du TGI est compétent
pour statuer sur les difficultés d’exécution d’un jugement ou d’un autre titre exécutoire. A
ce titre, il est juge de l’exécution. Cette compétence a un caractère impératif, et oblige tout
autre juge saisi des difficultés d’exécution a se déclaré incompétent.
En conclusion, le Président du TGI, en tant que juge des référés, juge des requêtes et
juge de l’exécution, peut déléguer ses pouvoirs à d’autres juges du tribunal. Ces pouvoirs
juridictionnels du Président ne doivent pas être confondus avec ses pouvoirs d’ordre
administratifs mis en œuvre pour assurer le bon fonctionnement du tribunal. Ainsi, il
représente le tribunal, répartit les juges entre les chambres et leur distribuent les affaires.

III- La compétence du Tribunal Départemental


et du Tribunal d’Arrondissement
Le TD a une compétence en matière gracieuse, concernant certaines questions
relatives à l’état des personnes. A ce titre, il prononce des jugements déclaratifs d’état, ou
supplétifs d’acte de naissance, de décès, de mariage, etc. Il établit en outre, les certificats
d’hérédité ou de tutelle, domaine de compétence pour lequel ses membres n’ont pas
nécessairement les connaissances juridiques pour apprécier la situation.

En matière contentieuse, le TD-TA est compétent pour les affaires civiles et


commerciales dont le taux évalué en argent ne dépasse pas plus de 100.000F. Les différends
ruraux particulièrement ceux relatifs à la divagation d’animaux, dévastations de champs, de
récoltes sur pied, et pour autant que le montant des réparations n’excède pas 300.000F.
Cette dernière précision résulte de l’article 93 de la loi 15-2019 (abrogeant la loi 28-2004 du
8 septembre 2004 modifiant la loi 10-93), mais en pratique sa mise en œuvre se heurte à
des difficultés, dans la mesure où c’est après sa saisine, d’après la nature et non le montant
de l’affaire, que le TD demande l’évaluation des dégâts causés, afin de condamner les
responsables à la réparation. Les décisions du TD-TA en matière contentieuse sont
précédées d’une conciliation préalable et obligatoire, et elles sont susceptibles d’appel
devant le Tribunal d’Instance dans le délai de 15 jours suivant leur prononcé ou leur
signification.

IV- La compétence du Tribunal de Travail (TT)


Suivant l’article 338 de la loi n°28-2008 portant Code du travail : « Le Tribunal de travail est
compétent pour connaître des différends individuels pouvant s’élever entre les travailleurs,
les stagiaires et leurs employeurs, les apprentis et leurs maîtres, à l’occasion de l’exécution
d’un contrat. Il est également compétent pour connaître :
- des litiges nés de l’application du régime de sécurité sociale ;
- des différends individuels relatifs à l’application des conventions collectives de
travail et aux arrêtés en tenant lieu ;
- des différends nés entre travailleurs à l’occasion du contrat de travail, ainsi
qu’aux actions directes des travailleurs contre l’entrepreneur ;
- des différends nés entre travailleurs et employeurs à l’occasion du travail ;
- des différends nés entre les institutions de prévoyance sociales et leurs assujettis ;
- des actions récursoires des entrepreneurs contre les sous-traitants. »
Ainsi, la compétence du TT ne s’étend pas aux différends entre l’Etat, les
départements, les communes, les établissements publics et leurs membres, parce qu’ils ne
sont pas liés les uns aux autres par un contrat de travail.
Le TT n’est compétent qu’en ce qui concerne les différends ou conflits individuels.
Cette notion s’oppose à celle des différends collectifs. La différence entre les 2 notions se
fait à la fois à partir du nombre de travailleurs impliqués et à partir de l’ intérêt en cause.
Ainsi, le différend à caractère individuel est défini comme celui né entre un employeur et
un ou plusieurs de ses travailleurs pris individuellement, et ayant pour objet la
reconnaissance d’un droit individuel. Le différend collectif est celui qui opposent un
employeur à plusieurs de ses travailleurs ou plusieurs employeurs à plusieurs travailleurs et
qui porte sur un intérêt collectif.
Le Tribunal de travail est compétent sans aucune limite quant au montant de la
demande. Le montant de la demande n’étant pris en compte que pour déterminer la
compétence en dernier ressort. Ainsi, selon l’article 355 du Code du travail, le Tribunal de
travail est compétent en 1er et dernier ressort lorsque le montant de la demande n’excède
pas 200.000F. Au-delà de cette somme, les jugements sont susceptibles d’appel dans le délai
de 15 jours à compter de son prononcé ou de sa signification.

Le Président du TT a une compétence propre en matière de référé et d’ordonnance


sur requête dans les conditions prévues par l’article 355 du Code du travail.

