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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Droit civil comparé

Erik Van den Haute

Plan du cours

Les présentes notes retracent de manière non-exhaustive le plan du cours oral et synthétisent certains aspects de celui-ci. Elles
doivent impérativement être complétées par les notes prises au cours qui constituent la base de la matière. Les présentes notes
ne comprennent pas le contenu des conférences. Compte tenu du fait que la matière varie d’une année à l’autre, il est possible
que le présent résumé comprenne des matières qui n’ont pas été examinées cette année (voy. les petits caractères). Seules les
matières abordées cette année au cours oral et dans la/les conférence(s) font partie de la matière à étudier. Les dates et les
noms qui sont considérés comme importants ont été soulignés.

I. INTRODUCTION

Pourquoi est-il nécessaire de comparer ? La comparaison porte nécessairement


sur ce qui est différent, d’où la nécessité d’expliquer comment et en quoi les systèmes
se sont différenciés + nécessité de porter le regard sur l’avenir de l’harmonisation
européenne.

Quelles sont les différences et similitudes (objet de la comparaison) ? Examen


des institutions juridiques dans les différents systèmes.

Notion et délimitation du concept de « droit comparé »

Origines de la discipline : Congrès international de droit comparé tenu à Paris


en 1900 = « acte de naissance du droit comparé moderne »

Ce que le droit comparé n’est pas : droit international privé, droit international
public, histoire du droit, sociologie juridique ;

Fonctions du droit comparé

- contribution fondamentale à la formation du juriste, permettant d’appréhender


le système juridique comme phénomène social et dépendant essentiellement
de l’environnement ou de la culture juridique ;

- Travail de lege lata, lorsque la règle en vigueur en droit positif trouve son
origine dans un autre système juridique et, a fortiori lorsqu’on se trouve en
présence de règles formulées de manière identique dans deux pays mais
interprétées différemment dans chaque pays.

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Exemple : la société civile en droit français et en droit belge


(textes identiques à l’origine, mais dotée de la personnalité morale
en France et sans personnalité morale en Belgique)

De même, lorsque le juge est amené à statuer sur des règles de droit
uniforme, la recherche d’une cohérence d’ensemble reposera sur ses
connaissances en droit comparé.

- Travail de lege ferenda (fonction subversive du droit comparé), lorsqu’il s’agit


de suggérer des réformes législatives (illustration à travers la reconstruction
juridique de pays de l’Europe de l’Est depuis 1990).

- Harmonisation / unification du droit, visant à aller au-delà de la simple


suggestion de réformes nationales mais de véritablement opérer un
rapprochement des systèmes juridiques (conventions de droit uniforme,
intégration européenne, intégration des pays membres de l’ASEAN,
élaboration des principes UNIDROIT, …) ;

Méthodologie du droit comparé

Démarche empirique, approche fonctionnelle : macro-comparaison, micro-


comparaison

II. LES SOURCES

a) Evolution historique du droit privé et développement des grandes familles juridiques

- Les origines : le droit romain

Les origines : de la société agricole (droit familial et des successions détenu entre
les mains des Pontifes) vers la République (Loi des XII Tables et formation des
citoyens au droit)

Développement d’un droit essentiellement jurisprudentiel (procédure formulaire :


praetor définissant les actiones qu’il autorise et précision des formula à l’attention
des iudex ou censeurs pour trancher les litiges en fait : le censeur donne au litige,
en fait, une solution conforme à la règle de droit édictée par le praetor – sous

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Hadrien (117-138 Av. C.), « Edictum perpetuum », diminution de l’importance du


praetor et rôle croissant des Jurisconsultes donnant leur avis au juge)

Développement du rôle de l’Empereur qui intervient sous la forme de


constitutiones, de rescripta (équivalent de la pratique actuelle du « ruling ») et des
edicta, avec un remplacement progressif des jurisconsultes par des fonctionnaires
au service de l’Empereur

Conclusion : droit très casuistique et non fondé sur des théories abstraites, droit
dont l’évolution se situe sur une très longue période, en plusieurs strates : ius
civile (loi des XII tables), ius honorarium (créé par les praetores), responsa
(jurisconsultes) et constitutiones et rescripta (Empereur et ses fonctionnaires) –
rapprochement à faire avec certaines autres civilisations (hindou, islam etc.) où
on retrouve également un droit à strates multiples.

- Etape fondamentale dans l’évolution du droit : le Corpus Iuris Ciuilis de


Justinien

Contexte historique (division de l’empire romain ; dernière tentative visant à


rétablir l’unité impériale tant par la reconquête militaire que par la codification du
droit) – Programme de restauration et d’unification du monde romain de Justinien :

Corpus Iuris Ciuilis :

Codex (réorganisation de l’ensemble des constitutions impériales publiées


depuis Hadrien)
Digeste (synthèse de la jurisprudence antique)
Institutes (manuel pour enseigner le droit)
Novelles (lois nouvelles voulues par Justinien)

- Impact du Corpus Iuris Ciuilis en europe orientale

Maintien en vigueur du Corpus Iuris Ciuilis (même bien au-delà de 1453) –


Rapports entre le droit et la religion : séparation entre le profane et le sacré est
d’emblée acceptée – corrections apportées au droit existant (qui n’est pas une
branche de la théologie, contrairement aux traditions islamique et juive)

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- Réception du Corpus Iuris Ciuilis en europe occidentale

o Clans germaniques (forte cohésion – sociétés peu « juridicisées » - recul


du droit écrit au profit de la tradition orale – le droit est une forme de
négociation, de recherche du consensus – applicabilité du droit non pas
en fonction du territoire, mais en fonction des personnes (maintien du
droit romain pour la population romaine ou romanisée)

o Rôle de l’Eglise : l’Eglise apporte des « corrections » au droit


(humanisation du droit ; règles d’intérêt général (pact nuda sunt
servanda) ; renforcement de la position de l’Eglise à travers une plus
grande emprise sur le mariage et la promotion des testaments) – Vers les
Xème et XIème siècles, développement d’un véritable droit canon avec
une sévérité et une emprise grandissante

o Prédominance du droit privé (droit pénal est une branche du droit privé –
rôle du souverain davantage vu comme une contrepartie dans une
relation privée avec des droits et obligations dans le cadre du système
féodal)

o Au XIème siècle, premier enseignement universitaire à Bologne : le droit


romain (sur la base du Corpus Iuris Civilis) – Ecole des glossateurs –
Crise de l’université de Bologne en 1274 avec comme conséquence que
les enseignants partent enseigner ailleurs en Europe occidentale (et
notamment en France) – Phénomène de réception du Corpus Iuris Civilis
en Europe occidentale

- Ius commune

Sur la base des enseignements du Corpus Iuris Civilis (annoté par les
glossateurs), on assiste au développement d’un véritable Ius commune, commun
aux différentes régions en Europe – Développement de structures plus étatiques
et adaptation du ius commune en fonction des particularités du droit local (souvent
coutumier) – Prémices de l’idée des codifications nationales – Evolution vers la
reconnaissance de davantage de droits subjectifs

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b) Mouvements de codification en Europe : les sources du droit civil comparé

- Code civil français

Souvent présenté comme le fruit de la Révolution française, alors qu’il intègre en


réalité de nombreuses solutions préexistantes :

HAUT MOYEN-AGE

Distinction Nord-Sud

Dans le sud : Principe de personnalité du droit (applicabilité du droit


romain pour les sujets romanisés) – Adoption en 506 par Alaric II, roi
des Wisigoths, de la lex romana wisighotorum (recueil abrégé du droit
romain postclassique comportant notamment certains extraits du
Codex Theodosianus adopté par Théodose II pour l’Empire d’Orient et
resté en vigueur jusqu’à Justinien) appliquée, non pas aux Wisigoths,
mais uniquement aux sujets romanisés ---> survie du droit romain
dans les régions du sud de la France
Dans le nord : Pas de lois romano-barbares similaires à celles des
Wisigoths et des Burgondes – Les francs qui s’y établirent apportèrent
leurs propres lois, inspirées de coutumes germaniques, dont la plus
connue était la loi salique.----> droit romain moins présent, et
remplacé par des coutumes germaniques

BAS MOYEN-AGE

Dans le sud : Renaissance du droit romain grâce à Bologne dès le


XIIIème siècle (Toulouse, Montpellier, Avignon, Perpignan…) –
Parfois, concurrence par des coutumes locales (chartes urbaines de
Villes comme Narbonne, Carcassonne)

Dans le nord : Influence plus grande du droit romaine, mais limitée à


un rôle subsidiaire (notamment là où les coutumes étaient
insuffisantes : droit des contrats)

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non ratione imperii, sed imperio rationis

Nécessité de s’affirmer vis-à-vis de l’Empire pour éviter que le droit ne


devienne un instrument d’annexion au Saint Empire Romain (lorsque
Charlemagne est sacré par le Pape Léon III en 800, c’est au titre
d’empereur de l’Empire romain…), qui avait adopté le droit romain…

 Non en raison de l’Empire, mais en raison de l’impérieux besoin de


la raison (qualités intrinsèques du droit romain)

ENSUITE :

Compte tenu de la difficulté principale du droit coutumier (tradition orale),


tentatives de consignation écrite des coutumes

Rédactions publiques Grand Coutumier de Normandie


(fondement actuel du droit des îles Anglo-Normandes)

Rédaction officielle : Ordonnance de Montil-les-Tours (Charles


VII) (1454)

-----> a permis l’émergence d’un droit coutumier commun

Mais, ces rédactions n’ont pas été suffisantes pour unifier le droit
coutumier : souvent Coutume de Paris appliquée de manière
subsidiaire (influence du Parlement de Paris) et qui a contribué au
développement de ce droit coutumier commun (de même que les
travaux des grands jurisconsultes tels que DUMOULIN)

RENAISSANCE

BOURJON « Le droit commun de la France et la coutume de Paris


réduits en principes » (1720)

DOMAT « Les loix civiles dans leur ordre naturel » (1689)

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POTHIER , connaissances juridiques importantes à la fois du droit


coutumier et du droit romain

MAIS nonobstant tous ces efforts, la veille de la Révolution française,


la France n’avait pas encore de droit privé unifié

PERIODE DE DROIT INTERMEDIAIRE

(1789-1799)

Perturbation complète de l’ordre social préexistant et développement


des droits et libertés individuelles de manière assez radicale :

exemple : Répartition selon une égalité absolue de l’héritage dans


les successions ab intestat « Tous héritiers en égal degré succèdent
par portions égales aux biens qui leur sont déférés par la loi » ce qui
n’empêchait toutefois pas de disposer par voie testamentaire…dès
1793 cette possibilité a également été supprimée: « la faculté de
disposer de ses biens, soit à cause de mort, soit entre vifs, soit par
donation contractuelle en ligne directe est abolie ; en conséquence
tous les descendants auront une portion égale sur les biens des
ascendants ». Prohibition également de la substitution
fidéicommissaire.

