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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR REPUBLIQUE DU MALI

UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI


ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
***************
***************
UNIVERSITE DES LETTRES ET DES SCIENCES
HUMAINES DE BAMAKO
***************

INSTITUT SUPERIEUR DE FORMATION ET DE


RECHERCHE APPLIQUEE (ISFRA)
DEPARTEMENT D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
SECTION DES SCIENCES DE L’EDUCATION

Cours de sociologie de l’éducation

Chargé du cours : Dr Edmond Koulougnan DEMBÉLÉ

Exposé du livre “La question éducative en


Afrique noire” de Guy BELLONCLE
À l’intention des étudiants de la 1re Année de DEA

Préparé et présenté par :

1. Aly Oumar CISSÉ


2. Aloys DIAWARA
3. Daouda DOUMBIA

2e Semestre : Septembre 2012


2

Exposé du livre « La question


éducative en Afrique Noire »
de Guy BELLONCLE
PREPARE ET EXPOSE PAR :

ALY OUMAR CISSÉ ; ALOYS DIAWARA ET DAOUDA DOUMBIA.


3

CONTENU DE L’EXPOSE
INTRODUCTION ......................................................................................................................... 4
1 PRESENTATION DE L’AUTEUR .................................................................................................. 4
2 PRESENTATION GENERALE DE L’OUVRAGE ET BIBLIOGRAPHIE ............................................................ 4
3 IDEE GENERALE DE L’OUVRAGE (THEME PRINCIPAL) ....................................................................... 6
4 CONTENU DE L’OUVRAGE : IDEES, THEMES ET LEUR EXPLICATION SELON L’AUTEUR ..................................... 6
4.1 CHANGER L’ECOLE CLASSIQUE ............................................................................................... 6
4.1.1 L’école africaine dans l’impasse ................................................................. 7
4.1.1.1 Une sous-scolarisation qui est aussi une mal scolarisation ...................... 7
4.1.1.2 Sur-scolarisation et désintégration d’un État : le cas malien ................... 8
4.1.1.3 Y-a-t’il des solutions ? .................................................................................... 9
4.1.2 La formation des maîtres à l’étude du milieu ............................................. 9
4.1.3 L’utilisation des langues nationales à l’école : commencer par le début ou
la fin ? .................................................................................................................. 10
4.1.3.1 Commencer par le début ............................................................................. 10
4.1.3.2 Commencer par la fin................................................................................... 10
4.2 A LA RECHERCHE DES FORMULES NOUVELLES ........................................................................ 11
4.2.1 L’expérience malienne .............................................................................. 11
4.2.1.1 Recherche sur l’éducation de base au Mali .............................................. 11
4.2.1.2 L’alphabétisation pour quoi faire ? ............................................................ 13
4.2.1.3 Alphabétisation et développement « endogène » .................................. 14
4.2.1.4 Une expérience de formation « supérieure » de jeunes ruraux en
langue bambara ................................................................................................................
......................................................................................................................... 15
4.2.2 L’expérience nigérienne............................................................................ 17
4.2.2.1 L’expérience de formation de jeunes couples.......................................... 17
4.2.2.2 La formation sur place (Des CPT « fixes » aux CPT « tournants » :
l’expérience de Guessedoundou)............................................................................... 18
4.2.3 L’expérience voltaïque .............................................................................. 19
5 IDEES ET THEMES D’AUTRES AUTEURS ...................................................................................... 21
6 POSITION PERSONNELLE PAR RAPPORT AUX IDEES ET THEMES DE L’AUTEUR.......................................... 23
CONCLUSION .......................................................................................................................... 24
ANNEXES .............................................................................................................................. 26
Annexe 1 : Taux brut de scolarisation 2008 – 2009 ............................................................ 26
Annexe 2 : La situation du pays ....................................................................................... 26
4

INTRODUCTION
L’école africaine est aujourd’hui dans une véritable impasse. Si les pays d’Afrique Noire
restent, dans leur grande majorité, des pays sous-scolarisés, la totalité d’entre eux sont
déjà « sur-scolarisés » si l’on prend en considération le coût du système scolaire pour
les finances publiques et la capacité d’absorption des sortants par le secteur dit
moderne de l’économie.
Face à cette situation, Guy BELLONCLE propose un ensemble de formules dont les
premières expériences posent des jalons pour l’avenir : alphabétisation et formation
supérieure des jeunes au Mali, centres de promotion rurale et de perfectionnement
technique au Niger, centres de formation des jeunes agriculteurs au Burkina,
apprentissage des langues nationales, etc.

1 PRESENTATION DE L’AUTEUR
Né en Bretagne en 1938, ancien élève de l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud et
de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Belloncle est docteur en sociologie
du développement, en lettres et en sciences humaines.
Spécialiste du développement, il fut secrétaire général adjoint de l'Institut de
recherche et d'application des méthodes de développement (en 1975). Professeur
honoraire de sociologie de l'Université de Tours, Guy BELLONCLE a également travaillé
comme expert et consultant dans différents pays d’Afrique Noire. Il enseigne (depuis
2005) à l'Institut catholique de Madagascar.

2 PRESENTATION GENERALE DE L’OUVRAGE ET BIBLIOGRAPHIE


Le présent livre de Guy BELLONCLE intitulé « La question éducative en Afrique noire »
a été publié en 1984 aux Éditions KARTHALA de Paris et compte 271 pages.
Titre : La question éducative en Afrique noire.
Auteur : Guy BELLONCLE.
Éditeur (maison d’édition) : KARTHALA.
Collection : Afrique et développement.
Lieu d’édition : Paris.
Année d’édition : 1984.
Nombre de pages : 271.
ISBN : 2686537-114-X
Cet ouvrage qui se situe dans la continuité des travaux de recherches de BELLONCLE
est une compilation d’une série de textes écrits au cours des années 70 à 80 sur
l’éducation en Afrique noire. En spécialiste de l’éducation dans les pays du Tiers
5

monde, il pose les véritables problèmes de l’éducation (et non uniquement de l’école)
africaine et propose des solutions concrètes (tirées d’expériences réelles) afin
d’équilibrer l’épineuse et complexe équation d’éducation et de développement.
Ainsi, cet ouvrage est constitué de deux parties intitulées : « Changer l’école
classique » (première partie) où Belloncle fait le diagnostic de l’école en Afrique Noire
et « A la recherche des nouvelles formules » (deuxième partie) dans laquelle il
propose des solutions concrètes et réalistes.
Par ailleurs, Guy BELLONCLE est aussi l'auteur de nombreux ouvrages sur l'éducation,
la formation et le développement dans le Tiers-monde(en particulier à destination des
paysans).
Chez le même éditeur :
1. La question paysanne en Afrique noire, 1982, 128 p.
2. Alphabétisation et gestion des groupes villageois (en collaboration avec P.
EASTON, P. SÈNE, P. ILBOUDO), 1982, 276 p.
3. L’éducation des adultes en Afrique noire (manuel d’auto-évaluation assistée) 3
tomes(en collaboration avec P. EASTON).
4. Participation paysanne et aménagements hydro-agricoles (début 1985).
5. Alphabétiser les adultes africains et malgaches en trois mois. Procédé d'un
guide pratique pour une alphabétisation sélective, intensive et fonctionnelle liée
à la gestion d'organisations paysannes, Collection Tropiques, 2005, 156 p.
Chez d’autres éditeurs :
1. Santé et développement en milieu rural africain (en collaboration avec Dr G.
FOURNIER). Éditions Ouvrières, 1975, 236 p.
2. Quelle éducation pour le Mali ? Institut International de Planification de
l’Éducation (IIPE), 1979, 250 p.
3. Coopératives et développement en Afrique noire sahélienne. Université de
Sherbrooke, 1979, 449 p.
4. Le chemin des villages. L’Harmattan, 1979, 288 p.
5. Jeunes ruraux du sahel. L’Harmattan, 1979, 235 p.
6. L’hivernage. Roman. L’Harmattan, 1979, 140 p.
7. Quel développement rural pour l’Afrique noire ? Nouvelles éditions africaines,
1979, 204 p.
8. Femmes et développement en Afrique sahélienne. Éditions Ouvrières, 1980, 212
p.
9. Le tronc d’arbre et le caïman. Carnets de brousse maliens. L’Harmattan, 1981,
198 p.
10. Dix années d’alphabétisation en Haïti. Agence de Coopération Culturelle et
Technique (ACCT), 1981, 120 p.
6

11. Universités, alphabétisation et éducation des adultes (sous la direction de).


ACCT, 1983.
12. Alphabétisation et Éducation des adultes au Vietnam (sous la direction de).
ACCT, 1984.
13. Anthropologie appliquée et développement associatif. Trente années
d'expérimentation sociale en Afrique sahélienne : 1960-1990.L’Harmattan,
01/01/1993.
14. Femmes et développement en Afrique sahélienne, Éditions De l’Atelier,
Collection Développement et civilisations, 1984, 212 p.
15. Le Chemin des villages, formation des hommes et développement rural en
Afrique. Librairie-Éditions L'Harmattan.
16. Recherche, vulgarisation et développement rural en Afrique noire, colloque de
Yamoussoukro, [du 17 au 23 février 1985], Banque Internationale Pour La
Reconstruction Et Le Développement, Ministère De La Coopération.
17. Jeunes ruraux du Sahel, une expérience de formation de jeunes alphabétisés au
Mali.
Mali, Direction Nationale De L'Alphabétisation Fonctionnelle Et Linguistique
Appliquée, Agence Intergouvernementale De La Francophonie, L'Harmattan
18. L'Éducation des adultes en Afrique noire, 1, Théorie (en collaboration avec Peter
Easton), A.C.C.T.
19. L'Éducation des adultes en Afrique noire, 2, Technique (en collaboration avec
Peter Easton, A.C.C.T.

