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Le travail et la technique : Introduction

Le travail et la technique/Introduction

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Introduction

Chapitre no1
Leçon : Le travail
et la technique
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Le travail
Chap.
comme
suiv. :
malédiction

Nous allons nous rendre compte que les concepts de travail et de technique nous mènent tous
les deux à penser le rapport d'échange qui peut exister entre l'humain et la nature. Connaître et
contempler la nature est une chose, et c'est à la science de parvenir à ce résultat, mais pour
vivre l'homme doit aussi et avant tout savoir agir dans le monde physique. Parce qu'il n'a pas
l'instinct des animaux, la place qu'il occupe dans l'univers de la nature est moins le résultat
d'une adaptation spontanée que d'une confrontation dont les formes sont justement le travail et
la technique. Mais pour voir cela plus clairement, définissons ces termes.

Sommaire
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 1 Technique
 2 Travail
 3 Lien entre technique et travail
 4 Pourquoi travaille-t-on ?

Technique[modifier | modifier le wikicode]


Provient du grec techné qui veut dire fabriquer, construire, produire. L'étymologie nous
permet de comprendre pourquoi on a longtemps identifié les termes d'arts et de technique.
L'art comme la technique désigne l'activité de production. Sous la catégorie ou le genre art
nous retrouvons donc aussi bien les beaux-arts que l'artisanat, la médecine ou l'activité de
l'homme politique. Dans tous les cas, nous voyons que :

 L'art, la technique, se caractérise par son efficacité, sa capacité à produire quelque


chose (tableau, bonne santé...)
 Sans être une science qui a pour objet l'universel, il suppose malgré tout un savoir relié
à une réalité singulière, c'est ainsi que l'on peut parler de savoir-faire.

Mais il ne faut pas réduire la technique au objets matériels et concrets que sont les outils.
Outre la production d'outils, la technique désigne aussi des savoir-faire liés au corps
(technique de nage, de sommeil...) et des savoir-faire liés à l'esprit (méthodes des sciences,
exercices spirituels...)

Concernant la production des outils, on ne peut ignorer son histoire, nous nous limiterons
cependant à une chronologie simplifiée en 3 périodes :

 Jusqu'au XVIIIe siècle, l'humain était dans l'ère de la techné au sens large
 Il est ensuite entré dans l'ère des machines et de l'industrie
 Et depuis 1945, nous sommes dans l'ère du nucléaire et de l'informatique

Si nous regardions de plus près, nous verrions l'apparition de la distinction entre trois
concepts : l'outil, l'instrument et la machine, mais la langue française n'aide pas l'esprit à bien
les différencier à cause de l'extension de l'usage qu'elle en fait. Au sens large, le terme
d'instrument possède la signification la plus générale puisqu'il nous renvoie à l'idée de moyen.
Ainsi, pouvons-nous dire que toute technique est l'instrument du pouvoir que l'homme exerce
sur la nature. Au sens large toujours, le terme d'outil désigne tout objet fabriqué par l'homme
pour agir sur la matière. Une machine est donc en ce sens tout autant un outil qu'un marteau.
Mais en précisant :

 L'outil est un objet amplifiant les capacités du corps humain du point de vue
mécanique, accroissant sa force.
 L'instrument est un objet amplifiant les capacités du corps humain au niveau des
perceptions (instruments de mesure, de musique...)

À ce niveau, la technique peut-être considérée comme le prolongement du corps humain


(voire de la nature elle-même), en se dotant d'outils, il se donne des organes supplémentaires,
prolonge sans fin la capacité des siens propres.

 La machine, quant à elle, est une structure organisée pour transformer l'énergie en
force mécanique, voire en informations pour les dernières machines.

Il est important de préciser que les progrès techniques, l'apparition de nouveaux objets
techniques, entraîne une modification de ces catégories, à l'instar de l'évolution du monde
vivant faisant apparaître parfois des formes de vies inclassables. Le progrès donnant des
formes à la fois outils, instruments et machines. Comment classer les satellites et les
ordinateurs ?

Comment définir alors le concept de technique ? Qu'est-ce qu'il y a de commun à toutes les
idées que nous venons d'évoquer ? Il semble que nous pouvons affirmer que la technique est
toujours la mise en œuvre d'un procédé afin de produire des objets où des savoir-faire
que la nature ne peut fournir elle-même, et ceci dans le but d'agir efficacement dans le
monde. Notons l'apparition du terme technologie, qui tend à remplacer celui de technique. On
entend tout d'abord le regroupement de plusieurs techniques très différentes en vue de
produire un même objet, par exemple le lancement d'une fusée requiert de nombreux savoir-
faire différents. Technologie sous-entend que la technique se différencie de l'art et de
l'artisanat, car elle dépend de la science, et la technique est aujourd'hui l'application du savoir
scientifique, et il dépendent désormais l'un de l'autre pour se développer l'un l'autre.

