Vous êtes sur la page 1sur 137

UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DE PSYCHOLOGIE
DEPARTEMENT DE GESTION DES ENTREPRISES ET
ORGANISATION DU TRAVAIL

COURS D’ORGANISATION DU TRAVAIL


Les nouvelles Technologies de Gestion

1ère Licence en Gestion des Entreprises et Organisation du Travail

PROFESSEUR : JACQUELINE LUHAHI

Appartenant à KININGA KUMU Espoir

Année académique 2013 – 2014


2

Première Partie

Introduction

De manière générale, l‟objectif de ce cours est de


permettre à l‟étudiant de pouvoir identifier les différents modèles
d‟organisation du travail qui coexistent dans la société
industrielle contemporaine. Les principaux modèles étant le
modèle mécaniste et Modèle organique et connaître leurs acteurs.

Nous tenterons également de situer ces différents


développements dans une perspective historique et mesurer de
quelle manière certains de ces modèles peuvent être appliqués
aux pays en voie de développement.

Nous pensons que muni de ce bagage, nos étudiants


seront capables d‟assimiler les notions fondamentales requises
pour mettre en place des techniques de planification du travail
adéquate. En effet, nous sommes convaincus que sans une
compréhension correcte des mécanismes de fonctionnement de
l‟entreprise, un gestionnaire ne peut être efficace.

Notions préliminaires

A. Notions de travail

Dans toute discipline, art ou profession, l‟excellence


découle du travail. Le talent, c‟est avant tout du travail. Le travail
renvoie donc à un service, une production, une réalisation.
Dans un pays industrialisé comme la France par exemple,
le travail concerne à peu près 90% de la population active, et cela
représente pour une grande partie de cette population un lieu

2
3

d‟investissement important. Les fruits de ce travail permettent à


l‟homme de vivre, de satisfaire ses besoins de base comme les
besoins les plus élevés1.

Et pourtant le travail est banal, parce qu‟il a toujours


existé, même si ses formes ont fortement évolué au fil du temps et
au gré des cultures. Il est banal, parce qu‟il peut concerner tout le
monde, les adultes bien entendu si l‟on conserve au travail sa
définition salariée au sein des organisations, mais aussi les
jeunes, qui s‟efforcent d‟apprendre et de développer leurs talents,
ainsi que les personnes âgées, qui subviennent, à la mesure de
leurs forces, aux besoins de leur existence.

Le travail affirme la primauté du travail. C‟est celui qui fait


vivre l‟homme : matériellement, socialement, psychologiquement.
Le travail facilite une ouverture sociale, des relations, des centres
d‟intérêts, des solidarités.

Enfin le travail contribue à l‟épanouissement de l‟homme.


Pour le philosophe Hannah Arendt cité par Sarnin
Philippe le travail est la condition animale minimale pour réussir
2

à vivre, à survivre, et qui permet à l‟espèce de continuer à exister.


Il fait une distinction difficile entre la condition humaine par
rapport à la condition animale. La distinction se fait plus
facilement quand l‟être humain, dans sa vie active, produit des
œuvres. Le terme œuvre est à entendre comme une sorte de
création, de recréation d‟un monde, distinct du monde naturel. On
a l‟impression que l‟homme s‟est attaché à se recréer un monde à
sa dimension, à sa mesure, avec des objets, des constructions
artificielles, l‟homme a transformé la nature.

1
Thénenet Maurice, Le travail ça s’apprend, Editions d’organisation, Paris, 2012, p.28.
2
Sarnin Philippe, Psychologie du travail et des Organisations, De Boeck Université, Bruxelles, 2007.
3
4

Pour Arendt, l‟homme s‟est en quelque sorte pris pour un


dieu, comme si, d‟un côté, « Dieu » avait crée un monde naturel et
l‟homme, à son tour, essayait de créer un monde artificiel à sa
mesure (et de par son travail).

Sarnin Philippe3 par exemple montre la valorisation


récente du travail, « on est une personne importante dans la
société si on travaille beaucoup. Il ajoute que le travail apparaît de
nos jours comme une valeur en soi, qui va même souvent servir de
repère pour estimer la valeur d‟un individu. Il fait une intéressante
référence à Adam Smith avec sa vision libérale et au marxisme: ces
deux théories sont très différentes, mais les deux aboutissent à
l‟idée que le travail est, face au jugement dernier, l’instrument de
mesure de la valeur de l’individu. En conclusion dans cette
approche, quelqu‟un qui a travaillé beaucoup, qui a produit tout
au long de sa vie des richesses, aura une valeur très positive.

Adam Smith explique Sarnin Philippe, 4voyait le travail


comme la source de toute richesse. Plus on travail, plus on gagne
de l‟argent, plus la société s‟enrichit, plus tout va aller pour le
mieux pour ses membres. Le travail est défini comme le
fondement même du développement de la société, des richesses,
de l‟économie.

Karl Marx examinait le travail à partir de sa fonction


sociale. On est humain à travers ce que le travail va permettre
d‟exprimer. Le travail ne doit donc pas être exclu de l‟activité
humaine, il doit au contraire être valorisé parce que c‟est en tant
que travailleur qu‟on existe comme être humain.

En conclusion, ces différentes approches de la notion du

3
Sarnin Philippe, opcit, p 158
4
ibidem
4
5

travail sont bien loin de celle que peut se faire la majorité de nos
concitoyens pour qui la définition même de travail serait plutôt le
une activité professionnelle qui s‟exerce contre une rémunération5.

Si le travail est nécessaire, les débats sur la croissance ou


la décroissance posent la question de savoir jusqu‟où il faut
croître, quelle quantité produire, combien d‟heures travailler ?
Naturellement, cette question ne peut être séparée d‟un examen
des conséquences des réponses à la question des fruits. Les
économies qui produisent moins imposent une autre répartition de
la frugalité et, s‟il est aisé de se mettre d‟accord sur la nécessité de
frugalité, il l‟est sans doute moins de savoir comment la répartir.
De la même manière, on peut s‟interroger sur ce que produit le
travail, l‟utilité de tel ou tel type de biens ou services.

Les économies occidentales par exemple 6créent de


l‟activité en exigeant toujours plus de normes : on produit une loi
sur le contrôle technique des véhicules et c‟est un nouveau secteur
d‟activité qui éclôt ; on invente de nouveaux dispositifs sociaux sur
ces nouveaux dispositifs. le logement, l‟environnement ou la
formation et ce sont des emplois créés pour administrer.

Malgré ses conséquences positives le travail est en


accusation : « travail 3S » pour stress, souffrance, et pour Suicide 7
des auteurs tels que Maurice Thévenet qui comme Sarnin
Philippe8, rappelleront l‟étymologie fatale de » travail » le mot latin
tripalium, un instrument de torture. D‟autres voient dans la Bible
la malédiction de Dieu condamnant Adam et ses descendants au
dur labeur : en fait, à lire le texte, c‟est surtout une vie difficile

5
P Allalouf, opcit, p27
6
Thévenet Maurice, op ;cit, p.11.
7
Thévenet Maurice, Le travail ça s’apprend, Editions d’Organisation, Groupe Eyrolle, Paris, 2012, p.9.
8
Sarnin Philippe, Psychologie du travail et des Organisations, De Boeck Université, Bruxelles, 2007.
5
6

plutôt qu‟un travail difficile que prédit Dieu9.

Le mot travail est ainsi plus souvent associé à la pénibilité


de la condition humaine: travail lors de l‟accouchement, par
exemple. Les psychologues parlent aussi de travail psychique,
d‟élaboration, de perlaboration, travail long et difficile du sujet
pour se construire avant de pouvoir se réaliser, créer, œuvrer,
choisir librement l‟orientation de sa vie.

Le travail n’est pas une évidence

A ce propos Thévenet nous explique que, le travail ne va


pas en soi. C‟est peut être la malédiction, dont les mythes
fondateurs et les étymologies ont voulu affubler le travail,
ressortit-elle, non pas à l‟originalité du travail par rapport aux
autres activités humaines, mais au fait que le travail ne va pas de
soi : produire des biens et des services pour vivre n‟est pas une
évidence. Avoir le sens de l‟efficacité, le sens des autres car tout
travail est toujours collectif et le sens d‟un minimum de valeurs
partagées sont les trois compétences de base du travail avant
même d‟aborder des savoirs techniques qui n‟en représentent
qu‟une petite partie.

L‟auteur ajoute que la réalité du travail est avant tout un


objet de fortes représentations pas toujours perçues, parfois
refusées. Ainsi, on prend la proie pour l‟ombre, on s‟accroche à
une critique du travail sans percevoir, admettre ni accepter les
représentations qui sont les nôtres. Nous venons pourtant de vivre
un siècle de sciences humaines qui auraient dû nous habituer à
déconstruire en permanence, à traquer les représentations
relatives dans nos modes d‟approche, à prendre toujours
beaucoup de distance vis à vis de nos certitudes en suspectant
9
Thévenet maurice, op.cit, p.10.
6
7

toujours quelque mécanisme de domination sur le point de nous


subvenir.

Nos analyses du travail sont marquées par ces systèmes


de représentations qui nous aident à appréhender le
fonctionnement de nos sociétés. Donnons en quelques exemples.
Les grandes références intellectuelles du XXè siècle-premier
système de représentation –nous ont habitués à interpréter
l‟existence et le fonctionnement des sociétés selon le paradigme de
la domination. Domination des structures de production dans une
analyse marxisme de la société, domination de l‟inconscient dans
une approche freudienne, domination des structures sous-jacentes
à nos sociétés dans une approche structuraliste ou encore
domination du marché dans une approche dite libérale.

On peut tout appréhender selon cette logique, le travail en


particulier, qui ne serait jamais que la domination de ceux qui
travaillent par ceux qui possèdent, ceux qui ont le pouvoir
organisationnel par rapport à ceux qui ne l‟ont pas, ceux qui
peuvent fixer les règles du jeu du marché par rapport à ceux qui
les subissent. Cette grille de la domination peut coller parfaitement
aux situations de travail quand il y a une contrainte, ou un
objectif de produire : les exemples de domination par l‟actionnaire,
le client, l‟Etat ou les structures internes de gouvernance sont
alors innombrables.

Un deuxième système de représentation consiste à faire


du travail un lieu à part, détaché du reste de l‟existence, qui
concentrerait toutes les malédictions alors que le monde qui
l‟entoure en serait exonéré. Il y aurait le travail et la vraie vie à
l‟extérieur, le lieu de souffrance d‟un côté et le lieu de bonheur
ailleurs. Cette approche des choses est particulièrement visible.

7
8

Un troisième système de représentation consisterait à


imaginer un monde de travail qui aurait perdu ses affres, sa
souffrance et son stress. La vie de travail serait un long fleuve
tranquille entièrement maîtrisé et aplani avec un
« stressogramme » plat, une sorte de vie professionnelle sans
aspérités, où probable big brother aurait tout prévu pour que
l‟expérience professionnelle soit prémunie de toute surprise, risque
ou changement. Une sorte de vie professionnelle assistée, comme
la direction d‟une voiture.

Ce système de représentation rejoint un besoin archaïque


de maîtrise, de toute puissance et d‟éternité et d‟aucuns surfent
sur cette envie illusoire pour laisser accroire qu‟il pourrait en être
ainsi de la vie professionnelle.

Sortir du carcan des spécialistes.

Deux constants donc, le travail ne va pas de soi et il est


objet de représentations ; Nous pouvons en tirer une
conséquence : le travail est une chose trop sérieuse pour être
laissée aux spécialistes du travail. Comme expérience personnelle,
le travail a surtout besoin d‟être réapproprié par chacun en faisant
la critique de ses représentations qui reste et restera pour la
plupart un moment important de l‟existence.

Pour ce faire, il faut affirmer que le travail s‟apprend. Il ne


suffit pas d‟engranger des diplômes ou des compétences validés
par des bureaucrates du référentiel pour entrer dans le tunnel des
cents soixante-huit trimestres du travail ; il ne suffit pas de se
soumettre aux règles et procédures de big brother pour accomplir
un travail dans l‟attente de la RTT, des vacances ou de la retraite.
Le travail comme expérience humaine peut être réapproprié, mais
8
9

c‟est aussi et surtout la tâche de chacun.

Il faut réaffirmer que le travail s‟apprend et qu‟il faut donc


contribuer à l‟enseigner, à le « pédagogiser », si l‟on ose ce
néologisme, qui signifie l‟accomplissement de tous à
l‟apprentissage de ces modes de représentation et de ces manières
d‟œuvrer collectivement pour produire.

Ancré dans le quotidien de millions de personnes, le


travail semble chose banale. Il n‟en est pourtant rien : d‟aucuns
soulignent les risques insupportables qu‟il fait courir alors que
tant la société que les personnes ont besoin de ses fruits 10
La question des fruits du travail reste donc pertinente. Car
les débats sur la croissance ou la décroissance posent la question
de savoir jusqu‟où il faut croître, quelle quantité produire, combien
d‟heures travailler ? et comment repartir les fruits de ce travail?

De la même manière, on peut s‟interroger sur ce que


produit le travail, l‟utilité de tel ou tel type de biens ou services.
Le travail provoque également un débat contradictoire :
pour certains il est affreux, pour, les autres il est quelque chose
d‟autre ?

Le travail c‟est affreux…


Un discours dominant s‟est progressivement installé à
propos du travail. C‟est le travail « 3S » pour Stress, Souffrance, et
Suicide. Les ouvrages qui traitent de la souffrance, de l‟éloge de la
paresse, du harcèlement ou des risques psychosociaux font de
véritable succès de librairie. Les politiciens et médias s‟émeuvent
des suicides au travail plus que de ceux des adolescents ou des
paysans.
La société a mal au travail qu‟elle voit avant tout comme un risque,
10
Thévenet Maurice, Le travail ça s’apprend, Editions d’Organisation Groupe Eyrolles, Paris, 2012.
9
10

un problème et un fardeau11.
Certains comme Sarnin Philippe12, et Thévenet Maurice13
rappelleront l‟étymologie fatale de travail dans le mot latin
tripalium, un instrument de torture. L‟idée du travail que l‟on
peut en retenir est que, parmi toutes les activités humaines, c‟est
une activité contraignante, qui limite notre liberté, une activité
aussi qui demande des efforts.

Le mot travail est ainsi plus souvent associé à la pénibilité


de la condition humaine: travail lors de l‟accouchement, par
exemple. Les psychologues parlent aussi de travail psychique,
d‟élaboration, de perlaboration, travail long et difficile du sujet
pour se construire avant de pouvoir se réaliser, créé, œuvré,
choisir librement l‟orientation de sa vie14.

Le travail, ce peut être autre chose

Malgré cette caractéristique affreuse du travail, à peu près


90% de la population active dans un pays comme la France le
travail représente pour la plupart, un lieu d‟investissement
important.
Comme dans les Tontons flingueurs, dans le travail, il y a
le mal, mais il y‟a aussi autre chose. Il suffit de regarder autour de
soi pour trouver des personnes ayant du plaisir à travailler ; et,
plus subtilement, comme dans n‟importe quelle activité humaine,
le travail est source de plaisir et de tristesse, d‟épanouissement et
de déception, de jalousie et d‟envie, de réalisation et de pouvoir.
Mieux même, la valeur travail existe, celle dont les
sociologues célèbrent régulièrement la disparition, celle que les
politologues promettent tous les cinq ans de rétablir. De manière
11
Thévenet Maurice, op.cit, p.275.
12
Sarnin Philippe, Psychologie du travail et des Organisations, De Boeck Université, Bruxelles, 2007, p.12.
13
Thévenet Maurice, Le travail ça s’apprend, Editions d’Organisation Groupe Eyrolles, Paris, 2012, p.9.
14
Sarnim Philippe, op.cit, p.13.
10
11

plus fine, la valeur travail, c‟est quand quelqu‟un se voit renvoyer


de lui-même une image plus valorisante quand il/elle est au
travail que chez soi ou ailleurs 15.

Bref, ces différentes approches de la notion du travail


sont bien loin de celle que peut se faire la majorité de nos
concitoyens pour qui la définition même de travail serait plutôt
une activité professionnelle qui s‟exerce contre une
rémunération16. Ou encore selon G. Simondon 17, voir le travail
comme une phase de la technicité et qui en ce sens fait partie de
la technique et non l‟inverse.
Qu‟est-ce que le travail ?
A l‟heure où la plupart des libellés d‟emplois ou de postes
sont abscons (incompréhensible), alors que l‟on confond parfois le
travail avec les inscriptions aux organismes sociaux, on ne peut
pas partir de l‟hypothèse que tout le monde sait comment mener
cette expérience de vie. Le sens de l‟efficacité, la prise en compte
des autres et le partage de quelques valeurs communes sont
autant de compétences implicites nécessaires au travail : peut-on
vraiment partir du principe qu‟elles sont universellement
partagés ?

Le travail, ça s‟apprend : on peut l‟enseigner et il ne serait


pas inutile de revoir les formations de management en ce sens.
Cependant, l‟apprentissage restera toujours la responsabilité des
personnes et il reste à savoir dans quelle mesure parents,
enseignants et institutions diverses aident les personnes à faire cet
apprentissage18.
B. Notions d’Organisation
a. Définitions

15
Thévenet, Maurice, op.cit, p.277.
16
P Allalouf, opcit, p27
17
G Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Aubier-Montaigne, Paris, 1969
18
Thévenet Maurice, op.cit, p.278.
11
12

Plusieurs définitions différentes du terme ”organisation”


ont été suggérées, et chacune de ces définitions reflète l‟expérience
pratique et le point de vue théorique de l‟auteur.
Ainsi selon Shimon L. Dola, Gérald L et E. Gossen , le
terme organisation s‟entend comme un ensemble des ressources
humaines , matérielles, financières, et informationnelles,
organisées en fonction d‟un but, organiser le travail c‟est aussi
remplacer l‟exploitation des ouvriers et l‟injustice engendrées par
le travail par une organisation qui rétablisse la dignité des
travailleurs19.

Une organisation est défiée comme un système de


comportements inter-reliés d‟individus qui réalisent une tâche qui
a été différenciée en différents sous-systèmes distincts, chaque
sous-système réalisent une partie de la tâche et lequel les efforts
de chacun sont intégrés en vue de réaliser de manière efficace la
tâche du système20
b. Eléments fondamentaux
Les organisations reposent sur les personnes, c‟est à dire
les ressources humaines. Les autres composantes de toutes les
organisations sont l‟établissement d‟un objectif, la division du
travail et la hiérarchie de l‟autorité.
L‟objectif
L‟organisation a pour objectif d‟offrir des biens et des
services. Un organisateur sans but lucratif, par exemple, propose
des services d‟intérêt public (santé, formation, conseil juridique,
entretien des autoroutes, etc.) L‟entreprise produit des biens de
consommation et des services (automobiles, appareils ménagers,

19
S L Dolan C., G. Lamoureux, E Gosselain, Psychologie du travail et des organisations, édition Gaétan Morin,
1996, Paris- Montréal, p12
20
Lawrence et Lorsch, cité par Wilkin Luc, Principes généraux d’organisation et de Gestion,
Presses Universitaires de Bruxelles, transparents de la séance d’introduction,2910.

12
13

dîners gastronomiques, logements, etc).

La division du travail

L‟effort de l‟être humain constitue l‟essence de toute


organisation. La décomposition du travail en différentes tâches,
qu‟accomplira un individu ou un groupe, s‟appelle la division du
travail. Cette opération permet à l‟organisation de mobiliser le
travail de nombreuses personnes afin d‟atteindre un objectif
commun21.

Exemple

McDonald‟s qui emploi une division du travail très précise


dans tous ses restaurants. On constate dès qu‟on franchit le seuil
d‟un restaurant : certains employés accueillent le client, d‟autres
préparent des hamburgers, d‟autres encore, des frites tandis qu‟un
quatrième groupe nettoie les tables. En divisant le travail et en
formant le personnel à des tâches spécialisées, l‟entreprise atteint
une remarquable efficacité tant fonctionnelle qu‟opérationnelle.
La hiérarchie de l’autorité
L‟autorité a le droit de commander certaines personnes.
Le cadre a autorité sur ses subordonnés. Lorsqu‟une organisation
décompose le travail en différentes tâches, elle doit coordonner les
efforts de chacun afin d‟atteindre l‟objectif fixé. La hiérarchie de
l‟autorité, où les postes se succèdent dans un ordre croissant
d‟autorité, facilite cette coordination. Les personnes qui ont plus
d‟autorité intrinsèque savent prendre des décisions qui se
traduisent par une coordination et une direction adéquates de

21
Schermerhon John R et les autres.., Comportement humain et Organisation, Edition RPI,édition du renouveau,
Canada, 1994, p.11.
13
14

l‟autorité des subalternes.

La hiérarchie de l‟autorité est clairement définie dans les


restaurations McDonald‟s. Les responsables portent des uniformes
particuliers et arborent des insignes à leur nom. Il est également
évident que c‟est à eux de prendre les décisions qui s‟imposent en
cas de problème.
Certains concepts fondamentaux se trouvent dans la
plupart des définitions de l‟organisation du travail. Une approche
répandue consiste à voir l‟organisation comme un système de
transformation des intrants.

Les intrants représentent le matériel brut provenant de


l‟environnement externe, puis transformé ou modifié par une
activité interne, pour être finalement retourné à l‟environnement
sous forme d‟extrants ou produits finis.
Bien qu‟il y ait plusieurs types d‟intrants pour une organisation
(énergie, matière brute, information, etc.), les ressources humaines
représentent l’ingrédient de base de toutes les organisations, et
les relations sociales constituent le facteur de cohésion qui lie les
intrants22.

Cette définition nous interpelle de par le rôle primordial qu‟elle


attribue aux ressources humaines, l‟effet de cohésion et la
transformation qui s„opère dans l‟organisation est centralisée au
sein des ressources humaines qui ont une vision transversale des
activités de l‟entreprise.

C. Pourquoi organiser le travail ?

Les capacités humaines, tant physiques que mentales,


nous obligent, parce qu‟elles sont limitées, à nous organiser. En

22
S L Dolan C., G. Lamoureux, E Gosselain, ibidem, p12
14
15

combinant les efforts de plusieurs personnes, on peut atteindre


des résultats qui dépassent les capacités d‟un seul individu. Cette
logique remonte à la nuit des temps, comme le prouve cet exemple
tiré de La Bible23

« Quelque temps après avoir guidé son peuple hors


d‟Egypte, Moïse s‟installe au pied de la montagne de Dieu. Il passe
ses journées à prendre les décisions nécessaires à la survie de la
tribu et s‟assure que chacun est nourri et vêtu correctement. Il
prête une attentive aux problèmes qui lui sont soumis, tranche les
différends et répond à tous ceux qui viennent l‟entretenir de Dieu.
Moïse a la chance de voir Jéthro, son beau-père, se joindre à lui.
Après avoir observé les activités journalières de Moïse, le sage
Jéthro fait le commentaire suivant : „Ta façon de faire n‟est pas la
bonne. Tu vas t‟épuiser, ainsi que ce peuple qui est avec toi. La
tâche est trop lourde pour toi. Tu ne peux l‟accomplir seul.

Jéthro conseille alors à Moïse de choisir certaines


personnes pour l‟aider dans ses nombreuses tâches de gestion. Il
lui suggère en outre de leur déléguer la direction des groupes de
milliers, de centaines, de cinquantaines et de dizaines de
personnes. Enfin, il encourage Moïse à les laisser juger par eux
mêmes des affaires sans grande importance qui concernent les
individus dont ils sont responsables et de ne lui rapporter que les
questions essentielles.

Jéthro a effectivement donné à Moïse un moyen


d‟organiser son peuple. « L‟organisation » de Moïse a vu le jour
lorsque certaines personnes ont été nommées « responsables » et
que d‟autres ont dû leur rendre des comptes à divers niveaux de
responsabilité. Des organisations similaires ont été créées dans
différentes circonstances. Chaque fois, l‟objectif consiste à utiliser
23
Adapté de « l’Exode », chapitre 18, La Bible, Ancien Testament, Paris, Le Livre de Poche, 1979, p.110 à 111.
15
16

au mieux les compétences de chacun et à obtenir des résultats qui


dépassent les capacités d‟un seul individu 24

1. Progrès Industriel

Avec les progrès enregistrés dans l‟industrie, les


entreprises évoluent progressivement au cours du 19è siècle d‟un
mode de production artisanale à un mode de production industriel
dans lequel il apparaît de plus en plus difficile à un ouvrier de
maîtriser l‟ensemble des opérations liées à la production d‟un bien
ou d‟un service.

Comme nous le verrons dans la suite de notre expose,


c‟est essentiellement à partir de la révolution industrielle que la
division du travail s'est développée25.

La notion d'appareil productif ne se limitant plus à sa


dimension économique et technique (progrès technique,
innovations, investissements, profits...), mais tient compte de la
dimension sociale de l'entreprise.

Ainsi il est communément admis que toute forme


d‟organisation du travail « primaire » présente aujourd‟hui quatre
objectifs :

- Produire le plus possible


- Dans les délais les plus courts
- Avec le moins d'efforts
- En tenant compte de la qualité

Organisation du travail et croissance

24
Schermerhon John R. et les autres.., Editions du Renouveau Pédagogique Inc, Canada, 1994, p.10.
25
A Smith , The Wealth of Nations, vol 2, ed Dent & Sons,1962
16
17

Le principe selon lequel une organisation efficiente


contribue à un accroissement de la production n‟est plus a
démontré. Il est possible de matérialiser cette organisation
notamment par une division effective du travail ou une
structuration adéquate des modes de production. Le simple fait
d‟allouer un grand nombre de ressources à une tâche bien précise
permettra certes de produire mais cela ne se fera pas
nécessairement de la manière la plus efficace/efficience d‟ou la
nécessité d‟organiser le travail.
Ainsi on voit :
« les différentes organisations du travail transforment
profondément l'activité des hommes dans l'entreprise, que ce soit
les relations hiérarchiques, les relations entre les salariés, ou les
relations avec les clients. Mais on ne peut pas transformer les
entreprises sans que cela ait des conséquences sur l'ensemble de
l'économie, et notamment sur la croissance. En fait, il y a deux
façons pour l'organisation du travail de stimuler la croissance
économique : par les gains de productivité d'une part, et par la
diversification de l'offre d'autre part ».