Même radicalité en droit familial : suppression de la puissance


paternelle (patria potestas), mariage devenait un « contrat civil »
dans lequel chacun des époux avait la possibilité de mettre fin au
contrat sur la seule base d’une « incompatibilité d’humeur ou de
caractère » : « la faculté de divorcer résulte de la liberté individuelle
dont un engagement irrévocable serait la perte »

Assemblée constituante : « Il sera fait un Code des lois civiles


communes à tout le royaume »

----------> Trois projets de Cambacérès

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NAPOLEON

Reprise du projet : désignation d’une commission pour la rédaction, dont

- 2 représentants du droit écrit (PORTALIS et MALEVILLE)

- 2 représentants du droit coutumier (TRONCHET et BIGOT DE


PREAMENEU)

Napoléon lui-même a participé aux discussions et a apporté, en tant que


non-juriste, une grande touche de pragmatisme (et partant, une grande
accessibilité du texte). Du point de vue du contenu, on y retrouve sa
conception : « La famille forte, dans un Etat omnipotent, sous un
Napoléon au-dessus de tout » (mais certaines matières ont été
influencées par des motifs personnels à Napoléon, comme l’adoption et le
divorce par consentement mutuel).

ESPRIT ET CARACTERISTIQUES DU CODE CIVIL

- Inspiration du siècle des lumières ( comparaison avec l’ABGB, Allgemeine


Landrecht für die preussischen Staaten) :

- Touches du libéralisme (ex. art. 544 C.civ. et 1134 C.civ.) mais


principalement reprise de solutions préexistantes ;

exemples : Droit familial : maintien du principe de la réparation égalitaire en matière


successorale, mais réintroduction de la possibilité de léguer, mais dans certaines
limites (inconnues dans les traditions allemande et anglo-saxonne) ; Restrictions
nombreuses sont introduits au niveau du divorce par consentement mutuel (acquis
révolutionnaire) ; Si on admettait que la société soit notamment régi par le principe de
l’égalité, dans le mariage, en revanche, « l’ordre naturel » imposait un rôle plus
important pour l’homme : ex. le divorce qui ne peut être demandé par la femme que
lorsque son mari aura tenu sa concubine dans la maison commune (PORTALIS :
« L’infidélité de la femme suppose plus de corruption et a des effets plus dangereux
que celle du mari ») >< premier projet de Cambacérès qui prévoyait notamment que
« Les époux ont et exercent un droit égal pour l’administration de leurs biens »
(nécessité du consentement de l’autre pour toutes les transactions).

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- Transaction entre le droit écrit et le droit coutumier

→ droit des contrats = principalement repris du droit écrit

→ droit familial et successoral = principalement inspiré par la


Coutume de Paris, de même que l’acquisition de la propriété en raison
de la bonne foi (art. 2279 C.civ) coutumes germaniques

- Rôle du juge :

« L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales
du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de
descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque
matière. C’est au magistrat et au jurisconsulte, pénétré de l’esprit général des
lois, à en diriger l’application…Il y a une science pour les législateurs comme
il y en a une pour les magistrats ; et l’une ne ressemble pas à l’autre. La
science du législateur consiste à trouver dans chaque matière les principes
les plus favorables au bien commun ; la science du magistrat est de mettre
ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application
sage et raisonnée, aux hypothèses privées… C’est à la jurisprudence que
nous abandonnons les cas rares et extraordinaires qui ne sauraient entrer
dans le plan d’une législation raisonnable, les détails trop variables et trop
contentieux qui ne doivent point occuper le législateur, et tous les objets que
l’on s’efforcerait inutilement de prévoir, et qu’une prévoyance précipitée ne
pourrait définir sans danger. C’est à l’expérience à combler successivement
les vides que nous laissons. Les codes des peuples se font avec le temps ;
mais à proprement parler, on ne les fait pas » (PORTALIS, Discours
préliminaire) :

Confirmation de cette idée à l’article 4 C.civ. (disposition dont le contenu se


retrouve aujourd’hui dans le Code judiciaire) : « Le juge qui refusera de juger,
sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra
être poursuivi comme coupable de déni de justice » (mais contrebalancé par
une seconde règle : « Il est défendu aux juges de se prononcer par voie de

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disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises »).
Le juge est ainsi « associé à l’esprit de législation ; mais il ne saurait partager
le pouvoir législatif » (Portalis).

Exemples : La responsabilité aquilienne (5 articles sommaires contre


40 dans le ABGB de 1811 et 31 dans le BGB, mais des
développements jurisprudentiels très importants) ; La théorie de l’abus
de droit (théorie jurisprudentielle) ; Les troubles de voisinage (théorie
jurisprudentielle construite à partir de l’article 544 C.civ.).

« Ainsi, en de larges domaines, le droit civil français, presque sans qu’on


l’aperçoive, a cessé d’être un droit écrit, pour devenir une common law.
L’opposition classique et spectaculaire des sources du droit anglo-saxon et
des sources du droit français s’est étonnamment réduite » (Ripert)

Ecole de l’Exégèse > < Ecole de la libre recherche scientifique

- Clarté du style et du langage, mais polysémie et imprécisions (ex. art. 778


C.civ. ; art. 1147 C.civ. et 1148 C.civ.)

RECEPTION DU CODE CIVIL

Phénomène de réception du Code civil français ne s’explique pas uniquement


par ses qualités intrinsèques, mais également par le conditionnement politique
et culturel

• Régions annexées par Napoléon

Belgique, Luxembourg, certaines parties de l’Allemagne (suite à


la campagne de Napoléon contre la Prusse), certains cantons
suisses (Genève, Berne), Italie etc.

• Influences du Code civil

Code civil espagnol de 1889 (pour la partie des obligations, des


grandes parties sont quasiment la traduction des dispositions du

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code napoléonien) ; Plusieurs pays d’Amérique Latine (par


réaction) ; Louisiane et Québec.

• Politique coloniale

En règle générale, application du droit français dans les colonies


françaises (contrairement à la politique coloniale anglaise).
Influences : Syrie et Liban (placés sous mandat français depuis
1922) ; Algérie (C.civ. de 1834), Tunisie et Maroc (Code des
Obligations et des Contrats respectivement en 1906 et en 1913).

- Le code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch)

SAINT EMPIRE ROMAIN – (Charlemagne – Frédéric Barberousse, fondateur


de la dynastie des Hohenstaufen)

Chute de la dynastie des Hohenstaufen – FORTE DECENTRALISATION


(nombreuses principautés indépendantes) : pas de droit substantiel unifié, ni
de juridictions communes (contrairement à la France et à l’Angleterre)

----> facilitation de la réception du droit romain, de manière massive, à l’état


brut (en l’absence d’une profession juridique bien organisée ou de
jurisconsultes qui rationalisent cet ensemble de règles)

RECEPTION DU DROIT ROMAIN et Usus modernus pandectarum


(à partir du 16ème siècle)

Universités : droit romain combiné avec emprunts de droit local (Usus


modernus pandectarum) = droit sans réel lien avec la pratique appelé
le « Professorenrecht » (début d’une longue tradition de droit plus
théorique)

PHILOSOPHIE DES LUMIERES : idée d’une codification raisonnée afin de


permettre aux sujets de l’Empire de connaître leurs droits, mais absence
d’unification politique rend cela très difficile – en revanche, évolution du point
de vue de la doctrine : jurisconsultes comme VON PUFENDORF (1632-1674),

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vont imposer au droit romain une rigueur logique, presque mathématique :


vision très abstraite du droit, détachée de toute réalité

- première codification en Bavière (Codex Maximilianus Bavaricus


civilis) en 1756

- Code prussien (Allgemeines Landrecht der Preussischen Staaten)


en 1794

“entreprise monstrueusement anti-intellectuelle” – volonté


d’être exhaustif – Interprétation de l’ALR était strictement
interdite aux juges qui devaient, en cas de doute, interroger la
Chancellerie

§ 6 de l’Introduction précise :

« Les opinions de la doctrine juridique et celles qui découlent


de décisions judiciaires précédentes doivent être ignorées
pour les décisions futures »

Frédéric II avait précisé que deux dangers guettent les juges :


la corruption (leur conscience doit les en garantir) et l’erreur
(les législateurs doivent les en garantir) !