Travail[modifier | modifier le wikicode]


La même difficulté se pose à nous, car le mot travail renvoie à des sens différents qui se
rattachent tous de manière plus ou moins directe à une définition première. Il est commun
aujourd'hui d'utiliser ce terme pour désigner soit un emploi, soit une activité rémunérée en
général, comme en témoigne la formule "perdre son travail". Or, nous pouvons très bien
travailler sans avoir d'emploi, et la rentabilité n'est pas la finalité première du travail. (un
esclave travaille mais n'est pas payé). Aussi pouvons-nous dire que cette perspective
économique n'évoque la réalité du travail que de manière lointaine et indirecte. Une deuxième
acceptation du mot travail nous est apportée par la science physique, où il est mesuré en
joules. Enfin, le terme est utilisé pour évoquer les idées de souffrance et de tourment. Par
exemple, lorsque nous disons qu'une idée nous travaille, nous pouvons vouloir dire qu'elle
nous inquiète, nous obsède; lorsque nous parlons de l'entrée en travail d'une femme qui
accouche, nous voulons renvoyer aux douleurs de l'enfantement. Ces idées de tourment et
douleur se retrouvent dans l'étymologie du mot, le terme latin tripliare signifiant tourmenter
ou torturer.

Ainsi, le travail semble être l'effort par lequel l'homme parvient à transformer le réel (la
matière ou les idées), à nier ce qui apparaît par une activité dont les règles ne sont pas
spontanées ni données. Alors que le point de vue économique insiste davantage sur l'idée de
productivité du travail, les points de vue physique et psychologique ne retiennent que celle de
l'effort important et pénible réclamé par le travail.

Lien entre technique et travail[modifier | modifier le


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La technique est le moyen par lequel le travail des hommes pour transformer le réel sera
rendu efficace. En ce sens, la technique est l'instrument du travail. Mais c'est aussi, plus que
l'instrument, la forme du travail. Tout d'abord, nous pouvons constater que l'homme travaille
surtout à produire des techniques, ce qui ferait de la technique l'objet du travail, et plus
seulement la transformation du réel, qui serait secondaire. Ensuite, nous devons déjà
comprendre que les formes du travail varient selon la technique employée. Le travail est donc
une activité technique en elle-même. Travail et technique sont deux réalités inséparables, à
l'image de la matière et la forme de n'importe quelle substance.

Pourquoi travaille-t-on ?[modifier | modifier le wikicode]


À l'évidence, par nécessité, pour vivre. Pourtant, nous ne travaillons pas seulement pour vivre,
mais aussi pour bien vivre. Il est clair que l'humain continue de travailler même si ses besoins
vitaux sont satisfaits. Au-delà du simple besoin, le désir semble être aussi à l'origine du
travail. Remarquons le paradoxe de la situation : nous travaillons pour ne plus avoir à
travailler, pour vivre libérés des contraintes imposées par la nature, pour profiter librement et
jouir de tous les biens matériels. Mais, plus nous voulons accéder à cette liberté et plus nous
sommes contraints de travailler. Par le travail nous gagnons une liberté qui se présente
toujours à venir : je travaille toute la semaine pour profiter de mon week-end, toute l'année
pour mes congés, toute ma vie pour ma retraite. Nous pouvons alors nous interroger sur la
nature de cette activité : n'est-elle qu'une simple fatalité renvoyant à la misère de la condition
humaine ? Pourquoi l'homme travaille-t-il toujours plus que nécessaire, prolongeant cette
fatalité ? Le travail est-il au contraire la transition pour rendre une vie heureuse ? N'est-il pas
une fin en soi ?

Le travail et la technique : Le travail


comme malédiction
Le travail et la technique/Le travail comme malédiction

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Le travail
comme
malédiction

Chapitre no2
Leçon : Le travail
et la technique
Chap.
Introduction
préc. :
Chap. L'humain est
suiv. : homo faber
Nous avons vus que la technique, rendant notre travail efficace, va nous libérer de la
nature mais aussi du travail lui-même. À quelle liberté parvient-on ? Quel est l'objectif du
développement technique ?

Sommaire
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 1 L'enseignement des mythes


 2 Le mépris du travail chez les philosophes de l'antiquité
 3 La technique comme moyen de se libérer du travail
 4 Puissance de la technique
 5 Références

L'enseignement des mythes[modifier | modifier le


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Quand ils abordent la question du travail, comme dans le mythe de Prométhée, ils la
présentent comme une malédiction, une punition divine, relevant de la fatalité. Ils expriment
aussi à la fois que le travail est nécessité naturelle et contre-nature, car l'homme ne semble pas
fait pour travailler, le travail est corvée, labeur, peine. Dans la Génèse, il est dit que le travail
est conséquence du péché originel : "Le sol sera maudit à cause de toi [...] à force de peine
[...] produire épines et ronces [...] gagnera le pain à la sueur de ton visage [...] tu es poussière
et tu retourneras à la poussière".

L'humain doit donc engager une lutte contre la nature qui aura pour forme le travail : alors
que la nature semble tout donner à l'animal, l'homme naît démuni, et doit donc de lui-même
transformer la nature pour l'adapter à ses besoins. Le travail semble être aussi un effort
permanent contre l'attraction de la terre autrement dit la mort.

Si le travail est punition, il n'est pas conforme à la nature humaine. Rousseau, dans son Essai
sur l'origine des langues dit que les hommes sont naturellement indolents (au sens d'inertes,
résistants face à une activité comme le travail) et se plaisent à ne rien faire. C'est seulement
lorsqu'ils vivent en société que l'inquiétude de l'avenir va les rendre actifs. Dans une société, il
faut faire montre d'une certaine performance, avoir des caps à franchir, imposés par
l'inquiétude.

