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MEMOIRE DE MAITRISE
Avril 2013
1
INTRODUCTION
Dans le cadre de la consolidation de la démocratie à la base, le Burkina Faso s’est
engagé depuis plus d’une décennie dans un processus de décentralisation. Ce processus a
abouti à la communalisation intégrale du territoire national avec la mise en place effective de
49 communes urbaines et de 302 communes rurales.
1
Plan Communal de Développement de Diapangou, juillet 2007, p9.
2
SANOU Doti Bruno et TRAORE Yacouba, 1999, culture et sauvegarde de
l’environnement : essaie d’une méthode d’approche des communautés par la génétique
culturelle, Bobo-Dioulasso, pp124-125.
2
à travers une représentation égale à tous les niveaux et dans tous les domaines de prise de
décision…»3
3
GTZ, genre decentralisation-fr.pdf, consulté le 15/12/11 à 15h56mn.
3
Pour bien mener notre étude, nous avons structuré le travail en deux(2) grandes
parties. Une première partie intitulée cadre théorique et méthodologique comportant deux(2)
chapitres. Le premier est intitulé cadre théorique et le deuxième cadre méthodologique. La
deuxième partie porte sur l’analyse et présentation des résultats. Cette partie comporte quatre
(4) chapitres. Ainsi, le chapitre 1 intitulé présentation du milieu d’étude, le chapitre 2 porte
sur la connaissance et appréciation de la décentralisation et de la politique par les femmes.
Quant aux deux derniers chapitres de cette partie, ils abordent respectivement la place et
l’efficacité du rôle politique de la femme au sein de la commune, et les effets de la politique
nationale genre sur le processus de la décentralisation.
4
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.Revue de littérature
Tout travail de recherche nécessite le recours à des travaux des prédécesseurs sur le
problème posé qu’est la problématique du rôle politique de la femme dans le processus de
décentralisation afin d’avoir des connaissances et des éclairages en la matière. Cela nous
permettra de préciser l’angle sous lequel nous aborderons notre travail. Cette revue s’articule
autour des thèmes suivants : l’organisation de la société et rapport de genre, décentralisation
et participation politique des femmes, le rôle et la place de la conseillère municipale dans
l’animation du développement local, les obstacles à la participation et représentation des
femmes à la vie politique, stratégies pour la représentation et efficacité des femmes au
processus de décentralisation.
4
BOURDIEU Pierre, 1998, la domination masculine.
5
Pierre, l’homme exerce une domination sur la femme, BADO Laurent récuse cette vision des
rapports hommes et femmes.
C’est ainsi qu’il affirme que l’égalité de l’homme et de la femme, tant du point de vue
nature que du point de vue vocation, n’est pas exclusive d’une différenciation fonctionnelle 5.
Selon Laurent Bado, « L’homme et la femme devant constituer une équipe pour être féconds,
remplir la terre et la soumettre, un chef d’équipe s’imposait, car là où chacun peut faire ce
qu’il veut, nul ne fait ce qu’il veut ; là où il n’ya pas de maître, tout le monde est maître; et là
où tout le monde est maître, tout le monde est esclave ! ». Selon lui, la soumission de la
femme à l’homme n’a rien de discriminatoire, qu’elle n’est pas synonyme de son
asservissement ou de son exploitation par l’homme ! L’ordre étant nécessaire au bon
fonctionnement de tout groupe il faut donc une personne pour exercer l’autorité. Pour lui,
« Dieu » a choisi l’homme pour exercer cette autorité.
D’autres auteurs sont dans la même logique que BOURDIEU Pierre, et pensent que
de façon générale la femme est exploitée et dominée par l’homme. Ainsi, Engel cité par
SANKARA Thomas6, explique les fondements historiques de la situation dominée de la
femme: l’état de l’évolution de l’asservissement de la femme naquit avec l’apparition de la
« propriété privée », à la faveur du passage d’un mode de production à un autre, d’une
organisation sociale à une autre. L’humanité connait l’esclavage avec la propriété privée.
L’homme maître de ses esclaves et de la terre devient « propriétaire de la femme ». C’est là la
grande défaite historique du sexe féminin. Elle s’explique par le bouleversement survenu de la
« division du travail », du fait des nouveaux modes de production et d’une révolution dans les
moyens de production. La vision d’Engel sur la situation de la femme est dialectique en ce
sens qu’elle est orientée vers la saisie des faits dans leur mouvement dynamique et historique
dans un contexte de division sociale du travail.
Dans le contexte du Burkina Faso, quel type de rapport existe-il entre l’homme et la
femme ? Les rapports de genre au Burkina Faso sont fonction de l’organisation de notre
société. Ainsi, selon BADINI(A)7, l’organisation de la société burkinabé se fonde sur
l’autorité omniprésente de la tradition. C’est elle qui justifie et légitime le fonctionnement de
l’ensemble de la société autour de deux types de hiérarchies, à savoir la hiérarchie verticale
(stratification sociopolitique en rapport avec le pouvoir) et celle horizontale (suprématie de la
5
BADO Laurent, mars 2006, la femme traditionnelle était-elle discriminée? pp3-5.
6
SANKARA Thomas, juillet 1987, libération de la femme, une exigence du futur, pp9-11.
7
INSD, 2009, situation socioéconomique des femmes, pp29-30.
6
grande famille). Les sujets, les cadets, les enfants et les femmes avaient obligation de se
soumettre et d’obéir scrupuleusement aux chefs, aînés, parents et époux. La femme a donc
une place et un rôle relégués au second plan au même titre que ceux des enfants.
7
1.2. Décentralisation et participation politique des femmes
L’approche genre permet une meilleure connaissance des relations, des conflits et
des dépendances entre les différents groupes, ce qui permet d’engranger des actions favorisant
un développement plus équilibré entre les hommes et les femmes et en faveur des couches
sociales les plus défavorisées. L’approche genre vise un développement durable, équitable et
participatif8.
8
Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation,2010, État des lieux de la
décentralisation au Burkina Faso, p16.
9
Lettre de politique de développement rural décentralisé, 2009, p15.
8
au cours de la même année pour faire fonctionner les communes selon le Programme
National de Gestion des Terroirs Phase 2 (PNGT2)10.
Sur les 359 maires des communes et d’arrondissement et les 13 présidents des
conseils régionaux, on dénombre 23 femmes maires et aucune présidente de conseil régional.
Pour l’ensemble des communes, la représentativité féminine reste faible, le pourcentage des
femmes élues en exercice est de 23,7% dans les communes urbaines(CU) et de 26,8% dans les
communes rurales (CR). Au niveau régional, les femmes ne représentent que 10,8% des
conseillers régionaux, selon l’état des lieux de la décentralisation au Burkina Faso
(op.cit.20). Cette proportion des femmes évolue souvent sous l’influence du contexte
international. A cet effet, JACOB Jean-Pierre11 parle de l’influence des approches genres sur
le pouvoir burkinabè imposées par la coopération internationale mais aussi d’une analyse
pragmatique des sources de sa stabilité, se présente comme résolument féministe et multiplie
les discours et les pistes de décision en faveur d’une amélioration de la position de la femme
dans la société. Lors des élections municipales de 2006, le parti majoritaire avait recommandé
en son sein, l’établissement des listes électorales en tenant compte des quotas de 25% et de
50% de candidatures féminines respectivement dans les communes urbaines et rurales.
10
PNGT2, sans date, rôle et place de la conseillère municipale dans l’animation de la
collectivité, p5.
11
JACOB Jean-Pierre, 2006, les élections municipales dans trois communes de la province des
Balés, pp16, 21.
9
sont beaucoup plus prononcées chez la conseillère municipale en générale et surtout celle du
milieu rural en particulier en tant que femme et membre du conseil municipal.
Ces auteurs nous retracent certaines mesures prises par le gouvernement dans la
participation politique des femmes dans le processus de décentralisation dans notre pays en
vue d’améliorer leur sort. Il est aussi question de leur représentation aux élections de 2006
mais également certaines difficultés entravant leurs missions d’élues qui n’est pas sans
conséquences sur le bon fonctionnement des organes communaux dont elles font partie.
Comment se fait alors la sélection des candidats dans les élections municipales pour
que les femmes soient faiblement élues ? Dans les villages, les candidatures sont déterminées
de la façon suivante selon JACOB Jean-Pierre (op.cit.12-14) :
- Les « gens qui travaillent », c'est-à-dire les ressortissants qui ont un métier stable en
ville et qui ont de bons résultats avec les structures du parti, ont préséance sur les
résidants. On semble considérer localement qu’ils ont à part exception une sorte de
prédestination naturelle à occuper les postes de responsabilité mais ils ne sont pas tous
acceptés pour cause de manque de respect à l’égard des populations locales.
- Tout comme l’homme a préséance sur la femme, les membres du lignage fondateur
ont aussi préséance sur les « étrangers ».
Ce critère constitue l’un des obstacles les plus difficiles à surmonter pour une femme
qui veut entrer au conseil municipal puisqu’il pose le problème d’indisponibilité d’une
circonscription. Or, nous savons que la femme est considérée dans plusieurs sociétés comme
une étrangère.
12
ADEPAC, 2010, situation des collectivités territoriales en 2009-2010, p24.
11
Et enfin, les candidats têtes de listes sont des petits salariés (instituteurs, petits
fonctionnaires, cadres techniques, journalistes…), ressortissants de la zone et vivants en
milieu urbain, généralement à la capitale.
On constate donc que les candidats sont choisis selon leur profession, le sexe, le
niveau d’instruction, le dynamisme, selon que l’on est issu du lignage fondateur. Les hommes,
urbains et lettrés exercent donc leur pouvoir sur les ruraux, les analphabètes et les femmes.
C’est donc une sorte de reproduction sociale basée sur des critères souvent artificiels(le sexe,
le lignage fondateur, le milieu) permettant donc la consolidation des acquis de certains
individus en même temps maintient d’autres dans leur situation d’exclus éternels.
Les travaux de JACOB Jean-Pierre au regard du temps, ne nous donnent pas des
éléments sur le dynamisme des nouvelles élues locales.
Quels sont les obstacles à la participation et à la représentation des femmes à la vie politique ?
13
ILBOUDO Monique, 1994-1995, féminin pluriel, pp21, 23.
12
adopté qui est un scrutin de listes. Les femmes sont rarement en tête de listes, et ont par
conséquent peu de chances d’être élues. C’est dans ce même élan de démocratisation de
l’espace public et rejet des femmes que Proudhon cité par GUIONNET Christine et NEVEU
Erik14, « est convaincu de l’infériorité physique et intellectuelle de la femme, qu’il estime
incapable « de produire des idées », pour conclure : le ménage et la famille, voilà le
sanctuaire de la femme ». TARRAB Gilbart15, souligne le contexte du BF : qu’ « Avant la
révolution du 4 Août 1983, les femmes n’avaient même pas le droit de prendre la parole dans
les assemblées publiques ou de village ». L’auteur évoque également la situation de la France
qui était presque similaire à la notre il ya près de deux(2) siècles : les femmes n’obtiennent
pas le droit de vote et leur participation à des réunions ou débats politiques suscite elle-même
de nombreux débats. En effet, lorsque des femmes tentent d’entrer au conseil général de la
commune de paris en 1793, le procureur général leur lance : « Depuis quand est-il permis aux
femmes d’adjurer leur sexe, de se faire hommes ? ». En mai 1795, « une loi leur interdit
d’assister à toute assemblée politique. Chaque sexe doit demeurer à sa place naturelle, celle
des femmes étant au foyer ». La femme est avant tout perçue à travers son corps, qui lui
confère les droits de la famille, tandis que l’homme, lui est considéré comme un être de la
sphère publique. Si certains considèrent l’institution judiciaire comme un obstacle majeur à
l’entrée des femmes en politique, d’autres pointent du doigt les partis politiques qui
s’opposent à leur présence dans la vie politique.
Les partis politiques, au-delà des différences partisanes, ont été identifiés comme la
force principale de résistance à la féminisation de la vie politique. Ainsi, ACHIN Catherine
citée MARUANI Margaret16, montre que le militantisme féminin fonctionne comme une
« variable écran », qui masque les réelles conditions de sélection du personnel politique
féminin. Le volontarisme (ou son absence) des partis politiques est le facteur décisif. D’autres
études ont montré que les facteurs politiques jouent un rôle plus significatif que les facteurs
sociaux dans la féminisation des parlements. Entre deux pays ayant un même niveau de
culture politique comparable, le système électoral est déterminant. Ainsi la représentation
14
GUIONNET Christine et NEVEU Erik, 2005, sociologie du genre, p188.
15
TARRAB Gilbart, 1989, femmes et pouvoirs au Burkina Faso, p191.
16
MARUANI Margaret, 2005, femmes, genre et sociétés, l’état des savoirs.
13
proportionnelle a permis la présence de trois à quatre fois plus de femmes en Allemagne que
le système majoritaire en Australie17.
Cependant, d’autres prennent le contre pied des précédents qui analysent la situation
politique de la femme comme résultante de la domination masculine. Ces derniers évoquent
comme critère les compétences politiques à travers la maîtrise des « règles du jeu politique ».
Selon Bailey, cité par NANA Firmin18, l’objectif du parti n’est pas l’émancipation de la
femme mais l’acquisition du pouvoir tout comme sa gestion. Ce n’est nullement pas une
question d’exclusion d’un sexe du pouvoir, mais plutôt les moyens de le conquérir et de
l’entretenir qui sont mis en avant. Bailey rejette donc la théorie de la domination masculine du
pouvoir qui ne prend pas en compte le facteur « compétence » en matière de culture politique
conséquente. Sa vision du phénomène relève donc de la théorie du capital humain (ensemble
des savoirs, connaissances, de capacité dont dispose un individu dans un domaine).
L’analyse des auteurs sur la situation sociopolitique des femmes fait ressortir deux
grandes théories explicatives s’opposant théoriquement mais pouvant aller de paire dans les
faits en ce sens que la gestion du pouvoir politique est intimement liée à une certaine
connaissance des mécanismes qui régissent ce domaine. Les hommes se sont donc très tôt
investis dans ce domaine depuis l’apparition du nouveau mode de production et
d’organisation sociale.
17
Les femmes au parlement : Au delà du nombre : les obstacles politiques à la participation
politique des femmes in http : www.idea.int, 15/12/11 à 17h03mn.
18
NANA Firmin,2004, approche socio-anthropologique des représentations sociales sur les
femmes en politiques dans la ville de Ouagadougou, p54.
14
du niveau d’instruction, de l’amélioration des qualifications de la main d’œuvre, de
l’amélioration du niveau de vie, de l’augmentation du taux d’emploi, de la participation des
femmes à la vie politique, d’un changement de comportement et de mentalité à propos du rôle
des femmes,… Tous ces facteurs élargissent le recrutement politique et débloquent les freins
à l’activité publique des femmes.
Les femmes, elles-mêmes sont pointées du doigt quant à leur responsabilité à leur
épanouissement. Ainsi évoqués dans féminin pluriel (op.cit.24), les problèmes internes au
sein des organisations des femmes « déchirées » et « englouties » dans la junte politique,
règnent une certaine « jalousie », « l’opportunisme », « l’hypocrisie », la « mesquinerie » ;
des maux qui minent sérieusement l’épanouissement de la femme. C’est dans ce sens que la
femme est perçue comme « l’ennemie n°1 de la femme ».