---> peu de doctrine au sujet de l’ALR et pas une bonne base


pour l’unification du droit allemand

ROMANTISME

Essoufflement du rationalisme et apparition du romantisme : époque de la


naissance de L’ECOLE HISTORIQUE DU DROIT sous l’impulsion de
Friedrich Carl von SAVIGNY :

Le droit n’est pas une production rationnelle du législateur, mais


beaucoup plus le produit de l’histoire d’une civilisation : le droit est très
profondément enraciné dans le Volksgeist (« esprit du peuple ») et a
fait l’objet d’un long processus de maturation : le droit nait du peuple
et est ensuite précisé par les juristes

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CONTROVERSE ENTRE SAVIGNY et THIBAUT (Kodifikationsstreit)


sur l’éventuelle unification du droit allemand par une codification
(proposition d’unification de THIBAUT n’a pas abouti car situation
politique n’était pas encore mûre + critiques de SAVIGNY « recourir à
la législation consiste à faire violence aux traditions juridiques
allemandes)

Etude de l’histoire du droit était fondamentale pour l’Ecole de


SAVIGNY…mais, paradoxe : l’Ecole Historique du droit se tourne de
manière quasi-exclusive vers le droit romain…(et même pas vers
l’usus modernus pandectarum , mais le droit romain antique résultant
du Corpus Iuris Ciuilis Justinien (droit d’une pureté exceptionnelle,
valable de manière universelle et éternelle…)

ECOLE PANDECTISTE

Successeurs de l’Ecole Historique du Droit

Georg Friedrich PUCHTA (1798-1846) « Lehrbuch der Pandekten »


Retour à l’étude systématique et dogmatique du droit (romain) :
rationalisation juridique poussée à l’extrême ; Pandectistes ont réussi
à contribuer à l’unification du droit sur le plan théorique en
développant une série de concepts juridiques clairs (mais pas de
recherche d’une justification sociale, éthique ou pratique), comme la
cession de créance ou la stipulation pour autrui.

TRAVAUX DE CODIFICATION

Unification allemande en 1871 – Dès 1873, le législateur est habilité par la


constitution à codifier tout le droit civil : travaux d’une première commission
durant 13 années : proposition très critiquée en 1887 :

- oubli des traditions juridiques allemandes (traditions sociales,


morales et familiales) ;
- forme exagérément dogmatique (influence de l’Ecole pandectiste)

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- langage inaccessible pour des non juristes (volonté de précision


trop importante au détriment de la lisibilité, beaucoup de
références croisées)
- contenu trop individualiste (autonomie de la volonté en matière
contractuelle, droit des successions trop en faveur de la classe
possédante…)

Deuxième commission : interventions mineures, projet déposé en 1895, voté


en 1896 et entré en vigueur en 1900

CARACTERISTIQUES

Structure :

- Partie générale

- Livre du droit des obligations

- Livre du droit des biens

- Livre du droit de la famille

- Livre du droit des successions

La partie générale comporte en réalité les institutions juridiques


fondamentales, pouvant servir aux juristes dans les différentes
branches du droit (capacité, personnes physiques, personnes
morales, définitions relevant du droit des biens etc.)

Contenu :

- Conservateur (stabilité politique)

- Libéral

- Pas de conception politique ou sociale du monde ;

- Ouvrage qui s’adresse aux juristes professionnels et non pas aux


citoyens ordinaires
- Langage très abstrait ; pas de polysémie : les termes juridiques
(ex. bonne foi) ne sont jamais utilisés que dans un seul sens

« Calculatrice juridique par excellence »

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RECEPTION

Beaucoup d’intérêt pour le Code civil allemand, mais pas tellement en vue de
la réception (trop lié à la culture juridique allemande)

- Chine et Japon (excepté pour le droit familial)

- Hongrie (qui avait abrogé le Code civil autrichien en 1865 pour ne


plus appliquer qu’un droit coutumier hongrois, quelques principes
généraux de droit autrichien et de plus en plus du droit allemand)
- Code civil de la Fédération de la Russie

- Code grec

Digeste de Justinien avait été traduit en grec au 11ème siècle


et actualisé par les « lois de Harmenopoulos » (1345) – En
vigueur pendant les 4 siècles de domination ottomane – Au
19ème siècle, suite à la guerre de libération on opte finalement
pour le droit romain du Corpus Iuris Ciuilis, tel qu’appréhendé
par les pandectistes – 1835, Prince Otto Ier devient roi des
grecs : influence plus importante encore des pandectistes :
Code civil Grec de 1946 fortement influencé du BGB

- Code civil autrichien (Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch)

Renvoi (conférence du 7 mars 2008)

- Code civil suisse

Pas de réception du droit romain en raison de l’importante indépendance des


collectivités locales (« associations sous la foi de serment » qui ont toujours
défendu leur indépendance vis-à-vis du Saint-Empire Romain) + pas
d’administration centrale ou de profession juridique développée pouvant
diffuser le droit romain.

Idée d’une codification nationale : après la révolution française et suite


à une invasion française (1798) et à une occupation du Pays de Vaud,

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suivie de la création d’une République Helvétique unie (jusqu’en


1803). Après la dislocation de cette République en 1803 (Acte de
Médiation de Bonaparte, transférant à nouveau les compétences aux
cantons), l’idée de la codification survivra, mais au niveau cantonal.
Chaque canton voulait rédiger son propre code, avec des influences
diverses :

- Certains cantons (Valais, Genève, Tessin) s’appuyaient


sur le Code civil français ;

- D’autres cantons (Berne, Lucerne,…) s’inspiraient du


ABGB – plus acceptable pour le gouvernement
conservateur de Berne à cette époque ;

- Un troisième groupe de cantons (Zürich d’abord, suivi


après par plusieurs autres cantons du Nord et de l’Est)
s’inspiraient des Pandectistes et de l’Ecole historique de
Savigny ;

Durant la deuxième moitié du XIXème siècle : développement


économique de plus en plus important > nécessité de plus en plus
grande de franchir les frontières des cantons, beaucoup de suisses
s’établissent en dans un autre canton > importance grandissante des
règles de conflit de lois entre cantons > besoin d’unification
grandissant

Face à cette évolution, Eugène HUBER (professeur à l’université de


Bâle) se voit confier la tâche de réaliser une description comparative
complète du droit civil en 1884, d’où découlera une proposition de
codification en 1900. Cette proposition sera adoptée en 1907 et
entrera en vigueur en 1912.

CONTENU & CARACTERISTIQUES

Le Code civil suisse évite les défauts du BGB : langage accessible et


cadre légal général à compléter par le juge (art. 1er : « A défaut d’une
disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier
et, à défaut d’une coutume, selon les règles qu’il établirait s’il avait à

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faire acte de législateur » ; art. 4 : « Le juge applique les règles du


droit et de l’équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d’appréciation ou
qu’elle le charge de prononcer en tenant compte soit des
circonstances, soit de justes motifs »).

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Influences :

- Code civil français

- BGB et les Pandectistes

- Droit cantonal (moins dans la partie relative aux


obligations, mais E. Huber avait réalisé une vaste étude
du droit cantonal qu’il a voulu intégrer dans la proposition
de Code civil)

La structure est comparable à celle du BGB :

- Droit des personnes et droit familial ;

- Droit des successions ;

- Droit des biens ;

- Droit des obligations (Code des obligations) : qui englobe


également les règles pour les commerçants et celles
visant à protéger la partie faible au contrat

c) Développement de la Common Law en Angleterre

Grande continuité historique

Le point de départ : BATAILLE DE HASTINGS, invasion par les Normands en 1066

Changement le plus important : transformation du système anglo-saxon en


SYSTEME FEODAL : ensemble de la propriété foncière est dévolue au Roi,
où commence la pyramide féodale (fiefs, fee)

Développement rapide des institutions anglaises :

Rédaction du Domesday Book sous William Ier, avec toutes les


relations féodales – Vérification des impôts dus par les vassaux sont
vérifiés ainsi par la Curia Regis

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(ultérieurement cela deviendra une administration fiscale, l’Exchequer


– qui prend de plus en plus la forme d’un tribunal examinant toutes les
questions juridiques relatives aux aspects fiscaux

+ part croissante de l’administration royale dans les litiges civils et


pénaux : amplification et généralisation de la compétence de la Curia
Regis qui se divisera alors en trois cours permanentes composées de
magistrats professionnels (13ème siècle et leurs compétences n’ont
plus été changées jusqu’au 17ème siècle)

COURT OF EXCHEQUER
COURT OF COMMON PLEAS
COURT OF KINGS BENCH

+ justice itinérante

Long processus de centralisation de la justice anglaise :

Régression des particularismes locaux / coutumes locales par rapport


au droit unifié (COMMON LAW) – dès cet instant, on ne ressent plus
le besoin d’unifier (comme les mouvements de codification en France
ou en Allemagne, car il y avait déjà un droit unifié)

Procédure des Writs :

WRIT – « Ordre du roi à un juge ou un fonctionnaire de justice,


d’inviter le défendeur à comparaître devant lui et de délibérer de
l’affaire en présence des parties » :

souvent les mêmes faits : sorte de standardisation des Writs

75 Writs développés par les Services du Chancelier vers la fin du


XIIème siècle – augmentation encore au 13ème et 14ème siècles,
regroupement dans un registre semi-public : REGISTER OF WRITS

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Demandeur devait soigneusement choisir le Writ par lequel il allait


introduire son action, mais Writs de plus en plus nombreux avec
différences parfois subtiles

