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DROIT JUDICIAIRE

BACHELIER EN DROIT (DRT-1-003 1.1.1)

Chargée de cours : Laura DE BOECK


Année académique : 2023-2024
Avant-propos

Le support de cours proposé est destiné à l’usage exclusif des étudiants inscrits aux unités
d’enseignement DRT-1-003 1.1.1 à la Haute Ecole de la Province de Liège. Il rassemble des
extraits choisis du cours. La matière doit être complétée et actualisée selon les apports du
cours oral.

Soyez attentif au contrat pédagogique (« fiche ECTS ») disponible sur le site de la HEPL.

Ces notes sont largement inspirées des écrits des professeurs Frédéric GEORGES (ULiège)
et Dominique MOUGENOT (UNamur). Voyez également la bibliographie publiée en fin de
cours.

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CHAPITRE PRELIMINAIRE

Section 1. Définitions et objet du cours

§1. Le droit

Le terme « droit » est polysémique.

Il existe, dans le vocabulaire usuel, plusieurs interprétations possibles. Le


dictionnaire Larousse cite notamment les suivantes :

- Ensemble des règles qui régissent les rapports des membres d'une même
société (« légalité ») ;

- Science qui a pour objet l'étude de ces règles. On vise ici l’ensemble de
connaissances spécifiques, une discipline intellectuelle (au même titre que la
médecine, l’histoire, etc.). Le droit est segmenté en différents sous-ensembles,
tels que le droit public, le droit privé, le droit civil, le droit pénal, le droit judiciaire,
le droit des affaires, le droit du travail, etc. ;

- Faculté, légalement ou réglementairement reconnue à quelqu'un par une autorité


publique, d'agir de telle ou telle façon, de jouir de tel ou tel avantage (p. ex. « À
quel âge a-t-on le droit de vote ? ») ;

- Impôt, taxe, dont l'acquittement permet d'utiliser ou de réaliser quelque chose ou


donne un droit d'entrée, un avantage, une prérogative (p. ex. : droit d'auteur, droit
de tirage, droits de successions, etc.).

Dans l’étude du droit spécifiquement, plusieurs approches coexistent :

- Le droit peut être entendu comme « droit naturel » : vise ici un droit idéal,
immuable dans le temps et l’espace, selon des valeurs communes à tous les
hommes. C’est une approche philosophique de la matière, avec l’idée que le droit
est « juste » et cherche à rendre à chacun ce qui lui revient.

- Le droit peut être entendu comme « droit objectif » : désigne ici l’ensemble des
normes juridiquement obligatoires qui existent dans un ordre juridique donné (p.

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ex. la Belgique) quelles qu’en soient la source (1) et le degré de généralité. Ces
règles générales régissent les rapports entre les individus et définissent leurs
droits et prérogatives ainsi que ce qui est obligatoire, autorisé ou interdit.
Exemples : la Constitution belge, le Code civil, le Code judiciaire, etc.

- Le droit peut être entendu comme « droit subjectif » : c’est ici la faculté par
chacun, à son échelle individuelle et en considération de sa situation personnelle,
de réaliser une action, de jouir de quelque chose, d'y prétendre, d’exiger d’un
tiers une prestation ou une abstention déterminée par le droit objectif (2).
Exemple : le droit d’agir en justice (en respectant les règles de procédure issues
du Code judiciaire) pour obtenir paiement de son salaire (comme le prévoient le
droit du travail et le droit des contrats).

§2. Le droit judiciaire (privé)

Le droit judiciaire (privé) est l’ensemble des règles (droit objectif) qui gouvernent
l’organisation et le fonctionnement de la justice, en vue d’assurer aux justiciables la
mise en œuvre et la sanction de leurs droits subjectifs en matière de droit privé.

Le droit judiciaire ne se limite donc pas à la procédure au sens strict du terme. Ses
règles permettent de répondre à quatre questions (3) :

- « Quels sont les acteurs de la justice ? » : règles qui décrivent l’organisation


judiciaire (les juridictions et les acteurs de la procédure civile) ;

- « Quels sont les pouvoirs du juge ? » : règles qui décrivent la compétence du


juge à connaître une demande portée devant lui, tant sur le plan territorial (ratione
loci) que sur le plan des matières dont il peut connaître (ratione materiae) ;

- « Comment est obtenue la décision de justice ? » : règles de la procédure civile,


qui décrivent comment saisir le juge, comment instruire l’affaire, comment le
jugement est prononcé et quels sont les recours contre la décision ;

- « Comment est exécutée la décision de justice ? » : description des voies


d’exécution des jugements, notamment les saisies.