Les médias jouent un rôle important dans la construction d’un modèle masculin ou
féminin de rapport à la politique. Ils sont plus attentifs à l’apparence physique des femmes
(vêtements, physique, coiffure, etc.). Ils portent une attention particulière aux corps et aux
rôles privés des femmes, ce qu’ils font plus rarement pour les hommes23. Cela signifie qu’ils
s’intéressent très peu ou pas à l’efficacité des femmes engagées en politique.
21
GOFFMAN Erving, 2005, l’arrangement des sexes, p27.
22
Les femmes au parlement : Au-delà du nombre : les obstacles idéologiques et
psychologiques in http : www.idea.int, 15/12/11 à 17h03mn.
23
BARD Christine, BAUDELOT Christian, MOSSUZ-LAVAU Janine,2007, quand les
femmes s’en mêlent : genre et pouvoir, p207.
16
genre comme seul élément déterminant. Pour l’auteur, une analyse pertinente de la
problématique du genre requiert une approche globale du phénomène plutôt de réduire la
question à un rapport de dominants et de dominées.
D’autres par contre ont évoqué, le problème financier, la religion, le mode de scrutin,
le rôle des partis politiques, le système politique et le rôle des médias.
Ces stratégies passent nécessairement par la formation et l’information des femmes sur
leurs droits et devoirs politiques. Elles constituent les préalables à une politique d’intégration
des femmes au processus de décentralisation car selon Jeanne Sidibé citée par ILBOUDO
Monique (op.cit. 39), « Eduquez un homme et vous éduquez une personne ; éduquer une
femme et vous éduquez une famille (« une nation ». De ce fait, le processus gagnerait donc en
accordant une place importante aux femmes.
Selon Simone de Beauvoir citée par GUIONNET Christine et NEVEU Erik (opt.cit.
18), «Les femmes doivent comprendre qu’il n’existe pas une condition féminine figée,
prédéterminée, inscrite dans l’ordre naturel, et doivent prendre leur destinée en main ». Ainsi
17
donc, la revendication égalitaire n’implique pas de gommer les différences entre genres, mais
conduit au contraire à affirmer et cultiver la « différence féminine », une différence
culturellement construite et volontairement entretenue, et non une essence inscrite dans la
nature et subie. C’est ainsi que Ann Oakley évoquée par GUIONNET Christine et NEVEU
Erik (Op.cit. 23) affirme la nécessité d’ « admettre l’invariance du sexe tout comme on doit
admettre aussi la variabilité du genre ». L’auteur nous fait comprendre que le sexe renvoie
aux différences biologiques entre mâles et femelles, le genre par contre, est un terme qui
renvoie à la culture. Elle pose donc la problématique d’une distinction entre innée et acquis,
biologique et social, naturel et culturel. Ce qui est resté pendant des siècles confondu,
entretenue par des mythes et idéologies de tout genre.
Les travaux de ces auteurs ont porté sur la formation politique des femmes, l’accès à
l’information surtout politique, la manifestation des femmes à la politique, la revendication de
l’égalité de genre homme-femme, la confiance en elles-mêmes. L’alphabétisation et
l’élévation du niveau d’instruction des femmes et filles, informer la population sur la
nécessité d’une reconstruction sociale et culturelle de l’image de la femme dans la société
sont également recommandées. Une politique de réforme législative et règlementaire en
faveur des femmes. Enfin, les associations de la société civile et les ONG doivent s’impliquer
également dans la promotion de l’égalité et l’équité du genre en politique.
Pour mieux appréhender les différents contours de notre thème d’étude, nous l’avons
intégré dans des champs sociologiques suivants :
18
I.3. Les champs sociologiques d’appartenance du thème
-Analyse interdisciplinaire de la décentralisation : notre thème comme indiqué évoque un
aspect de la décentralisation notamment la participation féminine à la gestion de la commune.
-la Sociologie rurale : notre thème et notre terrain d’étude se situent dans un contexte rural.
-la Sociologie du genre : elle nous permettra de comprendre comment le social transforme le
sexe en genre, voire comment les définitions du genre affectent la perception que nous avons
du sexe, jusqu’à sa matérialité anatomique.
Pour une question de faisabilité du problème général soulevé aussi vaste que complexe, nous
nous attelons à un aspect particulier qui constituera notre problème spécifique sur lequel nous
avons peu d’information.
2- Problématique de la recherche
La décentralisation et la question de la participation politique de la femme sont deux
thèmes sur lesquels beaucoup de réflexions ont été portées par le gouvernement, les
chercheurs, et les acteurs au développement. Cela démontre l’importance du sujet et de la
prise de conscience par tous les acteurs des préoccupations et des points de vue des femmes.
Les femmes constituent la grande masse des acteurs de la décentralisation. Malgré leur
position centrale dans le développement, leur statut économique, social et politique restent
précaire. Elles sont quasi absentes dans les postes décisionnels dans la sphère politique du
pays. Comme dans la plupart des pays africains, l’univers politique reste dominé par les
hommes. L’ensemble des femmes constituent au Burkina Faso comme dans la plupart des
sociétés africaines, une catégorie sociale dominée, victime de préjugés, souvent privée du
droit de parole, et objet plutôt qu’actrices de la vie politique nationale.
Faire de la politique engendre des « coûts différenciés » selon les genres. Ainsi,
l’univers politique est encore largement conçu comme un univers viril où les hommes sont
légitimes et les femmes tolérées surtout dans les positions où elles sont censées utiliser des
qualités affectées aux femmes en tant que femmes. C’est le domaine par lequel où elles
doivent faire leurs preuves contrairement aux hommes politiques à qui on ne demande de
19
compte que sur les actions politiques. Cette difficulté à s’imposer en politique constitue une
caractéristique féminine particulièrement évidente. Les femmes étant peu nombreuses à
exercer des mandats politiques, celles qui prétendent entrer en politique doivent affronter un
ensemble de préjugés.
C’est de ce point de vue que se situe notre préoccupation principale autour du « rôle
politique de la femme dans le processus de décentralisation ». Quel est donc le rôle politique
de la femme dans le processus de décentralisation ? C’est à cet effet que le thème doit être
abordé sous l’angle du niveau de compréhension de la décentralisation par les femmes, de
l’efficacité des élues locales, ainsi que les effets des mesures prises en leur faveur au Burkina
Faso dans le cadre du processus de décentralisation. Cette préoccupation spécifique fait appel
donc à des interrogations particulières suivantes :
20
Quel est le niveau de compréhension de la décentralisation par les femmes ? Quelles
sont les types de manifestations politiques auxquelles les femmes participent dans la
commune ?
Quelles sont les actions que les élues locales de Kougny mènent dans le cadre de leur
mandat et de leur position de leader ? Quelles sont les contraintes et difficultés auxquelles
elles sont confrontées dans l’exercice de leur fonction ?
Quels sont les effets des mesures prises dans le contexte de politique nationale genre
dans le cadre du processus de décentralisation? Connaissance et perception de la loi du quota
genre ?
21
4. Objectifs de la recherche
A travers cette étude nous cherchons à comprendre le rôle politique de la femme dans le cadre
du processus de décentralisation dans la commune rurale de Kougny.
Evaluer l’efficacité de l’action des élues locales dans l’exercice de leur fonction tout en
identifiant les contraintes et difficultés liées;
Analyser les effets des mesures prises dans le cadre du processus de décentralisation,
connaître le niveau de connaissance et les opinions sur la loi de quota genre.
Le niveau d’instruction des élues locales influence négativement l’efficacité de leur rôle
politique dans la commune.
La méconnaissance des textes, voire leur rejet par certains hommes limite les effets des
mesures prises dans le cadre de la décentralisation en vue d’améliorer la position
sociopolitique des femmes.
22
6. Identification des variables et leurs indicateurs
Le choix de notre population à enquêter s’est fait selon les variables suivantes :
Age : connaître l’influence de l’âge sur le choix des candidats aux élections municipales de
2006.
Indicateurs : non alphabétisé, alphabétisé (dans une langue nationale ou étrangère), et niveau
de scolarisation (niveau primaire, secondaire et niveau supérieur).
23
Catégorie socioprofessionnelle : savoir si l’appartenance à cette catégorie a une influence
sur le choix des candidats aux élections municipales de 2006. Ensuite, savoir si la
compréhension de la notion de décentralisation, de politique et de la connaissance de la loi de
quota genre est fonction de cette catégorie. Enfin, établir la relation entre la catégorie
socioprofessionnelle et l’incidence de cette loi sur la représentation des femmes aux postes de
décisions communales.
Les moyens économiques et matériels: voir la corrélation entre les ressources économiques
des femmes et leur participation et représentation à la vie politique communale. Voir aussi
l’influence du revenu et des moyens de déplacement des élues locales sur l’accomplissement
de leurs tâches.
Indicateurs : niveau de revenu (faible, moyen, élevé) ; moyens de déplacement (vélo, moto).
24
Les actions menées par les élues locales dans la commune : connaître les actions mises en
œuvre par les élues locales dans la commune. Connaître le niveau de leur réalisation.
-le positionnement des femmes sur les listes électorales des partis politiques au niveau local.
8. Définition de concepts
Ce travail s’est construit autour d’un certain nombre de concepts. Etant donnée
la complexité de ces concepts, il est important d’en définir les contours pour éviter toute
confusion dans leur compréhension. C’est dans ce sens que DURKHEIM Emile affirme qu’il
ne faut « jamais prendre pour objet de recherche qu’un groupe de phénomènes préalablement
définis par certains caractères extérieurs qui leur sont communs et comprendre dans la même
recherche tous ceux qui répondent à cette définition »24.
La décentralisation :
24
DURKHEIM Emile, 1992, les règles de la méthode sociologique, p35.
25
l’imputabilité des dirigeants et le devoir des citoyens et enfin la personnalité juridique
distincte de celle de l’Etat25. La décentralisation consiste également à reconnaître l’existence
de personnes morales autres que l’Etat, dotées d’organes propres et d’autonomie financière.
Elle se veut aussi un approfondissement du processus de démocratisation amorcé dans notre
pays depuis quelques années. La conduite du processus de décentralisation demeure donc très
politique car il s’agit d’un partage de pouvoir. Sur le plan socioéconomique, elle a pour
mission de promouvoir un développement durable à la base. Les producteurs à la base doivent
être perçus comme les premiers leviers du mécanisme de développement et de la croissance.
La décentralisation vise donc, l’avènement d’un modèle de société où l’homme pris dans son
contexte de vie quotidienne est rendu plus libre, plus responsable et plus impliqué dans
l’initiative et la mise en œuvre des différentes actions concourant à la transformation
qualitative et progressive de ses conditions de vie (p18-19).
25
CND, juin 1998, décentralisation au Burkina Faso : acquis et perspectives, p7.
26
Les Échos Praia, 1996, femme et décentralisation : rapports, points de vue, suivi de la
rencontre de Bamako, les femmes exigent une plus grande implication dans les instances de
décision, p6.
26
Les collectivités territoriales27
Notre présente étude porte sur la collectivité territoriale de base qui est la
commune en particulier la commune rurale.
Rôle politique
27
Loi N°055- 2004/AN du 21décembre 2004 portant code général des collectivités
territoriales au Burkina Faso, p10.
28
GRAWITZ Madeleine, 1981, méthodes des sciences sociales, p541.
27
Sur le plan scientifique29, l’étude de rôle requiert une triple perspective,
correspondant à trois niveaux d’approche : au niveau institutionnel, le rôle se caractérise par
sa prescription et par son apport à un système de positions sociales. Il est défini comme
l’ensemble des conduites normales requises d’un sujet lorsqu’il possède tel statut social ;
celles qui conviennent à tel âge, tel sexe, telle position familiale, professionnelle et politique.
Au niveau individuel, le rôle se caractérise par sa fonction d’expression et ses rapports avec la
personnalité des sujets. Chaque individu assume son rôle ou ses rôles de façon plus ou moins
fidèle aux modèles en vigueur dans la société globale ou tel groupe social. Enfin, les rôles au
niveau interactionnel, se caractérisent par leur fonction de complémentarisation. Pratiquement
modèles et normes d’une part, attitudes et personnages d’autre part, n’ont de sens qu’autant
qu’ils s’actualisent dans des situations concrètes.
29
MAISONNEUVE Jean, 1975, introduction à la psychologie sociale, pp.71- 72, 75,77.
30
ROCHEBLAVE-SPENLE Anne Marie, 1969, la notion de rôle en psychologie sociale,
pp172, 175, 194,252.
28
Nous entendons par rôle, un ensemble de tâches ou d’exigences se rapportant à
une position sociale particulière d’un individu dans un milieu social donné. Nous inscrivons
ce rôle dans le niveau interactionnel où les femmes et les hommes sont en interaction dans
une complémentarité de leurs fonctions d’élus locaux. C’est donc un modèle organisé de
conduites, relatif au statut de la femme dans un ensemble interactionnel avec l’homme.
Culture politique.
Socialisation politique.
31
DORMAGEN Jean-Yves et MOUCHARD Daniel, 2008, introduction à la sociologie
politique, p11.
32
IGD, sans date, école des cadres des partis politiques: manuel de renforcement des
capacités, p26.
29
apprentissage se fait à travers des formations, des sensibilisations, de la communication et de
l’information sur des thèmes afférents à la politique. Cela permet donc aux acteurs politiques
d’acquérir des connaissances, de l’expérience et d’être efficaces sur le terrain.
Participation politique
33
ROUAMBA Claudine Valérie, 2009, démocratie masculine, contestation féminine à partir
des marges : Les enjeux du quota au sein du parlement burkinabè, p93.
30
participation politique est la « représentation politique » qui concerne « l’élection des
mandataires » et la « prise en compte des intérêts portés par les femmes ».
Genre
La définition nationale du genre35: « Le genre doit être analysé sous l'angle des
inégalités et des disparités entre hommes et femmes en examinant les différentes catégories
sociales dans le but d'une plus grande justice sociale et d'un développement équitable ». Le
genre tel que défini, se réfère aux relations sociales entre l'homme et la femme, et aux
différences structurelles qui les caractérisent en termes de rôles, de statut et de fonction
socialement attribués, et culturellement justifiés, et qui évoquent dans le temps et dans
l'espace.
34
http.pnud.org.ma/guide/concepts…/con-concepts-integration.html. 18h20mn
35
Ministère de la Promotion de la Femme, juillet 2009, document de politique nationale genre,
P22.
31
Nous entendons par genre, un concept social définissant les rôles et
responsabilités attribués aux catégories sociales basées sur le sexe à un moment donné de leur
histoire.
Egalité de genre est une réelle prise en compte des différentes couches dans tous
les domaines de la vie sociale. Ainsi, On entend, par égalité entre les sexes, que les femmes
et les hommes aient des conditions égales pour réaliser leurs pleins droits et leur potentiel et
pour contribuer à l’évolution politique, économique, sociale et culturelle, tout en profitant
également de ces changements. L’égalité homme-femme n’implique pas que les hommes et
les femmes deviennent « identiques », mais qu’ils aient des possibilités et des chances égales
dans l’existence36.