3 IDEE GENERALE DE L’OUVRAGE (THEME PRINCIPAL)


L’idée générale de cet ouvrage est l’Éducation et développement en Afrique noire.
Guy BELLONCLE y fait le diagnostic de la question éducative en Afrique noire et
propose des formules alternatives pour réaliser un minimum d’éducation
d’intégration (entendu comme véritable « éducation de base » par Belloncle) à la
majorité des africains à travers les expériences menées dans certains pays.

4 CONTENU DE L’OUVRAGE : IDEES, THEMES ET LEUR EXPLICATION SELON L’AUTEUR


Belloncle articule cet ouvrage en deux (2) parties comprenant diverses sections dont
nous vous présenterons les idées essentielles.

4.1 CHANGER L’ECOLE CLASSIQUE

Dans cette première partie, Belloncle fait un diagnostic des véritables problèmes de
l’école en Afrique noire et montre les voies à suivre pour la sortir de cette impasse.
7

4.1.1 L’école africaine dans l’impasse


Belloncle décrit ici la double impasse (qualitative et quantitative) dans laquelle se
trouvait en ce temps (et même aujourd’hui encore) enfermée l’école africaine avec ce
paradoxe cruel d’une dramatique sous-scolarisation (surtout en milieu rural) qui est
hélas aussi, par rapport à la capacité d’absorption des « produits finis » de ce type de
système éducatif, une non moins dramatique « surscolarisation » menaçant
[aujourd’hui encore] les différents États africains.
4.1.1.1 Une sous-scolarisation qui est aussi une mal
scolarisation
D’abord, dans leur grande majorité, les pays d’Afrique noire restent, lorsque l’on
compare les populations effectivement scolarisées et les populations scolarisables, des
pays globalement sous-scolarisés. En effet, avance Belloncle, 20 ans après le Congrès
des Ministres Africains de l’Éducation à Addis-Abéba en 1961 à l’initiative de l’UNESCO
et au cours duquel les participants s’étaient fixés pour objectif « la scolarisation
universelle » en vingt ans, les statistiques sont catastrophiques : le Benin se situerait à
42 %, le Sénégal à 35 %, le Tchad à 30 %, la Guinée à 26 %, le Mali à 21 %et le Niger et
la Haute-Volta à 12 % de taux de scolarisation.
En outre, ces moyennes nationales non seulement ne tiennent pas compte des
déperditions mais masquent aussi des profondes différenciations régionales (en Côte
d’Ivoire par exemple, 70 % de taux de scolarisation signifie 100 % dans le sud et moins
de 20 % dans certaines régions du nord) et des écarts de scolarisation considérables
entre les villes et les campagnes (les taux de scolarisation peuvent s’élever jusqu’à 100
% en ville pendant que les compagnes constituent des véritables « déserts scolaires »
c’est-à-dire enregistrant des taux ≤ 10 %.
Par ailleurs souligne Belloncle, cette sous-scolarisation est également une mal-
scolarisation. Cette mal-scolarisation résulte de l’utilisation d’une langue
d’enseignement étrangère et des programmes et manuels scolaires inadaptés. Le
français, langue totalement inconnue des enfants (sauf en milieu urbain où
l’environnement est largement francophone, ce qui d’emblée donne aux enfants des
villes une « prime de situation ») en plus d’être une importante source du fort taux de
déperdition a aussi des conséquences psychologiques importantes et culturelles
désastreuses : « l’utilisation d’une langue étrangère comme langue d’enseignement
entraîne en effet, ipso facto, une dévalorisation immédiate de la culture d’origine
puisque celle-ci apparaît d’entrée de jeu comme étant incapable de fournir ne serait-ce
que le support de la formation. » (p. 29. Ceci est vécu comme un véritable déchirement
culturel par l’enfant africain.
S’agissant des programmes et manuels, toutes les analyses de contenu qui ont été
faites convergent : « on est en permanence en présence de messages culturellement
8

aliénants, voire de ce que l’on pourrait rappeler un véritable “enseignement du


mépris”. » (pp. 30 à 31).
Après le premier terme du paradoxe, reste le second qui s’illustre à partir d’un cas
concret : celui du Mali.
4.1.1.2 Sur-scolarisation et désintégration d’un État : le cas
malien
Avec 21 % de taux de scolarisation au primaire, le Mali est incontestablement un pays
sous-scolarisé. On outre, globalement, le système éducatif « moderne » ne touche
qu’un enfant sur cinq, voire un sur dix sans parler des disparités villes-campagnes. Or
malgré cela, il est aussi et déjà un pays sur-scolarisé, si l’on compare les coûts du
système éducatif et ses ressources financières ainsi que l’évolution des sortants du
système et la capacité d’absorption de ce qu’il est convenu d’appeler le secteur
« moderne » de l’économie (c’est-à-dire l’administration et les entreprises).
En effet, même si le taux de scolarisation ne progresse que très lentement ou stagne
même souvent, il faut néanmoins souligner que de par le rapide accroissement
démographique (2,6 % par an), les effectifs scolaires ont connu par contre un bond
considérable. Ainsi de 1973/1974 à 1978/1979 les effectifs d’apprenants passent : de
268 800 à 349 800 dans l’enseignement fondamental, de 5 800 à 13 000 dans le
secondaire général, de 3 780 à 9 010 dans l’enseignement technique, professionnel et
normal et de 1 800 à 4 800 étudiants dans le supérieur. (p. 32)
Ce bond a pour corollaire la part croissante du budget de l’éducation (le tiers) dans un
budget général de l’État en faible expansion. Ainsi, voilà un pays particulièrement
démuni qui finance intégralement un système éducatif qui produit des quantités de
chômeurs à cause d’une mauvaise planification des ressources et des emplois qui
conduit inévitablement à des excédents de diplômés sur le marché et ce, malgré que
le Mali ait opté (à la suite de sa reforme de 1962) pour le système des grandes écoles
professionnelles (qui a l’avantage de se conformer aux besoins réels de son économie)
plutôt que pour la formule de l’université classique. Tel est le cercle vicieux dans lequel
s’enferme l’école malienne.
Belloncle fini par souligner que cette situation de stagflation malienne est commune à
tous les pays africains. Stagflation, c’est-à-dire des situations « où stagnent les offres
d’emploi pour les diplômés des systèmes scolaires mais où augmentent de façon
“inflationnaire“ les effectifs et les coûts de la scolarisation » (Pierre FURTER, 1977, p.
47). Comment devant de telles situations, poursuit-il, ne pas songer à Durkheim
écrivant dans l’Éducation morale : « A quoi peut servir une éducation qui serait
mortelle pour la société qui la mettrait en pratique ? » Mais serait-il possible de
changer une telle situation ?
9