V- La compétence du Tribunal de Commerce (TC)


En rappel, le Tribunal de Commerce a été créé par la loi n°22-2009 du 12 mai 2009 et
institué au siège de chaque Tribunal de Grande Instance avec pour ressort territorial celui du
Tribunal de Grande Instance.
Selon l’article 71 de la loi 15-2019, les Tribunaux de Commerce connaissent :
- des contestations relatives aux engagements et transactions entre
commerçants, entre établissements de crédits, ou entre commerçants et établissements de
crédits, et dont le taux évalué en argent, est supérieur à 300.000F. a contrario, lorsque la
valeur des contestations est égale ou inférieure à 300.000F, elle relève selon les cas de la
compétence du TD-TA, ou de celle du Tribunal d'Instance. Les questions commerciales sont
partagées de manière concurrente entre les TD, TI et TC, ce qui pourrait être source de
conflit, toute chose qui est de nature à ralentir l’issu du procès, contraire aux objectifs de
célérités visés par l’institution des Tribunaux de Commerce ;
- des contestations relatives aux sociétés commerciales ;
- des contestations relatives aux actes et effets de commerce entre toutes
personnes ;
- des procédures collectives d’apurement du passif ;
- des contestations entre associés d’une société ou d’un groupement d’intérêt
économique.
Les décisions rendues en 1er ressort par le TC sont susceptibles d’appel devant la CA,
dans le délai de 2 mois à compter de leur prononcé ou de leur signification.

Le Président du Tribunal de Commerce a une compétence propre en matière de


référé et d’ordonnance sur requête dans les conditions prévues par les articles 464 et
suivants du Code de procédure civile.

VI- La compétence de la Cour d’Appel


La Cour d’Appel statue essentiellement sur les Appels dirigés contre les décisions
rendues en matière civile, sociale, commerciale et correctionnelle par les TGI, les TI, les TC
et les TT. Elle a essentiellement une compétence au 2nd degré de juridiction.

Le Président de la CA est compétent d’une part, pour connaître des appels interjetés
contre les ordonnances rendues par les juridictions de référé de 1 er degré (Président du TGI,
celui du TT et celui du TC), et d’autre part, pour examiner les requêtes aux fins des défenses
à l’exécution provisoire des jugements rendus en 1er ressort.

VII- La compétence de la Cour de Cassation


La Cour de Cassation statue sur les pourvois en cassation formés contre les
décisions en dernier ressort rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire et sans pouvoir
en principe connaître du fond des affaires. Généralement, les pourvois sont dirigés contre
des arrêts d’appel. Mais ils peuvent aussi l’être contre des décisions de 1ère instance
insusceptibles d’appel. La Cour de Cassation est également compétente pour examiner les
demandes en révision en matière civile ou pénale, les demandes en récusation des juges.

Le Président de la CC a une compétence propre pour ordonner le sursis à exécution


des décisions de dernier ressort frappées d’un pourvoi en cassation qui n’a pas en principe
un effet suspensif. L’article 607 du CPC modifiée par la loi n°30-2004 du 10 septembre 2004,
a institué une procédure de référé devant le 1 er Président de la Cour de Cassation, aux fins
d’obtenir le sursis à exécution d’une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort par
une juridiction de l’ordre judiciaire et objet d’un pourvoi en cassation. Cette modification
créant la juridiction présidentielle du 1 er Président de la CC a été adoptée pour éviter que
des décisions rendues en dernier ressort en matière sociale civile ou commerciale ne soient
exécutées alors qu’elles sont frappées d’un pourvoi en cassation.

Paragraphe 2 : Détermination de la valeur de la demande


La valeur de la demande est un des éléments de détermination soit de la
compétence d’attribution (taux de compétence), soit de la compétence en 1 er et dernier
ressort (taux de ressort). Quelles sont les règles qui président à l’évaluation de la valeur de
la demande ?
Il convient de distinguer deux hypothèses, celle de la demande unique et celle, plus
complexe, de la pluralité de demandes.

I- L’évaluation de la demande dans l’hypothèse d’une


demande principale unique
La demande principale unique signifie qu’il n’y a qu’un seul demandeur qui formule
une demande en justice. On a deux cas :

A- Caractère déterminé du montant de la demande


La demande est déterminée lorsque l’on connaît ou l’on peut connaître la valeur de
l’objet demandée. Par exemple, la demande porte sur le montant déterminé d’une somme
d’argent, ou sur un meuble ou un immeuble, dont la valeur peut être connue. La règle
généralement admise est que lorsque le montant de la demande détermine la compétence
d’attribution, l’évaluation du litige se fait d’après le montant de la demande telle que
réclamée dans les conclusions.

B- Caractère indéterminé de la demande


Dans l’hypothèse où la demande est indéterminée, soit en raison de sa nature
même, soit lorsque le montant définitif de la demande dépend d’éléments qui sont
inconnus dans l’immédiat, dans ce cas, la compétence est généralement appliquée au
Tribunal de Droit commun d’une part, et en ce qui concerne le taux de ressort, la
juridiction saisie statue à charge d’appel d’autre part, sauf disposition contraire. Par
exemple, les demandes qui n’ont pas valeur patrimoniale telles les demandes d’état
(demande en divorce, en séparation de corps, en recherche de paternité,…) sont portées
devant le Tribunal de Grande Instance.