Cette égalité de genre passe par une justice de genre que définie Goetz : d’une
part, comme la disparution des inégalités entre femmes et hommes qui entrainent la
subordination des premières aux seconds et, d’autre part, la mise à disposition des ressources
permettant de pallier ces inégalités. L’identification des moyens de contester les structures
d’inégalités passe nécessairement par la compréhension des justifications idéologiques et
culturelles de la subordination des femmes. Selon Laurel S. Weldon, l’égalité des genres et le
renforcement des capacités et l’autonomisation des femmes se mesurent au pourcentage des
sièges électifs occupés par les femmes, au taux de scolarisation des filles et à l’activité
économique des femmes, tous cités par MUKHOPADHYAY Maitrayee et SINGH Navsharan
( op.cit. 6, 50).
Le quota genre
Littéralement, le quota genre renvoie à une proportion destinée à une catégorie sociale
donnée en réponse à une situation jugée insatisfaisante.
Ainsi, « les quotas pour les femmes impliquent que les femmes doivent constituer un certain
nombre ou pourcentage des membres d’un corps, qu’il s’agisse d’une liste de candidats,
d’une assemblée parlementaire, d’une commission, ou d’un gouvernement. L’idée de base
derrière ce système est de recruter des femmes à des postes politiques et de veiller à ce
qu’elles ne soient pas isolées de la vie politique. Aujourd’hui, les systèmes de quotas visent à
36
http://www.pnud.org.ma/pdf/Manuel-ISAC.pdf
32
garantir que les femmes constituent au moins une « minorité critique » de 20, 30 ou 40 %, ou
même d’assurer une parité de 50-50% entre les sexes ». Cette minorité critique assure la
présence des femmes dans le système politique et favorise leur participation progressive à la
vie politique et au processus de prise de décision ». Il existe deux types de quotas :
Les « quotas législatifs et constitutionnels sont fixés par des dispositions juridiques. Ils ont
pour avantage de s’appliquer à toutes les entités politiques participant aux élections dans un
pays et prévoient, dans certains cas, des sanctions judiciaires en cas de non-conformité »37.
En avril 200938, l’Assemblée Nationale du Burkina Faso a adopté la loi numéro 010-
2009/AN du 16 avril 2009 portant fixation de quotas aux élections législatives et aux élections
municipales au Burkina Faso. Le processus d’adoption de cette loi est le fruit d’actions de
plaidoyer et de lobbying menées par les acteurs de la société civile en particulier les
organisations féminines auprès des autorités administratives et politiques (Gouvernement,
Assemblée Nationale, Partis politiques). Dans son article 1 du chapitre 1 portant sur les
dispositions générales, la présente loi fixe un quota au profit de l’un et de l’autre sexe aux
élections législatives et aux élections municipales au Burkina Faso. L’article 2 du même
chapitre dit ceci : la fixation du quota est une mesure positive visant à permettre à l’un ou
l’autre sexe, sans distinction aucune, de prendre part à la direction des affaires publiques par
l’intermédiaire de représentants élus. Le chapitre 2 de cette loi porte sur les modalités de mise
en œuvre du quota. En effet, à son article 3, toute liste de candidatures présentée par un parti
politique ou regroupement de partis politiques, lors des élections législatives et municipales,
doit comporter au moins 30% de candidatures au profit de l’un ou de l’autre sexe. La loi dit à
son article 5 que : tout parti politique ou regroupement de partis politiques dont les listes ne
respectent pas les dispositions de la présente loi, perd 50% du financement public pour les
campagnes électorales.
Quant aux quotas volontaires (cf. n°36), ils supposent que « l’un ou plusieurs partis
politiques dans un pays introduisent de leur propre initiative des quotas de genre dans leurs
textes de référence, afin de garantir la nomination d’une proportion déterminée de femmes ».
37
Les quotas de genre en politique en Algérie, au Maroc, en Tunisie :
www.womenpoliticalparticipation.org/cpload/.../publication11.pdf, 27/01/2012, 18h16mn.
Saran SERE/ SEREME, Député, (15-16/12/2011) dans sa communication sur l’émergence
38
des candidatures féminines aux élections couplées de 2012, dans la salle de conférence des
archives nationales.
33
Les quotas législatifs et constitutionnels s’inscrivent dans le cadre de notre étude à
travers la loi de quota genre adoptée en 2009 par l’Assemblée Nationale.
Le féminisme.
Selon GUIONNET Christine et NEVEU Erik (op.cit. 15-16), les premières mobilisations en
faveur des femmes sont très anciennes et datent du XV è siècle mais l’expression organisée
autour d’une aspiration à l’égalité entre sexes ne s’affirme réellement qu’à partir de la
révolution française, et ne se constitue en mouvement social qu’à partir du XIXe siècle.
Pendant la révolution française, le concept même de féminisme n’existait pas encore, mais les
femmes exprimaient leur volonté collective où la prise de conscience de leurs problèmes
spécifiques va de pair avec leur désir d’appartenir, comme les hommes, à la nouvelle société
politique. Des cahiers de doléances, des pétitions, des clubs politiques sont les éléments de
cette pratique militante. C’est seulement dans les années 1880 que les associations féministes
s’affirment comme des mouvements de revendication collective, puis dans la première
décennie du XXème siècle qu’elles sont reconnues avec une réelle estime. En 1881,
Hubertine Auclert donne au terme de « féminisme » (d’abord employé en 1872 par Alexandre
Dumas Fils) son sens moderne de lutte en faveur des droits des femmes. Le féminisme est
donc un courant de pensée issu des mouvements de lutte des femmes. Selon HUGUETTE
Dagenais (op.cit.181), c’est un « mouvement social à plusieurs voies/voix dont l’objectif est la
transformation en profondeur des rapports sociaux de sexe qui sont oppressifs pour la femme
en vue d’une société juste et égalitaire ».
34
Chapitre II- Méthodologie de la recherche
La méthodologie est une mise en œuvre progressive et cohérente d’un projet de
recherche bien défini par un travail personnel, dans un objectif de production de
connaissances devant éclairer un aspect de la réalité sociale, dans un domaine précis de la vie
sociale.
Il s’agira de présenter la population d’enquête, l’échantillon, les méthodes de
production des données, la politique de terrain, la stratégie d’analyse des données ainsi que les
limites et difficultés de la présente étude.
1. La population d’enquête :
Elle est la population sur laquelle est portée l’étude. Elle est constituée de la
population cible, du groupe témoin et des personnes ressources.
2. L’échantillon
L’échantillon est la proportion de la population d’enquête qui a été réellement
enquêtée. Pour le choix de l’échantillon, nous avons procédé par la technique du choix
raisonné. On parle du choix raisonné car la technique repose sur notre jugement. Ce choix se
justifie en partie parce que la définition initiale de l’univers à étudier est plus limitée et aussi
en partie parce que les processus sociaux possèdent une logique et une cohérence.
36
3. Méthodes de production des données.
Notre approche du phénomène est de saisir les significations que les acteurs ont de ce
phénomène social qu’est le rôle politique de la femme dans le processus de décentralisation
dans la commune. Autrement dit, nous avons adopté une approche qualitative pour
comprendre les motivations, les représentations et les opinions des enquêtés sur la thématique.
Quant aux outils de collecte des données, nous avons fait recours à trois d’entre eux. Ce sont
la recherche documentaire, le guide d’entretien et la grille d’observation en dernier lieu.
La recherche documentaire : elle est celle qui nous a permis de faire l’état des
connaissances sur le sujet et elle nous a permis d’orienter notre problématique de recherche.
Le guide d’entretien : les représentations des acteurs locaux sont un élément indispensable
de toute compréhension du social. Le guide nous a permis de recueillir des données
qualitatives. Ce guide a été élaboré en fonction de chaque catégorie de population d’enquête
(groupe cible, groupe témoin et les personnes ressources). Il s’agissait de connaître :
-le niveau de compréhension de la décentralisation par les femmes ;
-l’efficacité du rôle politique de la femme dans le cadre du processus de décentralisation ainsi
que les contraintes limitant cette efficacité;
-les effets de la politique nationale genre sur le processus de la décentralisation;
-la loi de quota genre.
La grille d’observation: elle a pris en compte l’organisation et la participation à la session
ordinaire du 7 avril, 2012, (confère annexes).
4. La politique de terrain
Pour réaliser l’étude, nous avons d’abord procédé à une prise de contact en premier
lieu avec le premier responsable (le maire) de la commune qui réside dans la capitale. Ce
dernier nous a donné son autorisation. Une fois sur le terrain, nous avons également pris
contact avec d’autres responsables administratifs de la commune notamment le premier
adjoint au maire, le Secrétaire général de la mairie et le préfet du département. Nous nous
sommes rendus au moins deux fois chez certains enquêtés pour des informations
complémentaires. Nous avons participé à la première session du conseil municipal le 7 avril
2012 qui nous a permis de découvrir certaines contradictions entre les propos des enquêtés et
la réalité observée, par exemple l’intervention des conseillères dans les débats lors des
sessions. A la session d’avril, le maire nous a autorisés à nous présenter à l’assemblée, ce qui
nous a permis d’expliquer les raisons de notre présence à la dite session. L’observation de la
session a porté sur les pratiques sociales à la fois gestuelles et verbales. La saisie des pratiques
37
sociales par observation directe a été faite par l’examen détaillé du déroulement de la session.
Les participants à cette session n’avaient pas les mêmes attitudes d’engagements. Il y avait du
sérieux sur certains visages par contre d’autres ont passé beaucoup de leur temps à bavarder
ou à murmurer. Ils étaient décontractés. Cela même a attiré l’attention des responsables qui
étaient obligés de temps à autre de demander le silence. Encore plus loin, un participant dit :
« si vous ne voulez pas suivre la séance, la porte est grandement ouverte ». Il est dit sur un
ton élevé.
Lors des entretiens, nous avons utilisé l’entretien semi-directif pour la collecte des
données. Il est semi-directif ou semi-dirigé en ce sens où les enquêtés n’étaient ni entièrement
libres, ni entièrement dirigés. Son utilisation se justifie par le souci de recueillir des
informations nécessaires grâce au guide d’entretien relativement ouvert.
La production des données ou politique de terrain a consisté à bâtir une stratégie de recherche
sur la quête de différences significatives qui est de faire de l’hétérogénéité de discours un
objet d’étude. Ce qui a même justifié la nécessité de prendre en compte ces trois types de
population d’enquête dont les points de vue sont variables. Ces différences de significations
sont obtenues grâce au principe de saturation qui renvoie à quand peut-on mettre fin à la
phase de terrain ? Cette fin est intervenue lorsque nous avons constaté que sur le problème de
l’efficacité du rôle politique des femmes dans le cadre du processus de décentralisation dans
la commune rurale de Kougny, il n y avait plus de données nouvelles produites par les
enquêtés.
Nous nous sommes entretenus individuellement avec les enquêtés. Nous avons
présenté les objectifs de la recherche et la forme d’investigation de façon à ce que nos
interlocuteurs soient éclairés sur ce qu’on attendait d’eux. Les différents lieux d’enquêtes ont
été les domiciles des individus. D’autres ont sacrifié un peu de leur temps de service à nos
entretiens. Ces données collectées ont été ensuite analysées pour mieux saisir le sens des
propos des intervenants.
38
latent des discours des enquêtés. En effet, on s’est intéressé au discours explicite des enquêtés
mais également à l’implicite, l’inexprimé, au sens caché que nous avons cherché à dévoiler.
S’agissant du type d’analyse de contenu, nous avons adopté le type qualitatif, ce qui nous a
permis d’interpréter le discours des enquêtés à l’aide de quelques catégories analytiques en
faisant ressortir des particularités. Une des étapes de ce type d’analyse a été la sélection d’une
unité d’analyse. Nous nous sommes intéressés aux unités thématiques qui renvoient à des
« noyaux de sens » dont la présence récurrente a permis de faire des inférences. Ce choix
s’explique par le fait que notre étude porte sur les opinions, les attitudes, les valeurs et les
tendances. Ainsi, la construction de ses unités thématiques a été possible grâce à la relecture
des entretiens et l’organisation des idées selon la convergence des sens, ce qui nous a permis
de dégager le plan de rédaction. La catégorie analytique est obtenue de façon déductive car
déterminée dès le départ par une théorie dont on veut tester les prédictions ou hypothèses.
39
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE ET PRESENTATION DES RESULTATS.
1. La situation géographique
Selon la monographie de la région de la boucle du Mouhoun39, la commune rurale de
Kougny est située dans la région de la boucle du Mouhoun (chef lieu Dédougou). Elle est
l’une des six communes de la province du Nayala (chef lieu Toma qui a une population de
163433 habitants, Elle est à 25 km à l’ouest de la ville de Toma. La commune est limitée :
-au Nord par les communes rurales de Gossina et de Yaba, à l’Est par la commune urbaine de
Toma
39
Monographie de la région de la boucle du mouhoun, 2009, p27.
40
Plan communal de développement de Kougny, 2009, p11.
40
1.2. La situation démographique
41
1.3. Organisation sociale
Avec les élections municipales de mars 2006 la commune de Kougny s’est dotée d’un
conseil municipal avec à sa tête un maire. Conformément aux dispositions du code général
des collectivités territoriales, nombre d’aspects du travail administratif tel que l’état civil, sont
progressivement dévolus à la mairie. L’exercice du pouvoir politique est assuré par le nouvel
organe. Chacun des dix villages dispose de (02) conseillers. Ces conseillers constituent de nos
jours les relais de l’administration communale dans leurs localités respectives.
42
Graphique 1 : Mairie de la commune rurale de Kougny : prise le 8/04/2012 par Niamba Issa.
43
potable (cas des villages de Gounian, Gouri, Niaré, Nimina, Sèbèrè, Tiouma) ou trouver du
bois sec, et enfin par le mode de transport (souvent sur la tête).
En plus des charges importantes, les femmes interviennent dans les travaux de
production agro pastorale et mènent en fonction des saisons, des activités génératrices de
revenu (embouche ovine, achat/ commercialisation des céréales, production et
commercialisation de bière de sorgho, petite restauration, etc.). Les revenus générés leur
permettre de prendre en charge (partiellement ou en totalité) les frais de scolarité ou de soins
de santé des enfants ou encore de l’alimentation de la famille.
Enfin, il faut noter que les femmes contribuent énormément aux activités de
développement dans la commune (travaux d’aménagements anti érosifs, plantations d’arbres,
approvisionnement en eau et agrégats pour la réalisation des infrastructures socio
économiques).
Le statut actuel de la femme dans la commune n’est pas pour autant un phénomène
immuable. Ainsi, bien qu’elles soient généralement moins instruites (numériquement) que les
hommes, on assiste à des situations où des femmes sont appelées à occuper des postes de
responsabilité au sein de certaines organisations parce qu’elles savent lire et écrire, et par
conséquent peuvent mieux représenter les intérêts de la communauté. C’est l’ensemble des
femmes de plus en plus présentes au niveau de certaines instances modernes de prise de
décision (conseil municipal, CVD, bureaux d’organisations paysannes).
Les femmes, pour améliorer leur sort ont décidé de se regrouper en associations ou en
groupements dans lesquels elles exercent diverses activités.
