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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE

SCIENTIFIQUE ET DE L’INNOVATION

******************

UNIVERSITE DE OUAGA I Pr. Joseph KI-ZERBO

UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES


(UFR/SH)
*****************
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
*******************
MEMOIRE DE MASTER II DE RECHERCHE

Rapport à l’école et problématique de


l’éducation pour tous dans la commune
de Gorom-Gorom

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :


BONKOUNGOU Koug-Nongom Dr Alkassoum MAÏGA
Maître de Conférences en Sociologie

Codirection de
Dr Valérie ROUAMBA/ OUEDRAOGO
Maître assistant en sociologie

JANVIER 2016
DEDICACE

A
Mes enfants Ange Lucille Gloria et Wendyam Ferdinand

i
REMERCIEMENTS

La réalisation d’une telle œuvre de longue haleine a été possible grâce à l’apport, le soutien et
l’accompagnement d’un ensemble de personnes à qui nous tenons à exprimer notre profonde
gratitude. Même si nous en sommes le premier bénéficiaire, force est de reconnaitre que cet
ouvrage est le couronnement d’un effort collectif. Ce qui nous amène à remercier tous ceux
qui ont participé de près ou de loin à l’élaboration du présent mémoire.

Nos premiers mots vont à l’endroit du Dr Alkassoum MAÏGA et du Dr Valérie


ROAMBA/OUEDRAOGO, respectivement directeur et codirectrice du mémoire, pour leur
constante disponibilité. Leurs apports et leurs conseils éclairés ont contribué à orienter notre
travail et à l’enrichir.

Nous adressons toute notre reconnaissance au Dr Abdoulaye OUEDRAOGO qui nous a


toujours encouragé à poursuivre le troisième cycle d’études universitaires ;au Dr Zakaria
SORE qui a toujours été à notre écoute. A travers leurs conseils répétitifs et leurs critiques,
nous avons acquis des rudiments qui nous ont permis de conduire ce travail à terme.

Merci à Aïcha née ZOUNDI mon épouse, pour son soutien moral et la lecture du document.

Nous remercions vivement le Directeur Provincial de l’Education Nationale et de


l’Alphabétisation (DPENA) de l’Oudalan, le Président de la Délégation Spéciale (PDS), les
encadreurs pédagogiques, les leaders d’opinions, les enseignants, les parents d’élèves et toutes
les personnesde la commune de Gorom-Gorom qui se sont rendus disponibles pour nous
donner les informations nécessaires à la réalisation de la présente étude.

Nous sommes profondément reconnaissant aux camarades de Master de recherche de


Sociologie, promotion 2013-2015, pour la bonne ambiance d’ensemble lors des cours
théoriques et l’esprit de partage de connaissances.

Nos chaleureux remerciements aux nombreuses personnes qui nous ont aidées et que nous ne
saurons citer tous nommément. Que tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre ont bien
voulu consacrer une partie de leur précieux temps pour nous accompagner jusqu’à
l’aboutissement de cette étude, veuillent trouver là, l’expression de notre gratitude.

ii
SOMMAIRE

DEDICACE ................................................................................................................................. i

REMERCIEMENTS .................................................................................................................. ii

SOMMAIRE ............................................................................................................................. iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................ iv

LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES .......................................................................... v

RESUME ................................................................................................................................... vi

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE DE LA


RECHERCHE ............................................................................................................................ 5

CHAPITRE I : REVUE DE LITTERATURE ........................................................................... 6

CHAPITRE III : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ................................................. 41

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS ................... 55

CHAPITRE IV : REPRESENTATIONS SOCIALES DE L’ECOLE ET SCOLARISATION


DANS LA COMMUNE DE GOROM..................................................................................... 56

CHAPITRE V : INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET DEPERDITIONS


SCOLAIRES ............................................................................................................................ 72

CONLUSION ........................................................................................................................... 85

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 88

ANNEXES .................................................................................................................................. I

TABLE DES MATIERES ......................................................................................................VII

iii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AME : Association des Mères Educatrices


APE : Association des Parents d’Elèves
CCEB : Chef de Circonscription d’Education de Base
CEB : Circonscription d’Education de Base
COGES : Comité de Gestion
DE : Directeur d’Ecole
DEP : Direction des Etudes et de la Planification
DGESS : Direction Générale des Etudes et des Statistiques Sectorielles
DPENA : Directeur Provincial de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation
EPT : Education Pour Tous
MENA : Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation
OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement
PDS : Président de Délégation Spéciale
PDDEB : Plan Décennal de Développement de l’Education de Base
PDSEB : Programme de Développement Stratégique de l’Education de Base
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
TAP : Taux d’achèvement du primaire
TBS : Taux Brut de Scolarisation
TNS : Taux Net de Scolarisation
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

iv
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES

Tableau 1 : Typologie des écoles de la commune à la rentrée scolaire 2015-2016 ................. 26


Tableau 2 : Evolution des inscriptions au CP1 dans la commune de Gorom de 2011 à 2015 . 28
Tableau 3 : Les variables et indicateurs de mesure des hypothèses ........................................ 33
Tableau 4: Répartition des personnes enquêtées selon le statut ............................................... 48
Tableau 5 : Récapitulatif des acteurs interrogés et les différentes thématiques abordées ........ 50

Graphique 1: Evolution des enseignants de la commune selon leur qualification .................. 27


Graphique 2: Evolution des taux d’admission au CEP des 5 dernières années scolaires ....... 29

v
RESUME

Le Burkina Faso, dans le souci de respecter ses engagements au niveau panafricain et mondial
pour l’atteinte de la scolarisation universelle, a depuis son indépendance expérimenté des
réformes, innovations pédagogiques et programmes de développement de l’éducation. En
dépit des efforts consentis, les échéances pour l’Education Pour Tous (EPT)fixées pour 1981,
2000 et 2015 n’ont pu être respectées et l’espoir est tourné aujourd’hui vers 2021. Là encore,
la réalisation de l’EPT est encore peu probable au regard des disparités des indicateurs de
l’éducation suivant les zones et même inquiétante dans certaines localités en milieu rural. La
commune de Gorom-Gorom particulièrement connait un faible niveau de participation
scolaire au primaire.
Dans une approche qualitative, nous avons mené un travail de recherche pour répondre à la
question de recherche suivante : Comment le rapport à l’école des populations influe-t-il sur
la scolarisation des enfants dans la commune de Gorom-Gorom ?
Au terme de l’étude, il ressort des entretiens avec les différents acteurs de l’éducation que les
facteurs explicatifs de la faiblesse des indicateurs de l’éducation dans ladite commune découle
principalement du rapport à l’école des parents et des élèves. La perception négative de
l’école sous prétexte qu’elle est source de perdition et qu’elle ne promeut pas les valeurs
socioculturelles locales fait qu’elle est refusée par certaines communautés. En outre, les
difficultés d’insertion socioprofessionnelle des sortants ont suscité une perte de confiance en
l’école par les populations engendrant de fortes déperditions scolaires. En effet, les parents et
les élèves, mus par la logique du gain immédiat accordent plus de crédit aux activités
agropastorales et à l’orpaillage au détriment de l’école.

Dans ce contexte donc où l’école n’accueille pas beaucoup de suffrages dans la communauté
du fait que certains parents la trouvent non socialisante pour leurs enfants, la commune de
Gorom-Gorom reste éloignée de l’objectif de l’éducation pour tous, qui pourtant est l’un des
défis majeurs que s’est fixé le Burkina Faso en quête incessante de son développement.

Mots-clés : scolarisation, rapport au savoir, déperdition, orpaillage, élevage, Gorom-Gorom.

vi
INTRODUCTION

L’éducation fait partie intégrante des droits humains fondamentaux. Comme le stipule la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme1 de 1948, toute personne a droit à l'éducation,
notamment en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.
Cette déclaration universelle qui invite tous les pays du monde à faire de l’éducation pour
tous (EPT) leur cheval de bataille, justifie dès lors la forte mobilisation de la communauté
internationale pour le développement des systèmes éducatifs. Aussi, la conférence mondiale
sur l’éducation pour tous de Jomtien en 1990 ainsi que celle tenue à Dakar en 2000, illustrent-
elles ce regain d’intérêt pour la cause éducative. Aujourd’hui, tous les pays du monde, du
Nord comme du Sud se sont lancés dans la course pour l’atteinte de la scolarisation
universelle.
Mais au juste, pourquoi tant de détermination pour l’EPT ?
En fait, il est établi qu’il existe un lien étroit entre « Education » et « développement ». La
théorie du capital humain développée au début des années 60 par des économistes de
l’éducation, en l’occurrence Théodore SCHULTZ 2 et Gary BECKER, soutient que les
dépenses consacrées à l’éducation constituent un investissement parfois plus élevé que le
capital physique (Abdoulaye OUEDRAOGO, 2007). La Banque Mondiale (2000), va plus
loin en affirmant que seule une éducation réussie peut donner à un pays les compétences dont
il a besoin pour asseoir durablement son économie et améliorer la qualité de vie de sa
population. L’école en particulier, en dotant à l’apprenant des connaissances et des
compétences, contribue à son épanouissement et lui donne les rudiments pour sa participation
active au développement de la société dans laquelle il vit. En effet, selon CRAHAY (2000),
l’institution scolaire assure trois fonctions. La première fonction est éducative. L’école a pour
mission de former les individus, les rendre capables d’autonomie et de rationalité face à leur
environnement. La seconde fonction consiste à leur transmettre les normes qui leur
permettront de s’intégrer dans la société et de fonctionner en son sein, en un mot c’est la
fonction de socialisation. La troisième fonction enfin est celle de distribution en ce sens que
l’école est l’institution qui dote des diplômes, conditionnant ainsi l’obtention d’emploi et
l’occupation des positions et statuts sociaux hiérarchisés par les individus. De ce fait, tous les

1
Premier (1er) alinéa de l’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10
décembre 1948
2
Théodore Schultz est prix Nobel d’économie en 1979
1
enfants du monde, même les plus marginalisés, ont droit d’acquérir une éducation de base de
qualité (UNICEF, 2014).
Convaincu que l’éducation est au cœur du bien être individuel et collectif, le Burkina Faso
depuis son accession à l’indépendance a expérimenté diverses reformes et innovations
pédagogiques dans son système éducatif. Aussi, deux vastes programmes décennaux ont été
élaborés et mis en œuvre pour donner la chance à tous ses fils et filles d’aller à l’école. Dès la
sortie de la Conférence d’Addis-Abeba de 1961où une Charte Africaine a été adoptée, invitant
tous les pays signataires à réaliser à l’horizon 1981 une scolarisation gratuite, obligatoire et
universelle, le Burkina va très vite opérer des réformes dans le secteur de l’éducation. Au
nombre de ces réformes figurent entre autres l’école rurale en 1961, la réforme de 1979qui a
visé les contenus d’enseignement et l’école révolutionnaire de 1986 (Marc PILON, 2007).
Avec cette série de réformes, les effectifs scolaires vont commencer à s’améliorer, avec plus
de présences de filles à l’école. Cependant, malgré cette volonté politique du Burkina Faso
pour démocratiser l’éducation, l’ambition d’avoir tous les enfants à l’école est restée utopique
faute de ressources disponibles. Le taux brut de scolarisation (TBS)qui atteignait à peine de
6,5% en 1961 (Félix COMPAORE, 2007) est passé à 29,6% en 1990 (MEBA : 1992).
Poursuivant la bataille pour l’atteinte de l’EPT réaffirmée à Jomtien en 1990 et dans le souci
d'adapter l'école aux réalités sociales, culturelles et économiques du pays, le Burkina Faso a
aussi expérimenté différentes innovations pédagogiques. Ce sont les classes à double-flux et
les classes multigrades introduites en 1992 ; les écoles satellites (ES)et les centres d’éducation
de base non formelle(CEBNF) introduites en 1995 ; les écoles bilingues ouvertes depuis 1997.
Des vastes programmes décennaux pour l’EPT, il s’agit plus précisément du plan décennal de
développement de l’éducation de base (PDDEB : 2001-2010) et du programme de
développement stratégique de l’éducation de base (PDSEB : 2012-2021) en cours.
Globalement depuis les indépendances, la politique éducative du pays a été focalisée
principalement sur trois volets à savoir le développement quantitatif du système éducatif qui
doit permettre l’accès de tous les citoyens au savoir ; l’amélioration de l’efficacité et
l’adéquation du système avec l’environnement culturel et économique des apprenants
(PDSEB, 2012). L’engagement du Burkina Faso pour l’EPT est clairement mentionné dans la
loi n° 013/AN/2007, portant loi d’orientation de l’éducation qui stipule en son article 3 que :

« L’éducation est une priorité nationale. Toute personne vivant au Burkina Faso a
droit à l’éducation sans discrimination aucune, notamment celle fondée sur le sexe,
l’origine sociale, la race, la religion, les opinions politiques, la nationalité ou l’état de

2
santé. Ce droit s’exerce sur la base de l’équité et de l’égalité de chance entre tous les
citoyens ».

Les différentes expériences susmentionnées, notamment le PDDEB, ont contribué au


développement quantitatif de l’enseignement primaire. Les effectifs au primaire ont connu
une croissance significative passant d’un taux d’admission au primaire de 47,4% en 2001 à
88,3% en 2011. Cette dynamique semble constituer un tremplin pour l’avancée vers le
chantier titanesque entamé pour l’EPT, mais au regard des statistiques par zones, des
disparités subsistent entre centres urbains et ruraux, entre une localité à une autre. La capacité
de l’école classique d’attirer et de retenir les enfants des zones défavorisées demeure
insuffisante. Si avec un TBS au niveau national de 83,0% en 2013/2014, le Burkina Faso est
en droit de se féliciter d’être en bonne posture pour l’EPT, les TBS de l’ordre de 55,5% et
49,8%, (MENA : 2014) respectivement pour les régions de l’Est et du Sahel enregistrés au
cours de la même année ne sont pas reluisants. Aussi, le taux net de scolarisation (TNS) de
64,4% et le taux d’achèvement du primaire (TAP)de 57,6% au niveau national (MENA :
2014), traduisent une faiblesse de l’efficacité interne du système éducatif burkinabè et du
même coup, laissent entrevoir que le Burkina a toujours du chemin à faire pour la réalisation
de l’EPT.
Comment expliquer alors les difficultés que rencontre le Burkina Faso pour l’atteinte de
l’EPT, malgré la gratuité scolaire proclamée par les différentes lois d’orientation de
l’éducation ?

Dans certains milieux, notamment celui populaire, la logique du gain immédiat fait que les
populations accordent plus de crédit aux métiers plus rémunérateurs tels l’élevage,
l’orpaillage et le commerce (qui n’exigent pas toujours un haut niveau d’instruction) qu’à
l’école. Dans ce nouveau rapport au monde marqué par l’attachement excessif aux valeurs
matérielles et d’où les connaissances intellectuelles ne semblent pas être un indicateur de
prestige social, de nombreux enfants n’ont toujours pas accès à l’école et pire certains qui ont
été scolarisés préfèrent la quitter avant la fin du cycle primaire. Dans ce contexte, peut-on
faire une corrélation entre les logiques sociales et la non réalisation de la scolarisation
universelle au Burkina ? Le rapport à l’école apparait pour nous un champ de prédilection à
questionner pour comprendre la mauvaise posture du Burkina sur la route de l’EPT. C’est
pourquoi, saisissant l’opportunité que nous offre la réalisation du mémoire de Master II de
recherche de sociologie, nous nous proposons de nous pencher sur la situation de la

3
scolarisation au Burkina Faso à travers le sujet :« Rapport à l’école et problématique de
l’éducation pour tous dans la commune de Gorom-Gorom ».

L’objectif de ce travail est de rechercher les principaux facteurs qui freinent l’atteinte de
l’EPT dans l’enseignement primaire au Burkina Faso, en s’appuyant sur le cas de la commune
de Gorom-Gorom.

Le travail est présenté en deux grandes étapes. La première partie est consacrée aux préalables
théoriques et à la méthodologie de la recherche. La seconde partie traitera des aspects
pratiques liés à la présentation et à l’analyse des résultats de la recherche.

4
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE DE LA
RECHERCHE

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET


METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

5
CHAPITRE I : REVUE DE LITTERATURE

Toute recherche en sciences sociales doit revêtir un caractère cumulatif. De ce fait, elle doit
s’inscrire dans un continuum des courants de pensée et de travaux antérieurs sur le sujet
abordé qui la précèdent. Il serait absurde et présomptueux pour un chercheur de croire qu’il
peut se passer purement et simplement de ces rapports, comme s’il était à mesure de tout
réinventer par lui-même (Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT, 2006 : 41).
Dans cette logique, nous allons dans ce chapitre présenter quelques approches sociologiques
sur les inégalités devant l’école, l’évolution de l’école au Burkina et les approches
explicatives du niveau de scolarisation au Burkina Faso.

1.1. LES APPROCHES SOCIOLOGIQUES DES INEGALITES DES CHANCES


DEVANT L’ECOLE

Les inégalités des chances devant l’école ont fait l’objet de différentes approches théoriques.
Nous avons retenu dans ce travail les approches macrosociologiques et celles
microsociologiques.

1.1.1 Les approches macrosociologiques

Les théories macrosociologiques sont de type déterministe en ce sens qu’elles expliquent les
performances scolaires par la structure globale de la société. Elles dévoilent l’existence
d’handicaps socioculturel et structurel qui compromettent la chance de réussite à l’école des
enfants issus des couches défavorisées. Parmi les grands défenseurs de ces théories figurent
Pierre BOURDIEU et Claude PASSERON (1970) et Basile BERNSTEIN (1975).

1.1.1.1. La théorie de la reproduction de Pierre Bourdieu


C’est une approche sociologique qui met en évidence l’existence d’une corrélation entre la
classe sociale d’origine et les chances de succès scolaire. Pierre BOURDIEU et Claude
PASSERON se sont interrogés sur certains aspects particuliers reliés aussi bien à la classe
sociale qu’à l’institution scolaire elle-même, et qui pourraient être à l’origine des inégalités
des chances à l’école. Selon eux, le système scolaire de par ses structures et son mode de
sélection des élèves, serait un outil servant à la reproduction des inégalités qui existent au
niveau de la société globale. BOURDIEU et PASSERON (1970 : 33) affirment que :

« Dans une formation sociale déterminée, les instances qui prétendent objectivement à
l’exercice légitime d’un pouvoir d’imposition symbolique et tendent de ce fait à

6
revendiquer le monopole de la légitimité, entrent nécessairement dans des relations de
concurrence, c'est-à-dire dans des rapports de force et des rapports symboliques dont
la structure exprime selon sa logique, l’état du rapport de force entre les groupes ou
les classes ».

Les notions d’« habitus » et de « champs » sont au cœur de la sociologie de BOURDIEU.


Le concept « habitus » est employé pour la première fois dans la « Reproduction » (1970).
Pour Pierre BOURDIEU (1980), c’est l’habitus communautaire qui, incorporé par le groupe
social, dicte sa loi et définit le comportement des acteurs. Il désigne par habitus,

« Des systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées


prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que
principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent
être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la
maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement
«réglées» et «régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles, et,
étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action
organisatrice d’un chef d’orchestre » (Pierre BOURDIEU, 1980 : 88-89).

Ces dispositions qui regroupent des goûts et des aptitudes intériorisées par les agents au cours
du processus de socialisation, sont générateurs de pratiques. On distingue généralement
l’habitus primaire (celui du milieu d’origine et de la famille) et l’habitus secondaire (conféré
par les autres cadres et instances de la vie) ; d’autre part l’habitus de classes ou de champs.
Une telle distinction ne signifie cependant pas que l’habitus soit différent dans son principe
d’un espace à un autre : c’est le même principe directeur partout et toujours. A ce concept
d’habitus, Pierre BOURDIEU ajoute celui de « champs sociaux ».
Ces champs sociaux sont des espaces de domination et de lutte et seuls les agents les mieux
dotés en capitaux (capital culturel surtout) ont accès aux positions privilégiées
(MONTOUSSE et RENOUARD 2003 : 43).

La sociologie de Pierre BOURDIEU se fonde principalement sur ces deux concepts


susmentionnés et soutient que la réussite scolaire des agents est proportionnelle à leur dotation
en capital culturel. Le postulat est que, l’école en imposant les traits culturels ou l’habitus de
la classe dominante à tous les élèves, exerce une violence symbolique qui enfonce davantage
les enfants des familles défavorisées dans l’échec scolaire. Les contenus d’enseignement, les
attitudes valorisées à l’école permettraient aux classes dominantes d’exercer le contrôle du
système éducatif par l’imposition de ses propres intérêts de classe. Dès lors, certaines règles
du jeu scolaire, certains codes langagiers ou sociaux ne peuvent être assimilés que par ceux
qui disposent déjà au départ, de par leur éducation familiale, des mêmes schèmes. De ce fait,
7
Pierre BOURDIEU et Claude PASSERON (1970) considèrent, dans cette perspective,
qu’appliquer une « égalité de traitement » à des populations différentes ne peut conduire qu’à
des inégalités de résultats. Ainsi, une logique sociale va s’imposer aux agents conformément
aux atouts ou aux handicaps de chaque champ social et leurs actions en dépendent.

Cette théorie Bourdieusienne nous oriente à plus d’un titre dans la mesure où elle nous fournit
des pistes susceptibles de nous aider à expliciter les logiques comportementales qui sous-
tendent à la non inscription des enfants à l’école, aux mauvais résultats scolaires ou encore la
déperdition scolaire.

1.1.1.2 L’approche sociolinguistique de Basile BERNSTEIN


Basile BERNSTEIN (1975) soutient l’existence d’une inégalité fondamentale des élèves face
à l’école due à la langue d’enseignement. Il définit deux types de langage dans la société, l'un
formel, utilisé par les individus appartenant à la classe bourgeoise qu’il appelle « code
élaboré » et l'autre public, propre aux individus appartenant à la classe défavorisée qu’il
désigne par « code restreint ». Basile BERNSTEIN trouve que l’école en favorisant le langage
formel au détriment du langage public crée un handicap chez les élèves qui ont été formatés
dans le langage public et cela compromettrait leur réussite scolaire. Pour étayer sa thèse, il
affirme que :
« Le bain du langage où l’enfant est plongé dès ses premiers mois détermine son
adaptation à la langue de l’école. Dans les familles de niveau socio-culturel élevé,
l’enfant reçoit une langue riche par son lexique, par sa syntaxe, par ses nuances
affectives et logico- verbales. Ce « code élaboré » correspond précisément à celui des
apprentissages scolaires. Dans les familles socio-culturellement démunies, au
contraire, l’enfant est avant tout le support des échanges immédiats, concrets, peu
soucieux de l’implicite du discours et des nuances d’expression. Ce code restreint
n’est pas celui de l’école, il hypothèque les apprentissages fondamentaux consignés
dans les programmes, perturbe l’enfant et peut conduire au désaccord et au
décrochage » (Basile BERNSTEIN 1975 : 44-45).

Ainsi, pour l’auteur, les enfants des milieux favorisés qui ont des normes linguistiques et
culturelles proches de celles de l'école possèdent un code linguistique qui facilite leur réussite.
Par contre, les enfants des milieux défavorisés ont un apprentissage scolaire plus difficile
parce qu'ils n'ont pas le même langage, ni le même capital culturel que leurs enseignants. Ils
ne comprennent pas bien le code de la communication pédagogique. En prenant le cas du
Burkina par exemple, depuis la période coloniale jusqu’à une période récente, les langues
étrangères ont régné sans partage dans le système éducatif. Ce système monolingue, a été à

8
l’origine d’échecs scolaires chez certains élèves. Le linguiste Abou NAPON (2007) estime
que face à la difficulté linguistique, beaucoup d’apprenants en raison de mauvais rendements
scolaires cumulés ont été condamnés à quitter l’école très tôt et sans acquérir les outils
nécessaires que sont la lecture, l’écriture et le calcul, pour leur socialisation.
En définitive, la théorie de Pierre BOURDIEU et Claude PASSERON (1970) et celle de
Basile BERNSTEIN (1975), établissent que l’échec scolaire comme la réussite scolaire
seraient déterminés à la naissance suivant l’appartenance socioculturelle de l’apprenant.
Toutefois, ces approches présentent quelques faiblesses auxquelles il faut tenir compte
lorsqu’on analyse les performances scolaires des élèves. A titre d’exemple, les deux théories
semblent ignorer, à l’instar des recherches input-output, des aspects importants comme la part
revenant à l’élève et à sa famille. C’est dans cette logique que de nouvelles théories, en
l’occurrence les théories microsociologiques, sont apparues.

1.1.2 Les théories microsociologiques

Ces théories expliquent le rendement scolaire à partir des éléments ou des sous-systèmes de la
structure globale. Ces approches dites actionistes, fondent une sociologie du « sujet- acteur »
qui place l’individu et les interactions au centre du cheminement et de la réussite scolaires.

1.1.2.1. L’approche des choix rationnels de Raymond BOUDON (1973)


Le travail de Raymond BOUDON (1973) sur l’inégalité des chances, adopte un point de vue
radicalement différent des deux approches évoquées précédemment en posant qu’il est
possible de faire l’économie d’une théorie macrosociale des rapports sociaux. Combinant une
approche économique (la comparaison coûts-avantages) et psychosociologique (la théorie du
groupe de référence), son analyse conçoit les inégalités sociales comme le résultat de la
concurrence sur un marché d’individus faisant des calculs différents des avantages et des
risques potentiels en fonction de leurs univers de référence et de leurs ressources. Il exclut
largement toute réflexion sur le rôle des acteurs institutionnels. La pensée de Raymond
BOUDON évacue les problèmes de socialisation et d’exigences culturelles arbitraires pour
expliquer « l’inégalité des chances » devant l’école par des différences de stratégies
familiales. Ces stratégies familiales ont toutes en commun d’être des calculs en termes de
coûts et de profits de l’investissement scolaire, et « l’inégalité des chances » de promotion par
l’école par un « effet d’agrégation », non voulu. En rapport aux réalités de sa famille, l’élève
est un stratège qui fait des choix conscients, ces choix étant déterminés par les bénéfices
escomptés, les risques supposés ou le sens donné aux activités liées à ces choix. Raymond

9
BOUDON (1973) conclut que l'école est neutre et que les inégalités scolaires ne sont que le
résultat de stratégies individuelles qui sont différentes selon l'origine sociale. En quelque
sorte, l’approche nous éclaire sur le fait que l’individu fait des arbitrages pour arriver à un
choix rationnel. Lorsque l’élève ne voit pas dans l’école un intérêt immédiat, il peut alors la
quitter volontairement.

1.1.2.2. Les approches sur le milieu familial


Les travaux de POURTOIS, DESNET (1991) et LAHIRE (1998) mettent l'accent sur le
milieu familial de l'apprenant comme facteur qui détermine sa réussite scolaire.
POURTOIS et DESNET (1991) se sont penchés sur l’influence des pratiques d’éducation
familiale chez le jeune enfant sur son développement psychologique, son développement
social et sur ses chances de scolarité ultérieures. A partir des données sociales,
psychologiques et éducatives recueillies lorsqu’ils avaient 5 et 7ans. POURTOIS et DESNET
trouvent entre autres que les perceptions qu’ont les parents de l’école influencent le parcours
scolaire chez l’enfant. Leur étude montre que certaines familles de milieu défavorisé se
caractériseraient par une impuissance, une détresse, une fatalité face à l’école qui va créer
chez l’enfant un sentiment d’étrangeté ou de rejet. Dans ces conditions, l’échec est déjà en
quelque sorte anticipé et banalisé. A l’inverse, les milieux favorisés se caractériseraient
beaucoup plus par une confiance en soi et dans les capacités de l’enfant, ainsi que par un
sentiment de positivité à l’égard de l’école.
Le sociologue LAHIRE (1998) étudie également le vécu des enfants et de leurs parents à
propos de la scolarité, en tentant d’articuler les aspects individuels aux aspects
macrosociologiques. Sachant que globalement les chances de réussite sont inégales selon les
milieux sociaux, l’auteur s’intéresse plus particulièrement aux défavorisés. Il tente de
comprendre les variables familiales, contextuelles qui différencient les enfants âgés
approximativement de huit ans qui réussissent bien à l’école et ceux qui au contraire sont déjà
en difficulté importante, voire en échec au même âge. Les résultats de l’étude de LAHIRE
(1998) montrent que chez les familles d’enfants défavorisés qui réussissent bien, il existe une
mobilisation, un investissement de la famille autour de la scolarité. Dans les cas inverses,
conduisant à l’échec, l’auteur observe beaucoup de « solitude ». L’enfant se retrouve seul en
classe à devoir affronter les règles du jeu scolaire (dont le type de langage utilisé et les
orientations cognitives lui sont étrangers) et quand il rentre à la maison, il est à nouveau seul,
personne ne peut partager avec lui cette expérience scolaire insolite. Dans un cas, il y a
continuité entre l’école et le milieu familial, tandis que dans l’autre il y a rupture. LAHIRE

10
(1998) soutient que les enfants qui réussissent sont ceux dont les parents ont brisé cette
solitude de l’élève, en créant un espace d'écoute, de réalisation de soi au sein de la
configuration familiale. L’auteur analyse ainsi le problème de l’adaptation scolaire en termes
de consonance et de dissonance entre le vécu familial et scolaire.
De ce fait, la participation parentale, surtout à travers la communication avec l’enfant sur les
apprentissages scolaires, serait un catalyseur de la réussite scolaire.