(rapprochement avec le droit romain : droit casuistique où toute la


réflexion juridique se développe autour des moyens procéduraux
plutôt qu’autour des concepts de fond)

Mais, système aboutissant à de nombreuses injustices

Développement de l’Equity :

Requêtes adressés au Roi pour empêcher de telles injustices,


transmises par le roi au Chancelier

Procédure devant le Chancelier : writ of sub poena – appréciation


personnelle

THOMAS MORE :

toutes les décisions sont prises conformément aux principes et règles


déjà retenus face à des situations identiques – puis publication des
décisions du chancelier, qui se sentit de plus en plus lié par les
précédents (comme le juge en common law)

Activité de plus en plus juridictionnelle : COURT OF CHANCERY

Développement d’un corps de règles appelé EQUITY, qui a encore


développé une série de moyens juridiques venant compléter utilement
les actions en COMMON LAW

ex. injonction préventive, specific performance

Aussi longtemps qu’il s’agissait de juridictions différentes : le


chancelier n’hésitait pas à parfois interdire l’exécution d’un jugement
rendu en Common Law ou à interdire l’introduction d’une action en
Common Law

20
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

INNS OF COURT

Organisation des praticiens du droit sous la forme d’une Guilde dès le


début du XIVème siècle

Formation dans les Inns of Courts et non dans les universités

Différence entre les Barristers et Attorneys

Développement empirique du droit

Influences du CIVIL LAW

Influences du droit romain, pas totalement absent (université de


Canterbury)

Lutte entre le parlement et le roi au 16ème siècle: parlement (et


Common Law) l’emportent, Civil Law n’a pas pu évincer la Common
Law

Période de pacification

Lord William Blackstone (1723-1780), professeur à Oxford et auteur de


« Commentaries on the laws of England » : presentation systématique du droit anglais
(droit privé, droit de la procedure mais également droit penal et droit public)

Période de réformes (Age of Reform)

Jeremy Bentham (1748-1832), critique du conservatisme et appel à la réforme du droit


anglais à travers une codification – Pas de codification, mais réformes importantes,
notamment du droit de la procédure :

21
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

 Judicature Act (1873) : création d’une Supreme Court of Judicature


(comprenant à la fois le High Court of Justice et le Court of Appeal) +
création d’une section judiciaire de la House of Lords en 1876 ;

 Regroupement par la Judicature Act des deux corps de règles de


Common Law et d’Equity : toutes les divisions de la High Court ainsi que
la Court of Appeal appliquent désormais le droit anglais, qu’il s’agisse de
règles en « law » ou en « equity ».

 Suppression par le Judicature Act des « forms of action » (procès


formulaire) et remplacement des différentes formes de writ par un writ
unique, appelé le Writ of summons qui introduit la procédure devant la
High Court, quelque soit l’objet de l’action.

 Rôle croissant de la loi (sous l’influence de Bentham notamment) : Bills of


Exchange Act (1882), Partnership Act (1890), Sale of Goods Act ( 1897),
Law of Property Act (1925) etc.
-

Réforme du droit de la procédure : equity et common law appliqué par les mêmes
juridictions

Ecosse : L’Ecosse a maintenu pendant près de 200 ans une alliance avec la
France, contre l’Angleterre. L’Ecosse s’est ainsi ouvert à la culture
continentale et de nombreux juristes se sont formés dans des universités
françaises (au 14ème et au 15ème siècle) ou hollandaises (16ème et 17ème siècles).
On a donc pu voir se développer en Ecosse un droit imprégné par des
coutumes locales, des principes du droit naturel et par le droit romain. Suite
au Traité d’Union de 1707, le royaume anglais et le royaume écossais se sont
associés pour former ensemble le Royaume de Grande-Bretagne. L’acte a
donné lieu à une dissolution des deux parlements respectifs pour être
remplacés par un parlement commun. En revanche, l’Ecosse avait obtenu
dans la négociation de pouvoir conserver l’enseignement, la religion et le
droit : le traité dispose « That the Laws which concern public Right, Policy and
Civil Government may be made the same throughout the whole United
Kingdom ; but that no alteration be made in Laws which concern private Right,
except for evident utility of the subjects within Scotland”. Depuis les guerres
napoléoniennes, le lien avec le droit continental a été rompu (les échanges
devenaient plus difficiles) et depuis cette époque, le droit écossais, tout en

22
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

préservant ses influences continentales, a connu une influence grandissante


de la Common Law. Le droit écossais est qualifié de système mixte (au même
titre que le droit québécois ou que le droit de l’Afrique du Sud).

Organisation judiciaire en Angleterre

Magistrates’ Courts

*magistrats non professionnels (sauf dans les grandes villes) (justices of the
Peace) + clerk of the justice *

Droit pénal pour les contraventions et les délits de peu d’importance (où la
partie en cause plaide souvent coupable)

Droit civil : questions du droit de la famille (pensions alimentaires entre


époux, pensions alimentaires envers les enfants, homologation d’adoptions,
supervision de tutelle et droit de la jeunesse)

County Courts (270)

*Circuit judges – District Judges *

Compétence en droit civil pour les affaires dont l’enjeu est limité (inférieur à
25.000 £ ou 30.000 £ lorsqu’il s’agit d’affaires à résoudre d’après des règles
de l’Equity)

High Court of Justice

* magistrats professionnels + masters ou registrars *

a) Queen’s Bench Division

Affaires dévolues avant 1873 aux Common Law Courts : actions en


dommages-intérêts en responsabilité contractuelle ou suite à des accidents de
travail ou de la circulation

Commercial Court : litiges de nature commerciale

Admiralty Court : litiges de droit maritime

Divisional Court : litiges de droit administratif

b) Chancery Division

23
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Successions, patrimoines, situations de concours, administrateurs provisoires,


droit des trusts, droit des sociétés…(beaucoup plus marquée par les
anciennes affaires relatives à l’Equity)

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

c) Family Division

Questions relatives au droit familial

CROWN COURT

(haute juridiction pénale de premier degré)

* Juge + jury de douze personnes si la personne en cause plaide coupable*

Indictable offences

COURT OF APPEAL

* Master of the Rolls et Lord Justices of Appeal *

Cour « quasi-suprême » qui se prononce sur l’appel et qui est tenu par les
faits tells qu’ils ont été prouvés devant les juridictions inférieures

HOUSE OF LORDS (Appellate Committee)

* Lord of Appeal in Ordinary ou Law Lord*

Recours contre les arrêts de la Court of appeal – appréciation uniquement en


droit

Common Law versus Civil Law

La différence fondamentale réside-t-elle dans la doctrine du précédent ? (doctrine of stare


decisis)

- Chaque juridiction est tenu de respecter les décisions précédentes des


juridictions supérieures, peu importe qu’elles soient confortées par une
jurisprudence constante ou uniquement isolées (vertical dimension of the
binding precedent) ;

25
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

- Les instances d’appel doivent même respecter leurs propres décisions


(horizontal dimension of the binding precedent) ;

- Une décision d’une juridiction supérieure est prise en compte par les
juridictions qui prévalent hiérarchiquement à titre de persuasive precedent

« être lié par un précédent »

trouver le RATIO DECIDENDI

(par opposition au OBITER DICTUM) : « relevance and irrelevance »

A l’intérieur du précédent, tout n’a pas cette valeur contraignante : il faut dès lors retrouver
la ratio decidendi, qui va valoir pour les décisions qui suivent

Différence de style :

 Longueur : décisions beaucoup plus longues (reprenant notamment


l’opinion personnelle des différents magistrats) ;

 Pragmatisme dans la décision : références nombreuses au


« common sense » et conséquentialisme (attention portée aux effets
économiques de leurs décisions) ;

 Grande méfiance des généralités : il y a une capacité d’abstraction,


mais on précise toujours lorsqu’il s’agit de revenir au cas concret (to
descent)

 Recours fréquent aux exemples, souvent à des fins « productives »


ou « heuristiques

 Pratiques pour s’écarter du précédent

Exemple : responsabilité du fait des choses (cfr. conférence)

Droit anglais serait « une machine à remonter le temps »

Arrêts de la Cour de cassation sont très différents :

- Souvent très court ;

- Très abstrait et général ;

- Quasiment un auxiliaire du législateur ;

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

- Si revirement : généralement pas signalé !

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

- Pourquoi l’Europe s’est elle saisie de la question des écarts qui existent en matière contractuelle entre l’approche civiliste et l’approche de common
law ?

- En quoi est-ce que ces écarts posent problème ?

Limite juridictionnelle de l’activité de l’avocat

Rédaction de contrats internationaux souvent en fonction d’un seul système

- Qu’est-ce qui caractérise essentiellement l’approche civiliste ?

Approche de haut en bas : contrats relativement courts, car implicitement ils sont complétés par les principes du Code

Importance moindre des définitions et des listes exhaustives, car il suffit d’appliquer les principes du Code

Exemple : force majeure

- Qu’est-ce qui caractérise essentiellement l’approche de common law ?

Approche de bas en haut : contrats fort longs, tout doit être prévu

Importance des définitions et des listes exhaustives

- Quel devrait être le rôle du CCR ?

1. Procéder à un audit pour identifier les zones à problèmes ;

2. Identifier ensuite, parmi les différentes solutions juridiques et pratiques disponibles dans les systèmes juridiques,
celles qui ont le plus de chance d’être raisonnablement acceptées par le plus grand nombre d’utilisateurs

3. Tester ces solutions juridiques et examiner de manière approfondie les conséquences de ces solutions

4. Traduire les pratiques et principes en des lignes directrices, définitions, des principes juridiques, modèles et
clauses : transformer donc le tout en « boite à outils »

d) Le droit comparé et les obstacles linguistiques

La langue est un outil fondamental en droit : les pièges qui guettent le juriste ne s’en
trouvent qu’amplifiés pour le comparatiste, confronté à la difficulté de traduire dans sa
langue des concepts qui n’y existent pas et vice-versa.