Mais il reste au fond de chacun de nous deux tendances fondamentales : le désir de se


reproduire et l'oisiveté. Après l'amour, ne rien faire est ce que l'on préfère. C'est pourquoi,
même en société, "c'est encore la paresse qui nous rend laborieux", si nous travaillons autant,
c'est pour ne plus travailler.

Le mépris du travail chez les philosophes de


l'antiquité[modifier | modifier le wikicode]
Contrairement à ce que croient beaucoup d'historiens et certains philosophes comme Marx, ce
n'est pas parce que le travail était la tâche des esclaves que les grecs méprisaient le travail; en
réalité, c'était le raisonnement inverse[1]: c'est parce-que le travail est un asservissement qu'il
dévalorise les humains; il n'y en a pas un fait pour l'esclavage, par contre, le travail entraine
une transformation de la nature humaine, une dégradation. L'esclavage n'est pas institué par
soucis du gain, mais par celui d'échapper à la nécessité naturelle. Voilà pourquoi Aristote, tout
en justifiant l'esclavage, rêve d'un monde technique où il n'est plus besoin d'utiliser d'esclaves,
où le travail ne dégraderait aucun humain.

Aristote part d'une distinction entre praxis et poësis :

 Praxis désignant les activités immanentes (n'engendrant pas de modification en dehors


de nous-même), qui ont pour fin d'accomplir notre nature, permettant d'être autrement
 Poësis désignant l'action productrice d'objets extérieurs

Aristote n'assimile pas le travail à la poësis, ni à la praxis, il le considère comme faisant partie
des deux catégories, car le travail a une action modificatrice à la fois sur le réel et sur la nature
humaine. Aristote préfère à l'idée du travail et à la nécessité l'idée de loisir et de liberté. Mais
il ne faut pas confondre les différents sens du loisirs : dans le sens commun, le loisir
correspond au moment du jeu et de la détente, ou encore un temps pour consommer, et donc
tout loisir est un temps pour récupérer du travail, permettant de conserver un certain
rendement, ou encore le temps qui n'est pas passé à travailler est utilisé pour l'usage du fruit
de notre travail. Ainsi, loisir et travail sont les deux phases d'une même activité, car le travail
n'a pas de valeur en lui-même, et nous ne pouvons travailler éternellement : le jeu et la détente
n'ont donc pas d'autres buts que le travail lui-même[2].

Aristote conçoit différemment le loisir, comme étant l'ensemble des activités faites pour elles-
mêmes, qui ne sont pas nécessaires. Nous pouvons les choisir, et c'est là que nous sommes
réellement libres. Le loisir n'est donc pas nécessaire mais essentiel, dans le sens où il concerne
notre être, notre nature et son développement (les arts, la philosophie ne sont pas nécessaires).
Cependant, le loisir ne semble pas incompatible avec le travail : la réalisation d'un chef-
d'œuvre, le plus souvent, a demandé un travail énorme à l'artiste; tout comme la philosophie
demande un effort de réflexion...

La technique comme moyen de se libérer du


travail[modifier | modifier le wikicode]
Aristote, dans La Physique (Livre II, Chapitre 8), dit : "L'art en général (=la technique), ou
bien imite la nature, ou bien exécute ce que la nature est l'impossibilité d'accomplir." Cette
phrase ne peut être entièrement comprise sans le concept d'imitation qu'Aristote rend central.
Par définition ce qui n'est que ressemblant, n'est pas identique, donc l'imitation n'est pas une
simple reproduction. Cependant, la technique n'est pas la tentative de refaire ce que la nature
accomplit, car dans l'idée d'imitation, il y a la ressemblance mais aussi la différence.

Ainsi, la nature va nous servir de modèle pour produire nos propres objets, mais les choses
naturelles ne sont pas de simples plans à suivre, la nature va inspirer nos plans de
construction, car la production technique suppose que nous ayons compris au préalable la
nature et ses lois afin de produire des objets efficaces. Cette compréhension permet aussi
d'inspirer de nouvelles idées, par exemple les combinaisons de nageurs sportif ayant une
structure analogue à celle des peaux de requins. Dans le fait d'exécuter ce que la nature ne
peut faire, il y a deux choses :

 Premièrement, la technique est le moyen par lequel l'humain va augmenter les effets
ou détourner à d'autres fins les activités de la nature. Ainsi le marteau augmente la
force de notre bras, et l'irrigation est bien un détournement de l'écoulement l'eau, en
vue de cultiver des terres qui ne seraient pas fertiles sans ce moyen.
 Deuxièmement, à cause de la technique, il existe une rivalité humain/nature.