1.1.2.3. L’approche sur le « rapport au savoir » de Bernard CHARLOT


Le modèle d’analyse de Bernard CHARLOT va dans le même sens que celui de Raymond
BOUDON en remettant en question le paradigme du handicap socioculturel. Bernard
CHARLOT (1997) convient avec Raymond BOUDON (1974) que l’individu-élève est un
sujet-acteur dans une condition sociale donnée et que de ce fait, doit être considéré comme
« agent », mais non comme un « objet » de déterminisme. Selon Bernard CHARLOT (1997)
chaque élève entre en relation avec le système scolaire grâce à des activités pour lesquelles il
se mobilise (s’il y voit son intérêt) ou ne se mobilise pas (si le système n’a pour lui aucun
sens, aucune valeur, aucune importance). C’est cela que Bernard CHARLOT nomme le
« rapport au savoir » défini en terme de relation de sens et donc de valeur entre un sujet et les
processus d’appropriation d’un savoir. Pour l’auteur « ce sont ces élèves, ces situations, ces
histoires qu’il s’agit d’analyser, et non un objet mystérieux ou un virus résistant qui
s’appellerait échec scolaire. » (Bernard CHARLOT, 1997 :15). Il conclut que ce sont les
actions de tout sujet qui déterminent sa réussite ou son échec. Pour Bernard CHARLOT tout
comme chez Raymond BOUDON l’élève est un stratège qui fait des choix conscients, ces
choix étant déterminés par les bénéfices escomptés, les risques supposés ou le sens donné aux
activités liées à ces choix. L’approche de Bernard CHARLOT place donc l’apprenant au cœur
de la persévérance et du succès scolaire. Toutefois, elle ne fait pas cas du rapport au savoir
des parents qui en effet influe sur l’itinéraire scolaire des élèves. En outre, les études de
Bernard CHARLOT et de Raymond BOUDON ont concerné des étudiants ayant une capacité
de cerner le bien du mal. Pour notre étude qui s’intéresse à l’enseignement primaire, le rapport
au savoir va beaucoup plus être celui des parents puisque ce sont eux qui décident souvent à la
place des enfants qui du reste sont téléguidés par les adultes.
Les analyses microsociologiques qui s’intéressent aux actions des individus orientent notre
réflexion et nous invitent à questionner l’accès, le maintien et la persévérance scolaire sous
l’angle des logiques individuelles ou de groupes. Il serait important de se demander si le

11
rapport au savoir ou de l’école qui découle des logiques, n’affecte pas la scolarisation des
enfants et la trajectoire scolaire.

1.1.2. L’évolution de l’école au Burkina Faso

1.1.2.1. L’avènement de l’école en Haute Volta


En Haute Volta tout comme partout ailleurs dans les anciennes colonies françaises, l’école vit
le jour avec la colonisation. Les premières écoles indigènes furent ouvertes à Bobo-Dioulasso
et à Boromo en 1898 (Maxime COMPAORE, 2003 : 1670). Les colonisateurs en implantant
leurs systèmes scolaires dans les pays pauvres comme la Haute Volta, avaient comme objectif
principal de transformer les rapports économiques et sociaux afin de disposer d’une catégorie
d’intermédiaires de leur entreprise de domination et de mise en valeur, et de donner une assise
sociale à leur pouvoir. L’école vient donc, après la force armée, pérenniser la conquête et
asseoir la domination coloniale. Comme le souligne si bien Jean- Yves MARTIN, 1972 :
346), « l’enseignement n’est que l’un des instruments de la pénétration coloniale, au service
de la domination politique, de l’exploitation économique et du prosélytisme religieux ». Les
premières écoles coloniales étaient dirigées par les militaires, mais par la suite leur gestion a
été confiée aux missionnaires catholiques à la demande du colon. Les écoles missionnaires de
Koupèla fondée en 1900 et de Ouagadougou en 1902 sont le fruit de cet accord. Toutefois,
dans le cheminement, le conflit d’intérêt va amener l’église à rompre le pacte avec le colon.
Au fond, la volonté manifeste du colonisateur de laïciser l’école n’a pas rencontré
l’assentiment de l’église, fidèle à son principe d’une école favorable à l’expansion de la
religion chrétienne, ce qui occasionna leur scission.
Tout compte fait, l’école coloniale s’imposa aux populations locales qui, jusque-là ignoraient
cette forme d’éducation. Elle avait pour mission essentielle de servir les intérêts de la France.
La circulaire du Gouverneur général, Emile CHAUDIE 3 de l’époque, reprit par Fernand
SANOU (1987), est claire :
« L’école est, en effet, le moyen d’action le plus sûr qu’une mission civilisatrice ait
d’acquérir à ses idées les populations encore primitives et de les élever graduellement
jusqu’à elle. L’école est en un mot, l’élément de progrès par excellence. C’est aussi
l’élément de propagande de la cause et de la langue française le plus certain dont le
gouvernement puisse disposer. Ce ne sont pas, en effet, les vieillards imbus des
préjugés anciens, ce ne sont même pas les hommes faits, pliés déjà à d’autres
coutumes, que nous pouvons espérer convertir à nos principes de morale, à nos règles

3
Emile Louis Barthélemy CHAUDIE est le premier gouverneur général de l’Afrique occidentale
française. Il reste à ce poste du 16 juin 1895 au 1er novembre 1900

12
de droit, à nos usages nationaux. Pour accomplir avec succès cette œuvre de
transformation, c’est aux jeunes qu’il faut s’adresser, c’est l’esprit de la jeunesse qu’il
faut pénétrer et c’est par l’école, l’école seule que nous y arriverons ».

L’arbitraire culturel qu’elle (l’école) diffusait, véhiculait le modèle social des groupes
dominants de la métropole. Les programmes et les objectifs de cette école n’étaient pas
adaptés aux réalités socioéconomiques et culturelles du pays. Cette offre présentait donc des
dimensions totalement antinomiques avec le mode de vie et la représentation du monde des
sociétés colonisées. Elle apparait donc comme « un kyste exogène, une tumeur maligne dans
le corps social » (Joseph KI ZERBO, 1990 : 16) du fait que non seulement elle est en retard
sur celui des pays industrialisés, mais surtout reste en contradiction avec les besoins vitaux,
alimentaires et élémentaires desdites sociétés.
En somme, l’institution scolaire coloniale a développé au cours du siècle en Haute-Volta
comme ailleurs, une triple violence liée au caractère coercitif de son recrutement et de son
fonctionnement, à l’arbitraire culturel qu’elle a pour objet de transmettre et au caractère
particulièrement élitiste de son enseignement. Ce sont ces traits caractéristiques de l’école
coloniale qui ont conduit à son refus par les communautés. Aussi, à cette époque donc, il
n’était pas question d’une école pour tous et la grande majorité des enfants de la Haute Volta,
actuel Burkina Faso était en marge du système éducatif.

1.1.2.2. Démocratisation de l’école au Burkina Faso


A l’avènement des indépendances, souffle un vent fort de démocratisation de l’éducation en
Haute Volta. Les nouvelles autorités du pays, convaincues qu’aucun développement ne peut
se faire sans un développement qualitatif des ressources humaines, avaient pour grande
préoccupation, d’ouvrir l’accès à l’éducation à un nombre de plus en plus croissant d’enfants.
A la faveur de la conférence d’Addis Abbeba 1961 qui a prôné la scolarisation universelle
pour l’année 1981, la Haute-Volta, va s’engager dans une approche volontariste et idéaliste
pour réaliser le droit à une éducation intégrée pour tous, mais aussi pour procurer à l’Etat et à
l’économie les cadres qualifiés, qui seront des agents de développement (Fernand SANOU,
2003).Avec un taux de scolarisation qui atteignait à peine 6,5% en 1961 (Félix COMPAORE
et al 2007), la Haute-Volta va donc procéder à des tentatives de réformes de son système
éducatif conformément aux recommandations4 de la conférence d’Addis Abbeba.

4
A la conférence d’Addis-Abeba en 1961, tous les pays africains au sud du Sahara, encouragés et
soutenus par les institutions internationales et la Banque mondiale ont entrepris de réformer leur
système éducatif en vue : a) de les adapter aux réalités socioéconomiques, culturelles et politiques de
leurs peuples et, b) d’en faire un instrument du développement économique.
13
 Les réformes du système éducatif après Addis Abbeba

Au nombre de ces réformes, nous retenons l’école rurale en 1961, la réforme de 1979 et
l’école révolutionnaire de 1986 (Marc PILON 2007)). Ces différentes réformes qui se sont
succédées et engagées à des degrés divers dans le temps, ont toutes accordé une place
importante à la démocratisation de l'éducation d’une part et d’autre part à l’adaptation de
l'école aux réalités sociales, culturelles et économiques du pays.

- La réforme de 1961 : l’école rurale


A la veille des indépendances, l’Ecole Rurale (ER) appelée réforme GREF, a été
principalement la première expérience d’alphabétisation au Burkina Faso. Créée par décret
N°237 le 14 juin 1961, l’école rurale avait pour but de scolariser les enfants de 12 à 16 ans qui
n’ont pas fait l’école. Elle visait particulièrement à donner une instruction élémentaire ainsi
qu’une formation rurale et civique aux enfants qui n’ont pas pu être à l’école classique. Aussi,
cette école entendait surtout suppléer aux difficultés financières qui rendaient illusoire
l’augmentation du taux de scolarisation. La vision était noble dans la mesure où elle entendait
élargir l’offre d’éducation tout en réduisant la durée, les coûts et en augmentant la production
agropastorale. Malheureusement la formation donnée s’est avérée insuffisante tant sur le plan
de la transmission des connaissances de base que sur celui de la pratique professionnelle.

- La réforme de 1979
Cette réforme appelée « réforme DAMIBA » s’inscrit dans la même dynamique que l’école
rurale à savoir l’adaptation du programme de formation aux besoins de la population.
Outre la démocratisation de l’enseignement pour une éducation de masse, l’école devrait
désormais être liée à la production, en mettant l’accent sur la revalorisation du patrimoine
culturel. Appuyée par l’UNESCO et le PNUD, la réforme de 1979 fut mise en place. C’est
une importante réforme qui visait trois objectifs majeurs : la démocratisation du savoir avec la
coexistence de la scolarisation et de l’alphabétisation, la liaison de l’éducation à la production
et la revalorisation du patrimoine culturel. L’innovation majeure de cette réforme a été surtout
l’introduction des langues nationales dans le système éducatif (Justine COULDIATY/
KYELEM : 2006).
Alors que les premières classes expérimentales étaient à leur cinquième année, le Conseil
national de la révolution mit fin à cette réforme le 14 septembre 1984. En raison de cet arrêt,
il ne fut pas possible d’évaluer la réforme dans son ensemble entre 1979 et 1984, étant donné

14
que son cycle ne fut jamais achevé (Didier KAM et Ouri SANOU in UNESCO, 2000).
Toutefois, une évaluation interne a fait ressortir que cette réforme n’a pas donné satisfaction
du fait que les enseignants et les parents n’ont pas été impliqués dès l’entame du projet.

- La réforme de 1986 : l’« école révolutionnaire burkinabè»


Cette réforme reproche à l’école coloniale son contenu d’asservissement et d’exploitation de
l’homme par l’homme, savamment conçu pour exalter la supériorité de la culture française et
pour former des cadres subalternes locaux en vue de perpétuer l’ordre colonial. L’école
révolutionnaire s’élève donc contre l’école néocoloniale qui selon elle garde pour l’essentiel
les tares de celle coloniale dont elle est l’héritière. En quête d’une école intégrée aux réalités
socio-culturelles du pays, les nouvelles autorités du Conseil national de la révolution (CNR)
en place, vont afficher une volonté politique de démocratiser l’accès à l’éducation et de
l’adapter aux besoins des populations. Aussi, cette nouvelle école se devait nationale, réaliste,
populaire, démocratique, ouverte, productive et révolutionnaire, en un mot au service du
peuple. (Emile Pierre BAZYOMO, 2009). Sur le plan structurel, l’école révolutionnaire
burkinabé était conçue à trois cycles principaux : le cycle préscolaire, le cycle des métiers et
le cycle de la recherche et de l’invention. Contrairement à la réforme de 1979 à 1984, cette
réforme ne prévoyait pas de phase d’expérimentation. Elle devait débuter en octobre 1986 au
cycle fondamental.
Les diplômés qui en sortiront devront être non au service de leurs propres intérêts et des
classes exploiteuses, mais plutôt au service des masses populaires. Le portrait-robot du
citoyen nouveau que cette école veut former est tracé : un citoyen sain, équilibré, actif,
conscient de sa responsabilité sociale, techniquement compétent, ayant le sens civique, celui
de la solidarité nationale et internationale, débarrassé de tout mimétisme5.
Mais, bien que ambitieux et très engagés, les « leaders » du CNR ne parviendront pas à ce que
l’école révolutionnaire perdure et couvre « la masse ». De nombreux griefs ont été formulés
contre le projet parmi lesquels on peut citer le coût de la réforme (78 milliards) jugé, à
l’époque et dans le contexte exorbitant, la dévalorisation des diplômes en voulant les
réadaptés à l’offre d’emploi au niveau national, la promotion automatique, la diminution de la
durée des cycles (Marc PILON 2007). Après avoir été discuté largement par les structures et
instances de la révolution, le projet de réforme est rejeté. Néanmoins, en dépit de la situation

« Discours d’orientation politique » (D. O. P) prononcé le 2 octobre 1987 par le capitaine


5

Thomas SANKARA, alors Président du Burkina Faso.

15
d’exception que vit le Burkina Faso avec la révolution généralisée, la scolarisation va
connaître des taux d’accroissement importants au cours de cette période. Cela a été possible à
travers la mobilisation du peuple autour de mots d’ordre révolutionnaire tels que : « un
village, une école », « un département, un collège d’enseignement général », « une province,
un lycée » (Fernand SANOU, 2003).

Ces différentes réformes, malgré leurs échecs, avaient pour ambition de faire de l’EPT une
réalité au Burkina Faso et dans l’espoir de permettre à ce pays en voie de développement de
réduire considérablement la pauvreté au sein des populations. La cause principale des échecs
de ces réformes est la crise mondiale de la décennie 1960-1970 qui a frappé l’éducation tant
au niveau des pays développés que de ceux en développement. En outre, avec le marasme
économique, social et politique des années 80, la hausse des effectifs est freinée et bien de
réformes abandonnées en chemin. D’autres reproches à l’endroit de ces réformes, c’est surtout
l’absence d’évaluations concrètes pour s’assurer de leur opérationnalité du point de vue
qualitatif. En effet, la plupart des évaluations sur les réformes en Afrique subsaharienne sont
basées surtout sur des analyses quantitatives de performance des systèmes d’éducation
(l’ADEA, 2003). Face aux insuffisances des réformes et à la faveur du nouvel élan mondial
pour l’EPT à Jomtien en 1990, le Burkina Faso va essayer des innovations pédagogiques.

 Les innovations pédagogiques

L’engagement pris par le Burkina Faso avec les autres pays du monde à Jomtien en 1990,
donna un souffle nouveau à la course pour l’EPT. Souscrivant aux mesures dites d’efficacité
des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) sous la pression des institutions de Brettons
Woods (Jean-Marc BERNARD et al, 2004), des Classes Multigrades (CMG)6 et des Classes à
Double Flux7(CDF) vont voir le jour en 1992. A ces mesures s’ajouteront les Ecoles Bilingues
(EB) introduites en 1994 et les Ecoles Satellites 8 (ES) créées en 1995. Ces innovations

6
Les classes multigrades sont une formule qui permet de gérer rationnellement le personnel
enseignant, surtout dans des milieux où les effectifs sont faibles avec un seul maître qui tient 2 groupes
pédagogiques. Cette formule permet également des recrutements annuels dans les écoles à trois
classes.
7
Le double flux s’applique dans les centres où la demande d’éducation publique est très forte, pour
résoudre le problème des effectifs pléthoriques, dans les classes en milieu urbain et périurbain ; les
classes à double-flux visent à améliorer la gestion et l’utilisation des infrastructures scolaires et du
personnel enseignant en poste, contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement, réduire les effectifs
pléthoriques ;
8
Les écoles satellites sont des écoles de proximité en zones rurales, facilitant l’accès des enfants de 7 à
9 ans, en attendant qu’ils soient grands pour rejoindre les écoles classiques d’accueil. En première
année, l’enseignement est donné en langue locale et, sur la base du bilinguisme de transfert, le français
16
pédagogiques vont permettre une légère expansion quantitative de l’offre d’éducation. Le taux
brut de scolarisation passe de 30, 69% en 1992 à 57,9% en 2000 (MEBA : 1992, 2000).
L’évidence statistique est que malgré ces innovations, l’objectif de la scolarisation universelle
est resté loin.
A la veille de l’an 2000, le Burkina Faso va entreprendre de vastes programmes dans l’espoir
d’atteindre la scolarisation totale de ses fils et filles et cela devait d’abord se confirmer dans le
secteur de l’éducation de base.

 Les programmes décennaux

- Le Plan Décennal de Développement de l’Education de Base (PDDEB)


Recommandé par les « Etats généraux de l’éducation et de la formation » de 1994, le PDDEB
est adopté en juillet 1999 par le gouvernement pour la période 2001-2009. Il est présenté
comme un instrument de réforme et de promotion du sous-système enseignement de base.
Aussi, ce programme s’inscrit en droite ligne avec la Loi n° 013/96/ADP du 9 mai 1996,
portant Loi d’orientation de l’éducation et qui rend obligatoire l’inscription des enfants à
l’école sans discrimination.
Quatre grands objectifs généraux étaient poursuivis par ce plan (MEBA, 2000 : 20) à savoir :
- Accroître l’offre d’éducation de base et réduire les disparités entre genre, entre régions
géographiques et entre situations socio-économiques des élèves ;
- Améliorer la qualité, la pertinence et l’efficacité de l’éducation de base et développer la
cohérence et l’intégration entre les différents niveaux et modalités d’éducation ;
- Promouvoir l’alphabétisation ainsi que de nouvelles formules d’éducation alternatives, à
la fois comme facteur de promotion du développement et élément d’appui au développement
de base formel ;
- Développer les capacités de pilotage, de gestion et d’évaluation des structures, centrales et
décentralisées, en charge du secteur ainsi que les capacités de coordination des interventions
extérieures.

La mise en œuvre du PDDEB a permis de réaliser des avancées significatives au niveau de


l’éducation formelle, notamment en ce qui concerne l’accès. Les effectifs scolaires vont
connaître une nette amélioration au cours de cette décennie consacrée à l’éducation de base.
Les TBS passent de 48,9% chez les garçons et de 36,2% chez les filles en 2001-2002 (MEBA,
2002) à 78, 3% et 71,2% en 2009-2010, respectivement pour les filles et pour les garçons
(MEBA : 2010). Cet accroissement au niveau des effectifs scolaires au primaire est aussi de

est introduit en 2ème année à côté de la langue locale. En 3ème année, l’enseignement est presque
exclusivement en français comme dans les écoles classiques.

17
l’œuvre de mesures incitatives qui ont accompagné le PDDEB. Ce sont la gratuité scolaire, la
gratuité des manuels et des fournitures, la dispense des cotisations APE pour toute fille
inscrite au cours préparatoire première année (CP1) et la promotion des cantines scolaires
(MENA, 2012). Toutefois, si le PDDEB a permis d’améliorer les indicateurs au niveau de
l’enseignement primaire, la réalisation de la scolarisation universelle n’est toujours pas
atteinte et l’offre d’éducation par ce programme qui s’assimile à de la « massification » n’est
pas de qualité (Zakaria SORE, 2015). Mais, fort des acquis et des leçons tirées de ce
programme, le Burkina s’est lancé dans un autre vaste programme à savoir le PDSEB.

- Le Programme de Développement Stratégique de l’Education de Base (PDSEB)


Le PDSEB qui intègre le volet qualité de l’enseignement/apprentissage entend d’une part
rendre le système éducatif plus cohérent, plus fonctionnel et adapté aux besoins de
développement socio-économique et culturel du Burkina Faso et, d’autre part atteindre la
scolarisation universelle en 2021 (MENA, 2012).
L’objectif fondamental de ce grand projet éducatif qui couvre la période 2011-2021, est donc
d’atteindre l’Education Pour Tous, avec un penchant particulier sur l’aspect qualité. En
2013/2014, le TBS au niveau national est passé à 83,0%, soit 82,8% pour les garçons et
83,2% pour les filles (MENA : 2014).
Toutefois, le taux d’achèvement de 57,6%, traduit une faiblesse de l’efficacité interne du
système éducatif burkinabè et signale du même coup une distance significative du chemin qui
reste au Burkina Faso pour l’atteinte de l’éducation pour tous.

1.1.3. Les approches explicatives du faible niveau de scolarisation au Burkina Faso

1.1.3.1La perception de l’école


Aujourd’hui encore la vision d’une école coloniale qui fait perdre l’identité culturelle semble
présente dans la mentalité collective. Si certains parents, sont conscients que la scolarisation
des enfants leur permet de s’intégrer socialement, de s’insérer plus tard dans le marché du
travail et nourrissent beaucoup d’espoir en l’école pour garantir un meilleur avenir à leurs
enfants (Stéphanie BAUX, 2006 : 83), d’autres par contre voient en elle (l’école classique)
une source d’acculturation et de déviance pour les jeunes qui s’y trouvent. Pour les
réfractaires de l’école, cette institution serait antinomique aux valeurs sociétales véhiculées
par l’héritage culturel. Marie France LANGE (1998 : 569) constate qu’en milieu rural surtout,
l’école est perçue comme la confrontation de deux contextes culturels en ce sens que pour les
parents, elle (l’école) « détourne les enfants du monde rural en ne les préparant qu’à un mode

18
de vie urbain ». Sa vision rejoint celle de Cheick Hamidou KANE (1961 : 57) dans son
ouvrage intitulé « aventure ambiguë » par la voix de la Grande Royale qui stipule :
« L’école où je pousse mes enfants tuera en eux ce qu’aujourd’hui nous aimons et
conservons avec soin, à juste titre. Peut-être notre souvenir lui-même mourra-t-il en
eux. Quand ils nous reviendront de l’école, il en est qui ne nous reconnaîtront pas. Ce
que je propose c’est que nous acceptions mourir en nos enfants et que les étrangers qui
nous ont défaits prennent en eux toute la place que nous aurons laissée libre ».

Yacouba YARO (1995 : 682) pour sa part, met en évidence le conflit qui règne entre l’école
publique (laïque) et les écoles confessionnelles, en particulier celles musulmanes. Son étude
révèle que dans le département de Bani, fortement islamisé, les ménages choisissent
d’envoyer leurs enfants à l’école coranique, car pour eux l’école classique serait sans valeur et
que les enfants de la communauté qui sont allés dans cette institution n’ont jamais été
récupérés pour la religion musulmane. Il y aurait alors une réticence des familles à scolariser
leurs enfants compte tenu du facteur religieux. L’intérêt pour l’école coranique répond surtout
à un besoin social, celui d’intégrer l’enfant dans sa communauté villageoise.

Par ailleurs, la famille a une lourde responsabilité au regard du soutien (moral, pédagogique,
le suivi, etc.) à apporter à l’apprenant et des efforts à consentir pour permettre la réussite.
Toutefois, on constate par exemple chez certains parents une propension à confier entièrement
la responsabilité d'éduquer leur enfant à l'institution scolaire en raison d'un manque d'intérêt
ou de temps ou encore de moyens. Or, il est généralement admis une relation de cause à effet
entre l'implication d'un parent et la réussite scolaire de l'enfant (Janvier SAWADOGO et
AbdramaneSOURA, 2002). L’absence du suivi parental de l’élève dans ses études pourrait
occasionner la déperdition scolaire.

1.1.3.2 Le facteur genre


Le sexe féminin au regard de certaines considérations sociales est défavorisé en matière de
scolarisation. Comme le souligne Fatoumata KINDA (1995 : 16),

« À l’âge d’aller à l’école, la petite fille a moins de chance que son frère et cela est
d’autant plus vrai pour les filles aînées qui doivent aider les mères dans leurs tâches
quotidiennes. Pour de nombreux parents, scolariser la petite fille, c’est la soustraire
aux travaux ménagers et priver sa mère d’une aide non négligeable ».

En outre, la dot constitue l’un des freins à la scolarisation des filles. De son aspect symbolique
de compensation matrimoniale, trait d’union et un des actes qui consacrent le mariage dans
une société d’échange, elle est passée pour être le « prix d’achat de la fille » avec la

19
monétarisation des rapports sociaux. La fille devient une « marchandise » (Madeleine
KABORE/KONKOBO, 2008). Admettre la scolarisation féminine, c’est se soustraire
volontairement à ce gain en se heurtant au refus de donner en mariage la fille. Les attitudes
sexistes et le mariage précoce ressortent également dans le rapport 2012 de PLAN-Afrique
comme des obstacles à la scolarisation des filles. Pour cette ONG,

« Les conceptions ancrées concernant les rôles des filles comme dispensatrices de
soins, mères, épouses et ménagères influent sur les perceptions de la valeur de
l'éducation des filles et les choix de vie et de carrière qui leur sont disponibles. […]
Les filles sont retirées de l'école par leurs parents pour être données en mariage ».

Ces préoccupations et contraintes sont enracinées dans les inégalités entre sexes et impactent
négativement sur le déroulement normal du cursus scolaire des filles. Le mariage par
exemple, conduit à de fortes pressions sociales, domestiques et économiques qui contraignent
les filles à abandonner leurs études et à remplir des rôles plus traditionnels d'épouses et de
mères (Anne GUISSON, 2004). En effet, dans beaucoup de sociétés en l’occurrence en milieu
rural, il existerait donc une forme de construction sociale du genre qui se caractérise par « une
socialisation différenciée suivant le sexe » (Marie DURU-BELLAT, 1994), accentuant
l’éducation du garçon sur la gestion du ménage et celle de la fille sur la procréation et les
tâches ménagères. Dans cette logique, la fille qui est appelée un jour à rejoindre son mari doit
bénéficier d’une éducation à la vie conjugale et partant ses chances d’être admise à l’école et
d’y persévérer sont réduites par rapport à celles du garçon.

1.1.3.3. Les facteurs familiaux


Certaines caractéristiques de l’environnement familial notamment le faible revenu des
parents, l’emploi des enfants dans les secteurs d’activités influent sur la réussite scolaire.

 Le facteur économique
De nombreuses études (Alkassoum MAÏGA, 1990 ; Madeleine KABORE/ KONKOBO,
2008) s’accordent sur le fait que l’incapacité des parents à supporter le coût de l’école,
pourrait exercer un effet négatif sur la persévérance scolaire.
Alkassoum MAÏGA (1990) met en exergue les déperditions scolaires par ces termes « les
hécatombes des déperditions jalonnant le cursus scolaire » dans le système scolaire
burkinabè. Son étude dans la province du Kadiogo, révèle que le facteur économique influe
sur le parcours scolaire en ce sens que :

20
« Il n’est un secret pour personne que la scolarisation d’un enfant exige de ses
parents d’énormes sommes d’argent ; d’abord au titre des frais d’inscription
et/ou cotisations, puis le déplacement, l’habillement, les fournitures scolaires,
(...) et manquer de cotiser ou d’acheter les fournitures, c’est condamner son
enfant au redoublement, à l’abandon ou à l’exclusion » (MAÏGA A.,1990 :
85).