Adam Smith a clairement démontré l‟efficacité de cette


approche dans son ouvrage la Richesse des Nations (1776) ou à
travers le célèbre exemple de la manufacture d‟épingles, il
démontrait la nécessité d‟organiser le travail pour un rendement
plus efficace26.

Le passage ci-dessous de l‟ouvrage d‟Adam Smith illustre notre


propos :

Illustration I.

26
Ibidem
17
18

Prenons un exemple dans une manufacture de la plus


petite importance, mais où la division du travail s'est fait souvent
remarquer : une manufacture d'épingles.

Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage,


dont la division du travail a fait un métier particulier, ni
accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont
l'invention est probablement due encore à la division du travail, cet
ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire
une épingle dans toute sa journée, et certainement il n'en ferait
pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est
maintenant conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un
métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand
nombre de branches, dont la plupart constituent autant de
métiers particuliers.

Un ouvrier tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un


troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième
est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête
est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la
frapper est une besogne particulière; blanchir les épingles en est
une autre; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer
les papiers et d'y bouter les épingles; enfin l'important travail de
faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou
environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par
autant de mains différentes, quoique dans d'autres le même
ouvrier en remplisse deux ou trois.
J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui
n'employait que dix ouvriers, et où par conséquent quelques-uns
d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la
fabrique fût fort pauvre et, par cette raison, mal outillée,
cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à bout de
faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour : or, chaque
18
19

livre contient au delà de quatre mille épingles de taille moyenne.


Ainsi ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de quarante-
huit milliers d'épingles dans une journée; donc chaque ouvrier,
faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré
comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles.
Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment
les uns des autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette
besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt
épingles, peut-être pas une seule, dans sa journée, c'est-à-dire
pas, à coup sûr, la deux cent quarantième partie, et pas peut-être
la quatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant
en état de faire, en conséquence d'une division et d'une
combinaison convenables de leurs différentes opérations.
Dans tout autre art et manufacture, les effets de la
division du travail sont les mêmes que ceux que nous venons
d'observer dans la fabrique d'une épingle, quoiqu'en un grand
nombre le travail ne puisse pas être aussi subdivisé ni réduit à des
opérations d'une aussi grande simplicité. Toutefois, dans chaque
art, la division du travail, aussi loin qu'elle peut y être portée,
donne lieu à un accroissement proportionnel dans la puissance
productive du travail. C'est cet avantage qui parait avoir donné
naissance à la séparation des divers emplois et métiers. Aussi cette
séparation est en général poussée plus loin dans les pays qui
jouissent du plus haut degré de perfectionnement : ce qui, dans
une société encore un peu grossière, est l'ouvrage d'un seul
homme, devient, dans une société plus avancée, la besogne de
plusieurs. Dans toute société avancée, un fermier en général n'est
que fermier, un fabricant n'est que fabricant. Le travail nécessaire
pour produire complètement un objet manufacturé est aussi
presque toujours divisé entre un grand nombre de mains. Que de
métiers différents sont employés dans chaque branche des
ouvrages manufacturés, de toile ou de laine, depuis l'ouvrier qui
travaille à faire croître le lin et la laine jusqu'à celui qui est
19
20

employé à blanchir et à lisser la toile ou à teindre et à lustrer le


drap! » [L.1, Chap.1, pp. 39-40]
De manière générale, même si Smith vise essentiellement
la division du travail dans cet exemple, la division du travail n‟est
en fait qu‟une des nombreuses applications de l‟organisation du
travail. Il existe donc un lien très étroit entre la structuration des
modes de production via l’organisation du travail et la
croissance.

20
21

CHAPITRE I : LES ANCIENNES FORMES D‟ORGANISATION DU


TRAVAIL27
I.1. Aperçu historique
Déjà à l‟époque de l‟Egypte antique il existait des formes
bien précises d‟organisations de travail avec des corps de métiers
bien définis. La mise en place de mécanisme de production
collective et organisée a permis à différents grandes puissances,
tels que l‟Empire romain, de prospérer dans l‟agriculture et
l‟urbanisation de ces territoires.

Dans de nombreux secteurs, il existait des corporations


ou les ouvriers étaient déjà encadrés par des patrons détenteurs
d‟un certain « savoir faire ». L'ouvrier était qualifié et capable de
transmettre son savoir-faire aux plus jeunes. Il avait une certaine
liberté et la structure était essentiellement basée sur la
connaissance de l‟ancien, transmise de génération en génération.

L’organisation des structures de travail était de nature


corporatiste ; les corporations avaient leur propre règle et
mécanismes organisationnels. Comme dit précédemment, les
corporations se sont clairement manifestées à l‟époque de
l’Empire romain, il s’agissait essentiellement d’associations à
l’intérieur d’un même métier.

Mais c‟est vers le XIIIe siècle qu‟elles ont pris un réel essor
et se sont répandues dans toute l‟Europe et ce notamment de par
leur proximité avec la structure du clergé de l‟époque. Les
corporations étaient fortement hiérarchisées, hiérarchie dictée par

27
Pierre Ernest Mura, Les Anciennes corporations, Chronique des religieux de Saint-Vincent-de-Paul,n 43,
Edition de la Congrégation, 1961.
21
22

les compétences de chacun et la nécessite de conserver le savoir


au sein du groupe.
I.2. La structure la plus commune
La structure la plus commune était la suivante :
 les apprentis
Premier stage de formation, il est lié à son maître par une forme de
contrat…, le maître ne peut le révoquer que pour raisons graves

 les compagnons
Ils correspondent à la classe ouvrière actuelle- ils aspirent soit à
devenir maître ou restent compagnons par manque de
financement ou de savoir faire…
 Les maîtres
L‟ouvrier dûment formé et qualifié peut accéder à la
maîtrise mais il doit passer un examen et démontrer ses aptitudes
à la maîtrise en produisant ce qui à l‟époque on nommait « chef
d‟œuvre », c'est-à-dire une réalisation témoignant de sa maîtrise de
l‟outil professionnel, de la possession du métier.

 Les Jurés
Ce sont les administrateurs des corps de métiers, ils ont
pour fonction de défendre les droits et privilèges du corps qu‟ils
représentent.
Notons que les corporations ont été théoriquement
supprimées en France par la loi le Chapelier en 1791.

Illustration II.
Extrait d‟Hétérogénéité du travail et Organisation des travailleurs-

J Freyssinet- L‟ère préindustrielle- Fascicule n2-


Décembre 004
Le modèle corporatif

22
23

Une forme typique, largement diffusée, d‟organisation des


activités artisanales et commerciales dans les sociétés
préindustrielles est aujourd‟hui usuellement désignée par le terme
de « corporation ». Nous respecterons cet usage dont on sait qu‟il
est largement anachronique. Il n‟apparaît en France qu‟au cours
du XVIII° siècle, maladroitement transposé de l‟anglais corporation
(alors que, dans cette langue, on utilisait plutôt guild). Il est alors
employé par les adversaires d‟institutions que l‟on qualifiait,
depuis des siècles, par d‟autres termes, le plus souvent « maîtrises
», « jurandes » ou « communautés d‟arts et de métiers ». Quel que
soit le vocable adopté, il désigne une institution d‟organisation de
la production et du travail fondée sur le métier.

Si elle encadre l‟ensemble des travailleurs d‟un métier, la


corporation est contrôlée par les seuls maîtres. Mobilisés dans ce
cadre, les compagnons y occupent une position dominée ; c‟est en
référence à la corporation, mais hors de celle-ci qu‟ils s‟organisent,
en particulier dans des confréries et des compagnonnages.

Abolies, en France, dès les premières années de la


Révolution, ces formes d‟organisation auront une longue
descendance, d‟une part, en inspirant des doctrines politiques et
sociales fort hétérogènes, d‟autre part, en donnant certains de ses
principes de base au syndicalisme de métier. Elles constituent
donc un point de départ nécessaire pour interpréter des modes de
pensée, d‟action et d‟organisation qui perdureront au XIX° et au
XX° siècle.

A. La « corporation » : un métier dans un territoire

La naissance ou renaissance des corporations en Europe


occidentale est habituellement située au XI° siècle8. Renaissance
peut-être, dans la mesure où des corporations avaient existé à
23
24

Rome (elles y étaient surtout les instruments d‟un contrôle


étatique de la production) et avaient subsisté à Byzance ;
continuité aussi dans la mesure où les invasions germaniques
avaient introduit les ghildes, associations à la fois d‟entraide, de
convivialité festive et de pratique religieuse.

Par ailleurs, les corporations étaient bien implantées dans


le monde musulman. Les influences sont vraisemblables, mais les
continuités difficiles à repérer dans la nuit du Haut Moyen Age. Au
XI° siècle, donc, naît une forme nouvelle ou renouvelée
d‟organisation des métiers ; elle jouera un rôle prédominant et
durable en Europe occidentale et, en particulier, en France jusqu‟à
la Révolution.

Les modalités précises de fonctionnement des corporations


varient à l‟infini selon les régions et les périodes. Seul nous
intéresse ici l‟établissement d‟un modèle construit à partir des
caractéristiques les plus fréquentes et les plus permanentes
repérées par les historiens. Trois traits spécifiques des
corporations peuvent être distingués : la place centrale qu‟y
occupe le métier, leur nature hiérarchisée, leur caractère
plurifonctionnel.
1. Le métier
La corporation d‟artisans regroupe un ensemble de
travailleurs qui utilisent les mêmes matières premières et les
mêmes techniques de production pour fabriquer des gammes de
produits normalisés de nature très proche. Les corporations de
marchands assurent la commercialisation de produits spécifiques
respectant certaines normes de qualité. La compétence
professionnelle est donc, dans son principe, l‟élément fondateur de
la corporation et elle délimite son champ d‟action : la maîtrise de
techniques ou connaissances particulières associées à des types
définis de produits.
24
25

Un second caractère est constitutif de la corporation : la


détention d‟un monopole sur un territoire urbain. Généralement ce
territoire coïncide avec celui de la cité intra muros. Non seulement
les campagnes échappent au monopole de la corporation mais
aussi, le plus souvent, les faubourgs des villes et parfois certains
quartiers.

La corporation naît du croisement d’un métier et d’un


territoire. Il en résulte des conflits de délimitation qui agitent en
permanence l‟histoire des corporations (et qui seront, plus tard, un
enjeu stratégique du syndicalisme de métier).
En premier lieu, chaque corporation défend et cherche à
élargir son segment professionnel. Elle est aux prises d‟abord avec
d‟autres corporations dont les techniques ou les produits sont
voisins, ensuite avec des professions libres, c‟est-à-dire non
soumises à la forme corporative, enfin avec des concurrences
illégales de producteurs plus ou moins clandestins (travailleurs «
en chambre », notamment).

En second lieu, chaque corporation est en concurrence


avec les producteurs des territoires qui échappent à sa compétence
; tantôt, elle essaye de se les soumettre, tantôt elle pourchasse et
détruit leurs produits.

La justification du monopole est, de ce fait, au centre de


l‟idéologie corporative. Elle s‟appuie principalement sur les
garanties de qualité du produit offertes à l‟utilisateur, celles-ci
reposant à leur tour sur la qualification professionnelle et sur le
respect des normes de fabrication dont l‟organisation corporative
assure le contrôle.

2. Les hiérarchies
25
26

Les corporations sont des organisations hiérarchisées qui


s‟insèrent à leur tour dans un ordre Social hiérarchisé.

2.1. Hiérarchies internes

La hiérarchie première est celle qui s‟établit entre


apprentis, compagnons et maîtres. Théoriquement, elle dessine un
itinéraire professionnel dont les étapes sont codifiées.
L‟apprentissage a une durée limitée, différente selon les métiers ; le
maître en a la responsabilité, sous le contrôle de la corporation, et
en valide l‟achèvement. Le compagnon acquiert, après
l‟apprentissage, la pleine domination de son art ; son accès à la
maîtrise est prononcé par un jury corporatif, souvent après
réalisation d‟un chef d‟œuvre. Telle est la théorie. L‟évolution
historique a tendanciellement transformé cette progression
professionnelle en une sélection sociale. Les maîtrises sont
généralement devenues héréditaires, les enfants du maître y
accédant après un apprentissage abrégé et souvent avec
dispense de chef d’œuvre 10. Parallèlement, hors transmission
héréditaire, l‟accès à la maîtrise a été de moins en moins lié une
vérification de compétence professionnelle et de plus en plus au
payement de droits, soit à la corporation, soit au pouvoir royal ou
à ses délégués.

L‟état de compagnon, supposé transitoire, est devenu la


situation définitive de ceux qui étaient dépourvus de moyens
financiers ou n‟avaient pas la chance d‟épouser la veuve ou la fille
du maître. La maîtrise, de titre professionnel est devenue un titre
patrimonial.
26
27

À cette hiérarchie centrale codifiée, l‟évolution historique


en ajoute une seconde, informelle celle-là, édifiée entre les maîtres.
Les inégalités de dimension entre ateliers ou entre commerces et
les inégalités de fortune qui y correspondent provoquent la
constitution d‟oligarchies qui prennent le pouvoir dans les
instances corporatives: organisation et représentation de la
profession, contrôle de l‟activité de leurs pairs, filtrage de l‟accès à
la maîtrise. Parmi les doléances exprimées de manière récurrente
figurent celles des « petits » maîtres qui s‟estiment soumis à la
domination et à l‟arbitraire des « gros ».

2.2. Hiérarchie entre corporations

Dans l‟idéologie du monde préindustriel, l‟exercice d‟un


travail manuel caractérise un statut social inférieur. Les conflits
entre corporations ne portent pas seulement sur leurs territoires ;
ils sont aussi des luttes de classement. Ces classements sont
imprimés dans les mentalités, codifiés dans les cérémonies et
défilés officiels. De manière logique, le premier critère utilisé est
fondé sur la distance au travail manuel. Il hiérarchise les
différentes catégories d‟artisans puis, au-dessus d‟eux, de
commerçants avec, au sommet, les « six grands corps » des
corporations parisiennes.

L‟essor de premières formes de production capitaliste


perturbe le panorama. Ce sont les marchands les plus puissants
qui organisent la production pour de vastes marchés. Selon les
contraintes techniques ou les conditions de coût relatif, ils créent
des manufactures et/ou organisent des réseaux de sous-traitance.
Dans le second cas, ils ont soit recours au travail à domicile sur
une base individuelle ou familiale, soit recours aux artisans qui
prennent en charge certains fragments des filières productives.
27
28

Ainsi naît une segmentation « moderne » au sein du monde


corporatif : des maîtres artisans formellement indépendants
produisent pour des donneurs d‟ordre, commerçants eux-mêmes
organisés en corporations.

Ces derniers fournissent les matières premières et


achètent les produits à des prix qu‟ils imposent, notamment par
mise en concurrence avec les territoires hors corporations. De
telles formes d‟organisation sont apparues dès le XII° siècle dans la
draperie des grandes villes du Nord ; elles se sont ensuite élargies,
géographiquement et sectorielle ment. Ainsi, Emile Coornaert
distingue-t-il entre « corporations d‟intérêt local » et « corporations
de grande industrie » (Coornaert, 1941, pp.235-247). Les
corporations réunissant des artisans en voie de prolétarisation
seront à l‟origine de luttes sociales violentes, massives et
férocement réprimées ; maîtres et compagnons s‟y trouvent unis
contre la domination du capital
Marchand.

2.3. Les corporations dans une société hiérarchisée

La société d‟Ancien régime est segmentée en un ensemble


de corps intermédiaires dont les fonctions sont spécialisées, dont
les rapports sont hiérarchisés et qui concourent à l‟exercice du
pouvoir royal et à la reproduction de l‟ordre social. Au dernier rang
des trois grands ordres, le Tiers Etat est lui-même stratifié. Les «
arts libéraux » sont généralement organisés en corps ou collèges
(hommes de lois, médecins, architectes…) qui ont le pas sur la
corporation. Celles-ci, à leur tour, parce qu‟elles regroupent des
catégories dont la qualification professionnelle est reconnue,
situent leurs membres au-dessus des travailleurs peu qualifiés et
inorganisés (hommes de peine, travailleurs à domicile,
domestiques …).
28
29

Finalement, se rangent les vagabondes, mendiantes et


autres classes dangereuses, toujours pourchassées, toujours
renouvelées. Les corporations ne peuvent donc être comprises
qu‟en tenant compte, au-delà de leur rôle productif, des fonctions
qu‟elles exercent dans la régulation d‟une société stratifiée.

29
30

CHAPITRE II. LE TAYLORISME, LE FAYOLISME ET LE


FORDISME : L‟ENTREE DANS LES TEMPS MODERNES

II.1. Principes fondamentaux du Taylorisme

Après les corporations, des nouvelles structures se sont


mises en place, structures proches des entreprises que l‟ont
connaît aujourd‟hui.

Les moyens de production sont devenus de plus en plus


puissants, perfectionnés et coûteux, les progrès très rapides des
fabrications nouvelles, des matières utilisées, des procédés
d‟exécution, obligent à adapter continuellement les programmes de
production, les machines, l‟outillage, la main-d‟œuvre, ce qui
conduit à des investissements dont l‟amortissement doit être prévu
et assuré par des débouchés nouveaux. Tous ces problèmes ne
peuvent être résolus de façon optimale que par une organisation
scientifique conduite28.

Les anglo-saxons seront les précurseurs d‟une nouvelle


forme d‟organisation de travail dans ces entreprises.

Comme l‟objectif de l‟entreprise étant de produire à


moindre coût, un certain nombre d‟auteurs se sont interrogés sur
la manière dont l‟entreprise pouvait s‟organiser pour rendre son
organisation plus conforme à l‟objectif d‟efficacité et d‟efficience.

Taylor (1856-1915) un ingénieur américain s‟est intéressé


de près à cette nouvelle organisation du travail qui était en train
d‟émerger à la fin du 19è siècle. Il est parti du constat que les
ouvriers dans les usines ne travaillaient pas d‟une manière efficace

28
A.R.François, Manuel d’Organisation, organisation du travail, les Editions d’Organisation, Edition hommes et
technique, Paris, 1985, p.28.
30
31

et productive.

Se basant sur l‟observation des ouvriers dans les usines, il a


essayé de dégager une “démarche scientifique” permettant
d‟améliorer la productivité du facteur travail : Il observe que dans
l‟industrie, ce sont les ouvriers qualifiés qui ont une bonne partie
du pouvoir car ils sont les seuls à maîtriser les gestes techniques,
les savoir-faire de leur profession, ils en profitent pour choisir leur
rythme de travail (évidemment un peu lent, du point de vue du
patron..) et donc freiner la croissance de la productivité.

Pour résoudre ce problème et en quelque sorte


déposséder les ouvriers qualifiés de ce pouvoir, Taylor va proposer
une organisation scientifique du travail (OST).
Dans son essence, le système de direction scientifique
implique une révolution complète de l’état d’esprit des
ouvriers, une révolution complète en ce qui concerne la façon dont
ils envisagent leurs devoirs vis à vis de leur travail, vis à vis de
leurs employeurs.
Le système implique également une révolution complète
d‟état d‟esprit chez ceux qui sont du côté de la direction ; les
contres maîtres, ingénieurs, chefs d‟atelier et de service,
propriétaires de l‟entreprise et membres du conseil de direction,
une révolution complète sur la façon dont ils envisagent leurs
devoirs vis à vis de leurs collègues membres de la direction, vis à
vis de leurs ouvriers et en face de leurs problèmes journaliers. Et
si cette révolution d‟état d‟esprit n‟est pas complète des deux cotés,
alors le système de direction scientifique n‟existe pas 29.
II.2. L’organisation du travail selon Taylor
II.2.1. Division du travail
On sépare le travail de conception du travail d‟exécution.

29
Wilkin Luc, Principes généraux d’organisation et de gestion, Cours, Presses Universitaires de Bruxelles, 2010,
p4.
31
32

Les ouvriers font ce que les ingénieurs, qui ont étudié


scientifiquement le processus de production, leur disent de faire.
Les ingénieurs déterminent les mécanismes de production et les
gestes, divisent le travail, attribuent à chaque tâche un temps de
réalisation (c‟est le “chronométrage”). Les ouvriers n‟ont plus à
penser (ce qui prendrait du temps), ils n‟ont plus qu‟à produire en
respectant les consignes données par le ”Bureau des Méthodes”
(les ingénieurs).
L‟analyse par les ingénieurs du processus de fabrication
permet de décomposer la production en tâches simples et permet
d‟éviter toute perte de temps. De même, l‟étude scientifique de
l‟environnement du travailleur permet de stoker à portée de main
tout ce qui lui est nécessaire pour produire (outils, petites pièces,
matières premières). Le but est d‟éviter les déplacements des
ouvriers, la “ flânerie” et les temps morts, comme dit Taylor.

Car observant le travail en atelier, il met tout d‟abord en


évidence ce qui, pour lui, est intolérable : la flânerie, c‟est à dire la
restriction de la production. Sur le plan économique, la disparition
de la flânerie aurait des conséquences considérables :

La disparition de cette flânerie provoquerait un tel


abaissement du prix de revient, que nos marchés effets intérieurs
et extérieurs seraient considérablement élargis ; ainsi disparaîtrait
une des causes de nos difficultés sociales, le paupérisation, et
cette infortune serait soulagée d‟une manière plus efficace et plus
complète que par les remèdes appliqués jusqu‟ici….

II.2.2. Différentes sortes de flânerie

 flânerie naturelle

La flânerie naturelle, c‟est à dire une tendance à adopter


32
33

« une allure lente et commode ». Il s‟agit là d‟un instinct naturel


très répandu, ce qui ne porterait guère à conséquence s‟il ne
s‟accroissait : « lorsqu‟on met un certain nombre d‟ouvriers
ensemble, sur un travail similaire et qu‟on les paye à un tarif
journalier uniforme ».

La paresse naturelle est elle stimulée par le travail en


groupe et uniformément rétribué : « Dans ce système, les meilleurs
ouvriers ralentissent graduellement, mais sûrement, leur vitesse
jusqu‟à celle des ouvriers les plus mauvais et les moins productifs.
Quand un homme naturellement énergique travaille pendant
quelques jours à côté d‟un paresseux. Il est amené logiquement au
raisonnement sans réplique suivant „pourquoi travaillerais-je plus
que ce fainéant qui gagne autant que moi et qui produit moitié
moins ? »

 La flânerie systématique organisée

La flânerie systématique organisée « système soldiering »


est plus préjudiciable on peut la qualifier de restriction volontaire
de production ou freinage systématique, et écrit Taylor à ce
propos que : « elle est pratiquée par les ouvriers avec l‟intention
délibérée de tenir leurs patron dans l‟ignorance de la vitesse avec
laquelle on peut faire un travail. Cette flânerie est si
universellement pratiquée dans ce but qu‟on aurait peine à trouver
dans un grand établissement, un ouvrier travaillant à la journée
ou aux pièces, à l‟entreprise ou suivant tout autre système
ordinaire, qui ne passe une partie considérable de son temps à
étudier quelle est la juste lenteur avec laquelle il doit travailler,
pour convaincre encore son patron qu‟il marche à bonne allure. »

Trois facteurs sont à l‟origine de la flânerie systématique :

33
34

- Le préjugé fortement ancré dans la mentalité ouvrière selon


laquelle l‟augmentation de la production individuelle entraîne
automatiquement le chômage ;
- Les systèmes de paie déficients qui poussent littéralement
l‟ouvrier à flâner ;
- Des méthodes empiriques de travail donc archaïques dont la
conséquence est un gaspillage de main- d‟œuvre.

En ce qui concerne la première cause, il s‟agit d‟un


préjugé, d‟une croyance qui n‟a aucun fondement solide. En effet,
écrit Taylor, ce qu‟il faut bien comprendre, c‟est cette loi
fondamentale de l‟économie : « la baisse du prix de revient d‟un
objet usuel correspond immédiatement à une augmentation de la
demande de cet objet ».

En d‟autres termes, si chaque ouvrier produit plus dans le


même temps, la baisse du prix de revient serait telle que la
demande croissante entraînerait automatiquement l‟embauche
d‟ouvriers supplémentaires. D‟ailleurs, les ouvriers ont
constamment devant les yeux des « leçons de choses » du genre.
Pour ce qui est de la production de chaussures, par exemple, cet
objet, à l‟origine objet de luxe, devient produit de consommation
courant par l‟effet de l‟accroissement de la productivité :

Cette fabrication, autrefois faite entièrement à la main a


eu pour conséquence d‟abaisser le prix de revient et le prix de
vente de cet article, à un point tel que chaque membre de la classe
ouvrière peut acheter une ou deux paires de souliers par an et est
constamment chaussé.
Autrefois, au contraire, l‟ouvrier n‟achetait qu‟une paire de souliers
tous les cinq ans et allait le plus souvent pieds nus.