Langage juridique = vocabulaire technique

« En fait de meubles, la possession vaut titre »

Texte = clair en apparence, mais que signifie-t-il ? Comment les juristes vont-ils
expliquer ce texte aux non-juristes ? (effort pédagogique continue est demandé aux
juristes dont le vocabulaire est technique mais doit rester accessible au non-juriste)

28
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Difficulté prend une dimension différente lorsqu’il s’agit de présenter les concepts
dans une autre langue. Comment faire ?

1. Décrire le concept, le mécanisme ou la situation sans la


nommer

Exemple : la force majeure dans la Convention de Vienne

périphrase qui dit « une partie n’est pas responsable de


l’inexécution de l’une quelconque de ses obligations si elle prouve
que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de
sa volonté et que l’on ne pouvait raisonnablement attendre d’elle
qu’elle le prenne en considération au moment de la conclusion du
contrat, qu’elle le prévienne ou le surmonte ou qu’elle en
prévienne ou surmonte les conséquences »

On y retrouve les différents éléments qui caractérisent notre force


majeure (imprévisible, irrésistible et exempt de la faute du
débiteur), mais expliquée de manière plus longue.

2. Nommer le concept, auquel cas il faut néanmoins y


adjoindre une description, afin d’éviter qu’il ne soit
interprété et appliqué de la même manière sans référence
à une culture juridique particulière

Exemple de l’offre et de l’acceptation : quelles difficultés ?

Offre à des personnes indéterminées en droit français et belge ;

Invitation to treat, Aufforderung zur Offerte

29
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Definition Convention de Vienne

Exemple de la clause pénale :

« clause pénale » :

- signification en droit français

- signification de « penalty damages clause » en droit


anglais

- signification de « liquidated damages clause »

--------> Principes Unidroit : ni l’expression clause pénale ni celle


de liquidated dammages, mais bien l’expression « indemnité
établie au contrat » ou « agreed payment for non performance »

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

III. COMPARAISON DES INSTITUTIONS DU DROIT CIVIL

Section 1 – La capacité

La liberté de contracter connaît dans tous les systèmes une restriction fondamentale visant à protéger certaines catégories de
personnes : LES INCAPABLES

Dans tous les systèmes, on devient capable par le fait d’atteindre un certain âge (souvent 18 ans, 20 ans en Suisse, 19 en
Autriche) – critère purement abstrait et indépendant de la question de savoir si réellement celui qui atteint l’âge de la majorité est
capable de gérer ses affaires.

En revanche, la question de savoir jusqu’à quel âge l’enfant est totalement incapable, n’est pas souvent réglé par un âge fixe
(cependant BGB : 7 ans, Grèce : 10 ans) – sinon, dans les autres pays, on se fonde sur le discernement de l’enfant
(jurisprudence examinera la chose de manière concrète)

Pour la phase intermédiaire : la manière dont cette question est abordée diffère toutefois :

Dans les droits romanistes :

Droit belge ?

Art. 1123-1125 C.civ.

---> a contrario : l’engagement est valable aussi longtemps qu’il n’est pas remis en question – dans la pratique, la
jurisprudence dit souvent le contraire : l’engagement est inefficace s’il n’y a pas de bons motifs pour le rendre
efficace ;

----> mineur peut accomplir des actes conservatoires

En France :

art. 389 et 450 C.civ.

« le mineur peut accomplir les actes pour lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes »

(pas de risque pour le mineur)

MAIS : principe est que l’acte doit être attaqué par une action en rescision pour lésion (donc le seul fait que le mineur
était incapable n’est pas suffisant, il faut en outre démontrer la lésion) :

D’un point de vue pratique, cela signifie que le mineur peut conclure des contrats aussi longtemps que
ceux-ci ne s’avèrent pas désavantageux pour lui

En revanche, si le mineur a accompli un acte pour lequel même son représentant ou tuteur avait besoin
d’une autorisation formelle (exemple juge de paix en Belgique), l’acte sera inefficace même s’il s’avérait
avantageux pour l’enfant

31
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

32
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

En Allemagne :

Distinction entre incapacité totale et incapacité partielle

----> Contrat conclu par un incapable total : totalement sans effet

----> Contrat conclu par un incapable partiel (enfant de 7 ans au moins) : inefficacité « latente » : ils dépendent d’une
ratification à donner par le représentant légal qui peut rendre le contrat valable avec rétroactivité – durant la phase
latente, le cocontractant peut encore se libérer du contrat si, au moment de la conclusion du contrat, il ignorait la
minorité

----> Dans certains cas, le contrat lie le mineur lorsque le contrat est conclu à son seul avantage (exemple transfert
de propriété en cas d’achat d’une voiture d’occasion)

-----> « Taschengeldparagraph » (Autriche et Allemagne) : le contrat est valable lorsqu’il ne met en œuvre que des
moyens mis à la disposition du mineur par ses représentants légaux

Common Law :

Pas de réglementation légale et, partant, pas d’incapacité générale du mineur

Mais développement jurisprudentiel de cas dans lesquels la protection du mineur nécessité l’inefficacité du contrat

---> Théorie des « necessaries » : mineur doit payer un prix adapté aux necessaries qui lui ont été délivrés (pas de
responsabilité contractuelle, mais considéré comme un « quasi-contrat »)

« goods suitable to the condition in life of the minor…and to his actual requirements at the time of the sale and
delivery »

----> Tous les autres contrats ne le lient pas, mais lient en revanche l’autre partie contractante

Conclusions

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Section 2 – Le contrat

a) Le contrat : éléments constitutifs

Idée centrale du sérieux du consentement, nécessité d’une contrepartie


pour l’engagement contractuel et, à défaut, formalisme particulier (destiné
à vérifier le caractère réel et sérieux du consentement de celui qui
s’engage).

Exemple : donation

art. 931 C.civ. belge et français (exception : don manuel)

§ 516, 518 BGB

art. 782-783 Codice civile

Suisse : formalisme pour les donations portant sur des immeubles

En Common Law : exigence de la consideration

---> Droit des contrats en Common Law : une déclaration


n’engage son auteur que lorsque le bénéficiaire a consenti à une
contre-prestation, soit – si tel ne devait pas être le cas – lorsque
la déclaration revêt une forme particulière (« deed » = acte signé
par le déclarant/promettant confirmé par un témoin) – Faute de
consideration la déclaration sera certes valable mais inefficace
(unenforceable), mais si en revanche la prestation a déjà été
exécutée, le donataire / bénéficiaire peut la conserver nonobstant
l’absence de contreprestation (cfr. également § 518, II, BGB)

La contre-prestation peut résulter également des circonstances


de fait :

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Exemple :

quelqu’un perd son chien et offre une récompense à qui pourra le


lui ramener – certes, la personne qui ramène le chien ne s’est
jamais engagé à le chercher, mais par le fait qu’elle ramène le
chien, il y a contre-prestation

cette doctrine ne requiert en revanche pas l’équivalence des


prestations :

ex./ Ward / Byham (affaire de la garde des enfants)

Correctif admis dans certains Etats aux USA :

« promissory estoppel »

 efficacité d’une promesse de paiement par


l’impossibilité d’invoquer l’absence de
consideration (par exemple justifiée par l’intérêt
général ou lorsque le promettant doit s’attendre à
ce que sa promesse déclenche des agissements /
abstentions et que c’est effectivement ainsi que
les choses se passent, c’est-à-dire lorsque le seul
moyen d’éviter l’injustice est d’admettre l’action
sanctionnant la promesse)

Des situations surprenantes subsistent parfois cependant (pas le


cas de la donation, qui requiert dans beaucoup de pays des
formes particulières), mais

o par exemple dans l’hypothèse d’un dépôt ordinaire à


titre gratuit : le dépositaire ne répond pas de sa faute
sur la base du contrat, mais bien en vertu d’une
responsabilité extra-contractuelle

o par exemple dans les cas dans lesquels il n’y a pas


de prestation contraire uniquement parce que la

35
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

prestation contraire consentie était de toute façon


due

Stilk v. Myrick (1809) (affaire des marins


déserteurs)

« past consideration is no good consideration »

Re Mc Ardle (1851) (affaire de l’héritier exécutant


des travaux sur la part des autres)

Limites de l’application dogmatique de cette règle:

Pao On v Lau Yiu Long (1980) (affaire du


sauvetage)

+ nécessité dans tous les systèmes qu’il y ait une volonté de produire des
effets juridiques (Common Law : « intention of creating legal relations »)

b) L’offre et l’acceptation

Contrat = la rencontre de deux consentements, une partie faite une offre


qui est acceptée par l’autre

Difficulté pour les contrats conclus entre absents :

1) L’offrant est-il lié par son offre ou peut-il la rétracter ?

2) A partir de quel moment le contrat est-il conclu ?