L'homme, en inventant et produisant des choses qui n'existent pas, imite encore la nature, qui
invente aussi, comme en témoignent les mutations génétiques. Les objets artificiels peuvent
être alors comparés à ceux de la nature car tout en étant très différents, ils peuvent rivaliser en
termes d'effet et de capacités, et ce ne sont pas toujours les créations techniques qui ont le
dessus (par exemple, certaines molécules contre le cancer ne peuvent être produites que par de
petites fleurs et toute notre industrie, si gigantesque soit-elle, en est incapable)

Puissance de la technique[modifier | modifier le wikicode]


21 siècles après Aristote (donc au XVIIe siècle), Descartes prolonge son raisonnement. Il
devine, dans la forme moderne de la science qu'il met sur pied, le moyen de développer de
manière indéfinie la technique, permettant d'obtenir une domination sur la nature. À partir de
deux intuitions fondamentales :

 Tout, dans la nature, peut être réduit à un mécanisme


 La science doit être considérée comme une technologie du réel

La première intuition prend le contrepied d'Aristote, qui disait que l'étonnement est le moteur
de la connaissance, en démontrant que la condition pour progresser dans le savoir consiste à
postuler qu'il n'y a rien d'étonnant ni d'admirable dans la nature. Aucune exception, aucun
mystère, aucune puissance cachée ne peut y exister, sinon, par avance, la science n'a aucune
raison d'être.

En effet, les sciences depuis Descartes, nous font découvrir la nature comme étant un vaste
empire de la banalité, une grande machinerie. À l'origine de cette réflexion, il y a eu
l'expérience des automates rendant compte de l'ingéniosité des humains pour produire des
artifices (combinaisons habiles de techniques). Par l'artifice technique, on peut produire des
effets semblables à la nature, il est alors probable que la nature dissimule son propre artifice,
semblable à celui des humains. Raisonnement justifié par le principe de causalité (voir le
cours sur la démonstration). Ainsi nous devons, pour l'appréhender, considérer que la nature
imite la technique des humains, et pas l'inverse comme le dit Aristote.

La nature, le modèle, doit donc être considéré à l'image de son image : le corps est une
machine, le cœur une pompe, les muscles des ressorts, les veines une tuyauterie... À chaque
fois, l'artifice représente le modèle pour décrire la nature. Évidemment, la complexité des
créations humaines est moindre que celles de la nature, il existe un écart infini entre l'humain
et Dieu. C'est d'ailleurs cette complexité qui donne l'illusion d'avoir affaire à autres chose que
des machines naturelles.

Mais selon Descartes, il existe une exception, celle de la conscience et de l'esprit, qui ne peut
être expliquée comme un mécanisme. Nous sommes des machines mais nous sommes
essentiellement une conscience qui peut réfléchir sur cette machinerie. Le grand mystère est
de savoir pourquoi et comment existe l'esprit, sa présence métaphysique, dans un monde
physique.

La deuxième intuition, la science est une technologie du réel, est en corrélation avec la
première. Descartes est obsédé par la vérité, car il a le soucis d'agir efficacement dans le
monde; la science ne devrait être développée que si elle a des applications pratiques; par
conséquent le fait que la science n'émette pas la vérité (voir le cours sur le savoir) mais des
théories de plus en plus vraisemblables importe peu, du moment qu'elle permet d'obtenir les
effets désirés.

Quelle conséquence de ces deux intuitions ? La possibilité "de se rendre maître et possesseur
de la nature" : non-seulement l'invention d'artifices mais aussi de repousser les limites de la
mort et de toujours savoir comment agir à chaque instant de nos vies. Les sciences, en rendant
la technique efficace, arrachent l'humain à la malédiction évoquée plus haut. En considérant
les réalités de la nature, et en particulier le corps humain, comme des mécanismes, les progrès
vont nous permettre d'en disposer et de les utiliser comme s'il s'agissait de nos propres
machines.

Références[modifier | modifier le wikicode]


1. Aller ↑ Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne
2. Aller ↑ Jean Baudrillard, La Société de consommation "L'apparent dédoublement en
temps de travail et temps de loisir [...] est un mythe"

Le travail et la technique : L'humain est


homo faber
Le travail et la technique/L'humain est homo faber

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L'humain est
homo faber

Chapitre no3
Leçon : Le travail
et la technique
Chap. Le travail comme
préc. : malédiction
Logique du
Chap.
développement
suiv. :
technique

Sommaire
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 1 Spécificité de la technique humaine


 2 Processus d'élaboration technique
 3 Homo Faber
 4 Le travail comme technique
 5 La question de la division du travail
 6 La malédiction est-elle levée ?

Spécificité de la technique humaine[modifier | modifier le


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Il semblerait que la technique soit une modalité propre à l'humain, que seul l'homme soit
capable de produire et de posséder des techniques. En apparence, le animaux aussi en
possèdent, mais la différence est dans le fait que les animaux semblent "coller" à la technique
du moment, ne sont pas capables de médiatiser la fin à atteindre grâce à l'outil, mais au
contraire se focalisent sur un objectif à atteindre dans l'immédiat. Le singe peut prendre un
bâton pour atteindre un fruit sur le moment, mais il ne sera pas capable de différer la prise du
fruit pour élaborer un outil plus performant. Au contraire, l'espèce humaine est capable de
médiatiser son rapport au but à atteindre : volontairement, on repousse le but à atteindre (par
exemple, aller vite en marchant) pour élaborer des techniques qui, par la suite, permettent du
"loisir" : en roulant en voiture, on avance beaucoup plus vite tout en restant assis.