34
35

L‟usage des chaussures était un luxe et non pas une


nécessité absolue. Malgré l‟accroissement énorme de production
par ouvrier employé, la demande a tellement augmenté que cette
industrie occupe actuellement plus d‟hommes qu‟autres fois30

A la base de ce résultat on peut parler ici de parcellisation


du travail. Cette parcellisation et le chronométrage ont permis de
payer les ouvriers au rendement: le salaire est directement lié au
nombre de pièces fabriquées (salaires aux rendements). Une
nouvelle cadence est donc introduite dans le processus de
production31. Ce mode d‟organisation du travail transforme les
conditions de la production, en particulier en justifiant une
concentration accrue de travailleurs dans un même lieu.

Notons néanmoins que l‟économiste anglais A Smith avait


déjà dégagé les avantages, en termes de productivité, de la
parcellisation du travail32.

On peut remarquer également que le taylorisme n‟est pas


que des conséquences ‟économique, il a aussi des conséquences
sociales importantes: les travailleurs sont de plus en plus
dépendants les uns des autres, on ne leur reconnaît plus aucune
capacité à organiser leur activité, ils sont donc aussi de plus en
plus dépendants de leur supérieurs.

C‟est donc des liens sociaux nouveaux qui se tissent en


même temps que se diffuse le taylorisme. Et si la
déresponsabilisation des ouvriers a dans un premier temps
contribué à l‟accroissement de la productivité et donc à la
croissance, il n‟en est plus de même aujourd‟hui, on le verra plus

30
Wilkin Luc,op.cit, p.7.
31
B Coriat, L’atelier et le chronomètre, Christian Bourgeois éditeur, Paris, 1979
32
Voir opcit A Smith , The Weath of Nations, vol 2, ed Dent & Sons,1962
35
36

loin.
Bref cette organisation rationnelle se résume sur 3
principes33 :
a) Séparation radicale entre la conception et l'exécution
C'est la division verticale du travail. La conception
concerne les bureaux des méthodes dont le rôle est de penser (cols
blancs). L'exécution concerne les ateliers dont le rôle est de mettre
en pratique et fabriquer (cols bleus). L'objectif est de mettre en
valeur le savoir faire de l'ouvrier.
b) Découpage des activités en tâches élémentaires et non
qualifiées
C'est la division horizontale du travail ; la parcellisation
des tâches:
Une tâche simple
Une tâche répétitive
En peu de temps
La méthode la plus efficace : "the one best way"
c) Le salaire est lie au rendement
L'appât du gain permet de stimuler l'activité et la
productivité et d'obliger l'ouvrier spécialisé (OS) à suivre la
cadence.

Les objectifs et moyens de l‟entreprise taylorienne ont été


brillamment illustrés par le professeur J-L Peaucelle dans le
tableau suivant34.

Objectifs de l’entreprise Les moyens pour atteindre


taylorienne les objectifs
Division du travail

33
A ce sujet voir aussi A. Fournier et N Questiaux, Traite du social, Col, Etudes politiques et économiques et
sociales, 4ed, ed Dalloz, 1984
34
J-Paucelle, Du Taylorisme au post taylorisme : poursuivre plusieurs objectifs de gestion simultanément, cours
publie sur le site de l’Université de la Réunion.
36
37

Productivité (efficience) Organisation scientifique du


travail (OST)
Modes opératoires formalises

Bref l‟objet et l‟objectif de l „organisation scientifique Taylor se


résume comme :
- la satisfaction conjointe des employeurs et des ouvriers, la
communauté des intérêts
- une révolution mentale des deux côtés
- une philosophie des principes généraux et des mécanismes
ou méthodes d‟organisation.
II.3. Aperçu de l’approche de Fayol (1842-1925)
Fayol vient d‟être nommé directeur de la mine de
Commentry au moment où il commence ces recherches. Il n‟aurait
pas pu les entreprendre en tant que simple ingénieur. Son
autonomie hiérarchique lui donne pouvoir de faire de la recherche,
c‟est à dire les moyens humains et financiers, et surtout la
capacité à supporter le risque de ne pas avoir de résultat.

Ces deux ingénieurs abordent les questions industrielles


avec la même détermination à innover, en s‟appuyant sur la
méthode scientifique. Cependant leurs pensées vont diverger,
parce que les conditions dans lesquelles ils travaillent sont
différentes. On connaît les exemples fournis par Taylor. Voici une
réorganisation menée par Fayol lui-même.

Fayol ingénieur se préoccupe des mêmes problèmes que


Taylor. Face au même problème d‟optimisation technique, ils ont
eu la même attitude, l‟expérimentation scientifique. Alors les
différences de leurs pensées sont probablement dues aux terrains
où ils ont agi. Ils sont ingénieurs, engagés dans le concret de leur
métier. Ils construisent leurs idées à partir d‟une pratique.

37
38

Ces idées sont différentes parce que ces problèmes qu‟ils


ont rencontrés sont différents. Les houillères et les usines
métallurgiques sont des terrains spécifiques. Leurs doctrines
d‟organisation sont adaptées à chaque cas. Ils ont apporté des
réponses contingentes (exceptionnelles).

Ensuite, ils ont, l‟un comme l‟autre, postulé (réclamé) que


ce terrain était représentatif de tous les problèmes industriels. La
théorie générale qu‟ils ont édifiée était parfaitement pertinente
pour ces industries. Le succès de la pensée de Taylor vient du fait
que les industries en forte croissance, au 20° siècle, ont été celles
qui avaient les caractéristiques des industries métallurgiques.

Cette comparaison montre une grande similitude entre


Fayol et Taylor sur l‟attitude intellectuelle de recherche de
l‟optimisation technique, par l‟expérimentation des diverses
solutions. Les contemporains parlaient de leur personnalité à peu
près dans les mêmes termes.

Voici deux citations de témoins rapprochés. Thompson,


son propagandiste en France dit que Taylor était « à la fois
conservateur et radical. Il appartenait incontestablement au type
des positivistes ». Maurice de Longevialle parle du patron de la
société Commentry Fourchambault. « Ce non-conformisme, cette
indépendance d‟esprit, cette espèce de foncière irrévérence jointe à
un grand respect de l‟autorité et des valeurs établies, est un des
traits les plus marquants du caractère de Henri Fayol. »

JP Peaucelle Grégoire fait une analyse entre ce qui est commun


et ce qui oppose ces deux auteurs sur le point micro et macro
économique voir Illustration ci-dessous :

ILLUSTRATION III : L’organisation du travail dans les


38
39

Houillères – Approche de Fayol

JP Peaucelle Gregeoi- source annales.org


II.3.1. L‟opposition entre Fayol et Taylor
Tout semble avoir été dit sur l‟opposition de leurs pensées.
Taylor meurt en 1915. Un an après, Fayol l‟attaque. Mais, en
1925, avant de mourir, il accepte une conciliation de leurs
pensées, sous l‟égide des organisateurs français et européens.
Taylor pour l‟atelier. Fayol pour la direction générale, Dans ce
débat ancien, cet article veut montrer la similarité de leurs
démarches et expliquer les différences de leurs doctrines par les
spécificités des industries dont ils avaient l‟expérience. Il s‟appuie
principalement sur un article de jeunesse de Fayol.

Ce document [7] est un article de 1882, publié dans les


Comptes rendus mensuels de la Société de l‟Industrie Minérale.
Fayol réorganise le travail dans la houillère de Commentry. Et il
explique ses décisions. On voit, sur cet exemple, comment il
aborde les questions d‟organisation. Dans la mine, après avoir
retiré le charbon, il faut le remplacer par des cailloux pour éviter
les éboulements et les affaissements de terrain. Le remblayage
était fait de nuit pendant que l‟exploitation du charbon était faite
de jour. Fayol organise le remblayage de jour, exécuté par les
ouvriers d‟exploitation eux-mêmes. Il accroît donc la polyvalence.
C‟est une démarche contradictoire avec la division du travail. Il
justifie cette solution par le coût global et la souplesse dans le
travail. Sa solution est d‟ailleurs adoptée ensuite dans toutes les
mines du centre de la France.

Donc, Fayol ingénieur se préoccupe des mêmes problèmes


que Taylor. On le voit dans un autre article de Fayol [5] où il
cherche le matériau optimal pour étayer les galeries. Face au
même problème d‟optimisation technique, ils ont eu la même
39
40

attitude, l‟expérimentation scientifique. Alors les différences de


leurs pensées sont probablement dues aux terrains où ils ont agi.
Ils sont ingénieurs, engagés dans le concret de leur métier. Ils
construisent leurs idées à partir d‟une pratique. Ces idées sont
différentes parce que ces problèmes qu‟ils ont rencontrés sont
différents. Les houillères et les usines métallurgiques sont des
terrains spécifiques. Leurs doctrines d‟organisation sont adaptées
à chaque cas. Ils ont apporté des réponses contingentes. Ensuite,
ils ont, l‟un comme l‟autre, postulé que ce terrain était
représentatif de tous les problèmes industriels. La théorie générale
qu‟ils ont édifiée était parfaitement pertinente pour ces industries.
Le succès de la pensée de Taylor vient du fait que les industries en
forte croissance, au 20° siècle, ont été celles qui avaient les
caractéristiques des industries métallurgiques.

Le présent article ne propose pas de gommer les


différences entre Fayol et Taylor. Il veut expliquer leurs oppositions
par les circonstances industrielles où sont nées ces pensées. Il
conduit ainsi à mieux comprendre les raisons du succès pratique
de chacune. Il commence en présentant Fayol comme un
expérimentateur pour trouver une solution optimale. Ensuite, il le
dévoile comme organisateur du travail sur le front de taille.
II.3.2. Fayol expérimentateur scientifique
Taylor est d‟abord l‟homme des 26 années d‟étude de la
taille des métaux. Il y acquiert tous les réflexes de l‟étude
scientifique appliquée. Il réutilisera ensuite toutes ces
connaissances pour l‟étude de l‟organisation du travail. Fayol a
suivi le même chemin, au départ. Il a mené une étude technique
selon les principes de la recherche scientifique. Il a trouvé la
meilleure solution. Il l‟a fait appliquer uniformément dans sa mine.

Voici le problème dont il s‟agit : après avoir creusé une


galerie, on étaye la partie supérieure, avec des poutres. Divers
40
41

matériaux, bois et fer, sont utilisés. Quel est le meilleur ? Voilà


une question forte analogue à celle de la taille des métaux. Fayol y
applique la même méthode, de 1867 à 1874, l‟expérimentation en
laboratoire et l‟expérimentation sur le terrain.

Ce problème était relativement nouveau. Commentry a


d‟abord exploité le charbon à ciel ouvert. Il affleurait presque et on
ne faisait que creuser. Une gigantesque fosse, proche du cœur de
la ville, en est la trace encore visible aujourd‟hui. Au 19° siècle, il a
fallu exploiter le charbon en souterrain. Les galeries étaient
étayées pour une durée longue, de plusieurs années.
Fayol a commencé ce travail en 1867, dès qu‟il a été
nommé directeur de la houillère. Il en parle dans une note
technique datée de 1874 [5]. Il a d‟abord identifié l‟étendue des
choix possibles : bois ou rails de récupération. La deuxième
solution est chère mais dure plus longtemps. Le problème serait
résolu si on utilisait du bois qui ne pourrisse pas. La question
technique est donc de rechercher comment le bois pourrit quand il
est installé dans la mine. Plus précisément, par quels procédés on
peut lui éviter de pourrir.
Diverses essences de bois sont disponibles sur le marché.
On peut leur faire subir plusieurs traitements préventifs. Ces
traitements diffèrent par le produit chimique utilisé, la durée, la
concentration. Fayol construit les épreuves pour tester le
pourrissement : sous 15 cm de terre durant 3 ans, en position
dans une galerie mal aérée, pendant une durée de 2 à 7 ans. Au
résultat, le bois est plus ou moins pourri. Fayol se construit une
échelle à quatre degrés pour caractériser l‟état de pourrissement
du bois.
Il expérimente toutes les combinaisons de ces paramètres.
Douze essences de bois, chêne, sapin, verne, hêtre, acacia,
charme, érable, cerisier, tremble, bouleau, peuplier, merisier. Cinq
produits chimiques pour imprégner le bois, créosote, sulfate de
41
42

cuivre, chlorure de zinc, goudron à 140°, sulfate de fer. Il ajoute


un traitement thermique de flambage et la situation témoin, le bois
non préparé. C‟est lui qui pourrit toujours le plus vite.
Les expériences montrent que le sulfate de fer n‟est pas le
meilleur préservatif contre la pourriture ; mais c‟est la substance
la moins chère et la moins vénéneuse, et ses effets sont encore
considérables. Le critère de choix n‟est pas celui d‟une efficacité
technique maximale mais celui d‟une efficacité économique. Les
bois qui se conservent le mieux sont le chêne, l‟orme, l‟acacia, le
cerisier, le sapin.
Parallèlement, il avait focalisé ses expériences sur le
sulfate de fer et le goudron qui sont assez comparables en coût et
en efficacité. Fayol fait varier la durée d‟imprégnation et limite ses
expériences au sapin et au chêne. Les effets sont d‟autant
meilleurs que la dissolution est plus concentrée et que l‟immersion
est plus longue. Mais, en pratique, une immersion de 24 heures
est parfaitement suffisante. Le résultat fait plus que tripler la
durée des étais en bois. Dès lors, les vieux rails ne peuvent plus
être économiques, et comme ils sont d‟un emploi moins commode
que le bois, nous n‟en étendons pas l‟usage. Le coût du sulfatage
revient à 0,05F par mètre d‟étai.

L‟étude expérimentale, en 7 années, a montré la meilleure


solution et celle-ci est imposée dans toute la mine. En publiant
son article, Fayol conduit ses collègues à choisir la même solution,
partout. Il n‟a nullement le sentiment de détenir un avantage
spécifique dans la concurrence avec les autres mines. Sa
démarche expérimentale est très similaire à celle de la coupe des
métaux pour Taylor.

Taylor a étudié la coupe des métaux de 24 à 50 ans. Fayol


a commencé ses expériences à 26 ans et les termine à 33 ans.
Dans les deux cas, ce sont des hommes jeunes et inventifs qui
42
43

mènent ces travaux techniques.

Plusieurs différences cependant. Le problème des bois est


probablement moins complexe. Il contient une part d‟aléa et Fayol
ne multiplie pas les expériences autant qu‟un scientifique l‟aurait
fait. Il se contente de moyennes, car il doit fait des choix simples.
Surtout le problème n‟occupe pas la même position dans le
processus productif. La coupe des métaux est centrale dans la
métallurgie. Toutes les pièces non fondues sont façonnées par
perçage, alésage, rectifiage, tournage, ajustage, fraisage. Toutes les
machines correspondantes taillent le métal. La taille des métaux
est au centre de tous les métiers du métal. Au contraire, le centre
du métier de mineur est l‟abatage. Le boisage des galeries est
périphérique. L‟étude de Fayol est intéressante mais elle ne porte
pas sur l‟essentiel du métier.

Ces deux travaux de recherche expérimentale dans


l‟industrie se différencient aussi par la place de celui qui les mène.
L‟un est le patron, l‟autre est commandité par le patron.

Fayol (1842-1925) vient d‟être nommé directeur de la mine


de Commentry au moment où il commence ces recherches. Il
n‟aurait pas pu les entreprendre en tant que simple ingénieur. Son
autonomie hiérarchique lui donne pouvoir de faire de la recherche,
c‟est à dire les moyens humains et financiers, et surtout la
capacité à supporter le risque de ne pas avoir de résultat.

Taylor (1856-1915) étudie la coupe des métaux à partir de


1880. Il travaille alors à la Midvale Steel Company. Son
propriétaire, William Seller, est le patron qui lui avait fait faire son
apprentissage depuis 1874. Il fabrique des machines outils. C‟est
pour son compte qu‟il passe à la Bethlehem Steel Co en 1896 et
qu‟il y découvre avec White l‟acier rapide. L‟entreprise de machines
43
44

outils finance ses recherches et profite directement de ses


découvertes sur la taille des métaux [1].

Cette comparaison montre une grande similitude entre


Fayol et Taylor sur l‟attitude intellectuelle de recherche de
l‟optimisation technique, par l‟expérimentation des diverses
solutions. Les contemporains parlaient de leur personnalité à peu
près dans les mêmes termes. Voici deux citations de témoins
rapprochés. Thompson, son propagandiste en France dit que
Taylor était « à la fois conservateur et radical. Il appartenait
incontestablement au type des positivistes » [13, p 39]. Maurice de
Longevialle parle du patron de la société Commentry
Fourchambault [9, p 175]. « Ce non-conformisme, cette
indépendance d‟esprit, cette espèce de foncière irrévérence jointe à
un grand respect de l‟autorité et des valeurs établies, est un des
traits les plus marquants du caractère de Henri Fayol. »

Ces deux ingénieurs abordent les questions industrielles


avec la même détermination à innover, en s‟appuyant sur la
méthode scientifique. Cependant leurs pensées vont diverger,
parce que les conditions dans lesquelles ils travaillent sont
différentes. On connaît les exemples fournis par Taylor. Voici une
réorganisation menée par Fayol lui-même.
II.2.3. L‟organisation du travail dans les houillères

II.2.3.1. La polyvalence des piqueurs

Au fond de la mine, il y a plusieurs manières de travailler,


en spécialisant les ouvriers ou en leur faisant accomplir toutes les
tâches. En 1920, une commission se penche sur l‟organisation du
travail dans les houillères. Elle constate une grande polyvalence
au fond. Les piqueurs font tout le travail du chantier : abattage,
chargement, boisage, remblayage, roulage [4].

44
45

Cette polyvalence est le résultat de tentatives diverses.


Fayol a contribué à la mettre en place. En 1878, il rédige une note
technique sur l‟organisation du travail au fond [6]. Avant qu‟il
n‟arrive, il y avait une certaine division du travail. Le boisage des
chantiers de dépilage était fait autrefois par des boiseurs spéciaux.
Aujourd‟hui les piqueurs boisent leurs chantiers. Cette
spécialisation a donc été abandonnée. Le piqueur abat la houille et
boise au fur et à mesure de l‟avancement.

Il y avait aussi une spécialisation pour le remblayage, c‟est


à dire la pose de roches à la place du charbon enlevé, avec
récupération partielle des bois de soutènement. A Commentry, le
remblayage était fait de nuit alors que l‟exploitation était faite de
jour. Fayol expérimente une autre méthode, le remblayage par les
piqueurs eux-mêmes, durant la journée. Cela occupe 10% de leur
temps de travail. Leur salaire est modifié en conséquence. Les
remblais sont descendus au retour des wagonnets qui ont remonté
le charbon. Globalement, on réduit de 20% à 30% le nombre des
chevaux nécessaires. L‟économie porte aussi sur le coût de la
surveillance. Il fallait un contremaître de nuit pour surveiller peu
d‟ouvriers. L‟économie est de 0,05 F à 0,20 F par tonne de
charbon.

Deux avantages qualitatifs s’y ajoutent. Les


conditions de travail des mineurs : La suppression du poste
de nuit est un bienfait, parce que dans les modestes logis
exposés à tous les bruits du dehors et du ménage, il leur est
difficile de trouver pendant la journée un sommeil réparateur.
Surtout, les piqueurs remblayent quand le besoin s‟en fait sentir,
quand le chantier a trop avancé et que la sécurité n‟est plus
assurée, quand ils ne peuvent plus écouler la houille par les
wagonnets.

45
46

Henri Fayol se félicite d’avoir ainsi pu atteindre


plusieurs objectifs à la fois. Une mesure qui permet à la fois
d‟améliorer le sort des ouvriers, d‟obtenir un travail plus parfait et
de diminuer le prix de revient, constitue bien […] un véritable
progrès. On voit ici le rôle de l‟ingénieur ou celui du chef
d‟industrie selon la doctrind‟Henri Fayol. Essayer diverses
solutions d‟organisation du travail, adopter celle qui conduit au
meilleur prix, en comptant tout, la main d‟œuvre directe et la main
d‟œuvre indirecte, la surveillance et le transport. Si, en plus, la
sécurité est accrue et les conditions de travail améliorées, il a bien
fait son travail de chef.

II.2.3.2. Les tentatives de taylorisation des houillères


Cette spécificité du travail dans la mine est remarquée par
ceux qui tentent d‟y introduire le taylorisme. Un texte officiel fait
de telles recommandations. Après 1918, la France est confrontée à
un manque de main d‟œuvre. Des commissions enquêtent pour
trouver des solutions. Celle du bassin du Tarn préconise une
division du travail [4]. Quatre méthodes d‟exploitation, à Carmaux
et à Albi, sont étudiées précisément. Les diverses tâches des
piqueurs ont été chronométrées. L‟abattage et le boisage ensemble
forment de 43% à 54% de leur temps de travail. Le remblayage, le
chargement et le roulage en constituent de 57% à 46%. Face à la
pénurie de piqueurs, la commission préconise de spécialiser les
ouvriers actuels sur les tâches d‟abatage et de boisage. D‟autres
ouvriers, ayant besoin de moins de compétence, seront utilisés aux
tâches complémentaires. On revient donc à la spécialisation.

Cependant, la commission comprend qu‟il s‟agit d‟un


retour en arrière. Elle note : Nous rejetons la solution des
remblayeurs indépendants du chantier et travaillant au poste de
l‟après-midi : pratiquée autrefois à Albi, a donné des résultats

46
47

déplorables au point de vue de la sécurité. On retrouve ici une des


raisons de la polyvalence, la sécurité du chantier.

Chronométrage et spécialisation, deux techniques de


Taylor, sont proposées par la commission conjointement avec une
mécanisation. Abatage par marteaux-piqueurs à air comprimé,
haveuses, convoyeurs oscillants ou par bande transporteuse,
remblayage hydraulique, locomotives au fond, encagement
mécanique des wagonnets, toutes ces solutions mécanisent le
travail humain des mineurs. Elles ont été introduites
progressivement. En 1920, on voit leur utilisation à lointaine
échéance. Il paraît plus rapide de changer l‟organisation du travail.

Le thème de l‟application des techniques de Taylor pour


augmenter la production est partout d‟actualité à cette époque. Le
Bulletin de la Société de l‟Industrie Minérale y consacre un article
en 1919 [8]. Il parle d‟abord du machinisme. Il note que son « rôle
reste nécessairement borné. En l‟état de la science minière, c‟est
donc au travail humain qu‟incombe l‟œuvre prépondérante dans la
production de la houille. » Il s‟en suit un intérêt potentiel
considérable pour l‟application des méthodes de Taylor.

Comment les mineurs travaillent-ils ? Ils sont polyvalents.


« Quantité de travaux divers pour un petit nombre d‟ouvriers. » Il
existe « des empêchements génériques à pousser à fond la division
du travail. Ainsi le piqueur qui abat le charbon est appelé aussi à
boiser son chantier, d‟abord parce que c‟est sa propre vie qui est
en jeu, et aussi parce que ce boisage ne souffre souvent ni
prévision ni attente, et qu‟il est généralement incompatible avec la
continuation de l‟abatage du charbon. D‟autre part, la matière
même du travail est soumise aux brusques variations qualitatives
et quantitatives de la couche, et à tous les imprévus que l‟on
englobe sous le nom de dérangements. D‟où une irrégularité et une
47
48

discontinuité qui entraîneraient de grosses pertes de temps si les


ouvriers n‟avaient la possibilité de changer immédiatement
d‟occupation, et de se suppléer rapidement. »
Les aléas du travail du mineur empêchent la mise au
point d‟un mode de production unique optimal. La structure
sociale gêne aussi le taylorisme. Voici comment l‟ingénieur voit ses
mineurs : « c‟est une petite société très égalitaire où l‟association
est du mode horizontal, la hiérarchie toute morale, et où […]
doivent régner la bonne entente et l‟harmonie. » Sur les chantiers,
éloignés les uns des autres, « la surveillance y est plus difficile et
plus diluée. » L‟autonomie des personnes se nourrit de la difficulté
de surveiller et elle génère des relations humaines fortes dans les
équipes.
Alors, l‟ingénieur des mines abandonne la méthode
taylorienne d‟augmentation de la productivité par
l‟expérimentation des manières de travailler. Le chronométrage en
revanche peut être utilisé comme moyen de contrôle : « donner à
l‟ouvrier l‟indication exacte du travail à accomplir chaque jour. »
Mais, l‟auteur sait la force des organisations syndicales des
mineurs et leur opposition au chronométrage. Il réduit les
ambitions du chronométrage dans les houillères à la formation de
l‟encadrement et au règlement des litiges.