Les conclusions de son étude font ressortir que les couches défavorisées en l’occurrence les
paysans, les manœuvres et les artisans urbains n’arrivent pas à mettre leurs enfants dans de
bonnes conditions d’études pour des raisons économiques : manque de nourriture, de
fournitures scolaires, de moyens de déplacement, ce qui ne favorise pas de bonnes
performances scolaires chez ces enfants.
Dans le même ordre d’idées, Madeleine KABORE/KONKOBO (2008), s’appuyant sur le cas
de la commune de Ouagadougou, trouve que le coût élevé de la scolarité explique la
déperdition scolaire. Selon elle, l’éducation en dépit de son caractère social implique des
coûts que les parents devraient supporter tout au long du cursus scolaire comme le paiement
des frais de scolarité et l’achat de fournitures scolaires.
Ainsi, le manque de moyens financiers pour supporter les coûts direct et indirect de
l’éducation est souvent à l’origine des abandons scolaires.

 Le travail des enfants

L’exploitation des enfants dans le travail domestique ou dans les activités lucratives est source
d’échec scolaire qui se caractérise par le faible rendement et l’abandon scolaires. Alors que
les parents aisés permettent à leurs progénitures de poursuivre longtemps leurs études et les
encadrent pour leur réussite à l’école, les familles les plus démunies et les moins instruites
préfèrent voir leurs enfants se lancer très vite dans une activité lucrative pour soutenir
financièrement leurs proches (Isabelle LAGUN, 2003).Le travail des enfants est inacceptable
et même interdit par la Charte Africaine9 des droits de l’enfant à laquelle notre pays a souscrit.
Mais en Afrique subsaharienne surtout, il apparait souvent comme un mal nécessaire dans les

9
L’article 15 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant entrée en vigueur en
1999, stipule que « L’enfant est protégé de toute forme d’exploitation économique et de
l’exercice d’un travail qui comporte probablement des dangers ou qui risque de perturber son
éducation ou de compromettre sa santé ou son développement physique, mental, spirituel,
moral et social »

21
familles pauvres où la contribution des enfants aux revenus du ménage est importante. Cette
situation est due en partie au mode de production familial, basé sur une économie de
subsistance dont la seule source d’énergie est la force de travail (Jean François KOBIANE,
2006b). Dans un tel mode de production où le travail constitue le principal facteur de
production, comme dans de nombreux pays en développement, la contribution à la main
d’œuvre est la seule, du moins la valeur la plus importante des enfants. Les parents dans cette
situation sont plus enclins à retenir les enfants à la maison plutôt que de les maintenir à l’école
où d’ailleurs l’intérêt n’est pas immédiat. Aussi, la quête du gain dans l’immédiat suscite chez
certains élèves un désintérêt pour l’école et ces derniers, envahis par le besoin d'argent,
quittent très tôt l’école et se lancent dans des activités qu’ils jugent porteuses. En effet,
comme le souligne Jean François KOBIANE (2006a), nombreux sont les élèves du primaire,
qui s’adonnent très tôt aux petits métiers de la rue ou travaillent dans les sites aurifères, ce qui
n’est pas du tout compatible avec l’école. Aussi, la rue et les sites d’orpaillage sont des lieux
de travail cruel et dangereux, menaçant souvent la scolarité de ces enfants, voire même leur
vie.

1.1.3.4. Les causes inhérentes au système scolaire


Des causes internes au système éducatif, Madeleine KABORE/KONKOBO (2008) fait cas de
l’inaccessibilité géographique des écoles. Cela constitue un motif de découragement des
élèves. Le dysfonctionnement de nombreuses écoles, par le manque de personnel enseignant,
est aussi un facteur qui peut occasionner le retrait des enfants de l’école (Jean François
KOBIANE, 2006a : 191). A ces causes des abandons scolaires, le PRODERE-AO10 (2010)
ajoute que ce sont les carences en équipement (écoles à cycle incomplet, manque de cantines,
absence de latrines, etc.) et les causes pédagogiques comme la faiblesse des acquis et le
redoublement qui découragent l’enfant. Le déficit de l’offre scolaire dans le cas de la région
du Sahel qui se caractérise par un nombre élevé d’écoles sous paillotes, l’insuffisance des
tables-bancs et des manuels scolaires expliquent entre autres le phénomène de la sous-
scolarisation (Sibiri Luc KABORE, 2011). A propos du redoublement scolaire, le PNUD
(2003), trouve qu’il est l’un des principaux problèmes qui explique l’inefficacité des systèmes
éducatifs, du moins pour la majorité des pays en développement car, lié généralement aux
résultats médiocres, il aurait un impact négatif sur la motivation des élèves à poursuivre leurs
études. Cependant, en réponse à ce problème de redoublement, il faut souligner que de nos

10
PRODERE-AO signifie Programme de développement des réseaux pour l’éducation en Afrique de
l’Ouest. Il couvre le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal.

22
jours, le système éducatif Burkinabè connait une certaine dynamique qui loin d’aider les
élèves pourrait affecter le parcours scolaire de certains. L’adoption de la politique de
limitation du redoublement au Burkina Faso (MEBA/MESSRS11, 2009), en l’occurrence le
passage automatique dans les classes d’initiation au primaire quels que soient les résultats de
l’élève, occasionne les abandons, à cause de mauvais résultats accumulés. Au demeurant,
l’incapacité de l’école à s’adapter aux besoins des populations, par exemple en dotant les
sortants du système éducatif des compétences et savoirs leur permettant de s’insérer plus
facilement dans le système économique, est aussi une raison essentielle du retrait des enfants
de l’école en vue de les mettre au travail (Marie LANGE, 1987). Ce qui se traduit, par la
déscolarisation.
Ce sont autant d’insuffisances du système scolaire relevées dans les études qui pourraient
entrainer au refus de l’école ou occasionner les déperditions scolaires au primaire.

Cette brève revue critique de littérature nous a permis de mieux cerner notre objet d’étude.
Les réformes, innovations pédagogiques et programmes expérimentés par le Burkina Faso
depuis son accession à l’indépendance donnent une vision des différents soubresauts et
tâtonnements dans la recherche de solutions pour l’école au Burkina Faso. Les apports des
différents chercheurs fournissent quelques éclairages sur les obstacles à la réalisation la
scolarisation universelle au Burkina Faso. Aussi, cette revue de littérature nous a-t-elle donné
la possibilité de bâtir notre problématique de recherche.

11
L’Arrêté conjoint n°2009-0042/MESSRS/MEBA du 10 juin 2009 portant réglementation du
redoublement au primaire stipule en son article 2 que le redoublement à l’intérieur d'un sous-cycle de
l'enseignement primaire est interdit.
23
CHAPITRE II : PROBLEMATIQUE

2.1. CONTEXTE DE L’ETUDE

L’éducation est une condition indispensable au développement humain durable dans chaque
pays. C’est pourquoi elle figure en bonne place dans les objectifs du millénaire pour le
développement (OMD). Des huit objectifs des OMD, le deuxième vise à assurer l’éducation
primaire pour tous d’ici à 2015, en donnant à tous les enfants, garçons et filles, les moyens
d’achever un cycle complet d’études primaires. De ce fait, aujourd’hui plus qu’hier il faut
éduquer ou périr selon la formule de Joseph KI-ZERBO (1990).

Aussi, dans un contexte où résultats de recherches, rencontres internationales (Conférence de


Jomtien en 1990) montrent l’importance de l’éducation dans le développement des pays, le
Burkina Faso a entrepris des réformes entre 1960 et 1990, pour favoriser l’inscription de tous
les enfants en âge de scolarisation. De 1992 à 1997, il a apporté des innovations dans son
système éducatif à savoir les Classes Multigrades (CMG), les Classes à Double Flux (CDF),
les Ecoles Satellites(ES), les Centres d’Education de Base Non Formelle (CEBNF) et les
Ecoles Bilingues (EB). Au niveau législatif, l’école est devenue obligatoire et gratuite pour
tous les enfants vivant au Burkina Faso (Lois portant orientation de l’éducation de 1996,
2007). En outre, de vastes programmes comme le PDDEB (2000-2009) et le PDSEB (2012-
2021) ont été mis en œuvre. Ces efforts ont permis la croissance des indicateurs d’accès à
l’école. En effet, depuis Jomtien en 1990, des progrès importants ont été accomplis au
Burkina Faso vers la réalisation des objectifs de l’EPT, en particulier en ce qui concerne
l'expansion rapide des taux d'inscription au primaire et l'égalité en matière de genre. Le taux
brut de scolarisation(TBS) au niveau national qui était de 30,69% en 1992 avec un TBS de
seulement 24,31% chez les filles dans l’enseignement primaire (MEBA : 2012) a atteint 83%
en 2014 avec 83,2% de filles inscrites à l’école (MENA : 2014). Ce qui veut dire qu’au
Burkina, la tendance est en train de se renverser avec plus de présences de filles à l’école.
Toutefois, la réussite du pari de l’EPT reste encore incertaine car, les disparités en matière
d’éducation évoluent d’un contexte géographique à un autre, d’une commune à une autre. En
2014, par exemple, le taux net de scolarisation au Burkina est de 64,4% dont 64,7% pour les
garçons et 64,2% pour les filles (MENA : 2014). Mais ces taux oscillent entre 42,3% dans la
Région du Sahel à 78,7% dans la région du Nord du pays. Aussi, assurer l’éducation primaire
pour tous nécessite à la fois que les enfants soient scolarisés et achèvent le cycle d’éducation

24
primaire. Pourtant, le taux d’achèvement du cycle primaire (TAP) au Burkina Faso, n’est que
de 57,6 % en 2013-2014 et varie de 21,1% dans la Région du Sahel à 66,8 % au Centre.
De l’évidence statistique, il est clair que dans certaines localités du Burkina Faso, nombreux
sont les enfants en âge d’aller à l’école qui n’y ont pas accès et même parmi ceux qui ont la
chance d’être inscrits, un nombre important ne parvient pas à achever le cycle primaire. C’est
le cas de la commune de Gorom-Gorom où, nonobstant les réformes, les innovations
pédagogiques, les programmes et l’appui de partenaires, les principaux indicateurs en
éducation n’ont toujours pas atteint les 50%. En 2014, le TBS, le TNS et TAP dans cette
commune étaient respectivement de 48,7%, 41,2% et 22,6%. (DPENA/UDL, 2014). En effet,
la commune de Gorom-Gorom, connait une faiblesse de ses indicateurs de l’éducation qui
restent largement en dessous des moyennes nationales.
Comment expliquer le fait que l’école n’accueille pas beaucoup de suffrages dans certains
milieux comme la commune de Gorom-Gorom ?
Dans la littérature, plusieurs raisons avancées par les auteurs nous fournissent des éclairages
pour expliquer la situation de la scolarisation au Burkina Faso. Il ressort des études que le
faible revenu des ménages (Alkassoum MAÏGA, 1990 ; Madeleine KABORE /KONKOBO,
2008), les facteurs socioculturels et l’insuffisance de l’offre scolaire (Sibiri Luc KABORE,
2011) et l’inadéquation des contenus de l’éducation (Joseph KI-ZERBO, 1990) sont des
obstacles à l’accès et au bon parcours scolaire dans l’enseignement primaire au Burkina.
Toutefois, ces différents apports ne nous permettent pas de saisir totalement le fait scolaire
dans la commune de Gorom-Gorom.

2.2. LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DANS LA COMMUNE DE


GOROM-GOROM

2.2.1 Bref historique de l’école


La commune de Gorom-Gorom a connu une rencontre tardive avec l’école. Bien que la
première école de la région du Sahel ait été implantée à Dori en 1901 (Fernand SANOU,
2003), ce n’est qu’en 1955 que Gorom-Gorom bénéficia d’une école, la toute première
d’ailleurs de la province de l’Oudalan, avec l’arrivée d’un commandant de cercle. Cette école
qui est intervenue à plus d’un demi-siècle après l’installation de la première école occidentale
en Haute-Volta, a rencontré d’énormes difficultés quant à l’évolution des effectifs scolaires.
Le mode de recrutement ne se faisait que par la force puisque l’école était perçue comme un
sacrilège et personne ne voulait envoyer librement son enfant. En outre, la commune de
Gorom à l’instar des autres localités de la région était fortement islamisée avant même la
25
période coloniale. Les populations n’ont connu depuis longtemps que les foyers coraniques.
L’attirance donc pour ces foyers constitue jusqu’à nos jours un handicap au bon
fonctionnement des écoles classiques.

2.2.2 Etat des lieux de l’enseignement primaire dans la commune de Gorom-Gorom

2.2.2.1. L’offre scolaire


L’offre scolaire connait un net accroissement surtout en ce qui concerne les infrastructures.
En 1992, la commune de Gorom-Gorom comptait 6 écoles et en 2015 on dénombre plus de 80
écoles (Entretien avec le PDS de Gorom-Gorom). La commune compte aujourd’hui trois (03)
Circonscriptions d’Education de Base (CEB) que sont Gorom-Gorom I, Gorom-Gorom II et
Gorom-Gorom III. Elle enregistre à la rentrée scolaire 2015-2016, 86 écoles réparties comme
suit :

Tableau 1 : Typologie des écoles de la commune à la rentrée scolaire 2015-2016

Type d’école Classique Bilingue CEBNF Satellites Franco-arabes Total

Nombre 76 01 02 03 04 86

Chaque village de la commune a au moins une école. Les écoles medersas se trouvent dans le
secteur n°3 de Gorom et dans les villages de Doumam, Essakane et Korizéna. L’école
bilingue est offerte au village de Bidi, situé le long d’un fleuve pour faciliter des activités de
production aux élèves notamment le jardinage. Les CEBNF sont à Gorom ville et à Essakane
Site. Seul le CEBNF d’Essakane est bien équipé.
De façon globale, les enseignants enquêtés font état de l’insuffisance de tables-bancs et de
manuels scolaires dans les écoles. En outre, parmi ces écoles, onze (11) sont sous abris
précaires avec vingt-six (26) classes sous paillotes. Au demeurant la majorité des écoles de la
commune de Gorom-Gorom fonctionne sur le mode multigrade en raison des faibles effectifs.
Cette innovation de par son postulat est noble en ce sens qu’elle permet d’accroître le taux de
scolarisation. Toutefois dans la commune de Gorom-Gorom, un volet important de l’objectif
de l’éducation pour tous n’est pas effectif avec ces CMG à savoir la qualité de l’enseignement
(entretien du 17 septembre 2015 avec le CCEB de Gorom-Gorom II).
En effet, les conditions de réalisation d’une vraie classe multigrade n’ont pas suivi, en
l’occurrence la formation des enseignants. Gérer une division n’est pas facile pour un
enseignant même ancien n’en parlons pas de deux à la fois. Aussi, dans la commune de

26
Gorom-Gorom, la grande majorité des enseignants est jeune et peu qualifiée et de ce fait la
difficile gestion des classes multigrades est réelle. A la rentrée scolaire 2015-2016, la
commune de Gorom-Gorom compte 295 enseignants en majorité des instituteurs Adjoints
Certifiés (IAC)
La configuration des enseignants selon le grade se présente comme suit :

Graphique 1: Evolution des enseignants de la commune selon leur qualification

Qualification des enseignants

Instituteurs Principaux

Instituteurs Certifiés

Instituteurs Adjoints
Certifiés

Ce graphique laisse entrevoir que la majorité les enseignants en service dans la commune de
Gorom-Gorom est peu qualifié

2.2.2.2.De l’éloignement de la commune de l’objectif de l’EPT au regard des


indicateurs de l’éducation
De manière générale, les indicateurs de l’éducation dans la province de l’Oudalan, y compris
la commune de Gorom-Gorom sont à l’orange. Le TBS est de 44% contre une moyenne
nationale de plus de 80%. Le taux d’achèvement est de 17% contre un taux national moyen de
60% et chez les filles ce taux d’achèvement ne dépasse guère 10% (Entretien avec le DPENA
de l’Oudalan). Seul le centre urbain de Gorom-Gorom est meilleur tout simplement à cause du
fait qu’il compte le plus d’agglomérations de sédentaires. La plupart des villages de la
commune de Gorom-Gorom partage les mêmes difficultés en matière d’éducation
principalement la sous-scolarisation et surtout le problème du maintien.
Au regard de ces indicateurs, la province de l’Oudalan en général et la commune de Gorom-
Gorom en particulier est loin de réaliser l’objectif de l’éducation pour tous. En 2013/2014, le
taux brut de scolarisation au primaire était de 46,35% dont 44,39% pour les filles
(PCD/Gorom-Gorom, 2014). Ce qui veut dire que sur 100 élèves de 6 à 11 ans scolarisables,
27
plus de 50 sont en dehors de ce cycle d’enseignement. Aussi, comparé aux indicateurs des
niveaux provincial, régional et national qui ont été respectivement de 44.1%, 49,8%, et de
83% (DRENA Sahel : 2014), la commune reste à la traine. Le taux d’achèvement en 2014
était de 21,04% dont 19,39% pour les filles contre des moyennes provinciale et régionale
respectives de 17.4% et 21,1%. Pour la rentrée scolaire 2015-2016, les effectifs dans
l’enseignement primaire de la commune s’élèvent à 1149612 élèves avec 6598 garçons contre
4898 filles. Ce qui donne un ratio enseignant/ élève de 24 élèves pour les 472 classes ouvertes
au cours de cette rentrée scolaire. Ce ratio décroît au fur et à mesure que le niveau s’élève : il
est de 46 élèves, 23 élèves et 18 élèves, respectivement au cours préparatoire, au cours
élémentaire et au cours moyen. Cette hétérogénéité de répartition s’explique par l’importance
des abandons observés tout au long du cursus scolaire des enfants. Aussi cache-t-il (le ratio)
certaines disparités dans les écoles. Du moment où l’école de Gorom-centre enregistre 468
élèves à la rentrée 2015-2016, les effectifs cumulés des élèves de trois écoles (Tintabora,
Alliakoum, Déibéri) situées sur un rayon de 6km de la ville n’atteignent pas 300. Le niveau de
scolarisation est très faible dans certains villages. A titre illustratif, au titre de l’année scolaire
2014-2015, l’effectif total de l’école de Baliata était de 34 avec 05 au CP1, 08 au CP2, 06 au
CE1, 04 au CE2, 08 au CM1, 03 au CM2 (CEB Gorom I, statistiques 2014). Il faut dire que
cette école fonctionne sur le mode multigrade.
Au demeurant, du moment où les taux brut d’admission (TBA) au CP1 enregistrés au niveau
national les 5 dernières années dépassent 90%, les TBA dans la commune de Gorom-Gorom
peinent à dépasser la barre de 50%.

Tableau 2 : Evolution des inscriptions au CP1 dans la commune de Gorom de 2011 à 2015
Année Enfants scolarisables de 6 à 8ans Enfants inscrits au CP1 Pourcentages (%)
scolaire G F T G F T G F T
2010-2011 1900 2000 3900 862 756 1618 45,36 37,8 41,48
2011-2012 2100 2100 4200 1060 974 2034 50,47 46,38 48,42
2012-2013 2250 2350 4600 1150 1123 2273 51,11 47,78 49,41
2013-2014 2600 2600 5200 1280 1306 2586 49,23 50,23 49,73
2014-2015 3500 3200 6700 1725 1501 3226 49,28 46,90 48,14
Source DPENA de l’Oudalan, statistiques de l’enseignement primaire

12
Ces données sont fournies par l’enquête de terrain à partir d’une sommation des chiffres des
statistiques de rentrée (2015-2016) fournies par les trois CEB que compte la commune.
28
Les résultats au Certificat d’Etudes primaires (CEP) de la commune, enregistrés au cours des
cinq dernières années connaissent une évolution en dents de scie.
Graphique 2: Evolution des taux d’admission au CEP des 5 dernières années scolaires

90

80

70

60

50 Garçons

40 Filles

30 Total

20

10

0
2011 2012 2013 2014 2015

Au regard de ce graphique, il est évident que la commune peut atteindre des résultats
encourageants en terme de rendement scolaire. Nous constatons qu’aux deux dernières années
scolaires les taux de succès sont satisfaisants par rapport aux autres années, avec un
renversement de tendance chez les filles. Par ailleurs, ces résultats pourraient s’expliquer par
le principe de la sur-sélection naturelle dans la mesure où le taux d’achèvement est faible et
que ce sont les bons élèves ayant la volonté et un niveau acceptable qui arrivent au CM2

Du diagnostic des difficultés que rencontre le secteur de l’éducation et de la formation dans la


commune, la faiblesse de ces indicateurs pourrait s’expliquer principalement par
l’insuffisance de l’offre éducative marquée par des écoles et des classes sous paillotes non
équipées, la faiblesse de la demande en éducation due à la réticence des parents et la
préférence de l’orpaillage à l’école.

2.2.2.3 Gorom-Gorom, une commune constamment appuyée dans le secteur de


l’éducation

Tous les enseignants, encadreurs et responsables de l’administration enquêtés reconnaissent à


l’unanimité, l’appui de la commune dans le secteur de l’éducation par des Organisations Non
Gouvernementales (ONG), des associations locales et des partenaires techniques et financiers
(PTF). Il y a toute une batterie d’ONG et d’associations qui s’investissent dans la mobilisation
sociale pour l’amélioration des indicateurs de l’éducation dans cette commune. Le sahel en

29
général et la commune de Gorom-Gorom en particulier, est sans conteste la zone au Burkina
qui bénéficie le plus d’appui de partenaires dans le secteur de l’éducation. Au niveau macro,
nous avons l’aide apportée par les organes des Nations Unies (UNICEF, PAM), des ONG
comme Reach Italia, OCADES, le Conseil Danois des Réfugiés (DNC), la JICA. Ces
partenaires s’investissent dans la construction d’écoles, le renforcement des capacités des
enseignants et des encadreurs et l’octroi de Kits scolaires. Au niveau micro nous avons les
associations locales telles que Tassak, Mballa Sukaabe, l’Union Fraternelle des Croyants
(UFC), Association Tassagh qui accompagnent les communes dans la sensibilisation des
parents et la prise en charge de la scolarité des certains élèves démunis (entretien du 20
octobre avec le DPENA de l’Oudalan)
Le sahel à l’instar des quelques rares régions du pays comme l’Est bénéficient de l’appui de
PAM en cantines scolaires pour les élèves. « Ventre vide n’a point d’oreille », dit un adage
populaire. Les cantines scolaires tout en contribuant à la nutrition des enfants constituent un
appui véritable à la bonne marche de l’école. Cet appui du PAM dans la commune de Gorom-
Gorom est un véritable précurseur à la scolarisation des enfants et du maintien scolaire. En
plus de la cantine, PAM octroie, des vivres aux familles ayant leurs filles au CM et qui sont
régulières à l’école. Cette aide communément appelée Ration Sèche à Emporter (RAE)
contribue énormément au maintien de ces dernières dans les structures éducatives jusqu’en fin
de cycle.
L’UNICEF accompagne la commune, la construction et l’équipement des salles de classes, le
renforcement des capacités des enseignants et des encadreurs et par l’octroi de Kits scolaires
aux élèves. L’Ecole de Qualité Amie des Enfants (EQAmE) est une approche initiée par
l’UNICEF. Au sein d’une école amie des enfants, il y a la coopération enseignants-élèves,
parce que là, ils s’accompagnent mutuellement, et cette attitude d’ouverture permet aux
enfants de venir facilement à l’école et d’échanger avec eux. Lorsqu’il y a cette ouverture, il
n’y a plus la peur, le maître n’a plus besoin d’utiliser le bâton pour faire passer son message.
Aussi, les parents sont sensibilisés sur leur responsabilité notamment le suivi des enfants en
famille et à l’école.
Du reste, la société minière d’Essakane dénommée I am Gold appui la commune dans la
construction d’écoles, l’acquisition de tables-bancs pour les élèves, le matériel sportif et la
mobilisation sociale.

En dépit des interventions multiples et multiformes des partenaires nationaux et


internationaux, les principaux indicateurs de l’éducation (TBS, TNS, TAP) de la commune de

30
Gorom-Gorom, peinent à franchir la barre des 50%. Cette faiblesse des indicateurs de
l’éducation dans l’enseignement primaire dans cette localité de la région du Sahel suscite des
questionnements.

2.3. QUESTIONS DE RECHERCHES


La question principale de recherche formulée sur la base des éléments théoriques posés est la
suivante : Comment le rapport à l’école des populations influe-t-il sur la scolarisation des
enfants dans la commune de Gorom-Gorom ?
Cette question principale en appelle d'autres plus spécifiques :

- Quel rapport y a t’il entre la représentation de l’école et la scolarisation des enfants


dans la commune de Gorom-Gorom ?
- Quel rapprochement peut-on faire entre les difficultés d’insertion socioprofessionnelle
et les fortes déperditions scolaires ?

2.4. OBJECTIFS DE L’ETUDE

La présente étude se fixe comme objectif général d’analyser le lien entre le rapport à l’école
des populations et la scolarisation des enfants dans la commune de Gorom-Gorom.

De façon spécifique, l’étude vise à :

- déterminer l’influence des représentations sociales de l’école sur la scolarisation des


enfants dans la commune de Gorom-Gorom;
- déterminer le lien entre les difficultés d’insertion socioprofessionnelle des anciens
scolarisés et les fortes déperditions scolaires actuelles.

2.5. HYPOTHESES DE LA RECHERCHE

Les enjeux de la scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom semblent dépendre


fondamentalement des rapports à l’école des populations et en lien à la mobilité socio-
économique. Nous fondons alors notre recherche sur deux types d’hypothèses : une hypothèse
principale et deux hypothèses secondaires. Elles ne sont que de simples pistes de travail
susceptibles d’être confirmées ou infirmées par les données du terrain.

31
2.5.1. Hypothèse principale
Le rapport à l’école des populations constitue un obstacle à l’atteinte de l’objectif de
l’éducation pour tous au primaire dans la commune de Gorom-Gorom. Autrement dit, le peu
de valeur que les parents et les élèves accordent à l’école classique, se répercute négativement
sur la scolarisation et le parcours scolaire.

2.5.2. Hypothèses secondaires


 La représentation négative de l’école par certains parents qui la trouvent source de
perdition pour leur progéniture, fait que malgré la gratuité scolaire, de nombreux
enfants ne sont pas scolarisés dans la commune de Gorom-Gorom.

 Les parents et les élèves trouvent que l’école classique ne garantit pas une bonne
insertion socioprofessionnelle s’appuyant sur les échecs des aînés scolarisés, ce qui
occasionne de fortes déperditions scolaires et l’attirance pour les activités
agropastorales et l’orpaillage dont la rentabilité semble visible.

2.5.3. Les variables et les indicateurs de mesure des hypothèses

La question de recherche traduite en hypothèses renferme des concepts clés qu’il faut traduire
en indicateurs mesurables pour rendre opérationnel l’objet de l’étude (Nicole BERTHIER,
2006: 46). Ce qui veut dire que le chercheur doit repérer parmi les données, les éléments
susceptibles de fournir des explications au phénomène étudié.
Les variables dans le présent travail sont de deux sortes. Il s’agit notamment de la variable
dépendante et des variables indépendantes. La variable dépendante est expliquée et pour le
cas spécifique de notre étude désigne « l’éducation pour tous ». La variable indépendante elle,
est explicative. Elle regroupe les éléments émanant du rapport à l’école des parents et des
élèves et qui constituent des obstacles à la réalisation de l’éducation pour tous dans
l’enseignement primaire.