4.1.1.3 Y-a-t’il des solutions ?


Pour changer une telle situation, Belloncle propose d’une part une transformation en
profondeur (et non des simples modifications des programmes et horaires) des
systèmes éducatifs « formels » actuels et d’autre part la recherche de formules
éducatives alternatives relevant de ce que l’on appelle aujourd’hui l’éducation non
formelle.
La première perspective passe d’abord par une introduction progressive des langues
africaines dans l’enseignement pour intégrer l’école au milieu de vie de l’enfant
africain. Puis, il importe de planifier les enseignements secondaire et supérieur en
fonction des capacités d’emploi existantes et de rompre ainsi avec la logique absurde
qui conduit à consacrer la quasi-totalité des possibilités d’investissement nationales
(pourtant déjà faibles) à la formation de diplômés condamnés au chômage parce que
l’on n’a pas commencé par créer des emplois nécessaires.
Ainsi, la deuxième perspective concerne naturellement le non formel pour s’occuper
de tous ceux (enfants, adolescents et adultes) qui ne sont pas touchés par l’école et
qui, dans certains pays, constituent la majorité afin de leur dispenser le « minimum
éducatif ». Pour ce faire, il propose une stratégie en trois étapes : il faut d’abord
disposer chaque village d’au moins un « noyau » d’alphabétisés (1ère étape) ; puis
ouvrir dans chaque village un centre d’alphabétisation « encadré » par l’un des
premiers alphabétisés et totalement financé par les villages (2e étape) et enfin
l’alphabétisation et la formation de base dans leur langue maternelle de tous les
enfants (filles et garçons) dans le centre d’alphabétisation devenu « école de premier
degré » (3e étape). Seuls les meilleurs d’entre eux poursuivront alors leurs études dans
des écoles de « second degré » à la charge de l’État.
S’agissant de la mauvaise planification des ressources et des emplois, voici ce que
propose l’auteur : « l’une des mesures qui serait sans doute les plus efficaces pour
parvenir progressivement à un tel ajustement de l’offre et de la demande serait celle
qui consisterait à décentraliser au niveau régional la planification de l’éducation et de
l’emploi. » (p. 38). Il s’agit, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, de créer au
niveau régional des bureaux de planification de l’éducation et de les rendre
responsables des produits qu’ils fabriquent. L’État fixerait ainsi chaque année aux
régions les quotas dont il prend la responsabilité au niveau national, la charge
revenant ensuite aux régions d’ajuster les flux en fonction de la demande, quitte,
lorsque cette demande parait trop faible à la susciter par une prospection
systématique du marché.

4.1.2 La formation des maîtres à l’étude du milieu


Question fondamentale dans toute tentative de transformation profonde de l’école, la
formation des maîtres à l’étude du milieu vient compléter les solutions déjà proposées.
Pour ce faire, met-il en évidence, la démarche pédagogique à mettre en œuvre devrait
10

respecter la trilogie suivante : observation du milieu ; compréhension du milieu


(explication) et transformation du milieu (mise en application). L’application de cette
démarche repose sur l’hypothèse selon laquelle : « les maîtres ne mettront en œuvre la
démarche de découverte du milieu proposée que dans la mesure où on l’aura d’abord
pratiquée avec eux. Ou pour dire les choses autrement, ce n’est que dans la mesure où
les maîtres eux-mêmes auront appris à découvrir le milieu environnant qu’ils seront à
même de les faire découvrir à leur tour par leurs élèves. » Il s’agit donc d’amener les
enseignants à la découverte et à la connaissance de leur milieu de vie afin qu’ils
puissent à leur tour le faire découvrir par leurs élèves. Cela nécessite donc
l’organisation, à l’intention des maîtres, des « stages d’entraînement à l’analyse des
problèmes du sous-développement et du développement », c’est-à-dire des stages
dont l’objectif serait de « faire découvrir l’ensemble des problèmes qui se posent (au
niveau de l’agriculture, de l’élevage, de l’artisanat, de la santé, de l’approvisionnement
en eau, etc.) et de les aider à faire le lien avec les connaissances qu’ils sont chargés
d’enseigner en classe ».

4.1.3 L’utilisation des langues nationales à l’école :


commencer par le début ou la fin ?
La nécessité de l’utilisation des langues nationales dans l’enseignement primaire étant
partagée à l’unanimité des gouvernements africains, c’est la meilleure façon de
parvenir à cette utilisation (c’est-à-dire le comment) qui intéresse, ici, Belloncle et qui
le pousse à se demander s’il faut : commencer par le début ou par la fin ?
4.1.3.1 Commencer par le début
C’est évidemment la démarche qui paraît la plus logique. Il s’agit en effet de
commencer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans la langue maternelle de
l’enfant pour passer ensuite à l’étude du français comme langue seconde. Cette
démarche est certes la seule qui soit rationnelle sur le plan linguistique et
pédagogique, mais elle l’est moins sur le plan politique et pratique. Une telle
démarche suppose donc une rupture avec le statu quo (situation existante) entraînant
ainsi un malaise profond des enseignants (inquiétudes relatives à leur capacité
d’adaptation) ; des parents (soucieux de l’avenir de leurs enfants) et des instances
dirigeantes (craintes de la réaction des deux premiers acteurs). Belloncle, quant à lui,
opte pour la deuxième formule.
4.1.3.2 Commencer par la fin
Il s’agit de partir de l’objectif selon lequel aucun enfant ne quitte l’école primaire sans avoir
appris également à lire et à écrire dans sa langue maternelle. Cela reviendrait alors à
introduire l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en langues maternelles à partir de la
quatrième ou de la cinquième année du primaire.
Cette formule, selon Belloncle, présenterait plusieurs avantages. Techniquement, elle ne pose
aucun problème important. Les différentes expériences menées montrent qu’il suffit de
11

quelques heures à un enfant sachant déjà lire en français pour apprendre également à lire
dans sa langue maternelle. L’apprentissage de l’écriture sans faute est un peu plus long mais
ne devrait guère dépasser une cinquantaine d’heures. Ainsi, son extrême simplicité devrait en
faciliter l’adoption : elle ne perturbe en effet aucunement le système éducatif actuel, en plus
la maîtrise des deux langues est aussi d’un grand intérêt pour l’enfant. En outre, elle créerait
une dynamique qui, sans traumatisme inutile, amènerait progressivement à la démarche
logique qui consiste bien sûr à commencer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans la
langue maternelle. Cela se ferait à travers une acquisition progressive de la maîtrise des
langues nationales par les maîtres qui voudront à la longue revenir à la logique ; la
transformation des relations de l’école et du milieu (l’acquisition de la maîtrise écrite de sa
langue maternelle conduit immédiatement à une revalorisation de la société elle-même) et le
consentement des parents qui seront ravis de voir leurs enfants lier et écrire dans leurs
langues, voire devenir « alphabétiseurs » et « formateurs » au niveau de leurs villages.
Alors commencer par le début ou commencer par la fin ? Au lecteur maintenant de se
prononcer.

4.2 A LA RECHERCHE DES FORMULES NOUVELLES

Sceptique sur la capacité de l’école classique à se transformer de l’intérieur, Belloncle


est convaincu que : « s’il existait une possibilité de donner une éducation (une
éducation et non une scolarisation) au plus grand nombre, elle était à rechercher du
côté de ce que l’on a prit l’habitude d’appeler dans le jargon international une
“éducation non formelle“ visant à donner à chacun un minimum éducatif. » (p. 10). Ici,
il s’agit essentiellement d’une présentation aussi succincte que possible d’expériences
dans le domaine du « non formel » réalisées au Mali, au Niger et au Burkina.

4.2.1 L’expérience malienne


Cette expérience part d’abord des recherches sur l’éducation de base au Mali.
4.2.1.1 Recherche sur l’éducation de base au Mali
De plus en plus aujourd’hui, les pays du Tiers monde s’interrogent : le système légué
par le colonisateur, même démocratisé, ne conduit-il pas en définitive à l’impasse ? Que
l’on raisonne en termes de coûts (et donc en termes de pourcentage du budget
consacré à l’éducation) ou en termes de produits finis (pourcentage de déperditions ou
même de diplômés sans emploi), le constat d’échec est partout le même et conduit à
une double constatation : d’une part même si tout le budget de l’État était consacré à
l’éducation on ne pourrait scolariser tout le monde, d’autre part avec un taux de
scolarisation encore faible on se heurte déjà à des problèmes d’emploi dans la mesure
où le seul débouché de l’école « européenne a été jusqu’ici la fonction publique.(p. 75).
12

Ce fut dans ce contexte, souligne l’auteur, que l’idée de « rechercher des nouvelles
formules pour assurer une éducation de base1 à la plus grande majorité des
populations africaines » a vu le jour. C’est donc dans ce cadre que s’inscrit également
l’étude de l’éducation de base au Mali.
Au Mali, les résultats obtenus par l’alphabétisation fonctionnelle sont très
encourageants quant à la réalisation d’une éducation de base pour tous. En outre, il y
existe aussi à côté de cette formule d’autres « ressources éducatives cachées » très
utiles. Il s’agit des initiatives éducatives d’origine religieuses, soit islamique (écoles
coraniques), soit chrétienne (écoles bibliques, écoles catéchistes). La méthodologie
proposée pour l’étude sur l’éducation de base a donc été de partir d’un inventaire et
d’une évaluation de l’ensemble de ces formules éducatives existantes afin d’être en
mesure de dégager à partir de là des propositions réalistes pour un type d’éducation
mieux adapté. (p. 78). C’est cette méthodologie, bien plus que les résultats, qui
explique véritablement l’intérêt de cette étude dans cet ouvrage car pouvant être une
source d’inspiration dans une large mesure pour nombre de pays soucieux de faire
l’inventaire de ce que l’auteur a appelé très justement les « ressources éducatives
cachées ».
C’est donc dans cette perspective que l’équipe pluridisciplinaire chargée de l’étude,
après une analyse rapide des « institutions éducatives » existantes, a finalement
retenu fondamentalement six axes de recherche qui sont :
Comment faire de l’enseignement fondamental une éducation de base ?
La formation des adolescents ruraux.
La formation des adultes.
La formation continue.
Recherche linguistique appliquée et Production de matériaux en langues
nationales.
Stratégies Éducatives Régionales.
L’interrogation suivante s’inscrit dans le dernier axe intitulé stratégies éducatives
régionales.