Appliquer le taylorisme dans les mines présente bien des


embûches. « La hiérarchie fonctionnelle est aussi à écarter. Dans
la houillère, où les questions de sécurité et de responsabilité ont
une importance primordiale, une telle organisation fonctionnelle
n‟est pas possible. […] La solution est de leur donner des adjoints
ou aides spécialisés. »

Tout empêche les ingénieurs des mines d‟appliquer le


taylorisme. Mais c‟est un courant à la mode. Alors l‟article le
soutient, paradoxalement. « Plus encore que les procédés de
48
49

Taylor, [l‟ingénieur] devra pratiquer l‟esprit de Taylor ». « Le


taylorisme […] peut trouver dans la houillère un champ d‟action
extrêmement étendu et varié. Par contre les conditions spéciales à
l‟exploitation souterraine […] rendent extrêmement difficile l‟emploi
de quelques-uns des procédés qui concrétisent habituellement le
taylorisme. »

Même avec la bonne volonté, les spécialistes des mines ne


pensent pas pouvoir appliquer les préceptes de Taylor. Quelles en
sont les causes ? Ce sont des causes techniques et des causes
sociales.
- - Causes techniques : imprévisibilité des conditions
concrètes du travail (d‟où une incertitude sur les rythmes
de production), irrégularités des tâches à faire à chaque
moment (d‟où une polyvalence), exigences de sécurité très
fortes (d‟où l‟unité de commandement).
- - Causes sociales : force des syndicats, solidarité
humaine des équipes de piqueurs, habitudes du salaire
proportionnel à la quantité produite par l‟équipe (« système
de l‟entreprise »).
Ces conditions de travail dans les mines rendent
inopérante la science taylorienne du travail. Fayol y avait acquis sa
formation. Il ne pouvait pas accepter le taylorisme en tant que
principe universel d‟organisation scientifique du travail. Pour lui,
ce n‟était pas la solution aux situations qu‟il connaissait.
Il existe des conditions d‟application du taylorisme. Ce
sont celles du contrôle de toutes les conditions du travail, comme
dans une expérience scientifique où on contrôle tous les facteurs
pouvant influer sur le phénomène étudié. Les expériences et les
normes du travail optimal ne correspondent au travail concret que
dans la mesure où les conditions sont les mêmes. Ces conditions
sont multiples : aménagement du poste de travail,
approvisionnement en pièces et rangement des produits ouvrés,
49
50

température, humidité, bruit, lumière, formation, santé, fatigue


etc.. Il s‟agit du travail en atelier où le bâtiment constitue un
environnement artificiel pour contrôler tout ce qui est périphérique
au travail. Le travail en plein air, dans la mine ou sur le champ de
bataille ne répond pas à ces conditions de standardisation et de
reproductibilité.

II.2.3.4. Les différences entre les situations de travail

L‟opposition entre Fayol et Taylor, entre leurs doctrines,


est alors beaucoup plus intéressante qu‟il n‟y paraît. Tous deux
connaissent bien les réalités industrielles de leur temps. Tous
deux prétendent à l‟universel à travers les cas particuliers qu‟ils
ont eu à connaître. Mais leur base expérimentale est différente.
D‟une part la mine, d‟autre part l‟usine métallurgique. Les
conditions objectives du travail y sont différentes. Leurs doctrines
sont contingentes à ces conditions.

Taylor a cherché l‟esprit scientifique en rendant


reproductible toutes les conditions d‟exercice du travail. Alors ce
qui est le meilleur lors des expérimentations l‟est toujours. Fayol
ne néglige pas de comparer diverses manières de travailler. Il sait
cependant que face aux aléas, il convient de laisser une marge de
manœuvre importante aux exécutants. De plus, le critère de
comparaison n‟est pas uniquement celui de la productivité des
ouvriers productifs mais celui, plus global, du prix de revient.

Conditions du Mines Ateliers


travail métallurgiques
Contrôle des Aléas imprévisibles Reproductibilité,
conditions du travail donc capacité à
expérimenter de
manière
50
51

représentative
Mécanisation Difficile Difficile
Risques Considérables, la Maîtrisés
sécurité est
primordiale
Rythme des tâches Irrégulier selon le Régulier selon la
terrain (donc planification des
polyvalence) tâches si
l‟approvisionnement
est assuré (donc
spécialisation)
Capacité à surveiller Faible (lieux Forte (même lieu
éloignés) rapproché)
Tableau 1 Les conditions du travail où Fayol et Taylor ont acquis
leur expérience
Organisation Travail fayolien Travail taylorien
recommandée
Contrôle des Unité de Par de multiples
personnes commandement contremaîtres
fonctionnels
Initiatives souhaitées Pas d‟initiative
Formation Longue, pour toutes Courte, sur une
les tâches tâche
Division du travail Polyvalence Spécialisation
Planification Globale pour toute la Détaillée pour la
période de travail succession des
tâches
Salaire Elevés Elevés
Aux pièces Hyper
proportionnalité
Préoccupation Sécurité et prix de Productivité
principale revient
Représentation Pas de syndicat Pas de syndicat
ouvrière
Outils Appartiennent aux Appartiennent au
ouvriers patron
Méthode de travail Libre Imposée
51
52

Tableau 2 Les préconisations d‟organisation de Fayol et Taylor

Si on peut se mettre dans le cas de Taylor, on obtient une


meilleure productivité. L‟industrie du 20° siècle le fait. D‟où le
succès des idées de Taylor, elles correspondent mieux à la
situation quantitativement la plus nombreuse.

Les industries minières n‟ont été taylorisées que


tardivement, même aux Etats-Unis. Nelson y retrace l‟adoption du
taylorisme [10, p 55]. « A ses débuts [avant 1914], le taylorisme a
pénétré partout, à l‟exception des mines » Après la guerre, le
succès de Taylor est général. Les mines ne peuvent rester à l‟écart
de cette mode [10, p 63]. « Le meilleur exemple du succès de l‟OST
est son introduction dans les mines de charbon restées à l‟écart du
mouvement de rationalisation avant la guerre. Afin de réduire
leurs coûts et d‟éviter le déclin, les compagnies charbonnières
introduisirent la parcellisation des tâches, accrurent le contrôle
ouvrier et essayèrent de substituer des ouvriers « spécialisés » aux
« généralistes » alors en place. L‟OST fut introduite dans quelques
mines de façon concomitante à des innovations d‟ordre technique.
Celles-ci permirent d‟imposer des changements sociaux que le
taylorisme n‟avait fait qu‟encourager. »

De même, l‟industrie du bâtiment, en France, a attendu


les années 70 pour une taylorisation des travaux de chantier [2].
L‟histoire de la taylorisation montre une plus ou moins grande
perméabilité des industries. Probablement les conditions du travail
ne correspondaient pas alors à la théorie taylorienne. La
mécanisation est en général l‟occasion pour forcer la porte. Il est
intéressant de noter que ce n‟était pas prévu par la théorie de
Taylor.

52
53

Réciproquement, notons que les premières grandes


expériences tayloriennes ont lieu selon une méthode fayolienne,
c‟est à dire sous la protection directe de la hiérarchie. Nelson
rapporte que durant la première guerre mondiale [10, p 59]
« Winchester Repeating Arms Co, un des principaux fabricants
d‟armes, a mis sur pied un groupe d‟experts pour standardiser et
chronométrer 150 000 tâches. Ce projet a été le plus ambitieux
dans le domaine de l‟application des méthodes de Taylor. Seule la
nomination de John Offerson, un des disciples de Taylor, à la tête
de Winchester a permis cette réalisation. Peu d‟industriels ont
suivi cet exemple. »

II.2.3.5.Conclusion
Les organisateurs français des années 20 sont placés
devant les contradictions entre Fayol et Taylor. Ils ont cherché à
réduire ces antagonistes, d‟une part en abandonnant la notion
taylorienne de chef fonctionnel d‟autre part en distinguant deux
domaines, l‟un pour chaque auteur. Le CNOF (Centre National de
l‟Organisation Française) s‟est créé en 1925 avec cet esprit de
conciliation. Jean Chevalier exprime très bien ce compromis [3,
p.23]. « La doctrine de Fayol et celle de Taylor ne s‟opposent pas
mais se complètent. » Leurs champs d‟application sont disjoints.
« L‟une au sommet pour la direction, l‟autre à la base, pour le
travail. » Cette vision permet de supprimer leurs oppositions.
Or, sur bien des points, ils se sont exprimés tous les deux.
Ils sont souvent d‟accord : sur les hauts salaires, sur la sélection,
sur la formation, contre les syndicats. Ils s‟opposent sur la
direction fonctionnelle. Ils s‟opposent aussi sur les critères de
gestion. Taylor privilégie la productivité directe. Pour cela, il
chronomètre. Fayol calcule toujours le prix de revient. Enfin
l‟expérimentation détaillée des gestes opératoires n‟appartient pas
aux préoccupations de Fayol. Dans la mine, il serait impossible de
les imposer strictement.
53
54

Les préceptes que Fayol et Taylor ont exprimés n‟ont pas


le degré de généralité qu‟ils croyaient. Ils sont fortement
dépendants des conditions dans lesquelles leur formation
industrielle s‟est faite. Leur opposition est riche pour revenir sur
l‟hypothèse d‟universalité de leurs théories. Selon les conditions
dans lesquelles un travail se réalise, il existe différentes manières
de l‟améliorer. Ces deux théories normatives s‟appliquent à une
classe de problèmes, mais pas à toutes les situations de travail. Il
existe beaucoup de situations de travail où les préceptes de l‟une
comme de l‟autre sont inopérants. Ce sont les champs des
recherches ultérieures sur le travail humain : les services en
contact avec le client, les projets, la navigation et le pilotage, les
services d‟urgence et de veille, le travail en équipe, et la liste n‟est
pas exhaustive.

Bibliographie

[1] Bogla-Gökalp, Lusin, 1998, Sociologie des organisations, La


Découverte.
[2] Campinos-Dubernet Myriam, 1984, « La « rationalisation » du
travail dans le secteur du bâtiment : des avatars du taylorisme
orthodoxe au néo-taylorisme », in Le taylorisme, sous la direction
de Maurice de Montmollin et Olivier Pastré, éditions La
Découverte, 211-226.
[3] Chevalier, Jean, 1928, La technique de l‟organisation des
entreprises, Langlois, 457p.
[4] Commission du bassin du Tarn, 1920, Enquête sur les
moyens techniques susceptibles d‟augmenter le rendement des
ouvriers mineurs, Bulletin de la Société de l‟Industrie Minérale,
tome XVII, 105-118.
54
55

[5] Fayol, Henri, 1874, «Note sur le boisage aux houillères de


Commentry (emploi du fer et des bois préparés)», Bulletin de la
Société de l‟Industrie Minérale, 2° série tome III, p. 569.
[6] Fayol, Henri, 1878, «Note sur le boisage, le déboisage et le
remblayage dans les houillères de Commentry», Comptes rendus
mensuels de la Société de l‟Industrie Minérale, juin.
[7] Fayol, Henri, 1882, «Note sur la suppression du poste de nuit
dans le remblayage des grandes couches», Comptes rendus
mensuels de la Société de l‟Industrie Minérale, octobre.
[8] Laligant, Georges, 1919, Du taylorisme dans la houillère,
Bulletin de la Société de l‟Industrie Minérale, tome XV, 237-274.
[9] de Longevialle, Maurice, 1954, La Société Commentry-
Fourchambault et Decazeville, 1854-1954, Introduction du baron
Pierre Hély d‟Oissel, conclusions de Louis de Mijolla, Office de
propagande générale à Paris, 336p.
[10] Nelson, Daniel, 1984, « Le taylorisme dans l‟industrie
américaine, 1900-1930 », in Le taylorisme, sous la direction de
Maurice de Montmollin et Olivier Pastré, éditions La Découverte,
51-66.
[11] Taylor, Frédéric Winslow, 1903, « Shop management »,
traduction française 1907, « La direction des ateliers », Revue de
métallurgie, édité ensuite chez Dunod, 1913.
[12] Taylor, Frédéric Winslow, 1911, « Principes d‟organisation
scientifique des usines », Revue de métallurgie, édité ensuite chez
Dunod, 1912.
[13] Thompson, C. Bertrand, 1925, Le système Taylor (Scientific
Management), Payot, 127p.

II.2.4. Principes fondamentaux du Fordisme


Concomitamment à Fayol, un autre auteur a également
fortement contribué à la conceptualisation de l‟organisation du
travail ; Henri Ford, dont nous voyons ci-dessous les principes
fondamentaux.
55
56

Henri Ford (1863-1947) crée une société de production de


véhicules particuliers aux USA, « Ford Automobile »au début du
20è siècle et cherche à faire de l‟automobile un produit de masse.

Pour atteindre cet objectif, il recherche un mode


d‟organisation permettant de produire à moindre coût un modèle
de véhicules accessible au grand public. Il s‟agira dans ce cas de la
fameuse “Ford T” qui sera vendue à plus de 15 millions
d‟exemplaires entre 1908 et 1927.

Pour atteindre cet objectif, il va rationaliser les modes de


production de l‟époque, les rendre plus efficient en s‟inspirant du
Taylorisme.

Le Fordisme complète l'œuvre de Taylor et y introduit 3


innovations fondamentales :

II.2.4.1. La standardisation du produit (sur le plan économique)

Pour que la chaîne soit efficace, il faut produire des objets


identiques. Présenter un produit fini en une seule version de
manière à simplifier au maximum le processus de production. A ce
titre, la « Ford T » n‟était produite qu‟en une seule couleur
standardisé pour que cela permette la production de masse et les
économies d'échelle. Produire un volume plus conséquent à un
prix moindre.

II.2.4.2. Introduction de la chaîne d'assemblage (sur le plan


technique)

Une fois le travail parcellisé, celui-ci peut être mécanisé.


56
57

L'OS ne bouge plus : l'objet vient à lui. C'est la machine qui donne
le rythme au travailleur.

Le travail à la chaîne repose sur un mode de production


continu, dans lequel les différentes tâches élémentaires se
succèdent les unes après les autres et/ou le produit fini circule
d‟un atelier à l‟autre.

Ce type d‟organisation sera matérialisé dans l‟espace par


la mise en place d‟une chaîne de fabrication.

Cet aspect a d‟ailleurs très bien été illustré dans un film


de Charlie Chaplin « les Temps modernes »-

« Henry Ford, propriétaire d'une des premières entreprises


automobiles, va mettre en œuvre dans ses usines une nouvelle
forme d'organisation du travail qui porte son nom. Quels en sont
les principes ?
Ford (ou ses ingénieurs) imagine un procédé mécanisé de
convoyage (c'est-à-dire de transport) des produits en cours de
fabrication d'un ouvrier à un autre. C'est le système de la chaîne,
et donc l'instauration du travail à la chaîne. Concrètement, cela
peut être un tapis roulant qui circule devant les travailleurs à une
vitesse qui leur permet de réaliser leur tâche. Les produits peuvent
être accrochés en l'air à une sorte de filin qui défile. On peut tout
imaginer mais le principe est toujours le même : le produit en
cours de fabrication défile devant le travailleur. Celui-ci n'est
donc plus maître de son rythme de travail. Le travail à la chaîne
suppose que les différentes opérations de fabrication soient
courtes, donc le travail est très parcellisé. Il suppose aussi que les
machines soient relativement performantes pour que les pièces
produites aient toutes exactement les mêmes dimensions de
manière à pouvoir être montées sans aucun ajustage (système
57
58

des pièces interchangeables ou standardisation des pièces) :


par exemple, il faut que les trous percés dans une carrosserie de
voiture pour monter le rétroviseur aient exactement la taille de la
vis que l'ouvrier suivant va mettre dans ce trou (si le trou était trop
petit, la vis n'entrerait pas et toute la chaîne serait arrêtée).
Henry Ford considère qu'il est essentiel d'accroître le
nombre de ses clients et pour cela, il y a deux moyens, d'une part
diminuer le prix de vente de ses voitures, d'autre part augmenter
le revenu de ses ouvriers qui pourront ainsi devenir ses clients, en
même temps qu'ils seront des travailleurs fidèles et motivés. C'est
pourquoi le fordisme, c'est à la fois le travail à la chaîne qui va
permettre d'abaisser le prix de vente, et la hausse des salaires
qui va permettre d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés.
On a là la base d'une logique productive très différente de celle du
19è siècle et qui va dominer le 20è siècle : c'est la logique de la
production de masse (ou production en grande série) qui appelle
une consommation de masse.
Le fordisme s'est répandu dans les entreprises des pays
industrialisés après la seconde guerre mondiale. L'apogée de ce
système a ainsi coïncidé avec la période des "Trente glorieuses",
c'est-à-dire la plus forte et la plus longue période de croissance de
l'époque industrielle. C'est pourquoi on a souvent associé cette
croissance avec cette organisation du travail en parlant de
"croissance fordiste" ».

II.2.4.3. Une politique de hauts salaires (sur le plan social)

Ce mode de production se traduit par l‟existence de


salaries supérieurs à la moyenne pour les salariés concernés ce
qui permet d‟améliorer la motivation du personnel fondée
essentiellement sur le salaire.
Hausse de la productivité : gains de productivité, plus de
partages, augmentation des salaires.
58
59

Une consommation de masse devient alors possible pour


absorber la production de masse (école de la régulation fordiste). Il
faudra attendre les 30 Glorieuses pour que la production de masse
soit associée à la consommation de masse (politique de l'Etat
providence de Keynes).
Illustration IV. Description du mode production de la Ford T

Ford a installé la première production de masse


standardisée d'un bien durable complexe - l'automobile -, par des
ouvriers relativement bien payés. « Five dollars a day » (cinq dollars
la journée) ce n'est pas rien en cette année 1914, alors que les
concurrents paient moitié moins, même si cela ne permettait pas
encore de s'offrir cette fameuse Ford T standardisée ! [...] En 1910,
Henry Ford s'installe dans sa nouvelle usine de Highlands Park,
près de Detroit, conçue pour produire la Ford T. Modèle unique de
la firme depuis 1909, il veut en faire, notamment grâce à son prix,
la voiture de la classe moyenne américaine. Car pour conquérir
un vaste marché et dépasser ses concurrents (Buick
principalement, sur cette catégorie de voiture), Ford applique une
politique systématique de baisse des prix de vente : de 900
dollars en 1909, le prix passe à 680 dollars en 1910, 590 en 1911
et 500 dollars en 1914. Ceci est permis par les économies
d'échelle, les standardisations dues au modèle unique et les
efforts des ingénieurs qui ont permis une amélioration des
méthodes de production, de l'outillage et des modifications de
détails sur la voiture, qui font gagner du temps et de l'argent.

En 1911, avec 34 528 modèles vendus, Ford devient le


premier producteur mondial .C'est toutefois la mise en place de
convoyeurs et de la chaîne de montage qui va faire bondir la
productivité du travail ouvrier. [...]

En avril 1914, il ne faut plus que 93 minutes par homme


59
60

pour monter un châssis, contre 840 sept mois auparavant. Pour


les moteurs, la chaîne permet de passer de 594 minutes à 238.
Résultat : 248 307 Ford T sont fabriquées dans 18 usines aux
Etats-Unis par 12 880 salariés (soit près de 20 voitures par
salarié) et vendues, entre octobre 1913 et octobre 1914, au prix de
500 dollars l'unité. Ford a gagné son pari. Il couvre alors 45 % du
marché de l'automobile particulière aux États-Unis. Certes, la
marge sur chaque voiture, qui était de 187 dollars, n‟est plus que
de 116 dollars en 1914, mais cette baisse est largement
compensée par la hausse des ventes35.

Illustration V- Les usines Citroën en France 36

En France Métropolitaine une des meilleures applications


que l‟on puisse trouver du succès des concepts de division et
organisation du travail est dans la croissance de l‟industrie
automobile.

Illustration : les usines Citroën

35
G. Vindt, « Ford était-il fordiste ? », dans Alternatives économiques, n° 220, décembre 2003.
36
En ce sens voir fiches illustratives ; www.pedagie.ac.montpellier.fr
60
61

1. Plan de l’usine Citroën en 1918 2. L’usine Citroën dans


les années 20 (d‟après
Georges Nawel, Travaux,
Gallimard, réed. 1975)
C‟est avec effroi que
j‟entrai pour la première
fois dans le hall de l‟usine
Citroën de Saint-Ouen. En
pénétrant dans le boucan
formidable, je me disais :
« Mon vieux, tu vas souffrir.
Est-ce que tu vas pouvoir
tenir dans ce vacarme ? »
Je voyais les autres,
d‟abord les traceurs dont le
travail exige calme,
concentration. Debout
devant de vastes marbres,
ils poussaient le trusquin,
un trait, s‟arrêtaient pour
lire, sur de grandes feuilles
bleues, les dessins, une
nouvelle cote à reporter. Je
voyais ça comme un tour
de force, en m‟étonnant
aussi qu‟un hall si bruyant,
si agité, puisse être un
atelier d‟outillage.
Comment faisaient-ils, les
fraiseurs, les tourneurs, les
rectifieurs, pour ne pas
perdre le nord ? […]
Tout l‟espace, du sol à la
61
62

toiture du hall, était haché,


occupé, sillonné par le
mouvement des machines.
Des ponts roulants
couraient au-dessus des
établis. Au sol, dans
d‟étroites travées, des
chariots électriques
gênaient pour circuler. Des
presses colossales, dans le
fond du hall, découpaient
des longerons, des capots,
des ailes, avec un bruit
pareil à des explosions. […]
Les voitures d‟un modèle
nouveau ne sortiraient pas
à la date prévue. C‟était
une grosse perte d‟argent
pour Citroën. […]
Plus encore que l‟insistance
des chefs, l‟énorme tamtam
des machines accélérait
nos gestes, tendait nos
gestes, tendait notre
volonté d‟être rapides.

Document 3 : Chaîne de montage aux usines Citroën dans les


années 1920

62
63

Le mécanisme d‟organisation du travail par le travail à la


chaine est clairement représenté dans l‟illustration ci-dessus.

Exercices pratique :

Sur base de cette photo, commentez les différents aspects du


Taylorisme et Fordisme.

Est-ce applicable en RDC ? Dans quel domaine ?

II.2.4.4. Les résultats du Taylorisme et du Fordisme

La généralisation des principes tayloristes et de


l‟organisation fordiste du travail s‟est traduite par la réalisation de
gains de productivités très importants qui ont eu pour
conséquence un formidable développement économique caractérisé
par l‟émergence d‟une production et d‟une consommation de
masse. Ceci explique en partie la croissance économique connue
63
64

aux USA dans les années suivant la première guerre mondiale


appelée en économie “les trente glorieuses” 37.
Parmi les plus importantes conséquences micro-
économiques de cette nouvelle organisation du travail, il faut
citer : Hausse des salaires, baisse du temps de travail dans les
entreprises gains de productivité baisse des prix : hausse des parts
de marché augmentation des profits, multiplication des postes de
travail: tâches identiques et interchangeable, plusieurs équipes en
chaîne continue, hausse de la productivité des équipements

Conséquences macro-économiques : Mise en place du


cercle vertueux de la croissance. Les gains de productivité
permettent de rentrer dans une spirale fordiste ; hausse des
salaires. Il se créée une nouvelle consommation de masse et une
production à moindre coût qui permettent de faire de
considérables économies d'échelle et la standardisation.
C‟est notamment dans ce contexte de production de
masse que va se dessiner la théorie de la régulation; hausse du
niveau de vie et transformation du mode de vie de la
population38 . Brièvement, la théorie de la régulation vise à
remettre les rapports sociaux au centre de l'analyse économique et
à renouveler ainsi l'économie politique 39. Les régulationnistes
donnent priorité non plus aux seuls rapports d'exploitation des
travailleurs mais au rapport marchand et au rapport salarial dont
la reproduction n'est jamais assurée comme en témoignent le
chômage, les faillites d'entreprise et plus généralement la
surproduction40

37
L’organisation du travail et ses liens avec la croissance économique, note de cours de Ismaelle et Helene mise
sur le net ; www.ac.bordeaux.fr/Etablissement/SudMedoc/ses/1999/
38
L’organisation du travail dans les Houillères – Approche de Fayol JP Peaucelle Gregeoi- source annales.org
39
Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, “La "théorie" de la régulation, du rapport salarial au rapport de
consommation. Un point de vue sociologique”., Cahiers de recherche sociologique, no 17, 1991, pp. 17-51.
Montréal: département de sociologie, UQAM.
40
Ibidem, p18
64
65

II.2.4.5. La remise en cause du Taylorisme-Fordisme : vers des


nouveaux modèles d‟organisation du travail

1. La crise des années 60-70 : désillusion du Taylorisme et


Fordisme

Il faut replacer le Taylorisme Fordisme dans leur contexte


historique pour comprendre leur succès. Au lendemain de la
seconde guerre mondiale, l‟urgence de la reconstruction et le
développement de la grande consommation ont contribué à la
généralisation du modèle de Taylor41.
A partir des années 60-70, ce modèle de développement semble
rencontrer des limites importantes qui vont avoir pour
conséquence une remise en cause des principes même du
taylorisme et de l‟organisation du travail à la chaîne.

G Friedmann notamment de l‟école française de sociologie


dénonce les excès de la parcellisation du travail et la
rationalisation de la ressource humaine 42.

Il cite notamment en exemple ; un tapis roulant qui


circule devant les travailleurs à une vitesse qui leur permet de
réaliser leur tache. Les produits peuvent être accrochés en l‟air à
une sorte de filin qui défile. Le produit en cours de fabrication
défile devant le travailleur. Celui-ci n‟est plus maître de son
rythme de travail.

La crise de ce modèle se manifeste par l'accélération des


cadences qui génèrent des rebuts, des gaspillages et des
malfaçons. Les effets des cadences infernales se confirment par
41
C Alcouffe, F Allard, Formes idéales et historiques de l’organisation du travail, LIHRE, , note 402, 2004, p6
42
ibidem
65
66

des conditions de travail qui se détériorent, la routine et


l'abrutissement qui engendrent surmenage et accidents de travail,
l'absentéisme qui se développe, les taux de rotation du personnel
qui s'élèvent et l'augmentation des revendications et conflits.

Avec tout cela on constate un déclin dans la productivité.

Causes de la crise :

Cette crise est due au refus de la routine et à


l'abrutissement de la part des salariés qui souhaitent un
enrichissement du contenu de leur travail. G. Friedman,
sociologue du travail, affirme : "l'homme, le grand ouvrier de
Taylor, [est] traité par Ford comme un simple rouage".

Taylor met en scène « l‟ouvrier moyen » sans réel passé


industriel. Un ouvrier qualifié ne peut avoir de place dans le
Taylorisme43.
Cette crise est aussi sociale.