La technique humaine est invention, l'animal lui n'invente rien, il fait en fonction de ce que la
nature lui donne (l'instinct). Or, il y a véritablement technique lorsqu'il y a médiation du but à
atteindre, c'est-à-dire lorsqu'on artificialise ce que la nature ne peut fournir elle-même. Alors
qu'un animal est dans ce qu'on peut appeler "instrumentation" (quand un castor construit un
barrage, c'est instinctif, il répond à une nécessité naturelle), l'humain seul est dans la
"technique", dans le report du but à atteindre pour être plus performant.

Processus d'élaboration technique[modifier | modifier le


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Chez l'animal, c'est le plus souvent instinctif, mais cela repose parfois sur la répétition et
l'imitation. Chez l'humain, c'est surtout un processus qui relève d'une activité consciente et
réfléchie. Mais, comme le souligne Marx, "ce qui distingue de prime abord le plus mauvais
architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il construit la cellule dans sa tête avant de
construire dans la ruche". Autrement dit, le travail remplace l'instinct. Et ce travail consiste
surtout dans l'effort par lequel l'humain se donne les moyens de transformer la nature, soit la
technique.

Homo Faber[modifier | modifier le wikicode]


Bergson nous explique que l'humain est moins Homo sapiens qu'Homo faber, car c'est moins
le savoir ou la sagesse qui le caractérise que cette capacité constante à toujours inventer de
nouvelles techniques. La paléontologie confirme cette idée en montrant que les premières
formes d'hominidés qui mènent directement à l'humain (Homo habilis -2,5 millions d'années)
sont à l'origine des premières techniques. Bergson dit aussi que l'apparition d'outils
correspond à l'apparition de l'intelligence : si l'humanité est capable d'inventions, cela suppose
qu'elle soit capable de former en elle des idées de choses qui n'existent pas encore mais qui
seront cependant utiles dans la nature.

En tout cas, la réflexion remplace l'instinct. Aristote dit qu'il ne sert à rien de posséder un outil
aussi complexe que la main si nous n'avons pas les facultés, les capacités intellectuelles pour
savoir l'utiliser, d'autant plus que la main est l'outil des outils.

La technique est donc bien propre à l'humain, et ses effets confirment cette idée; alors que la
technique animale est le prolongement de ce qu'il est, a pour seule fonction de préserver son
être, elle semble être tout le contraire chez l'être humain. D'abord, notre technique se distingue
de notre corps, de notre être, on peut en avoir plusieurs. Mais surtout, l'invention permanente
traduit chez l'Homo faber qu'il ne s'en tient pas à ce qu'il est, pour changer sans cesse son
milieu, son existence. C'est le seul être naturel qui va refuser sa nature.

Le travail comme technique[modifier | modifier le


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La spécificité du travail humain est relative à celle de sa technique : seul l'humain travaille,
mais même la fourmi besogneuse ne travaille pas. Car si l'animal ne travaille pas, c'est qu'il se
sert uniquement des ses organes, il se contente de cueillir les fruits de la nature. Son activité
physique reste spontanée, un peu comparable à un élève qui se contente de reproduire ses
connaissances en mémoire.

Le travail est une activité propre à l'humain; au contraire de l'animal, il doit préalablement se
doter des moyens d'atteindre les mêmes buts. La travail commence avec l'effort d'invention, il
se poursuit par l'effort de réalisation des moyens techniques inventés et se termine par l'effort
de maitrise.

La question de la division du travail[modifier | modifier le


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Pour accentuer la production par le travail, nous allons trouver une technique rendant le
travail plus productif, la division du travail :

 La division sociale : répartition des tâches entre tous les individus d'une même société,
à l'origine même de la société humaine.
 La division technique : au sein d'une même branche d'activité des tâches d'une
production, le travail industriel en est l'illustration. Mais elle peut s'appliquer à d'autres
domaines, comme le savoir...

On peut faire coïncider dans l'Histoire le moment où est développée la division technique du
travail et la révolution technique (l'ère des machines).

Adam Smith, auteur du XVIIIe siècle, dit dans sa Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations que la division du travail est à l'origine de l'invention des machines, et
que quand l'humain est limité à une seule tâche, il y est d'autant plus attentif, plus apte à
réfléchir sur le moyen de faciliter cette tâche; c'est par exemple parce qu'on veut s'épargner la
peine de travailler que l'on se fait remplacer par une machine. Mais le perfectionnement des
machines n'est pas seulement le fait des humains qui travaillent avec. Il existe dans notre
société une branche de l'industrie qui s'occupe uniquement de cela et n'est que le
prolongement de la science. Depuis cette époque, la science est une tâche dévolue à certains
humains, les savants. Cette branche se divise elle-même en plusieurs fois. Parce que les
savants ont pour profession de ne pas agir mais de tout observer, ils peuvent mettre en rapport
et combiner des réalités et des forces en apparence très dissemblables. Leur rôle social est
l'invention qui se termine par l'invention technique.

La division du travail a plusieurs avantages, comme permettre une augmentation de l'habileté


et de la compétence de l'individu qui travaille, et elle permet aussi de gagner du temps. Si le
travail est devenu une technique, c'est pour être plus productif; il est plus productif car il
utilise des machines plus performantes, mais aussi parce qu'il devient en lui-même une
technique. La division du travail dépendra donc des machines utilisées.