1
« L’éducation de base dispense, compte tenu des moyens dont dispose la société concernée, un
contenu éducatif minimum (connaissances, valeurs, attitudes, savoir-faire) à préciser dans chaque
particulier, susceptible d’aider tout bénéficiaire à comprendre les problèmes de son milieu, à avoir
conscience en tant que citoyen de ses droits et de ses devoirs, à participer au développement socio-
économique de sa communauté et à s’épanouir en tant qu’individu.
L’éducation de base est fondamentale dans la perspective de l’éducation permanente puisqu’elle en
constitue la première phase préparant à des acquisitions ultérieures. Elle est fonctionnelle puisqu’elle
recherche une adaptation souple au milieu en donnant une place particulière aux problèmes pratiques de
la vie tels : santé, nutrition, travail productif. Atteindre effectivement et progressivement le plus large
public, elle utilise des formules éducatives peu onéreuses. » (pp. 76 à 77)
13

4.2.1.2 L’alphabétisation pour quoi faire ?


Belloncle commence par l’interrogation qui suit : Faut-il être alphabétisé pour mieux
produire ? On sait que cette interrogation était un des postulats du Programme
Expérimental Mondial d’Alphabétisation (PEMA) lancé par l’UNESCO après la
Conférence de Téhéran (1965). Belloncle, tout en dénonçant vigoureusement un tel
principe qu’il juge d’ailleurs erroné à travers toutes les contrevérités qui les
soutiennent, essaie de montrer néanmoins les apports de l’alphabétisation.
Pour justifier l’intérêt de l’alphabétisation, évoque-t-il, certains avancent
l’analphabétisme paysan comme principal obstacle au développement. Dans le guide
de l’alphabétisation fonctionnelle2 basé sur une étude effectuée à Madagascar,
l’auteur3 présente ce qu’il a appelé « le profil intellectuel du paysan analphabète »
comme (moins qu’un handicapé physique), « un handicapé intellectuel » qui, de par
son incapacité à interpréter un symbole écrit, observe aussi un arrêt des possibilités de
jugement, de raisonnement, des facultés d’analyse et de synthèse, donc des possibilités
de créativité. De là, la difficulté qu’il éprouve à apprendre de nouvelles façons
culturales ! A côté de cette tendance extrême, avance Guy Belloncle, il existe aussi une
autre tendance (beaucoup plus souple) avançant que l’alphabétisation est
indispensable à l’adoption de toute innovation. Ainsi, les défenseurs de cette « fausse
fonctionnalité à tout prix » expliqueraient au paysan : « qu’il a besoin de savoir lire le
calendrier pour pratiquer les semis précoces, gage d’une bonne récolte » ou
qu’alphabétisé, il « saura mieux respecter la bonne densité parce qu’il saura calculer les
distances des semis entre les lignes et sur les lignes et qu’il pourra même calculer ainsi
le nombre de pieds dans son champ ! ». Or, souligne Belloncle, tout le monde sait que
c’est l’arrivée des pluies qui décide du calendrier cultural et que le paysan n’a
nullement besoin d’être alphabétisé pour respecter une bonne densité des semis.
Des telles considérations ne sont que des contrevérités que Belloncle se propose
d’éradiquer ou du moins d’écarter pour arriver à ce qu’il croit être la vraie
fonctionnalité de l’alphabétisation. Pour lui, ce que l’alphabétisation peut apporter à la
vulgarisation se situe non au niveau de la lecture mais au niveau du calcul. Ce qu’elle
peut apporter d’irremplaçable, poursuit-il, c’est de créer entre paysans et
vulgarisateurs un langage commun, en introduisant les paysans au monde de la
mesure. Il s’agit pour le vulgarisateur de sortir des références standards (hectare, kilo
par exemples) imprécises aux yeux du paysan pour se référer aux unités de mesure
locales en rapport avec la superficie et le poids. Cette initiation à la mesure doit
s’appuyer très fortement sur des expériences pratiques. C’est alors à travers des telles
démonstrations que le vulgarisation-catéchisme est abandonné et que le paysan sera
conduit vers une pratique réelle du calcul économique (calcul du rendement de par le
coût des intrants et le prix des produits) qui lui est très sensible.

2
Guide de l’alphabétisation fonctionnelle, UNESCO, Paris, 1972.
3
Auteur du Guide et non Belloncle.
14

Par ailleurs, même s’il est incontestable que l’alphabétisation constitue pour les
paysans dans leur ensemble un moyen de défense par rapport au monde extérieur, les
motivations de ces paysans sont diverses et variées. Il importe donc de partir des
réelles motivations des paysans (contrôle du commerce ; facilité des relations avec
l’administration ou même défense culturelle) afin de mieux répondre à leurs besoins.
4.2.1.3 Alphabétisation et développement « endogène »
L’auteur évoque ici l’impact de l’alphabétisation sur le développement des trois
villages de Kita4. Toutefois, avant d’aller à l’impact, il fait une description très
sommaire de la situation de l’alphabétisation dans cette zone. L’alphabétisation est
présente à Kita dans un village sur deux (284 villages et hameaux sur 528 existant) et
près de 400 centres étaient en fonctionnement en 1978. Golobilaji fut le premier des
trois villages à expérimenter l’alphabétisation en 1969. Il sera suivi par Mourougoula
(1970) et Souransan-Toumounto en 1972. Les premiers centres d’alphabétisation (un
par village) furent construits par les associations de jeunes. Le service
d’alphabétisation forma d’abord les futurs animateurs (anciens scolarisés revenus vivre
au village) et qui après une dizaine de jours de cours intensifs en écriture, lecture et
calcul en bambara ouvriront les cours.
Les premiers élèves étaient des jeunes gens et jeunes adultes (de 15 à 30 ans) venant
de chaque grande famille. Progressivement, les auditeurs réguliers apprennent à lire, à
écrire et à compter et au bout de 3 à 4 ans se crée dans chaque village un premier
noyau d’alphabétisés allant d’une quinzaine à une trentaine de jeunes gens et adultes.
Auparavant, il est constaté aussi que déjà à un ou deux ans selon le village, des
nouveaux centres se créent pour accueillir d’une part les enfants (ou quelques fois les
vieux) et d’autre part les femmes.
S’agissant de l’impact produit par l’alphabétisation, les constats sont époustouflants.
Le nombre d’alphabétisés grandissant, les initiatives se multiplient de village en village.
En effet, à Golobilaji, la première initiative fut de mettre en place une « contre-
équipe » d’achat formée des jeunes alphabétisés et chargée de contrôler l’équipe
d’achat officielle. Cela a pour conséquences (positives bien sûr) : « plus grande
confiance des paysans, libération du personnel d’encadrement, pour d’autres tâches,
diminution des coûts de commercialisation, etc. » (p. 118).
La deuxième initiative est venue de Morougoula : il s’agit du contrôle des rôles de
l’impôt : « Avant, nous ont dit les paysans, [souligne l’auteur], le commandant disait au
village : tu dois tant et le village devait payer, mais aujourd’hui, grâce à
l’alphabétisation, nous pouvons comprendre comment on calcule l’impôt. » et « ainsi,
disent les villageois, il n’y a plus de tricherie. »

4
Petite ville de la première région du Mali et qui est située sur le chemin de fer Bamako-Dakar, à 200 km
environ de Bamako.
15