Les variables et leurs indicateurs susceptibles de nous permettre de vérifier les hypothèses de
notre étude sont résumés dans le tableau ci-dessous :

32
Tableau 3 : Les variables et indicateurs de mesure des hypothèses

Hypothèses Variables Indicateurs


Hypothèse Variable dépendante : - scolarisation de tous les enfants
principale Education pour tous dans - bons résultats scolaires
- Achèvement du cycle primaire
l’enseignement primaire
- image de l’école
Variable indépendante 1 : - attentes pour l’école
- difficultés dans le recrutement
Hypothèse Représentations sociales
- absence de suivi parental
secondaire n°1 de l’école - fréquence des mariages précoces
- attirance pour l’école coranique
- le nomadisme avec les élèves

- incompatibilité de l’école avec les activités


Hypothèse Variable indépendante 2 : professionnelles du milieu
- l’absence de modèle de réussite de scolarisés
secondaire n°2 Difficultés d’insertion
- stigmatisation des sortants de l’école
socioprofessionnelle des - mauvaise fréquentation scolaire
scolarisés - exploitation des enfants dans les activités
agropastorales,
- mauvais résultats scolaires
- abandons de l’école pour travailler dans les sites
aurifères

Quel intérêt avons-nous de mener une telle étude ?

2.6. INTERET DE L’ETUDE


Ce travail de recherche présente un intérêt certain au plan personnel et institutionnel.

 Intérêt d’ordre personnel


Ce sujet d’étude nous a été inspiré par un certain nombre de constats tirés de notre expérience
d’enseignant du primaire puis d’encadreur pédagogique. Au cours de notre parcours
professionnel, nous avons remarqué que malgré les efforts déployés par les acteurs de
l’éducation pour permettre à tous les citoyens d’accéder à une éducation de qualité, nombreux
sont les enfants dans la fourchette d’âge d’éducation obligatoire qui sont soit exclus du
système éducatif, soit qui le quittent avant la fin du cycle primaire. L’exemple de la commune
de Gorom-Gorom est illustratif. Pour notre part, cette étude qui tout en satisfaisant notre
curiosité de mener une étude scientifique pour comprendre le phénomène, nous permettra sans

33
doute d’apporter notre contribution à la compréhension des maux qui minent notre système
éducatif.

 Intérêt d’ordre institutionnel


Le développement du Burkina Faso restera compromis tant que beaucoup d’enfants seront en
marge du système éducatif. Les chercheurs sont unanimes à reconnaitre le lien étroit entre
éducation et développement. Il ressort dans la littérature que seule une éducation pour tous de
qualité garantit le mieux-être individuel et collectif. Nul n’est besoin donc de rappeler que le
Burkina n’a de choix que de faire de l’EPT une réalité pour espérer une croissance totale et
équilibrée. Ce sujet de recherche se veut donc une modeste contribution aux efforts déployés
pour l’atteinte des objectifs d’efficacité interne et externe du système éducatif. Les
conclusions d’une telle étude pourraient contribuer à une meilleure compréhension des
obstacles à l’atteinte de l’EPT en lien avec les dynamiques sociales de façon globale et le
rapport à l’école en particulier. Aussi pourraient-elles inspirer les autorités du système
éducatif à promouvoir des mesures réalistes et réalisables en vue de permettre à tous les
enfants d’âge scolaire du Burkina Faso de bénéficier d’une éducation de qualité.

2.6. CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Afin de lever toute équivoque et de faciliter la compréhension du sens des mots-clés, nous
allons procéder au préalable à la définition de certains concepts, car comme le reconnaît
Emile DURKHEIM (1999 :34),

« La première démarche du sociologue doit être de définir les choses dont il traite afin
que l’on sache et qu’il sache bien de quoi il est question. C’est la première et la plus
indispensable de toute preuve et de toute vérification ; une théorie en effet, ne peut être
contrôlée que si l’on sait reconnaitre les faits dont elle doit rendre compte ».

Les concepts clés que nous allons clarifier sont : éducation, éducation pour tous,
représentations sociales et rapport à l’école.

2.7.1 Education
Etymologiquement, le mot « éducation » renvoie au terme latin ‘’educare’’ qui signifie
nourrir, élever, ou ‘’educere’’ qui signifie conduire ou tirer hors de.
Selon le sociologue Emile DURKHEIM (1999 : 51),

34
« L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont
pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer
chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que
réclament de lui la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il
est particulièrement destiné ».

Il résulte de cette définition que l’éducation consiste en une socialisation méthodique de la


jeune génération.
Dans un contexte pédagogique, « l'éducation est une acquisition de bonnes manières,
politesse, savoir-vivre, bonne conduite en société, formation et information reçues par une
personne pendant ses années d'études » (Renald Legendre, 1993 : 435).
La définition de la loi 013-2007, portant loi d’orientation de l’éducation au Burkina Faso
semble complète. Au sens de l’article 2 de ladite loi, l’éducation est définie comme :

« L’ensemble des activités visant à développer chez l’être humain l’ensemble de ses
potentialités physiques, intellectuelles, morales, spirituelles, psychologiques et
sociales, en vue d’assurer sa socialisation, son autonomie, son épanouissement et sa
participation au développement économique, social et culturel du pays ».

Ainsi, nous retiendrons dans le cadre de notre travail que l’éducation est l’ensemble des
activités éducatives et de formation consistant à faire acquérir à l’individu un ensemble de
connaissances, d’aptitudes et d’attitudes indispensables à son mieux-être et à sa participation
active au développement de sa société.

2.7.2 Education pour tous (EPT)


En termes plus opérationnels, l’éducation pour tous renvoie à une éducation de base de qualité
pour tous les hommes sans distinction de race, de sexe, d’âge, etc. Au sens de la Déclaration
mondiale sur l’éducation pour tous lancée à Jomtien en 1990 :
« Toute personne – enfant, adolescent, adulte – doit pouvoir bénéficier d’une
formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux. Ces besoins
concernent aussi bien les outils d’apprentissage essentiels ( lecture, écriture,
expression orale, calcul, résolution de problèmes ) que les contenus éducatifs
fondamentaux(connaissances, aptitudes, valeurs, attitudes) dont l’être humain a
besoin pour survivre, pour développer toutes ses facultés , pour vivre et travailler
dans la dignité, pour participer pleinement au développement , pour améliorer la
qualité de son existence, pour prendre des décisions éclairées et pour continuer à
apprendre ».

L’EPT implique également inclusion. L’inclusion concerne : les personnes marginalisées et


défavorisées, qu’il s’agisse de pauvres, de résidents des zones rurales ou des bidonvilles

35
urbains, de membres des minorités ethniques et linguistiques ; tous les groupes d’âge, depuis
la petite enfance (EPPE) jusqu’aux adultes (en particulier pour les programmes
d’alphabétisation) ; les filles et les femmes, en particulier (UNESCO : 2008).

Au demeurant, l’EPT ne se limite pas à l’accès dans une structure éducative. Elle intègre
nécessairement le maintien dans le système éducatif et l’aspect qualité de l’éducation. Des six
objectifs du cadre d’action de Dakar en 2000 pour l’EPT dans le monde, le 2ième vise
l’Enseignement primaire obligatoire, gratuit et de qualité pour tous d’ici à 2015, qui doit
pouvoir être suivi jusqu'à son terme, notamment par les filles et les enfants en difficulté. Le
défi de scolarisation implique alors une dimension qualitative en ce sens que le droit à
l’éducation ne doit pas se limiter au droit d’être admis à l’école, mais prend en compte
l’achèvement des cycles et l’acquisition de compétences. Dès lors, au principe d’« éducation
pour tous » se substitue le concept d’« éducation de qualité pour tous » (UNESCO, 2000) et
les défis à relever en matière d’objectifs qualitatifs sont tout aussi importants que les défis
quantitatifs. Partant, la qualité de l’éducation, suppose que les apprenants acquièrent les
aptitudes et les connaissances utiles à la vie sociale. Du reste, la pertinence et l'efficacité d'un
système éducatif se mesurent entre autre par le taux très faible de déperditions qu'il produit.
Ces déperditions sont le corollaire d'une défaillance ou d’une inadéquation entre les
différentes composantes d’un système scolaire.
Ainsi dans notre travail nous retenons qu’assurer une éducation primaire pour tous nécessite à
la fois que les enfants soient scolarisés, achèvent le cycle d’éducation primaire et acquièrent
des connaissances et des compétences nécessaires à leur épanouissement et à leur
participation au développement de leur communauté.

2.7.3 Représentations sociales


Le concept de « représentations sociales » est très usité dans la littérature psychologique et
sociologique.
En psychologie, le concept de représentation, désigne une perception, une image mentale dont
le contenu se rapporte à un objet, à une situation, à une scène du monde dans lequel vit le
sujet. Dans le dictionnaire des concepts clés de RAYNAL et RIEUNIER (2001 : 320-322),
l’on peut lire que la représentation est un substitut de la réalité. Elle est une construction
intellectuelle momentanée, qui permet de donner du sens à une situation, en utilisant les
connaissances stockées en mémoire et/ou les données issues de l’environnement, dans le but,
« d’attribuer une signification d’ensemble aux éléments issus de l’analyse perceptive ». Ce

36
même dictionnaire ajoute qu’en psychologie cognitive, on trouve différentes formulations du
concept :

« Schéma cognitive qui sélectionne, structure les informations et oriente le


comportement » ; « Entité cognitive, à certain égard permanent, susceptible de
connaître des actualisations transitoires et des remaniements plus ou moins durables,
et dont la propriété générale est d’être la base fonctionnelle des conduites » «
Fragment d’information structurée, stockée, existant en principe dans la mémoire
d’un sujet ».

En sociologie, DURKHEIM fut le premier au XIXème siècle, à évoquer la notion de


représentation dans l’analyse des faits sociaux. Dans le sens de la définition du fait social,
Emile DURKHEIM (1999), estime que les représentations sociales sont des constructions
sociales extérieures à l’individu et qui s’imposent à lui. Il distingue les représentations
individuelles et les représentations collectives. Les représentations individuelles découlent de
la conscience propre à chaque individu. A l’opposé, les représentations collectives découlent
de la société dans sa globalité. C’est ce que reprend Serge MOSCOVICI (1984), qui estime
que les représentations sociales sont des éléments de la conscience sociale extérieure aux
individus et s'imposant à eux. Dans la même logique, de nombreux scientifiques, tel que
Denise JODELET (1989 : 36), s’accordent pour définir la représentation comme :

« Une connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et


concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Egalement
désignée comme savoir de sens commun ou encore savoir naïf, naturel, cette forme de
connaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance scientifique ».

Ainsi, les représentations ne sont pas un savoir construit scientifiquement, mais plutôt des
connaissances socialement construites et partagées par les membres d’une société donnée.
Toujours dans le même sens, Gilles FERREOL et al (1995) précisent que les représentations
sociales émanent des « Images du réel, croyances, valeurs, systèmes de référence, théories du
social…, qui dans la réalité concrète coexistent le plus souvent, (…) ont en commun d’être
une manière de penser et d’interpréter la réalité quotidienne ». Ils ajoutent que « toute
représentation sociale est représentation de quelque chose et de quelqu’un (…) ».
Du reste, les représentations en vigueur dans une communauté influencent la façon dont les
individus de cette communauté comprennent le monde (Serge MOSCOVICI, 1984).
En définitive, nous retenons que les « représentations » renvoient à un ensemble de
connaissances, de perceptions, de jugements de valeur, d’attributions que possède un sujet ou
une corporation vis-à-vis d’un objet, d’un concept ou d’une situation donnée. Dès lors, elles

37
constituent le miroir de notre conception des choses, du monde et sont à l’origine de nos
actions. Si toute représentation est représentation de quelque chose ou de quelqu’un, nous
concevons dans le contexte de notre étude qu’une représentation sociale de l’école est l’image
ou la perception que les populations se font de cette institution, ce qui conditionne son
acceptation ou son refus.

2.7.4. Rapport à l’école


Le Petit Larousse illustré 2012 définit le rapport comme « le lien entre deux ou plusieurs
personnes ou choses ».
Dans la perspective théorique de Bernard CHARLOT (1992, 1997) le rapport à l’école est
« une relation de sens et donc de valeur entre un individu (ou un groupe) et l’école comme
lieu, ensemble de situation et de personnes ». Ce qui fait dire à Charlot que le concept de
rapport à l’école dépasse les représentations de l’école par les parents et les élèves. Pour
faciliter la compréhension de la notion de rapport à l’école, Bernard CHARLOT (1997)
formule trois questions de bases simples. Premièrement, pour un enfant, notamment issu d’un
milieu populaire, quel sens cela a-t-il d’aller à l’école ? Deuxièmement, quel sens cela a-t-il
de travailler (ou de ne pas travailler) à l’école ? Troisièmement, quel sens cela a-t-il
d’apprendre et de comprendre, à l’école ou ailleurs ? C’est sur ces points que des différences
sociales et singulières se transforment en différences scolaires.
Selon ce théoricien du concept, le rapport au savoir ou à l’école regroupe :

« L’ensemble des relations qu’un sujet entretient avec un objet, un "contenu de


pensée", une activité, une relation interpersonnelle, un lieu, une personne, une
situation, une occasion, une obligation, etc., liés en quelque façon à l’apprendre et au
savoir – par là même, il [le rapport au savoir] est aussi rapport au langage, rapport
au temps, rapport à l’activité dans un monde ou sur le monde, rapport aux autres, et
rapport à soi-même comme plus ou moins capable d’apprendre telle ou telle chose,
dans telle situation » (Bernard CHARLOT, 1997 : 94).

CHARLOT, BAUTIER et ROCHEX (1992) identifient quatre types de rapports : le rejet de


l'institution scolaire, l'intérêt pour les fonctions secondaires de l'institution, telle que la
socialisation par exemple, l'intérêt pour la fonction diplomate de l'école et enfin
l'investissement dans l'apprentissage des savoirs. Bien sûr, ces types de rapports entretenus
par les parents avec l'école sont inégalement favorables à l'adoption d'attitudes scolaires
porteuses d'apprentissages à l'école.

38
Abdoulaye OUEDRAOCO (2007) convient avec Bernard CHARLOT (1997) sur l’existence
de trois différents rapports à l’école : le rapport épistémique, le rapport identitaire et le rapport
social.
- Le rapport épistémique au savoir est un « apprendre qui consiste à « s’approprier un objet
virtuel (le « savoir »), incarné dans des objets empiriques (les livres par exemple), abrité dans
des lieux (l’école…), possédé par des personnes qui ont déjà parcouru le chemin (les
enseignants…) » (Bernard CHARLOT, 1997 : 81).
- Dans la dimension identitaire, apprendre consiste à faire du sens en référence à l’histoire de
l’apprenant, « à ses repères, à sa conception de la vie, à ses rapports aux autres, à l’image
qu’il a de lui-même et à celle qu’il veut donner aux autres » (Bernard CHARLOT, 1997 : 85).
- La dimension sociale du rapport au savoir se trouve, elle, dans les expériences sociales qui
marquent l’enseignement/apprentissage. CHARLOT indique à ce propos que :

« Tout rapport est également rapport à l'autre. (...) Apprendre c'est toujours entrer
dans un rapport avec l'autre, l'autre physiquement présent dans mon monde mais
aussi cet autre virtuel que chacun porte en soi comme un interlocuteur. Tout rapport
au savoir comporte donc une dimension relationnelle - qui est partie intégrante de sa
partie identitaire » (Bernard CHARLOT, 1997 :85).

Comprendre les rapports à l’école, c’est saisir les processus d’inscription dans cette
institution, le sens que l’on donne à l’acte de scolariser, à celui d’apprendre, aux savoirs
acquis (Valérie ROUAMBA : 2005). De façon plus simple, le rapport à l’école renvoie à ce
qui pousse les personnes en situation d’apprentissage à se motiver et aller dans cette
institution (Zakaria SORE, 2015 : 36). De ce fait, l’individu valorise ou dévalorise les savoirs
et les activités de l’école qui s’y rapportent en fonction du sens qu’il leur confère et partant
décide d’y aller ou non.

Au Burkina Faso, de façon globale les rapports à l’école ont évolué suivant le contexte
sociopolitique. A la période coloniale, le savoir scolaire, inculqué par la force, était perçu en
milieu populaire comme « la chose du blanc » qui serait source de perdition pour les enfants
(Marie LANGE, 1998). Depuis l’avènement de la démocratisation de l’école (Jomtien, 1990)
au regard de ses bienfaits, elle (l’école) est vue comme étant la condition sine qua non pour
l’épanouissement de l’individu et le progrès social (Joseph KI-ZERBO, 1990).
Le rapport à l’école apparait donc un construit social suivant les réalités du milieu, les
expériences vécues par les populations, la façon d’appréhender le monde. Nous pencher donc
sur le rapport à l’école dans notre zone d’étude invite à questionner la situation de la

39
scolarisation sous l’angle des représentations de l’école, les attentes des parents et des élèves
d’elles et en lien à la pérennisation des valeurs culturelles et l’insertion socioprofessionnelle.
L’objet de recherche étant construit, définissons à présent une méthodologie appropriée à
même de nous aider à obtenir des données qui puissent nous permettre de répondre aux
questions de recherche formulées plus haut.

40
CHAPITRE III : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

La mise en place d’une méthodologie adaptée à son objet de recherche permet d’éviter les
pièges de la connaissance spontanée, en l’occurrence les distorsions de la réalité et
l’enfermement dans les catégories mal maîtrisées. Notre dispositif méthodologique concerne
principalement l’approche d’étude, la justification du choix du site, la population d’enquête,
les outils de collecte des données, l’échantillonnage et les stratégies d’analyse des données.

3.1. L’APPROCHE QUALITATIVE

Notre étude s’inscrit dans une perspective qualitative. Cette orientation de recherche tente de
se rapprocher au plus du monde intérieur, des représentations et de l’intentionnalité des
acteurs humains engagés dans des échanges symboliques comme ils le sont en éducation
(VAN DER MAREN, 1996 :103). Depuis MALINOWSKI, nous disent Michelle LESSARD-
HEBERT et al. (1996), la plupart des chercheurs en sciences sociales connaissent l'intérêt,
dans le domaine des sciences sociales, des recherches qualitatives qui visent la compréhension
des situations en se fondant non seulement sur l'interprétation du chercheur, mais surtout sur
l'interprétation des personnes qui vivent les situations faisant l'objet de l'étude. La méthode
qualitative se fonde sur la recherche de relations logiques entre deux phénomènes sociaux.
Aussi pensons-nous que cette démarche utilisée par WEBER pour expliquer l’apparition de
comportements capitalistes en occident (Marc MONTOUSSE et Gilles RENOUARD,
2003 :17) convient pour comprendre les obstacles à l’atteinte de l’EPT au Burkina Faso en
rapport aux logiques sociales. Cependant l’option pour l’étude qualitative n’interdit pas
exclusivement l’appel aux statistiques. En effet, dans ce présent travail nous ferons recours à
des statistiques scolaires qui, bien que s’appuyant sur des chiffres et des indicateurs toujours
discutables demeurent utiles pour avoir une vision générale de la scolarisation dans le sens où
elle ouvre un panorama d’ensemble (Stéphanie BAUX, 2007). Grâce au logiciel Excel, ces
statistiques scolaires seront représentées à des endroits par des graphiques. Toutefois, ces
statistiques ne seront pas convoquées dans l’analyse proprement dite des résultats de terrain.
La commune de Gorom-Gorom a été choisie comme cadre d’investigation.

Mais pourquoi le choix de Gorom-Gorom pour la recherche ?

41
3.2. LE CADRE D’INVESTIGATION

3.2.1. CHOIX DU SITE DE RECHERCHE

Le choix de ce site n’est pas le fruit d’un hasard mais découle plutôt du fait qu’elle est l’une
des localités du Burkina Faso dont les indicateurs en éducation sont très bas par rapport à la
moyenne nationale. En témoignent, les statistiques de l’année scolaire 2013-2014 qui font état
d’un taux brut de scolarisation (TBS) de 47,1% et d’un taux d’achèvement du primaire (TAP)
de 21,8% dans cette commune (DPENA/UDL13, 2014). Nous dirons même que les statistiques
de l’éducation dans cette commune sont inquiétantes dans une perspective nationale d’atteinte
de l’EPT. Le faible taux d’achèvement est la résultante des fortes déperditions dues surtout à
la déscolarisation. A l’évidence, la commune de Gorom-Gorom souffre de problèmes de
faible niveau de scolarisation et de maintien scolaire. Une faible proportion d’enfants en âge
d’aller à l’école y sont effectivement et ceux qui sont scolarisés la quitte avant la fin du cycle
primaire. De ce fait, le choix de cette zone pour notre terrain présente l’avantage de nous aider
à appréhender les barrières à une école pour tous de qualité au Burkina Faso.

3.2.2PRESENTATION DU CADRE D’INVESTIGATION

La présentation du cadre d’investigation nous permet de mieux comprendre le contexte actuel


de l’enseignement primaire dans cette localité. Les informations contenues dans cette
monographie ont été fournies d’une part par des documents qui retracent l’histoire des
formations sociales du Burkina et d’autre part par les données du Recensement Général de la
Population et de l’Habitat (RGPH, 2006) et du plan communal de développement (PCD,
2014) de la commune de Gorom-Gorom.

3.2.2.1. La situation géographique et administrative


Gorom-Gorom est une commune de la province de l’Oudalan, dans la région du Sahel, située
à l’extrême Nord du Burkina Faso. Elle reprend les limites du Département de Gorom-Gorom
érigé en 1985 par l’ordonnance n°85-0469/CNR/PRES du 29 août 1985. Depuis la
communalisation intégrale de 2006, Gorom-Gorom est devenue une commune urbaine dirigée
par une délégation spéciale au moment de l’enquête. Elle est distante de 57 km de Dori, chef-
lieu de la région du Sahel et de 327km de Ouagadougou, capitale du pays. Elle s’étend sur une
superficie de 3 059 km2 (PCD/ Gorom : 2014), soit 31,81% de la superficie de la province de

13
UDL signifie Oudalan.

42
l’Oudalan (9 614km2). Gorom-Gorom commune est limitée au Nord par la commune de Tin-
Akoff, au Sud par les communes de Dori et de Gorgadji, à l’Est par les communes de
Markoye et Falangountou et à l’Ouest par les communes d’Arbinda, d’Oursi et de Déou.Sur le
plan administratif, la commune compte cinq (05) secteurs et quatre-vingt-deux (82) villages.

3.2.2.2. Histoire du peuplement et organisation sociale


Gorom-Gorom fait partie du bloc sahélo-sahélien connu par l’existence de grands empires
fortement islamisés comme Sonrhaï, Tombouctou, Massina, Sokoto. Les populations de
Gorom-Gorom sont composées principalement de quatre ethnies : les Tamachèques (Bellas),
les Touaregs, les peulhs et les Sonrhaïs. La commune était jadis, habitée par les
«Gulmanceba » qui sont les premiers habitants sédentaires à occuper la région.
A l'avènement de l'empire songhaï de Gao, la zone passe d'abord sous la domination d'une
première vague de Sonrhaï réfractaires à l'islam qui assimilent certains Gulmanceba, lorsqu'ils
ne les asservissent pas.
Les Sonrhaïs sont alors des descendants des populations venues de l’empire Songhaï de Gao
(Joseph KI ZERBO, 1978). Par la suite, une seconde vague, islamisée cette fois-ci, de
Sonrhaï, de Touaregs fuyant les persécutions de SONNI Ali Ber (1464–1492), et plus tard
l’oppression de la conquête marocaine à Tombouctou au XVIè siècle, s’y installèrent. Les
Sonrhaïs sont des peuples sédentaires qui pratiquent l’agriculture. Les peulh ou Fulɓè, et les
Bella appelés aussi « iklan », peuples nomades, sont venus de l’empire du Liptaako suite à
leurs migrations vers le Sahel Burkina entre le XVIIè et le XVIIIè siècle, à la recherche de
zones propices d’eau et de pâturages pour les animaux (Hamidou DIALLO, 2009). L’élevage
demeure la principale caractéristique des peuples transhumants. Aussi, ce sont des peuples
hiérarchisés fonctionnant suivant les lois de l’Islam communément appelées charia. Chaque
clan (village) de peulh, de Bella, de Sonrhaï, de Touareg, a un chef intronisé, qui se distingue
par le type de turban qu’il porte. Globalement, il existe une coexistence pacifique entre les
différents groupes. Longtemps regroupées en dynasties, les populations se sont farouchement
opposées à l’implantation coloniale. Le refus de l’école était total car celle-ci était perçue
comme étant une contradiction à l’Islam.
Au demeurant, ces peuples nomades, qui vivent à la frange Sud du Sahel, ont un système de
parenté complexe, à fort degré d’endogamie. Pour Eric GUIGNARD (1984), le modèle de
parenté Udalen se loge dans un mode d’échanges matrimoniaux qui s’inscrivent dans les
spirales dont la clôture se fait « au plus près », c’est-à-dire avec des cycles binaires ou
ternaires, indépendamment du type de mariage préférentiel parallèle ou croisé. Ainsi, le

43
mariage consanguin en l’occurrence entre cousin et cousine est le plus accepté dans les
familles.

3.2.2.3. Le milieu physique


Le relief de la commune de Gorom-Gorom est bâti sur une plaine de faible pente légèrement
accidenté, dominé par le système dunaire, les talwegs et les dépressions, les buttes et les
collines, les grandes zones de glacis (INSD, 2009). L’altitude moyenne de la zone est de 300
mètres. De par sa situation géographique, la commune de Gorom-Gorom est sous l’influence
d’un climat tropical de type sahélien. Ce climat est marqué par l’existence de 02 saisons : une
saison pluvieuse qui s’installe de la mi-juin à septembre et une saison sèche d’octobre a mi-
juin. Les 02 saisons sont conditionnées par 02 types de vents à savoir la mousson et
l’harmattan qui soufflent respectivement en hivernage et pendant la saison sèche.
Les ressources en eau de surface sont constituées du Gorouol (affluent du Niger) et de 02
mares. Ce sont de cours d’eau temporaires et à faible débit. La principale formation végétale
est la steppe composée d’une steppe arborée et arbustive et d’une steppe herbacée.
Plusieurs sites aurifères sont localisés dans la commune.

3.2.2.4. Caractéristiques démographiques


Selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH) de 2006, Gorom-
Gorom avait une population totale de 106 346 habitants dont 50,04% de femmes et 21 422
ménages. Mais, cette population est inégalement répartie et majoritairement rurale (environ
91,64%). La commune à l’instar des autres localités de la région présente un niveau de
fécondité assez élevé (7,1 enfants par femme selon les résultats du RGPH-2006). A
l’évidence, le potentiel d’enfants d’âge scolaire est aussi élevé. La forte natalité pourrait
s’expliquer par le faible niveau d’instruction des populations et la recrudescence des mariages
précoces tant chez les hommes que chez les femmes. En outre, les populations de Gorom-
Gorom sont en majorité musulmanes (96,8%). Le catholicisme et le protestantisme sont peu
pratiqués par la population autochtone et sont réservés aux travailleurs (publics ou privés)
étrangers qui séjournent dans la commune dans le cadre de l’exercice de leur métier.

3.2.2.5 Les activités économiques


Sur le plan économique, Gorom-Gorom tire ses ressources essentielles dans l’agriculture,
l’élevage et l’orpaillage, secteur qui prend de l’ampleur dans la localité ces dernières années.
Le pastoralisme constitue le premier secteur économique de la commune. Il concerne aussi
bien les ovins, que les caprins, mais le plus important est l’élevage bovin. Toutefois, l’élevage

44
est basé sur une exploitation intensive des ressources naturelles (pâturages) avec un recours
limité aux sous-produits agricoles et industriels. Si pendant la saison des pluies, la qualité des
pâturages est bonne, celle-ci baisse vers la fin de cette saison. Durant la saison sèche, alors
que l’eau se fait rare dans le Nord, les éleveurs migrent vers le sud (plus humide) où les
animaux peuvent brouter les résidus de cultures dans les parcelles récoltées et l’herbe restée
verte dans les bas-fonds.

En dehors de l’élevage, l’agriculture prend une place de plus en plus importante au sein des
activités menées par les populations, du fait de la sédentarisation des communautés.
La nature sableuse des sols, fait que la culture du petit mil (Pennisetumglaucum) et du niébé
(Vignaunguiculata) est dominante. Toutefois, le climat, la végétation et les sols sont peu
propices aux activités agricoles dans cette commune.
En plus de l’agropastoralisme, l’orpaillage et le commerce sont les activités pratiquées
secondairement par les populations de Gorom-Gorom.