II- Evaluation dans l’hypothèse d’une pluralité de demandes


ou de défenses
Deux (2) cas doivent être distingués :
- 1er cas : celui dans lequel le demandeur formule plusieurs prétentions dans une
même assignation ou instance contre un même défendeur ;
- 2ème cas : celui dans lequel plusieurs demandeurs formulent plusieurs
prétentions contre plusieurs défendeurs.

A- Cas d’une pluralité de prétentions formées par un demandeur


contre un même défendeur dans une même instance
Dans une telle hypothèse, pour déterminer la compétence et le taux du dernier
ressort, selon l’article 39, alinéa 2 du Code de procédure civile, on additionne toutes les
prétentions fondées sur les mêmes faits ou sur des faits connexes, et l’on ne tient compte
que de la valeur totale des prétentions.
Lorsque les demandes ne se fondent pas sur les mêmes faits, ou que ces faits n’ont
aucun lien de connexité, chaque demande est considérée isolement pour la détermination
de la compétence et du taux de ressort.

B- Cas d’une pluralité de demandeurs ou de défendeurs


Dans ce cas, lorsque les prétentions sont émises dans la même instance en vertu
d’un titre commun par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs, la
compétence et le taux de ressort sont déterminés pour l’ensemble des prétentions, par la
plus élevée d’entre elle. Par exemple, l’action de plusieurs créanciers contre différents
héritiers ou encore, l’action en responsabilité dirigée contre plusieurs coauteurs.
En revanche, si les différentes demandes ne se fondent pas sur un titre commun, il
faut prendre en considération chaque demande isolément, d’après sa nature et sa valeur,
pour déterminer la compétence et le taux de ressort.

SECTION II : LA COMPETENCE TERRITORIALE


Après avoir déterminé la catégorie de juridictions devant laquelle le litige doit être
porté, il faut ensuite la localiser territorialement, c'est à dire déterminer devant le Tribunal
de quelle ville l’affaire devra être portée. La question est d’importance tenant compte
d’éventuels déplacements que cela va impliquer. Il existe d’une part, des règles générales
qui connaissent dans leur application des assouplissements et d’autre part, des règles
particulières (des règles dérogatoires), pour la détermination du tribunal territorialement
compétent.

Paragraphe 1 : Les règles de la compétence territoriale


Ces règles consistent en l’affirmation d’un principe atténué dans certains cas.

I- La règle de principe « Actor sequitur forum rei »


ou règle du forum rei
En principe, le tribunal compétent est celui, dans le ressort duquel est situé le
domicile du défendeur.

A- Contenu de la règle du forum rei ou de la règle du principe


En principe, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où le
défendeur est domicilié. En effet, il est normal que ce soit le demandeur initiateur du procès
qui supporte les inconvénients et les frais impliqués par les éventuels déplacements.

Que faut-il entendre par le domicile ? Le domicile est entendu selon l’article 43 du
Code de procédure civile au sens civiliste du terme, à savoir le lieu du principal
établissement. Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une
personne morale. Pour la personne physique, la détermination du domicile est une
question de fait, relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond. Il se peut que le
défendeur, personne physique n’ait pas de domicile connu. Dans ce cas, et en l’absence de
dispositions spécifiques, la compétence est généralement attribuée au tribunal du domicile
du demandeur. Dans certains autres cas, des textes spécifiques confèrent au demandeur
une option de compétence, ou détermine la compétence en un lieu différent.

S’agissant des personnes morales, lorsque celles-ci sont défenderesses à une


instance, leur domicile pour déterminer le tribunal territorialement compétent est le lieu où
elles sont établies, c'est à dire, généralement le lieu où la personne morale a son siège
social. Si le siège est fictif, la personne morale est établie là où elle a son activité effective.

B- L’hypothèse de la pluralité de défendeurs


L’instance peut comporter plusieurs défendeurs, et dans ce cas on permet au
demandeur de saisir à son choix la juridiction du lieu du domicile de l’un des défendeurs. Par
exemple, un défendeur est domicilié à Dédougou, un 2 nd à Nouna, un 3ème à Bobo, le
demandeur peut assigner ces 3 adversaires ensemble, devant la juridiction de l’une de ces 3
villes afin d’éviter que le demandeur forme des demandes distinctes devant les tribunaux
différents. Toutefois, la solution pour être appliquée requiert la réunion de certaines
conditions.

- La juridiction saisie doit avoir compétence d’attribution à l’égard de tous les


codéfendeurs. Si l’un des défendeurs relève du Tribunal d'Instance, et l’autre du Tribunal de
Travail, la solution est inapplicable.