2. La crise des années 1980-1990

Cette crise est essentiellement provoquée par les


contraintes du marché.
Il faut présenter de nouveau type de produits aux
consommateurs qui exigent un certain degré de spécialisation et
une technicité plus poussée :

Fin de la production de masse :

Variété des produits. Le Taylorisme est jugé trop rigide

43
J-Paucelle, Du Taylorisme au post taylorisme : poursuivre plusieurs objectifs de gestion simultanément, cours
publie sur le site de l’Université de la Réunion.
66
67

d'où la nécessité des ateliers flexibles (flexibilité fonctionnelle).

Le taylorisme n'est plus adapté


Avec l'arrivée de l'automatisation, l'ouvrier doit être polyvalent
aujourd'hui (flexibilité fonctionnelle)
Les nouveaux modes de pensée :
Ecoute, dialogue, coopération, participation de tous, appel à
l'intelligence des salariés.
Cette crise est essentiellement une crise d'efficacité.

Annexe I: La mise en cause du fordisme

“Au cours des années 1970, la poursuite de la


croissance a rendu nécessaire la transformation de
l'organisation du travail. 2[1]
A certains moments de l'histoire, on s'aperçoit que
l'organisation du travail telle qu'elle a été conçue à un moment ne
convient plus à la poursuite de la croissance. Les conditions de la
croissance se sont modifiées et l'organisation du travail entrave,
bloque ou ralentit la poursuite du processus de croissance. La
poursuite de la croissance semble donc imposer la
transformation de l'organisation du travail. Nous allons le
montrer avec deux exemples, tous les deux liés au fordisme :
d'abord en nous demandant pourquoi le fordisme apparaît, puis en
voyant en quoi le fordisme est aujourd'hui, lui-même, remis en
cause.

Au début du 20ème siècle, on prend conscience qu'on ne


peut continuer à augmenter rapidement la production
que si on trouve à l'écouler, c'est-à-dire à la vendre.
Jusque -là, on ne s'était guère soucié des débouchés. Mais à
partir du moment où on produit beaucoup plus, il faut bien
se poser la question. Et le début du XXème siècle ne trouve
67
68

guère de solutions à ce problème, à part la colonisation et la


guerre (qui sont effectivement de nouveaux débouchés). Mais
ces «solutions» ne sont que momentanées. Ce n'est qu'avec la
hausse du pouvoir d'achat de la grande masse de la
population, c'est-à-dire des travailleurs salariés, qu'on
trouvera réellement une solution au problème des débouchés.
C'est le fondement de la production de masse, qui suppose la
consommation de masse. Et c'est ce qu'avait bien compris
Henry Ford, en payant ses ouvriers beaucoup mieux que ne
le fassent ses concurrents. Le fordisme s'est donc étendu,
permettant à la fois des gains de productivité élevés et des
gains de pouvoir d'achat permettant de vendre cette
production. Il résolvait un problème que le taylorisme ne
permettait pas de résoudre.
Mais
o Dès la fin des années 1960, les travailleurs s'opposent
de plus en plus souvent au compromis fordiste. Le
manque d'intérêt de leur travail, sa pénibilité se
heurtent de plus en plus à l'élévation du niveau
d'instruction des travailleurs et à leur aspiration à
maîtriser leur activité. Ces revendications se traduisent
concrètement dans des grèves, parfois violentes, et dont
les mots d'ordre sont de moins en moins souvent
uniquement salariaux : en mai 1968, en France, les
slogans du genre « métro,boulot, dodo, y en a marre »
traduisent ce ras-le-bol. Mais ces revendications se
traduisent aussi par des attitudes anti-productives
sur les lieux de travail : hausse de l'absentéisme,
coulage de la production (c'est-à-dire, production de
mauvaise qualité), turn over croissant (les salariés
changent souvent d'emploi, dès qu'ils en ont «assez »),
contestation des «petits chefs» (c'est-à-dire
essentiellement, des contremaîtres qui encadrent
68
69

directement les équipes d'ouvriers). Résultat : un


ralentissement de la croissance de la productivité
qui va à l'encontre des principes mêmes du
fordisme. Où l'on voit que des considérations sociales
peuvent avoir des répercussions économiques directes

o

On peut penser que, en tant que mode d'organisation du travail, il


est plus un obstacle qu'un élément favorable à la croissance
économique, et cela pour plusieurs raisons :

Au total, l'organisation fordienne du travail est donc


remise en cause. De nouveaux principes sont appliqués, ce qui
permet à certains de parler d'organisation post-fordienne du
travail. On en a vu plus haut un exemple avec le toyotisme, dont
certains aspects se sont diffusés dans toutes les grandes
entreprises comme la gestion à flux tendus,c'est-à-dire avec le
moins de stocks possible, ou l'obsession de la qualité.
Mais cela ne signifie pas que le fordisme (et le taylorisme qui
va avec) soit réellement en voie de disparition. Et cela pour
trois raisons essentielles :

au processus administratif entre le modèle mécaniste et le


modèle organique ; ces différences sont Le fordisme s'étend
dans des productions qui en étaient autrefois exclues : la
production de services. L'utilisationde l'informatique rend
par exemple possible une division technique du travail bien
plus approfondie qu'avant dans certains services d'assurance
ou de banque.
Même dans la restauration par exemple, la division du travail
s'est accrue, chacun ne faisant qu'un morceau de la tâche
69
70

finale (cependant, ici, au sens strict, il s'agit plus de


taylorisme que de fordisme).
Le fordisme s'étend aussi dans les pays en développement
au fur et à mesure de leur industrialisation.
Atteindre la qualité parfaite passe souvent par une
division extrêmement fine des tâches qui rend possible le
contrôle à chaque phase de la production. Il est fréquent que,
pour obtenir « zéro défaut » ou pour obtenir certains labels de
qualité (norme ISO 9000, par exemple), la spécification des
tâches à accomplir soit encore plus précise qu'auparavant.
L'intégralité des gestes des travailleurs sont alors prescrits,
inscrits dans des cahiers des charges que les travailleurs
doivent impérativement respecter. Il s'agit là d'un taylorisme
extrêmement approfondi.

II.2.4.6. Les conséquences sur les emplois et le travail.


Modifier l'organisation du travail, c'est aussi modifier le
travail lui-même, c'est-à-dire l'activité des hommes dans
l'entreprise. Comment la réorganisation du travail au cours du
20ème siècle a-t-elle modifié les conditions de travail des salariés ?
C'est ce que nous allons essayer de comprendre maintenant.
1.3.1 - L'organisation du travail a assuré le succès des
entreprises et donc le développement de la condition
salariale ; celle-ci a suscité en retour le développement
d'un système juridique de protection des salariés. 0[0]
Le capitalisme qui se développe au début du 19ème siècle
est peu soucieux des hommes : tout le monde a lu ou vu des
descriptions terribles de la condition ouvrière au début de
l'industrialisation en France ou en Grande-Bretagne. Les
70
71

travailleurs de l'industrie sont déjà des salariés, c'est-à-dire qu'ils


perçoivent un salaire en échange de leur travail et qu'ils sont sous
la dépendance complète de leur patron, mais le salariat n'est pas
encore un statut. Pour qu'il le devienne, il faut encore qu'être
salarié donne une place assortie de droits reconnus dans et
par la société.
C'est le processus qui se développe au cours du 20ème
siècle : les relations entre les patrons et les travailleurs se sont
peu à peu organisées, en général sous l'impulsion de l'Etat qui
a réussi à imposer des règles, en particulier au patronat. Le
salariat se met en place et peu à peu, le droit du travail se
développe et la protection des salariés s'améliore. Il faut souligner
l'importance de l'inscription dans le droit de ce processus : le
contrat de travail, les conventions collectives, le droit du
travail sont des textes juridiques qui s'imposent à tous et qui
ont progressivement défini le statut de salarié.
Aujourd'hui, dans les pays développés comme la France,
les salariés représentent entre 85 et 90 % de la population
active. C'est dire si ce statut est dominant ! Les conditions de
travail sont encadrées par la loi. Etre salarié donne aussi le droit
d'accéder à la protection sociale (en échange de cotisations, le
salarié est protégé en cas de maladie, de chômage, pour sa
retraite, etc…). On a donc bien ici un statut, contraignant et
relativement rigide. Cela correspond à ce que certains économistes
appellent «la norme d'emploi fordiste», c'est-à-dire des emplois
salariés, à temps plein, à durée indéterminée donc stables, voire
très stables ou garantis comme pour les fonctionnaires en France,
avec des salaires dont le pouvoir d'achat augmentait régulièrement
grâce aux gains de productivité réalisés et à l'action des syndicats.
Mais cela ne veut pas dire que ce statut est intangible
(qu'on ne pourrait pas y toucher) : aujourd'hui, certains pensent

71
72

que le salariat est remis en cause par les nouvelles façons de


travailler, nous allons le voir maintenant.
Depuis plus d'un siècle, les gains de productivité ont
permis de réduire continûment le temps qu'un individu
consacre au travail au cours de sa vie.
A long terme, la durée du travail tend à baisser. Mais les
modalités de cette baisse sont très variables. Voici quelques
repères :
Vous voyez que la réduction du temps de travail est un
processus à la fois plus banal et plus complexe que les seules lois
sur la durée hebdomadaire, sur lesquelles se focalisent le débat
public. On doit noter également que diminuer le temps de travail
n'a pas empêché une croissance économique tout à fait réelle : ce
sont les gains de productivité, dont nous reparlerons plus loin, qui
ont permis cette forte baisse de la durée du travail tout en
permettant la hausse des quantités produites.
Les transformations successives de l'organisation du
travail ont entraîné une transformation des qualifications des
salariés, mais aussi une individualisation de leur carrière. 1[0]
La croissance et les transformations de l'organisation du
travail ont fait évoluer les qualifications au sein de la population
active. Dans le tableau ci-dessous, on peut voir que la structure de
la population active salariée par catégorie socioprofessionnelle
(CSP) a connu une profonde métamorphose, qui traduit une
mutation des qualifications au cours du temps. Nous allons tenter
d'en dégager les principales caractéristiques.

72
73

Titre : Structure de la population active française par P.C.S. (en %)


Source : calculs de l'auteur à partir des données de l'I.N.S.E.E.
(recensements pour 1975, 1982 et 1990, enquête emploi pour
2002).
PCS 1962 1975 1982 1990 2002
Agriculteurs exploitants 15,9 7,8 6,3 4,1 2,4
Artisans, commerçants et chefs
10,9 8,1 7,9 7,4 6,2
d'entreprise
Cadres et professions
4,7 7,1 8,2 10,9 13,0
intellectuelles supérieures
Professions intermédiaires 11,0 16,0 17,0 19,0 20,2
Employés 18,4 23,5 27,0 27,9 30,1
Ouvriers 39,1 37,5 33,6 30,8 28,0
Population active occupée 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
A ces mutations des qualifications s'ajoutent aussi les
mutations sectorielles (repérables par la baisse de la part du
primaire et du secondaire dans la population active), la
salarisation croissante (repérable par la baisse des professions
indépendantes, agriculteurs et artisans, commerçants, chefs
d'entreprise) et la tertiarisation de l'économie (visible à travers la
montée en puissance du tertiaire).
L'emploi et ses caractéristiques, aussi bien quantitatives
que qualitatives, sont transformés par la croissance économique.
On peut bien se douter que ces transformations ne sont pas
anodines : il y a des enjeux importants, sociaux en particulier,
sous ces transformations. Si les conditions de travail et de
rémunération sont négociées individuellement, quelle place pour
les syndicats ? Certains diraient que l'on peut se passer des
syndicats. Mais il ne s'agit là que d'une boutade : les syndicats ont
joué un rôle essentiel sur le plan du lien social et de la
73
74

construction de la société telle qu'elle est. L'individu est parfois


bien seul face à des institutions qui ont le pouvoir. Les syndicats
jouent aussi un rôle dans la gestion des conflits sociaux et ceux-ci
n'ont pas disparu ! On ne peut donc cantonner les questions liées
à l'emploi à l'économie.
Nous venons de voir comment l'organisation du travail
transformait l'emploi et, au-delà, pouvait stimuler la croissance
économique. Mais les techniques de production également peuvent
changer, notamment grâce au progrès scientifique, et cela aussi
transforme l'emploi et le travail ».

II.3. Model mécanique

Le modèle de Taylor (l‟organisation scientifique du travail)


est un model mécanique , ces principes de gestion sont
essentiellement représentés par la division des tâches et des rôles,
la reconnaissance légitime de l‟exercice de l‟autorité, l‟obéissance
aux principes d‟unité de commandement et de communication
selon la structure hiérarchique et finalement, l‟utilisation de règles
et de méthodes strictes dans un cadre impersonnel où les
travailleurs sont plus motivés par le gains économiques que par
les relations interpersonnelles.
Dans son ouvrage de 1911, F.W. Taylor Principles of
Scientific Management (gestion scientifique du travail) Taylor
soutient que le principal objectif visé par son modèle de gestion est
l‟enrichissement des patrons et des travailleurs.

Toutefois, ceux-ci sont tellement mal organisés qu‟ils ont


de la difficulté à atteindre leur objectif. Aussi Taylor prône-t-il une
direction administrative et une division des tâches plus
rationnelles. Spécialisation et rétrécissement des taches sont les
74
75

mots d‟ordre de ce type d‟organisation du travail contrairement à


l‟élargissement des tâches plus populaire aujourd‟hui. (Gaëtan
Morin éditeur 1996, p.18). Ce modèle dit « mécaniste » est donc
plus complexe, vu la décomposition des activités en tâches et la
spécialisation des rôles. Plus centralisé, vu la ligne stricte
d‟autorité et la définition précise des pouvoirs et des devoirs. Plus
formalisé, vu les règles et procédés écrits. Ce modèle est présent
dans les entreprises de grandes dimensions. Il est axé sur la
surveillance et la supervision.
Il est basé sur la loyauté des employés à l‟entreprise et sur
leur obéissance aux supérieurs hiérarchiques. Il privilégie la
communication de type vertical, soit selon l‟échelle hiérarchique.
II.4. Le modèle Organique

Par contre est plus décentralisé, vu la délégation d‟autorité


et le partage des responsabilités. Moins rigide quant aux tâches
qui sont redéfinies selon les besoins de l‟entreprise. Il favorise la
délégation de l‟autorité selon l‟entreprise. Axé sur la flexibilité et
l‟adoption. Il est plus informel et basé sur la participation des
employés à l‟atteinte des objectifs organisationnels plutôt que sur
leur loyauté et leur obéissance. Ils fournissent aux employés des
informations plutôt que des instructions (plus de consultation que
de commandements). Il privilégie la communication de type
horizontal. C‟est entre 1927 et 1932 que Elton Mayo mène des
expériences connues sous le nom d‟études de Hawthorn (parce
qu‟elles ont été menées dans une usine de la Western Electric
Compagnie située à Hawthorn près de Chicago) 44. C‟est à ses
recherches qu‟est associé le modèle organique. L‟approche de Mayo
ne rejette pas les principes d‟organisation du travail développés
par Taylor, mais elle met plutôt en évidence l‟existence des réseaux
informels et de leurs influences sur la communication, les groupes
et la structures du pouvoir. Une notion d‟appartenance est créé.
44
E Mayo, The Human Problems of an Industrial Civilization, 1933
75
76

Les études de Mayo cherchaient à déceler les facteurs influençant


la productivité, plus précisément à établir le lien entre les
conditions de travail, l‟ambiance de travail et la productivité des
employés45.

Une expérience particulière, sur notamment l‟ajustement


de l‟éclairage dans le poste de travail, va influencer la productivité.
Pour Mayo, les individus ont naturellement d‟appartenir a un
groupe, si ce besoin d‟appartenance est satisfait les individus
arrivent a travailler en coopération et adhérer aux objectifs de
l‟entreprise46.

Les expériences de Mayo, analysées par Roetlisbrger et


Dickson à l‟université Harvard n‟ont pas démontré l‟existence des
groupes informels, car il était bien évident que les travailleurs se
regroupent aussi selon leurs affinités. Ce qui a été démontré par
contre, c‟est l‟importance de ces regroupements pour les membres
du groupe, et l‟influence des normes du groupe sur la productivité.
Par conséquent, l‟analyse fait ressortir un ensemble d‟éléments à
saveur humaniste que l‟administration ne peut négliger dans la
poursuite de ses objectifs.

Merton, Selznick et Gouldner47,ces auteurs connus pour


leurs travaux dans le domaines de la sociologie industrielle, ont
conduit des études sur la bureaucratie. Et c‟est Merton (1952), qui
a constaté que la bureaucratie mène à l‟affaissement du but final
de l‟organisation, car l‟observation des règles devient une fin en
soi. Selznick (1957) de son coté énonce des recommandations
précises pour contrer les effets négatifs déjà observés dans une
bureaucratie en insistant, entre autres, sur la délégation d‟autorité

45
Voir Trahair, R. The Human Temper: The Life and Work of Elton Mayo. 1984, New Brunswick, NJ
46
Voir a ce sujet les commentaires P A Pontoizeau, les hommes et le management, Vulbert entreprise, 1993, p46
47
Voir notament Merton, Selznick, Gouldner, Patterns of industrial bureaucracy, Glencoe, IL, Free Press, 1954
76
77

qui, selon lui, devrait favoriser la coopération dans l‟entreprise.


Déjà observés dans une bureaucratie en insistant, entre autre, sur
la délégation d‟autorité qui, selon lui, devrait favoriser la
coopération dans l‟entreprise, finalement, Gouldner (1954) insiste
sur l‟importance des variables environnementales quant aux
possibilités d‟implantation d‟une bureaucratie. Il estime que
certaines conditions physiques et psychologiques apparaîtraient
favorables à sa réussite : il distingue ainsi trois types de
bureaucratie selon les différents types d‟environnement48 :

a. La fausse bureaucratie :

 l‟application des règles n‟est pas exigée par la direction et


celles-ci ne sont pas respectées par les employés
 un faible niveau de conflit externe entre la direction et les
employés
 la violation des règles est traitée informellement

La bureaucratie représentative :

 les règles sont respectées par la direction et les employés


 il y a peu de conflits entre la direction et les employés
 l‟application des règles est assurée par l‟assentiment
informel, une participation mutuelle et l‟éducation des deux
parties

La bureaucratie centrée sur la punition :

 les règles sont appliquées par l‟une ou l‟autre des parties


 il existe une grande tension et de nombreux conflits
 l‟application des règles est imposée par la direction, reçoit
l‟assentiment informel des employés et s‟accompagne de
48
Merton, Selznick, Gouldner, opcit, 1954
77
78

menaces punitives.

Jacques E. dans son ouvrage 49reprend certaines des


hypothèses émises par Merton, Selznick et Gouldner. Il indique
que, même pour les bureaucrates, le terme bureaucratie est un
mot honteux et que, dans le monde des affaires, les structures
hiérarchiques propres à la bureaucratie sont perçues comme tuant
l‟initiative et écrasant la créativité. Et Jacques E constate après
avoir étudié ce type d‟organisation pendant trente-cinq ans, qu‟il
s‟agit de la structure organisationnelle la plus efficiente et la plus
naturelle pour les grandes organisations, même s‟il est vrai que de
nombreuses lacunes peuvent actuellement être observées. Selon
lui, ces lacunes peuvent être corrigées en redonnant aux
gestionnaires une réelle autorité encadrée par la notion
d‟imputabilité.
Les critiques formulées à l‟endroit de Jacques rejoignent
celles auxquelles doivent faire face Merton, Selznick et Gouldner
en ce sens qu‟elles font valoir que les personnes qui composent
une organisation supérieure et subordonnée ne se comportent pas
selon la rationalité voulue par la structure organisationnelle
bureaucratique. Ces personnes ne jouent donc pas leur rôle de la
même manière que la théorie ne le voudrait. Les critiques
reprochent d‟ailleurs aux tenants du modèle de ne concevoir la
personne que comme un instrument dans le grand jeu de la
productivité, au lieu de miser sur son potentiel de réflexion et de
créativité.

II.5. Le modèle de Likert

Si les travaux précédents ont favorisé l‟émergence de la


dimension sociale comme facteur de motivation au travail, les

49
J Elliott, In Praise of hierarchy, Harvard Business review, janvier- février, p. 127-133
78
79

travaux de R. Likert50 ont jeté les bases d‟un modèle administratif


axé sur la participation.

Parce que les organisations de type mécaniste utilisent


mal leurs ressources humaines, Likert préconise l‟utilisation d‟un
modèle organique, axé davantage sur la participation des employés
aux décisions et à la formulation des règles et des politiques et ce
afin d‟améliorer leur satisfaction et leur productivité. Likert a
d‟ailleurs établi un ensemble de différences quant présentées au
tableau ci-dessous :
Soulignons également que Likert a beaucoup travaillé à
comprendre les groupes, les relations intra et intergroupes, et plus
particulièrement la nature des relations entre superviseurs et
subordonnés.

Dans l‟ensemble , les chercheurs associés au modèle


organique ont tenté de redonner une certaine dignité au
travailleur en lui permettant de répondre, d‟une part, à des
besoins de socialisation et, d‟autre part, à des besoins
d‟actualisation. Toutefois, ils ont pris pour postulat de base la
noblesse du comportement humain, alors qu‟en réalité on ne peut
nier que la paresse et l‟utilisation égoïste du pouvoir fait aussi
partie de la nature humaine.
Ces chercheurs ont énormément influencé la conception
du travail et du travailleur et ont permis, une importance
progression dans le domaine de la motivation au travail, de la
communication organisationnelle, de l‟influence des groupes et du
leadership.
Par ailleurs, en plus de la création de nombreux outils de
diagnostic organisationnel (analyse socio-économique,
questionnaires, inventaires, tests).
On leur doit la mise sur pied de programmes axés sur la
50
R Likert, , New Patterns of Management, Mcraw- Hill, 1961 ,New-York
79
80

gestion par objectifs, l‟enrichissement des tâches, la


décentralisation de l‟autorité et la participation à la prise de
décision ainsi que différentes sessions de formation aux habiletés
de gestion (T-Group, gestion des conflits, communication et style
de leadership, etc..).

Comme la technologie évolue on assiste aussi aux


changements organisationnel à la période poste Taylor que nous
allons voir au chapitre suivant.

CHAPITRE III : LE POST-TAYLORISME


III.1. Fondements du post-Taylorisme

III.1.1. Raisons et fondements du post Taylorisme


Le post taylorisme tel qu‟‟il est adoptes par les directions

80
81

d‟entreprise n‟est pas l‟abandon de ces objectifs. Il se caractérise


par l‟adjonction de nouveaux objectifs51. Il faut remédier aux
dysfonctionnements liés au taylorisme. Cette nouvelle stratégie est
fondée sur la qualité, les délais courts et la compétitivité afin
d'atteindre une plus grande flexibilité (main d'œuvre polyvalente +
équipements - ateliers flexibles). On atteint alors la flexibilité
fonctionnelle.

III.1.2. Les nouvelles technologies


Pourtant, la généralisation des procédures de certification
de la qualité mettent en évidence un retour en force de
formalisation des procédures, de l‟explication des savoir-faire et
des procédures de normalisation. « Ecrire ce que l‟on fait et faire ce
que l‟on écrit », n‟est –ce pas précisément renouer avec les
procédés initiés par Taylor ?
Moins d'efforts physiques et moins de travail répétitif : la
matière grise devient une force productive : hausse du travail
indirect et baisse du travail direct. Plus de formation et plus de
personnel qualifié

III.1.3. Enrichissement du savoir

Cet enrichissement du savoir de l'homme conduit à un


changement dans l'Organisation du Travail (OT). On passe du
taylorisme (1 homme, 1 machine) au post-taylorisme (1‟équipe, 1e
système technique), ce qui implique :
Coopération, motivation
Dialogue
Responsabilités
Échanges de compétences

51
J-Paucelle, opcit, p5
81
82

III.2. Les Nouvelles Formes d'Organisation du Travail (NFOT)

Les Nouvelles formes d‟organisation du travail se


définissent comme toute forme d‟organisation du travail qui
constitue, en pratique, un dépassement du taylorisme de, c‟est à
dire toute forme de travail qui favoriserait le contrôle des méthodes
et des procédés d‟exécution des tâches par le salarié lui-même52.
De plus ces innovations structurelles sont caractérisée par :

III.2.1. L‟élargissement des tâches

L‟élargissement des tâches qui se borne à atténuer la


parcellisation du travail. Des opérations d'exécution sont
regroupées et confiées à un même opérateur. Cette méthode
permet de réduire la monotonie et l‟aliénation en redéfinissant les
taches à effectuer. Comme l‟enrichissement, l‟élargissement se
veut une modification de l‟étendue de tâches effectuées par un
travailleur mais, cette fois-ci, il s‟agit d‟un déplacement horizontal
plutôt que d‟un déplacement vertical.
Ainsi, l‟élargissement des tâches consiste à augmenter la
variété des tâches en regroupant ou en combinant un certain
nombre d‟actions connexes sous la responsabilité d‟un même
employé. Une telle pratique vient directement contrecarrer
l‟approche scientifique (taylorisme) qui prônait que l‟efficacité
passait par une fragmentation accentuée des tâches.
III.2.2. Déplacement : L‟enrichissement des tâches

L'opérateur se voit confier des tâches de contrôle,


disposant ainsi d'un certain degré de responsabilité. L‟auteur qui
se trouve à la base de la théorie de l‟enrichissement des tâches.