L’exploitation traditionnelle de l’or est un peu répandue dans la commune. La pauvreté des
ménages entraine le recours à l'orpaillage comme source de revenus. Bien qu’il soit délicat
d'établir des statistiques fiables sur une activité largement informelle et souvent occasionnelle,
il est probable qu’aujourd’hui plusieurs milliers de personnes de la commune de Gorom-
Gorom dont des élèves du primaire soient directement et régulièrement impliqués dans cette
activité à travers la région. Les sites d’exploitation artisanale de l’or sont localisés dans les
villages de Gayegou, de Pétabarabé, de Baliata, de Kouwa et de Gosey.

Le secteur industriel connait un regain d’intérêt avec l’installation de la mine d’or d’Essakane.
L’industrie extractive constitue aujourd’hui le secteur qui bénéficie d’investissements
conséquents. Elle est située à cheval entre les communes de Falangountou et de Gorom-
Gorom et est considérée comme le plus grand projet minier au Burkina Faso avec près de 408
milliards de F CFA d’investissement total en 2012 (PCD Gorom-Gorom, 2014)). Cette mine
d’or occupe une part belle dans les financements de projets pour le développement de la
commune.

3.3. LA POPULATION D’ENQUETE

La consultation des acteurs de terrain est indispensable dans toute recherche en sciences
humaines. Comme le mentionne VAN DER MAREN, (1996 :7),

45
« En sciences humaines, le chercheur seul ne peut rien. Ce sont les acteurs qui lui livrent
sa matière première. En tant qu’organisateur de sens, le chercheur n’est souvent en
réalité que l’interprète, le traducteur des significations dont les premiers auteurs sont les
acteurs du terrain ».

Afin de saisir la quintessence de notre objet d’étude, nous avons mené une enquête auprès des
populations, notamment les acteurs intervenant dans le domaine de l’éducation. Notre
population d’étude est diversifiée et touche deux catégories de personnes.

 La population cible
Elle regroupe les parents d’élèves premiers concernés par l’enquête, les responsables des
structures associatives des parents d’élèves (Présidents APE, AME, COGES), les enseignants
(les directeurs d’école et adjoints) et les déscolarisés. Ces différentes personnes qui sont les
premiers concernés par l’étude sont mieux indiquées pour nous fournir des informations utiles
sur la situation de la scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom.

 Les personnes ressources


Ce sont les leaders d’opinion, les autorités administratives et les responsables des structures
déconcentrées du MENA que sont le Directeur Provincial de l’Education Nationale (DPENA)
de l’Oudalan et les encadreurs pédagogiques. Ces différents acteurs sont les maillons clés de
la mise en œuvre des politiques éducatives et de la planification d’actions pour l’éducation
pour tous. Au demeurant, ils sont mieux outillés sur les questions éducatives. Leur implication
dans l’enquête est plus qu’une nécessité si nous voulons disposer d’informations de qualité
sur le sujet de recherche.
Mais comment allons-nous choisir les enquêtés dans chaque catégorie de la population ?

3.4. TECHNIQUE D’ECHANTILLONNAGE ET ECHANTILLON


Dans la perspective qualitative, la représentativité de l’échantillon tient moins du volume
statistique mais plus du respect de l’hétérogénéité et de la diversité de la composition de
l’échantillon. La technique d’échantillonnage par choix raisonné de type non probabiliste est
celle que nous avions privilégiée. Cette technique offre l’opportunité d’une triangulation et
répond au principe du respect de la diversité maximale des catégories sociales. En effet,
comme nous l’enseignent Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT (1995 : 163),
dans le cas où le chercheur envisage former son échantillon dans l’étude qualitative,

46
« Le critère de sélection de ces personnes est généralement la diversité maximale des
profils en regard du problème étudié. (…) Le critère qui permet de dire qu’on a fait le
tour des cas de figure est celui de la redondance ».

Ainsi, aucun nombre n’a été retenu à l’avance pour l’enquête. Le nombre exact des personnes
enquêtées est acquis sur le terrain à la faveur de la double exigence de la diversité maximale
et de la saturation de l’information.

3.5. COMPOSITION DES ENQUETES


Nous avons donc tenu compte de la diversité des acteurs dans le choix des enquêtés. De ce
fait, nous avons pu recueillir les avis des parents, des enseignants, des leaders d’opinions, des
responsables de l’administration et des structures de l’éducation sur la scolarisation dans la
commune de Gorom-Gorom. Chaque acteur a un rôle spécifique dans la chaîne éducative,
mais globalement tous participent à la scolarisation et au maintien des élèves dans le système
éducatif.
Pour les parents, ceux enquêtés proviennent surtout des villages où les réticences à l'égard de
l'école sont très nettes. Chez les enseignants deux critères de sélection ont été retenus :
disposer d’une ancienneté d’au moins trois (03) ans dans la commune et être dans une école à
faible niveau de scolarisation. Seize (16) villages ont été visités au cours de l’enquête. Ce
sont : Alliakoum, Tintabora, N’darga, Bidi, Tiofolboye, Kelguef, Gosey, Bibargui, GagaraI,
OuroHesso, Baliata, Tchiro-Hari, Gountouré, Pétabarabé, Féterdé, Débéré-Nangué. Il faut
signaler que trois des villages susmentionnés abritent des sites d’exploitation artisanale de
l’or. Ce sont : Baliata, Gosey et Pétabarabé

Au niveau des parents, dix-sept (17) ont été enquêtés et parmi eux cinq (05) sont des
responsables des structures associatives (APE, AME, COGES). Dix (10) enseignants dont six
(06) directeurs d’école et quatre (04) adjoints ont été également interrogés.
Du côté des leaders d’opinion, nous avons enquêtés l’Imam de la mosquée des Sunnites de
Gorom (01), la coordonnatrice des associations féminines de la commune de Gorom (01).
Au niveau des responsables de l’Administration et des structures éducatives, nous avons pu
nous entretenir avec le (01) Directeur provincial de l’Education Nationale et de
l’Alphabétisation de l’Oudalan (DPENA), le (01) Président de la Délégation Spéciale (PDS)
de la commune de Gorom-Gorom et les Chefs de Circonscription d’Education de Base
(CCEB) de Gorom II et de Gorom III.
Nous nous sommes entretenus également avec quatre (04) déscolarisés soit deux (02) garçons
et deux (02) filles. Ces derniers nous ont donné les motifs de leur abandon précoce de l’école.

47
Au total, nos informateurs sont au nombre de trente-six personnes interrogées
individuellement. La faible représentation du sexe féminin (11/36) s’explique principalement
par le faible nombre de femmes dans les postes de décisions et dans les écoles retenues pour
l’enquête.

Tableau 4: Répartition des personnes enquêtées selon le statut

Fonction de l’enquêté Nombre


H F T
Directeurs d’école 04 01 5
Adjoints 02 02 04
Parents d’élèves 08 04 12
Présidents COGES 02 00 02
Présidents APE 02 00 02
Présidentes AME 00 01 01
Chefs de Circonscription 02 00 02
Président de Délégation Spéciale 01 00 01
DPENA 01 00 01
Leaders d’opinion 01 01 02
Déscolarisés 02 02 04
Total 25 11 36

3.6. OUTILS ET TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES

La revue documentaire, l’observation et l’entretien sont les outils que nous avons privilégiés
dans ce travail.

3.6.1 La revue documentaire

C’est une technique que nous avons utilisée en partie dans la recherche et qui a énormément
contribuée à l’assise théorique de notre travail. Cette technique selon Madeleine GRAWITZ
(1979) comporte deux étapes :
Elle consiste dans une première étape a un relevé systématique du milieu en faisant une
recherche d’informations en fonction des différentes sources qui sont entre autres des
monographies publiées, les fichiers de la démographie et des statistiques, les documents
réalisés et publiés au sujet du thème de recherche.
La deuxième étape consiste en une décomposition du contenu de l’information obtenue
comme par exemple l’étude comparative des données entre les diverses sources.

48
Les documents consultés portent principalement sur les réformes éducatives, les travaux sur la
situation de la scolarisation au Burkina Faso, les statistiques au niveau de l’enseignement
primaire, et les approches sur les inégalités des chances en éducation.

Mais la revue documentaire en elle seule nous paraît insuffisante pour cerner le problème.
L’enquête de terrain est indispensable et nous avons choisi l’observation directe et les
entretiens comme instruments de collecte des informations auprès des acteurs.

3.6.2 L’observation directe


L’observation directe des phénomènes sociaux est d’origine positiviste et Durkheimienne. En
postulant que les faits sociaux doivent être traités comme des choses, Durkheim (1999),
invitait les sociologues à éviter les aprioris et à s’intéresser directement aux acteurs sociaux
eux-mêmes, objet de leur discipline. Comme nous l’enseigne ARNAUD (1969),
« L’observation des faits est la seule base solide des connaissances humaines. (…)
Envisageant toujours les faits sociaux non comme des sujets d’admiration ou de
critique, mais comme des sujets d’observation, elle (la science sociale), s’occupe
uniquement d’établir leurs relations mutuelles »14.

De ce fait, l’observation directe nous donne l’opportunité de faire une vérification immédiate
de la pertinence des propos avec la réalité vécue. En tant qu’instrument qui aide à répondre
aux questions sur le fait social étudié, elle ne vise pas la construction autonome de savoirs,
mais plutôt la prise d’information en vue de vérifier ou de compléter des données collectées
en entretien. Dans notre travail, l’opérationnalisation de cet outil se fera à l’aide d’une grille
d’observation.

3.6.3 L’entretien semi-directif

L’entretien se veut un outil pratique de collecte des données, dans la mesure où il permet aux
enquêtés de s’exprimer le plus librement possible sur un certain nombre de thèmes en rapport
avec le sujet d’étude. C’est ce qui justifie son choix, notamment l’entretien individuel de type
semi-directif. Cette approche, du fait de son caractère participatif, permet d’ouvrir le débat en
faisant de sorte que l’interlocuteur ne se sente pas enfermé dans l’enquête. Des interactions
discursives entre nous enquêteur et l’enquêté, sortiront des informations enrichissantes pour
l’étude. Pour ce faire, un guide d’entretien est conçu à cet effet et comportera des questions
ouvertes. Les thématiques à aborder porteront principalement sur la situation de la

14
Cité par GRAWITZ Madeleine, 1974, p.76

49
scolarisation dans la commune, les déterminants du faible niveau de scolarisation, les causes
des déperditions scolaires et les stratégies pour améliorer l’accès à l’école et le maintien. De
façon progressive, chaque interviewé a eu la latitude de se prononcer sur les questions que
nous lui avons administrées. Les entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone et
transcrits par la suite et cela dans le souci d’obtenir l’intégralité du discours des informateurs.

Tableau 5 : Récapitulatif des acteurs interrogés et les différentes thématiques abordées

Informations Appréciation de Déterminants Déterminants Rapport à Dispositifs


la situation de la du faible des l’école des pour l’accès
Acteurs scolarisation niveau de déperditions parents et et le maintien
scolarisation scolaires élèves à l’école

Autorités X X X X X
Administratives

Responsables déconcentrés X X X X X
du MENA

Encadreurs pédagogiques X X X X X

Enseignants (directeurs et X X X X X
adjoints)

Responsables des structures X X X X X


associatives APE, AME,
COCES)

Parents d’élèves X X X X X

Leaders d’opinion X X X X X

Déscolarisés X X X

3.7. VALIDATION DES OUTILS D’ENQUETE

Nous avons utilisé principalement deux procédés pour la validation de nos outils de collecte
des données à savoir la méthode des juges et le pré-test.
Dans un premier temps, les guides d’entretien ont été soumis à l’appréciation des camarades
de classes de Master II de sociologie et à mon Directeur de mémoire. Cette technique que
nous désignons par « méthode des juges », nous a permis d’avoir l’avis de ces personnes sur
la qualité de nos instruments d’enquête.

50
Dans un second temps, nous avons testé ces outils avec un groupe réduit pour s’assurer de
leur validité. Les guides d’entretiens ont été essayés auprès de deux (02) parents d’élèves,
d’un (01) enseignant, d’un (01) directeur d’école de la CEB de Gorom-Gorom II et d’un (01)
Conseiller Pédagogique Itinérant (CPI) de la CEB de Gorom-Gorom I.

Ces différents exercices nous ont permis d'éliminer les biais liés à la compréhension des
items, d’éliminer certaines questions de trop pour l’enquête et d’intégrer d’autres plus
pertinentes. Autrement dit, ces opérations ont favorisé le recadrage des outils ainsi que leur
perfectionnement.

3.8 STRATEGIES D’ANALYSE DES DONNEES

3.8.1 Modèle théorique


Le choix d’un modèle théorique de référence est conditionné par son opérationnalité dans
l’explication d’une réalité sociale, mais également par les objectifs définis par le chercheur.
Les données de la présente étude seront analysées dans une perspective compréhensive, celle
de la sociologie Wébérienne. La démarche compréhensive de Max WEBER est une approche
dans laquelle le chercheur s’efforce de reconstruire le sens que les acteurs assignent
subjectivement à leurs actions. Elle peut être comprise comme une démarche en trois étapes à
savoir la compréhension, l’interprétation et l’explication du fait social (FLEURY, 2001). Pour
Max WEBER, avec la méthode compréhensive, le sociologue contrairement à ce que fera
DURKHEIM, ne considère plus les phénomènes sociaux comme une expression simple de
l’influence des causes extérieures qui s’imposent aux hommes, mais au contraire comme le
produit de décisions prises par les individus qui donnent eux-mêmes un sens à leurs actions.
La sociologie compréhensive permet alors d’expliquer un phénomène social à partir des
intentions et des mobiles des acteurs impliqués. Rappelons que pour Max WEBER et ses
disciples, comprendre ("verstehen"),
« c’est saisir de la manière la plus objective qui soit, et en les rapportant aux causes
les plus vraisemblables de leur production, les relations significatives que les
individus établissent, en tant qu’acteurs sociaux, entre leurs conditions d’existence et
les actions qu’ils accomplissent, en vue de réaliser les fins qui leur apparaissent plus
ou moins clairement » (Claude JAVEAU, 1997 : 74).

La prise en compte de la signification et de l’expérience individuelle est alors au cœur de la


posture compréhensive. Aussi, la méthode Wébérienne a une ambition analytique et
généralisant. Ce n’est pas l’individu singulier qu’elle vise, c’est l’acteur dans les contraintes

51
de sa situation, ou bien entendu que les intentions des autres acteurs ont la plus grande
importance.
En outre, dans la sociologie Wébérienne, le complément logique et nécessaire à la démarche
compréhensive est l’analyse causale. Pour Max WEBER, le but de la sociologie est
de comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son
déroulement et ses effets. En effet, Michel LALLEMENT (1993 : 90), nous rappelle que :

« Restituer le sens immanent à une action ne saurait suffire, il est important de mettre
à jour les enchainements entre les phénomènes. Expliquer consiste alors à percevoir
l’effet d’une action A sur une action B, à lier les actions causales par des chaines de
causalités ».

Aussi la posture compréhensive présente-t-elle l’avantage d’allier plusieurs approches


théoriques pour fournir une explication du fait social, notamment l’individualisme
méthodologique de Raymond BOUDON et dans une certaine mesure la sociologie de
l’habitus de Pierre BOURDIEU. En effet, les acteurs sociaux développent des choix et des
comportements dictés par leurs motivations personnelles et par l’habitus communautaire.
Cela nous amène à établir des relations de causalité entre les perceptions, les attentes que les
parents et les élèves ont de l’école et les difficultés pour réaliser une école de qualité dans la
commune de Gorom-Gorom.

3.8.2 Technique d’analyse des données


Nous avons fait recours à l’analyse des contenus, pour appréhender la substance des résultats
des entretiens. Comme nous le précisent Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT
(1995 : 230),
« la place de l’analyse de contenu est de plus en plus grande dans la recherche
sociale, notamment parce qu’elle offre la possibilité de traiter de manière méthodique
des informations et des témoignages qui présentent un certain degré de profondeur et
de complexité, comme par exemple les rapports d’entretiens semi-directifs. (…) Cette
technique permet lorsqu’elle porte sur un matériau riche et pénétrant, de satisfaire
harmonieusement aux exigences de la rigueur méthodologique et de la profondeur
inventive qui ne sont pas toujours conciliables ».

Cette technique donne l’opportunité de repérer des unités sémantiques qui constituent
l’univers des énoncés et de les rassembler à l’intérieur des catégories à des fins
d’interprétation. Dans cette logique, après la transcription des entretiens, nous avons suivi
deux (02) phases essentielles dans l’analyse : la catégorisation et l’interprétation.

52
La catégorisation consiste à segmenter les opinions en rubriques significatives qui
rassemblent des éléments de même nature, de même ordre ou du même registre. C’est l’étape
de la thématisation. Après plusieurs lectures des contenus des extraits de corpus mentionnés
dans les fiches d’enquêtes ou retranscrites, les différentes informations ont été regroupées
dans des thèmes qui s’imposent. Et au fur et à mesure que nous avançons dans l’analyse,
certains thèmes disparaissent au profit d’autres ou se fusionnent. Cette catégorisation nous a
permis d’aborder l’analyse proprement dite des résultats des entretiens.
L’interprétation des données, intervenue après la catégorisation, nous a permis de déboucher
sur une discussion constructive. Une étude minutieuse des données répertoriées dans chaque
thème et leur confrontation les unes des autres ont donné du sens aux opinions exprimées.

3.9 DIFFICULTES DE L’ETUDE

Notre enquête de terrain proprement dite s’est déroulée dans la commune de Gorom-Gorom
du 16 Septembre au 10 octobre 2015. Dans la conduite du travail nous avons rencontré des
difficultés dont quelques-unes méritent d’être soulignées :

La première a été l’exploitation de la documentation pour l’assise théorique du travail. Bien


que cette recherche ne soit pas la toute première pour nous, nous n’avons pas pu échapper au
piège de la gloutonnerie livresque que mettaient en garde Raymond QUIVY et Luc Van
CAMPENHOUDT (2006) à l’adresse de toute personne voulant s’investir dans la recherche.
Ainsi, nous avons eu plusieurs documents sur l’éducation qui nous ont donné du fil à retordre
quant à leur organisation et à leur exploitation judicieuse.

La deuxième difficulté a été la réalisation des entretiens auprès des parents. La sociologie se
faisant sur pied, c’est à l’enquêté d’aller à la rencontre des informateurs, surtout lorsque
l’étude s’inscrit dans une démarche qualitative. La difficulté linguistique s’est posée du fait
que nous ne parlons pas les langues du milieu (fulfulde, Sonrhaï et Tamachèque) et les parents
pour la plupart ne comprennent pas français. Nous avons dû faire appel aux services
d’enseignants qui maîtrisent ses langues ou de personnes scolarisées dans les villages pour
pouvoir échanger avec les parents retenus pour l’enquête.

La troisième difficulté non des moindres a été l’analyse et l’interprétation des résultats
obtenus de l’enquête. La sociologie est compliquée en ce sens que le sociologue doit lutter
contre les préjugés de son enquête et contre lui-même ses propres préjugés (Pierre
BOURDIEU et al 1983). Cette double rupture paraît davantage complexe dans la mesure où le

53
chercheur non averti risque de prendre ses propres représentations pour des réalités sociales, il
risque même de tomber dans les travers aprioriques. Aussi, le traitement des données ayant
été manuel, cette étape nous a énormément pris du temps.

54
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION ET


ANALYSE DES RESULTATS

55
CHAPITRE IV : REPRESENTATIONS SOCIALES DE L’ECOLE
ETSCOLARISATION DANS LA COMMUNE DE GOROM

Dans ce chapitre, il s’agira pour nous d’identifier et d’analyser les facteurs explicatifs des
faibles effectifs scolaires dans les écoles de la commune de Gorom-Gorom. De l’analyse des
données collectées, il ressort que les représentations sociales de l’école, plus exactement les
perceptions que les populations ont de l’école, constituent un frein à la scolarisation des
enfants dans la commune de Gorom-Gorom.

4.1 LA PERCEPTION DE L’ECOLE PAR LES POPULATIONS

Selon les parents interrogés, amener son enfant à l’école c’est l’amener dans un autre monde
loin de ses réalités. Les propos de ces parents d’élèves en sont illustratifs :

« Chez nous les peulh, l’élevage est notre trait distinctif. Si nous envoyons tous nos
enfants à l’école cette pratique va prendre un coup. C’est cette peur qui fait que
beaucoup d’entre nous sont réfractaires à la scolarisation, bien que l’école soit
proche de nos concessions » (parent d’élève du village de Gosey, entretien du 8
octobre 2015).

« Nous ne refusons pas l’école. Seulement, nous sommes très mobiles pendant la
période scolaire du fait de la transhumance. Il est très difficile de concilier élevage et
école. D’ailleurs, nombreux sont les enfants que nous avons scolarisés qui ne sont
malheureusement pas allés loin dans les études et qui de surcroît refusent la garde du
troupeau » (Parent d’élève du village de Baliata, entretien du 10 octobre 2015).

Ce discours des parents sur l’école laisse entrevoir une incertitude voire une méfiance vis-à-
vis de cette institution.

Les enseignants eux s’accordent avec les encadreurs et les responsables de l’administration
sur le fait que les parents se font une mauvaise image de l’école classique en alléguant la
raison qu’il est en déphasage avec leur tradition. L’image négative de l’école conduisant à son
refus par les parents ressort également des entretiens avec les Chefs de Circonscription de
Gorom-Gorom II et de Gorom-Gorom III. Ces encadreurs pédagogiques signalent dans leurs
discours que pour beaucoup de parents, l'école conduit inéluctablement à la décadence des
valeurs liées à la culture traditionnelle. Ils précisent que les parents se disent choqués par le
comportement des enfants ayant fréquenté l'école classique. Les parents sont formatés dans la
logique selon laquelle l’école apprend aux enfants à rompre avec la tradition, à renier une fois
pour toutes leur culture, le savoir ancestral. Ce qui les confortent dans leurs positions est

56
qu’ils voient des enfants scolarisés, ayant réussi ou non, qui n'ont plus envie de suivre les
troupeaux ou de cultiver les champs.

Il y a malheureusement aussi une sorte d’instrumentalisation des enfants pour les amener eux-
aussi à refuser l’école. En effet, comme le constate un parent d’élève du village d’Alliakoum
« certains parents vont jusqu’à dire aux enfants que celui qui fait l’école classique va en enfer
après sa mort » (Entretien du 9 octobre 2015).
L’avis du Directeur Provincial de l’éducation Nationale et de l’alphabétisation (DPENA) de
l’Oudalan sur les causes du faible niveau de scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom
dépeint clairement la représentation négative de l’école évoquée par les enseignants et les
encadreurs pédagogiques. Pour ce dernier, les causes du refus de l’école dans la commune de
Gorom-Gorom tout comme dans les autres localités de la province est profonde.

De son avis,

« Le problème de l’éducation ne réside pas au niveau des infrastructures. Les


populations ne veulent pas du type d’école qu’on leur propose. L’école classique dite
structurée, née à partir de la colonisation apparait comme une source d’acculturation
venant de l’ikoufa15. La vision de l’école du blanc transmise au fil des générations est
qu’elle est un lieu de perdition et qu’il faille la combattre à tout prix. Gorom-Gorom
fait partie du bloc sahélo-sahélien fortement islamisé. Depuis l’arrivée de l’école, il y
a une sorte de résistance passive contre elle et les ténors sont les grands marabouts,
personnes très écoutées dans les milieux populaires. L’image négative de l’école est à
l’origine de son refus catégorique par certains parents, lequel refus est interné dans le
subconscient ». (Propos du DPENA de l’Oudalan, entretien du 20 septembre 2015).

Les responsables des structures associatives des parents d’élèves (APE, AME, COGES) et les
leaders d’opinions évoquent également le fait que de nombreux parents dans les villages
approuvent cette vision selon laquelle l’école inculque des valeurs occidentales qui sont
contraires aux valeurs culturelles et constitue de ce fait un outil de déculturation. La
scolarisation de la fille est encore plus inacceptable à en croire cette présidente AME qui
déclare :

« L'école représente aux yeux des parents une véritable porte de débauche pour la fille
qui est prédisposée à piquer une grossesse, ce qui constitue une honte pour la famille ;
ou encore après ses études ne sera plus mariable puisqu’elle va refuser le régime
endogamique longtemps entretenu dans les familles » (Présidente AME de l’école de
Tintabora, entretien du 18 septembre 2015)

15
Ikoufa c’est le surnom que les bellas ont donné au blanc et qui désigne le mécréant en tchamachèque

57
L'école classique dite moderne trouve difficilement sa place dans un tel contexte, où la
sauvegarde des traditions et des valeurs est très tenace, bien ancrée dans les mentalités.
Formatés selon l’habitus communautaire, notion chère à Pierre BOURDIEU (1970),
beaucoup de parents restent convaincus que le savoir de l’école classique ne socialise pas
l’individu mais plutôt l’isole de la société. Or, tout membre de la société est appelé à vivre en
bon musulman suivant les lois du coran et doit être promoteur des valeurs culturelles léguées
par les ancêtres. Pour éviter cette transformation jugée incommode de l’école du « blanc », la
seule alternative c’est de refuser l’école par tous les moyens, plus concrètement ne pas y
envoyer les enfants qui sont facilement maniables.

4.2 L’INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES SUR LA


SCOLARISATION

Dans les mentalités de certains parents, l’école s’inscrit en faux par rapport aux valeurs socio-
culturelles du milieu. Ils croient à une dépravation des mœurs au niveau de l’école en rapport
aux valeurs du milieu. Accepter l’école des enfants c’est aller à l’encontre de la religion
musulmane, c’est mettre fin aux mariages précoces et au mode de vie nomade. Ce qui est
inadmissible et même vu comme une perte de l’identité culturelle pour les parents.

4.2.1 L’impact de l’islam sur la scolarisation et l’attirance pour l’école coranique

L’influence négative de la religion musulmane sur la scolarisation des enfants est évoquée par
tous nos informateurs. L’école classique est refusée dès son implantation à l’époque
coloniale. Elle est rejetée par une bonne partie des populations fortement islamisées qui l’ont
vite liée au christianisme. L’école coloniale, pilotée pendant un bout de temps par les
missionnaires blancs venus apporter la bonne nouvelle dans les territoires dits d’outre-mer est
d’ailleurs perçue comme une contradiction à l’islam. La preuve est que cette école qui gagnait
du terrain par le forcing des populations par les colons, faisait fi de l’islam. Or l’éducation
religieuse compte beaucoup pour les parents, constate un président COGES qui stipule :

« Pour certains parents, l’homme doit se comporter suivant les prescriptions de


l’islam. Pour garder les enfants croyants il faut les envoyer dans les foyers coraniques
ou à l’école franco-arabe. Ce sont ces types d’école que beaucoup de parents
préfèrent pour leurs enfants. Cela freine la promotion de l’école dite classique. »
(Entretien du 10 octobre 2015 avec le président COGES de l’école de Bibargui).

En outre, comme l’école classique n’intègre pas l’enseignement religieux notamment l’islam
dans son programme, les enfants sont envoyés dans les écoles coraniques, franco-arabes ou
58
médersas qui tiennent compte de cet aspect. L’école coranique16 de l’enfant, qui veut que ce
dernier travaille au service de ses parents et qu’il garde sa culture d’origine, a une importance
primordiale (Haoua BARRY, 2006). Un parent d’élève du village de Gountoré justifie cette
attirance des parents pour l’école coranique en ces termes :

« La plupart de nos enfants qui sont allés à l’école n’ont jamais été récupérés pour la
religion musulmane. De ce fait, les parents ne sont plus prêts à assister au reniement
de leurs valeurs. La préférence est alors d’envoyer les enfants à l’école coranique
pour qu’ils ne se perdent pas ». (Entretien du 18 septembre 2015)

La fréquentation de l'école coranique répond donc à une nécessité sociale à savoir


l’intégration de l’enfant dans la communauté villageoise.