La malédiction est-elle levée ?[modifier | modifier le


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La division du travail et l'avènement des machines ont ils libérés l'humain ? Marx répond que
non, et que la division technique du travail provoque une aliénation, ce qui signifie
étymologiquement se rendre étranger. Si l'on n'est plus libre lorsque on est aliéné, ce n'est pas
à cause d'un lien, d'une attache qui limiterait nos mouvements mais à cause de l'absence d'un
lien avec soi-même : être aliéné, c'est être étranger à soi-même. Marx précise que l'aliénation
consiste à ne pas se retrouver dans son travail, et en effet, il est par la division du travail,
réduit à une simple dépense physique, exempt de toute initiative personnelle. Il est très
semblable à un travail forcé et devient abrutissant. Le temps de travail correspondrait donc à
un temps où l'humain n'est plus lui-même, où il ne peut plus agir en tant qu'humain.

Ce type de travail est aussi aliénant car nous ne le faisons plus pour nous-même, mais pour un
autre, en échange de salaire (on dit qu'on offre sa force de travail). En offrant sa force de
travail, l'ouvrier ne s'appartient plus lui-même.

Le travail est aliénant quand il est divisé car il n'est plus une activité qu'il fait pour lui-même
et de par lui-même et tend à n'être plus qu'un simple effort. L'humain n'est libre que lorsqu'il
satisfait ses pulsions animales. On peut donc comprendre la passion du bricolage ou du
jardinage si l'on voit que dans ces activités, l'humain s'y retrouve lui-même, car non-
seulement il y exerce librement ses facultés, mais en plus il possède la transformation de la
nature qu'il a produite. Le parallèle est faisable avec un élève qui ne considère ses études que
comme un effort pour obtenir dans l'avenir un emploi : il ne travaille que pour travailler. Au
lieu de s'intéresser à son activité d'étudiant, il ne cherche que des méthodes pour réussir ses
exercices.

Or le travail peut-être autre chose qu'une dépense physique. Quand il n'est pas divisé, il
transforme l'humain mais surtout engendre l'humain, car :

 Sur le plan subjectif, le travail permet de développer nos capacités et permet de


discipliner nos penchants et nos passions. La réussite immédiate d'un exercice, sans
effort de réflexion ne conduit à aucun progrès. C'est pourquoi l'éducation scolaire ne
peut être assimilée à un ensemble de règles, de méthodes. De plus, par le travail, nous
nous habituons à réfléchir avant d'agir, réfrénant notre spontanéité, nos tendances :
nous nous habituons à agir par notre raison et notre volonté, on ne se contente plus de
réagir bêtement.

 Sur le plan objectif, par son travail, l'humain se révèle à lui-même. En travaillant, on
marque le réel, on laisse une empreinte dans la nature : notre nature devient sensible,
tournée vers l'extérieur, objective. On voit ce que l'humain vaut dans les
transformations qu'il a produites. Le travail créé aussi des rapport sociaux, et une
personne révèle son humanité à tous par son travail. Le produit de son travail va
rendre manifeste aux autres sa faculté, objectivement.

Le travail et la technique : Logique du


développement technique
Le travail et la technique/Logique du développement technique

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Logique du
développement
technique

Chapitre no4
Leçon : Le travail
et la technique
Chap. L'humain est
préc. : homo faber
Conséquences
Chap. éthiques du
suiv. : développement
technique

Sommaire
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 1 Accélération
 2 Le besoin
 3 L'adaptation
 4 L'innovation

Accélération[modifier | modifier le wikicode]


Le développement technique ne cesse de s'accélérer : alors que la pierre taillée est apparue il y
2,5 millions d'années, le 1er harpon il y a environ 60 000 ans, l'agriculture 10 000, l'écriture 3
000... il faudra seulement 200 ans pour passer de la machine à vapeur aux fusées. Pourquoi ?

On trouve 3 causes principales : le besoin, l'adaptation et l'innovation.

Le besoin[modifier | modifier le wikicode]


Alors que l'animal naît avec ses vêtements, ses armes, son savoir-faire, l'humain apparaît dans
le monde démuni de tout. Cette nudité, à la fois visible et symbolique, oblige l'homme à
travailler pour acquérir des compétences, des techniques. Nous pourrions croire que les
développements techniques actuels ne répondent plus à des besoins vitaux; or même si les
individus ne sont pas aussi démunis qu'auparavant, beaucoup d'inventions techniques
sophistiquées continuent d'avoir pour fonction de subvenir aux besoins vitaux.

L'adaptation[modifier | modifier le wikicode]


Comme l'instinct chez l'animal, la technique est le moyen de nous adapter à notre milieu.
Cependant il faut voir que les progrès eux-mêmes vont transformer le sens du mot adaptation :
 Jusqu'au XVIIIe siècle (ère des machines), seule l'agriculture peut-être considérée
comme une véritable transformation du milieu. Mais d'une manière générale, les
techniques humaines permettent à l'humain de s'adapter pour le mieux à la nature et à
ses lois.
 À partir du XVIIIe siècle, le rêve cartésien commence à se réaliser : l'humanité
commence à prendre possession de la nature grâce à la science; le sens du mot
adaptation change : ce n'est plus l'humain qui s'adapte à son milieu, mais c'est le
milieu qui va être adapté en fonction de nos besoins et de notre volonté. Les lois
humaines tendent à remplacer les lois de la nature; nous utilisons la nature comme si
nous l'avions nous-même inventée.
 Mais le XXe siècle et le XXIe siècle inventent une nouvelle tendance, le mot
"adaptation" a un nouveau sens : l'humain ne se contente plus d'adapter la nature, il
crée un nouveau monde, un nouveau milieu auquel il doit s'adapter grâce à de
nouvelles techniques. Cela se concrétise par un simple remplacement : nous vivons
dans des villes toujours plus grandes; nos déplacements, nos relations avec les autres
personnes prennent une forme de plus en plus technique. Et, dans cet univers, les
personnes âgées, les moins aptes à changer elles-même, sont majoritairement
incapables de s'adapter.