52
M Grant, P Belanger et B Levesque, Nouvelles formes d’organisation du travail, Montréal, ed l’Harmattan,
1997
82
83

Frédéric Herzberg effectue de nombreuses enquêtes dans les


entreprises. Il en dégage une théorie des motivations 53. Il s‟agit,
selon, lui, d‟une part de diminuer les facteurs d‟insatisfaction par
ambiance et, d‟autre part, d‟accentuer les “ mobiles valorisants” du
travail.
Les besoins se manifestent, selon lui, par ordre de
complexité: les besoins secondaires ou tertiaires ne seront
motivants que si les primaires sont déjà satisfaits.
Il est important qu‟il puisse y avoir toujours une tension
qui va dans le sens de la satisfaction des besoins.
Or le découpage entre conception et exécution, associé à la
parcellisation des tâches, élimine cette tension qui devrait
s‟orienter vers des besoins de plus en plus élaborés.
La recomposition et l‟enrichissement des tâches
deviennent donc des conditions préalables pour augmenter les
motivations qu‟engendrent les besoins secondaires, c‟est à dire les
tendances à la créativité et à la réalisation de soi.
Pour ce modèle l‟écart entre la stabilité des formes
d‟organisation du travail et l‟augmentation du niveau d‟instruction
sont mis en évidence, alors que, dans les entreprises les conditions
de travail des OS, ce que l‟on appelle « les dégâts du progrès sont
très contestés. »54.
Avec le mouvement de Mai 1968, les modèles
hiérarchiques sont au centre des critiques et un mode de vie
caractérisé par la formule « métro – boulot - dodo » est l‟objet des
critiques.
Les entreprises connaissent un taux d‟absentéisme et un
« turn –over » important et se plaignent des sabotages dans la
production et des conflits sociaux dont l‟ampleur augmente. Les
critiques portent en conséquence sur le caractère rigide et
bureaucratique des formes d‟organisation tayloriennes.

53
F Herzberg, Work and the Nature of Man, 1966, World publications, NY.
54
F Herzberg, Work and the Nature of Man, 1966, World publications, NY
83
84

Alors que des chercheurs face à l‟organisation formelle du


travail, mettent en évidence une sphère informelle, non seulement
dans les relations du travail comme pour l‟école des relations
humaines, mais dans l‟exécution des taches, faisant appel au
savoir pratique, à l‟ingéniosité, au tour de main de l‟ouvrier qui
forme la sphère du travail tacite.
Dès lors, de qui est mis en avant c‟est le gaspillage de
l‟intelligence, de la créativité, de l‟autonomie et du savoir faire des
ouvriers qui résulte de l‟organisation taylorienne du travail
prenant en compte les potentiels intellectuels, sociaux et
psychologiques du personnel.
Le maître mot deviendra la recomposition des taches à
l‟opposé du taylorisme qui visait précisément à les diviser.
En particulier, le Tavistok institute for human relation de
Londres 55 après la deuxième guerre mondiale, développera un
ensemble des recherches, partant de l‟hypothèse que l‟entreprise
constitue un système socio – technique ? Celle-ci pourra d‟autant
plus s‟ajuster aux sollicitations de son environnement ; que son
personnel y participera et permettra les anticipations nécessaires
et rendra possible la souplesse organisationnelle. C‟est pourquoi la
participation des salariés doit être recherchée comme condition de
l‟efficacité organisationnelle.
Cette méthode reflète le principe qui veut que la
productivité, l‟efficacité, la satisfaction et l‟adaptation aillent de
pair avec l‟autonomie, la variété et la rétroaction. L‟enrichissement
des tâches consiste à restructurer verticalement le travail
notamment en confiant à l‟employé des responsabilités propres à
un niveau supérieur, telles que la planification du travail, le choix
des méthodes et le contrôle de la qualité. L‟auteur qui se trouve
cependant à la base de la théorie de l‟enrichissement des taches
est F. Herzberg Il effectue de nombreuses enquêtes dans les
entreprises. Il en dégage une théorie des motivations. Il s‟agit,
55
Référence faite par M Alaluf , dans Organisation du travail, Presse Universitaires, ULB, p124
84
85

selon lui, d‟une de diminuer les facteurs d‟insatisfactions par


ambiance et,, d‟autre part, d‟accentuer les mobiles valorisants du
travail. Les principes de la méthode de l‟enrichissement des
tâches sont les suivantes56:

a. Le retrait du contrôle au gestionnaire et la délégation des


responsabilités aux employés ;

b. L‟augmentation de l‟autorité de l‟employé sur son travail ;

c. La responsabilité d‟une unité complète de travail (module, aire,


etc..);

d. La présentation de rapports périodiques par l‟employé plutôt


que par le superviseur ;

e. L‟implantation de tâches nouvelles et plus nombreuses;

f. l‟acquisition d‟expertise pour des tâches précises.

Il s‟agit pour toute une série de personnes étudiant les


organisations d‟explorer la façon dont les motivations des
personnes peuvent se concilier et se confondre avec les nécessités
du travail.

Ainsi A.H. Maslow, dans son ouvrage a proposé une


classification des besoins motivant les individus, en référence à
l‟entreprise, on peut distinguer57 :

- Les besoins matériels ou primaires : physiologique, sécurité,


affection, condition de vie et de travail,
- Les besoins psychologiques ou secondaires : activité,
considération, participation,
56
Herzberg F, Work and the Nature of Man, 1966, World publications, NY.
57
A H. Maslow, Motivation and Personality NY: Harper, 1954. Second Ed. NY: Harper, 1970.
85
86

- Les besoins sociologiques ou tertiaires : identification à un


groupe, indépendance, liberté.

III.3. Le travail en groupes semi autonomes


Une formule collective d‟enrichissement du travail. Cette
approche est considère comme la plus innovatrice au plan de
l‟organisation du travail parce qu‟elle restitue aux ouvriers une
grand partie des activités de conception, confiées auparavant a
l‟encadrement technique et hiérarchique 58.

Les travailleurs réunis en groupe semi autonome voient


élargir le champ de leur pouvoir et de leur responsabilités.

Les membres d‟une équipe semi autonome ont pour


fonction première de travailler ensemble afin de fabriquer un
produit final donné. Les membres du groupe (généralement une
quinzaine) possède un certain pouvoir du contrôle du travail et de
la régulation du système de production; ils organisent eux-mêmes
le travail qu‟ils ont à accomplir en se le répartissant. Ils peuvent
également avoir un droit de regard au chapitre de la discipline, des
salaires, de l‟évaluation du rendement, de l‟embauche et du
congédiement.

Afin qu‟un groupe semi autonome soit efficient, les


travailleurs doivent posséder certains aptitudes, soit :

a. Avoir les compétences reliées à l‟emploi;


b. Pouvoir communiquer et prendre des décisions;
c. Être capable à extraire l‟information provenant de
l‟environnement (par exemple des autres groupes);
d. Connaître la structure du travail;

58
M Brossard, M Simard, Groupe semi autonomes de travail et dynamique du pouvoir ouvrier, l’évolution du cas
Steinberg, ed Delta, Québec, 1990
86
87

e. Être capables d‟effectuer certaines activités de gestion; savoir


créer et maintenir une atmosphère de travail productive.

Ce principe sous-tend donc plus d‟autonomie pour les


travailleurs, un réaménagement des tâches, une modification du
système de prise de décision.

Une formation adéquate, la mise sur pied d‟un processus


de consultation.

Les conclusions qui ressortent de l‟expérience des équipes


de travail semi autonomes indiquent que, pour qu‟il y ait réussite,
la structure organisationnelle doit demeurer très ouverte. Les
changements des rôles semblent inévitablement entraîner une
modification des statuts.

L‟expérience demeure toutefois une source intéressante de


diagnostic des problèmes à l‟intérieur de l‟entreprise, et cela pour
l‟ensemble des gestionnaires. De plus, cette nouvelle forme
d‟organisation du travail a des répercussions intéressantes sur le
fonctionnement de l‟organisation (processus de communication),
sur la satisfaction des employés (autonomie et
Responsabilisation) et sur la rentabilité de l‟entreprise
(diminution de l‟absentéisme et du roulement, augmentation de la
productivité)59.

Exemples60:

Air Canada, a misé sur cette nouvelle forme d‟organisation


à la division des remboursements de Service des finances de
59
M Brossard, M Simard, Groupe semi autonomes de travail et dynamique du pouvoir ouvrier, l’évolution du cas
Steinberg, ed Delta, Québec, 1990,p1-10
60
C. Dolan, G. Lamoureux, E Gosselain, Psychologie du travail et des organisations, édition Gaétan Morin,
1996, Paris- Montréal.
87
88

Winnipeg. Cette division a elle connu une hausse de rendement de


30% tout en entraînant une plus grande satisfaction et plus
d‟enthousiasme chez les employés.

La structure organisationnelle de cette nouvelle forme


d‟organisation est le reflet de la nature des relations
qu‟entretiennent les différents individus et services, d‟une part, à
travers leurs rôles et leurs fonctions à l‟intérieur de l‟entreprise et,
d‟autre part, avec l‟environnement externe de l‟entreprise.

Puisque l‟environnement évolue, il faut considérer la


structure organisationnelle comme étant dynamique plutôt que
statique et comme étant une réponse d‟adaptation susceptible, elle
aussi, de se modifier pour favoriser une plus grande efficacité
organisationnelle. Mais qu‟est-ce qu‟une structure efficace? Selon
Koontz et O‟Donnell pour être efficace, une structure doit
contribuer “à la réalisation des objectifs avec le minimum de
ressources et de conséquences indésirables” 61.

Ces mêmes auteurs ajoutent ceci :

Par rapport à l‟employé, une organisation efficace permet de


fonctionner sans gaspillage ou négligence, suscite la satisfaction
au travail, définit clairement les champs d‟autorité et de
responsabilité, autorise une certaine participation au processus de
résolution de problèmes, assure la sécurité d‟emploi et une
certaine position sociale et procure un niveau de salaire aussi
élevé que possible ( Koontz et O‟Donnell1980,p.196).

62
III.4. Les cercles de qualité
61
Koontz H, O’Donnell C., Management principes et méthodes de gestion, Mac Graw Hill, 2ème trimestre 1980,
p106
62
Montreil, Bernard et Alii, Cercles de qualité et de progrès pour une nouvelle compétitivité, Paris, édition
d’organisation ,1983
88
89

Les cercles de qualité ont vue le jour en 1960 au Japon


par Ishikawa, et se propagent en Amérique du Nord, aux USA et en
France.
Ces centres sont constitués de petits groupes de
travailleurs qui se réunissent régulièrement pour analyser et
résoudre divers problèmes reliés à leur situation de travail. Cette
approche a le mérite de présenter une dynamique de participation
efficace, éprouvée dans le temps. Les cercles de qualité exploitent
une ressource qui a été longtemps négligée dans l‟entreprise:
l‟intelligence et la créativité des travailleurs, ressource qui
constitue de fait sa plus grande richesse.

De plus, les cercles de qualité favorisent l‟amélioration de


la qualité des relations humaines, une meilleure circulation de
l‟information, une plus grande satisfaction au travail et
l‟élargissement des compétences des travailleurs.

En 1962, le premier cercle de qualité fut formé à la suite


de conférences d‟experts américains (par exemple, Deming, Jura)
sur la gestion de la qualité.

En pratique, les cercles de qualité sont plus précisément


constitué de trois à douze employés (sept à dix idéalement) qui se
rencontrent volontairement et périodiquement, à raison d‟une
heure par semaine ou par deux semaines, afin d‟exposer,
d‟analyser et de résoudre les problèmes rencontrés au travail63.

La structure formelle du groupe comprend au moins un


comité d‟orientation, un facilitateur, un animateur, un groupe de
soutien ainsi que des membres. Les problèmes discutés se
rapportent, par exemple, à la qualité de l‟emploi, aux conditions
63
Voir aussi M Alaluf, Organisation du travail, Presses universitaires, ULB
89
90

de travail, à la production ou à la réduction des coûts.

Les objectifs sont d‟ordre opérationnel (augmenter


l‟efficacité et la qualité) et relationnel (améliorer la dynamique de
groupe, le climat et les échanges). Ils ont trait à l‟intégration et à
l‟adhésion (créer un sentiment d‟appartenance et de loyauté envers
l‟entreprise). Les principaux éléments de réussite d‟un cercle de
qualité sont les suivants 64:

a. La compétence du coordonnateur- sa créativité, flexibilité,


compréhension des cercles ;
b. Le soutien de la part du syndicat et des gestionnaires ;
c. La qualité comme but, plutôt que la quantité ;
d. La reconnaissance des principes de base d‟un cercle de
qualité ;
e. La participation libre ;
f. La communication des progrès et des résultats aux
gestionnaires ;
g. La liberté des sujets à traiter.

Concrètement, lors d‟une rencontre du groupe, les


participants discutent des problèmes rencontrés, choisissent les
thèmes à analyser, proposent des solutions et mettent en œuvre
ces solutions après les avoir soumises à la direction. A l‟intérieur
du cercle, plusieurs méthodes de résolutions de problèmes
peuvent être utilisées, notons entre autres la technique de
l‟histogramme, le diagramme de cause à effet, le diagramme de
Pareto, la carte de contrôle et les remue-méninges (brainstorming).

C‟est la direction qui étudie les propositions et qui décide


de les faire exécuter ou non par les services compétents.
64
J Kelada,, Comprendre et réaliser la qualité totale, Dollard-des-Ormeaux, ed Quafec,1991,
p 119-151
90
91

Cependant, l‟efficacité de chacune des propositions doit être


évaluée conjointement par la direction et les membres du cercle.

Le schéma suivant illustre le processus utilisé :

Etape 2
Etape 1 Preparation de resolution

Groupe de
Direction travailleurs/cadres

Suivi et evaluation Instruction et mise a dispositio


des informations
Travailleurs/employés
Etape 4 Etape 3.

Ce schéma montre l‟importance de la participation des


différents acteurs de l‟entreprise a l‟élaboration et au suivi des
résolutions adoptées. Cette implication crée un sentiment
d‟appartenance des employés qui va rapidement permettre une
meilleure résolution des conflits et un meilleur dialogue entre les
dirigeants et les employé/ouvriers. Le suivi effectué par la
direction se centre essentiellement sur les résolutions acceptées
par les employés/ouvriers.

91
92

Illustration VI de l’application des cercles de qualité 65 :

Les pharmacies Jean Coutu appliquent une nouvelle


forme d‟organisation similaire aux cercles de qualité et appelée
”groupes de progrès”. On y aborde des thèmes tels que le service à
la clientèle, la rentabilité et la qualité de vie au travail, mais pas la
qualité des produits, puisque les pharmacies ne font que
commercialiser des produits fabriqués ailleurs.

La qualité de vie des employés englobe les aspects


physiques des lieux de travail (espace, disposition, propreté, bruit,
etc..), la nature du travail (autonomie, responsabilités efforts, etc..)
les politiques et les pratiques de gestion (bien que celle-ci soient
rarement abordées puisque de tels changements toucheraient
l‟ensemble des employés de l‟organisation).

Rappelons que la plupart des employés de cette


organisation sont non syndiqués. L‟expérience, si on en croit les
gestionnaires du siège social, semble très bien fonctionner.

En Ontario, la Thompson Product Division de la TRW


Canada Limited a également tenté l‟expérience des cercles de
qualité dans le but de réduire les coûts, d‟augmenter l‟engagement
des employés et d‟améliorer la qualité du produit, la productivité,
le travail d‟équipe et la sécurité.

Avant d‟instaurer le programme, les dirigeants de


l‟entreprise ont mis sur pied un comité d‟établissement afin de
déterminer les règles des cercles de qualité. Ce comité a alors
décidé que la participation y serait volontaire, que le nombre de
membres d‟un cercle n‟excéderait pas quinze employés et que les

65
Illustration tire de l’ouvrage C. Dolan, G. Lamoureux, E Gosselin, Psychologie du travail et des organisations,
édition Gaétan, 1996, Paris- Montréal
92
93

membres du cercle de qualité se rencontreraient


hebdomadairement.

De plus, il fut établi que les cercles seraient autonomes et


qu‟ils obtiendraient l‟appui indéfectible de l‟entreprise. Un
facilitateur de l‟institut des cercles de qualité de Californie fut
invité à venir former les animateurs pendant une semaine. Le
coût total du projet pour une année a été évalué à 33000$.
Convaincus des avantages d‟une telle expérience pour la résolution
de problèmes, la reconnaissance, l‟estime et l‟engagement des
travailleurs, les dirigeants de la TRW Canada Limited songent à
implanter cette pratique dans les autres services de leur
organisation.

Au Québec, on trouve également des cercles de qualité


dans le secteur de l‟enseignement et dans quelques entreprises
telle CAMCO. Aux Etats Unis, des entreprises comme Ford,
Général Motors, Parkerd Electric, Bethlehem street, Wesinghouse
défense et Electronic System ont obtenu des résultats intéressants
avec les cercles de qualité.

Les résultats de cercle de qualité en termes économiques ont été


positifs :

Baisse de la pénibilité du travail


Baisse des pannes des machines
Baisse du taux de rebuts
Meilleure motivation/Meilleure intégration des salariés dans
l'entreprise :

"On ne laisse plus son intelligence au vestiaire". Le centre de


qualité reste cependant l'affaire de la direction qui les contrôle. Les
centres de qualité ne s'occupent pas que des problèmes mineurs
93
94

(machine à café). Les syndicats y sont hostiles car leur rôle y‟ est
amoindri et ils craignent qu'il y ait une récupération des savoir-
faire: pour eux "l'aristocratie ouvrière" est exploitée

CHAPITRE IV. LE MODELE JAPONAIS

Bien que remis en cause, l‟organisation scientifique du


travail est un modèle de production qui reste valable dans le cas
ou l‟entreprise cherche à produire en grande série un ou des
produits standardisés. Les nouvelles formes d‟organisation du
travail sont nées avant tout d‟une remise en cause des modes de
consommation.
La remise en cause du modèle fordiste repose sur la
nécessité de faire évoluer le mode de production auparavant
focalisé sur la seule recherche de gains de productivité. Les
évolutions des modes de consommations poussent les entreprises
à revoir ce type d‟organisation en recherchant :
94
95

De nouvelles formes de motivations du personnel : qui ne


passe plus simplement par la motivation salariale mais par
l‟enrichissement des tâches (qui dépasse de simples fonctions
opérationnelles), l‟élargissement des tâches (la spécialisation du
salarié est remise en cause) et la rotation des postes (pour lutter
contre la monotonie du travail).
La recherche flexibilité de la chaîne de production : pour
répondre à une demande de plus en plus différenciée exprimée
par le consommateur. De ce fait, l‟organisation du travail doit
aussi favoriser l‟initiative des fonctions opérationnelles pour
diminuer le temps de réaction de l‟entreprise.
La recherche de la qualité : cet élément devient un
principe incontournable du fait de l‟exigence croissante des
consommateurs déçus par la faible qualité des produits réalisés
dans le cadre d‟une approche quantitative de la production.
Une organisation de l‟entreprise pilotée par l‟aval : la
production répond à une demande réelle, elle n‟est plus réalisée à
partir d‟une demande anticipée.
Face à une logique de productivité, les nouvelles formes
d‟organisation du travail s‟inscrivent dans une double
problématique : la recherche du meilleur compromis possible entre
la recherche de gains de productivité et la recherche d‟une plus
grande flexibilité de l‟outil de production permettant de mieux
satisfaire la demande.
Ces nouveaux modèles d‟organisation du travail
s‟inspirent des procédés développés principalement par les
entreprises japonaises et sont regroupés sous l‟appellation de
« Toyotisme » (en opposition au « fordisme »)
IV.1. Les Fondements du modèle
Le fordisme suppose, pour produire en masse, que
l‟entreprise ne fabrique qu‟un seul type de produit ou une gamme
95
96

relativement étroite. Ce système fonctionne bien quand les


consommateurs ne sont pas tous équipés et qu‟ils sont donc prêts
à acheter ce qu‟on leur propose. Cependant, il arrive un moment
où la très grande majorité des consommateurs intéressés est
équipée. Les économistes parlent d‟un marché saturé.
Les ventes, pour se poursuivre dans ce cas, doivent
reposer sur des produits différents, adaptés plus finement aux
besoins des consommateurs, apportant des fonctions
supplémentaires ou une esthétique originale, etc. On passe à un
marché de renouvellement où le consommateur peut se permettre
des exigences supplémentaires, faire un choix entre différentes
propositions.

Les producteurs doivent changer rapidement leurs


gammes, les étendre pour toucher les différentes catégories de
consommateurs, après le cercle vertueux de la période fordiste, a
commencé à se produire à la fin des années 1960 entraînant des
difficultés pour de nombreuses entreprises qui ont dû, pour
survivre, adopter des modes d‟organisation du travail beaucoup
moins rigides.
Avec un peu de recul, on constate que c‟est vraiment au
milieu des années 1980 qu‟un nouveau modèle d‟organisation a
été généralisé, au moins dans les pays les industrialisés.
Le succès de l‟entreprise Toyota, qui a même gagné des
parts de marché importantes dans le pays qui avait inventé le
fordisme, repose sur une organisation du travail radicalement
différente de celle proposée par Taylor et Ford et a servi de modèle
à de nombreuses entreprises.
Hervé Sérieyx nous raconte la déclaration d‟un dirigeant
japonais Matsushita sur l‟organisation du travail à la japonaise et
celle de l‟organisation taylorienne des occidentaux

96
97

Par rapport au modèle occidental 66 : « nous allons gagner


et l‟occident industriel va perdre : vous n‟y pouvez plus grand
chose, parce que c‟est en vous mêmes que vous portez votre
défaite.

Vos organisations sont tayloriennes ; mais le pire, c‟est


que vos têtes le sont aussi. Vous êtes totalement persuadés de
faire bien fonctionner vos entreprises en distinguant d‟un côté
ceux qui pensent, de l‟autre ceux qui vissent.
Pour vous, le management c‟est l‟art de faire passer
convenablement les idées des patrons dans les mains des
manœuvres.
Nous, nous sommes post-taylorisme : nous savons que le
business est devenu si compliqué, si difficile et la survie d‟une
firme si problématique, dans un environnement de plus en plus
dangereux, inattendu et compétitif, qu‟une entreprise doit chaque
jour mobiliser toute l‟intelligence de tous pour avoir une chance de
s‟en tirer.
Pour nous, le management, c‟est précisément l‟art de
mobiliser et d‟engendrer toute cette intelligence de tous, au service
du projet de l‟entreprise. Parce que nous avons pris, mieux que
vous, la mesure de nouveaux défis technologiques et économique,
nous savons que l‟intelligence de quelques technocrates si brillants
soient ils sont dorénavant totalement insuffisantes pour les
relever. Seule l‟intelligence de tous les membres peut permettre à
une entreprise d‟affronter les turbulences et les exigences de son
environnement.
C‟est pour cela que nos grandes sociétés donnent trois ou
quatre fois plus des formation à tout leur personnel que ne le font
les vôtres ; c‟est pour cela qu‟elles entretiennent en leur sein un
dialogue et une communication si dense, qu‟elles sollicitent sans
cesse les suggestions de tous et surtout qu‟elles demandent en
66

97
98

amont au système éducatif national de leur préparer toujours plus


de bacheliers, de généralistes éclairés et cultivés, terreau
indispensables à une industrie qui doit se nourrir d‟intelligence
permanente.
Vos patrons sociaux, souvent gens de bonne volonté,
croient qu‟il faut défendre l‟homme dans l‟entreprise. Réalistes,
nous pensons à l‟inverse qu‟il faut faire défendre l‟entreprise par
les hommes et que celle-ci leur rendra au centuple ce qu‟ils auront
donné. Ce faisant, nous finissons par être plus sociaux que vous ».

Les grandes entreprises japonaises ont connu une


croissance plus que remarquable dans le secteur automobile et
informatique depuis le milieu des années 80. Ceci est notamment
du a leur maîtrise des nouvelles technologies mais également au
mode d‟organisation de travail adopte dans ces entreprises souvent
en avance sur leur époque.