(1) Voyez en classe les développements oraux relatifs à la pyramide des sources de droit (H. Kelsen).
(2) Le droit est susceptible de voir son exécution appliquée de manière contraignante par l'intervention de
la puissance publique, c'est-à-dire de l'État. Ce caractère coercitif est ce qui distingue une règle de droit
de la morale, la religion ou encore de la politesse.
(3) Chacune des questions fera l’objet de développements oraux introductifs, lesquels seront repris plus
en détails plus loin (infra) dans les présentes notes au chapitre correspondant.

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§3. Le Code judiciaire

Le droit judiciaire est une matière demeurée fédérale (4), afin de garantir un
traitement égalitaire en matière de justice à tous les citoyens du pays. La source
principale des règles judiciaires est la loi du 10 octobre 1967 appelée « Code
judiciaire » (5). Certaines règles de compétence ou de procédure figurent toutefois
dans le Code civil ou dans des lois particulières (Code de droit économique
notamment). Ajoutons, à côté de ces normes écrites, les principes généraux de droit
que le juge est tenu de respecter : le principe dispositif, le respect des droits de la
défense, l’indépendance et l’impartialité du juge, etc. (6). Certains ont été coulés
dans notre Constitution belge, autre source importante pour la matière.

Les dispositions du Code judiciaire ont considérablement évolué depuis son


adoption (7). Depuis 2015, les six réformes dites « Pots pourris » ont poursuivi un
objectif double :

- Réduire les coûts liés à la Justice : des mesures d’économie ont été adoptées,
notamment en intégrant au Code judiciaire de nouvelles dispositions relatives
aux modes alternatifs de règlement des conflits ( 8) pour encourager les
personnes en litige à chercher une solution consentie en dehors du système
judiciaire traditionnel ; en réduisant le nombre d’arrondissements judiciaires
(passant de 27 à 12 (9)) ; en supprimant certaines petites juridictions ; en

(4) La Belgique est un Etat de droit et un Etat fédéral :


- Etat de droit : organisé en trois pouvoirs séparés, l’Etat belge est encadré par des lois, il respecte les lois
et il met tout en œuvre pour que les lois soient appliquées et respectées sur son territoire ;
- Etat fédéral : l’Etat belge est composé d’une collectivité fédérale (Etat), de collectivités fédérées
(communauté et régions) et de collectivités décentralisées (provinces et communes).
(5) Les lois sont applicables à l’ensemble du territoire (au fédéral : le Roi, la Chambre des Représentant
et le Sénat) alors que les décrets (des Communautés et des Régions) et les ordonnances (de Bruxelles-
Capitale) sont des sources législatives avec un champ d’application restreint à l’entité fédérée concernée.
La loi est la norme de base en droit belge : elle règle tout ce qui n’est pas dévolu par la Constitution au
Roi, aux Communautés et aux Régions.
(6) Le principe général de droit correspond à la règle en tout ou en partie non écrite, qualifiée de juridique
par les juges (notamment la Cour de cassation) et/ou les auteurs de doctrine. Les principes généraux du
droit ont un rôle normatif auprès des individus, et interprétatif auprès des juges : ils aident le juge dans la
compréhension et l’application des règles de droits qui peuvent parfois être lacunaires ou an tinomiques.
(7) Cette évolution est inhérente à divers facteurs, notamment :
- l’emprise croissante du droit de l’Union européenne, dans le but d’augmenter la coopération entre Etats
et d’unifier les droits procéduraux nationaux ;
- le contrôle de plus en plus étroit par la Cour constitutionnelle, de la conformité des lois procédurales à la
Constitution, en vue d’assurer l’égalité des justiciables ;
- le développement des modes alternatifs de règlement des conflits (« MARC ») ;
- l’irruption de modes électroniques d’exécution de la procédure.
(8) Aussi appelés MARC en abrégé : il existe différents types de MARC qui sont adaptés à différents types
de situations : la négociation, la médiation, la conciliation, le droit collaboratif ou l'arbitrage.
(9) Les arrondissements judiciaires coïncident désormais aux frontières des provinces, avec un

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restreignant les recours aux avis du Ministère public ; en limitant les situations
de collégialité du siège, etc.