4.2.2 Les mariages précoces et/ou forcés


Parlant de mariage l’on voit d’emblée les filles. Le refus d'inscrire les filles à l'école est
fortement lié à la survivance de ce phénomène culturel. Dans notre zone d’étude, les enquêtés
estiment que les mariages interviennent de façon précoce souvent forcée chez la jeune fille.
Dans cette dynamique, inutile de l’envoyer à l’école puisqu’elle ne peut y rester longtemps.
Selon la coordonnatrice des associations féminines de l’Oudalan, nombreux sont les parents
qui estiment que la fille doit se marier à bas âge (12ans-15ans) et la scolariser constituerait
un frein à ce construit social. Pour ce faire, elle doit rester auprès de sa mère pour être
préparée au mariage. Cependant elle ajoute que ce choix des parents s’explique en partie par
la peur des parents de grossesses prématurées en envoyant leur fille à l’école. En milieu peulh
surtout, si cela survenait, c’est une honte pour sa famille. Ce commentaire de ce leader
féminin est partagé par des parents, les encadreurs pédagogiques et des enseignants. Comme
le mentionne le CCEB de Gorom II, dans la mentalité collective :
« La jeune fille n’a pas le même statut social que le garçon. Sa place demeure dans le
foyer. Comme l’école est vue par certains parents comme un facteur de déculturation,
ces derniers trouvent que pour éviter que la fille déshonore la famille par une
éventuelle grossesse, mieux vaut la garder à la maison et la marier très tôt ».
(Entretien du 17 septembre 2015)

Les propos de ce parent d’élève corroborent cet état de fait :

16
L'école coranique désigne le système éducatif non formel chargé de l'enseignement du Coran et des
préceptes de l'Islam. Cet enseignement s'organise dans des cercles d'étude privés implantés un peu
partout dans les milieux islamisés, en dehors de tout contrôle étatique. Il vise à donner une formation
indispensable à chaque disciple pour une pratique consciente et conséquente de la religion.

59
« L’envoi des filles à l’école nous cause souvent des problèmes. Nos premières filles
inscrites à l’école n’en ont pas tiré profit. Certaines sont revenues avec des grossesses
et d’autres sans mari puisqu’elles refusent de se marier avec les hommes qu’elles sont
promises. Ce qui n’encourage pas certains parents à laisser les filles terminer l’école
avant de les marier » (Entretien du 9 octobre avec un parent d’élève du village de
Tiofolboye).

Au demeurant, les jeunes garçons ne sont pas épargnés par ces mariages dits précoces. Les
directeurs d’école précisent que de leur côté, ils doivent se marier à 17ans-18ans et cela donne
un certain prestige social. De l’avis des enseignants, il n’est pas rare de voir des couples parmi
les élèves dans une école et lorsque cela se constatait le décrochage des deux n’est pas loin.
Les mariages précoces sont donc une autre réalité qui sape les efforts en éducation dans la
commune de Gorom-Gorom en l’occurrence la scolarisation et le maintien des élèves à
l’école. Le mariage endogamique est la forme la plus fréquente chez les peulhs et les bellas.
Le garçon se marie avec sa cousine germaine ou utérine. C’est ce que souligne le DPENA de
l’Oudalan qui cite :

« En milieu peulh surtout, les mariages sont souvent consanguins : chacun veut que
son neveu marie sa fille. Une fois que ces filles font l’école, il faut reconnaître qu’elles
n’obéissent plus aux conditions que leur exige la famille. Aussi, il y a un capital qui
découle du mariage qui se chiffre en bœufs : c’est la dot. Ce capital qui est vivant
puisqu’il s’accroît, est plus apprécié que celui de l’école dont le bénéfice rapporté
n’est pas immédiat et concret ». (Entretien du 20 septembre 2015)

Mais du côté des parents, il ressort que le mariage de la fille à l’âge jeune ne pas forcément lié
au calcul de la dot, mais généralement pour éviter que celle-ci ne soit une honte pour sa fille.
C’est le discours tenu par un parent d’élève du village de Gosey quand il stipule :

« C’est préférable que la fille se marie tôt. Là, ses parents connaîtront moins la honte
des grossesses non désirées ».

Du discours des différents acteurs interrogés, l’on peut déduire que c’est l’« habitus
communautaire », véhiculé de générations en générations qui entretient le refus de l’école.
Les enfants ne sont pas envoyés à l’école parce les parents tiennent à la pérennisation de
l’ordre social établi par leurs aînés. Par exemple, dans la plupart des sociétés traditionnelles,
la projection faite sur le rôle futur et la place de la petite fille se limite à faire d’elle la future
épouse occupée au foyer, soumise et maîtresse de maison. Selon DURU-BELLAT
(1994 :131), le discours des parents sur l’égalité entre sexes en matière d’éducation et de
formation « s’inscrit dans le cadre d’une division des rôles dans la famille qui est très
rarement remis en cause, et dont les parents eux-mêmes sont des modèles».Les populations

60
dans leur grande majorité n’ont pas foi à l’école classique qui ne promeut pas les valeurs
socio-culturelles du milieu comme le mariage consanguin. A l’évidence, dans cette logique,
aller à l’école, ne constitue pas une préoccupation pour les parents. Les enfants eux-mêmes
instrumentalisés sur l’inutilité de l’école ne s’y intéressent pas.

4.2.3 Le mode de vie nomade

Le nomadisme est aussi un véritable handicap à la scolarisation et au maintien des élèves à


l’école. Phénomène culturel, il draine un grand nombre d’enfants d’âges scolaires hors du
système éducatif. De nombreuses familles suivent les pâturages pendant la saison sèche. Les
migrations saisonnières des parents constituent un frein à la bonne fréquentation des écoles
dans certains villages. Comme le mentionne un parent d’élève dans le village de Baliata :
« La période de transhumance coïncide avec une bonne partie du calendrier scolaire.
Avec cette mobilité des familles, tous les enfants ne peuvent pas être inscrits à l’école.
Et même s’ils y vont c’est juste pour y rester un bout de temps, les parents vont les y
enlever lorsqu’ils voudront migrer ».(Entretien du 8 octobre 2015)

Aussi, les parents trouvent que l’élevage est leur raison de vivre et ne saurait être sacrifié pour
l’école des enfants, où d’ailleurs ils ne voient que leur échec social à l’horizon.

Les enseignants assistent souvent impuissamment au départ de leurs élèves avec leurs
parents. C’est le cas vécu par une enseignante de l’école de Bibargui qui déplore la situation
de migrations des enfants d’âges scolaires avec leurs parents.

« Un soir, un parent est passé me voir à domicile, il m’a dit qu’il va migrer dans une
autre zone à la recherche de l’eau pour ses animaux et que par conséquent si moi
enseignante je tiens à ce que sa fille qui est dans ma classe au CP2 reste à l’’école, la
seule alternative est que je la prenne garder chez moi. J’ai négocié avec le parent en
vain afin qu’il laisse l’enfant avec ses proches mais il m’a fait savoir que dans leurs
familles personnes ne va accepter prendre les enfants de l’autre. Quand il est parti,
son enfant n’est plus venu à l’école » (Entretien du 10 octobre 2015)

Abandonner l’école 4 à 5 mois pour suivre les parents et revenir continuer les cours est
fréquent. C’est ce que souligne le Directeur de l’école de N’Darga lors de l’entrevue.

« Sur un effectif 23 élèves au CP1 de l’année scolaire 2014-2015, dès décembre, 12


sont partis avec leurs parents à la recherche de pâturages et 9 sont revenus entre juin
et juillet. Nous ne pouvons pas les chasser, mais il serait difficile pour eux de suivre
les autres à cause du grand retard accusé » (Entretien du 7 octobre 2015)

61
La plupart des parents enquêtés reconnaissent la faible fréquentation des écoles due au
déplacement des parents. Selon eux compte tenu du manque d’eau, certaines populations sont
mobiles pendant la saison sèche et ne reviennent qu’à l’approche de l’hivernage. Des familles
entières se déplacent à la recherche d’eau et de pâturages. Et ce phénomène, de l’avis de
certains parents semble inévitable car l’élevage est leur activité principale :

« Gorom-Gorom est une zone à majorité pastorale et où le problème d’eau et de


pâturages se pose pendant la saison sèche. Or, l’élevage étant le poumon économique
de la commune, il faut comprendre que les parents vont aller à la recherche de cadre
propice à cette activité quand les marres tariront. Et comme certains parents sont en
perpétuel déplacement avec toute la famille il serait très difficile d’avoir tous les
enfants à l’école ». (Entretien du 10 octobre 2015 avec un parent d’élève, président
COGES du village de Féterdé)

Tous les acteurs interrogés constatent que beaucoup de parents nomades manifestent un refus
de l'école du fait de leur mobilité. Pour justifier leur désintérêt, ils accusent l’école d’être une
source de déculturation en ce sens qu’elle détourne les enfants de leur propre culture, des
traditions et de la religion. Certains vont jusqu’à dire que leurs ancêtres ont rejeté l’école du
« blanc » et qu’il n'est donc pas indiqué pour eux de transgresser cette règle sacrée.
Comme le mentionne un parent d’élève Bella du village de Débéré-Nanguè :

« L’école n’est pas compatible avec la pratique de l’élevage. Depuis nos ancêtres, tout
enfant doit dès le jeune âge suivre le troupeau et en fonction de la productivité, il aura
son propre troupeau. Or, s’il part à l’école, ce n’est pas évident qu’il y réussisse.
C’est pourquoi de nombreux parents restent toujours réfractaires à l’école ».
(Entretien du 10 octobre 2015).

Sous l’angle de ce refus de l’école du fait du nomadisme des populations, la scolarisation des
enfants est reléguée au second plan.

4.2.4 Le désintérêt pour le type d’école proposé : un constat unanime

L’école classique n’est pas bien accueillie dans certaines communautés. L’inadaptation de
l’école aux besoins des populations ressort aussi bien dans le discours des parents et des
enseignants, que dans les propos des encadreurs et des responsables de l’administration.
Les parents trouvent que le programme d’enseignement/apprentissage n’est pas opérationnel
dans la mesure où il n’est pas intégré aux activités du milieu notamment le secteur agro-
pastoral. Des entretiens, des parents n’ont pas manqué de souligner cela. En témoignent les
propos de deux enquêtés :

62
« Je n’apprécie pas trop ce que font les enfants à l’école. Les activités se limitent à lire et à
écrire. Savoir lire et écrire ne suffit pas pour un enfant. L’élève gagnerait s’il peut utiliser ce
qu’il a appris pour faire quelque chose. Pourtant, ce que nous constatons est que nos enfants
ressortent de l’école sans connaissances pratiques sur l’agriculture et l’élevage qui sont nos
principales activités ». (Entretien du 9 octobre 2015 avec un parent d’élève du village de
Tchiro-Hari »

« On nous a toujours dit que l’école est utile pour l’enfant et ses parents. Nous ne disons pas
non. Mais ce qui amène certains d’entre nous à ne pas croire aux bienfaits de l’école que ne
cessent de citer les enseignants et les encadreurs pédagogiques, c’est que cela n’est pas
perceptible à travers les premiers enfants scolarisés. Beaucoup d’entre eux n’ont pas pu tirer
profit de l’école. Ils sont revenus s’asseoir auprès de leurs parents et sans activités, ce qui
n’encouragent pas les parents à y envoyer les petits frères ». (Entretien du 9 octobre avec un
parent d’élève, Président APE du village de Gagara I)

Ces discours tenus par les parents traduisent leur méfiance en l’école sous prétexte qu’elle
n’est pas adaptée. Une école intégrée est celle résolument ouverte aux problèmes du monde
rural et qui tient compte des besoins et de l’intérêt de l’apprenant.
« Elle doit s’attacher non à renforcer un paquet de connaissances dans les esprits,
mais à créer une nouvelle connaissance des problèmes vitaux du monde ambiant. Elle
doit partir des besoins et des aspirations de la société et ouverte au développement de
la planification économique et sociale » (Jean-Marc ELA, 1971 : 49).

Autrement dit, l’école pour avoir du crédit du côté des populations bénéficiaires doit être
intégrée au milieu. Pourtant, l’école classique est décriée par les parents. Il se pose alors le
problème de la pertinence sociale des contenus de formation proposés. Lorsque nous avons
demandé aux parents le type d’école qu’ils souhaitaient, la majorité préfère l’école franco-
arabe à l’école classique :

« L’école franco-arabe convient aux enfants parce qu’on y apprend l’arabe et


également le français. La langue française est une langue de communication, une
langue d’ouverture au monde et un tremplin pour obtenir un emploi alors que l’arabe
c’est pour la pratique de la religion musulmane. Si les écoles franco-arabes étaient
vulgarisées dans notre commune, vous verrez un engouement vers ces écoles et le
nombre d’enfants dans les foyers coraniques va diminuer » (Entretien avec la
présidente AME du village de Alliakoum, le 8 octobre 2015).

Ce commentaire de ce parent confirme le désintérêt de nombreux parents pour l’école


classique qui leur est proposée. L’attirance pour l’école franco-arabe pourrait se justifier
essentiellement par la possibilité pour les enfants d’apprendre le coran dans cette institution

63
qui lui accorde une place de choix. Ce qui signifie que l’enseignement religieux est capital
pour la bonne marche de l’école dans notre milieu d’étude

Ainsi, beaucoup de parents n’adhèrent pas au programme scolaire actuel. L’école doit pouvoir
permettre aux sortants de disposer d’un certain nombre d’habiletés en rapport avec les
activités de subsistance au niveau local en vue d’accroître le rendement et réduire la pauvreté.
L’école doit pouvoir faire des sortants de son institution des agents avertis des problèmes qui
minent la vie sociale et aptes à participer au développement local. Si tel n’est pas le cas, les
populations se méfieront toujours d’elle. L’école ne doit pas se contenter de cours théoriques,
elle doit s’atteler surtout à une formation aux innovations pour la promotion de l’existant
notamment les activités professionnelles et à la promotion culturelle. L’offre éducative serait
plus attrayante si l’apprentissage au-delà du verbalisme privilégie la « mesure 17
» (Guy
BELLONCLE, 1984). L’école si elle n’est pas intégrée aux réalités locales et si elle n’offre
pas l’opportunité d’un apprentissage exploitable dans la vie active, accueillera toujours moins
d’adeptes. Malheureusement, celle actuelle dote des savoirs théoriques et non des
compétences. De ce fait, l’apprentissage n’est pas fonctionnel dans la vie en communauté et
beaucoup de parents préfèrent envoyer leurs enfants dans les foyers coraniques.

Par ailleurs, avec la pression sociale, les apprenants eux-mêmes finissent par admettre que
l’école n’est pas utile. C’est ce que nous pouvons déduire des propos d’un déscolarisé qui
cite :

« A la rentrée, les maîtres nous ont demandé de payer quelques cahiers pour le
démarrage des cours. Lorsque j’ai informé mon père il m’a dit d’aller voir le
président APE parce que c’est lui qui est venu avec le Directeur m’inscrire et il a
ajouté qu’il sait que je ne peux pas réussir en allant m’asseoir sur les bancs de
l’école. Moi-même j’ai vu des frères dans d’autres familles qui ont eu le CEP, mais ils
sont revenus s’asseoir à la maison et sans un seul bœuf. J’ai préféré alors quitter
l’école au CE2 parce qu’elle n’apporte rien ; actuellement j’ai huit (08) bœufs ».
(Déscolarisé de 21 ans dans le village de Gosey, entretien du 9 octobre 2015)

De l’avis de la majorité des informateurs, tant que les programmes d’études ne seraient pas
revus, et orientés surtout vers l’élevage, l’agriculture et l’apprentissage du coran, tous les
efforts en matière d’éducation resteront vains dans la commune de Gorom-Gorom et par
extrapolation sur toute la région du Sahel. Les inspecteurs de l’enseignement du premier
degré enquêtés soulignent que lors des rencontres avec les parents, ces derniers ne manquent

17
La notion de mesure selon Guy BELLONCLE renvoie au savoir-faire, aux travaux pratiques
64
pas de traduire leur insatisfaction de l’école actuelle l’accusant de ne pas répondre à leurs
besoins. C’est dire que quand l’enfant est scolarisé, même s’il échoue, « il ne veut même plus
sentir ce que eux ils font, il fuit les activités quotidiennes comme aller abreuver les animaux,
travailler dans les champs », stipule un parent d’élève du village de N’Darga. (Entretien du 6
octobre 2015).

Cette position de déception de certains parents en l’école du fait de son inefficacité externe,
nous amène à convenir avec Abdoulaye OUEDRAOGO, (2007) que l’histoire ou la trajectoire
épistémique, identitaire, ou sociale du participant peut influencer sa perception du contenu de
la formation. Les intérêts et les besoins des populations doivent être pris en compte dans le
programme d’apprentissage. En effet, la participation active des parents dans la vie de l’école
commence par leur implication effective dans l’élaboration des contenus de formation. Pour
cela, les populations doivent être au préalable consultées, en vue de savoir ce qu’elles désirent
que leurs enfants apprennent, d’où la nécessité de « mener un diagnostic communautaire
avant l’ouverture des écoles » Guy BELLONCLE (1984 :187). Partant, le programme
commun pour tous les enfants du pays qui viennent de milieux différents est à l’origine du
refus de l’école dans certaines localités. Le programme d’enseignement doit être intégré à
chaque milieu.
Le contenu de l’enseignement influence donc la propension des parents à envoyer les enfants
à l’école (Etienne GERARD, 1995). En fait, le programme d’enseignement/apprentissage
proposé par l’école classique n’a pas respecté le continuum naturel. Chaque zone à sa
spécificité et vouloir proposer un contenu unique pour tous c’est enfreindre au droit
d’autodétermination. Tant que le programme d’études ne tiendra pas compte des besoins de la
société il restera voué à l’échec. Et c’est ce qui traduit tout le désintérêt des parents et des
élèves pour l’école classique. Au demeurant, le type d’école proposé est aux antipodes de leur
type d’économie. Gorom-Gorom à l’instar des autres localités de la région du Sahel étant une
zone pastorale, son économie est basée sur le bétail.

4.2.5 Le recrutement des élèves du CP1 dans la commune de Gorom : un parcours de


combattant

Les enseignants, en l’occurrence les directeurs d’école estiment qu’ils rencontrent de


sérieuses difficultés pour le recrutement des nouveaux élèves du CP1. Des interviews avec les
enseignants, ceux-ci n’ont pas manqué de signaler que la stratégie de "porte à porte" est la
forme de recrutement la plus fréquente. Les enseignants, accompagnés par les présidents

65
COGES et APE, se déplacent dans les familles pour recruter les nouveaux élèves pour le CP1,
sinon les parents ne viendront pas volontiers. Là encore, plusieurs stratagèmes sont
développés par certains parents pour échapper à l’inscription de leurs enfants à l’école : le
camouflage des enfants à l’arrivée des enseignants dans la cour, faire croire que des enfants
ne jouissent pas de leurs facultés, s’en prendre aux responsables APE et COGES qui
accompagnent le Directeur pour le recrutement.
Certains parents d’élèves favorables à l’école trouvent que si ce n'est pas par la force, dans
certains villages, les écoles resteront vides. Comme le mentionne un parent d’élève de l’école
de Pétabarabé,

« La sensibilisation ne peut pas amener certains parents à amener leurs enfants à


l’école du moment où ils n’en veulent pas. Aussi, il y a des villages où les parents sont
divisés depuis l’implantation de l’école. Imaginez un village où un clan estime que
comme l’école n’est pas construite à côté de leurs concessions, aucun de leurs enfants
n’y serait inscrit, à moins que la gendarmerie ou la police n’interviennent leurs
enfants resteront toujours à la maison » (Entretien du 9 octobre 2015).

Les enseignants et les encadreurs pédagogiques, précisent que dans la commune de Gorom,
les communautés bellas et peulhs sont plus réfractaires à l’école. Ils estiment qu’au niveau du
groupe Sonrhaï, les effectifs sont satisfaisants. Le DPENA de l’Oudalan précise que cela est
dû essentiellement au fait que les peulhs et les bellas qui sont des éleveurs nomades s’auto-
suffisent, alors que les Sonrhaï, peuples d’agriculteurs sont pauvres à cause des incommodités
climatiques. Par conséquent les premiers rejettent l’école estimant qu’ils ont des bœufs pour
assurer l’héritage et les seconds l’acceptent fondant leur espoir en elle pour l’avenir de leurs
enfants. Le constat est que du moment où dans les villes le recrutement n’excède pas une
semaine, voire un seul jour où les parents pour avoir la place prennent le rang la veille et
doivent batailler dur (cas des écoles publiques à Ouagadougou), dans des villages de Gorom-
Gorom, il s’étale sur trois à quatre mois.

Face au refus catégorique de scolarisation des enfants, la convocation des parents et leur
intimidation se présentent parfois comme des moyens informels plus ou moins efficaces,
utilisés par les enseignants pour avoir les enfants dans certains villages, plus précisément ceux
issues de familles un peu distantes de l’école.
Certains enseignants ont souligné que lors des sorties de recrutement, ils sont des fois
victimes d’humiliation par les parents. Les situations vécues et commentées par deux
directeurs d’écoles sont assez illustratives.

66
« Suite aux nombreux cas d’abandons au CP1 l’année passée et après avoir interpellé
l’APE et l’AME sans succès, j’ai décidé de faire le tour du village un samedi matin
dans l’espoir de récupérer quelques élèves. Après avoir salué et introduit l’objet de
ma visite dans un ménage, le père d’un de mes élèves de CP1 me tint ce message : est-
ce que vous m’aviez vu lors du recrutement ? C’est le conseiller du village qui l’a fait
sans mon accord. Donc veuillez m’excuser Directeur ». (Directeur de l’école de
Baliata, entretien du 8 octobre 2015).

Au cours de l’enquête, nous avons trouvé dans une famille, cinq (05) enfants en âge
d’aller à l’école. Lorsque nous avons demandé aux enfants ceux qui vont à l’école, il
n’y avait que deux. Les trois autres ne sont pas scolarisés. Lorsque nous avons
demandé au chef de famille les raisons du refus d’inscrire certains enfants à l’école, il
nous a fait savoir que des trois enfants non scolarisés, un est sourd et l’autre un attardé
mental. Lorsque que nous avons discuté avec les enfants, ils sont tous normaux et
souhaitent aller à l’école. C’est là que leur papa nous déclare : « Monsieur, tous les
enfants ne peuvent pas aller à l’école. Il faut que certains restent à la maison pour
assurer les activités ménagères et suivre le troupeau ». (Propos d’un parent d’élève du
village de Tchiro-Hari, entretien du 5 octobre 2015)

Tous les responsables des structures associatives des parents interrogés proposent d’associer
les forces de l’ordre dans les recrutements et la convocation des parents des enfants qui
abandonneraient l’école. Cette méthode semble porteuse un tant soit peu, constate le Directeur
de l’école de Bidi.

« Tant qu’on laissera libre choix aux parents d’inscrire leurs enfants, ces derniers
n’iront pas à l’école. Au début de l’année scolaire 2014-2015, j’ai développé une
stratégie qui a marché. J’ai amené un ami policier en début d’année faire le tour du
village et nous sommes rentrés dans quelques concessions parler de l’obligation
scolaire. Nous les avons intimidés comme quoi les réfractaires seront réprimés. Par
cette méthode l’école de Bidi qui n’a jamais recruté 40 élèves se retrouvent à 83
élèves au CP1. Maintenant notre souci c’est le maintien puisque les enfants sont là
contre la volonté de certains parents ». (Entretien du 10 octobre 2015)

Toutefois, inscrire un enfant par la force est peine perdu dans la plupart des cas, dans la
mesure où ce dernier ne bénéficiera pas de l’accompagnement de ses parents et serait
contraint à décrocher avant la fin du cycle primaire. En effet, selon un parent d’élève du
village de Ouro-Hesso,
« Inscrire un enfant à l’école par la force n’est pas totalement la solution. Si un parent
n’est pas engagé pour l’école de ses enfants, ce n’est pas la peine de le forcer. Les

67
parents sont rusés, ils ne vont pas s’opposer ouvertement à leur inscription par la
force, mais ils vont développer des stratégies pour les contraindre à abandonner
comme par exemple décider de ne pas leur donner à manger, ne pas payer les
fournitures scolaires, exiger à ce que les enfants se relaient pour garder le troupeau,
migrer clandestinement avec eux, etc. ». (Entretien du 7 octobre 2015)

La mise à l’école se fait par calcul suivant les moyens dont disposent les parents et les
résultats qu’ils y attendent (Etienne GERARD, 2001). Autrement dit, la décision de
scolarisation obéit à une certaine rationalité développée par les parents. Dans le cas de
la commune de Gorom-Gorom, les parents n’ont pas d’attentes de l’école sinon que la
peur de voir leurs enfants transgresser les règles et normes sociales.

4.2.6 L’analphabétisme des parents : des avis contrastés

Certains acteurs de l’éducation enquêtés considèrent l’analphabétisme des parents comme un


indicateur non négligeable du faible accès à l’école et du mauvais parcours scolaire des
enfants. Pour la majorité des enseignants et les responsables APE, AME et COGES, la
plupart des parents qui ignorent toujours l’importance de l’école sont surtout ceux qui n’ont
pas fait l’école. Au cours des entretiens, les parents d’élèves eux-mêmes n’ont pas manqué de
signaler cela.

« Ceux d’entre nous qui ont eu la chance de passer quelques années à l’école savent
que l’école présente beaucoup d’avantages pour tout individu. Mais une grande partie
des parents qui n’ont jamais passé un seul jour sur les bancs, par ignorance pensent
toujours que l’école est inutile. Ils ne partent pas dans les centres urbains pour être
confrontés à des difficultés d’intégration. Ils trouvent que la meilleure façon de vivre
c’est d’élever et de marier beaucoup de femmes » (Entretien du 10 octobre 2015 avec
un parent d’élève du village de Gountouré)

L’analphabétisme des parents constitue de ce fait un blocage à la scolarisation des enfants. En


effet, comme le montre Pierre BOURDIEU, dans les Héritiers (1964), les trajectoires
scolaires des élèves et étudiants sont différentes selon le niveau d’instruction de leurs parents.
Les enfants des cadres supérieurs et ceux des ouvriers n’ont pas les mêmes chances devant
l’école car les premiers, en plus d’avoir une chance sur deux de suivre des études supérieures,
trouvent dans leur environnement l’héritage nécessaire pour suivre l’exemple des parents. Les
seconds ne bénéficient pas de l’accompagnement nécessaire pour réussir à l’école. Dans la
commune de Gorom-Gorom, déjà pour le primaire, beaucoup d’enfants ne sont pas scolarisés
du fait que leurs parents, analphabètes pour la plupart éprouvent un désintérêt pour l’école.
Cependant, les parents instruits scolarisent leurs enfants et les accompagnent. C’est ce qui

68
explique le fait qu’en milieu urbain de Gorom-Gorom tout comme dans de grands sites qui
abritent des travailleurs lettrés et salariés comme Essakane, les classes sont remplies tandis
que dans certains villages les classes sont peu peuplées et pratiquement vides à des endroits.

Toutefois, les encadreurs et les responsables de l’administration ne sont pas de cet avis. Ils
trouvent qu’aujourd’hui il serait absurde de parler d’ignorance de l’école avec les multiples
campagnes de mobilisation sociale pour la scolarisation. Selon eux, les parents savent bien
que l’école est importante mais ils ne vont pas inscrire les enfants parce qu’ils se disent qu’ils
ont un manque à gagner dans l’immédiat. Il y a par exemple la peur de perdre la main
d’œuvre et les femmes puisque les filles ne vont plus accepter se marier tôt. Le CCEB de
Gorom III, perçoit la situation toujours sous l’angle du refus de l’école par les parents pour
satisfaire leurs besoins personnels quand il affirme :
« Tous les parents peuvent vous réciter merveilleusement des éléments sur les bienfaits de
l’école, mais ils sont peu ceux qui vont inscrire leurs enfants et les accompagner à
persévérer à l’école. Certains sont prêts à donner de l’argent ou des animaux aux maîtres
pour retirer leurs enfants lorsque ceux-ci sont inscrits de force. Comment expliquer ce
paradoxe ? Ce n’est pas une ignorance liée à l’analphabétisme, c’est plutôt un refus de
l’école et de tout ce qu’elle propose comme contenus. (CCEB de Gorom III, entretien du
17 septembre 2015)

Tout compte fait, même si l’analphabétisme des parents a une part de responsabilité dans le
faible niveau d’inscription des parents dans la commune de Gorom, elle ne l’est pas trop du
moment où certains leaders instruits encouragent leurs parents à garder leurs enfants à la
maison s’ils le désirent. De l’avis du DPENA de l’Oudalan, les leaders des villages
(conseillers villageois de développement, conseillers municipaux, présidents COGES), qui
sont des personnes instruites et influentes dans les villages se comportent souvent en acteurs
démobilisateurs sur la question de l’école formelle.