Dans tous les villages il existe une ou plusieurs associations ou groupements féminins
qui travaillent essentiellement dans le domaine de l’agriculture, de la maraîchéculture, de
l’alphabétisation des femmes mais aussi dans les échanges d’idées et de sensibilisation à
l’endroit des femmes mais rarement dans la formation politique des femmes. En effet, on a
l’association siguitimôgôsson(en dioula), djantan bamigoéwa(en san)41. Les membres de
l’association font des rencontres, échanges les idées, se donnent les informations. A Kibiri, se
trouve l’association benkadi qui veut dire c’est bien de s’entendre. Les femmes regroupées
Signifie s’assoir ne donne rien à quelqu’un, a pour objectif de s’unir comme la dit la
41
45
C’est toujours le même constat au niveau de l’alphabétisation. Les femmes participent
faiblement aux séances d’alphabétisation, elles préfèrent aller dans les jardins de cultures
d’oignons, de tomates et autres. Selon elle, le nombre de femmes qui devrait être recrutée
pour cette campagne 2011-2012, soit 30 femmes n’est pas atteint en mars 2012.
Ces associations et groupements ont pour champs d’actions l’éducation des filles,
l’alphabétisation, la recherche de crédits pour le commerce et les activités agricoles et
maraîchécultures, mais ils s’orientent rarement dans la formation politique des femmes. Ce
qui fait dire à CLAUDINE Valérie ROUAMBA42 que « L’attitude du mouvement féministe
dans une autre mesure peut aussi avoir une part de responsabilité dans le retard de
l’implication des femmes dans les instances politiques. Ces mouvements ne montrent que très
peu de préoccupations pour la politique ; leurs préoccupations se dirigent le plus souvent
vers des questions telles que la lutte contre l’excision, l’éducation des filles. Elles
s’intéressent donc peu ou pas aux revendications de pouvoir politique classique.»
L’alphabétisation rencontre des problèmes de participations des apprenants. Cela est lié à la
non rémunération et à la méconnaissance de son utilité.
1-L’organisation de la session
Le conseil municipal, tout comme le conseil régional, doit se réunir en session ordinaire une
fois par trimestre, soit quatre fois par année, sur convocation du président.
42
ROUAMBA Claudine Valérie, 2009, démocratie masculine, contestation féminine à partir
des marges : les enjeux du quota au sein du parlement, p96.
46
orientations du budget communal. Cette session a vue la participation des élus locaux et celle
des services.
1-1-Lieu de la session
La session a eu lieu dans le village de Kamba, situé à une dizaine de kilomètres de Kougny
chef. A notre arrivée sur les lieux à 7h40mn, nous avons trouvé sur place les conseillers du
village hôte, les membres du CVD, des élèves ainsi que d’autres personnes qui nettoyaient la
salle d’accueil. Un ressortissant du village résidant à Ouagadougou convié à cette occasion a
apporté des paquets d’eau minérale et a offert 15000f au conseil municipal. Lorsque nous
avons vu son geste, nous avons cherché à comprendre ses motivations réelles. Les
recoupements d’informations ont fait ressortir qu’il ambitionnait de se positionner en candidat
aux élections législatives pour le compte de la province du Nayala. Les dons ont l’apparence
d’être accomplis sans calculs opportunistes. Or la réalité est toute autre. C’est finalement un
investissement, ce qui renvoie à l’utilisation du capital financier dans la conquête du pouvoir
politique.
Toutes les conseillères disposent d’un vélo offert par madame le maire. C’est aux environs de
10h30mn que le maire est arrivé en voiture. Il fut accueilli par une foule en liesse du son de
tam-tams. Soulignons de passage qu’accueillir une hôte par des tam-tams en pays samo, est
un grand événement. Il témoigne d’une part l’importance de l’événement et d’autre part
témoigne la bienvenue de cette personnalité, marque sa célébrité et toute la reconnaissance de
la population envers elle.
2-1-Ouverture de la session
L’ouverture de la session est intervenue à 10h35mn pourtant prévue pour 9heure. Ainsi, le
premier adjoint au maire a pris la parole en disant : « Je souhaite la bienvenue aux
participants à cette sessiondu conseilmunicipal ». Il explique ensuite le retard de madame le
maire lié àun décès.C’est à la suite de son intervention que madame le maire a pris la parole.
Après les différentes explications, le maire a présenté l’ordre du jour qui s’étalait en quatre
grands points. Le premier point a porté sur l’examen du budget 2012, ensuite les activités de
2012, pour venir aux informations et divers en passant par le compte rendu de la journée
internationale de la femme à Dédougou. L’ordre du jour a été repris en langues locales
47
particulièrement en san et en mooré. La session s’est déroulée donc en trois langues à savoir
le français, le san et le mooré.
La participation féminine est plus importante par rapport à celle des hommes. Cela s’explique
par le fait que le jour de la session a coïncidé avec la découverte d’un site minier dans
l’espace géographique du village, où les hommes se sont rendus massivement.
Tableau 7 : Taux de participation des élus locaux en exercice à la session du 7 avril 2012
selon le sexe.
Présent(e)s
5 11 16
Au regard de ce tableau, il se dégage un écart de participation selon le sexe. Cet écart est de
1,28%(différence entre les deux taux) contre 4,4% qui a été obtenu grâce à la différence des
taux suivants : hommes 87,2%, femmes 82,8% au plan national, ADEPAC (op. cit. 27). Il
ressort que dans la commune rurale de Kougny, les élus locaux participent aux sessions du
conseil municipal et confirme les propos des enquêtés pendant l’entretien qui ont affirmé leur
participation régulière aux sessions. L’écart du taux de participation obtenu dans notre étude
ne doit pas être considéré comme une confirmation à la faible participation des conseillères
par rapport aux hommes si nous considérions le nombre d’absents des deux sexes qui est de
48
(1) absente chez les femmes et de 2 chez les hommes. La session s’est tenue en présence de la
majorité absolue (la moitié plus un) des conseillers43.
On observe un réel engouement de la part des populations aussi bien du côté des élus que
celui des non élus, soucieux du développement de la commune ont répondu massivement
présents à l’appel du conseil municipal. La commune rurale de Kougny a délocalisé le lieu de
la session ordinaire qu’elle confie tour à tour son organisation aux dix villages membres.
Présentement, seul le village de Sèbèrè n’a pas encore organisé la session et il ne doit pas
manquer la tradition puisque l’organisation de la deuxième session ordinaire de l’année 2012
lui est confiée.
43
Conformément à la loi N°065-2009/AN : les conseils municipaux et régionaux ne peuvent
valablement siéger que si la majorité des membres, c'est-à-dire plus de la moitié des membres,
est présente à l’ouverture de la session, (ADEPAC, op.cit : 24).
49
2-2-Le déroulement de la session
L’examen du budget a été succinct.Il a été présenté par le comptable de la mairie et a été
traduit en langues san et mooré.Le comptable l’a décomposé en deux points à savoir le
fonctionnement de la mairie qui s’élève à 24 794 319 F CFA et l’investissement dont le
montant est de 74 734 628 F CFA soit un total de 98 876 976 F CFA. Aucun élu n’a posé de
questions sur le budget. Cela peut s’expliquer par leur faible niveau d’instruction dont le
plafond est la classe de 4èmepour les autres membres du conseil municipal à l’exception du
maire qui a un niveau supérieur.
Les activités prévues pour l’année 2012, sont entre autres l’achat de fournitures scolaires à
hauteur L’examen du budget a été succinct. Il a été présenté par le comptable de la mairie et a
été traduit en langues san et mooré. Le comptable l’a décomposé en deux points à savoir le
fonctionnement de la mairie qui s’élève à 24 794 319 F CFA et l’investissement dont le
montant est de 74 734 628 F CFA soit un total de 98 876 976 F CFA.de 10 569 000F, les frais
du carburant à 800 000 pour les différents déplacements. Ensuite, viennent les fournitures de
bureau à hauteur de 300 000f, 230 000f pour acquisition de biens immobiliers, la construction
d’un complexe scolaire à Gounian dont la valeur s’élève à 30 000 000f de nos francs, d’un
forage à 6 500 000f toujours dans le même village. Enfin, la réhabilitation de deux forages
dans les villages de Goin et de Kamba dont le montant est de 3 800 000f. Toutes ces activités
et leurs montants ont été livrés par le comptable de la mairie et ont été traduits en san et en
mooré par nos deux traducteurs. Dans l’optique d’une gestion transparente et de permettre aux
populations de comprendre le choix des activités et leurs répartitions suivant les villages, le
maire adjoint dit : « Le choix des activités et leurs attributions suivant les différents villages
ne sont nullement la volonté d’un individu. Ils se font lors d’une rencontre en présence des
conseillers et selon les besoins de chaque village. C’est sur cette base que se fait l’attribution
des activités aux localités ». Ensuite, le SG a intervenu en soulignant ceci : « La population
doit contribuer au budget communal en s’acquittant de ses impôts et taxes de charrettes et
fusils car les financements de l’Etat sont insuffisants. Ces taxes permettront de financer
d’autres activités ». Dans le même sens de responsabilité des citoyens à participer activement
au développement de la commune, madame le maire a exhorté la population à se mettre au
travail, à ne pas attendre tout de l’Etat. Elle illustre cela par la route Kamba-Nimina où l’on y
50
trouve beaucoup de racines d’arbres. Elle dit : « Ce n’est ni l’Etat, ni Dédougou, ni Toma, ni
elle-même qui peut arranger cette voie. Seule la populationde Kamba peut le faire» Elle a
parlé avec insistance a-t-on constaté ! Cette partie a mis fin au volet activités pour aborder le
point sur le 8 mars 2012.
Le compte rendu de cettejournée à Dédougou a été livré par la présidente des femmes de la
commune deKougny et aussi par la responsable de la commission économique et financière.
La représentante des femmes a fait l’état des participantes et de la prise en charge des femmes
de la commune de Kougny par madame le maire. Elle s’est exprimée en san.« Chaque village
de la commune a envoyé deux femmes. » Elle laisse la parole à la responsable de la
commission financière et économique. Selon elle : « Le 8 mars de 2012 ne diffère pas de celui
de 2011 car ce sont les mêmes problèmes évoqués. Il a été question particulièrement de la
situation des femmes ». Le maire a pris ensuite la parole et a invité les hommes à conduire à
l’hôpital leurs femmes « enceintes », ce qui a suscité du rire et du bruit dans la salle. Ensuite,
elle ajoute : « Si vous enceintez vosfemmes, occupez-vous bien d’elles car ce n’est pas
facile ». Le premier adjoint au mairea soutenu les propos de madame le maire en invitant lui
aussi les hommes à prendre soin de leurs femmes « surtout lorsqu’elles sont enceintes. Les
femmes doivent suivre progressivement leur grossesse jusqu’à terme ».
Cette partie a concerné les différentes rencontres auxquelles les autorités municipales ont pris
part à l’intérieur du pays. En effet, le maire a fait le compte rendu d’une réunion qui s’est
tenue à Kaya où il était question de l’insécurité alimentaire au Burkina Faso. « Certaines
provinces du Burkina sont déficitaires et d’autres excédentaires. Pour palier à cette insécurité
alimentaire dans notre pays, il a été décidé de l’ouverture des boutiques de mil et de mais
dans chaque commune du Burkina qui seront vendus à un prix social non encore déterminé,
fournis par la SONAGESS. Madame le maire a donné la parole aux conseillers par village,
aux services présents à la session de se pencher sur la nécessité d’ouvrir cette boutique témoin
dans la commune. Nous constatons un fait surprenant : les villages où il ya des conseillers et
conseillères, ce sont ces dernières qui ont pris premièrement la parole avant que les premiers
n’interviennent. Il s’agit des villages de Gouri et de Niaré toutes analphabètes. Ce fait dément
en partie les propos des enquêtés qui nous ont fait croire que les conseillères n’interviennent
pas ou interviennent après les conseillers. Ainsi, « nous approuvons l’idée parce qu’il ya une
51
insuffisance de vivres sur le marché bien que la zone soit placée parmi celles qui sont
excédentaires».Après l’intervention de tous les élus locaux, le conseil a procédé au vote
àmain levée et l’ouverture de la boutique est approuvée à l’unanimité (pas d’abstention ni
contre). Seuls les conseillers ont voté.
L’établissement des actes de naissances est le deuxième point de cette partie. Selon le maire,
« un grand nombre de personnes n’a toujours pas d’extraits ni de CNIB ». Son premier
adjoint a intervenu dans le même ordre d’idée et affirme : «Il faut établir vos extraits non
seulement pour vous-mêmes mais aussi pour vos progénitures qui auront besoin de ces
documents pour établir par exemple un passeport, un casier judiciaire… ». Après, le maire
donne la parole à l’assemblée de poser des questions si nécessaire. Il ya eu deux intervenants
tous des hommes. L’un a intervenu au sujet des extraits et l’autre au sujet des accouchements
des femmes.Les hommes, soucieux de la santé de leurs femmes et enfants posaient des
questions de compréhension par rapport aux pénalités ou sur l’attitude des infirmiers. Selon
un participant : « Nos femmes qui accouchent à la maison payent des amendes ». Un autre
participant affirme que : « Certaines femmes accouchent à la maison ou sur la route de
l’hôpital. Cela arrive parce que les centres de santé les renvoient à la maison, que la
grossesse n’est pas à terme ». C’est dans lancée qu’un infirmier a intervenu sur le
comportement des femmes enceintes ou de leurs accompagnatrices qui les font prendre des
poudres noires en cachette lorsque l’enfant tarde à venir. « Il faut abandonner cette pratique
car elle a des conséquencesnéfastes sur la santé de la mère et de l’enfant ». Cela pose donc la
problématique de la représentation sociale sur l’accouchement en milieu Sana (Samo) ?
L’autre point des divers a été l’établissement des listes électorales et les cartes de vote.La
durée et la fréquence des interventions est presque identique selon le sexe, seuls le maire, son
adjoint et le SG ont eu des interventions longues et régulières eu égard de leur position dans
l’administration communale. La pause est intervenue aux environs de 14h30mn permettant
aux participants de se restaurer.
La cérémonie a repris aux environs de 15h30 avec l’exposition de la situation qui prévaut
dans chacun des dix villages de la commune. Cette fois ci, c’est les conseillers qui ont pris
premièrement la parole au détriment des conseillères qui aussi ont intervenu après leurs
homologues. La conseillère de Tiouma étant la seule représentante de son village a évoqué
largement la situation qui prévaut dans sa localité en particulier le cas des chasseurs
52
(d’oiseaux) blancs venus de Léri dans la commune de Gassan. Enfin, madame le maire a
remis un don au village de Kamba. La session a pris fin à 17h30mn et la prochaine session est
prévue dans le village de Sèbèrè dont la date reste indéterminée.
53
Chapitre II : Connaissance et appréciation de la décentralisation et de la politique par les femmes.