- Il doit exister un lien de connexité ou d’indivisibilité entre les différentes demandes.


C'est à dire, un lien de parenté tel qu’il soit de bonne justice de les instruire et de les juger
ensemble.

- La juridiction saisie doit être celle du domicile de l’un des codéfendeurs.

C- L’hypothèse d’une élection de domicile


L’article 43, alinéa 4 du Code de procédure civile offre au demandeur la possibilité
d’assigner le défendeur devant le juge du domicile élu. Le domicile élu est un domicile
indépendant du domicile réel, choisi expressément ou tacitement pour l’exécution de
certains actes. Par exemple, dans certains cas, la loi prévoit que la constitution d’un avocat
emporte élection de domicile (article 57 du Code de procédure civile) ; de même, le
demandeur qui dans un acte introductif d’instance (une assignation par exemple), indique
un domicile autre que celui où il se trouve réellement, fait tacitement élection de domicile.
L’élection de domicile produit un effet attributif de compétences territoriales.

II- Les assouplissements à la règle du forum rei ou à la


règle de principe : les options de compétences
Dans certains cas, la loi offre au demandeur une option, c'est à dire le choix de citer
son adversaire devant le Tribunal du lieu de son domicile (règle du forum rei), ou devant une
autre juridiction. Il y a de ce fait une altération à la règle du forum rei, dans le souci
toutefois de mieux protéger le demandeur.

A- En matière contractuelle (article 45 du Code de procédure civile)


Le demandeur peut en matière contractuelle saisir à son choix, outre le tribunal du
lieu de domicile du défendeur, celui du lieu où le contrat s’est formé, ou celui du lieu où
l’obligation doit être ou a été exécutée.

B- En matière délictuelle
La victime, dans ce cas, dispose d’une option entre le tribunal du lieu du domicile du
défendeur et le tribunal du lieu du fait dommageable.

Par exemple : en matière de responsabilité civile pour faute, on peut saisir le tribunal du
lieu où la faute a été commise. Il s’agit ainsi d’éviter à la victime de se déplacer. Aussi, le
tribunal du lieu du fait dommageable paraît le plus indiqué pour conduire les enquêtes et
expertises qui seront éventuellement ordonnées.

C- En matière mixte immobilière


Il existe une catégorie d’action que l’on appelle les actions mixtes, qui se caractérise
par le fait que la demande porte tout à la fois sur un droit réel et sur un droit personnel.
C’est le cas par exemple, d’une action en résolution d’une vente d’immeuble, ou d’une
action en délivrance d’un immeuble. Dans ce cas, le demandeur peut choisir de porter son
action soit devant le tribunal du lieu du domicile du défendeur (droits personnels en cause),
soit devant le ressort duquel où est situé l’immeuble (droits réels immobiliers en cause).

D- En matière d’aliments ou de contribution aux charges du ménage


Une option de compétence est ouverte au demandeur créancier alimentaire, entre le
tribunal du lieu du domicile du défendeur débiteur alimentaire, et celui du lieu du créancier
alimentaire, autrement dit, le tribunal du domicile du demandeur. Il en est de même en
matière de contribution aux charges du mariage.

E- En matière commerciale
Une option très large de compétence est offerte au demandeur qui peut saisir soit
le :
- tribunal du domicile du défendeur ;
- tribunal dans le ressort duquel la promesse a été faite, c'est à dire, le tribunal
du lieu de la conclusion du contrat ;
- tribunal dans le ressort duquel la marchandise a été livrée, c'est à dire, celui du
lieu d’exécution du contrat ;
- tribunal dans le ressort duquel le paiement doit être effectué.

F- Les actions mettant en cause un magistrat ou un auxiliaire de justice


Lorsqu’un litige concerne un magistrat ou un auxiliaire de justice, le demandeur peut
saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe de la juridiction dans le ressort de
laquelle le magistrat ou l’auxiliaire de justice exerce ses fonctions. Lorsque le demandeur
n’use pas de sa faculté, le défendeur peut demander le renvoi de l’affaire devant une
juridiction située dans un ressort limitrophe.

Paragraphe 2 : Les règles particulières de la compétence territoriale


Il s’agit de règles de compétences territoriales qui dérogent au forum rei, en raison du désir
de protéger l’une des parties, ou de la volonté de situer le procès le plus près possible du
lieu où se sont produits les faits litigieux. Ces dérogations à la règle du forum rei,
proviennent de la volonté du législateur (dérogation légale) ou de celle des parties
(dérogation conventionnelle).

I- Les dérogations légales


Elles sont prévues dans divers domaines par des dispositions du Code de procédure
civile ou dans des textes spécifiques.