4.2.7 Image de l’enseignant et scolarisation des enfants

L’idée que les parents se font de l’enseignant joue également sur les inscriptions des enfants à
l’école. En effet, l’étiquette collée à l’enseignant par certains parents qui le qualifient de
pauvre, d’absentéiste qui n’aime pas le travail, conforte les parents à garder les enfants à la
maison. « Comment quelqu’un qui ne prie pas, qui n’a pas une bonne moto, qui n’a pas un
bon habillement et qui à trente ans n’est pas marié, peut être un modèle pour mon enfant ?
Autant le garder à la maison pour l’occuper » pense-t-on en milieu populaire (CCEB Gorom
II, entretien du 17 septembre 2015).

69
Les responsables de l’administration sont d’avis avec les encadreurs que les conditions de vie
de l’enseignant non enviables pour les parents, impactent négativement la scolarisation des
enfants. Ils estiment que dans les champs économique et matériel, le paysan se croit au-dessus
de l’enseignant. Sur le plan revenu, il (le paysan) pense que l’enseignant ne peut pas se faire
de grandes économies comme lui éleveur dont les bœufs se chiffrent à des centaines. Sur le
plan matériel, le paysan se place au-dessus de l’enseignant en ne voyant que sa grosse moto et
ses boubous. Aussi dans la mentalité collective, le savoir de l’école classique, prépare à rester
dans les services toute la journée sans un effort physique alors que dans la vie sociale rien ne
doit s’acquérir sans un minimum de force.
Les enseignants eux-mêmes reconnaissent que certains parents ne les envient pas. Cela est
perceptible dans les actes posés par les parents. Une enseignante de l’école de Débéré-Nanguè
souligne :

« Lorsqu’un paysan paie une moto, lorsqu’il aperçoit un enseignant sur la voie, il va
démarrer sa moto venir te dépasser pour montrer que la sienne est plus en forme que
la tienne. Quand il voit l’enseignant qui paie à chaque fois 500f de viande alors que
lui il a l’habitude d’en payer 2000f à 3000f, il pense que sa vie est meilleure à celui de
l’enseignant et à quoi bon envoyer son enfant à l’école pour qu’il soit comme ce
dernier » (Entretien du 6 octobre 2015)

Par ailleurs, les mauvaises conditions de vie des enseignants n’attirent pas les parents à
vouloir que les enfants leur ressemblent. Selon la coordinatrice des associations féminines et
l’Imam des sunnites, les comportements des enseignants sont déterminants du choix ou non
de scolariser les enfants dans certains villages. Ils soulignent que dans certaines zones
fortement islamisées, si les enseignants ne sont pas musulmans les parents les qualifient de
mécréants et estiment qu’il n’est pas question de leurs confier les enfants. Ce sont autant de
considérations de l’enseignant rapportées par les enquêtés qui annihilent les efforts des
enseignants et des encadreurs pour permettre à tous les enfants d’accéder au savoir pour leur
épanouissement et leur insertion sociale.

La mauvaise perception de l’école sous prétexte qu’elle est source de perdition explique en
partie le faible niveau de scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom. Cette
représentation négative de l’école entretient la survivance des pratiques culturelles (mariages
précoce, transhumance), accentue le désintérêt vis-à-vis des programmes d’enseignements.
Le rationalisme sociologique de Max WEBER qui soutient que le sens de nos actions se
détermine par rapport à nos intentions et par rapport à nos attentes concernant les autres
(BOUDON et BOURRICAUD : 1990), s’applique dans ce contexte, nous permettant ainsi de

70
mieux cerner le poids des représentations sociales sur la scolarisation. Dans ce cas précis, les
parents ne manifestent pas d’attentes de l’école. La conséquence directe, c’est son refus.

71
CHAPITRE V : INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET DEPERDITIONS
SCOLAIRES

Dans ce chapitre nous identifierons et analyserons les déterminants des fortes déperditions
scolaires constatées dans la commune de Gorom-Gorom. En effet, de l’enquête de terrain, il
ressort que le véritable problème de l’éducation dans la commune de Gorom-Gorom reste
l’inachèvement du cycle primaire par la majorité des élèves. L’idée d’une école qui ne
garantit pas une bonne entrée dans la vie active et sociale a suscité une perte de confiance en
elle par les populations. Cette rupture de confiance se traduit par les absences répétées des
élèves et les abandons scolaires au profit d’activités jugées plus porteuses.

5.1 LA MAUVAISE FREQUENTATION SCOLAIRE, UN PHENOMENE


RECURRENT

En plus des difficultés de recrutement, la fréquentation scolaire pose également problème.


Des entretiens avec les différents acteurs, un fait étonnant qui ressort de leurs discours est que
malgré la proximité de certaines écoles des concessions, les élèves viennent toujours en retard
ou cumulent des absences sans motifs valables. D’autres abandonnent carrément les bancs de
l’école dès les premières années scolaires. De l’avis de certains parents enquêtés, certains
élèves s’absentent à leur insu. Comme le mentionne un parent d’élève du village de
Pétabarabé qui dit :

« Beaucoup de parents d’élèves ne sont pas sédentaires. Nous nous déplaçons avec
nos animaux à la recherche de pâturages. Nous laissons les enfants à la maison avec
leurs mamans pour qu’ils puissent aller à l’école. Maintenant s’ils n’y vont pas
régulièrement, la faute ne nous revient pas ». (Entretien du 4 octobre)

Pourtant, la fréquence des retards et des absences des élèves exerce un effet négatif sur le
parcours scolaire. Lorsqu’ un élève n’arrive pas à suivre tous les cours dispensés, il aura des
insuffisances de performances lors des évaluations et partant, les redoublements et l’abandon
scolaire sont inévitables. Aussi, ces retards et absences sont le plus souvent bénis par la
complicité des parents qui les occupent dans les activités domestiques et agropastorales.
Certaines écoles à l’exemple de Tiofolboye et Baliata étaient pratiquement vides à notre
passage en début octobre.Les enseignants se plaignent d’ailleurs de ce manque d’assiduité des
élèves aux cours. Comme le souligne le directeur de l’école de Gosey :

« Il n’est pas rare de voir des enfants d’une même famille qui se répartissent les jours
de la semaine pour l’école et la garde du troupeau. Si l’un vient à l’école

72
aujourd’hui, il s’absente le lendemain pour prendre soin des animaux et ainsi de
suite » (Entretien du 6 octobre 2015)

Par ailleurs, les parents interrogés à ce sujet rejettent la faute sur les enfants. Voici quelques
propos retenus à titre illustratifs :

« Ce n’est pas nous parents qui empêchons les enfants de partir à l’école. Il arrive que
comme nous nous déplaçons par moment avec les animaux les enfants profitent de
cette situation pour rester à la maison » (Entretien du 7 octobre avec un parent d’élève
du village de N’Darga).

« Nous ne retenons pas les enfants à la maison. Vous prenez par exemple les jours de
marché, il y a des parents qui vont croiser leurs enfants qui ont choisi de venir s’y
promener pour certains où faire du petit commerce ambulant pour d’autres, au lieu
d’aller suivre les cours. Même si vous les sanctionnez aujourd’hui, le marché suivant
ils vont répéter la même chose » (Entretien du 8 octobre 2015 avec un parent d’élève
du village de Tintabora)

Les enseignants eux ne sont pas d’avis avec les parents qui s’estiment non responsables de la
mauvaise fréquentation des écoles. Au contraire, les enseignants accusent les parents qui
selon eux occupent les élèves dans les travaux agro-pastorales. Ils déplorent surtout les
abandons scolaires. Une enseignante de l’école d’Alliakoum exprime son mécontentement à
propos de la déscolarisation en ses termes :

« Dans les petites classes nous avons des effectifs acceptables mais en fin de cycle
nous nous retrouvons avec quelques élèves. Pire, la plupart de ceux qui abandonnent
sont nos meilleurs élèves. Ce sont les parents eux-mêmes qui font croire aux enfants
que l’école n’est pas utile pour pouvoir les exploiter dans les champs ou encore dans
la garde des animaux ». (Entretien du 6 octobre 2015)

Ce qui est encore frustrant pour les enseignants ce sont les actions posées par les parents qui
s’apparentent des fois à de la provocation. D’un ton nerveux, le directeur de l’école de Féterdé
s’exclame :

« C’est parfois en plein cours qu’un parent vient vous demander de prendre un petit
de 5 à 6ans non scolarisé et de libérer son grand frère qui a atteint le Cours
Elémentaire (CE) ou le Cours Moyen (CM) pour la garde du troupeau. Si vous
essayez de le raisonner, il va bouder et repartir ». (Entretien du 6 octobre 2015)

Ces comportements des parents selon les enseignants traduisent leur désintérêt pour l’école.
Mais du côté des parents, on accuse l’absentéisme des maîtres comme motif conduisant les
enfants à rester à la maison. Lorsque nous avons écouté les parents, beaucoup d’entre eux
nous ont signifié leur mécontentement suite aux longues absences fréquentes de certains

73
enseignants et que c’est pour cette raison d’ailleurs que la fréquentation n’est pas bonne dans
certaines écoles. Comme le souligne un parent d’élève du village de Féterdé :

« Il arrive des fois que le comportement des enseignants eux-mêmes n’encouragent


pas les élèves à venir à l’école. Imaginez si un maître s’absente deux semaines, un
mois durant et souvent sans raisons fondées, les élèves vont prendre l’habitude de
rester à la maison et même si le maître revenait, il n’aurait plus tous les enfants »
(Entretien du 8 octobre 2015)

« Depuis les huit (08) ans que notre école a ouvert ses portes, aucun de nos enfants
scolarisés ne peut écrire ni s’exprimer correctement. Tout simplement parce que les
maîtres ne sont jamais là. Plusieurs fois les enfants nous disent que leurs maîtres sont
absents. Cette réalité décourage les parents et beaucoup d’entre nous ne veulent plus
inscrire leurs enfants à l’école ». (Entretien du 10 octobre avec un parent d’élève du
village Gountouré)

Au demeurant, certains enseignants trouvent que beaucoup d’élèves viennent à l’école juste
pour les repas. La preuve selon eux est que le temps de rupture de la cantine scolaire est une
période de congés pour beaucoup d’élèves. Ils ne reviennent que lorsqu’ils apprennent qu’un
camion est passé déposer des vivres à l’école. Et les parents ne réagissent pas quand des
élèves s’absentent. Au contraire ils les exploitent s’ils (les élèves) décident volontiers de
rester à la maison. Il y a une contraction dans le discours des enquêtés quant aux causes des
absences des élèves à l’école. Parents et enseignants s’accusent mutuellement. Mais il faut
reconnaître avec Sibiri Luc KABORE (2011), que le cadre familial est déterminant dans le
déroulement normal de la scolarité d’un enfant. Si l’encadrement et le suivi ne sont pas
assurés et que l’enfant de retour à la maison est déconnecté de tout ce qui a trait avec l’école il
peut arriver qu’il se désintéresse des études. C’est ce que Bernard LAHIRE (1995 :18)
qualifie de dissonance ou de consonance entre la famille et l’école, situation qui détermine «
la réussite » ou l’échec » scolaires. Il est clair qu’un élève qui évolue dans un milieu où
l’école n’est pas au centre des préoccupations de la famille est prédisposé à l’échec scolaire
avant la fin du cycle primaire.

5.2 LE CHOIX DES ACTIVITES DOMESTIQUES ET AGROPASTORALES AU


DETRIMENT DE L’ECOLE

Les activités agropastorales sont considérées par les parents comme une garantie pour
l’insertion socioprofessionnelle. C’est pourquoi les enfants y sont impliqués très tôt. Aussi,

74
cette participation des enfants se veut d’un apport à l’économie familiale. Selon les parents,
les jeunes garçons participent à la surveillance des troupeaux et aux travaux des champs,
tandis que les jeunes filles aident leurs mères dans les travaux ménagers. De ce fait, les
enfants participent énormément à l'autosuffisance alimentaire de la famille. Les enquêtés
trouvent que c'est pour cette raison essentiellement que certains parents soustraient leurs
enfants de l'école. Les propos d’un parent d’élève, de l’école de Kelguef sont assez
illustratifs :

« Dans la répartition des tâches familiales, les enfants se voient confiés des rôles et
selon le sexe. Les filles doivent rester à la maison pour apprendre les travaux
ménagers car elles seront mariées très tôt « à partir » de 10ans. Les garçons eux
doivent aller au champ ou suivre le troupeau car c’est la base de l’économie familiale.
L’école elle est reléguée au second plan » (Entretien du 8 octobre 2015).

L’occupation des enfants dans les activités agropastorales ressort fréquemment dans le
discours des enquêtés comme un facteur explicatif de la non inscription des enfants et surtout
de la déscolarisation. Les parents sont complices de cette situation. En fait, les parents ne
perçoivent pas l’école comme un investissement tel décrit par les économistes de l’éducation.
Ils ne voient que leurs troupeaux qui représentent leur prestige et leur survie. Les Directeurs
des écoles s’accordent pour dire que le début des cours dans beaucoup d’écoles de la
commune de Gorom-Gorom intervient à la fin des récoltes. Officiellement, le premier octobre
de chaque année est la date de la rentrée pédagogique et du démarrage des activités scolaires.
Mais dans de nombreuses écoles de la commune de Gorom-Gorom, il faut attendre fin octobre
à mi-novembre pour avoir les élèves. Lors de notre passage le 9 octobre dans la matinée à
l’école de Baliata dans la CEB de Gorom I, nous n’avons aperçu aucun élève dans la cour.
Selon les enseignants que nous avons trouvé sur place, les enfants ne seront libérés pour
l’école qu’après les récoltes. Cette situation corrobore le fait que l’école n’est pas adaptée aux
besoins des populations. Les parents enquêtés n’ont pas manqué de relever cet aspect. Selon
un parent d’élève du village de Baliata,

« Nombreux sont les enfants qui sont allés à l’école ne sont pas des exemples à suivre.
Beaucoup d’entre eux après le CEP sont restés au village. Ils ont oublié ce qu’ils ont
appris de l’école et se rabattent encore dans les activités agropastorales. Les parents
voyant cela trouvent qu’il est alors inutile d’envoyer son enfant à l’école. » (Entretien
du 9 octobre 2015)

75
Pour certains parents donc, c’est le fait que l’école soit incapable de doter aux sortants du
système éducatif des compétences et savoirs pour exercer des activités rentables ou améliorer
celles agropastorales existantes, qui conduit au retrait des enfants de cette institution.

5.3 LA CONCEPTION DE LA REUSSITE SOCIALE

Les enseignants, les encadreurs pédagogiques et les responsables de l’administration enquêtés


s’accordent et affirment tous que les parents ont leur conception de la réussite sociale qui ne
dépend pas forcément d’un quelconque passage à l’école. Le Directeur provincial de
l’éducation national donne son avis sur ce point en ces termes :

« La réussite sociale est évaluée en termes de nombre de bœufs, de grands boubous


possédés, la présence d’une mosquée devant sa cour, le respect des prescriptions du
coran et surtout le fait d’être marié à 17 ans chez le garçon et 13 ans chez la fille (…)
Compte tenu de cette façon de voir le monde, l’école n’occupe pas une place de choix
dans la vie quotidienne, aussi bien chez les parents que chez les élèves » (DPENA de
l’Oudalan, entretien du 20 septembre 2015).

Comme les retombées de l’école sont lentes, les non scolarisés semblent s’en sortir
matériellement mieux que certains scolarisés en termes de nombre de bœufs, de greniers ou
encore de la qualité de la moto. Face à cette comparaison malheureuse, l’école n’apparait pas
à leurs yeux comme une garantie de réussite sociale. En outre, de l’avis des parents, le
bénéfice rapporté par l’école est lent et incertain. En témoignent les propos de ce parent
d’élève de l’école de Bibargui :

« La rentabilité de l’école est lente. Quand tu élèves un bœuf, à trois ans tu as les
fruits de tes efforts et tu peux contribuer au bonheur familial. Par contre un enfant
qui est inscrit à l’école passe y une bonne partie de sa vie alors que son issue est
incertaine. Tel est le raisonnement des parents ». (Entretien du 10 octobre 2015)

Dans cette logique beaucoup de parents choisissent délibérément de mettre leurs enfants
derrière le troupeau et souhaitant qu’ils se marient tôt et embrassent la vie active. C’est la
meilleure manière d’aider les enfants pensent-ils, que de les enfermer entre les quatre murs
des salles de classes dont l’issue est hypothétique. La réaction d’un parent d’élève enquêté
dans le village de Gosey corrobore cette idée que l’école n’est pas une condition
indispensable à la réussite sociale. Lorsque nous avons demandé à ce dernier s’il reconnaissait
des bienfaits de l’école classique il nous répondit :
« Votre école n’arrange pas nos enfants. S’ils finissent l’école, ils savent parler
beaucoup mais en termes de biens ils n’ont rien. Ils restent à la charge des parents ».

76
Dans cette façon de concevoir la réussite sociale, l’école en pâtie.

5.4. DE L’ECHEC DES AINES A LA STIGMATISATION DES SCOLARISES

La situation de certains scolarisés après l’école est peu enviable. Ces derniers pour la plupart
qui se sont limités aux études primaires ne disposent pas de savoirs, de savoir-faire et de
savoir-être conséquents et utiles pour leur épanouissement. En termes de prestige social,
évalué suivant des critères émanant des logiques sociales, les scolarisés sont à la traine.
Dans de nombreux villages de la commune, les parents se tablent sur le fait que l’école existe
depuis plus de vingt (20) ans, mais n’a produit aucun fonctionnaire. Aussi dans les mentalités
villageoises, on admet que :

« L’école produit plus de déchets. Les parents estiment que les sortants de l’école sont
moins riches que les non scolarisés. Ces derniers (les non scolarisés) depuis leur
enfance se sont investis dans l’élevage et disposent déjà d’un troupeau étant jeune
alors que ceux ont passé leur temps sur les bancs n’ont que le carton du CEP. Ce
diplôme ne rapporte pas grand-chose à ses bénéficiaires », constate le CCEB de
Gorom II (Entretien du 17septembre 2015).

L’échec des aînés suscite une perte de confiance en l’école par les populations. De ce fait, les
parents pensent que l’école est inutile. L’école apparait à leurs yeux comme un véritable
gâchis de temps et d’énergie au regard des aînés qui n’ont pas pu être des modèles mais plutôt
des cas à gérer.

Par ailleurs, la plupart des scolarisés sont victimes de stigmatisation. Ils deviennent
malheureusement des stigmates au regard de leur situation d’individu profondément
déconsidéré. La notion de stigmate selon Goffman caractérise,
« Tout le temps que l’inconnu est en notre présence, des signes peuvent se manifester
montrant qu’il possède un attribut qui le rend différent des autres membres de la
catégorie de personnes qui lui est ouverte […]. Un tel attribut constitue un stigmate,
surtout si le discrédit qu’il entraine est très large ; […]. Il représente un désaccord
particulier entre les identités sociales virtuelle et réelle » (GOFFMAN, 1975 : 12).

De l’enquête, il ressort que les scolarisés sont généralement traités d’insolents, de paresseux,
tandis que l’enfant élevé traditionnellement est apprécié de par sa sagesse et son obéissance.
Selon certains parents enquêtés, l'école forme des jeunes qui n'ont aucun respect des
traditions. Ce qui les décourage surtout c’est que beaucoup de jeunes scolarisés se limitent au
certificat d’études primaires et à partir de ce niveau ils ne savent rien faire de leurs dix doigts
et malheureusement restent affectés par la délinquance juvénile, un autre fléau social.

77
Les expériences malheureuses de certaines filles (grossesses non désirées), de garçons qui
s’adonnent à l’alcool, ont renforcé la conviction de certains parents que les produits de l’école
ne sont pas des modèles pour la société.
Aussi, nombreux sont les parents et les élèves qui croient que les études s’arrêtent après
l’obtention du CEP. Les enfants ne vont pas au collège. Les directeurs des écoles de Kelguef
et de GagaraI soulignent par exemple qu’à leur niveau, tous les élèves admis à l’entrée en
sixième à la session 2014, respectivement sept (7) et neuf (9) sont restés à la maison et que la
même chose recommence avec les admis de 2015. Dans ces conditions, les connaissances
acquises au primaire seulement ne peuvent vraiment pas faire des merveilles. L’apprentissage
s’arrête donc aux portes de l’école. Ceux qui finissent le cycle primaire se retrouvent au
village sans emploi ni bétail. Ce qui augmente la déception de la communauté vis-à-vis de
l’école du fait que les attentes des uns et des autres ne soient pas comblées. De ce fait la perte
de confiance en l’école par les parents ne fait qu’accentuée. La conséquence directe c’est la
mauvaise fréquentation scolaire.
Toutefois, la conception de l’école comme une moule de fabrique de chômeurs et de
délinquants connait une évolution positive dans les mentalités avec l’exemple de quelques
jeunes scolarisés de la commune qui obtiennent des emplois salariés dans la fonction publique
où dans la société minière d’Essakane. Selon les parents enquêtés, dans les familles où
existent de jeunes contractuels d’Essakane, les enfants sont actuellement à l’école parce qu’il
y a des modèles de réussite par cette institution scolaire. Cette situation traduit le fait qu’il n’y
a pas un déterminisme du refus total de l’école du fait de l’habitus communautaire. Les
parents ont des marges de manœuvre dans le choix de scolariser ou non les enfants au regard
des circonstances.

5.5. DU FAIBLE CAPITAL ACQUIS A LA DIFFICILE INTEGRATION DES


SORTANTS DE L’ECOLE

L’école doit être au centre de l’autonomisation et de la régulation des aptitudes et des


attitudes. Mais au préalable, chaque sortant de cette institution scolaire doit disposer d’un fort
capital susceptible de susciter en lui le changement attendu. Selon le sociologue Pierre
BOURDIEU ce capital qui se décline en « capital culturel » est tridimensionnel. Les trois
états du capital culturel développés par Pierre BOURDIEU (1979 : 3-5) sont :

78
« Le capital culturel incorporé qui est le fruit de la socialisation différenciée selon les
milieux sociaux (langage, aptitudes scolaires diverses, façon de se tenir et de se
comporter en société ;

Le capital culturel objectivé qui désigne les outils de culture qui se caractérisent sous
forme d’objets possédés par personne (tableaux, bibliothèques, piano, etc.) Ce capital
n’a de valeur que par la transmission de la manière de s’en servir ;

Le capital culturel institutionnalisé qui désigne la transformation d’une culture personnelle


en titres de diplômes sanctionnant une aptitude sociale, économique ».

Tous nos informateurs ont évoqué l’incapacité de réinvestissement des acquis de


l’enseignement/ apprentissage dans les activités professionnelles par les sortants de l’école
classique. C’est sans conteste la faible possession du capital culturel qu’il soit incorporé ou
objectivé, qui fait que les scolarisés ne peuvent pas s’épanouir et s’intégrer convenablement
dans la communauté. Comme le souligne un parent d’élève du village de Gosey,

« Les connaissances acquises à l’école ne sont pas solides. Elles ne permettent pas de
prospérer dans les activités agropastorales. On apprend à lire, à écrire et à calculer
certes, mais cela n’arrive pas à bout comme nous le souhaitions. Beaucoup sont les
scolarisés dans notre zone, qui ne peuvent pas lire un texte correctement, le
comprendre et tirer des informations utiles pour apporter des soins adéquats au bétail
et accroître la production agricole. (Entretien du 7 octobre 2015).

C’est ce que souligne également la coordonnatrice des femmes, qui constate que malgré le
passage de certains enfants l’école, de nouvelles pratiques ne sont pas observables au niveau
des techniques agricoles et du soin du bétail. Elle mentionne :

« L’écriture, le calcul, et la lecture qui sont d’ailleurs peu maîtrisés, ne peuvent pas
apporter des gains substantiels au scolarisé dans son milieu ; seul un apprentissage
lié aux métiers exercés, peut libérer les sortants des écoles de la misère (Entretien du
18 septembre 2015)

La faiblesse du rendement externe de l’école fait donc que les populations se méfient d’elle.
Aussi, la forme d’école proposée ne correspond pas à leur style économique. Les personnes
scolarisées éprouvent des difficultés pour s’insérer convenablement dans la vie active, à
s’intégrer dans leur milieu, à s’adapter à leur environnement social et économique. L’école
pourvoyeuse d’emplois devient une véritable « fabrique de chômeurs et de délinquants. En
fait, de l’avis des enquêtés, l’école ne reflète pas la société. Par conséquent, elle forme des
acteurs qui ne sont pas attendus par la société. Ce contraste conduit à la dégradation de l’école

79
et, l’émergence d’un nouveau profil de réussite d’acteurs émanant du monde informel éloigne
de plus en plus les populations de l’école et développe une hantise à son égard. L’école doit
être le prolongement de la société. Il doit y avoir une continuité des valeurs de la société à
l’école. Pour éviter d’être stigmatisés, beaucoup d’élèves abandonnent l’école pour suivre le
pas de leurs camarades qui trouvent leur compte dans l’orpaillage.

5.6. L’EFFET D’ENTRAINEMENT DES PAIRS DANS LES SITES AURIFERES

De nombreux élèves choisissent le « trou » dans le site aurifère en lieu et place du « banc » de
l’école. En effet, la fièvre de l’or amène de nombreux élèves à abandonner temporairement ou
totalement l’école pour travailler dans l’orpaillage. Cet enthousiasme volontariste ou par
contrainte résulte, de l’appât du gain facile par les jeunes, de la pauvreté des ménages et
surtout des préjugés sur les avantages de travailler dans les sites miniers. Les biens acquis par
les anciens déscolarisés qui apparemment y trouvent leur compte font miroiter ceux toujours
en classe qui finissent par emboîter leurs pas.
En général, les enfants qui vivent dans les villages miniers ne sont pas inscrits à l’école et les
écoles qui gravitent autour des sites sont souvent désertées et vidées en raison de la folie de
l’or. La présence des enfants sur les sites découle principalement soit de l’influence des
camarades déscolarisés qui y sont déjà ou bien du déplacement de leurs familles sur les sites.
En effet, l’on note deux types de départ dans les sites miniers, nous renseigne le Directeur de
l’école de Gosey, un village abritant un site d’exploitation artisanale de l’or.

« Certains enfants abandonnent l’école car ils sont souvent contraints de travailler
avec leurs parents qui les amènent avec eux sur les sites. Dans d’autres cas, ce sont
les enfants eux-mêmes qui décident de quitter l’école pour tenter leur chance comme
leurs amis qui grâce à l’or, mangent bien et ont pu s’acheter une moto, un vélo, une
radio, de beaux vêtements, des souliers, etc.» (Entretien du 10 octobre 2015)

L’abandon est consommé progressivement, nous dit le Directeur de Pétabarabé, un autre


village qui abrite un site aurifère :
« Au départ les élèves arrêtent momentanément les cours, s’en vont dans les sites
aurifères et reviennent. Les conséquences à ce niveau sont les retards aux cours, les
fréquentations irrégulières des classes, la somnolence en classe, les mauvais
rendements. Mais plus ils y vont, plus ils prennent du goût et à un moment l’abandon
est total et l’échec scolaire est clair. Ce phénomène persiste malgré les
sensibilisations des associations et des enseignants ». (Entretien du 9 octobre 2015)

Les parents préfèrent migrer vers les zones d’orpaillage et même avec leurs enfants qui sont
utilisés comme main d’œuvre au détriment de l’école. La raison est simple, estime un parent

80
d’élève orpailleur, enquêté sur le site Pétabarabé. Ce dernier à propos de l’exploitation des
enfants dans l’orpaillage déclare :

« Le gain de l’orpaillage est plus visible et immédiat alors que le savoir de l’école
prend du temps pour être rentable. Vous voyez, la plupart des enfants de moins de dix-
huit (18) ans qui travaillent ici ont déjà des motos. Certains ont mêmes achetés des
animaux confier à leurs parents. C’est pour dire qu’ils tirent profit de leur travail
dans l’orpaillage. Comparativement, leurs frères qui sont restés à l’école n’ont pas
ces avantages » (Entretien du 9 octobre 2015).

Ce choix malheureux des parents et des enfants s’explique encore par le fait qu’ils doutent des
débouchés de l’école. Ils se disent que si au sortir de l’école, l’apprenant ne trouve pas un
emploi rémunérateur, sa vie serait un échec. L’exemple non reluisant des aînés les confortent
dans cette position.