À Souransan (le troisième village), outre la commercialisation et le contrôle du rôle de


l’impôt, les alphabétisés ont pris une initiative originale. Plutôt que de payer
hebdomadairement du pétrole, ils cultivent un champ collectif et créent avec l’argent
de sa récolte une caisse de réserve qui leur a permis d’être à l’abri des ruptures de
stock par l’achat d’un fût de pétrole. Ils aussi un grenier collectif pour le stockage et le
traitement des semences.
Par la suite, des centres de formation « supérieure » agricole, sanitaire et même
« technologique » y virent le jour pour donner au niveau des villages mêmes la
formation technique et scientifique nécessaire à leur transformation.
Prise en charge de la commercialisation, contrôle de l’impôt, expérimentation des
nouvelles techniques agricoles, amélioration des conditions de santé, voilà donc, écrit
Belloncle, quelques-uns des changements apportés dans ces trois villages par
l’alphabétisation et qui pourront se propager plus tard dans tout le Mali.
4.2.1.4 Une expérience de formation « supérieure » de jeunes
ruraux en langue bambara
En 1973, à la suite d’une mission préparatoire effectuée par l’UNESCO, la Banque
mondiale décida d’accorder un premier prêt au Mali pour le développement de son
système éducatif. L’objectif principal étant le développement de l’éducation de base,
les résultats positifs obtenus par l’alphabétisation méritaient le prolongement de cette
dernière afin d’explorer des nouvelles formules.
Une évaluation générale de l’alphabétisation a permis non seulement d’identifier les
zones ayant réalisé les meilleurs résultats mais aussi et surtout de mettre en évidence
que les centres d’alphabétisation étaient surtout fréquentés par des jeunes de moins
de 26 ans (avec 70 % des auditeurs inscrits en 1976). Dès lors, il apparaissait évident
que savoir lire, écrire et calculer dans sa langue, loin de constituer un point d’arrivée,
devait plutôt être un point de départ. D’où l’idée de concevoir pour les alphabétisés
une formation « supérieure »5 afin de sauvegarder ce que l’alphabétisation a si bien
préservé : l’intégration quotidienne et la participation effective des jeunes alphabétisés
à la vie de leurs villages. Ainsi, quatre cycles de formation de six semaines chacun
étaient prévus : une formation en agriculture et élevage, une formation sanitaire,
une formation technologique en vue de la valorisation de la saison sèche et une
formation économique et civique. La mise en œuvre de ce projet devait se faire en
trois phases :
Une phase expérimentale qui consiste à réaliser des « stages prototypes » ayant
pour objectifs de vérifier que les hypothèses en matière de formation des
jeunes de village étaient correctes ; de préparer en bambara le matériel
pédagogique qui servirait par la suite à la réalisation en série ; de former, enfin,

5
Une sorte de deuxième cycle, le premier étant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul
élémentaire.
16

l’équipe malienne et la préparer à poursuivre le travail de façon autonome.


Cette phase a concerné certains villages de la région de Kayes (Suransan,
Torodofolo, etc.).
Une phase d’extension qui consiste à former des « équipes de terrain » afin de
les rendre capable d’étendre progressivement les stages à l’ensemble des
villages où se rencontrent des jeunes alphabétisés. Ainsi, quatre équipes
distinctes travaillant en peul (opération riz Mopti) ; en dogon dans le cercle de
Koro (opération mil Mopti) ; en bobo dans le cercle de Tomignan (zone
d’extension de l’opération arachide) et en minyanka et en bambara dans les
cercles de Koutiala et Sikasso (zone CMDT6).
Une phase de généralisation qui devait poursuivre l’extension de
l’alphabétisation à tout le Mali suivant l’hypothèse que la formation supérieure
des jeunes prenne le relais de celle-ci.
À la lumière de cette expérience, mentionne l’auteur, on a cherché à dégager un
certain nombre de principes de base qui peuvent servir de guide en matière de
formation des jeunes ruraux en Afrique :
Former au village et pour le village.
La formation doit s’adresser à l’ensemble des jeunes du village.
Pratiquer une formation par alternance.
Partir de ce que les gens savent avant d’apporter des connaissances nouvelles.
Donner une formation scientifique ou expérimentale et ne pas se contenter de
recettes.
Lier la formation scientifique et formation générale.
Lier éducation et action ; formation et transformation.
En définitive, Belloncle qualifie cette expérience de très prometteuse et retient qu’en
peu de temps il est possible de faire passer des connaissances capables de changer
totalement la vie dans les villages. Il explique cela par les transformations manifestes
qui se sont opérées en santé et en agriculture pour ne citer que celles-ci. Toutefois, il
souligne en fin que l’un des facteurs de réussite est sans aucun doute la langue de
formation : « Tout le système de formation que nous proposons suppose de façon
impérative que la langue utilisée en formation soit la langue du milieu. D’où
l’importance, là où ce n’est pas encore fait, de doter toutes les langues africaines d’un
statut écrit. Que l’on ne dise pas que cela coûte cher : même en termes strictement
économiques, il ne serait pas difficile de faire la preuve qu’il s’agit là d’un
investissement extrêmement rentable. » (p. 137).
Passons maintenant à l’expérience nigérienne.

6
Acronyme de Compagnie Malienne de Développement des Textiles.
17

4.2.2 L’expérience nigérienne


Le cas nigérien tourne autour de deux axes : l’expérience de formation de jeunes
couples et la formation sur place. Ici, l’auteur met un accent particulier sur les forces
de ces formations tout en montrant les améliorations possibles.
4.2.2.1 L’expérience de formation de jeunes couples
Parmi les expériences actuelles d’éducation « non formelle » menées en Afrique, les
Centres de Promotion Rurale (CPR) et les Centres de Perfectionnement Technique
(CPT) du Niger constituent sans aucun doute aujourd’hui une des tentatives les plus
originales visant à donner aux populations rurales cette « éducation de base » et ce
« minimum éducatif » dont nous avons souligné à plusieurs reprises l’urgence.
Précisons, en reprenant l’auteur, que la différence de dénomination des « Centres de
promotion rurale » (expression utilisée à Maradi7) des « Centres de perfectionnement
technique » (appellation dans le reste du Niger) ne recouvre aucune différence ni au
niveau de l’organisation, ni au niveau des contenus ou méthodes de la formation. Ils
sont donc traités simultanément.
Les CPR et CPT s’inscrivent dans le cadre de l’approche nigérienne en matière de
développement rural. Crées depuis 1974 à Zinder (CPT) et 1977 à Maradi (CPR), ces
centres de formation de jeunes couples se sont très vite développés dans tout le pays.
Dans chaque district agricole8 s’était implanté un centre. La formation dure 8 mois (de
mai à décembre) qui correspondent à l’intégralité d’une saison culturale et concerne
les jeunes couples9. Grâce aux financements extérieurs CPT et CPR ont pu être dotés
d’une infrastructure conforme au modèle villageois car l’objectif de ces centres est de
reconstituer, autant que faire se peut la structure du village traditionnel, aussi bien
sur le plan physique que sur le plan social. En outre, les couples désignés doivent venir
au centre « munis de tous les outils agricoles traditionnels […] et de tous le matériel
nécessaire à la cuisine et à la vie de famille […], exactement comme s’ils partaient avec
leur famille dans un village de culture pendant l’hivernage » (pp. 144 à 145). Chaque
couple disposera des céréales pour sa nourriture, d’une allocation mensuelle de 2 000
FCFA, des bœufs de labour et du matériel agricole moderne servant à cultiver
l’exploitation du centre.
Par ailleurs, en dehors de la pratique de l’agriculture (application des nouvelles
techniques culturales) qui occupe toute la journée, souligne l’auteur, l’équipe
d’encadrement consacre tous les après-midi « à la fois une formation technique de

7
Ville du sud du Niger proche de la frontière avec le Nigéria.
8
Un district agricole regroupe en moyenne une trentaine de villages et de 15 à 20 000 habitants.
9
Au départ, le recrutement était exclusivement à l’endroit des jeunes célibataires. Mais pour des raisons
telles que d’une part l’instabilité de ces jeunes après leur formation dans leurs villages (souvent, ils
vendent même l’équipement qui leur a été donné pour partir en exode) et d’autre part, même s’ils se
réinstallent, le fait qu’ils ne disposent pas d’exploitation personnelle (de par leur statut) les empêchait
d’appliquer les nouvelles techniques culturales apprises.
18

base en agriculture (ou l’on « théorise » ce qui a été fait le matin) et à ce que l’on
pourrait appeler une formation générale comprenant l’alphabétisation dans la langue
maternelle (hausa ou zarma), des éléments d’éducation civique (connaissance du pays
et de ses institutions), une formation coopérative (dispensée par l’agent local de
l’Union Nigérienne de Crédit et de Coopération), et une éducation sanitaire de base
(dispensée par l’infirmier du dispensaire). » (p. 146).
Ainsi, à la fin de la formation dans les CPR/CPT, « on devrait se trouver en présence de
jeunes couples où l’homme et la femme seraient alphabétisés, auraient pratiqué
ensemble une agriculture nettement plus productive et surtout devraient avoir retrouvé
confiance dans les possibilités d’améliorer les conditions de vie dans leurs villages
d’origine. » (p. 147). Autrement dit, ils disposeront désormais de diverses ressources
qu’ils sont en mesure de mobiliser pour changer de façon considérable leur vie de tous
les jours.
Enfin, l’auteur estime que ces centres connaissent néanmoins un certain nombre de
limites que l’on peut surmonter par un choix raisonné des stagiaires ; une véritable
préparation et un suivi de ceux-ci à leur réinsertion dans les villages et une extension
de la formation à la technologie et à la formation des « formateurs » locaux des futurs
stagiaires.
4.2.2.2 La formation sur place (Des CPT « fixes » aux CPT
« tournants » : l’expérience de Guessedoundou)
L’évaluation des CPR/CPT a conduit à l’expérimentation d’une nouvelle forme
pédagogique dite CPT « tournant » ou encore CPT « au village ». Le CPT de
Guessedoundou fait partie de ces premiers centres expérimentaux. Les réflexions sur
cette expérience ont porté sur : la phase de préparation ; l’alphabétisation et la
formation générale ; la formation technique et les travaux pratiques agricoles et enfin
l’avenir de l’expérience et la nécessaire articulation entre CPT « fixes » et CPT
« tournants ».
La phase préparatoire (étendue sur trois mois) a consisté à une « information-
sensibilisation » des intéressés sur la « philosophie » de cette nouvelle formule du CPT
et sur les modalités pratiques de sa mise œuvre (désignation des stagiaires,
construction de l’infrastructure, etc.). Belloncle reproche à cette phase le fait que
l’information soit purement descendante, c’est-à-dire que les villageois étaient invités
à adhérer à un projet pensé « en dehors d’eux ».
Quant à l’alphabétisation et de la formation générale, elle a commencé au bout de la
phase préparatoire conformément à la nouvelle méthode intensive. Toutefois, même
si plusieurs hommes et femmes ont su lire, écrire et calculer, l’alphabétisation n’était
hélas pas fonctionnelle (en tant que réutilisation systématique des acquis) pour autant.
S’agissant de la formation technique et les travaux pratiques agricoles, les travaux
pratiques agricoles se font d’une part sur un « champ » de 2 hectares cultivés en
19