A- En matière immobilière (article 44, alinéa 1 du Code de procédure


civile)
La juridiction compétente est celle du lieu où est situé l’immeuble. En effet, celle-ci
paraît la mieux placée pour ordonner le cas échéant, les expertises qui s’imposent. Par
exemple, si une action en revendication est engagée relativement à un immeuble situé à
Kaya, c’est le Tribunal de Grande Instance de Kaya qui sera compétent, même si le
défendeur est domicilié à Tenkodogo. La règle a un caractère impératif.

B- En matière successorale (article 44, alinéa 2 du Code de procédure


civile)
La juridiction compétente en l’espèce est celle du lieu où la succession est ouverte,
autrement dit, le tribunal du domicile du défunt. En effet, c’est ce tribunal du domicile du
défunt qui paraît le plus qualifié pour statuer sur les demandes relatives à la succession, car
c’est là que se trouve les titres et éventuellement les autres biens à partager. Par
conséquent, la preuve plus facile à administrer. Ainsi, ce tribunal est compétent pour
connaître des demandes entre héritiers, de celles formées par les créanciers du défunt
contre la succession, et des demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de
mort.

C- En matière de divorce ou de séparation de corps (article 368 du Code


des personnes et de la famille)

Le tribunal normalement compétent en l’espèce, est celui du domicile de la famille


et à défaut de domicile commun entre les époux, celui du lieu où réside l’époux avec lequel
habitent les enfants mineurs, et à défaut d’enfants mineurs, le tribunal du lieu où réside
l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce ou de la séparation de corps.

D- En cas de recouvrement des frais par les avocats et les huissiers


(article 50 du Code de procédure civile)

Dans ce cas, les demandes formelles sont portées devant le tribunal où les frais ont
été exposés.

II- Les dérogations conventionnelles


Ces dérogations dépendent de la volonté des parties, qui sous certaines conditions
pourront stipuler dans leurs contrats, des clauses attributives de compétence territoriale,
dérogatoires aux règles légales de compétence territoriale. En effet, ces clauses ont pour
effet, d’opérer une extension de compétence territoriale, d’où leur examen avec la
question de la prorogation volontaire de compétence.
CHAPITRE II : LA PROROGATION DE COMPETENCE

Proroger la compétence d’un tribunal, c’est selon Mr Perrot : « lui donner le


pouvoir de juger une demande qui normalement excède les limites de sa compétence
d’attribution ou de sa compétence territoriale, telle qu’elle a été définie par la loi ».
Dans cette hypothèse, deux situations sont ici visées, la prorogation légale de
compétence et la prorogation conventionnelle ou volontaire de compétence.
Dans la première hypothèse, la prorogation ne concernerait que la demande
principale, à l’exclusion des moyens de défense et des demandes incidentes. A l’occasion
d’une demande introductive d’instance, le tribunal compétent voit, par le fait de la loi, sa
compétence s’étendre automatiquement à l’examen des moyens de défense et des
demandes incidentes, il s’agit de la prorogation légale de compétence. Dans la seconde
hypothèse, la prorogation de compétence peut être du fait des parties qui, sous certaines
conditions, pourront soumettre à un tribunal, par une demande principale, une affaire pour
laquelle il n’est pas normalement compétent. C’est l’hypothèse de la prorogation
conventionnelle ou volontaire de compétence.

SECTION 1 : LA PROROGATION LÉGALE DE COMPÉTENCE


Le problème est de savoir les limites dans lesquels s’exerce le pouvoir de statuer
d’une juridiction. Le juge est compétent pour statuer sur la demande initiale, demande
introductive d’instance. Est-il aussi compétent pour statuer sur toutes les demandes
incidentes, sur tous les moyens de défense ou tous les incidents d’instance qui surgissent
au cours du procès ? Quelle est donc l’étendue de la compétence du juge ?
La loi permet parfois au juge la possibilité de statuer sur une question qui lui est posé à titre
accessoire alors qu’elle n’entre pas dans sa compétence, s’il en avait été saisi à titre
principal.
La solution est acceptable, dans la mesure où il s’agit d’éviter le dépècement du
procès, la perte de temps et d’argent, de même que le risque de contrariété de décisions,
en faisant examiner par la même juridiction saisie la demande initiale, les moyens de
défense et les demandes incidentes.

Paragraphe 1 : Les moyens de défense


S’agissant d’un simple moyen de défense (défense au fond, exception de procédure,
fin de non recevoir), la compétence de la juridiction saisie de la demande initiale s’étend en
principe aux moyens de défense. C’est la règle de principe qui comporte toutefois, certaines
limites d’application.