D'autre part, cette logique se concrétise aussi par une assimilation : comme Descartes l'avait
dit, le point de vue technologique considère la nature à l'image des machines; par conséquent,
plus la science progresse, plus la frontière entre Nature et Technique (entre êtres vivants et
machines) devient mince. C'est désormais dans un tel monde que l'être humain doit vivre.

L'innovation[modifier | modifier le wikicode]


Il est dans la nature humaine de ne pas s'attacher à ce qui est, à ce qui existe déjà. L'invention
technique n'est donc pas seulement une réponse à la nécessité, elle est aussi motivée par ce
désir de nouveauté. En ce sens, l'être humain invente pour inventer; la nouveauté est une
valeur en elle-même.

La cause du développement technique se dédouble donc en s'inversant : non seulement le


besoin est au principe de l'invention technique, mais celle-ci va être à son tour à l'origine de
nouveaux besoins. Et dans une société de consommation, ce qui n'est qu'un gadget accessoire
devient bien vite indispensable : en découvrant qu'un téléphone peut être portable, on
découvre qu'on ne peut pas se passer des autres; les derniers modèles de voitures valent dans
nos esprits les meilleurs qui existent déjà.

Cette logique de nouveautés a deux conséquences :

 Le développement technique devient imprévisible : lorsqu'une technique est inventée


pour répondre à un besoin précis, nous la maitrisons dans le sens ou nous connaissons
son application; mais quand nous inventons une technique seulement pour apporter de
la nouveauté, nous ne pouvons que deviner les applications qu'elle pourrait avoir. Et
en effet, dans le processus d'invention, l'humain n'est souvent pas conscient de tout
l'intérêt de ce qu'il est en train de réaliser. Le développement technique se fait à la
grande surprise de ses inventeurs, les conséquences et les applications s'effectuent
spontanément, comme par sélection naturelle. En s'appuyant sur cette logique de
l'innovation, le développement technique devient autonome : personne ne le maitrise
car personne ne peut le prévoir, à l'image du mythe de l'apprenti sorcier.
 Le développement technique devient une véritable réaction en chaîne: les nouvelles
technologies à cause de leur complexité et de la puissance qu'elles permettent sont
bien sûr des réponses aux difficultés que la réalité nous impose; mais en même temps,
elles font émerger de nouvelles difficultés qu'il faudra de nouveau résoudre par la
technique. (Par exemple : La crise de l'énergie en 1973 a conduit au développement du
moteur diesel, qui génère une forte pollution, réduite par l'invention du pot
catalytique...)

Le développement technique revient donc à une suite infinie et nécessaire de problèmes et de


solutions qui ne peuvent mener qu'à toujours plus de techniques.

Le travail et la technique : Conséquences


éthiques du développement technique
Le travail et la technique/Conséquences éthiques du développement technique

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Conséquences
éthiques du
développement
technique

Chapitre no5
Leçon : Le travail
et la technique
Logique du
Chap.
développement
préc. :
technique

Bilan sur les risques liés au développement


technique[modifier | modifier le wikicode]
Alors que la morale des principes universels que chaque individu doit suivre pour agir en tant
qu'humain, l'éthique est d'abord une réflexion sur l'état présent des mœurs dans une société, et
tente de les établir en les adaptant aux modifications de notre manière de vivre, engendrée par
la technique. Des exemples de questions éthiques : Un embryon est-il une personne ? À partir
de quand ?

Ici, nous voulons évaluer du point de vue éthique les conséquences générales du
développement technique, en évitant les jugements trop tranchés, car les progrès apparaissent
toujours ambivalents, comme dans le mythe d'Icare que Platon montre dans son Ménon. Dans
ce mythe, la technique est montrée comme libératrice mais aussi mortelle. On doit donc
distinguer la technique et l'usage que nous en faisons. Cependant, on doit rappeler que le
développement technique est imprévisible et autonome; il faut donc comprendre que les
objets techniques sont simplement des moyens pour atteindre un but, mais imposent des
finalités en révélant des applications insoupçonnées et deviennent des finalités en eux-mêmes.
En étant autonome, le développement technique nous impose donc ses propres valeurs, un
mode de vie : en nous libérant des nécessités de la vie, la technique nous soumet à son propre
développement, elle n'est donc pas neutre.