commun, d’autre part, sur des parcelles personnelles d’un demi-hectare. Ici, il s’agit de
démontrer tous les avantages des innovations techniques agricoles « modernes » en
termes de productivité et surtout de gain de temps de jachère dans la culture continue
des terres difficilement cultivables. Cela nécessite de faire appel à des techniques et
pratiques agronomiques beaucoup plus complexes. Ces pratiques doivent donc être
éclairées par des connaissances théoriques solides, c’est-à-dire une formation
technique en matière d’agronomie (sur les sols, les plantes, le complexe sol-eau-
plante, les systèmes de protection, etc.) qui peut bel et bien se faire progressivement
dans les langues africaines. Il faut juste définir les contenus agronomiques et mettre au
point une pédagogie qui convient aux réalités locales.
Quant à son avenir, l’auteur estime que l’expérience de Guessedoundou paraît bien
engagée et riche de promesses. Elle doit, en effet, « montrer qu’il est possible de
« former au village et pour le village » et à des coûts supportables par les ressources
nationales. » (p. 170). Toujours est-il qu’elle s’inscrit dans une durée plus longue et
qu’elle soit vue comme pouvant être complémentaire de l’expérience des CPT « fixes »
(qui présentent d’ailleurs une supériorité manifeste quant à la nouvelle formule) et
non comme concurrente.
Belloncle estime enfin que ces expériences, au-delà du Niger, méritent d’être connues
et confrontées avec d’autres expériences d’inspiration similaire.

4.2.3 L’expérience voltaïque


L’expérience voltaïque n’a retenu qu’un seul type de formation appelé formation des
jeunes agriculteurs (FJA) en Haute-Volta10. L’étude a porté sur 20 Centres de
Formation des Jeunes Agriculteurs (CFJA) des trois niveaux (1re, 2e et 3e années).
La formation dure de ce fait trois ans. Elle vise à former de jeunes agriculteurs en leur
donnant à la fois une formation professionnelle solide (qui a lieu dans l’exploitation
scolaire cultivée en commun avec l’ensemble des jeunes en formation) et une
formation générale leur permettant non pas une promotion individuelle mais
collective des villages dont ils sont originaires. Ces centres recrutaient d’adolescents
(de 14 à 17 ans ou de 15 à 18) non scolarisés dans le système classique. D’ailleurs la
formation des jeunes agriculteurs se voulait radicalement différente du projet scolaire
traditionnel. Ainsi, « le calendrier scolaire est modifié (l’année de « formation »
commençant en avril et s’achevant en février de l’année suivante de façon à inclure la
saison des pluies) ainsi que l’emploi du temps journalier (toutes les matinées étant
consacrées à des travaux manuels et les après-midi à leur exploitation intellectuelle en
salle) et la langue de formation. De même, les modalités de formation sont très
différentes de celles qui ont cours dans l’enseignement classique puisque la même
promotion reste avec le même formateur pendant le cycle de trois ans. » (p. 177).

10
Depuis août 1984, la Haute-Volta est devenue le Burkina Faso.
20

La formation professionnelle aborde, en plus des travaux d’élevage et de la vie


quotidienne au centre, l’ensemble des activités saisonnières dans un ordre
rigoureusement chronologique (1. Avant l’arrivée des jeunes ; 2. Installation de
l’exploitation ; 3. Préparation du sol et semis ; 4. Entretien et défense des cultures ; 5.
Activités de saison sèche ; 6. Activité de fin de saison des pluies et 7. Gestion de fin
d’exercice). Elle a lieu sur des véritables exploitations agricoles, c’est-à-dire combinant
l’ensemble des cultures possibles de chaque région, associant agriculture et élevage et
anticipant sur l’avenir par l’introduction des innovations techniques « reproductibles »
par rapport aux pratiques culturales (assolement, culture attelée, fumure organique,
etc.).
Quant à la formation générale qui est liée à l’acquisition des connaissances
instrumentales, elle concerne l’alphabétisation dans les langues maternelles ;
l’apprentissage du français ; le calcul instrumental et la vie pratique et familiale.
Par ailleurs, chaque CFJA dispose d’un Conseil Villageois qui représente les populations
locales ; aide au recrutement et assiste à la gestion du centre (notamment à travers la
garde de la caisse du CFAJ).
Suite à une analyse approfondie des CFJA, Belloncle a retenu essentiellement ici, les
réflexions sur les points forts, sur les faiblesses et sur la réinsertion et la post-
formation des jeunes agriculteurs.
En parlant des forces de la FJA, elles se situent à 7 niveaux :
Un projet pédagogique novateur et innovant ;
La mise et place des conseils villageois de centres ;
La mise en place de véritables exploitations agricoles ;
Un certain nombre de CFJA sont devenus aujourd’hui des « correspondants »
de plusieurs projets ;
L’utilisation des langues nationales ;
L’organisation des formateurs dans la perspective d’une autoformation
permanente ;
Et la constante amélioration des instruments de pilotage.
S’agissant des faiblesses, elles concernent :
Le non respect de l’âge de recrutement ;
Des exploitations agricoles insuffisamment démonstratives (c’es-à-dire pas
toujours rentables) ;
Des difficultés d’identification des travaux motivants et pouvant servir de
supports de formation pour une meilleure valorisation de la saison sèche dans
les CFJA ;
La nécessité d’améliorer la pédagogie dans les centres ;
21

Une insuffisante maîtrise des langues nationales comme langues


d’alphabétisation et de formation ;
Des insuffisances liées à la comptabilité, à la gestion et à l’autofinancement ;
Et la révision des CFJA féminins.
Quant à la post-formation, les réflexions ont essentiellement porté sur la réinsertion
des sortants des centres. Ainsi, elles se sont faites à deux niveaux : celui de la
réinsertion du jeune dans sa famille et celui de l’organisation des jeunes au sein des
groupements de jeunes agriculteurs (GJA). Le troisième élément qu’il faut ajouter à ces
deux premiers est la formation complémentaire et la préparation aux concours
administratifs à l’intention de ceux qui ont fait preuve, pendant les 3 ans de leur
formation, de qualités intellectuelles et humaines exceptionnelles.
En définitive, finissons par annoncer l’ambition de la FJA. Elle est claire : « il s’agit de
pratiquer l’agriculture et pas simplement de disserter à son sujet, et l’une des
expressions que l’on retrouve la plus fréquemment utilisée dans les textes de la FJA est
celle de crédibilité technique : il s’agit de prouver dans les faits qu’il est encore possible
aujourd’hui de vivre de l’agriculture. » (p. 182)
Bref, tout comme les expériences malienne et nigérienne, l’expérience voltaïque a, elle
aussi fait ses preuves et mérite bien d’être entretenue, rénovée et confrontée à
d’autres.

5 IDEES ET THEMES D’AUTRES AUTEURS


D’autres chercheurs africains et d’ailleurs abondent dans le même sens que Belloncle.
Ils sont nombreux, mais on peut retenir entre autres : Joseph KI-ZERBO ; l’Abbé Marcus
NDONGMO (prêtre camerounais et docteur en théologie morale) ; Stanislas BALEKE ;
etc.

Joseph KI-ZERBO, dans son livre intitulé « A quand l’Afrique ? » ouvre une importante
parenthèse à l’éducation actuelle qu’il qualifie « d’éducation anti développement »
car elle n’est pas adaptée à l’Afrique et de ce fait, détruit l’avenir de la plupart des
enfants africains. Or, l’éducation doit être considérée comme le cœur même du
développement. Mais l’éducation et le développement ne doivent être mis en
équation que s’il s’agit d’une éducation adaptée.