I- Le principe : le juge de l’action est juge de l’exception


Le principe signifie que le juge compétent pour statuer sur la demande principale,
dont il a été saisi, l’est également pour se prononcer sur tous les moyens de défense
opposés à cette demande. Le principe s’applique devant toutes les juridictions, celles de
Droit commun comme celles d’exception. Par exemple, si le défendeur invoque devant le
Tribunal de Grande Instance, une question relative au droit du travail, la juridiction saisie de
la demande principale (TGI) doit en principe connaître de ce moyen (l’article 36 du Code de
procédure civile). Cette règle se justifie pour 2 raisons essentiels à savoir d’une part, ne pas
briser l’unité du litige en appréciant les lois du demandeur en même tant que tous les
moyens qui lui sont opposés et d’autre part, faire une économie de temps et d’argent.
L’application de la règle emporte les conséquences suivantes à savoir, l’application du
principe concerne aussi bien la compétence d’attribution que la compétence territoriale
d’une part et, l’application de la règle selon laquelle : « le juge de l’action est juge de
l’exception », d’autre part.

II- Les limites au principe


Le principe selon lequel « le juge de l’action est juge de l’exception », n’a pas une
portée absolue. En effet, ce principe est écarté toutes les fois que la question soulevée par
les moyens de défense, relève de la compétence exclusive d’une autre juridiction, que celle
qui a été saisie de la demande principale. Lorsqu’il en est ainsi, la juridiction saisie de la
demande doit surseoir à statuer en attendant que la juridiction exclusivement compétente
se prononce sur le moyen de défense. Ensuite, le tribunal statuera sur la demande
principale en fonction de la solution qui aura été donnée par le tribunal exclusivement
compétent. En pareil cas, on dit qu’il y a question préjudicielle et dans ce cas, la règle selon
laquelle le « juge de l’action est juge de l’exception » est tenue en échec. La question
préjudicielle peut être générale ou spéciale.
Elle a un caractère général, lorsque la compétence appartient exclusivement à un
tribunal qui relève d’un ordre de juridiction autre que l’ordre judiciaire. Précisément, elle
est générale en ce sens qu’aucun tribunal de l’ordre judiciaire n’a compétence pour statuer.
Il en est ainsi :
- lorsque la compétence appartient à une juridiction de l’ordre administratif.
C’est le cas par exemple, lorsqu’il s’agit d’apprécier la légalité d’un acte administratif.
- lorsque la compétence appartient à une juridiction de l’ordre pénal. Il faut
rappeler à cet égard, la règle selon laquelle « le criminelle tient le civil en l’état », de telle
sorte que si la solution d’un litige dépend d’un jugement qui doit être rendu par une
juridiction répressive, le tribunal civil saisi doit surseoir à statuer même s’il s’agit d’un
Tribunal de Grande Instance, juge de Droit commun.
La question préjudicielle est dite spéciale, lorsque la compétence exclusive
appartient à une juridiction de l’ordre judiciaire civil. A ce niveau, il faut rappeler que le
Tribunal de Grande Instance a une compétence exclusive pour certaines questions graves
pour les biens ou pour les personnes, ou encore pour l’ordre public. Si, le moyen de défense
a pour objet une matière qui relève de la compétence exclusive d’une juridiction autre que
le tribunal saisi de la demande principal, celui-ci n’est pas compétent pour se prononcer sur
le moyen de défense. Si toutefois, ce moyen de défense commande la solution finale sur la
demande principale, le tribunal saisi de la demande principale doit surseoir à statuer. Il n’est
pas juge de l’exception. Par exemple, si à l’occasion d’un litige, pendant devant le Tribunal
d'Instance, le défendeur prétend que l’une des pièces sur lesquelles la demande est fondée,
est entachée de faux.

Paragraphe 2 : Application à la compétence relative


aux demandes incidentes
Les demandes incidentes sont constituées par demandes additionnelles, les
demandes reconventionnelles et les demandes en intervention. La question se pose de
savoir, si le juge compétent pour connaître la demande principale, l’est également pour
connaître les demandes incidentes, alors même que celles-ci, introduites à titre principal
relèveraient de la compétence d’une autre juridiction.

I- Le principe (article 38 du Code de procédure civile)


En principe, une juridiction ne peut se prononcer sur les demandes incidentes que si
celle-ci entre dans sa compétence d’attribution. Il s’ensuit la règle que les demandes
incidentes à la différence des moyens de défense, ne donnent pas en principe lieu à
prorogation de compétence. Par exemple, si un Tribunal de Travail, est saisi d’une demande
incidente de nature civile, il est incompétent pour en connaître et, doit la déclarer
irrecevable. Il s’agit ainsi d’éviter un élargissement de la saisine du juge et particulièrement
du juge d’exception, à des prétentions qui par leur nature ou leur valeur échappent à sa
compétence, et risque de ce fait de faire échec aux règles de compétence d’attribution,
établies dans le souci d’une bonne administration de la justice.

II- L’exception
Le Tribunal de Grande Instance en tant que tribunal de Droit commun, connaît des
demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction.
En somme, la même règle que celle des moyens de défense (« le juge de l’action est juge de
l’exception »), est en espèce appliquée.