IV.2. Comparaison des principaux modes de production


Caractéristique Fordisme Toyotisme

Principe Organisation Qualité totale


général scientifique du travail
d’organisation
Principes de Séparation des tâches zéro défaut
fonctionnement fonctionnelles et zéro délai
opérationnelles zéro stocks
zéro panne
Organisation de la zéro papiers
production en une
succession de tâches
élémentaires
Mode de Par l‟amont Par l‟aval
pilotage
98
99

Circulation de Verticale (de haut en Verticale et horizontale


l’information bas) (kanban, cercles de
qualité)
Organisation du Spécialisation des Flexibilité des
travail travailleurs sur un travailleurs
nombre de tâches
élémentaires réduit
Élargissement et
approfondissement des
Travail à la chaîne tâches
Type de Standardisée et de Production différenciée
production masse et modulable selon la
demande
Mode de Centralisé et rigide au Décentralisé et
décision niveau du sommet coordonnée au niveau
hiérarchique des fonctions
opérationnelles
Type de Fonctionnelle ou Matricielle ou staff and
structure divisionnelle line
Flexibilité de la faible Forte
structure
Mode de Vertical, centralisé et Vertical et horizontal,
contrôle axés sur les aspects décentralisé axés sur
quantitatifs de la les aspect quantitatifs
production et qualitatifs de la
production
Motivation du Salaire Salaire et
personnel enrichissement du
travail

IV.3. L'organisation du travail à la japonaise :


L‟entreprise de type « Toyotiste » s‟inscrit dans une logique
de qualité totale qui consiste à développer un processus continu
99
100

d‟amélioration du processus de production à partir de la


mobilisation de l‟ensemble des personnels impliqués que ce soit au
niveau des méthodes de gestion de la qualité que de l‟assurance -
qualité.
Cette recherche de qualité totale est symbolisée par le principe des
« 5 zéros » :
Zéro défaut : le processus de fabrication doit limiter au
maximum les défauts de fabrication de manière à éviter le
gaspillage des ressources utilisées pour produire. Le contrôle de la
qualité du processus productif ne se limite donc plus à un
contrôle à la fin du processus productif mais est intégré dans
l‟ensemble de la chaîne de production.
Zéro panne : la recherche d‟un efficacité optimale du
processus productif (afin de garantir des gains de productivité) se
traduit par la mise en place d‟un système de maintenance
préventif qui vise à éviter les pannes plutôt qu‟à intervenir une
fois celles-ci constatées (ce qui entraîne alors un arrêt temporaire
de la production).
Zéro délai : les gains de productivité vont par ailleurs être
obtenus par la mise en place d‟un système de production en
continu ce qui dans le cadre d‟un mode de production flexible se
traduit par l‟élaboration de processus de production facilement
reprogrammables et adaptables.
Zéro stocks : des gains de productivité peuvent aussi être
obtenus par la suppression des stocks de produits finis ou de
produits intermédiaires qui coûtent chers à l‟entreprise. La
production va donc être organisée selon le principe de la
production au « juste-à-temps ».
Zéro papier : la flexibilité de l‟outil de production ne
pourra être obtenu que par une organisation plus souple et donc
moins dépendante de procédures administratives complexes qui
100
101

ralentissent le processus de décision. Le système d‟information


devient donc moins formel et moins vertical.
La double problématique « productivité-flexibilité » trouve
ainsi concrètement une application au sein de l‟entreprise par la
mise en pratique de ces principes des « cinq-zéros ». La mise en
application de ces principes dans l’entreprise se traduit
entre autre par une nouvelle forme d’organisation du travail
qui, sans remettre en cause nécessairement la notion de chaîne de
production, réoriente le processus de production autour du
concept de juste-à-temps (appelé aussi production en flux tendus

Eléments de base :

Ils tiennent compte de l'intelligence de tous les membres


de l'entreprise, et acceptent les suggestions de tous.

Importance du dialogue et de la communication dans les


structures de gestion.

La Direction n'a pas le monopole des idées et des


décisions. Le personnel peut être consulté, même sur des points
importants. Toutes les décisions peuvent être prises à des niveaux
différents.

Ce modèle peut se résumer sur l‟importance mise au


« nous » plutôt qu‟au « moi » au Japon, on donne de l'importance
au groupe, alors que les Européens sont axés sur le "moi",
l'individu.

Dans l'entreprise, il existe un respect de la hiérarchie,


une harmonie des relations humaines, une loyauté envers les
supérieurs. Toute attitude individualiste est considérée comme
égoïste. La politesse est de rigueur. Tout individu qui développe
101
102

une hostilité aux normes est marginalisé afin d'éviter les conflits.
On donne de l'importance au caractère collectif du travail et le
salarié s'identifie à son entreprise.

Application : Le toyotisme ou le Ohnisme

C'est Ohno Taïchi qui met en place les principes de


l'organisation toyotiste qui a été appliquée chez Toyota. Les firmes
américaines avaient servi de modèles dans l'Europe des années
1950 et plus tard dans les autres pays.

Aujourd'hui, ce sont les firmes japonaises qui servent de


référence.

Tachi Omo (1912-1990) entre en 1922 chez Toyota


travaillant d‟abord dans sa branche textile. En 1933, Toyota
commence a produire des automobiles se basant sur un modèle de
production inspire des modèles américains de l‟époque
(taylorisme/fordisme).

Suite à un voyage au USA, Ohno visitant un supermarché


y découvre la notion de production en fonction du marché, il
remarque que les clients ne prennent que ce dont ils ont besoin et
que les rayons sont réapprovisionnés pour compenser les
quantités prélevées.

Il va s‟inspirer de son expérience et jeter les bases du


toyotisme qui aura un réel succès après la seconde guerre
mondiale ». Le toyotisme tend à remplacer le taylorisme et le
fordisme en pensant de manière inverse à ces deux modèles.

Les principes du toyotisme peuvent se résumer ainsi :

102
103

 La production est basée sur des séries limitées mais à partir


d'un grand nombre de modèles offerts à la clientèle
 La production se fait uniquement en fonction des besoins du
marché.

Le toyotisme repose sur 2 règles d'or 67:

 La production juste à temps (just in time) : on accorde la


priorité à l'aval, on va produire uniquement les quantités
demandées par le marché. C'est le système des flux tendus :
la production va de l'aval vers l'amont.
Ce mode d‟organisation suppose que l‟ensemble des
fonctions de production reposent sur un système de pilotage par
l‟aval du cycle de production. Ce principe s‟applique à la fois au
cycle de production qui doit se contenter de produire la quantité
réelle de biens demandés par les clients, et au niveau des
approvisionnements qui doivent coller aux variations du volume de
production.
La première conséquence d‟une telle approche est que
l‟existence de stocks, que ce soient de produits finis ou de
produits intermédiaires ne constituent plus une variable classique
d‟ajustement mais sont l‟expression d‟un dysfonctionnement qu‟il
faut solutionner.

La seconde conséquence est que l‟entreprise ne


fonctionne plus comme une entité autonome de production mais
doit développer ce nouveau mode de production en développant
des relations plus fortes avec ses fournisseurs de manière à ce
que ceux-ci adaptent leur mode de production selon les principes
67
Ohno Taichi, Toyota Production system : Beyond Large scale production, Productivity
Press, 1990, L’Esprit Toyota, Masson, Paris
103
104

du « juste-à-temps ».
La troisième conséquence est que l‟appareil de production
de l‟entreprise doit disposer d‟un certain degré de flexibilité lui
permettant de s‟adapter aux variations de la demande que ce soit
en terme de volumes (les capacités de production doivent garder
un potentiel d‟accroissement de la production), ou en terme de
produits (les outils industriels doivent être polyvalents et
permettre d‟alterner différents types de production).
La quatrième conséquence est que les fonctions
opérationnelles doivent pouvoir intervenir rapidement pour
garantir le bon fonctionnement de l‟outil industriel, soit pour faire
face à des problèmes de maintenance, soit pour pouvoir s‟adapter
aux évolutions des modes de production (plus grande flexibilité
des hommes).
La cinquième conséquence réside dans la circulation de
l‟information dans l‟entreprise qui se doit d‟être à la fois verticale
(mais cette fois-ci en partant de l‟aval) mais aussi horizontale
(pour permettre une gestion optimale des flux physiques reliant
les différents ateliers : exemple du Kanban).
Enfin, la mise en place d‟un système de production en
flux tendus suppose que l‟appareil productif fonctionne de la
manière la plus optimale possible ce qui suppose une démarche
constante de recherche de la qualité, que ce soit en terme de
produit que de mode de production.

 L‟autonomisation et auto -activation de la production : les


salariés et les machines bénéficient d'une certaine
autonomie, ils peuvent arrêter eux-mêmes la chaîne de
montage lorsque des anomalies sont constatées, sans
intervention de la direction (automatisation).
104
105

Cette approche va bien entendu entraîner une nette


amélioration des techniques de gestion de stocks, vu qu‟on va
produire en fonction de la demande du marche des produits de
qualité supérieure directement susceptibles d‟être écoulés sur le
marché dans des délais très compétitifs.
Dans cette approche du travail, l‟ouvrier « est un col bleu
(ouvrier) traité comme un col blanc (employé de bureau) ». La
pression du groupe empêche l'absentéisme.

L‟auto-activation développe et étend ce principe. Elle


suppose une forme d‟allocation du travail : il s‟agit de prendre le
temps nécessaire de produire pour produire avec un souci de
qualité.

Les phases de la formation du système Toyota

a. Transformation dans l‟automobile des méthodes héritées de


l‟industrie textile (1947-1950).

Toyota, dont le domaine initiale était le textile se lance dans


l’automobile. Il y introduit l‟innovation consistant à confier à un
même ouvrier la conduite et la gestion simultanée de plusieurs
machines. Cela a des implications sur l‟organisation spatiale de
l‟usine comme dans l‟organisation du travail et suscite d‟ailleurs
une intense résistance de la part des ouvriers japonais.

b. Le choc de 1949-1950 augmente la production sans augmenter


les effectifs.

Trois événements importants se succèdent pendant ces deux


années :

105
106

-Crise financière de la société qui est au bord de la faillite.


Restructurations imposées par un groupe bancaire.
-1950 : grève de grande ampleur, notamment contre le plan de
restructuration. Elle se soldera par le licenciement de quelques
1600 ouvriers.
- A peine la grève est elle terminée ; que le début de la guerre de
Corée entraînera des commandes en masse adressées à Toyota qui
jusque là devait se limiter à la petite série. Alors même que l‟usine
vient de licencier une grande partie de son effectif.

Importation dans la fabrication automobile des techniques de


gestion de stocks des supermarchés américains dans les années
1950 : naissance du « Kan ban » : gestion des stocks juste à
temps/ production qu‟en cas de la demande.
c. Extension du « Kan ban » aux sous-traitants.

Après le choc pétrolier de 1973, le Japon se trouve dans une


situation de croissance lente.
- poursuite de la rationalisation intense à Toyota
- extension aux sous-traitants.

Trois déterminants sont à la base de la formation de la


méthode Toyota :

1. Les spécificités du marché automobile japonais

Les spécificités du marché automobile japonais dans les


années 1950. Industrie automobile de dimension réduite. C‟est
tardivement (milieu des années 60) que se constitue un véritable
marché intérieur japonais comment réaliser des gains de
productivité sans élargir le volume de la production c'est-à-dire
sans s‟appuyer sur l‟exportation et des économies d‟échelle ?
Nécessité de répondre à des demandes courtes et variées.
106
107

2. Menace financière de 1949 et gestion des stocks.

En 1949, suite à la politique d‟austérité du gouvernement


nippon et la baisse de demande qui en résultait, Toyota est
confrontée à de grandes difficultés financières et passe très près de
la faillite. Les banques lui imposent un plan de redressement
draconien qui comporte notamment la création d‟une Société de
distribution automobile, la diminution des effectifs et l‟ajustement
des voitures produites à celles effectivement vendues par la société
de distribution.

3. Les marchés du travail et les relations industrielles.

Après la guerre, dans l‟automobile se développe un


syndicalisme d‟industrie très combatif qui fut à la base du conflit
de 1950 qui, après 2 mois de grèves et de manifestations, se solda
par une défaite majeur pour le syndicat et le licenciement 1600
personnes. En 1952 face au mouvement de rationalisation de la
production dans tout le pays, une grande vague de luttes
syndicales se déclenche dans tout le Japon. Toyota n‟échappe pas
à cette vague et le syndicat organise un mouvement de
revendication salariale et de résistance à la rationalisation qui
durera 55 jours.

Le conflit s‟achève par une nouvelle défaite syndicale.


Suite à quoi la direction parvient à transformer la branche locale
du syndicat d‟industrie en un syndicat interne (maison). En1953
on peut considérer que pour l‟essentiel le mouvement syndical de
ce secteur a été détruit. A sa place un syndicat d‟entreprise
(corporatiste) devient l‟interlocuteur exclusif de la direction.

En 1954 ce syndicat jugé encore trop revendicatif est


107
108

dissous et remplacé par un nouveau encore plus coopératif. Celui-


ci mène compagne en 1954 sur le thème protégez notre entreprise
pour défendre la vie. Depuis lors non seulement la grève chez
Toyota a pratiquement disparu mais le syndicat devient l‟un des
passages assurant la promotion des dirigeants et la formation des
élites de l‟entreprise.

Malgré cela l‟introduction du système Toyota pour


entraîner la coopération des salariés a nécessité un ensemble de
contreparties implicites ou explicites. Il en est ainsi du système de
l‟emploi à vie, du salaire à l‟ancienneté et de l‟instauration
systématique de marché internes.

Ce modèle présente néanmoins des limites :

La pression temporelle et la contrainte du temps qui pèse


sur les salariés; il faut faire vite et respecter les délais pour être
concurrentiel.

La charge mentale nécessite une vigilance accrue : état


d'alerte, obligation de se concentrer sur des sources d'information
différentes, stress.

Ce modèle a néanmoins eu un très grand succès dans de


nombreuses multinationales ; Toyota, Nissan, etc.…malgré la
réticence des puissantes organisations syndicales japonaises lors
de son introduction.

108
109

Les principes du Modèle Toyota 68

Dans son fameux ouvrage, The Toyota Way (Le modèle


Toyota), l‟auteur dégage 14 principes qui ont fait le succès de
l‟entreprise automobile Toyota. Ses principes découlent des
diverses observations qu‟il affecté quant au mode de gestion /
management/ organisation de cette entreprise. Ces principes sont
les suivants :

Principe 1 : Fonder ses décisions managériales sur une


philosophie à long terme, et en accepter les coûts à court terme

Principe 2 : Créer un flux continu dans ses processus pour faire


apparaître les problèmes.

Principe 3 : Tirer plutôt que pousser pour éviter la surproduction.

Principe 4 : Lisser les activités (Heijunka)

Principe 5 : Affirmer dans la culture de l'entreprise la volonté de


tout arrêter si besoin pour résoudre les problèmes au fur et à
mesure qu'ils apparaissent, afin d'assurer un excellent niveau de
qualité dès le premier produit.

Principe 6 : La standardisation du travail est la base de


l'amélioration continue et de l'implication du personnel.

Principe 7 : Le management visuel permet de s'assure que les


défauts ne restent pas cachés.

Principe 8 : N'utiliser que des technologies testées et éprouvées


dans les processus de fabrication.
68
Jeffrey Like, The Toyota Way, Mc Graw-Hill, 2004
109
110

Principe 9 : Développer des leaders qui comprennent le travail


dans le détail et qui incarnent par leur attitude a philosophie de
l'entreprise.

Principe 10: Recruter et former un personnel de qualité


exceptionnelle, organisé en équipes qui suivent la philosophie de
l'entreprise.

Principe 11: Respecter le réseau étendu des partenaires et


fournisseurs en les encourageant à toujours mieux faire et les
aident à s'améliorer.

Principe 12: Aller soi-même voir ce qui se passe sur le terrain afin
de comprendre les situations pratiques (Genchi Gembutsu).

Principe 13: Prendre les décisions lentement, par consensus, et


en considérant toutes les options.

Principe 14: Devenir une organisation apprenante par une


réflexion au fil de l'eau (Hansei) et l'amélioration continue (Kaizen)

Commentaires :

On voit dans ce mode d’organisation l’accent mis sur


la nécessité d’organiser le travail ; de le standardiser mais
également l’importance d’avoir une philosophie et une culture
d’entreprise qui permet de véhiculer un message uniforme. Il
y a une identification du personnel à cette culture globale de
l’entreprise.

110
111

CHAPITRE V. L‟ORGANISATION DU TRAVAIL DANS LES PAYS EN


VOIE DE DEVELOPPEMENT

V.1. Aperçu de la problématique du différentiel culturel


V.1.1. Le respect des droits du travailleurs- Conditions
fondamentales au succès de l‟entreprise africaine

Essayer d‟appliquer les principes d‟une organisation


rationnelle du travail dans les pays en voie de développement n‟est
pas tache aisée. D‟abord il faut noter que nos sociétés africaines
ne sont pas passées par la révolution industrielle, phase clé dans
l‟introduction d‟un nouveau mode d‟organisation de travail comme
vu précédemment.

Lors de la colonisation nous sommes passés d‟un système


traditionnel avec une organisation patriarcale des tâches de
travail (artisanal) à un modèle pseudo occidental avec un schéma
industriel « imposé » par des nécessités économiques à une
population non préparée.

Les usines d‟exploitations de cuivres qui se sont érigée au


Katanga ont été uniquement importées d‟occident au début du
siècle dernier et tous ces nouveaux modes d‟exploitation étaient
bien entendu totalement inconnus aux populations locales. La
technologie avait précédé la préparation des mentalités, la
formation des autochtones à cette nouvelle technologie n‟était pas
préparer, ce nouveau mode de pensée où la production n‟était plus
du tout orienté vers le clan mais vers une collectivité inconnue de
ce clan

Cette structure patriarcale (avec ses clans divisés en


différents corps ; chasseurs, pécheurs, agriculteurs, guérisseurs,
etc.…) se rapprochait certainement des anciennes corporations de
la France médiévale dans une certaine mesure mais était tout à
111
112

fait à l‟opposée du modèle occidental de production de la fin du


19eme siècle.

Les populations autochtones étant cantonnées à des


tâches très manuelles, il n‟était en rien nécessaire de développer
un modèle complexe de gestion du travail mais plutôt transférer le
savoir entre différents groupes spécialisés dans des secteurs
spécifiques.

Une intéressante illustration de cette diversité culturelle,


se manifeste également dans la manière dont le mangement
africain approche le concept de risque. L‟essayiste camerounais
Octave Jokung Nguena a brillamment traité de cette
problématique dans son dernier ouvrage intitulé «Le management
des risques en Afrique : réalités et perspectives » dont nous
publions le résumé tel que paru dans l‟édition électronique du
magazine les Afriques.

Illustration VII.

Management de risques en Afrique : le différentiel culturel

112
113

« Ce n’est pas l’Afrique qui refuse le management, c’est ce


dernier qui ne parvient pas à s’implanter en Afrique ».

Extrait paru dans les Afriques http://www.lesafriques.com/

PAR MOHAMED B. FALL, CASABLANCA

L‟approche occidentale de classification et de notation des


risques d‟entreprise est-elle adaptée au contexte africain ?
L‟essayiste camerounais Octave Jokung Nguena traite de la
problématique dans son dernier ouvrage intitulé «Le management
des risques en Afrique : réalités et perspectives ». L‟objectif visé,
au-delà de la mise en place d‟une méthodologie appropriée pour le
continent, qui détient 0,5% du Produit national brut mondial,
représente moins de 1,5% du commerce mondial et attire un peu
plus de 1,2% des investissements directs étrangers, est «
d‟africaniser le risk management ». Exercice qui requiert donc une
approche spécifique dans un continent où le risque relève plus du
sacré que de l‟homme. Les Africains, comme, d‟ailleurs, les
Asiatiques, ont tendance à appréhender le risque par rapport à la
peur qui l‟accompagne, constate l‟auteur qui met en opposition
l‟attitude occidentale. Les Américains possèdent une culture de
l‟optimisme qui leur donne cette tendance à vouloir toujours
maîtriser les risques, alors que dans le vieux continent l‟on voue
un culte à la peur. Pas question donc pour les européens de «
privilégier l‟aventure comme leurs cousins américains ; ils
alimentent plutôt le pessimisme », selon M. Nguena, également
auteur de plusieurs ouvrages en finance et en management.

Protection et compréhension

Dès lors que l‟attitude par rapport au risque est différente


d‟une culture à l‟autre, il est pertinent de se demander si
l‟approche classique des compagnies d‟assurance, à savoir la
113
114

standardisation des contrats, est la meilleure. Les employés et


membres d‟une entreprise africaine auront plutôt tendance à
considérer l‟entreprise comme une collectivité au sein de laquelle
ils exigeront protection et compréhension, concourant ainsi à
reporter leur peur du risque sur l‟entreprise, ce qui ne correspond
en aucune façon au mode d‟organisation dans le monde
occidental. « Le faible contrôle de l‟incertitude et l‟importante
distance hiérarchique que l‟on rencontre sur le continent africain
conduisent à privilégier, dans le cas des structures africaines, un
management personnalisé couplé avec l‟adoption du principe de
famille élargie en tant que mode d‟organisation. Dans ce contexte,
le risque culturel est à son paroxysme », souligne M. Nguena. Or
l‟approche traditionnelle du risque qui identifie celui-ci en fonction
des produits d‟assurance, proposés par les assureurs ne prend pas
en compte le facteur culturel. De plus, le recours à la
mutualisation dans le cadre de la gestion des risques par les
assureurs présente des problèmes d‟inadéquation car il est élaboré
en général dans un contexte occidental.

L’échec de la transposition du management occidental met en


évidence l’importance du degré d’acculturation des
entreprises africaines.

Sortir de l’approche européenne

Bref, le professeur recommande de sortir de l‟approche


européenne curative ou assurantielle, dont le continent noir a
hérité avec la résistance culturelle que l‟on sait, pour adopter
l‟approche préventive basée sur le processus IVTS ou
Identification, Valorisation, Traitement et Suivi. Ce processus est
approprié au cas de l‟entreprise africaine, car il s‟appuie sur
114
115

l‟approche systémique des risques et considère l‟entreprise comme


un système ouvert, organisé, finalisé, dynamique et régulé.
L‟approche conduit à considérer l‟ensemble des risques auxquels le
système est soumis, y compris le risque culturel, sans oublier le
risque d‟inadéquation. Concrètement, avec l‟IVTS, il y a un
management global des risques qui procède à l‟identification,
l‟évaluation suivie de la hiérarchisation, le traitement et le suivi.
Les risques sont mesurés en termes de survenance et d‟impact.
Ceux qui sont jugés inacceptables en l‟état, selon l‟appétence de la
direction générale de l‟entreprise, sont réduits et si possible
transférés. De leur réduction dépend leur acceptabilité et plus tard
leur transfert. Reste à savoir maintenant si cette approche IVTS
triomphera là où d‟autres ont échoué. « Ce n‟est pas l‟Afrique qui
refuse le management mais ce dernier qui ne parvient pas à
s‟implanter en Afrique », répond M. Nguena, qui rappelle que de
nombreux auteurs se sont posés la même question, justifiant cette
spécificité par l‟esprit communautaire propre aux Africains, la
distance hiérarchique, en passant par le mythe du chef, sans
oublier le rapport du temps au sacré. En réalité, l‟échec de la
transposition du management occidental met en évidence
l‟importance du degré d‟acculturation des entreprises africaines,
mais pas l‟impossibilité de gérer l‟incertitude sous nos cieux. «
Comment pouvait-on accepter qu‟en Afrique la somme ne soit pas
supérieure au tout alors qu‟elle l‟est sous d‟autres cieux ? »,
s‟interroge le docteur en sciences de gestion qui conclut par un
soupir sur cette Afrique, éternelle terre de paradoxes.

Octave Jokung Nguena « Le management des risques en Afrique » «


Réalités et perspectives » Editeur : Afrique Edition (Groupe Afrique
Challenge), Casablanca

« Ce n’est pas l’Afrique qui refuse le management, mais ce


dernier qui ne parvient pas à s’implanter en Afrique ».

115
116

Le respect des droits du travailleurs- Conditions


fondamentales au succès de l’entreprise africaine

Aujourd‟hui de nombreux organismes internationaux


collaborent avec les autorités étatiques des PVD afin de permettre
l‟amélioration des conditions de travail.

Il nous semble en effet impossible de maximiser le taux de


productivité d‟une entreprise sans avoir au préalable améliorer les
conditions de travail de ses employés. Amélioration qui passe par
le respect des droits fondamentaux des travailleurs.

A ce niveau, il existe des nombreuses normes issues par


l‟OIT (Organisation internationale du travail), nous nous limiterons
ici a cité la plus importante.

Déclaration de l‟OIT relative aux principes et doits


fondamentaux au travail (1998)-

Ces principes sont :

a. La liberté d‟association et la reconnaissance effective du droit


de négociation collective
b. L‟élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire
c. L‟abolition effective du travail des enfants
d. L‟élimination de la discrimination en matière d‟emploi et de
profession
116
117

Notons que dans la pratique, de nombreux pays ne


respectant pas nécessairement les droits fondamentaux ont su
établir des structures de travail « efficientes » en termes de
rentabilité. Le succès de nombreux modèles asiatiques en est une
illustration ; une main d‟œuvre offerte a un prix abordable et
organisée dans une structure de production de type taylorienne a
souvent génèré de revenus considérable.
Avec la globalisation de l‟économie, de nombreuses
multinationales ont délocalisé la fabrication de leur produits en
Asie (Chine, Malaisie, Corée, Taiwan, etc.) de par les faibles coûts
de production.

Dans ce contexte, l‟organisation du travail était dictée par


des raisons économiques.
La division internationale du travail dans les unités de
production fonctionnant selon un modèle bien précis. La phase de
conception avait lieu dans les pays occidentaux mais la production
une fois « banalisée », se rependait dans les pays du sud et
lorsque le produit était devenu banal et technologiquement bien
maîtrisé, l‟ensemble du processus de production était alors
délocalise69.
Le débat reste ouvert pour les PVD ; quel model choisir ?
Trouver un équilibre entre rentabilité et qualité de travail ?
Différents textes sont fournis en annexes pour illustrer cette
problématique.

CONCLUSION

L‟innovation technologique ne peut être saisie de manière


isolée. Tout procès de production se révèle d‟une part comme

69
Pierre Beckouche, Mondialisation et territoires, cours de Deug, 2001, Université Paris 1
117
118

composite à l‟observateur dans le sens ou des générations


différentes de machines y coexistent, et d‟autre part, toute
innovation technique est aussi simultanément sociale. Cette
affirmation du professeur Alaluf doit être prise en toile de fond
pour comprendre comment l‟organisation du travail a évoluée au
cours de ces deux derniers siècles.

ANNEXES II

Application du modèle a une entreprise congolaise de votre


choix?

- Quels sont les secteurs clés de production ?


- Comment parcelliser les activités ?
- Comment standardiser la production ?
- Quelle division verticale et horizontale opérer ?
- Donner les différences entre les modèles mécanique et
118
119

organique de gestion organisationnelle.