Pour améliorer cette éducation, il faut diminuer le nombre d’écoles afin de les adapter
culturellement et socialement ; changer les contenus et les structures actuels.
L’alphabétisation est une condition sine qua non du changement multiforme du
système éducatif. Elle passe forcément par les langues africaines, un moyen d’assurer
l’alphabétisation totale. En passant par les langues nationales, on restaure également
la dignité du paysan. Si on passe au registre des langues africaines, les paysans se
présenteront comme l’élite, et non plus comme ceux qui trainent derrière et qu’on
22

doit tirer à bout de bras. C’est une approche psychologique qui satisfait les apprenants
paysans en valorisant une culture où ils sont à leur aise comme le poisson dans l’eau.
Bref, il ne faut pas chercher à augmenter la vitesse du train de l’éducation, mais de
changer la direction des rails, déclare-il.

Ndongmo, dans son livre intitulé « Éducation scolaire et lien social en Afrique noire :
Perspectives éthiques et théologiques de la mise en place d'une nouvelle philosophie
de l'éducation » (2007), part de l'hypothèse de départ selon laquelle l'origine de la
crise généralisée de l'Afrique subsaharienne n'est pas d'abord économique mais à
proprement parler une question de mentalité. Il y a eu une profonde perturbation
mentale liée à l'implantation de l'école moderne en Afrique noire. Cette école qui
serait à l'origine d'importants bouleversements sociaux, n'a pas seulement entamé et
déstructuré le paysage culturel africain en remettant en cause tout son système de
valeurs morales et symboliques, mais plus profondément, elle a défait le lien social à
cause de son insularité. Le procès se redouble lorsqu'on réalise que l'implantation de
cette école en Afrique noire a été initiée par les missionnaires chrétiens. Par leur
engouement pour les écoles, l'on peut se demander s'ils n'ont pas ruiné non
seulement le lien social mais aussi la pertinence de l'Évangélisation.

Partant d'un examen socio-historique de l'implantation de l'école moderne en Afrique


noire, après avoir dégagé les effets de déstructuration et d'induction, l’auteur de ce
livre va tenter surtout d'approfondir les conditions nécessaires pour une Éthique
sociale, politique et théologique de l'éducation susceptible de reconstruire le lien
social fracturé.

De même, dans son livre « Éducation, Démocratie et Développement : Une pédagogie


pour aujourd'hui en Afrique » (2010), Stanislas BALEKE (docteur es sciences de
l’éducation) soutient que la question du développement de l'Afrique est liée à son
histoire, et particulièrement à celle des indépendances. Les Africains espéraient que
l'accession aux indépendances politiques serait accompagnée de l'accession à
l'indépendance économique. Mais tel ne fut pas le cas. Sur ce chemin de la liberté, au
lieu de former des hommes libres, responsables et maîtres de leur destinée,
l'éducation s'est contentée d'importer la forme scolaire occidentale et de détruire le
tissu culturel local. Aujourd'hui, il n'est plus question de reprendre ce chemin qui a
montré ses limites. Il est temps de proposer une nouvelle pédagogie qui serve de
ferment à une dynamique de développement, fruit de la participation des citoyens.
Une démarche fondée sur la solidarité, l'ouverture et le respect des valeurs
démocratiques. Cette réflexion s'inscrit dans une démarche qui consiste à proposer
une version authentiquement africaine du développement. Un tel défi exige de
l'éducation, qu'elle assume pleinement ses responsabilités de formation à l'autonomie,
à la citoyenneté et à l'engagement pour la justice sociale en Afrique. Il s'agit d'une
pédagogie qui confère à chaque citoyen les moyens de participer à l'écriture d'une
23

nouvelle page de l'histoire africaine, souvent écrite par d'autres. Tel est le processus
auquel voudrait participer la réflexion proposée par Stanislas dans cet ouvrage.

6 POSITION PERSONNELLE PAR RAPPORT AUX IDEES ET THEMES DE L’AUTEUR


Il est évident que les données de cet ouvrage ont beaucoup évolué depuis (voir
documents annexes). Mais cette évolution conforte davantage les pensées de l’auteur
quand il évoque le problème de la mal-scolarisation et de la sur-scolarisation
qu’entraînent les politiques de scolarisation universelle.

Ainsi, il faut donc reconnaître que les idées défendues par Belloncle sont encore
d’actualité. L’école africaine en général et malienne en particulier se trouve encore à
sa case de départ c’est-à-dire coincée toujours dans une véritable impasse : un peu
plus du tiers du budget national est toujours consacré au système éducatif ;
cependant, les produits formés agrandissent chaque année qui passe le monde des
diplômés sans emploi.

Il est évident, tout comme le montre Belloncle, que l’école telle qu’elle a été importée
et telle qu’elle existe de nos jours encore en Afrique nous oriente plus vers une école
élitiste et surtout coupée du peuple que vers une école du peuple. Élitiste parce
qu’aujourd’hui encore les enfants des villes ont plus de chance d’accès à l’école que
ceux des villages. En plus, le fait même que l’école se fasse dans une langue étrangère
(expliquant en partie sa coupure du peuple) favorise les enfants des villes (où le
français rentre progressivement dans la vie de tous les jours) vis-à-vis des enfants
ruraux qui vivent beaucoup plus le déséquilibre école et société.

Ainsi, nous sommes d’avis de l’auteur qu’il n’est que caricatural de vouloir scolariser
tous les enfants africains, c’est même une illusion. Il est encore plus illusoire de poser
l’équation scolarisation = développement surtout quand il s’agit d’une école qui est
coupée de son peuple comme la nôtre. Le développement de l’Afrique ne peut se faire
qu’en Afrique, avec des africains et pour l’Afrique. Ainsi, il n’interpelle pas que les
scolarisés, mais tout le monde d’où la réalisation du minimum éducatif proposé par
Belloncle à tous les africains.

En outre, nous convenons aussi avec Belloncle que les langues nationales doivent
occuper une place de choix dans ce développement de l’Afrique. D’ailleurs, cela n’est
même pas possible en dehors de ces langues. Ce développement des langues
nationales passe non seulement par une alphabétisation « fonctionnelle » de tous ceux
qui ne sont pas allés à l’école mais aussi par leur appropriation par les intellectuels
africains.

Les problèmes soulevés et les solutions proposées sont certes réalistes et pertinents.
Toutefois, nous estimons qu’elles méritent une amélioration. Nous convenons qu’il
24

faut encourager l’enseignement non formel, mais nous ne pensons pas que cela soit
une réponse suffisante aux problèmes que connait aujourd’hui l’éducation en Afrique
en général et particulièrement au Mali.

De même, la planification au niveau régional est une bonne chose, mais il faudrait
d’abord une bonne politique de décentralisation au plan politique et économique. De
même nous ne pensons pas qu’investir plus dans l’école que les autres secteurs de
développement soit une mauvaise chose en soi. Mais aujourd’hui comme hier, le
problème ne serait-il pas plus lié à une question de planification, de gestion et de
responsabilisation qu’à celle de coût ?

CONCLUSION
En définitive, cet ouvrage de Belloncle retrace les voies et moyens qui permettent à
l’Afrique de sortir de l’ornière de l’école du colonisateur pour poser de façon
véritablement autonome les jalons d’une éducation qui réhabilite ses valeurs
socioculturelles, répond aux besoins immédiats des africains et pour ainsi mettre en
place des stratégies d’auto-développement.

L’école doit donc cesser d’être « la machine efficace pour fabriquer du consommateur
européen » et se mettre au service du peuple. Pour cela, il faut former l’africain à
l’Afrique d’abord et au monde ensuite. C’est-à-dire qu’il faut le former à ses véritables
réalités, aux véritables besoins de l’Afrique et aux nouveaux défis de développement.
Pour ce faire, il faut :