SECTION II : LA PROROGATION CONVENTIONNELLE


OU VOLONTAIRE DE COMPETENCE
La prorogation conventionnelle de compétence est l’hypothèse dans laquelle les
parties, d’un commun accord, décident de portée leur litige devant un autre tribunal autre
que celui normalement désigné par la loi. Par exemple, par accord de volonté, les parties
décident de saisir le TGI de Koudougou, alors que c’est le TGI de Ouagadougou qui est
compétent.
Le problème est de savoir dans quel cas, la prorogation volontaire de compétence
est-elle possible, aussi bien pour la compétence d’attribution que pour la compétence
territoriale.

Paragraphe 1 : La prorogation conventionnelle de la


compétence d’attribution
L’atteinte aux règles de compétence d’attribution par un accord de volonté des
parties peut concerner l’ordre de juridiction, le degré de juridiction et enfin la nature de la
juridiction.

I- Concernant l’ordre de juridiction


Il y a incompétence absolue des parties pour toute prorogation d’un ordre à un
autre ordre. Par exemple, les parties ne peuvent d’un commun accord, décider de saisir une
juridiction administrative à la place d’une juridiction civile ou criminelle normalement
compétente.

Exceptionnellement, dans certains cas, la loi admet que l’ordre des juridictions ne
soit pas respecté. Par exemple, en matière de responsabilité civile, la victime d’une
infraction pénale peut demander la réparation du dommage à la juridiction répressive par le
biais de l’action civile jointe à l’action pénale. De même, la loi permet que le tribunal civil
puisse prononcer des peines contre ceux qui troublent l’audience (article 358 du CPC).

II- Le degré de juridiction


Le principe du double degré de juridictions permet de faire juger une affaire 2 fois,
la 1 fois par une juridiction de 1ère instance ou de 1er degré, et la 2nde fois par la Cour
ère

d’appel, juridiction de 2nd degré. En principe, et parce qu’il vise à assurer une bonne
administration de la justice, ce principe du double degré est considéré comme étant d’ordre
public. Par conséquent, 2 personnes ne pourraient pas se mettre d’accord pour porter
directement une affaire devant la Cour d’appel, juge de 2nd degré, sans passer par le juge du
1er degré. De même, les parties ne devraient pas pouvoir former devant la Cour d’appel, une
demande nouvelle qui n’a pas été examinée par les juges de 1er degré.

III- La nature des juridictions


L’hypothèse visée est celle où, d’un commun accord, les parties entendent saisir une
juridiction de 1ère instance autre que celle voulue par la loi. Par exemple, les plaideurs
décident de saisir le TGI à la place du Tribunal de travail. Dans quelle mesure cela est-il
possible ?
Le TGI en l’espèce est naturellement incompétent en raison de la nature de l’affaire.
Mais la juridiction pourrait également être incompétente en raison de la valeur de l’affaire.
La question posée est donc de savoir, si les parties pourraient conventionnellement donner
compétence à la juridiction matériellement incompétente ?
La 1ère règle, la plus certaine en la matière, est qu’aucune prorogation
conventionnelle de compétence d’attribution n’est admise au profit d’une juridiction
d’exception. Par exemple, il n’est pas possible pour les parties de convenir qu’une affaire de
nature civile sera jugée par le Tribunal de travail. La raison tient au fait que les attributions
des tribunaux d’exception sont strictement délimitées (compétence fermée), afin d’assurer
le bon fonctionnement de la justice, d’où leur caractère impératif et d’ordre public.
Est-il alors possible aux parties de se mettre d’accord pour permettre au
demandeur de saisir le TGI, juge de droit commun, alors que compte tenu de la nature du
litige, il revient légalement au Tribunal de travail d’en connaître ?
- Le TGI est la juridiction de droit commun de l’ordre judiciaire privé, plus
exactement de l’ordre judiciaire civil, et en tant que tel, dispose d’une plénitude de
juridictions, signifiant son aptitude virtuelle à connaître de tous les contentieux privés
même de celui qui a été attribué aux tribunaux d’exception. Si une affaire, qui devait en
principe aller à une juridiction d’exception est portée devant le tribunal de droit commun,
en l’occurrence le TGI, l’incompétence de ce dernier sera relative et par conséquent, la
prorogation de compétence est admise.
- Toutefois, l’admission de la validité de principe de la prorogation de
compétence en faveur du tribunal de droit commun ne doit pas porter atteinte à certains
principes d’ordre public. Il existe donc des limites à la prorogation de principe de la
compétence d’attribution en faveur du tribunal de droit commun. La principale limite tient à
ce que certaines lois donnent un caractère d’ordre public, par conséquent, impératif et
exclusif à la compétence d’attribution de certains tribunaux d’exception. Ainsi, chaque fois
que le tribunal d’exception normalement compétent, a une compétence d’ordre public
(compétence impérative et exclusive), cela fait obstacle à ce que le tribunal de droit
commun (TGI) puisse être saisi du litige relevant de la compétence impérative, exclusive,
d’ordre public du tribunal d’exception. L’incompétence est absolue.