88,46% des enquêtés ont une connaissance de la décentralisation un peu limitée. Cette
catégorie de personnes regroupe les individus du niveau secondaire, du niveau primaire,
alphabétisés ou analphabètes. La décentralisation, selon certaines femmes (An), permet de
rapprocher l’administration de l’administré. Selon elles, « Les distances sont désormais
réduites ». Elle est aussi perçue comme une initiative et une mise en œuvre des différentes
actions concourant à la transformation qualitative et progressive de ses conditions de vie. A ce
propos, un conseiller (An) affirme que : « La décentralisation est une politique qui vise le
développement de la commune, du pays en vue de l’amélioration des conditions de vie, de
santé de la population ». D’autres voient dans la décentralisation l’idée de partage de pouvoir.
Ainsi, pour cet homme (Np) : « La décentralisation est le partage du pouvoir à toutes les
localités : avant le pouvoir était en haut, maintenant il est descendu jusqu’en bas au niveau
des villages ». Le manuel de l’élu local au Burkina Faso (op.cit. 8) apporte une illustration
aux propos de l’enquêté : la décentralisation peut être définie comme une modalité, une
54
technique d’organisation du territoire visant à transférer certains pouvoirs de l’Etat vers des
collectivités locales.
Enfin, une faible proportion soit 3,84%, des enquêtés aussi bien instruits ou non
instruits, femmes comme hommes n’ont aucune idée sur la décentralisation. Pour exemple,
une femme instruite(Nse) et présidente de trois associations féminines, semble ne pas avoir
une idée de ce qu’est la décentralisation. Elle prend un long temps « silence » pour réfléchir et
ne trouve aucune réponse à la dite question avant de dire « ah ! massè baadoin wa » qui
signifie tout simplement « moi je ne sais pas ». Un autre enquêté (An) avoue n’avoir aucune
connaissance de la décentralisation par manque d’information. La désinformation liée au
manque de sensibilisation et de communication des acteurs locaux peut être considérée
comme un des facteurs principaux à la méconnaissance de ce qu’est la décentralisation par les
populations et particulièrement par les femmes puisque des instruits et non instruits avouent
n’avoir aucune connaissance.
55
du niveau supérieur ont une bonne connaissance des structures décentralisées. En outre, un
enquêté (Nsu) mentionne : « Le poste primaire, le primaire, la santé (deux CSPS dont un à
Kougny et un à Nimina), les sports et loisirs, la jeunesse, eau et assainissement.
Les autres couches sociales ont une faible connaissance des structures décentralisées.
Cette frange d’enquêtées représente 84,62%. S’agissant particulièrement des femmes, elles
n’évoquent que la mairie, le Comité Villageois de Développement (CVD). A titre illustratif,
une conseillère(Nse) cite la mairie. Pour elle : « La mairie établit les extraits d’actes de
naissance, perçoit les taxes, règle les questions foncières ». Globalement, la mairie est perçue
comme une structure s’occupant du développement de la commune, des affaires
administratives de la commune.
Quel est alors le niveau de connaissance des femmes sur les textes de la
décentralisation en leurs faveurs ?
56
Seulement 5,78% des femmes enquêtés ont une idée des textes. Le document de
politique nationale genre (op.cit. 9) apporte une explication à cette méconnaissance des textes.
Elle s’explique par : « L’insuffisance de la diffusion et de la vulgarisation des textes,
notamment dans les langues nationales (…) », ce qui entrave leur application. Ce qui ne
permet pas non plus aux femmes d’avoir accès et de jouir des faveurs de ces textes. Un autre
élément expliquant l’ignorance des textes par les femmes est l’indisponibilité et l’accessibilité
de ces textes dans les différentes localités.
Le faible niveau de connaissance des textes par les femmes limite leur implication
dans le processus de décentralisation en particulier la gestion du pouvoir politique. Comme
indiqué par COMPAORE/OUEDRAOGO Viviane Yolande44 : « L’un des obstacles à la
participation des femmes au processus de décentralisation est la méconnaissance des textes
de loi et décrets par les femmes.»
La politique est conçue comme l’ensemble des moyens et actions mis en œuvre par un
gouvernement ou une structure pour l’atteinte de ses objectifs. Comme l’indique cet
enquêté(Nsu) : « La politique constitue un moyen par lequel on utilise pour aboutir à un
développement. Autrement dit, c’est une démarche pour atteindre ses objectifs ». Pour
44
COMPAORE/OUEDRAOGO Viviane Yolande, 2003, séminaire sur « genre et procédure
législative » : Rapport final du séminaire sur genre et procédure législative, p14.
57
s’assurer il fait sortir le petit Larousse et dit ceci : « La politique est le gouvernement d’un
Etat, manière prudente d’agir ». Un autre enquêté (Nsu) perçoit la politique comme un
vecteur de développement : « La politique est l’ensemble des actions qui concourent au
développement. C’est un ensemble de décisions, de mesures prises pour régler un certain
nombre de situations pour l’intérêt général ». Percevoir la politique comme favorisant le
développement n’est pas forcement liée au niveau d’instruction. Ainsi, pour un vieux,
responsable (An) d’une communauté musulmane, « la politique est un regroupement, une
entente, se réunir autour d’une idée, d’un projet pour réaliser quelque chose ». L’intérêt pour
les politiques sociales ou la quête de développement est un déterminant de l’engagement des
populations en politique. Une conseillère (Nse) l’illustre en ces termes : « Notre entrée en
politique est liée au fait que la politique est une chose qui favorise le progrès. Nous éclairons
nos camarades dans ce sens lors de nos rencontres ». L’idée de participer au développement
de la localité est l’une des raisons qui suscite l’adhésion des femmes à manifester un intérêt
pour la politique et de s’y engager pour le bien de tous, soit un effectif de 34,61% des
enquêtés.
58
4-2-Facteur de sous-développement (déstabilise l’équilibre social).
La politique est aussi perçue comme un facteur de sous-développement. En outre, des
enquêtés affirment que la politique est quelque chose de néfaste. Elle est perçue comme une
chose qui porte atteinte à la cohésion sociale, sème la mésentente dans le village. La politique
vue sous cet angle aussi bien par les femmes que par les hommes ne favorise pas leur
implication réelle dans le processus de décentralisation. Des exemples témoignent de cette
culture négative de la politique. Des concepts sont mêmes employés pour désigner la
connotation négative qu’ils ont de la politique. Ainsi, selon une femme(A), la politique
signifie « leefuba » en langue san qui veut dire rapporter des on-dit, répéter par indiscrétion
une chose de nature à nuire à quelqu’un, venir dire ce qu’on a appris, entendu. « Leefubali »
est le rapporteur qui raconte ce qu’il conviendrait de taire. C’est aussi le point de vue d’une
enquêtée (Np) musulmane. « Ce type de politique ne m’intéresse pas puisqu’elle peut
conduire à une fin malheureuse ». « J’ai été proposée en 2006 comme candidate mais mon
mari a refusé car il pense que mon collègue pourrait me faire la cours ou me violer en cour
de route lors des déplacements ; raison pour laquelle on m’a remplacée par un jeune homme
qui est décédé peu après l’élection. » Une culture politique faible liée à une absence ou faible
socialisation politique de la part des individus limite la participation et représentation
politique de la femme au processus de décentralisation en cours. Quant à la question aimeriez-
vous vous engagez aux échéances municipales prochaines ? Sa réponse est la suivante et elle
n’est pas surprenante au vu de ce qui précède : « J’ai l’intention de m’engager pour
l’échéance électorale à venir mais à condition que mon mari l’admet.» Nous constatons que
la position de la femme dans la participation ou dans la représentativité au sein des instances
de décision communale ou villageoise dépend du bon vouloir de son mari. Il revient à ce
dernier d’autoriser ou non sa femme de pouvoir se présenter. Ce qui confirme une fois de
plus cette pensée de Paul Doumer : « Une femme est une page blanche sur laquelle écrit son
mari ». C’est dans le même sens que ILBOUDO Monique (op.cit.11) affirme que l’attitude
des hommes à l’égard des femmes est un obstacle à leur représentation politique. En outre,
bien de femmes renoncent à des promotions, refoulent leurs ambitions politiques tout
simplement parce que l’homme de leur vie n’a pas l’ouverture d’esprit nécessaire pour
comprendre et accepter qu’elles s’y consacrent.
Certains hommes instruits ou non instruits ont aussi cette même conception que ces
femmes. Ainsi, la politique de l’avis de cet enquêté instruit, la politique signifie « nafiguiba »
c'est-à-dire traîtrise. Cependant, il manifeste un intérêt à faire la politique pour des intérêts
59
personnels en affirmant ceci : « J’ai envie de faire de la politique car faire de la politique
permet de se développer personnellement. De plus, nous sommes mécontents de ce qui se fait
actuellement, tout cela nous amène à nous engager ». Entée en politique, c’est aussi une
stratégie individuelle pour maximiser son propre profit et de sortir de sa situation jugée
insatisfaisante selon Olson Mancour cité par DORMAGEN Jean-Yves et MOUCHARD
Daniel (op.cit.). L’enquêté ajoute que : « J’approuve que ma femme fasse la politique pour
les mêmes raisons ». On peut dire aussi que c’est une sorte « d’imitation du comportement »
des autres déjà engagés dont ils jugent leurs actions orientées vers la satisfaction de l’intérêt
personnel plutôt que collectif. Gabriel Tarde évoqué par les mêmes auteurs théorise cela de
« théorie de l’imitation ». Les individus ne participent pas aux mouvements non pas de leur
pleine conviction mais parce qu’ils veulent ressembler aux autres. De plus, ils sont animés
aussi d’une « motivation matérielle et symbolique ». La perspective utilitariste c'est-à-dire la
promotion de l’intérêt individuel est un facteur explicatif de l’affection des populations à la
politique. Quel avenir peut-on réserver à la décentralisation politique quand on sait que les
actions de certains hommes sont guidées par la satisfaction d’intérêts individuels? Si cette
stratégie individualisée n’est pas forcement contre productive pour l’avenir de la
décentralisation, elle peut cependant « contribuer à impulser une véritable dynamique de
développement démocratique dans la mesure où la quête du bonheur personnel serait un
puissant facteur de mobilisation et d’engagement citoyen », CGD45.
La coexistence de plusieurs partis politiques dans un espace donné aussi restreint que
le village est aussi porteuse de discorde, de mésentente, de conflit. Or une des fonctions des
partis politiques est de promouvoir l’intégration sociale grâce à la socialisation politique des
militants. Certains partis vont au delà de l’intégration sociale en devenant de véritables
« contre-sociétés », IGD46. Cette situation est illustrée par les propos d’un conseiller (NP) :
« Les gens ne se parlent plus s’ils sont du bord différent de parti politique. Ils ne comprennent
pas la notion de politique».
Les représentations sociales que les populations ont de la politique dérivent souvent de
la pratique même de l’activité politique par les leaders locaux qui ne comprennent pas ce
qu’est la politique. Il faut souligner que ce comportement local n’est pas indépendant de celui
45
CGD, 2001, Participation Citoyenne et Gouvernance Locale, Info numéro1.
46
IGD, sans date, école des cadres des partis politiques: Manuel de renforcement des
capacités, p27.
60
des leaders nationaux qui se voient non pas des adversaires politiques mais comme des
ennemies jurés.
Pour d’autres, la politique joue un rôle de rassemblement des populations sur la base
d’idées. Un président de CVD (Np) de religion protestante souligne que, « la politique est une
démarche visant à convaincre quelqu’un à épouser tes idées ».
61
d’autres femmes à ne plus assister aux manifestations politiques comme l’indique ici une
responsable d’une association féminine : « La politique ne nous intéresse plus à cause des
mensonges. Notre groupement ne participe plus aux manifestations politiques en tant que
groupement». La politique perçue comme une entreprise malhonnête entraîne une
désaffection des femmes par l’abstention aux manifestations politiques.
En définitive, les populations en particulier les femmes ont peu d’intérêt pour la
politique parce qu’elle est souvent porteuse de conflits, de mésententes, de mensonges, de
toutes sortes de maux. Cette situation limite leur présence en politique.
De nos analyses, il ressort que les femmes participent aux mêmes types de
manifestations politiques que les hommes selon 92,30% des enquêtés. Il ressort qu’elles
participent le plus souvent pour animer la manifestation à travers des danses accompagnées de
62
chansons traditionnelles. Selon la présidente (An) d’une association féminine : « Les femmes
participent aux campagnes électorales, aux meetings, aux élections. Elles participent aux
meetings pour danser, sinon elles ne font rien ». Si certaines femmes assistent aux meetings
pour danser, d’autres par contre n’y assistent pas. Comme témoigne une responsable d’un
groupement féminin : « Le groupement participe aux votes mais pas aux meetings, ni aux
campagnes à cause des multiples mensonges. Les politiciens font les promesses sans les
réalisées. Nous avons décidé donc de ne plus les écouter». On peut donc s’accorder avec
Sineau(2001), Campell et alii (2004) mentionnés par BARD Christine, BAUDELOT
Christian, MOSSUZ-LAVAU Janine (op.cit) que les femmes des milieux populaires
notamment rurales sont animées d’un pessimisme politique qui est avant tout un scepticisme à
l’égard des bienfaits à attendre de la démocratie, et traduit en partie un pessimisme
économique. Toujours selon l’enquêtée : « Nous suivons maintenant le choix des hommes.
Nous sommes derrière eux car nous ne pouvons pas nous engager dans la politique sans la
comprendre». Elle manifeste alors une moins grande connaissance en matière de « culture
politique. » Haegel F cité par DORMAGEN Jean-Yves et MOUCHARD Daniel (op.cit.103),
apporte une contribution à la compréhension de cette différence de « culture politique » liée à
l’effet de la division du travail, et, plus spécifiquement de la répartition sexuée des rôles
sociaux. En effet, historiquement et socialement, l’activité politique est liée au rôle social
masculin en ce sens qu’elle est une activité publique. Et il existe un lien fort d’une part entre
les contraintes sociales pesant sur les rôles sexués, et d’autre part entre le genre masculin et
l’exercice d’activités publiques. Inversement, les activités « féminines » ont été
historiquement catonnées à la sphère du privé et du domestique : la politique n’en faisait pas
partie.
La participation des femmes dans les espaces publics ne se cantonne pas seulement à
leur rôle de « djanjobeuse » mais sont aussi attentives aux propos des organisateurs, cela pour
être à la page des informations surtout celles les concernant. Pour une présidente (Nse)
d’associations féminines : «Les femmes participent aux rencontres organisées par le maire
dans le village pour écouter ce qui sera dit, pour ne pas rester en marge des nouvelles. Tout
ce qui se fait aujourd’hui mobilise les femmes grâce à l’éveil des consciences et aux
changements de mentalité. Ce que l’homme peut faire, la femme le peut également ». Les
63
sensibilisations menées dans les villages ont permis aux hommes et aux femmes de donner de
la valeur aux rôles que peuvent jouer les femmes au sein d’une société. Les hommes ont aussi
compris que la politique ne peut se faire efficacement sans les femmes. Comme l’affirme cet
homme (An) : « L’homme seul ne peut pas faire de la politique, il faut aussi la présence de la
femme». L’évolution des représentations sociales sur le genre entraîne donc une modification
des interactions sociales dans les espaces publics.
La participation aux manifestations politiques est aussi une occasion pour les femmes
d’évoquer leurs préoccupations comme l’indique une conseillère (An): « Les femmes
participent aux rencontres pour exprimer leurs problèmes, leurs besoins puisqu’elles ne
vivent pas les mêmes réalités que les hommes, il faut donc qu’elles soient présentes.»