36
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

3 systèmes différents :

1) COMMON LAW

L’offrant peut à tout moment rétracter son offre librement et sans


justification, même lorsqu’il a assorti son offre d’un délai de validité

Explication : doctrine of consideration

Aussi longtemps que l’offre du contrat n’a pas été acceptée par son
destinataire, elle peut être rétractée

mais

Correctif sur la notion d’acceptation : « mailbox » théorie justifiée par


l’idée d’un mandat donné par l’acceptant à la Poste de transmettre
son acceptation à l’offrant : peu convaincant car

o incompatible avec les principes régissant la poste (d’où,


aux EU on s’est écarté de cette théorie)

o et difficilement compatible avec le caractère consensuel


du contrat (le contrat peut être formé sans que l’offrant en
a connaissance), (en droit anglais, toute acte doit
généralement être parvenu à son destinataire pour
pouvoir ressortir des effets juridiques)

Mais rendu nécessaire par la volonté de supprimer le plus vite


possible la possibilité de rétractation de l’offre, une fois que celle-ci est
parvenue à son destinataire

37
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

2) SYSTEMES ROMANISTES

En principe, (système français), toute offre peut être rétractée aussi


longtemps qu’elle n’a pas été acceptée par son destinataire,

Mais

Limites importantes développées par la jurisprudence :

a. Si l’offre a été assortie d’un délai de validité l’offrant s’est


engagé à maintenir son offre pour la durée du délai :
l’offre ne peut être retirée durant ce délai que moyennant
une compensation (dommages-intérêts)

b. Lorsque l’offre n’est assortie d’aucun délai, la


jurisprudence française estime qu’elle ne vaut que dans la
limite d’un « délai raisonnable » (appréciation souveraine
par le juge en fonction des circonstances) : ici aussi, le
retrait de l’offre en violation du délai ainsi imparti est
sanctionné par des dommages-intérêts

Donc, toujours des dommages-intérêts (pas de réparation en


nature) (fondement, pour certains l’article 1382 C.civ. : les
circonstances peuvent faire que la rétractation, en principe
autorisée, est jugée fautive ; pour d’autres, avant-contrat,
mais purement fictif)

!! La jurisprudence française n’a toutefois jamais franchi le


pas qui consistait à dire qu’en cas de rétractation de l’offre
avant l’expiration du délai de validité, la révocation aurait été
inefficace pour faire tomber l’offre et que le contrat serait,
dans ce cas formé.

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

En Belgique : tempérament important : l’offre ne peut être


rétractée dès qu’elle est parvenue à son destinataire (résultat
est le même que si on considère qu’il y a un accord tacite sur
l’obligation de maintenir l’offre pendant un délai raisonnable)

Solutions plus modernes :

art. 1328 Codice civile en Italie :

- L’offre assortie d’un délai ne peut être rétractée


avant ce délai (sauf si la rétractation arrive avant
l’offre) ;

- Si l’offre n’est pas assortie d’un délai, elle peut


être rétractée, mais, cette rétractation peut donner
lieu à des dommages-intérêts si le destinataire de
l’offre s’est basé sur celle-ci pour prendre ses
dispositions et exposer déjà des frais en toute
confiance

Du point de vue de l’acceptation : système de l’émission a été


consacré par la Cour de cassation française (proche de la « mailbox »
théorie), mais il faut surtout rechercher la volonté réelle des parties :
curieux comme position, car pour cela il faut qu’il y ait une volonté
commune des parties

Cour de cassation belge et codice civile italien (art. 1326 et 1335) ont
opté en revanche pour le système de réception (le contrat est formé
au lieu et à l’endroit ou l’offrant a pris ou aurait pu prendre
connaissance de l’acceptation de son offre)

3) SYSTEMES GERMANIQUES

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

§ 145 BGB : « Celui qui propose à autrui de conclure un contrat est lié
par l’offre, à moins qu’il n’ait exclu ce lien obligatoire » (+ Suisse,
Autriche, Grèce et Portugal)

- l’auteur de l’offre doit la maintenir pendant un


délai dont la durée dépend des circonstances ;

- le décès ou l’incapacité de l’offrant survenu après


l’émission de l’offre n’empêchent pas, le cas
échéant, son acceptation ;

- l’offre n’est irrévocable que par principe, souvent


l’offrant exclut le caractère irrévocable de son
offre par des expressions comme « freibleibend »,
« unverbindlich » et « ohne obligo » (la portée
exacte de ces expressions est souvent une
question d’interprétation)

ex.BGH 8 mars 1984, NJW, 1885

« sans engagement et sous réserve de nos


disponibilités » a été considéré non pas comme une
invitation à faire offre, mais bien comme une offre
assortie d’une réserve de révocation

La question de savoir quand l’offre doit être considérée comme


acceptée a été réglée de manière générale, pour les déclarations de
volonté (§ 130) : répartition des risques, dès que la déclaration de
volonté est arrivé dans la sphère d’influence du destinataire, il en est
responsable…

4 ) CONCLUSION

- systèmes a priori très différents, qui attachent des effets


différents à l’offre (système allemand protège davantage
l’acceptant et apporte plus de sécurité juridique)

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

- proximité des solutions a priori extrêmes : car en droit


allemand l’offre peut être rétractée aussi longtemps qu’elle
n’est pas parvenue au destinataire, mais en droit anglais elle
ne peut plus être révoquée dès son acceptation, mais
système allemand = meilleur car permet au destinataire de
l’offre de prendre ses dispositions

- du point de vue de l’harmonisation : consideration doctrine


constitue un sérieux obstacle, mais tendance aux E-U de
consacrer la force obligatoire de l’offre par la loi et même en
Angleterre on essaye de plus en plus de limiter les possibilités
de retrait là où celui-ci est considéré comme unfair

- pour ce qui est de l’acceptation, les systèmes belges et


allemands (système de la réception) sont certainement plus
recommandables que le système de l’émission ou du
« mailbox ».

- les solutions pratiques n’étant pas très éloignées, un


compromis a pu être trouvé dans le cadre de la convention de
Vienne (vente internationale de choses mobilières) : art. 16,
alinéa 1 prévoit le principe que l’offre est révocable, mais
consacre au deuxième alinéa des exceptions tellement
importantes que la solution en devient fort proche de celle
consacrée par le § 145 BGB : cfr. texte

c) Inexécution du contrat

Problème de l’inexécution

Principe commun à tous les systèmes : nécessité de faire constater


judiciairement l’inexécution (pour éviter qu’on puisse se faire justice à soi-
même) avant de pouvoir poursuivre contre le créancier

41
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Mais au-delà, plusieurs questions se posent :

1) Sous quelles conditions peut-il poursuivre


l’exécution en nature du contrat (ex. d’une vente
aux enchères où une personne achète un tableau
avec le portrait d’un arrière grand-oncle) ?

2) Comment exécuter un jugement lorsque la


condamnation ne porte pas sur une somme
d’argent ?

1) Droits germaniques

En droit allemand, on considère comme évident le fait que le


créancier puisse obtenir la condamnation judiciaire du débiteur à
exécuter le contrat en nature

Exceptions admises :

- l’exécution en nature est devenue impossible


(chanteuse devenue malade, navire a coulé
ou a fait l’objet d’une saisie, tableau est
détruit…) : dommages-intérêts

- l’exécution en nature est devenue impossible


par l’expiration d’un délai (dépend des
circonstances) : exemple, préparation d’un
gâteau de mariage qui n’est pas prêt le jour
du mariage (tout retard ne rend donc pas
l’exécution en nature impossible)

Si simple retard, (§ 326 BGB) : à l’expiration


du délai, possibilité de réclamer sous

42
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

certaines conditions, des dommages-intérêts.


S’il souhaite néanmoins poursuivre
l’exécution forcée, il doit sous peine de
forclusion, l’assigner dès l’expiration du délai

Du point de vue de l’exécution en nature du jugement :

Le Code de la procédure distingue selon que :

- la demande tend à obtenir la remise d’un bien


corporel : exécution en nature se fera par
l’huissier de justice éventuellement assisté
par la police ;

- la demande vise toute autre prestation et la


prestation peut être accomplie par un tiers
(possibilité de substitution) : l’exécution se
fera en autorisant le créancier de faire appel,
aux frais du débiteur, à un tiers.

- la demande vise toute autre prestation et la


prestation ne peut être accomplie par un tiers
(il faut qu’elle dépende exclusivement de la
personne du débiteur) : possibilité d’astreinte

- obligations négatives méconnues : amende


publique

2) Droits romanistes

Art. 1184 permet au créancier de l’obligation inexécutée de


poursuivre l’exécution en nature

43
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Dérogations :

- Art. 1142 C.civ. : « Toute obligation de


faire ou de ne pas faire se résout en
dommages-intérêts en cas d’inexécution
de la part du débiteur » : on a cherché à
restreindre le principe – obligation de
livraison du vendeur est par exemple
interprétée comme une obligation de
donner et non de faire ; art. 1144 :
possibilité de faire appel à un tiers
autorisé

Si le principe de l’exécution en nature ne fait pas de doute, le


droit français est plus prudent lorsqu’il s’agit de l’exécution en
nature d’un jugement : il faut véritablement un jugement qui
porte sur la livraison de choses saisissables

+ Astreinte : admise en droit français (au départ par la


jurisprudence, ensuite par la loi) et consacré par la loi en
Belgique

France :

Cass.fr. 20 octobre 1959, D., 1959

« L’astreinte est une mesure de contrainte


entièrement distincte des dommages-intérêts,
un moyen de vaincre la résistance opposée à
l’exécution d’une condamnation, dont le
montant doit être déterminé en fonction de la
gravité de la faute du débiteur récalcitrant et
de ses facultés »

Loi française du 5 juillet 1972

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

3) Common Law

Point de vue opposé

Inexécution du contrat : le créancier est limité à une action


pour breach of contract, c’est-à-dire limitée à des dommages-
intérêts

mais, très rapidement, le chancelier a admis l’exécution en


nature (specific performance) dans les cas exceptionnels
dans lesquels l’exécution par équivalent apparaissait comme
inadequate

Nonobstant la fusion des deux ensembles de règles (common


law et equity), aujourd’hui, ce qui est resté = le caractère
d’exception de l’exécution en nature

caractère inadéquat

specific performance sera possible là où


les biens à acquérir présentent un
caractère unique

possibilité d’exécuter le jugement sans


grandes difficultés

ex.locataire, concierge

contrats de prestation de services

45
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Section 3 – La responsabilité extra-contractuelle

Pas de règle générale en droit romain, mais uniquement des actions spécifiques
correspondant à des cas de figure spécifiques. Développement d’une règle générale par
Grotius et Domat, repris ensuite dans plusieurs codifications.

a) droit français

Art. 1382-1383 C.civ.