- Simplifier le fonctionnement de la justice : les règles de procédure ont été revues


concernant les modes introductifs d’instance, les règles de compétence (p. ex.
le Tribunal de la Famille est seul compétent pour tous les litiges en lien avec
l’aspect familial), etc.

Depuis 2018, le Code judiciaire est divisé en huit parties :

1) Principes généraux - (art. 1 à 57)


2) L'organisation judiciaire -(articles 58 à 555quater)
3) De la compétence (art. 556 à 663)
4) De la procédure civile (art. 664 à 1385undecies)
5) Saisies conservatoires et voies d'exécution (art. 1386 à 1675)
6) L'arbitrage (art. 1676 à 1723)
7) La médiation (art. 1724 à 1737)
8) Le droit collaboratif (art. 1738 à 1747)

Section 2. Distinctions utiles

En droit, il existe une summa divisio fondamentale entre le droit public et le droit
privé. Le droit judiciaire privé se situe aux confins entre les deux :

- Le droit public, qui vise à protéger l’intérêt général, est la branche du droit qui
régit le statut de l’Etat et de ses démembrements ainsi que les rapports qu’ont
ceux qui gouvernent avec ceux qui sont gouvernés. Les règles de droit judiciaire
se rattachent au droit public, en ce qu’elles déterminent la manière dont la justice
est rendue, ce qui est une prérogative de l’Etat, et le fonctionnement du service
public de la justice.

- Le droit privé, qui vise à protéger les intérêts particuliers, est défini comme
l’ensemble des règles régissant les relations entre les particuliers. Les règles de
droit judiciaire relatives au fonctionnement procédural de la justice ressortent
plutôt du droit privé, en ce qu’elles décrivent et organise l’action en justice, qui
est une prérogative du particulier, qu’il soit une personne physique ou morale.

arrondissement distinct pour Bruxelles et Eupen.

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L’expression « droit judiciaire » que l’on connait dans un procès civil est souvent
complétée par l’adjectif « privé » pour insister sur la différence avec l’action publique
que l’on connaît en droit pénal. En termes de procédure, l’action publique se
distingue de l’action civile par des règles spécifiques contenues principalement dans
le Code d’instruction criminelle et le Code de procédure pénale.

Le droit judiciaire privé ne concerne par ailleurs que l’organisation des juridictions
judiciaires, non pas des juridictions administratives ou constitutionnelles ou la
procédure devant ces juridictions :

- La procédure devant la Cour constitutionnelle est régie par la loi spéciale du 6


janvier 1989 instituant la Cour constitutionnelle : cette procédure s’applique dans
le cas d’un recours dirigé contre une norme de valeur législative (p. ex. une loi
qui aurait été adoptée en contravention à la Constitution) ( 10).

- La procédure devant le Conseil d’Etat est régie par les lois coordonnées sur le
Conseil d’Etat du 12 janvier 1973 : cette procédure s’applique dans le cas d’un
recours dirigé contre une norme de valeur réglementaire (p. ex. un acte
administratif ne respectant pas la loi) (11).

(10) A noter qu’en cours de procédure judiciaire, lorsqu’un juge doit appliquer une norme législative qu’il
suppose incompatible par rapport à une norme hiérarchiquement supérieure, le juge ne peut pas de lui-
même décider de ne pas l’appliquer à l’affaire dont il est saisi. Il est plutôt tenu de poser une question
préjudicielle à la Cour constitutionnelle. Une partie au procès peut aussi suggérer au juge de poser une
question préjudicielle. Après avoir examiné la question, la Cour rend un arrêt de réponse qui se prononce
sur le caractère constitutionnel ou non de la norme législative. Ce n’est que si la Co ur a jugé la norme
inconstitutionnelle que le juge du fond pourra ne pas appliquer celle-ci (art. 28 Loi Cour const).
(11) A noter qu’en cours de procédure judiciaire, lorsqu’un juge suppose incompatible une règle de valeur
réglementaire par rapport à une norme hiérarchiquement supérieure, le juge peut lui-même décider
d’écarter l’application de la norme en question, sans passer par une autre juridiction. Ce pouvoir est
conféré aux juges par l’article 159 C° « Les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements
généraux, provinciaux et locaux, qu’autant qu’ils seront conformes aux lois ».

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