ANNEXES.III

Dans l‟ouvrage "vers un nouveau modèle productif 70 R. Boyer


positionne les principaux pays de l'OCDE entre Fordisme et
Toyotisme. Sa conclusion est "généralité des principes (du
toyotisme) mais diversité et inégalité dans leur mise en œuvre".
Ainsi en simplifiant ses conclusions, on obtient le tableau
suivant71 :

France États -Unis Suède Japon

70
Vers un nouveau modèle productif, ed Syros, 1993, sous la direction de JP Durand
71
voir aussi http://www.ac-bordeaux.fr/Etablissement/SudMedoc/ses/1998/travail.htm
119
120

Inertie Nostalgie Volvoisme : Toyotisme :


culturelle Fordiste : production production de
et inadéquatio de séries masse de biens
Fordisme : n des moyennes de différenciés et
excessive institutions biens de qualité
division au nouveau différenciés.  Forte
entre régime.  Grand adaptabilit
travail  Les lois dynami é à la
intellectuel antitrust sme de demande
et manuel. interdisent l'innova  Forte
 faible toute tion de coordinatio
adapt coordination procédé n
ation horizontale et de horizontale
de la et les produit (district,
produ accords de  Rôle Kanban)
ction coopération actif des 
vis à et de sous- autorités recom
vis de traitance. publiques position
la dans des tâches
dema l'amélioratio significativ
nde n des e
 seule qualification 
dans s. compétenc
l'auto e et
mobil attachement
e, on des salariés à
const l'entreprise
ate
une
contra
ctuali
sation
longu
e de
la
coopé
ration
et de
120
121

la
sous
traita
nce.

Existe
nce de
barrières
hiérarchiqu
es à la
recompositi
on des
tâches de
production

ANNEXES IV :

Les modes d‟organisation du travail dans une entreprise


de développement économique communautaire : le cas de la
Coopérative Boréal 1

Jean-Gilles Lemieux
121
122

Étudiant, maîtrise en sociologie, Université Laurentienne

Le Coopérative Boréal constitue une entreprise de


développement économique communautaire fort originale. Établie
au sein du Collège Boréal, le premier collège d‟arts et de
technologie appliqués de langue française situé dans le Nord-Est
de l‟Ontario, la coopérative Boréal compte près de 2 000 membres,
12 employés à plein temps et plus de 200 employés à temps
partiel.
Fondée en 1995, un an après l‟établissement du Collège, la coopérative
Boréal offre de nombreux services, centrés principalement autour de la
librairie et de la cafétéria. La coopérative offre plusieurs produits et
services se retrouvant habituellement dans une librairie et une cafétéria :
un comptoir alimentaire, un dépanneur, une billetterie d‟autobus, un
service de télécopie, une imprimerie et un pub. Elle offre, en plus, un
service d‟emplois temporaires auprès des entreprises privées et publiques,
c‟est-à-dire qu‟elle gère un système visant à référer des apprenants et
apprenantes du Collège vers des employeurs à la recherche de main
d‟œuvre. L‟objectif de départ de la Coopérative Boréal, qui était de
permettre une meilleure implication des apprenants et apprenantes du
Collège Boréal pendant leur séjour à l‟institution de formation, demeure
toujours primordial. Elle voulait aussi offrir aux apprenants et aux
apprenantes un plus grand contrôle des dépenses consacrées aux
matériaux scolaires. Cet objectif a amené les fondateurs de la coopérative
à prendre en main la gestion de la cafétéria et du pub afin de pouvoir faire
bénéficier les étudiants de prix réduits.

Conditions favorables

Dès ses débuts, la Coopérative a joui de l‟appui de


l‟administration du Collège qui voulait créer un partenariat solide avec les
apprenants et apprenantes. La Coopérative a alors bénéficié de

122
123

l‟implication de trois personnes convaincues du succès possible de ce


projet : le directeur de la coopérative, une employée affectée au service de
librairie et un employé des services alimentaires.

La réussite de toute entreprise de développement économique


communautaire (DÉC) exige le travail et la conviction des fondateurs ou
fondatrices du projet. À ses débuts, la Coopérative avait pour objectif de
créer des emplois à temps partiel pour les apprenants et les apprenantes
du Collège Boréal. Cet objectif a été atteint, il va sans dire. Qui plus est, il
a aussi été nécessaire d‟embaucher des employés à plein temps pour que
la Coopérative fonctionne. Pour démarrer, la Coopérative a pu compter
sur l‟aide financière du Collège Boréal, de la Caisse populaire ainsi que de
la Fédération des coopératives en milieu scolaire du Québec. Dès ses
débuts, la coopérative s‟est donné une mission qui se lit comme suit :
«Desservir les apprenantes et les apprenants du Collège Boréal ainsi que
la collectivité francophone du Nord de l‟Ontario selon les valeurs et les
principes coopératifs. Ses objectifs sont au nombre de cinq :

• maintenir des prix concurrentiels dans chacun des secteurs tout en


assurant la rentabilité de l‟entreprise ;
• appuyer les apprenantes et les apprenants du Collège Boréal par des
initiatives, entre autres, des occasions d‟apprentissage et des
prélèvements de fonds;
• créer des emplois pour les apprenantes et les apprenants du
Collège Boréal;
• intégrer dans ses pratiques le bien-être personnel et le respect de
l‟environnement;
• créer des partenariats avec d‟autres organismes et coopératives
susceptibles d‟offrir des avantages aux apprenantes et aux apprenants
ainsi qu‟à la communauté.

123
124

Vu l‟originalité de l‟entreprise coopérative, nous avons effectué une étude


afin de connaître la place des employés et employées dans les initiatives
d‟un DÉC comme la Coopérative Boréal, leur niveau de participation à la
vie de l‟entreprise et leur niveau de satisfaction face au travail.

Pour répondre à ces questions, nous avons effectué une dizaine


d‟entrevues auprès des employés et employées de la Coopérative
Boréal, des membres de la direction et du Conseil d‟administration.

Les entrevues ont porté principalement sur deux dimensions :


l‟organisation du travail et la dimension culturelle. Ce dernier aspect porte
sur les valeurs d‟intégration et d‟identification des employés et employées
à leur entreprise (solidarité, entraide, etc.).

Par cette dimension, nous avons voulu cerner les mécanismes mis en
place par la coopérative afin de susciter l‟adhésion des employés et
employées à la vie de la coopérative et faciliter leur intégration au
fonctionnement organisationnel de l‟entreprise. D‟autre part, la dimension
organisationnelle voulait analyser les rapports de pouvoir, le mode de
gestion et les relations de travail à l‟intérieur de cet organisme de
développement économique communautaire.

Au niveau de l‟organisation, la Coopérative est gérée par un directeur et


un conseil d‟administration. Le directeur est responsable des fonds et des
livres comptables, du budget et de plusieurs autres fonctions déterminées
par le conseil d‟administration.
Il est aussi responsable de la gestion du personnel. Pour sa part, le
conseil d‟administration est responsable des grandes questions de
politiques.

«…une étude afin de connaître la place des employés et employées dans


les initiatives d‟un DÉC comme la Coopérative Boréal…»

124
125

La place des employés et employées dans l’organisation du


travail

Comment les employés et employées se sentent-ils face à leur


travail? Sont-ils satisfaits? Sont-ils à l‟aise dans leurs tâches?
Dans la majorité des cas, les employés et employées se sentent
très à l‟aise face à leur travail. Lorsqu‟ils se sentent poussés, ce
n‟est pas dans la gestion du travail, mais plutôt à cause de la
charge de travail. De plus, les employés et employées semblent
jouir d‟une bonne autonomie dans l‟exercice de leurs tâches et leur
patron semble avoir confiance en eux.

Les employés et employées se sentent confortables d‟approcher le


patron pour manifester leur désaccord ou pour lui faire part de ce
qui ne fonctionne pas dans leur relation. Est-ce que les employés
et employées participent aux décisions? Ils se sentent impliqués
face aux décisions qui concernent le fonctionnement interne de la
coopérative comme en témoignent les affirmations suivantes : «les
patrons (soit le directeur ou le superviseur) sont des personnes
très ouvertes»; «lorsqu‟il y a un problème, l‟honnêteté est très
appréciée»; «il n‟y a pas de rancune». Cependant, lorsque les
décisions relèvent de la juridiction du conseil d‟administration, les
employés se sentent exclus et ils n‟ont pas de voix dans la prise de
décision. Comme le déclare une employée : Le Conseil
d‟administration n‟est pas assez proche des employés et employées
et les membres prennent des décisions sans savoir si la décision
convient aux employés et employées. Je trouve que ce serait
important d‟avoir une communication avec tout le personnel, afin
d‟avoir les idées de tout le monde avant de dire qu‟ils ont pris la
décision de faire les choses de telle façon. Une entreprise qui veut
s‟améliorer devrait avoir cette attitude.

125
126

Quant aux relations de travail entre la direction et les employés et


employées, ainsi qu‟entre les employés et employées eux-mêmes,
les résultats de l‟enquête démontrent qu‟il règne un climat de
confiance. Pour ce qui est des rapports entre direction et employés,
ces derniers sont d‟avis que les relations sont très «amicales»,
«agréables» et «respectueuses». Le patron est ouvert aux
suggestions et les employés et employées se sentent à l‟aise de
l‟approcher.
Une complicité est établie entre le patron et son personnel.
Comme l‟affirme une employée :

Le patron est une personne très ouverte, les relations de travail


sont plaisantes parce que nous pouvons lui parler et lui donner
notre opinion des choses. Le fait de travailler pour une personne
agréable rend le travail et l‟environnement de travail plus
agréables.

En ce qui a trait aux relations entre les employés et employées, les


résultats indiquent qu‟elles sont très positives. Les employés et
employées utilisent les termes suivants pour décrire les relations
avec leurs collègues : «elle sont excellentes», «agréables», «nous
formons une bonne équipe de travail», «il y a beaucoup d‟entraide
et de partage des tâches».

Dans toutes les entrevues, le travail d‟équipe se dégage comme un


élément au cœur de cette relation entre les employés et employées.
La citation suivante illustre bien la position des employés et
employées :

Il faut travailler en équipe. Si une ou un employé n‟a pas le temps


de faire quelque chose, je vais le faire ou si moi je n‟ai pas le temps
de faire quelque chose, il y a quelqu‟un qui va m‟aider. Je ne sais

126
127

pas si c‟est notre personnalité, mais l‟entraide vient naturellement


dans notre équipe de travail.

La direction a aussi souligné le travail d‟équipe, l‟entraide et le


partage des tâches. Par exemple, le directeur général de la
coopérative affirme :

À l‟intérieur de la librairie, j‟ai deux employées qui détiennent deux


descriptions de tâches complètement différentes. Cependant, avec
leur entraide et le partage des tâches de ces deux employées, je
n‟ai jamais été obligé d‟organiser un horaire de travail pour faire en
sorte que l‟une apprenne le travail de l‟autre.

Cet apprentissage a été fait automatiquement et pour le bien de la


coopérative. Cet exemple est aussi reproduit dans la totalité de
notre entreprise. Nous avons une excellente équipe de travail.

La dimension culturelle

La dimension culturelle était aussi au coeur de cette enquête.


Ainsi, le français est la langue de fonctionnement quotidien à
l‟intérieur de la coopérative. Les gens sont fiers d‟être
francophones. D‟après les résultats des entrevues, les gens qui
travaillent au sein de la Coopérative Boréal sont fiers de faire
partie d‟un collège unilingue français et de servir cette clientèle
francophone.

Les employés et employées ont aussi un grand sentiment


d‟appartenance envers leur coopérative et leur environnement de
travail. Des sources documentaires indiquent que les employés et
employées de la coopérative gagnent un salaire minimal.

127
128

Le faible niveau de rémunération des employés et employées de


cette coopérative ne semble pas avoir nui à leur sentiment
d‟appartenance, aux bonnes relations de travail et aux rapports
avec la clientèle. Ce qui importe pour eux, c‟est le fait d‟être bien
dans leur travail. Comme le souligne un employé : La seule chose
que je n‟aime pas de mon travail, c‟est le salaire. Pour le montant
de travail accompli pendant une journée, mon salaire ne suffit pas.
Mais j‟aime mon travail et la clientèle.

Les aspects négatifs de travailler à la Coopérative Boréal


Les témoignages des employés et employées cités ci-haut
démontrent bien les aspects positifs reliés à l‟organisation du
travail et à la dimension culturelle de cette entreprise. La
recherche a toutefois relevé certains aspects négatifs.

Le problème principal, selon les personnes interviewées c‟est celui


des frictions entre les employés et employées et le Conseil
d‟administration. D‟après les employés et employées, le conseil les
exclut des décisions qui les touchent. Ainsi, lorsqu‟une décision
est prise, il incombe à la direction de la transmettre aux employés
et employées; celle-ci agit donc uniquement comme porte-parole et
intermédiaire.

Dans la plupart des cas, l‟opinion des employés et employées est


laissée pour compte. Certains employés et employées affirment que
le conseil d‟administration doit leur donner plus de voix dans la
prise de décisions. Selon eux, lorsque les questions et les
problèmes sont transmis au Conseil d‟administration, le processus
de prise de décision est trop long. Dans plusieurs instances, ces
problèmes auraient pu tout simplement être réglés par le
directeur.

128
129

Selon les employés et employées, les positions du conseil


d‟administration ne sont pas toujours en liens avec les valeurs et
les principes coopératifs. Lorsque les dossiers sont entre les mains
du Conseil d‟administration, les employés et employées se sentent
exclus des affaires internes de la coopérative, d‟autant plus qu‟ils
croient pouvoir apporter un point de vue intéressant sur la prise
de décisions puisqu‟ils font partie du personnel de la coopérative.

Les membres du Conseil d‟administration sont en général


du même avis. L‟un d‟eux exprime l‟avis que le manque
d‟implication des employés et employées dans la prise des
décisions constitue le talon d‟Achille de la coopérative. D‟après ce
membre, la seule information donnée aux employés et employées
est la décision finale transmise à la direction. Cette façon de
circuler l‟information pose problème parce que la direction détient
seulement un vote au Conseil d‟administration et ne peut pas
représenter l‟ensemble des employés et employées. À cette
difficulté s‟ajoute le fait qu‟il n‟y a pas de bulletin d‟information, de
journal ou de rapport pour renseigner les employés et employées
sur la prise de décisions et sur le contenu des réunions. À l‟heure
actuelle, le conseil n‟envisage pas de régler ou de corriger cette
situation.

CONCLUSION

Tout indique que dans la Coopérative Boréal, les employés


et employées sont impliqués dans la vie de l‟entreprise et semblent
129
130

satisfaits de leur travail. Cependant, il est important de faire une


différence entre la gestion quotidienne et la gestion globale de la
coopérative. Dans la gestion quotidienne de l‟entreprise, les
employés et employées prennent des décisions, aiment leur travail
et déclarent avoir plus d‟autonomie dans l‟exercice de leur tâches.

De plus, ils ne sont pas perçus uniquement comme des


salariés, mais aussi comme des francophones, porteurs de langue
et de culture. La direction et les employés et employées de la
Coopérative Boréal se disent fiers d‟être francophones,
d‟accorder une grande importance au travail d‟équipe, aux
relations de travail et aux relations avec la clientèle. Pour eux, le
fait d‟appartenir à cette équipe de travail, de se sentir utiles et
essentiels au bon fonctionnement de l‟entreprise, démontre qu‟être
de culture francophone est une valeur dominante au sein de la
coopérative.

Les résultats de cette enquête ne contredisent pas la


littérature qui défend le rôle positif que joue le DÉC, mais
nuancent quelque peu l‟optimisme que l‟on y retrouve. Il me
semble que les coopératives demeurent une forme de travail
distincte de celui des entreprises privées; néanmoins, les
coopératives sont des institutions politiques, c‟est-à-dire,
traversées par des conflits, des rapports de force et c‟est cet aspect
que sous-estime la littérature.
Quoiqu‟elles soient des entreprises particulières, les
coopérations ne peuvent échapper aux rapports de force qui
caractérisent la dynamique des rapports sociaux dans une
organisation de travail.

Note

130
131

Dennie), Succès et limites des modes d‟organisation du travail


dans les entreprises du développement économique
communautaire: le cas de la Coopérative Boréal limitée, Mémoire
de spécialisation, Département de sociologie, Université
Laurentienne

BIBILIOGRAPHIE SOURCES DOCUMENTAIRES

- Alaluf M, Organisation du travail, Presses universitaires, ULB

-Alcouffe C, F Allard, Formes idéales et historiques de


l‟organisation du travail, LIHRE,

- B Jean-Prost, Gregorry Myotte-Duquet, Une Illustration des


différents formes d‟organisation du travail: le nouveau visage du
taylorisme chez Pizza HUT,2005- IAE ,gestion-Dijon

- Beckouche Pierre, Mondialisation et territoires, cours de Deug,


2001, Université Paris1

- Paul R. Bélanger et Benoît Lévesque, “La "théorie" de la


régulation, du rapport salarial au rapport de consommation. Un
point de vue sociologique”., Cahiers de recherche sociologique, no
17, 1991, pp. 17-51. Montréal: département de sociologie, UQAM.

-Besson D, Dépossession et adhésion au travail, Le taylorisme


fonde sur l‟adhésion. Thèse de Université de Grenoble, 1996

- Brossard M, M Simard, Groupe semi autonomes de travail et


dynamique du pouvoir ouvrier, l‟évolution du cas Steinberg, ed
Delta, Québec, 1990

- Chevalier, Jean, 1928, La technique de l‟organisation des


entreprises, Langlois, 457p.

131
132

- Coriat B, L‟atelier et le chronomètre, Christian Bourgeois éditeur,


Paris, 1979

- S L Dolan C., G. Lamoureux, E Gosselain, Psychologie du travail


et des organisations, édition Gaétan Morin, 1996, Paris- Montréal.

- Durand JP Vers un nouveau modèle productif, édition Syros,


1993, (sous la direction de de JP Durand)

- Friedmann G, Le travail en miettes, 1964, édition Gallimard

-A. Fournier et N Questiaux, Traite du social, Col, Etudes


politiques et économiques et sociales, 4ed mise à jour, ed Dalloz,
1984

-M Grant, P Belanger et B Levesque, Nouvelles formes


d‟organisation du travail, Montréal, ed l‟Harmattan,1997

-Herzberg F, Work and the Nature of Man, 1966, World


publications, NY.

- Kelada J,, Comprendre et réaliser la qualité totale, Dollard-des-


Ormeaux, édition Quafec,1991,

- Koontz H, O‟Donnell C., Management principes et méthodes de


gestion, Mac Graw Hill, 2ème trimestre 1980, p106

- Jeffrey Like, The Toyota Way, Mc Graw-Hill, 2004

- Likert R, New Patterns of Management, Mcraw- Hill, 1961 ,New-


York

- Maslow A., Motivation and Personality NY: Harper, 1954. Second


Ed. NY: Harper, 1970

-Merton, Selznick, Gouldner, Patterns of industrial bureaucracy,


Glencoe, IL, Free Press, 1954
132
133

-Mura Pierre Ernest, Les Anciennes corporations, Chronique des


religieux de Saint-Vincent-de-Paul, n° 43, édition de la
Congrégation, 1961.

-Montreil, Bernard et Alii, Cercles de qualité et de progrès pour


une nouvelle compétitivité, Paris, édition d‟organisation ,1983

- Nelson, Daniel, 1984, « Le taylorisme dans l‟industrie


américaine, 1900-1930 », in Le taylorisme, sous la direction de
Maurice de Montmollin et Olivier Pastré, éditions La Découverte,
51-66.

- Ohno Taichi, Toyota Production system : Beyond Large scale


production, Productivity Press, 1990, L‟Esprit Toyota, Masson,
Paris

- Peaucelle J-L, Du Taylorisme au post taylorisme : poursuivre


plusieurs objectifs de gestion simultanément, Paris, 2000
GREGOR-Pantheon-Sorbonne

- Peaucelle J-L, Du Taylorisme au post taylorisme : poursuivre


plusieurs objectifs de gestion simultanément, cours publie sur le
site de l‟Université de la Reunion.www2.uni-reunion.fr

- Pontoizeau P A, Les hommes et le management, Vulbert


Entreprise, 1993, p.46

- Simondon G., Du mode d‟existence des objets techniques,


Aubier- Montaigne, 1969, Paris

- Smith A, The Wealth of Nations, vol 2, edition Dent & Sons, 1962

- Touraine A., La société post-industrielle, Paris, Denoel, 1969

- Trahair, R. The Human Temper: The Life and Work of Elton


Mayo. New Brunswick, 1984, NJ

133
134

- Taylor, Frédéric Winslow, 1911, « Principes d‟organisation


scientifique des usines », Revue de métallurgie, édité ensuite chez
Dunod, 1912.

- Sarnin Philippe, Psychologie du travail et des organisations,


Bruxelles, De Boeck, 2007.

- Peaucelle Gregeoi J.P., L‟organisation du travail dans les


Houillères, Approche de Fayol, Source annales org.

- Argyris, C et Schon, D, A, L‟apprentissage organisationnel,


Bruxelles De Boeck, 2002.

- Bobillier-Chaumon, M-E Sarnin, P, Psuchologie du travail et des


organisations, Bruxelles, De Boeck, 2008.

- Chanlat, J-F L‟individu dans l‟organisation, Les dimensions


oubliées, Québec, Presses de l‟Université Laval/Editions ESKA,
1990.

- G. Vindt, « Ford était-il fordiste ? », dans Alternatives


économiques, n° 220, décembre 2003.

134
135

TABLE DES MATIERES

Première Partie ..................................................................... 2


Introduction ......................................................................... 2
Notions préliminaires ............................................................ 2
A. Notions de travail .......................................................... 2
Le travail c’est affreux… ........................................................ 9
Le travail, ce peut être autre chose ..................................... 10
Qu’est-ce que le travail ?..................................................... 11
B. Notions d’Organisation ................................................. 11
a. Définitions.................................................................. 11
b. Eléments fondamentaux ............................................. 12
L’objectif ........................................................................ 12
La division du travail ...................................................... 13
Exemple .............................................................................. 13
La hiérarchie de l’autorité ................................................. 13
C. Pourquoi organiser le travail ? ..................................... 14
Organisation du travail et croissance ................................... 16
CHAPITRE I : LES ANCIENNES FORMES D’ORGANISATION DU
TRAVAIL ............................................................................. 21
I.1. Aperçu historique ....................................................... 21
I.2. La structure la plus commune ..................................... 22
135
136

CHAPITRE II. LE TAYLORISME, LE FAYOLISME ET LE


FORDISME : L’ENTREE DANS LES TEMPS MODERNES ........ 30
II.1. Principes fondamentaux du Taylorisme ...................... 30
II.2. L’organisation du travail selon Taylor ........................ 31
II.2.1. Division du travail ................................................ 31
II.2.2. Différentes sortes de flânerie ................................ 32
II.3. Aperçu de l’approche de Fayol (1842-1925) ................ 37
II.3.1. L’opposition entre Fayol et Taylor ........................ 39
II.3.2. Fayol expérimentateur scientifique ...................... 40
II.2.3. L’organisation du travail dans les houillères ......... 44
II.2.3.1. La polyvalence des piqueurs ........................... 44
II.2.3.2. Les tentatives de taylorisation des houillères .. 46
II.2.3.4. Les différences entre les situations de travail . 50
II.2.3.5.Conclusion ...................................................... 53
II.2.4. Principes fondamentaux du Fordisme ................... 55
II.2.4.1. La standardisation du produit (sur le plan
économique) ................................................................ 56
II.2.4.2. Introduction de la chaîne d'assemblage (sur le
plan technique) ............................................................ 56
II.2.4.3. Une politique de hauts salaires (sur le plan
social) ......................................................................... 58
II.2.4.4. Les résultats du Taylorisme et du Fordisme .... 63
II.2.4.5. La remise en cause du Taylorisme-Fordisme :
vers des nouveaux modèles d’organisation du travail ... 65
II.2.4.6. Les conséquences sur les emplois et le travail. 70
II.3. Model mécanique ....................................................... 74
II.4. Le modèle Organique ................................................. 75
II.5. Le modèle de Likert ................................................... 78
CHAPITRE III : LE POST-TAYLORISME .............................. 80
III.1. Fondements du post-Taylorisme ............................... 80
III.1.1. Raisons et fondements du post Taylorisme .......... 80
III.1.2. Les nouvelles technologies .................................... 81
III.1.3. Enrichissement du savoir ...................................... 81
136
137

III.2. Les Nouvelles Formes d'Organisation du Travail (NFOT)


........................................................................................ 82
III.2.1. L’élargissement des tâches .................................. 82
III.2.2. Déplacement : L’enrichissement des tâches ......... 82
III.3. Le travail en groupes semi autonomes ...................... 86
III.4. Les cercles de qualité .............................................. 88
CHAPITRE IV. LE MODELE JAPONAIS ................................. 94
IV.1. Les Fondements du modèle ....................................... 95
IV.2. Comparaison des principaux modes de production .... 98
IV.3. L'organisation du travail à la japonaise : ................... 99
CHAPITRE V. L’ORGANISATION DU TRAVAIL DANS LES PAYS
EN VOIE DE DEVELOPPEMENT .......................................... 111
V.1. Aperçu de la problématique du différentiel culturel .. 111
V.1.1. Le respect des droits du travailleurs- Conditions
fondamentales au succès de l’entreprise africaine ......... 111
CONCLUSION .................................................................... 129
BIBILIOGRAPHIE SOURCES DOCUMENTAIRES .................. 131
TABLE DES MATIERES ...................................................... 135

137

Vous aimerez peut-être aussi