Du reste, les déscolarisés ne regrettent pas l’abandon de l’école pour l’orpaillage. Au


contraire, cette situation est cautionnée dans la mesure où selon eux, l’école ne rapporte rien
dans l’immédiat. Lorsque nous avons demandé à un déscolarisé sur le site de Pétabarabé s’il
ne se reprochait pas des fois d’avoir abandonné l’école, sa réponse est la suivante :

« Je suis là depuis deux ans. L’orpaillage m’a beaucoup rapporté. Entre descendre
dans le trou chercher l’or et la classe, je ne regrette pas d’avoir choisi le trou puisque
depuis que je suis arrivé dans le site je gagne un peu d’argent. Avec mes économies,
j’ai pu m’acheter une moto Sanili. Si j’étais resté à l’école à l’heure-là je n’allais rien
avoir de concret. A l’école à part le couscous qu’on nous donne, le reste il faut subir
les châtiments des maîtres, pour sortir parmi les derniers de son groupe d’âge en
termes de possessions de biens ». (Propos d’un déscolarisé de 19 ans, entretien du 8
octobre 2015)

Par ailleurs, de nos observations sur les sites d’orpaillage, l’on constate que dans ces lieux, les
enfants sont généralement impliqués dans divers travaux : le creusage, le refoulement, le
concassage/pilage, le transport, la cuisine, l’approvisionnement en eau, le lavage de minerai,
le vannage. Ces tâches confiées aux enfants présentent beaucoup de risques pour eux
notamment les maladies et les accidents pouvant conduire jusqu’à la mort.
Malgré tout cela, l’orpaillage constitue sans conteste un déterminant majeur de la
déscolarisation, principale caractéristique des déperditions scolaires dans la commune de
Gorom-Gorom. Parents et élèves y trouvent leur salut et il n’est pas question de trainer sur les
bancs de l’école. Les biens visibles acquis par les orpailleurs en l’occurrence par les anciens
déscolarisés attirent les jeunes écoliers dans les sites d’orpaillage. Par ailleurs, la logique de
l’immédiateté du profit à court terme occulte chez les parents la rentabilité que peut
81
représenter, dans un long terme l’investissement scolaire en faveur de leurs enfants. Les
enseignants constatent impuissamment les départs massifs des élèves dans ces lieux. Inutile de
les conscientiser, puisque le choix est déjà fait, soulignent les maîtres. Les déperditions
scolaires ne font qu’accroître et l’objectif de l’école pour tous s’éloigne de jour en jour. C’est
dire que l’élève dans certains villages de la commune de Gorom-Gorom est traversé par
diverses influences sociales qui conditionnent ses attitudes, ses comportements, ses
aspirations et, en dernière analyse, son parcours scolaire.

Au demeurant, la fuite des scolarisés dans les sites aurifères prend de l’ampleur étant donné la
faible mobilisation communautaire sur la question de l’école.

5.7 LA FAIBLE PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE A LA PROMOTION DE


L’ECOLE

La faible mobilisation communautaire est au cœur du dysfonctionnement des écoles.

5.7.1. L’absence du suivi parental

Les parents ne s’intéressent pas à ce que font les enfants à l’école. Certains n’attendent
d’ailleurs que leur renvoi car selon eux les enfants leur seraient plus utiles à la maison.
Comme le disent si bien CHAUVEAU et Rogovas-CHAUVEAU (1992), certains parents
issus de milieux populaires entretiennent des relations de méfiance et d'incompréhension avec
l'école. Ils sont donc fuyants et peu impliqués dans le suivi de leurs enfants. Des entretiens
avec les enseignants et les encadreurs, il ressort que les parents ne font aucun effort pour
encourager leurs enfants à étudier. Ils trouvent certains mêmes hostiles à l’école au fait
scolaire et partant ne motivent pas leurs enfants à réussir. Cela se traduit par un manque
d’implication, par leur négligence ou par leur démission dans l’encadrement desdits enfants
scolarisés, les condamnant aux abandons scolaires. Et à ce propos, Amadé BADINI (1990 :
523) fait la remarque suivante :

« Les parents ignorent tout ce qui se passe à l’école, les exigences de la vie scolaire et
ne perçoivent pas leur responsabilité dans le rendement scolaire de leur enfant. Celui-
ci se perd entre le milieu scolaire, ses activités et exigences d’une part, et le milieu
familial ou villageois de l’autre (…) Ce qui ne fera que renforcer le taux de
déperdition et rendra plus complexe une appréciation exacte des conséquences
négatives d’un mauvais rendement de l’école »

82
Du reste, le soutien parental exerce une influence positive sur la mobilisation scolaire si les
parents accordent une valeur épistémique ou future à l’école. Mais dans le cas précis de la
commune de Gorom-Gorom, cette influence est négative dans la mesure où les parents
accordent une valeur uniquement sociale ou instrumentale à l’école.

5.7.2. L’absence de dynamisme des structures associatives des parents d’élèves

Les actions déployées par les partenaires ne sont pas efficaces. Des projets sont financés à
coût de milliards mais sur le terrain, les indicateurs de l’éducation progressent toujours au
ralenti. Pour le DPENA de l’Oudalan, la raison est simple en ce sens que :

« Les bénéficiaires que sont les élèves ne profitent pas trop des fonds alloués pour la
scolarisation. Généralement, plus de 80% des actions rentrent dans la conception et la
formation des acteurs que sont les responsables du niveau central, les enseignants et
les encadreurs pédagogiques. Même au niveau local, les leaders qui sont
généralement impliqués sont de fin stratèges. Leur philosophie est que lorsqu’un
partenaire arrive, tout ce qu’il propose on accepte, on les accompagne dans les
villages, on mobilise les parents qui applaudissent et vont dire qu’ils ont compris le
message et qu’ils s’engagent. Après le départ du donateur, ce sont les mêmes leaders
qui pour sauvegarder sa notoriété dans leur village respectif vont dire à leurs parents,
vous n’êtes pas obligés de faire ceci ou cela ». (Entretien du 20 septembre 2015).

Le Président de la délégation Spéciale de la commune de Gorom épouse totalement cette


déclaration du DPENA. Selon lui,

« Les responsables des structures associatives des parents d’élèves et les leaders
(politiques, religieux) développent une ruse non perçue par les bailleurs et qui
pourtant bloque le bon fonctionnement des écoles. Les populations sont préparées au
mot d’ordre qui se résume à écouter celui qui vient parler de l’école, dire qu’on a
compris, applaudir, promettre toute sa disponibilité pour accompagner le projet et
après. Mais ces mêmes responsables et leaders diront après aux parents de faire bon
leur semble » (PDS de Gorom-Gorom, entretien du 20 septembre 2015).

L’engouement des responsables des APE, AME, COGES et des leaders d’opinions autour des
projets sur l’école s’apparente malheureusement plus à une politique de maximisation du
profit plutôt qu’à la promotion réelle de cette institution, mentionnent les Directeurs d’école et
les encadreurs pédagogiques. Comment comprendre le fait qu’un président APE ou une
présidente AME qui est censé donner l’exemple soit dans les coulisses un démobilisateur pour
la réussite de l’école ? S’interroge un encadreur pédagogique. Pour les enseignants enquêtés,
il n’est pas rare de voir des responsables de structures associatives des parents qui soient les
premiers à enlever leurs enfants de l’école pour les marier ou les mettre derrière le troupeau.

83
Les parents, les responsables des structures associatives et les leaders d’opinions sont préparés
à la politique du « faire semblant ». En réalité, les leaders de groupes bien que convaincus de
l’importance de l’école sont confronté à des dilemmes notamment celui de rester dans la
logique du groupe et préserver sa notoriété ou s’inscrire dans la logique du projet éducatif
avec le risque de se mettre en conflit avec les populations. C’est ce qui explique le fait que les
actions de nombreux intervenants en éducation (ONG, associations) sont à effets ponctuels et
non efficaces sur le long terme. En effet, les campagnes de mobilisation sociale et le don de
Kits scolaires pour la scolarisation massive des élèves ainsi que leur maintien ne sauraient être
efficaces dans cette réaction de sabotage non visible mais néfaste.

Somme toute, de l’analyse des informations recueillies, nous pouvons retenir que la situation
de la scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom est liée principalement à un problème
de demande. La demande en éducation est faible du fait que les populations accordent peu de
valeur à l’école classique. Nous partageons avec Marc PILON et Yacouba YARO (2001 : 8),
que :

« La demande en éducation est le produit de plusieurs facteurs : social, économique,


culturel, démographique, religieux, politique que les individus et les groupes prennent
en compte consciemment ou non dans leurs pratiques de scolarisation, ces facteurs
conditionnent ainsi la mise à l’école, l’itinéraire scolaire et la durée de la scolarité. »

Dans le cas de la commune de Gorom-Gorom, l'école est perçue dans certaines communautés
comme un système totalement étranger, allant à l'encontre de leur mode de vie, de leurs
préoccupations économiques, des valeurs morales et culturelles de leur société. Aussi, le fait
les sortants de l’école n’arrivent pas à s’intégrer dans la société les confortent dans leur
position de méfiance en l’école. La plupart des scolarisés qui n’obtiennent pas un travail
salarié, de retour dans leurs villages se retrouvent être derrière les autres en termes de biens
matériels. L’offre de formation ne fait donc pas de l’apprenant un être épanoui et agent de
développement local. Au regard de tout cela les parents finissent par se convaincre qu’il ne
vaut pas la peine pour leurs enfants d’aller à l’école. L’abandon de l’école pour les sites
aurifères apparait chez certains parents et élèves comme une alternative pour le salut. Ce sont
autant de facteurs qui expliquent le faible niveau de scolarisation et les fortes déperditions
scolaires constatées dans la commune de Gorom-Gorom.

84
CONLUSION

Le rapport à l’école est un obstacle à la réalisation de l’objectif de l’éducation pour tous dans
la commune de Gorom-Gorom. Rappelons que notre problème de recherche était lié à la
compréhension du phénomène de la non inscription des enfants à l’école et de l’inachèvement
du cycle primaire par les scolarisés. Il s’agissait d’identifier et d’analyser les obstacles à la
réalisation de l’objectif de l’éducation pour tous au Burkina Faso en prenant appui sur le cas
de la commune de Gorom-Gorom. Aussi, le rapport à l’école qui a constitué notre axe
d’analyse a été questionné sous l’angle des représentations sociales de l’école et de l’insertion
socioprofessionnelle des sortants de cette institution scolaire. A cet effet, nous avons déployé
un dispositif méthodologique mis en œuvre au moyen d’entretiens semi-directifs et
d’observations directes pour recueillir les avis de différents acteurs de la chaine éducative sur
le niveau de la scolarisation dans la commune de Gorom-Gorom d’une part et d’autre part
apprécier par nous-mêmes certaines réalités sur le terrain. Toutes les informations collectées
ont été mises à contribution pour appréhender l’objet d’étude.

Nous avons utilisé essentiellement le modèle théorique de Marx WEBER à savoir la


démarche compréhensive pour affiner notre analyse sociologique. L’approche compréhensive
nous a offert l’opportunité d’expliquer le phénomène social étudié à partir des intentions et
des mobiles des acteurs impliqués. Elle nous a permis particulièrement de comprendre et de
mettre en lumière les obstacles à l’atteinte de l’EPT dans la commune de Gorom-Gorom et
par ricochet dans les milieux où il y a un faible engouement des populations pour l’école.

A l’issue de cette recherche qualitative, il apparait que le rapport à l’école constitue un


blocage à la course pour la scolarisation universelle. L’étude révèle que les représentations
négatives de l’école et l’insertion socioprofessionnelle difficile des scolarisés sont les facteurs
explicatifs du désintérêt des parents et des élèves pour l’école classique.

Au titre des représentations de l’école il ressort de l’étude que le type d’école proposé aux
apprenants est perçu par les populations comme une source de perdition. Envoyer son enfant à
l’école, c’est le perdre à jamais du point de vue culturel. Par ailleurs, les contenus de
formation ne répondent pas aux attentes des populations. Certains parents trouvent que laisser
un enfant s’asseoir sur les bancs en classe est une perte de temps puisqu’il aura des difficultés
pour s’intégrer dans la vie active.

85
La situation de stigmate que vivent certains déscolarisés du fait qu’ils ne disposent pas de
biens socialement valorisés, est non enviable par les populations. Partant, l’école qui est censé
garantir l’épanouissement de l’individu se voit accusé de fabrique de chômeurs, d’incapables
et pour cela n’est pas désirée.
Par ailleurs, l’effet d’entrainement des pairs dans les sites d’orpaillage occasionne les mauvais
résultats scolaires et la déscolarisation.
Au regard des résultats de l’enquête, force est d’admettre le fait scolaire comme un fait social
total au sens de Durkheim (1999). Dans la commune de Gorom-Gorom, différents facteurs
(l’économie, le social, le culturel, la religion, etc.) impactent négativement l’accès et le
maintien des élèves à l’école. Le sens que les populations donnent à l’école conduit au
désintérêt pour l’école, toute chose qui ralentit la marche vers l’EPT dans la commune de
Gorom-Gorom et par extrapolation dans de nombreuses localités du Burkina.

Les conclusions auxquelles nous sommes parvenus à travers cette étude ne suffisent pas pour
clore le débat sur les obstacles à la réalisation de la scolarisation universelle au Burkina. En
effet, le champ d’étude est vaste et son explication reste multidimensionnelle. Il nous est alors
permis d’espérer que d’autres travaux viendront compléter le nôtre et contribueront à aider le
gouvernement burkinabè à mieux cerner les facteurs qui bloquent l’atteinte de l’éducation
pour tous, faussant les échéances retenues pour gagner ce combat titanesque.

Du reste, quelques pistes de solutions qui pourraient être explorées pour l’amélioration des
indicateurs de l’éducation dans la commune de Gorom-Gorom sont :

Arrivé à la fin de notre recherche, nous ressentons deux nécessités :

La première est de nous interroger sur la probabilité d’atteinte de l’EPT au Burkina Faso, dans
la mesure où dans certaines localités, les logiques sociales ancrées dans le subconscient n’y
sont pas favorables.

Les entretiens que nous avons menés avec les acteurs de l’éducation nous ont permis de
constater que le type d’école proposé aux populations n’est pas voulu. Dans ce contexte,
vouloir atteindre l’objectif de l’EPT sans contextualiser les programmes scolaires semble
une utopie.

La deuxième nécessité est de proposer des pistes de solutionnement au phénomène étudié.

86
Pour notre part, nous pensons que l’école ne sera véritablement fonctionnelle, avec les classes
remplies d’élèves jusqu’en fin de cycle et cela avec la forte adhésion des populations à ce
projet éducatif, que si elle dans est intégrée. Cela nécessite la mise en place de stratégies
efficaces impliquant tous les acteurs de la chaine éducative. Mettre l’accent sur la
mobilisation sociale afin de susciter l’acceptation de l’école par les populations surtout dans
les villages peulh et bella. Car, comme le souligne Pierre BALIMA (2006 :7),

« L’accès du plus grand nombre à une éducation de qualité ne pose pas seulement le
problème de moyen, mais surtout le problème de définir des politiques et des
stratégies éducatives qui soient cohérentes et efficientes ».

Les perspectives susceptibles de résoudre un tant soit peu les problèmes de l’éducation dans la
commune de Gorom-Gorom et par ricochet dans des zones où l’école est refusée par certains
parents se résumeraient en quatre actions :

La première, c’est l’adaptation du programme de formation aux besoins réels des populations.
Les parents et les élèves n’auront une bonne image de l’école et s’y intéresseront que si elle
prépare réellement à l’intégration harmonieuse dans la société.

La deuxième c’est l’instauration du régime internat. Seul le placement des enfants dans des
internats pourrait résoudre le problème du maintien orchestré en grande partie par le
nomadisme des populations.

En troisième lieu l’application effective des textes sur l’obligation scolaire. En contexte de
refus catégorique de l’école, il faut des méthodes fortes dont entre autres la répression des
réfractaires. Le cadre législatif sur l’éducation se doit de combler ce vide juridique pour que
les enfants d’âge scolaires jouissent pleinement leur droit d’éducation.

Quatrième et dernière étape, il faut l’implication et l’engagement réel de tous les acteurs à
savoir les élèves, les parents, les enseignants, les autorités locales, administratives,
coutumières et politiques, les encadreurs pédagogiques, l’Etat.

87
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92
ANNEXES

93
ANNEXES

Guide d’entretien à l’adresse des parents

 Identification de l’enquêté
- Caractéristiques sociodémographiques
Âge…………ans Sexe………………Village……….
Niveau d’éducation : Non alphabétisé Alphabétisé
Primaire Secondaire
Activités économiques : ……………………………………………………………………
- Rôle dans l’éducation des enfants
Parent simple Responsable APE Responsable AME
Responsable COGES
 Thématiques d’entretien
I- Situation de la scolarisation dans le village
1- Proportion des inscrits par rapport aux non-inscrits
2- L’offre éducative (infrastructures)
3- Les enseignants : leur disponibilité et leur engagement pour le travail
II- Déterminants de la sous-scolarisation et des déperditions scolaires
4- Représentation de l’école classique par les parents (son importance, les
attentes des parents d’elle)
5- Raisons du refus de l’école par certains parents
6- Coexistence activités professionnelles et école des enfants (élevage,
agriculture, orpaillage, commerce)
7- Coexistence entre pratiques culturelles (mariage précoce, nomadisme) et
école
III- Dispositifs pour l’accès et le maintien des enfants à l’école
8- Appréciation du suivi parental
9- Appréciations des actions structures associatives (APE, AME, COGES)
10- Appréciation de l’appui de l’Etat, des ONG, des encadreurs pour la
scolarisation.

I
Guide d’entretien à l’adresse des personnes ressources dans la commune

 Identification de l’enquêté

Fonction : PDS DPENA Ex-élu local Leader CCEB

Thématiques d’entretien

I- Situation de la scolarisation dans la commune

1-Appréciation du niveau de scolarisation dans la commune : les indicateurs d’accès (TBS)


et de maintien (TAP)
2-La position de la commune par rapport à l’objectif de l’Education Pour Tous
3-Appréciation de l’offre en éducation dans la commune (infrastructures scolaires,
disponibilité des enseignants)

II- Facteurs explicatifs du faible niveau de scolarisation de la commune


5- Les déterminants du faible niveau de scolarisation
6-Les déterminants des déperditions scolaires (mauvais résultats et abandons scolaires
7-Perception de la valeur du savoir scolaire par les populations (élèves et parents)
8- Appréciation du lien entre école et insertion professionnelle

III- Stratégies éducatives pour améliorer l’accès et le maintien à l’école


9-Les stratégies déployées par les acteurs pour améliorer l’accès et le maintien
10-Appréciation de l’efficacité des actions menées
11-Perspectives pour l’accès et le maintien de tous les enfants à l’école dans la commune

II
Guide d’entretien à l’adresse des enseignants de la commune de Gorom-Gorom

 Identification de l’enquêté
Fonction Directeur Adjoint
Sexe Masculin Féminin
Ecole………………… Village………………. Ancienneté dans la commune……ans

I- Situation de la scolarisation dans la commune


1- Appréciation du niveau de scolarisation dans la commune en rapport à l’objectif de
l’Education Pour Tous
2- Appréciation du niveau de scolarisation des filles par rapport à celui des garçons
3- L’offre éducative dans la commune (les infrastructures, les enseignants)

II- Faible niveau de scolarisation et déperditions scolaires


4- Causes de la non inscription des enfants à l’école (filles et Garçons)
5- Causes des mauvais résultats scolaires
6- Déterminants de la déscolarisation
7- Rapport au savoir scolaire des parents et élèves en lien à l’insertion dans la vie active

III- Avis sur les stratégies des acteurs pour l’accès et le maintien
8- Dispositif communal pour améliorer les indicateurs de l’éducation
9- Appui de l’Etat, des partenaires et des PTF
10- Actions des structures associatives des parents (COGES, APE, AME)
11- Appréciation de l’efficacité des actions des différents acteurs
12- Perspectives pour l’accès et le maintien de tous les enfants à l’école dans la commune

III
Guide d’entretien à l’adresse des déscolarisés

Identification
Age…………….... Sexe………………. Ecole fréquentée……………. Village……………
Activités des parents…………………………….
Niveau d’étude CP1 CP2 CE1 CE2 CM1 CM2

Thématiques d’entretien
1) Les attentes de l’école
2) Les expériences vécues à l’école
3) La perception de l’école
4) Les raisons de l’abandon
5) Occupations actuelles
6) L’insertion socioprofessionnelle du sortant de l’école
7) Appréciation de l’abandon pour l’orpaillage et les activités agropastorales

IV
Guide d’entretien à l’adresse des non scolarisés
Identification
Age……………………………. Sexe…………………………. Village……………
Activités des parents……………………….
Thématiques de l’entretien
1) Raisons de la non inscription à l’école
2) Perception de l’école
3) L’image des sortants de l’école
4) Appréciation de l’abandon pour l’orpaillage et les activités agropastorales

V
Guide d’observation
Ecole………………………. Village…………………. date de passage……………………..

1) Appréciation de l’offre éducative


OFFRE EDUCATIVE OUI NON OBSERVATIONS
Existence des infrastructures
Proximité de l’école des habitations
Présences des maîtres à l’école
Disponibilité du matériel didactique
Présence d’une cantine scolaire

2) Appréciation de la fréquentation et des résultats scolaires


- Présences des élèves par classe
- Les retards
- Les absences du jour
- Les notes aux évaluations de la semaine

3) Autres éléments
- La fréquentation des foyers coraniques et des écoles medersas
- Présences des élèves sur les sites aurifères

VI
TABLE DES MATIERES

DEDICACE ................................................................................................................................. i

REMERCIEMENTS .................................................................................................................. ii

SOMMAIRE ............................................................................................................................. iii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................ iv

LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES .......................................................................... v

RESUME ................................................................................................................................... vi

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE DE LA


RECHERCHE ............................................................................................................................ 5

CHAPITRE I : REVUE DE LITTERATURE ........................................................................... 6

1.1. LES APPROCHES SOCIOLOGIQUES DES INEGALITES DES CHANCES


DEVANT L’ECOLE .......................................................................................................... 6
1.1.1 Les approches macrosociologiques ........................................................................ 6
1.1.1.1. La théorie de la reproduction de Pierre Bourdieu ........................................... 6
1.1.1.2 L’approche sociolinguistique de Basile BERNSTEIN .................................... 8
1.1.2 Les théories microsociologiques ............................................................................ 9
1.1.2.1. L’approche des choix rationnels de Raymond BOUDON (1973) .................. 9
1.1.2.2. Les approches sur le milieu familial ............................................................ 10
1.1.2.3. L’approche sur le « rapport au savoir » de Bernard CHARLOT ................. 11
1.1.2. L’évolution de l’école au Burkina Faso ................................................................. 12
1.1.2.1. L’avènement de l’école en Haute Volta ........................................................... 12
1.1.2.2. Démocratisation de l’école au Burkina Faso .................................................... 13
1.1.3. Les approches explicatives du faible niveau de scolarisation au Burkina Faso .. 18
1.1.3.1La perception de l’école ................................................................................. 18
1.1.3.2 Le facteur genre ............................................................................................. 19
1.1.3.3. Les facteurs familiaux .................................................................................. 20
1.1.3.4. Les causes inhérentes au système scolaire ................................................... 22
CHAPITRE II : PROBLEMATIQUE ............................................................................ 24
2.2. LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DANS LA COMMUNE DE
GOROM-GOROM ........................................................................................................... 25
2.2.1 Bref historique de l’école ..................................................................................... 25

VII
2.2.2 Etat des lieux de l’enseignement primaire dans la commune de Gorom-Gorom
26
2.2.2.1. L’offre scolaire ............................................................................................ 26
2.2.2.2. De l’éloignement de la commune de l’objectif de l’EPT au regard des
indicateurs de l’éducation .......................................................................................... 27
2.2.2.3 Gorom-Gorom, une commune constamment appuyée dans le secteur de
l’éducation ......................................................................................................................... 29
2.4. OBJECTIFS DE L’ETUDE ................................................................................... 31
2.5. HYPOTHESES DE LA RECHERCHE ................................................................. 31
2.5.3. Les variables et les indicateurs de mesure des hypothèses ................................. 32
2.6. INTERET DE L’ETUDE ....................................................................................... 33
2.6. CLARIFICATION CONCEPTUELLE ................................................................. 34
2.7.1 Education .............................................................................................................. 34
2.7.2 Education pour tous (EPT) ................................................................................... 35
2.7.3 Représentations sociales ....................................................................................... 36
2.7.4. Rapport à l’école ................................................................................................. 38
CHAPITRE III : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ................................................. 41

3.1. L’APPROCHE QUALITATIVE ............................................................................... 41


3.2.2.1. La situation géographique et administrative .................................................... 42
3.2.2.2. Histoire du peuplement et organisation sociale ................................................ 43
3.2.2.3. Le milieu physique ........................................................................................... 44
3.2.2.4. Caractéristiques démographiques .................................................................... 44
3.2.2.5 Les activités économiques ................................................................................. 44
3.3. LA POPULATION D’ENQUETE ............................................................................ 45
3.4. TECHNIQUE D’ECHANTILLONNAGE ET ECHANTILLON ............................. 46
3.5. COMPOSITION DES ENQUETES ......................................................................... 47
3.6. OUTILS ET TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES ............................. 48
3.6.1 La revue documentaire ......................................................................................... 48
3.6.2 L’observation directe............................................................................................ 49
3.6.3 L’entretien semi-directif ....................................................................................... 49
3.7. VALIDATION DES OUTILS D’ENQUETE .......................................................... 50
3.8 STRATEGIES D’ANALYSE DES DONNEES ........................................................ 51
3.8.1 Modèle théorique.................................................................................................. 51
3.8.2 Technique d’analyse des données ........................................................................ 52

VIII
3.9 DIFFICULTES DE L’ETUDE ................................................................................... 53
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS ................... 55

CHAPITRE IV : REPRESENTATIONS SOCIALES DE L’ECOLE ETSCOLARISATION


DANS LA COMMUNE DE GOROM..................................................................................... 56

4.1 LA PERCEPTION DE L’ECOLE PAR LES POPULATIONS ................................. 56


4.2 L’INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES SUR LA
SCOLARISATION ........................................................................................................... 58
4.2.1 L’impact de l’islam sur la scolarisation et l’attirance pour l’école coranique ..... 58
4.2.2 Les mariages précoces et/ou forcés ...................................................................... 59
4.2.3 Le mode de vie nomade ....................................................................................... 61
4.2.4 Le désintérêt pour le type d’école proposé : un constat unanime ........................ 62
4.2.5 Le recrutement des élèves du CP1 dans la commune de Gorom : un parcours de
combattant ..................................................................................................................... 65
4.2.6 L’analphabétisme des parents : des avis contrastés.............................................. 68
4.2.7 Image de l’enseignant et scolarisation des enfants ............................................... 69
CHAPITRE V : INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET DEPERDITIONS
SCOLAIRES ............................................................................................................................ 72

5.1 LA MAUVAISE FREQUENTATION SCOLAIRE, UN PHENOMENE


RECURRENT ................................................................................................................... 72
5.2 LE CHOIX DES ACTIVITES DOMESTIQUES ET AGROPASTORALES AU
DETRIMENT DE L’ECOLE............................................................................................ 74
5.3 LA CONCEPTION DE LA REUSSITE SOCIALE ................................................... 76
5.4. DE L’ECHEC DES AINES A LA STIGMATISATION DES SCOLARISES......... 77
5.5. DU FAIBLE CAPITAL ACQUIS A LA DIFFICILE INTEGRATION DES
SORTANTS DE L’ECOLE .............................................................................................. 78
5.6. L’EFFET D’ENTRAINEMENT DES PAIRS DANS LES SITES AURIFERES ... 80
5.7 LA FAIBLE PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE A LA PROMOTION DE
L’ECOLE .......................................................................................................................... 82
5.7.1. L’absence du suivi parental ................................................................................. 82
CONLUSION ........................................................................................................................... 85

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 88

ANNEXES .................................................................................................................................. I

TABLE DES MATIERES ......................................................................................................VII

IX
X

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