47
Bulletin bimestriel de liaison de la commission nationale de la décentralisation, juin 1998,
décentralisation au Burkina Faso : acquis et perspectives, p25.
64
leur participation limitée aux manifestions politiques dans la commune, quelle peut être leur
place et l’efficacité de leur rôle politique dans la commune?
65
CHAPITRE III : Place et efficacité du rôle politique de la femme dans le
processus de décentralisation.
Nous évoquerons dans cette partie la place de la femme au sein du conseil municipal,
son rôle dans la commune et les formations suivies dans le cadre du renforcement de ses
capacités. Il est aussi question de ses actions, de son bilan et enfin des obstacles ayant
influencés sur son dynamisme d’élue locale.
Contrairement à l’idée générale selon laquelle les postes stratégiques sont toujours
occupés par les hommes, et les femmes sont confinées aux postes de moindre prestige tels que
le social ou le poste de secrétaire, les femmes de la commune rurale de Kougny, quant à elles,
occupent des postes stratégiques au sein du conseil municipal. Cet état de fait montre que le
genre varie non seulement d’une culture à l’autre mais aussi au sein d’une même culture au fil
du temps. La culture n’est pas «statique » mais « évolutive ». Les sociétés devenant de plus en
plus complexe, les rôles joués par les hommes et les femmes sont aussi déterminés par les
facteurs sociopolitiques et économiques.
Ainsi, comme indiqué plus haut, le maire est une femme élue au sein d’un conseil
municipal composé de 70% d’hommes et de 30% de femmes. Cette femme élue répond aux
formes de légitimité dans l’élection du maire, décrites par JACOB Jean-Pierre (op.cit.28).
Ainsi, « le candidat au poste du maire doit cumuler les trois formes de légitimité : il est
membre du CDP, membre du lignage fondateur du chef lieu de la commune et possède en
outre un emploi stable à Ouaga, de préférence dans une société d’Etat ». L’organisation
politico administrative moderne a permis donc qu’une femme du lignage fondateur soit élue
comme première responsable dans cette société de type patriarcal. Le niveau de
développement socioculturel de la commune a été déterminant, car le développement
s’accompagne d’un éloignement des valeurs traditionnelles, de l’élévation du niveau
d’instruction, d’un changement de mentalité et de comportement à propos du rôle des
femmes.
Elle est aussi vue par certains intervenants même instruits comme une « assistante »
de l’homme, comme « l’adjointe » du conseiller. Pour une présidente (Nse) d’une association
67
féminine, « la conseillère assure l’intérim en l’absence du conseiller. Elle défend aussi
l’intérêt des femmes ». Pour certains, elle apporte « un appui » à l’homme et représente les
femmes pour ne pas qu’elles se sentent « marginalisées ».
L’élue locale est aussi perçue comme un agent de la mairie selon 5,76% de nos
enquêtés. Pour cette femme (An) : « La conseillère et le conseiller travaillent pour la
mairie ».
Certains enquêtés (2,38%) nous ont renvoyés aux premiers responsables de la mairie
sur cette question. Ainsi, un responsable (Nsu) note qu’« il faut voir le maire, car il est bien
placé pour vous parler du rôle de la conseillère ». D’autres affirment (2,38%) ne rien savoir
de leur mission parce qu’ils n’ont pas été informés. Bien que la session ordinaire de la
commune se déroule maintenant depuis au moins trois ans dans tous les villages de façon
tournante, d’autres méconnaissent toujours le rôle des élus locaux dans la commune. Or
l’objectif recherché de cette délocalisation de la session est de permettre aux populations de
s’imprégner du rôle des élus et de les accompagner dans leur mission pour le développement
de la commune. Cependant, leur rôle reste méconnu par une partie importante de la
population. C’est ce qu’affirme également Pauline Traoré citée dans L’Observateur Paalga48
(2011 :7), en soulignant que le rôle de la conseillère en tant que représentante de la population
en général et de la couche féminine en particulier au sein du conseil municipal n’est pas
toujours compris.
48
Journée de la conseillère municipale in Observateur Paalga, n°8035 du mercredi 28
décembre 2011, p7.
68
diffusion des informations auprès de la population et la réception des préoccupations de la
population.
69
avait pour objectif de mieux outiller les conseillers en se posant un certains nombres de
question par exemple. Qui sont les acteurs de la décentralisation ? Qu’est ce que chacun peut
faire ? Quand a débuté la décentralisation ? Le rôle de l’Etat ? On évoque également le
transfert des compétences et des ressources de l’Etat».
Une formation était portée sur le rôle du conseiller villageois de développement où les
élus locaux ont participé. «Souvent, il ya confusion de rôles, ce qui entraîne parfois un conflit
entre CVD et conseillers». Les conseillères ont également suivi la formation sur le suivi-
évaluation des projets en cours dans leur village respectif.
Une formation sur le budget participatif et une autre sur la communication ont été initiées.
Une conseillère (Nse) affirme que : « Nous avons suivi aussi des formations sur le
VIH/SIDA et nous sensibilisons les populations femmes comme hommes sur le sujet ». Une
faible proportion des élues locales affirme n’avoir rien suivi comme formation. C’est le cas
d’une conseillère (An), qui dit : « Je n’ai jamais suivi une formation en tant que conseillère ».
Ces formations sont positivement appréciées par les participants : « Elles nous ont été
utiles et nous ont permis de comprendre beaucoup de choses », souligne un conseiller (An).
Les formations sont censées permettre aux élues locales d’être efficaces dans
l’exécution de leurs tâches. Cependant, ces formations ont eu une faible emprise sur elles à
cause de leur manque de confiance en elles, de leur faible niveau d’instruction, de leur
complexe d’infériorité. La preuve est que des conseillères affirment n’avoir jamais suivi de
formation sur leur rôle. Néanmoins, cela ne les a pas empêché de faire un certain nombre de
réalisations.
70
réunions du conseil. Du moment où il existe une différenciation dans la division du travail, les
individus ont des capacités spéciales et une conscience de leur apport au processus de
décentralisation qui se déroule dans la commune. Il ressort que les élues locales interviennent
dans les débats du conseil municipal mais après les hommes affirment 93,75% de nos
enquêtés. Elle s’explique par le complexe d’infériorité des femmes. De l’avis même d’une
conseillère (An) : « Nous intervenons dans les débats mais après les hommes. C’est l’homme
qui prend d’abord la parole ensuite la conseillère parce que le conseiller est « supérieur »
à la conseillère ». Elles justifient cela, par le fait que c’est la femme qui se déplace chez
l’homme en citant un adage Samo : « On coupe avec le couteau de l’homme et non avec celui
de la femme »49. Si des conseillères ont l’idée qu’elles ne sont pas les égales des conseillers,
ces derniers pensent le contraire. Ainsi, selon un conseiller (An): « Les conseillers et les
conseillères sont égaux». Il ne fait pas de distinction entre les élus locaux, donc pas de
position hiérarchique entre eux. Un conseiller (Np) note qu’une élue a eu à intervenir sur
l’état de la route Niaré-Kougny qui ne favorise pas le déplacement des populations en
particulier celui des femmes enceintes. Elle a eu à souligner également le besoin du
jardinage au profit des femmes».
Certaines conseillères affirment ne jamais intervenues dans les débats (6,25%). Illustre
ici une conseillère(An) : « Ce sont les hommes qui interviennent lors des sessions, on nous
donne la parole mais moi je n’ai jamais parlé. Je laisse toujours mon camarade parler au
nom du village tout comme les sujets se rapportant aux femmes. Il me dit souvent de parler
mais je dis non ». Cette situation s’explique selon le PNGT2 (op.cit) par le manque de
confiance en soi, ne permettant pas à certaines conseillères de prendre part aux débats, le
faible niveau d’instruction ; lorsqu’elle affirme que : «Je risque de me perdre comme c’est
une réunion de groupe, c’est liée aussi à mon analphabétisme ». Son attitude est illustrée par
la pensée de Proudhon cité par IIBOUDO Monique (op.cit.13), qui, dans les années 1860, est
convaincu de « l’infériorité physique et intellectuelle de la femme, qu’il estime incapable de
produire des idées…».
L’intervention des conseillères dans les débats est fonction de leur niveau
d’instruction et de leur degré d’engagement dans les associations féminines. Dans cette
49
Selon elle, lorsque la femme se marie, elle n’a plus le droit à la prise de décision ni à une part dans un partage dans la
famille paternelle même si elle est l’aînée. Elle peut quitter le village de son époux du jour au lendemain en cas de divorce,
pour cette raison c’est l’homme qui est supérieur à la femme. Cela traduit l’influence de l’homme sur la femme dont ces
dernières pensent toujours qu’elles ne sont pas les égales de l’homme. Cela revient donc à son statut de mineure et
d’étrangère respectivement dans la famille paternelle et celle de son époux.
71
dynamique de prise de parole, la responsable de la commission économique et financière
semble faire l’unanimité lors des prises de parole pendant les sessions. Elle s’explique en
partie par son niveau d’instruction.
Les élues locales ont également menées des activités de formations à l’endroit des
femmes telles que l’alphabétisation, la sensibilisation et la mobilisation des femmes à
participer aux réunions et activités. Ainsi, « nous menons des activités de sensibilisation à
l’endroit des femmes sur comment voter mais aussi sur le VIH/sida. Nous mobilisons la
population à établir les actes de naissances, les cartes nationales d’identité
burkinabè(CNIB) », propos d’une conseillère (Nse).
Cependant, certaines élues locales n’ont mené aucune activité dans la commune. Une
présidente d’associations féminines souligne : «La conseillère a toujours été absente, elle
habite à Bobo-Dioulasso. Elle n’a rien fait pour le village, ni pour les femmes ». Les femmes
ne sont pas les seules à avoir manquée leur devoir de représentantes locales, même des
hommes ont fait l’objet de multiples critiques.
Sur la question à qui la population fait recourt en cas de besoins dans le village, une
kyrielle de réponses ressort, mettant en lumière la position dominante du conseiller sur la
conseillère dans les différents villages parcourus. Ces réponses sont assorties d’une
représentation sociale et culturelle des différentes composantes sociales aussi bien chez les
femmes que chez les hommes. Cette représentation n’échappe pas non plus aux personnes
instruites dont leur mentalité ne semble guère se distancier de celles non instruites. 99,10%
des enquêtés affirment que la population se confie d’abord au conseiller en cas de problème
ou tout autre besoin. A ce propos, un enquêté (Nsu) note ceci : « Les conseillères municipales
ne s’impliquent pas. Elles pensent que la femme doit toujours rester derrière. L’homme est
plus influent que la femme. En cas de problèmes dans le village, les élues locales préfèrent
renvoyer les intéressés chez les conseillers.» Engel cité par SANKARA Thomas (op.cit.)
72
apporte une lumière à ces propos de l’enquêté, pour qui la femme est dominée moralement,
socialement et économiquement par l’homme.
De même, pour une présidente (An) d’une association féminine, « la population fait recourt
d’abord à l’homme qui informe à son tour la femme. » Elle explique cela par un adage samo:
« Lôabiè bah doé tou ni wa », c'est-à-dire que la puisette de la femme n’atteint pas l’eau du
puits. Cela traduit l’idée prétendue de supériorité de l’homme sur la femme. Cette
représentation sociale sur la place qu’occupe la conseillère dans le village est liée en partie à
la mentalité de l’homme fruit de son éducation qui le place au-dessus de la femme. Le
positionnement de l’homme et de la femme sur les listes électorales des partis est aussi l’un
des déterminants de la position hiérarchique du conseiller sur la conseillère. Cette soit
prétendue supériorité du conseiller sur la conseillère est liée aussi au statut des deux sexes
dans la société. « Tout se passe comme si la société plaçait un frère avec des sœurs pour que
les femmes puissent dès le début apprendre qu’elle est leur place, et une sœur avec des frères
pour que les hommes puissent apprendre qu’elle est leur place (…) ».
Socialement, la femme est perçue comme étant inférieure à l’homme. Sans justification
biologique, comment cette position d’infériorité de la femme par rapport à l’homme est
construite socialement ? Elle résulte de la formation du caractère de l’homme et de la femme
dès leur enfance, illustrée par cette pensée d’Erving Goffman (op.cit. 76-77) :« Si supérieure
que puisse être la position sociale d’une famille, ses filles pourront y apprendre qu’elles sont
différentes des garçons (et qu’elles leur sont quelque peu subordonnées) ; et si inférieure que
puisse être la position sociale d’une famille, ses garçons pourront y apprendre qu’ils sont
différents des filles(et qu’ils leur sont quelque peu supérieurs)(…).»
73
Cependant, les conseillers eux-mêmes ne se considèrent pas supérieurs aux
conseillères parce qu’ils ont la même fonction. Ainsi, un élu (Np) pense qu’il n’ya pas de
hiérarchie de position entre eux : « C’est l’attitude de la population sinon, nous sommes tous
égaux puisque nous faisons le même travail ».
D’autres conseillères par contre ne se rappellent même pas de ce qu’elles ont fait
comme activités durant leur mandat. Ainsi, comme l’affirme une élue locale (An): « Je ne me
souviens plus de ce que nous avons mené comme actions ». Elle réfléchit longuement sans
succès (silence). Peut-on dire que l’analphabétisme rime avec l’oubli dans la mesure où
certaines de leurs camarades également analphabètes ont pu évoquer leurs actions ?
D’autres activités ont été réalisées par les élus locaux pouvant améliorer les conditions de vie
socioéconomique des populations. C’est le cas du village de Kamba : « Nous avons aménagé
un périmètre irrigué pour la culture du riz et aussi nous réhabilitons nos pistes rurales par
exemple la route kamba Nimina.», souligne un conseiller (An).
75
l’analphabétisme, le retrait de certaines dans la vie politique se justifie par l’âge. En outre, une
autre conseillère (An), affirme qu’elle ne se présentera plus comme élue locale en évoquant
l’âge. « Je ne vais plus me présenter car je suis déjà vieille ». Elle est âgée d’une cinquantaine
d’années.
Si le bilan de certaines conseillères est jugé satisfaisant, par contre, il est jugé
insatisfaisant sinon quasi absent pour d’autres. Les enquêtés estiment que ces dernières n’ont
rien fait, par conséquent leur bilan est jugé négatif. Une présidente (Nse) d’associations
féminines souligne que, «la conseillère n’a rien fait, elle n’est même pas dans le village. Elle
n’a jamais organisé une réunion puisqu’elle est absente ». Les mêmes critiques sont
adressées également au conseiller du même village. Cette situation s’explique par l’absence
de la tenue des comptes rendus de sessions à la population mais aussi l’absence de cohésion
sociale dans le village. «Il ne collabore pas avec le CVD. Il prend les décisions unilatérales
sans consulter la population ». Ces faits suivant témoignent cette tension et mésentente entre
le conseiller, le CVD et la population. En outre : « Le conseiller veut confisquer la garde des
animaux mis en fourrière qui, normalement revient au CVD. Il a voulu également confier la
gestion du centre de santé à son parent auquel le village s’est opposé. Il n’informe pas le
CVD des rencontres le concernant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du village». Pour
les prochaines élections, « nous choisirons d’autres personnes plus dynamiques et plus
engagées ».