Règle tout à fait générale - influence de Domat, « Des loix civiles dans
leur ordre naturel » et complément de Pothier (distinction entre les délits,
qui reposent sur un dol ou la malignité et les quasi-délits dans lequel il n’y
a pas de malignité mais bien une imprudence qui n’est pas excusable).

Une idée similaire (règle générale) s’est retrouvé dans le Code de Prusse
(Allgemeines Landrecht, voy. supra), dans le ABGB (§ 1295), le Code des
Obligations en Suisse (art. 41), le Code civil Grec (art. 914), le Codice
civile italien (art. 2043) et le Code civil Portugais (art. 483).

Conditions : faute – dommage – lien de causalité

b) droit allemand

Pour la responsabilité simple : trois règles de base : §§ 823.1, 823.2 et


826 BGB

§ 823.1 BGB – il faut avoir agi de manière intentionnelle ou par


négligence (cfr. § 276 BGB qui retient un critère abstrait) ; difficulté
d’application car il faut que le fait visé entre dans le catalogue du texte
légal (atteinte à la propriété, à l’intégrité corporelle, aux autres droits
similaires d’autrui) : problème de l’atteinte patrimoniale en général qui ne
sera pas couverte par le § 823.1 BGB

Exemple de l’entrepreneur qui creuse et endommage des câbles


d’électricité avec comme conséquence que l’entreprise située un peu
plus loin n’a plus d’électricité

46
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Réparation de l’intégralité du dommage causé pour autant qu’il y ait un lien


causal (théorie de la causalité adéquate)

§ 823.2 BGB : vise principalement l’équivalent de nos lois d’ordre public ou


impératives – il faut se référer à l’objectif de protection poursuivi par la loi

§ 826 BGB : disposition plus générale, mais qui suppose une « intention »
(interprétation très large dans la jurisprudence)

 Lacunes importantes subsistent de par le champ restreint de chacune des


trois dispositions, d’où une jurisprudence extensive (depuis 1954 « droit à la
personnalité » est assimilé à un « autre droit similaire d’autrui » au sens du §
823.1 BGB ; consécration par la jurisprudence du concept de « l’activité
économique établie et exercée » au titre des autres droits similaires visés par
le § 823.1 BGB)

c) Common Law

Développement de la responsabilité extra-contractuelle autour de bases


d’action spécifiques (pas de règle générale au sens des articles 1382-1383
C.civ.) : chaque action protège un intérêt bien spécifique.

Writ of trespass

visant l’atteinte à la possession paisible immobilière ou mobilière ainsi


que l’atteinte à la personne (atteinte directe, immediate wrong, mais
avec un correctif en cas d’atteinte indirecte : action on the case). Au
départ, pas de distinction entre la négligence ou le caractère
intentionnel.

Conversion

Concerne des biens meubles et suppose qu’une personne ait


accompli un acte incompatible avec le droit de propriété de quelqu’un
d’autre (destruction, vol, utilisation abusive ou vente de la chose
appartenant à autrui), même de bonne foi.

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Fraud / Deceit

Tromperie dolosive. Le cas le plus fréquent est celui de la tierce-


complicité pour obtenir la violation par quelqu’un de ses obligations
contractuelles (test of inducing a breach of contract)

Malicious falsehood

Dommage consistant dans une atteinte patrimoniale aux intérêts


professionnels ou économiques, causé par la diffusion de mauvaise
foi d’informations inexactes

Conspiracy

Dommage causé par des ententes ou des boycotts illicites

Intimidation

Si une personne pousse une autre personne à agir de manière


dommageable envers des tiers par la violence ou la menace.

Negligence

Origine = trespass action sur le case


Devenu au cours du 19ème siècle un fondement autonome à une action
en responsabilité : responsabilité basée sur l’imprudence

L’action basée sur Negligence suppose la réunion de certaines


conditions :

1) L’auteur du dommage doit être soumis à un duty of care vis-


à-vis de la catégorie de personnes à laquelle appartient la
victime du dommage (extension progressive du champ de la
duty of care par la jurisprudence, voy. notamment
Donoghue : Stevenson) – Aujourd’hui la base pour l’obligation
d’information vis-à-vis de tiers.

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

2) Violation d’une obligation de prudence ou de diligence


(Breach) – Critère abstrait du « reasonable man of ordinary
prudence »
3) Dommage (Damage / Injury), avec la nécessité d’une
proximate cause.

d) Conclusion

Techniques juridiques différentes pour rencontrer des problèmes similaires,


avec d’un côté, l’idée de la formulation d’une règle tout à fait générale de
responsabilité et de l’autre, celle de la définition d’intérêts spécifiques méritant
la protection par une action en responsabilité. Le système allemand y apparaît
comme un système intermédiaire.

Le système de la Common Law présente certains avantages, comme une


meilleure prise en compte des particularités et des caractéristiques des
intérêts à prendre en compte, au prix toutefois d’une grande complexité du
point de vue de la technique juridique. Malgré ces différences, les systèmes
se rejoignent sur certains points. La Common Law connaît notamment un
« droit commun de la responsabilité » pour imprudence à travers le concept
de Negligence. Sur ce point, la plupart des systèmes se basent sur la
méconnaissance d’une obligation générale de prudence et invoquent le critère
du bonus vir. Au-delà toutefois, des divergences réapparaissent : la question
de savoir si la méconnaissance d’une obligation générale de prudence donne
lieu à réparation reçoit des réponses différentes selon les systèmes
concernés. Dans les systèmes continentaux, on va se baser sur le concept du
lien de causalité, alors qu’en Common Law on se place d’abord et avant tout
sous l’angle du duty of care, et ensuite seulement sur le plan du remoteness
of damage.

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Section 4 - Le droit de la famille

Le droit interpersonnel : exemple du Liban

- Application du droit romain (devenu une colonie militaire sous


le règne d’Auguste) ;

- Occupation Ottomane ;

- Protectorat français ;

- Droit islamique restait en vigueur dans un premier temps


(contrairement à la Turquie qui adopta en 1926 un Code civil
inspiré du Code civil suisse)

- Adoption en 1932 d’un Code des obligations rédigé par des


juristes français

- Particularité pour le statut des personnes :

Statut des personnes = droit des personnes, de la famille et des successions

----> Réglementation qui s’insère dans les rapports traditionnels des communautés
religieuses et de l’Etat

50
Droit civil comparé – Erik Van den Haute

EQUILIBRE RECHERCHE ENTRE :

• Les attributions des autorités religieuses

et

• Les prérogatives du pouvoir civil dans les matières qui


intéressent simultanément les communautés et l’Etat

- Dans la détermination des pouvoirs de chaque communauté,


l’Etat prend en compte sa structure interne, son évolution
historique et la manière dont s’intègre son organisation
législative et judiciaire à celle de la nation ;

 les diverses communautés ne sont pas dotées des


mêmes prérogatives dans le droit des personnes,
de la famille, des successions

L’organisation judiciaire et législative des


communautés musulmanes s’intègre
traditionnellement à celle de l’Etat : le
fonctionnement de la justice musulmane est
assurée par l’Etat qui nomme et rémunère les
magistrats des tribunaux ; l’Etat a également
un pouvoir de présenter et de codifier des lois
des communautés musulmanes et druze (elle
le fait dans le respect des coutumes de
chaque communauté, mais clarifie et
interprète ces coutumes en fonction des
besoins nouveaux, sans toutefois recourir à
l’arme ultime – la sécularisation-)

Les communautés non musulmanes


demeurent en revanche souveraines pour
établir leur législation et fixer l’organisation de
leurs tribunaux qui ne s’intègre pas à celle de

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

l’Etat. Celui-ci se limite ici à un simple contrôle


de la compétence des autorités de ces
communautés pour veiller à ce qu’il n’y ait pas
d’empiètement sur les domaines réservés à
l’autorité civile.

- L’Etat qualifie les matières juridiques pour ne reconnaître de


compétence aux autorités religieuses que dans celles dont la
réglementation découle directement des données de la
croyance ;

>>> Complexité et enchevêtrement qui font qu’il y a souvent de conflits de lois et de


juridictions (dans un pays où la juridiction compétente coïncide nécessairement avec la
législation applicable, les conflits de juridictions constitueront toujours aussi des conflits de
lois).

Ex. la puissance paternelle et la tutelle sont réglementées par les communautés,


alors que la capacité est déterminée par le Code des obligations et contrats…

Ex. La rupture des fiançailles, donation en vue du mariage etc. (matières qui se
rattachent simultanément au droit de la famille et à celui des obligations et des
contrats) (conflit de juridictions entre juridictions confessionnelles et juridictions
non confessionnelles)

Ex. Mariage mixte (où la volonté des époux joue un rôle important) : l’autorité qui
a célébré le mariage est seule compétente pour connaître des litiges qui en sont
issus, sauf si les deux époux changent de communauté auquel cas l’autorité de la
confession nouvelle devient compétente à l’exclusion de l’autorité de célébration
(risques de fraude) – Large place pour l’autonomie de la volonté (liberté de
conscience) en raison du pluralisme et de l’absence de sécularisation du droit : ce
qui importe, n’est pas d’obliger les époux à se soumettre à une loi religieuse
déterminée, mais c’est plutôt de les maintenir sous l’empire du statut matrimonial
choisi en prévenant tout spéculation sur la multiplicité des droits.