Au delà de cette ambivalence, la technique comporte différents risques :

 Le plus évident est celui lié à la puissance qu'elle permet : C'est à partir de 1914 que
l'Homo faber réalise vraiment quels pouvoir de destructions il détient : Entre 1805 et
1815, les guerres napoléoniennes ont fait 2,5 millions de morts. Alors qu'en seulement
quatre ans (1914-1918) la première guerre mondiale en fait 9 millions, la seconde 62
millions... Désormais, à cause de cette puissance, les destructions possibles sont à
l'échelle de la planète entière. Comme le dit Michel Serres dans Le Contrat Naturel : «
non seulement la nouvelle nature est comme telle, globale, mais elle réagit
globalement à nos actions locales. » Nous sommes à un moment essentiel de l'Histoire
Humaine : pour la première fois, l'avenir du monde dépend réellement de nos propres
choix.

 Il existe un risque lié à l'efficacité de la technique : le succès de la technique, son


développement continu, notre inquiétude face à l'avenir et notre aversion naturelle
pour le travail tendent à nous faire penser que tout peut se résoudre de manière
technique. Un nouvel état d'esprit apparaît : la logique technicienne, celle de l'Homo
Faber, doit être élargie à tous les domaines, même ceux qui concernent l'humain. Nous
sommes prêts à une mécanisation de notre existence : même la politique n'est pas
épargnée par le souci de rentabilité. Apparaissent alors dans nos sociétés des
technocraties, des états où l'exercice du pouvoir est finalement remis à des experts à
cause de leurs compétences techniques.

Différentes solutions[modifier | modifier le wikicode]


À l'évidence, la solution qui consisterait à faire machine arrière semble impossible pour
plusieurs raisons. Premièrement nous avons vu que le développement technique est une
réaction en chaîne de problèmes et de solutions. Non seulement nous ne serions plus capables
de répondre aux besoins vitaux qui existent aujourd'hui, mais nous ne serions aussi dans
l'impossibilité de résoudre les nouvelles difficultés entraînées par la technique elle-même
(pollution, épuisement des ressources...) Deuxièmement, seul un régime totalitaire pourrait
imposer aux hommes de renoncer à leur propre nature, à cette liberté de toujours inventer et
de désirer la nouveauté : pour retrouver la nature, il faudrait faire disparaître l'esprit humain.

Ce n'est pas pour autant qu'il faudrait adopter la solution inverse et parier sur le
développement technique en supposant qu'il sera assez efficace pour pallier aux périls qu'il
produit lui-même. Comme le croyait Descartes, en nous permettant de toujours faire bien,
c'est-à-dire efficacement, le progrès ne pourra aboutir qu'à nous donner la capacité de toujours
faire le bien. Cela est peut-être possible mais reste un horizon idéal. En attendant, nous
voyons que plus la technique se développe et plus les dangers se multiplient et se globalisent.
Quelles solutions reste-t-il alors ? Pouvons-nous croire que la solution politique et juridique
envisagée aujourd'hui suffise ? La création des comités d'éthique réfléchissant sur de
nouvelles normes et les soumettant au pouvoir politique semble nécessaire. Cependant, cette
réponse législative reste encore locale alors que le problème est global. Si ce qui est régulé ou
interdit dans un pays ne l'est pas dans d'autres, les problèmes posés par la technique restent
des dangers et demeurent identiques.

Il est donc nécessaire, avant d'envisager toute solution concrète, de revenir à ce qui chez
l'humain est à l'origine de tous les grands changements et tous les grands bouleversements de
son histoire, à savoir les idées. Contrairement à ce que l'on croit, justement à cause de notre
logique technicienne, ce sont les idées qui changent le monde. Si les sociétés humaines ont
connu de telles révolutions au XVIIIe siècle c'est parce que de nouvelles idées, comme celle
d'une égalité entre les humains, sont devenues évidentes. Alors que le XVIIIe siècle fut un
tournant de l'histoire humaine à cause d'une nouvelle conception de la relation entre les
hommes, le XXIe siècle devra être un nouveau changement de cap de cette histoire à partir
d'une nouvelle conception de la relation entre la nature et l'homme.

Comment résumer cette nouvelle idée qui doit devenir une évidence pour chacun ? Il faut
abandonner la perspective du projet cartésien, et nous rappeler la perspicacité d'Aristote :
inspirons-nous de la nature elle-même. Jusqu'à présent par la technique l'humain maîtrise
toujours mieux la nature pour en tirer profit, il ne s'adapte donc plus à elle, mais y vit comme
un parasite. Or, comme tout parasite, il se met lui-même en danger par ses excès : il va
disparaître en détruisant son hôte. Aussi, il est nécessaire d'adopter une solution que la nature
elle-même a déjà envisagée depuis longtemps : la symbiose. À l'image, par exemple, des
fourmis qui colonisent certains acacias et leur apportent un entretien, « rétribué » par la
présence d'un abri. Nous devons désormais établir un rapport d'échange mutuel avec la nature,
et notre propre technique nous en donne les moyens. L'alternative historique est simple : la
mort ou la symbiose.

L'efficacité technique nous donne l'illusion d'une maîtrise, or nous ne maîtrisons pas notre
maîtrise sur la nature. Nous la soumettons peut-être, mais nous nous laissons asservir par le
développement technique, nous ne le dirigeons pas et nous nous en remettons entièrement à
lui. Il est temps de retrouver le sens du mot sagesse au sens socratique, et de nous rappeler,
pour reprendre la jolie formule de Saint-Exupéry, que nous n'héritons pas la Terre de nos
parents, mais que nous l'empruntons à nos enfants.

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