Des enquêtés (27,31%) nous renvoient auprès des conseillères pour le bilan parce que selon
eux, elles sont les mieux placées.
Considérant les propos des enquêtés, le bilan des conseillères est positif dans son ensemble.
Ce bilan est le résultat de leurs capacités, des moyens mis à leur disposition. Il est aussi dû au
poids d’un certain nombre d’obstacles liés à leur rôle et à leur statut de femmes.
76
6.1. Les contraintes économiques
L’insuffisance de moyens financiers constitue la première catégorie des difficultés
(26,31%). Selon ce conseiller (Np), il ya trop de déplacements qu’il leur faut prendre en
charge : « Nous n’avons pas de frais de déplacement en dehors de la période des sessions où
le déplacement est assuré à hauteur de 3000f, la restauration aussi est prise en charge. Au
départ, ces frais de déplacement étaient de 2000f ». L’absence de ressources financières des
commissions permanentes a rendu difficile leur fonctionnement. Elle entrave naturellement
l’action des conseillères municipales. Comme l’indique un conseiller (Nse) :« Le manque de
moyens financier nous a empêché d’atteindre nos objectifs puisque les financements de l’Etat
sont insuffisants. Les différentes commissions à savoir la commission affaires générales et
sociales, la commission économique et financière et la commission environnementale n’ont
pratiquement pas fonctionné à cause du manque de moyens financiers ». Les élus locaux
(100%) sont unanimes sur l’inactivisme de ces commissions. Une conseillère (Nse) affirme
ceci : « Je ne vois aucune activité réalisée par les commissions en l’instar de la tenue des
sessions ». De ces contraintes financières s’ajoutent les contraintes socioculturelles qui pèsent
sur l’action des conseillères de la commune.
77
D’autres facteurs socioculturels qui handicapent l’action des élues locales se résument
aux problèmes de santé, de décès. C’est le cas d’une conseillère qui n’a pas pu assister à la
dernière session de l’année 2011 pour cause de décès de son mari. « Je suis restée durant
quatre (4) mois sans sortir de chez moi car c’est la tradition qui impose ce calendrier indiqué
pour la mémoire de mon défunt mari ». Ce calendrier est valable pour toute femme qui vient
de perdre son mari. Durant la période, l’espace public lui est interdite. La femme veuve, pour
honorer son défunt époux mais aussi pour le respect des coutumes à l’obligation d’observer
cette période dont la durée est de quatre (4) mois. De plus, elle doit s’abstenir d’avoir des
relations intimes avec un homme, cela pour la mémoire de son époux. L’espace public étant
donc un espace par excellence où l’on rencontre la « co-présence » des hommes et femmes, ce
qui justifie sa non fréquentation par une femme qui vient de perdre son conjoint.
50
MEAD Margaret, mœurs et sexualité en Océanie, 1963, p38.
78
Un fait illustratif de ce comportement des femmes est celui que nous avons observé
lors de la session du 7 avril 2012 sur la problématique de l’accouchement qui a été
longuement discuté. Ce sont les hommes qui ont soulevé le problème mais aucune femme n’a
intervenu. De cette observation, le constat est que les hommes sont plus courageux à prendre
la parole dans les différents espaces sociaux. Or, « il ne subsiste aucune équivoque dans les
sociétés où le courage est devenu l’apanage exclusif de l’homme, la pusillanimité une
disposition naturelle de la femme, où toute manifestation de peur est interdite au premier,
ouvertement tolérée chez la seconde. Ce sont donc des attitudes dominantes chez certains
tempéraments : critère du comportement masculin ou celui du comportement féminin. », note
MEAD Margaret (op.cit. 257). Ce comportement attitudinal de la femme dans l’espace public
est aussi héritier du type de rapport à l’intérieur du foyer entre elle et son époux qui lui-même
héritier d’un conditionnement social. Ainsi, un élu (Np) n’affirme-t-il pas que, « la femme
n’ose pas élever le ton contre son mari. Celles qui osent le faire sont taxées de non
obéissance aux conjoints. Généralement, ces dernières sont des femmes éveillées. Les gens
ont l’idée que la femme doit être en-dessous de son époux. Ils pensent que, ces femmes parlent
n’importe comment et ne respectent plus leurs maris, qu’elles se promènent comme elles
veulent ». Les hommes ont donc peur des femmes instruites qui revendiquent aussi une
certaine liberté physique et d’expression, ce que certains hommes ne sont pas prêts à leur
accorder. L’attitude des hommes constitue donc un facteur déterminant à la pleine
participation des femmes à l’exercice de leur rôle politique dans la société. Elle freine leurs
actions dans la commune.
79
Chapitre III : Les effets de la politique nationale genre sur le processus
de la décentralisation.
Ce chapitre est consacré à la représentativité et positionnement des femmes aux postes
de responsabilité dans les instances de décisions villageoises. Nous évoquerons également la
connaissance et perceptions sur la loi de quota genre et enfin les stratégies d’implications.
80
la « peur » et un autre facteur qui est plus pertinent à nos yeux : «On est née trouvée que
l’homme est devant et la femme derrière ». C’est plus la culture du milieu, tout comme un peu
partout dans les autres sociétés burkinabè, qui détermine la position sociale de la femme et
l’occupation des postes de responsabilités. Son attitude est illustrée ici par le concept
d’« identité de genre » évoqué par GOFFMAN Erving (op.cit. 48) : « L’individu élabore le
sentiment de qui il est et de ce qu’il est en se référant à sa classe sexuelle et en se jugeant lui-
même selon les idéaux de la masculinité(ou de la féminité).»
1-2- Les facteurs limitant les effets des mesures prises en faveur des femmes
dans le cadre du processus de décentralisation.
L’occupation des postes de responsabilités par les femmes est vue comme une menace
à la hiérarchisation sociale de la part de certains hommes. Un homme instruit en Franco-
arabe, nous fourni des réponses à cette problématique. Pour lui : « Les femmes occupent des
postes de responsabilité mais elles restent derrière les hommes. Chez nous, la femme ne doit
pas passer devant l’homme, elle est sous la dépendance de l’homme. C’est l’homme qui gère,
s’occupe et commande la femme, c’est lui qui la nourrit, par conséquent, elle reste toujours
sous sa domination jusqu’à la fin du monde. Cette position de la femme relève du classement
de Dieu, raison pour laquelle la femme se déplace chez l’homme et non l’inverse. En mettant
certaines femmes devant, c’est inverser l’ordre établi par Dieu. Cependant, leurs capacités
peuvent être renforcées en les instruisant pour occuper certains postes de responsabilité : être
pharmaciennes, accoucheuses, maïeuticiennes en lieu et place des hommes ». La notion du
81
genre s’est donc constituée contre la réduction des différences homme-femme au sexe,
entendue comme différence anatomique ou biologique. C’est ainsi que, GUIONNET Christine
et NEVEU Erik (2005 : 5) affirment que : le fait d’avoir des « testicules » et de la « barbe »
ou des « seins » et des « ovaires » ne saurait en rien fournir l’explication de ce que certains
humains portent des « cravates » et d’autres des « jupes », de leurs chances prodigieusement
« inégales » de devenir sénateur, assistante sociale ou pilote de chasse. Une certaine mentalité
principalement l’interprétation des versets religieux, notamment islamiques est un obstacle à
la reconstruction de la place et du rôle de la femme et constitue en même temps un frein de
taille à la mise en œuvre des textes en faveur des femmes. Les hommes considèrent leur
position sociale comme innée, naturelle et immuable. C’est dans cette dynamique de la
reproduction des rôles assignés que KOBIANE (op.cit. 30) affirme que les rapports de genre
mettent en exergue les constances dans les rapports sociaux de sexe, mais aussi le statut
spécifique des sexes dans chaque groupe ethnique au Burkina Faso.
Pour d’autres, Dieu aurait durci le cœur de l’homme et rendre mou celui de la femme.
Selon un enquêté (A) : « La femme suit l’homme, car nous sommes nés trouvés ainsi, nous ne
sommes pas prêts à suivre les femmes dans la mesure où elles ont beaucoup peur parce que
Dieu a fait le cœur de l’homme dur, et faible celui de la femme ». Maurice Duverger cité par
TARRAB Gilbart (1989 :72), apporte une explication à la compréhension de ce
comportement attitudinal de l’homme. « L’homme a peur parce qu’il pense que les femmes
vont accaparer le pouvoir, il se sent exclu. Il craint d’être ramené au rang de la femme, il ne
veut pas du tout assumer ce risque. » Un enquêté (An), responsable d’une communauté
religieuse, explique la domination de l’homme sur la femme toujours par des raisons divines
mais sous un autre angle. Ce n’est plus la peur liée au cœur de l’homme et de la femme mais
plutôt les dons offerts à l’homme par Dieu qui expliqueraient la subordination de la femme et
de la domination de l’homme.
Pour lui, « les femmes ne doivent pas travailler ensemble avec les hommes ; entre l’homme et
la femme il ya une sorte « d’aimant » qui les attire et les amène à commettre l’adultère. Il
n’est pas question que les femmes et les hommes soient dans le même bureau. Ceci est l’idée
des mauvaises politiques qui pensent que l’homme et la femme peuvent travailler ensemble.
C’est juste un prétexte pour faire la cours aux femmes. Dieu a dit dans le coran que
l’homme et la femme ne sont pas pareils : l’homme est « au- dessus » de la femme. Il cite un
paragraphe du coran pour illustrer ces propos: « Aridjialouh kawahouna alanihssah » ! Il
82
matérialise cela par ses deux mains de la façon suivante : l’homme en haut et la femme en bas
selon ce schéma :
Homme
Femme
Il tire cette phrase de la sourate nissaille (sourate sur les femmes), verset 34, qu’il nous fait
lire la version française. Ce verset dit : « Les hommes ont le pas sur les femmes. Par les dons
qu’Il leur a octroyés, Dieu les a élevés au- dessus des femmes. C’est à eux qu’Il a imputé les
charges de familles. Les femmes dignes et vertueuses demeurent dévouées à l’homme
pendant son absence et conservent ce que Dieu leur a prescrit de conserver. Celles qui sont
insubordonnées, réprimandez-les, puis défendez-leur de partager votre couche, et enfin
corrigez-les. Mais dès qu’elles redeviennent soumises, ne leur cherchez plus querelle. Dieu
est le souverain maître ». Un des dons offert à l’homme mentionné par l’enquêté est le fait
que « l’homme épouse la femme et non l’inverse». L’islam renforce les logiques patriarcales
en légitimant le pouvoir de l’homme sur la femme. Elle fait de l’homme le maître de sa
femme, il lui donne le droit de battre celle-ci, de la conduire sur le droit chemin de
Dieu. « Les lois et pratiques (…) religieuses demeurent encore les références pour la majorité
de la population. Ainsi, les rôles et responsabilités des hommes et des femmes dans les
sociétés qui sont d’avance fixés par la culture traditionnelle, et renforcés par certaines
croyances religieuses, sont utilisés pour expliquer et légitimer les inégalités et disparités
existantes entre les hommes et les femmes qualifiées par certains de normales, naturelles
voire divines.»51
Nous avons mis les hommes devant parce qu’ils sont plus courageux. Nous sommes
nées trouver que c’est l’homme qui passe avant la femme parce qu’elle est une peureuse. De
plus, nous sommes en majorité analphabètes ». Ce manque de confiance des femmes en leurs
capacités de pouvoir assumer des tâches de responsabilité limite également leur rôle dans le
processus de décentralisation.
51
Décret N°2009-672/PM/MEF/MPF portant adoption du document de document de politique
nationale genre, juillet 2009, p27.
83
D’autres soulignent « le statut du chef de famille » mais également le statut de
prétendue « étrangère » de la femme qui font que la femme seconde l’homme. Un autre
facteur expliquant la position de seconde zone de la femme est son statut de mineure comme
le montre ici une femme (Np) : « Les hommes pensent que si la femme prend un poste de
responsabilité, elle ne respectera plus l’homme ou bien que le travail ne réussira pas. Les
hommes font de la politique pour nous écarter.»
En dépit des nombreuses résistances, la représentativité des femmes dans les instances
de décisions villageoises dans la commune rurale de Kougny s’est nettement améliorée grâce
aux mesures prises en faveur des femmes. Il ya amélioration parce qu’elles sont de plus en
plus présentes dans les bureaux des associations ou groupements mixtes. Les résistances à une
plus grande amélioration de la condition sociale et politique des femmes de la commune sont
entre autres l’image de la femme vue par elle-même et vue par le reste de la société.
L’attitude des hommes qui considèrent la femme comme leur « propriété privée » et surtout
les considérations religieuses principalement islamiques occupent une place importante à une
amélioration positive de la condition féminine dans la commune. A cela s’ajoute leur faible
niveau d’instruction.
1.3. Le positionnement des femmes sur les listes électorales aux élections
municipales de 2006.
Le positionnement des femmes sur les listes électorales des partis politiques aux
élections municipales de 2006 a tenu compte de l’égalité de genre hommes et femmes. Toutes
les listes électorales comportaient le même nombre d’hommes et de femmes. Ainsi, un
conseiller affirme que : « Sur chaque liste de partis politiques il y avait quatre candidats dont
deux hommes : un titulaire et l’autre suppléant, et deux femmes : une titulaire et l’autre
suppléante. La finalité était de choisir deux conseillers par village ». Mais il n’a pas permis
d’avoir un nombre égal de conseillers et de conseillères du fait de la préséance de l’homme
sur la femme. La préséance de l’homme sur la femme est illustrée par les travaux de JACOB
Jean Pierre (op.cit.13-14) dans les provinces des Balé : « Dans le choix des candidats
municipaux, l’homme a préséance sur la femme ». Comme le montre également ILBOUDO
Monique (op.cit. 21-23), les femmes sont rarement en tête de listes, et ont par conséquent peu
84
de chance d’être élues. Aucune femme n’a été tête de liste même madame le maire, ce qui
explique que la commune se retrouve avec 14 hommes contre 6 femmes élues en 2006. Cette
faible représentativité des femmes et bien d’autres facteurs jouent nécessairement sur leur
dynamisme même si un grand nombre n’est pas synonyme d’efficacité.
Dans la commune, les vingt (20) conseillers sont issus de trois formations ou partis
politiques à savoir le CDP, l’ADF/RDA et le parti Yelmani. Sur les 20 élus locaux, on
dénombrait 16 du CDP dont le maire et ses deux adjoints, 3 de l’ADF et 1 de Yelmani.