Pour les laïcs : possibilité de contracter l’union à l’étranger dans les formes civiles,
après quoi lorsqu’ils deviennent des justiciables au Liban, les tribunaux civils leur

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

appliqueront les dispositions de la loi civile étrangère même pour le fond du


mariage (contraire aux règles usuelles en DIP mais soupape nécessaire pour les
libanais désireux d’échapper au statut religieux)

Tunisie – Maroc

ADOPTION INTERNATIONALE

Pourquoi le droit doit-il intervenir ici ?

Affaire de cœur > < Affaire d’Etat

Affaire privée > < Affaire publique

l
l
l

Pays d’origine : protection des nationaux (principe de subsidiarité de l’adoption


internationale – Russie)

Pays d’accueil :

 politique à l’égard des étrangers (perspectives d’intégration : R-U


préconise la subsidiarité de l’adoption transraciale)

 choix de société quant aux critères retenus pour les parents adoptifs
et pour l’enfant adoptable :

Protection du mariage

Madagascar : exclusion des concubins et des célibataires

Contrôle de la sexualité

France, Belgique : exclusion des personnes homosexuelles

Prédominance d’une religion

Refus des tribunaux en Tunisie de prononcer l’adoption par des non-musulmans

Protection de la santé et des finances publiques

Australie : exclusion des enfants atteints de maladies graves

Conventions internationales multilatérales (Convention de La Haye pour la protection des enfants et la coopération en matière
d’adoption internationale du 29 mai 1993) et bilatérales

Lois nationales :

Conditions d’adoption sont régies en principe par la loi nationale des parties à l’adoption (parfois application cumulative) :

Allemagne : consentement des parents biologiques doit être conforme à la législation du pays d’origine mais si le
consentement a été donné sans respecter les conditions de la loi allemande (ex. consentement donné avant la naissance),
il doit être réitéré ;

Quid lorsqu’une des lois nationales ne connaît pas l’adoption ?

Pays qui pratiquent la Charia ne connaissent pas l’adoption : R-U ok, France refus

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Section 5 - Droits réels

Principe généralement répandu du numerus clausus des droits réels et, en Europe, systèmes fondés sur le droit de propriété comme fondement du
système juridique.

Droit de propriété en Angleterre

Concept à analyser à travers son histoire :

Système féodal et pyramidal basé sur des fiefs transmis par les seigneurs (le point de départ étant le Roi ou la Reine) à des vassaux en échange de
services rendus.

Rapidement : distinction entre free tenures (ou freehold) et unfree tenures (ou copyhold), les premiers permettant une transmission de la terre sans
s’en référer au seigneur, alors que les seconds supposaient, pour leur transmission, une autorisation donnée par le seigneur au tribunal (avec comme
avantage, un enregistrement des transmissions). La preuve du droit de propriété découlant du freehold supposait la preuve diabolique (preuve que
tous les auteurs précédents avaient eu les mêmes droits sur le fief) alors que pour le copyhold, il suffisait de s’en tenir aux registres tenus dans les
juridictions concernées.

Plusieurs modalités possibles : contrairement aux choses mobilières (pour lesquelles il n’existe que deux états : propriété ou possession), les
immeubles peuvent faire l’objet de toute une variété de droits de propriété :

Freehold estates :

Droit de propriété assorti de certaines limitations, principalement dans le temps

fee simple : le droit subsiste aussi longtemps que le titulaire initial (tenant) ou un nouveau titulaire (suite à une cession des droits)
ou leurs héritiers sont en vie.

fee tail : le droit subsiste aussi longtemps que le titulaire ou ses descendants en ligne directe sont en vie ;

life estate : le droit est viager et s’éteint avec la mort du titulaire

Leasehold estates :

Droits de jouissance de nature personnelle résultant initialement de contrats et donc considérés comme inférieurs au freehold estates (de
nature réelle). La durée des leasehold estates sera toujours exprimée en temps (avec un terme déterminé, fixed term of certain duration).

Les modalités permettent également de faire référence à des intérêts futurs :

in possession : donne un droit immédiat à la possession du bien

in remainder : legs du bien par le titulaire au profit de quelqu’un qui reprendra les droits dans un avenir

reversion : désigne le droit résiduel du propriétaire qui a consenti un droit réel limité in possession à un tiers

Aujourd’hui, seul le fee simple est comparable au droit de propriété, absolu, tel que connu dans les autres pays européens. C’est en effet le droit le plus
absolu de jouir et de disposer de sa chose, sous réserve des droits du voisinage et de limitations légales ou réglementaires.

L’institution du trust

Institution qui peut être rapprochée de la fiducie, mais qui ne connaît pas son équivalent en Europe continentale (notamment en raison du numerus clausus
des droits réels).

Origine étymologique :

TROST (danois) = faire confiance

FIDES (latin)

En droit romain :

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

Fidéicommis : héritage ou legs était laissé à une personne capable de le recevoir, in trust en quelque sorte, pour celui qui devait profiter de la
générosité du défunt (exilés, étrangers ---> incapables de devenir héritiers ou légataires)

Angleterre :

Idée reprise par le clergé sous les règnes d’Edouard III et Richard II au XIVème siècle pour se soustraire aux lois de mortmain (lois prévoyant la
confiscation des dons faits aux corporations qui ne disposaient pas de l’autorisation de la couronne de recevoir) : clergé faisait adresser les
dons qui leur étaient destinés à des laïcs en qui ils avaient confiance et qui – capables de recevoir – devenaient propriétaires des biens, mais
en laissant la possession (use) à l’ordre religieux.

Statute of Uses 1535 a converti tous les droits de jouissance en droit de propriété

Le trust devient une obligation sanctionnée par les cours d’equity, par laquelle on confie un bien aux soins à la bonne foi d’une personne
(trustee) au profit et pour l’usage d’un tiers (cestui que trust ou beneficiary). Le trustee est une sorte d’administrateur qui ne retire aucun
bénéfice ni profit personnel de cette administration.

Aujourd’hui, institution très répandue :

• trusts d’intérêt privé

express : suppose l’utilisation du mot trust : « I charge you to hold this ring in trust for X”

implied (tacite) : parfois les personnes agissent d’une manière telle qu’on peut déduire de leur
comportement l’existence d’un trust

ex. Immeuble acheté par les époux au nom d’un seul des deux époux : trust
présumé au profit de l’autre époux s’il a contribué à l’acquisition de
l’immeuble

Parfois, trust avec une mission spéciale à accomplir

ex. trust for sale

• trusts d’intérêt public


-
(i) pour lutter contre la pauvreté
(ii) pour contribuer à l’éducation
(iii) pour la religion
(iv) pour d’autres finalités sociales

(obligation d’enregistrement)

Obligations du trustee :

• administration en bon père de famille


• respecter tous les termes du trust

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Droit civil comparé – Erik Van den Haute

IV. HARMONISATION EUROPEENNE DU DROIT PRIVE

Ius commune – Notion et rôle - Développement et déclin - Développement de l’Etat-Nation et du


mouvement de codification nationale – Passerelles entre les systèmes résultant (1) des influences
réciproques et du phénomène de réception, (2) du développement du droit comparé comme
discipline juridique (Congrès international de droit comparé de Paris, 1900), (3) la création des
CEE en 1957.

Quelle harmonisation européenne du droit privé aujourd’hui ?

- Question de la compétence communautaire pour harmoniser le droit civil (compétence


d’attribution, art.5, al. 1er du traité CE ; fondement tiré des disparités de législations
nationales affectant le fonctionnement du marché intérieur ; exemple dans le domaine
de la protection du consommateur ; arrêt Tabac C.J.C.E. et limites du fondement tiré
de l’article 95, traité CE ; Initiatives de la Commission1) ;

- Question de l’opportunité d’harmoniser le droit civil (distinguer selon les matières et


particulièrement selon leur impact patrimonial et économique) ;

- Question de la méthode d’harmonisation (directives d’harmonisation complète ; l’arrêt


Cassis de Dijon C.J.C.E. et « la nouvelle approche » ; difficultés de transposition de la
« nouvelle approche » aux règles de droit civil et exemple de la directive 2000/31/CE
du 8 juin 2000 « commerce électronique » ; Rapprochement par « doses
homéopathiques ») ;

- Rôle de la jurisprudence (rôle du pouvoir judiciaire différent selon les systèmes ;


interprétation différente de règles identiques ; rôle important de la Cour de justice des
Communautés européennes)

Conclusion

1
Voy. not. : Communication du 13 septembre 2001 de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le
droit européen des contrats, J.O.C.E., C 255, du 13 septembre 2001, p. 1 ; Résolution du 15 novembre 2001 du Parlement
européen concernant le rapprochement du droit civil et commercial des Etats membres, COM(2001) 398 - C5-0471/2001 -
2001/2187 (COS), J.O.C.E., 2002, C 140E, du 13 juin 2002, p. 538 ; Résolution du Parlement européen sur la
communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulée: "Un droit européen des contrats plus
cohérent - un plan d'action" (COM(2003) 68 - 2003/2093(INI)), P5_TA(2003)0355 (tous ces documents sont disponibles sur
<http://www.europa.eu>.

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