D’abord changer les mentalités : « « L'école classique », telle qu'elle a été


implantée en Afrique par le colonisateur a accrédité l'idée qu'il n'y avait de réel
savoir que moderne (c'est-à-dire emprunté à sa propre culture), tout le reste
n'étant qu'ignorance, superstition ou magie. Aussi l'école a-t-elle véhiculé et
véhicule-t-elle encore un enseignement de mépris en dévalorisant de façon
délibérée le monde traditionnel (à commencer par l'essentiel : sa langue) et
c'est peut-être la cause la plus profonde de la désaffection des jeunes scolarisés
à l'égard du milieu rural : une cause culturelle avant d'être une cause
économique. Comment, en effet, accepter de continuer de vivre dans un milieu
dont on vous a convaincu qu'il n'était que ténèbres et ignorance et qu’il n'avait
jamais créé de lui-même aucune des découvertes ou inventions ayant contribué
au progrès de l'humanité ? C‘est cette image de l’école que l’on doit combattre
d’abord. Après avoir lié l’école à la vie, parallèlement les décideurs doivent
aussi créer d’autres structures qui vont l’aider dans sa mission de formation au
développement collectif. Il s’agit des centres du non formel.
Ensuite, faire de nos langues nationales les véritables armes et outils du
développement de l’Afrique à travers leur instrumentation (production des
25

manuels) pour vulgariser toutes les techniques et technologies qui nous sont
nécessaires et leur appropriation par tous : chaque africain doit savoir lire,
écrire et calculer dans sa langue maternelle. Ainsi, ils seront en mesure de créer
et d’expérimenter des nouveaux modèles d’organisation socio-économique et
de construire un type de développement réellement au service du peuple.
Mettre un accent particulier sur la formation technique et professionnelle avec
la multiplication et l’équipement des structures en charge de cette formation
tout en veillant à la formation d’enseignants de qualité et en quantité au niveau
de tous les types et ordres d’enseignement.
En outre, renforcer l’éducation civique et morale en vue de former des
patriotes conscients et résolument engagés pour le développement de la
nation.
Également, impliquer les entreprises dans l’élaboration des politiques en
matière d’éducation afin de mieux planifier les ressources vis-à-vis des emplois.
Ouvrir l’école à la vie avec des innovations et reformes comprises et acceptées
de tous les acteurs concernés car ayant été fortement impliqués mais aussi et
surtout ouvrir l’école aux nouveaux défis d’un monde sans cesse en mutation.
Bref, il est temps pour les décideurs africains d’être réalistes et de regarder les
choses en face. Il ne s’agit plus de jouer avec des chiffres, mais il faut plutôt
donner à chaque africain un minimum éducatif qui est son droit le plus
légitime. Il faut lui donner les moyens de contrôler son univers, son
environnement afin d’en faire sortir ce qui lui est utile. L’école, à elle seule, ne
saurait réaliser un tel projet. Donc aujourd’hui plus que jamais les décideurs
doivent donner plus de place à d’autres formules telles que le non formel. Car,
il s’agit d’intéresser tout le monde au développement collectif et non individuel
et ainsi faire de chacun un responsable et acteur principal du développement
de l’Afrique. L'Afrique est capable de décoller à condition de compter d'abord
sur ses propres forces, c'est -à-dire sur ses propres hommes, dans le respect de
leur patrimoine et de leurs besoins réels. Donc, il ne s’agit plus de scolariser
tout le monde et à rien mais d’éduquer tout le monde.
26

ANNEXES
Annexe 1 : Taux brut de scolarisation 2008 – 2009

Source : Cellule de Planification et de Statistique des ministères en charge de


l’éducation in Cadre des dépenses à moyen terme (2010 – 2012) du secteur de
l’éducation.

Annexe 2 : La situation du pays

Le récent diagnostic du RESEN a permis de synthétiser la situation du pays dans une «


matrice de recommandations et propositions de pistes d’actions ». Le présent
paragraphe reprend la situation du pays qui peut être structurée autour de quatre
thèmes : i) l’allocation des ressources, ii) les disparités, iii) la gestion des ressources, iv)
l’accueil des apprenants/rendements interne-externe par ordre et type
d’enseignement :

Au plan de l’allocation des ressources


1. En 2008, les dépenses courantes d’éducation représentaient 28,7% des dépenses
27

courantes de l’État11 plaçant le pays parmi ceux affichant la plus grande priorité
pour leur secteur éducatif. Seulement 36,5% des dépenses courantes d’éducation
sont allouées à l’enseignement fondamental contre 46,2% en moyenne dans les
pays comparables au Mali (Benin, Burkina Faso, Burundi, Congo, Cote d’Ivoire,
Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Madagascar, Malawi, Niger, RCA, Sénégal et Togo).
2. La dépense totale d’éducation des familles est en augmentation régulière et
correspond en 2008 à 16% de la dépense nationale d’éducation. Par ailleurs, les
familles contribuent en moyenne pour 33% des dépenses dans les deux cycles du
fondamental contre 23% dans les niveaux post fondamental où très peu d’élèves
d’origine modeste accèdent. En effet, les disparités selon les revenus sont
relativement faibles au premier cycle de l’enseignement fondamental, se creusent
dès le second cycle du fondamental et s’accentuent davantage dans les cycles
secondaire et supérieur.

Au plan des disparités


3. Le district de Bamako et les régions de Mopti et de Gao ont un Rapport Elèves-
Maître très supérieur à la moyenne nationale. Les régions du Nord sont celles où les
écoles sont les plus éloignées des ménages et qui comptent le plus d’enseignants
communautaires. Plus de 40% d’écoles communautaires sont concentrées dans les
régions de Ségou, Tombouctou, Sikasso et Koulikoro. Les régions de Tombouctou,
Kidal, Gao et Mopti ont les taux d’achèvement du premier cycle du fondamental les
plus faibles du pays.

Au plan de la gestion des ressources


4. Dans le fondamental 1, on observe 33% d’aléa dans les affectations des enseignants
dans les écoles publiques et communautaires. Autrement dit le nombre de maîtres
en poste dans une école n’est pas en cohérence avec l’effectif des élèves de cette
école. Au niveau des régions, le taux d’encadrement varie de 35 élèves par
enseignant dans la région de Kidal à 73 élèves par enseignant dans le district de
Bamako, la moyenne nationale étant de 55.
5. Dans le fondamental 1, en moyenne 1,4 élèves se partagent un manuel de lecture
et il existe en moyenne 1 manuel de calcul par élève. Toutefois, on observe une très
faible cohérence dans l’allocation de ces manuels aux écoles, les degrés d’aléa pour
les manuels de lecture et de calcul sont respectivement de 73,6 et 79,5 %.

Au plan de l’accueil des élèves et des rendements interne/externe par ordre et type
d’enseignement
6. Les données sur le préscolaire sont très parcellaires. En dehors des effectifs du
public, il est difficile de cerner l’effectif des autres types d’établissement (privé,
communautaire et communal) rendant difficile toute analyse approfondie de ce
niveau d’enseignement.
7. 1 enfant sur 5 n’a pas accès à l’enseignement fondamental et seulement 54% de
ceux qui y entrent, atteignent la fin de ce cycle. La pauvreté des populations et
l’absence d’une offre de scolarisation à proximité (plus du tiers des enfants de 7-12
11
Hors service de la dette.
28

ans sont à plus de 30 minutes de l’école fondamentale la plus proche de leur foyer)
sont, entre autres, des facteurs qui concourent à cette situation.
8. Plus de la moitié des élèves des classes ayant subi le test du Centre National
d’Education ont un niveau inférieur au niveau minimum requis en langue et
communication et en sciences mathématiques et technologiques.
9. Au niveau du fondamental 1, depuis 2004, les abandons stagnent en moyenne
autour de 23 %. La proportion des redoublants est passée de 19% en 2004 à 14 %
en 2008.
10. En 2008, le taux d’accès dans le Fondamental 2 est de 45% et seulement 34% de
jeunes achèvent le cycle. Le taux d’abandon est estimé à 15% et la proportion des
redoublants à 17%.
11. L'ETP concerne un peu plus de 60 000 élèves en 2008. Il est essentiellement
professionnel avec plus d'élèves dans les formations tertiaires longues. Cependant,
les débouchés pour ce niveau d'enseignement sont plus élevés dans le secteur
primaire (agriculture élevage) et secondaire (extraction aurifère) que dans le
secteur tertiaire.
12. L’offre de formation professionnelle actuelle est une multitude de petits
programmes indépendants (pour les non-orientés, via les Centres d’Education pour
le Développement, les centres d’apprentissage ou chez un maître artisan, via
l’apprentissage dual, formation modulaire etc.). Ces programmes sont souvent des
programmes courts, ne débouchant généralement pas sur l’obtention d’une
qualification reconnue ou sanctionnées par un diplôme. Par ailleurs, il y a une trop
faible représentation des formations agricoles et de spécialisations techniques.
13. L’enseignement supérieur n’arrive pas à absorber chaque année la totalité des
bacheliers. Et ceux qui ne continuent pas leur scolarité à l’enseignement supérieur
ont du mal à s’insérer sur le marché du travail.
14. Depuis 2004, l’effectif des étudiants à l’université de Bamako s’est accru en
moyenne de 22% chaque année sans augmentation conséquente des capacités
d’accueil. Cette situation a entrainé une dégradation des conditions
d’enseignement et une baisse de la qualité. Par ailleurs, seuls 41% des sortants de
l’enseignement supérieur occupent un poste de cadre dans le secteur moderne,
25% sont au chômage et 34% occupent un emploi sous-qualifié par rapport aux
compétences acquises.
Source : Cellule de Planification et de Statistique des ministères en charge de
l’éducation in Cadre des dépenses à moyen terme (2010 – 2012) du secteur de
l’éducation (pp. 6-7).

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