Paragraphe 2 : Prorogation conventionnelle de


la compétence territoriale
D’un commun accord, les parties peuvent songer à modifier les règles légales qui
gouvernent la compétence territoriale. En effet, il est fréquent que dans un contrat,
notamment les contrats entre commerçants, il soit inséré une clause qui attribue
formellement compétence au tribunal de telle ou telle autre ville déterminée. Par exemple :
« tout litige ou différend né de la formation, de l’exécution ou de l’interprétation du
présent contrat sera porté devant le tribunal de Banfora. » Il s’agit d’une clause attributive
de compétence territoriale. Lorsque celle-ci est valable, elle engage les parties d’une part,
et s’impose à la juridiction saisie, d’autre part. En conséquence, les parties doivent porter
leurs litiges devant la juridiction conventionnellement désignée, et non point devant celle
légalement prévue.

I- La nullité de principe des clauses attributives de compétence


territoriale (Article 51, alinéa 1 et 2 du Code de procédure
civile)
Selon l’article 51, alinéa 2, « toute clause qui directement ou indirectement déroge
aux règles de compétence territoriale, est réputée non écrite… ». Ainsi, la condamnation
des clauses attributives de compétence territoriale est générale, elle vise les accords de
compétence insérés dans les contrats conclus avant tout litige. Ces prorogations
conventionnelles de compétence territoriale peuvent être directes. Par exemple, il est
stipulé, « en cas de litige sera compétent le tribunal de commerce de Bobo ». Elles peuvent
aussi être indirectes par la stipulation par exemple, d’une élection de domicile. La
disposition de l’article 51, alinéa 2, a pour conséquence d’ériger les règles de compétence
territoriale en règles d’ordre public « … à moins qu’elle n’ait été convenue entre des
personnes ayant toutes la contracté en qualité de commerçants et qu’elle ait été spécifiée
de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ». Il s’agit
principalement d’un ordre public de protection, destiné à prémunir les consommateurs,
présumés faibles, contre les abus des commerçants, et d’une manière générale, des
professionnels présumés puissants. En cas de stipulation de la clause, la fonction est qu’elle
est réputée non écrite. Cependant, seule la clause est nulle, le contrat demeurant valable.

II- La validité d’exception des clauses attributives


de compétence territoriale
La nullité de principe de la clause attributive de compétence territoriale ne vaut pas
entre commerçant. Pour eux, ces clauses demeurent exceptionnellement valables. En effet,
on présume que les commerçants sont des professionnels avisés, tout à fait capable de
mesurer le risque contractuel induit par la clause, et de ce fait, égaux entre eux. Ces clauses
sont ainsi valables à l’égard des commerçants, quand bien même elles seraient combinées
avec une clause illicite de compétence d’attribution. Toutefois, la validité de ces clauses est
subordonnée à de strictes conditions de fond et de forme, qui, si elles sont réunies,
permettent à la clause de produire tous ses effets.

A- Les conditions de fond de la clause attributives de compétence


territoriale

Ces conditions sont de deux ordres, les parties doivent être toutes commerçantes
d’une part, et avoir contracté en qualité de commerçant, d’autre part.
Ces deux conditions sont rigoureusement appréciées par la jurisprudence. En effet, la
jurisprudence soutient que la clause attributive de compétence territoriale est inopposable
au commerçant qui contracte pour les besoins de sa vie privée. De même, que la qualité de
commerçant ne peut être attribuée à une personne qui accomplit un acte de commerce
isolé.

B- Les conditions de forme


La clause attributive de compétence territoriale doit « … spécifier de façon très
apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. » (article 51, alinéa 2 du
CPC).
Ainsi, en découlent les conséquences suivantes :
- la clause n’a pas à faire l’objet d’une acceptation distincte de l’ensemble du
contrat dès lors qu’elle lui est incorporée ;
- sont condamnées, toutes les clauses extérieures et donc postérieures au
contrat, telles celles qui figurent sur une facture, une lettre, ou tout autre document
contractuel ne constituant pas le contrat. Toutefois, lorsque ces clauses sont stipulées dans
les conditions générales du contrat, elles sont en principe valables sous la condition qu’il soit
prouvé qu’elles ont pu être loyalement connues et acceptées par la partie à laquelle elles
sont opposées.
III- Effets des clauses attributives de compétence territoriale
Lorsque les conditions de fond et de forme sont remplies, les clauses attributives de
compétence territoriale sont valables et produisent tous leurs effets. Ainsi, ces clauses sont
opposables non seulement aux contractants eux-mêmes, mais aussi aux divers ayants droits
des contractants, notamment au tiers intéressé. Lorsque la clause n’est pas jugée conforme
aux conditions de validité exigées, elle ne peut produire effet, et dans ce cas, les règles
légales de compétence territoriale retrouvent leur application, y compris celles qui offrent
au demandeur une option de compétence.
Fin de la première partie

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