Quels ont été les critères de choix des candidats ? Le choix des différents candidats a
été fait lors d’une assemblée générale du village à laquelle toutes les couches sociales étaient
présentes. A titre d’illustration, une conseillère affirme que : « C’est la population qui nous a
désignés comme candidats. Il n’ya pas eu de dépôt de candidature venant d’un choix
personnel. On te choisi selon ton caractère ». Le critère de choix n’est pas forcement lié à la
fonction du candidat. Seuls deux conseillers sont des travailleurs résidants dans la ville de
Ouagadougou contre 18 (rappelons un décès) qui sont tous des paysans résidants dans la
commune. Cela n’a pas été le cas dans le choix des candidats aux élections municipales de
2006 dans la commune de Boromo. Les résultats des travaux de JACOB Jean Pierre
(2006) montrent que les candidats dans cette commune ont été choisis parmi« les gens qui
travaillent », c'est-à-dire les ressortissants qui ont un métier stable en ville et qui ont de bons
résultats avec les structures du parti, ont préséance sur les résidants. De plus, les résultats de
nos entretiens montrent que les femmes candidates n’ont ni été choisies par les cadres locaux
du parti, n’ont ni un minimum de niveau scolaire. On note trois (3) conseillères instruites et
trois(3) analphabètes. Par contre dans la commune de Boromo, les femmes candidates ont été
choisies par les hommes, cadres locaux du parti, parmi celles qui ont un minimum de niveau
scolaire affirme le même auteur précité.
Cependant, dans tous les villages de la commune rurale de Kougny, les candidats
n’ont pas été choisis par l’assemblée villageoise. « C’est le cas des conseillers du village de
Sèbèrè qui ont déposé leurs candidatures sans aucune concertation avec la population. Ils
sont tous de la même famille (frère et sœur utérins) et issus de deux partis politiques à savoir
le CDP et l’ADF/RDA ».
Les femmes avaient 100% de chance d’être élues si leur parti respectif remportait les
deux sièges. Le premier siège revenait à l’homme et le second à la femme, ou un pourcentage
nul de ne pas être élues si leur parti remportait un siège. Les villages où on enregistre des
85
conseillères sont le village de Goin, de Gouri, de Kougny, de Sèbèrè, de Niaré et de Tiouma.
S’agissant du positionnement des candidats selon leur profession, il ressort que les têtes de
listes sont des paysans et non des « petits salariés » comme ce fut le cas dans les villages de
la commune Urbaine de Boromo où les travaux de JACOB Jean-Pierre (op.cit.13-14)
montrent que « les candidats têtes de listes sont des petits salariés (instituteurs, petits
fonctionnaires, cadres techniques, journalistes…), ressortissants de la zone et vivant en
milieu urbain, généralement à la capitale ».
Le positionnement des candidats sur la liste électorale a rencontré des difficultés dans
certaines localités de la commune. Par exemple, dans le village de Gounian, la première liste
des candidats a été remise en cause, liée à un conflit de génération. En effet, selon une
enquêté (Np), « le titulaire était un jeune de 25 ans (actuellement décédé) et le suppléant un
homme âgé d’une cinquantaine d’année. Mais, cet ordre a été inversé lors des dépôts des
candidatures à Toma par l’actuel conseiller en vie». L’entretien avec le dit conseiller nous a
permis de comprendre les motifs de ce nouveau classement. Ainsi, il affirme ceci : « J’étais
2ème sur la liste au départ et le titulaire était âgé de 25 ans. Arriver à Toma, on a changé le
positionnement. Je suis devenu le titulaire car pour devenir conseiller, il faut « être mûr ». Il
confond l’âge et la maturité qui ne sont pas forcement liés. Une question se pose alors : quelle
serait donc la place de la jeunesse dans la nouvelle forme de gouvernance politique si l’âge est
confondu à la maturité de l’individu ? Peut-on parler d’une marginalisation des jeunes comme
ce fut le cas des femmes ? Que dirais-je d’une loi de quota pour les jeunes ?
52
Cette loi vise à promouvoir l’égalité des sexes, à améliorer l’émancipation de la femme dans
la société, à stimuler la participation féminine à la vie politique nationale et à la gestion des
affaires publiques tant au plan national que local. Elle contribue donc à lutter contre les
discriminations des femmes, leur exclusion sociale dans l’espace publique, dans les instances
de décisions considérées pendant longtemps comme l’univers des hommes par excellence.
86
Seuls 19,23% affirment avoir connaissance de cette loi contre 80,77% qui l’ignorent
totalement. De plus, 86,66% des personnes enquêtées pensent qu’elle peut améliorer la
situation sociopolitique de la femme tandis que 23,34% pensent le contraire.
D’autres défenseurs de cette loi bien qu’ils méconnaissent son existence, sont
optimistes sur ses effets positifs. Ils expliquent sa méconnaissance soit par le manque
d’information, soit par l’analphabétisme ou même l’indisponibilité du texte. Parmi eux on
retrouve même des individus du niveau secondaire. De l’avis d’une présidente d’une
87
association féminine affirmant ignorer la loi de quota genre, mais pense qu’elle peut
améliorer la situation de la femme car « seules les femmes connaissent mieux leurs conditions
de vie et sont mieux placées pour évoquer leurs problèmes si elles sont représentées ». Ce
type de représentation est illustré par ROUAMBA Claudine Valérie53 l’évoquant en termes
de « représentation symbolique » appelée encore «microcosmique », ou la représentante
partage certaines caractéristiques des personnes représentées. Un intervenant souligne que,
« ces représentantes défendront la cause féminine et informeront les autres des décisions
prises en faveur des femmes. Leur présence peut réduire la peur chez les femmes. Elle aura
comme conséquence, l’amélioration de la situation sociopolitique des femmes dans la
commune ». C’est dans ce sens que Pitkin cité par ROUAMBA Claudine Valérie (op.cit.105)
qualifie de représentation par les «conduites (Acting for) » où la représentante ou le
représentant exprime des opinions et pose des actions favorables aux intérêts d’un groupe.
Les opinions de la loi de quota genre sur la représentation des femmes ne fait pas
l’unanimité. On note parmi eux des détracteurs : ceux qui sont contre et pessimistes sur ses
effets positifs.
53
ROUAMBA (Claudine Valérie), 2010, démocratie masculine, contestation féminine à partir
des marges : Les enjeux du quota au sein du parlement burkinabé, p105.
88
voulez-vous qu’elle puisse jouer pleinement son rôle ? Il serait judicieux d’aller au fur et à
mesure pour les sensibiliser d’abord. Cette politique peut être contre productive pour les
partis politiques car ils ont un objectif à atteindre qui est la conquête du pouvoir. Par
conséquent, ils ont besoin de la compétence ». Les critiques à l’égard du quota dénoncent
également son caractère « alibis », affirmant que les « compétences individuelles » (…)
devraient être à l’origine du choix plutôt que le besoin de garantir une représentation d’un
certain nombre de femmes au parlement ou au conseil municipal. Ces critiques sont illustrées
par la pensé de Bailey cité par NANA Firmin (op.cit. 54). Ce dernier évoque comme critère
de sélection des candidats les « compétences politiques » à travers la maîtrise des « règles du
jeu politique ». Pour lui, les partis politiques ont pour objectif la conquête du pouvoir tout
comme sa gestion, qui nécessitent des compétences politiques. Un autre enquêté (Np) de
l’administration communale, évoque les mêmes préoccupations que le précédent : « J’ai
entendu parler. Il s’agit de 30% de femmes, mais je n’ai pas encore lu le texte ». Sur la
question de son influence aux élections à venir, il a répondu c’est « difficile ». Il voit dans ce
changement qui se veut social et politique, chose qui ne se décrète pas, il se façonne au cœur
du processus d’expérimentation. Or par essence, l’expérimentation implique l’incertitude sur
les issus. Elle suppose aussi la souffrance et force à accepter l’échec et ses conséquences.
C’est ainsi qu’il préconise d’abord l’apprentissage des femmes à leur rôle politique : « La
politique, c’est se rapprocher de la population, les écouter afin d’être élu. Il est difficile que
les femmes soient votées car elles sont réticentes à mettre la main dans la poche. De plus,
elles ne sortent pas en public pour se faire connaitre. Cette situation fera qu’elles ne seront
pas élues même si leurs noms figurent sur les listes de candidatures ». L’enquêté ne perçoit
donc pas que ce quota puisse contribuer à réduire l’écart entre le nombre de femmes et
d’hommes représentés sur la scène politique. L’analyse de son discours nous indique que « le
changement chez les autres autour de soi ne viendra que s’il est déjà en marche chez soi et en
soi ». Les résistances sont donc d’ordre socioculturel (mentalités, comportements…). Il
ressort qu’un travail de terrain fondé sur la sensibilisation de la population est nécessaire,
susciter l’intérêt des femmes à s’investir en politique afin d’accueillir des compétences qui
sont les critères fondamentaux dans le choix des candidats sur les listes électorales des
formations et partis politiques.
Cependant, certains enquêtés non seulement ignorent la loi, mais sont aussi
pessimistes quant à ses effets positifs sur la représentation des femmes dans les instances de
décision et s’opposent même à l’idée d’une « co-présence » hommes-femmes dans une même
89
instance de décision. Ainsi, pour cet homme fils d’un imam : « J’ignore la loi de quota genre.
Même si elle existe, elle n’aura pas d’effets positifs sur la représentation des femmes dans les
instances de décisions car mettre l’homme et la femme ensemble, c’est difficile. Ils n’ont pas
les mêmes manières de prendre les décisions ». Leurs points de vue renforcent donc la
conclusion des auteurs qui se sont penchés sur la question de l’instauration des quotas au sein
des parlements qui ont conclu que l’adoption de règlements ne suffisait pas. Ils justifient cela
par les résistances à l’application interne des quotas laissant supposer qu’un système de
discrimination positive est loin d’être suffisant pour assurer une amélioration de la présence
des femmes aux postes de pouvoir. C’est à effet que, ROUAMBA Claudine Valérie
(op.cit.111) propose d’« aller au-delà des chiffres »
D’autres hommes approuvent une telle loi mais à condition que le nombre de femmes
ne soit pas important dans les instances de décision parce que les sphères de décision ont
besoin de la compétence et des personnes courageuses.
Si cette initiative (la loi de quota genre) mérite une attention particulière, il ya lieu de
préciser que plus qu’une question de loi, le problème de la représentation des femmes dans les
instances de décisions est une question des « mœurs ».
90
comportements permettant aux femmes de participer et d’être représentées ne peut venir que
de l’instruction. C’est de ce point de vue qu’un enquêté (Np) affirme que : « Je suis prêt à
accompagner ma femme pour le poste de conseillère mais à condition qu’elle sache lire et
écrire. Nous ne permettrons pas à un illettré de gouverner notre village. Il faut être instruit
pour pouvoir s’exprimer lors des rencontres et pouvoir rendre compte à la communauté. »
Des cadres de concertations animés par des animateurs dans le but d’amener les hommes à
accorder une place importante aux femmes et aussi de leur permettre d’avoir confiance en
elles sont également recommandés.
Pour certains enquêtés, les femmes doivent manifester leur intérêt pour la politique.
Elles doivent s’investir aussi bien physiquement que financièrement. Ainsi, selon un
responsable (Np) :« Les femmes doivent d’abord s’intéresser à la politique en s’approchant
de la population. L’investissement en politique est une « chose bête » dont l’issue est
incertaine, ce qui fait que les femmes préfèrent investir en famille (s’occuper de ses parents)
que de financer des activités politiques ».
Les femmes doivent suivre des formations. A ce propos, un enquêté souligne la nature
de ses formations afin de permettre une participation massive des femmes : « Il faut que ces
formations aient de l’intérêt aux yeux des femmes pour qu’elles puissent se sacrifier à leurs
nouvelles tâches qu’on vient de les confier ». Les voyages d’études, la recherche de
l’information par les femmes sont ainsi ajoutés.
91
Conclusion
L’étude du rôle politique de la femme dans le cadre du processus de décentralisation
dans la commune rurale de Kougny, nous a permis de cerner l’efficacité des élues locales
grâce aux données collectées empiriquement.
Les femmes occupent des postes stratégiques au sein du conseil municipal. Quant au
rôle de conseillère dans l’animation du développement local, il est faiblement connu par
l’ensemble de la population locale de la commune y comprises les conseillères elles-mêmes.
Dans le cadre du renforcement des capacités des élues locales, des formations ont été initiées,
ce qui leur ont permis de réaliser un certains nombre d’actions sur le plan sociopolitique et
économique. Les données révèlent la participation régulière des conseillères aux sessions
ordinaires du conseil municipal à l’exception d’une élue éternellement absente aux dites
sessions. Ces actions bien qu’étant limitées par des contraintes d’ordre socioculturel,
économique et psychologique sont jugées satisfaisantes par les enquêtés.
Les informations recueillies sur les effets des mesures prises en faveur des femmes,
révèlent que ses mesures ont eu d’incidence positive sur la situation sociopolitique des
femmes dans la commune. On reconnaît tout de même que les effets de ses mesures sont
limités parce que des contraintes existent à divers niveaux. S’agissant du positionnement des
candidats sur les listes électorales des élections municipales de 2006, les femmes n’étaient pas
en position d’éligibilité. Par rapport à la connaissance et opinions sur la loi de quota genre,
l’analyse des données montre une très faible connaissance de cette loi tout sexe confondu. Les
opinions sur son application et ses effets positifs sur la participation et représentation des
femmes dans les instances de décisions locale et nationale divisent nos enquêtés en deux
tendances à savoir les partisans et optimistes sur les effets positifs de cette loi. A côté de cette
catégorie de personnes, coexiste les détracteurs et pessimistes des effets positifs de la dite loi.
92
Le croisement des données produites sur le terrain et analysées nous a permis
d’atteindre nos objectifs que nous nous sommes fixés. Au-delà des objectifs, les informations
analysées nous révèlent des faits qui peuvent être qualifiés de surprenants. Premièrement,
c’est l’occupation de la commission économique et financière par une femme choisie par
l’ensemble des conseillers. A cela, s’ajoute, le choix d’une femme comme maire au détriment
d’un homme tous ayant un niveau supérieur. Les hommes se prêtent donc au changement s’ils
le comprennent et s’ils sont impliqués. C’est dire que les représentations sociales des hommes
vis-à-vis des femmes et vis-à-vis de la société en générale ne sont pas immuables. De même
que les croyances religieuses et traditionnelles ne sont pas données pour toujours. Le fait
parlant dans ces croyances surtout islamiques ne réside pas dans leur contenu mais réside
plutôt dans leurs interprétations. Elles peuvent donc changer et se naturaliser avec les idées
nouvelles. C’est sous une approche dynamique qu’il faudra orienter la problématique du rôle
politique de la femme plutôt que de vouloir faire table rase des croyances existantes. Dans
cette nouvelle approche du phénomène, l’homme et la femme doivent être mis au centre.
Cette étude révèle donc que seule l’implication de tous et de toutes dans la stratégie de
participation et de représentation des femmes dans le domaine politique est pertinente.
D’un point de vue comparatif, les résultats observés confirment les résultats attendus
dans la mesure où nos hypothèses secondaires sont confirmées. Ainsi, le niveau de
compréhension de la décentralisation par les femmes limite leur participation à la vie
politique dans la commune. Les contraintes socioculturelles influencent négativement les
actions des femmes élues de la commune rurale de Kougny. Enfin, la méconnaissance des
textes par les femmes, voire leur rejet par certains hommes limite les effets des mesures prises
en faveur des femmes sur leur situation sociopolitique dans le cadre du processus de
décentralisation. On en déduit donc la confirmation de notre hypothèse principale à savoir que
la réussite du processus de décentralisation est fonction du rôle politique de la femme.
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